Effondrement de l’Éducation, immigration à jets continus, dette abyssale, cacophonie politique… Beaucoup pensent que la France est foutue et cherchent des coupables. Mais la plupart des crises que nous traversons sont une coproduction gouvernants-gouvernés. Pour avoir une chance de redresser le pays, les Français doivent arrêter de se victimiser et de compter sur l’État-providence.
À qui la faute – les riches, les boomers, les immigrés, les islamo-gauchistes, les technos, l’extrême droite, les fumeurs de joint, les trompettistes ? La quête obsessionnelle de coupables est le symptôme le plus déprimant du malheur français. Face à des difficultés qui paraissent insolubles, on dresse un pilori en place publique et on danse la carmagnole. En dépit de leurs innombrables disputes, une majorité de Français s’accorde au moins à éprouver le même sentiment vertigineux de dégringolade nationale. Certes, le malheur public peut, et heureusement, coexister avec le bonheur privé. Toutefois, si nous sommes presque les champions du monde de la consommation d’antidépresseurs, cela n’est sans doute pas sans rapport avec notre incapacité à penser un avenir collectif. L’animal social ne vit pas seulement de l’amour des siens.
De De Gaulle à Delogu
Sommes-nous foutus ? À la différence d’Éric Naulleau, dont la religion est faite (voir son manifeste foutuiste dans notre grand dossier), nous n’avons pas de réponse claire à la question qui taraude les bistrots, les dîners en ville et les salles de rédaction. Mais nombre de nos concitoyens en sont convaincus, notamment les jeunes diplômés qui vont voir ailleurs.
Contrairement à ce que pensent la plupart des observateurs, la pagaille politique n’est pas la cause mais la conséquence de toutes les autres. C’est notre société fatiguée et éparpillée façon puzzle qui a accouché de cette assemblée ingouvernable et d’élites politiques parfois infréquentables : de de Gaulle à Delogu, on n’a pas baissé de niveau, on a changé de monde. Le reste est à l’avenant. Où que se tourne le regard, comme dirait l’ami Goldnadel, il ne voit que faillites, débâcles et processus que plus personne ne maîtrise. Éducation, immigration, islamisation, économie, dette : tout est à reconstruire.
Commençons par l’École, mère de toutes nos défaites. À l’exception des technos de l’Éducation nationale conservés dans le formol idéologique depuis les années 1970, plus personne ne peut ignorer une destruction dont les conséquences se mesurent désormais dans la population adulte – y compris celle des professeurs. Les ravages de la bienveillance, disséqués par Matthieu Grimpret (dont Jonathan Siksou recense le livre dans nos colonnes), sont tels que, selon une étude de l’OCDE, 28 % des Français éprouvent de grandes difficultés à maîtriser un texte simple.
Viennent ensuite – quoiqu’au moins à égalité dans la gravité – l’immigration et le changement démographique qui saute aux yeux de tout étranger arrivant à Paris après dix ans d’absence. La France n’est plus un pays multiethnique, mais une nation multiculturelle, où comme chez McDo, chacun vient comme il est. Les nouveaux arrivants qui débarquent à jets continus s’ajoutant aux millions de descendants d’immigrés qui n’ont pas tous adopté les mœurs de leur pays d’adoption, les zones de non-France ne cessent de s’étendre. Autrement dit, on se rapproche du point de rupture où les populations autochtones deviendront minoritaires. Nicolas Pouvreau-Monti, qui analyse les données factuelles dans notre numéro ne se risque pas à dire quand ce point de rupture sera atteint. Mais sauf virage à 180 degrés de notre politique migratoire, il le sera.
Inutile de s’étendre sur le front économique et financier, si ce n’est pour rappeler deux chiffres : à la chute du mur de Berlin, la richesse produite par habitant en France égalait 80 % de celle des États-Unis et l’endettement de l’État s’élevait à 35 % du PIB. Aujourd’hui nous sommes tombés à 65 % du PIB américain par tête et avons dépassé les 110 % de dette publique. Alain Minc a raison de dire que le risque d’une tutelle de la BCE n’est pas une fake news, n’en déplaise aux économistes pikettiens qui dominent l’université et les médias.
Les emmerdes, ça vole toujours en escadrille
La plupart de ces catastrophes sont cumulatives: les professeurs formés dans une école au rabais sont de moins en moins capables d’instruire ; plus il y a d’immigrés, moins ils ont besoin de s’intégrer ; il faut emprunter pour payer les intérêts de la dette ; et moins on fait d’enfants, moins il y aura de parents à la génération suivante. Autant de raisons de penser que la décadence est irréversible. Après tout, si les civilisations sont mortelles, peut-être faut-il accepter que la nôtre a commencé son agonie. Pourtant, quelque chose en nous se refuse encore à disparaître. La ferveur de tout le pays lorsque les cloches de Notre-Dame ont à nouveau retenti dans le ciel de Paris, ce n’était pas du chiqué. La France défilant pour Charlie non plus.
La condition du sursaut, en supposant qu’il puisse avoir lieu, c’est de comprendre ce qui nous arrive, et qui tient largement à un cocktail très français d’irresponsabilité et de déni. En se libérant de la légende gaullienne, certes géniale et flamboyante, d’une France victorieuse en 1945 sur laquelle revient Franz-Olivier Giesbert, observateur acéré du théâtre politique (votre notre entretien pages p 52-57 de notre numéro). Et en s’émancipant des mots d’ordre bidon imposés par les élites – l’immigration est une chance pour la France – ou entonnés par le populo – il suffit de faire payer les riches pour conserver le modèle social que le monde nous envie.
Cependant, au pays de l’Etat omnipotent, les commandes au Père Noël ne sont pas toutes exaucées. Si en matière économique et sociale, le pouvoir a, depuis trente ans, cédé presque toujours aux caprices des Français – quand le réel commandait de résister –, il s’est avec constance refusé, avec le plus grand zèle, à écouter les demandes régaliennes et identitaires majoritaires – que le réel aurait dû lui imposer.
En attendant, la plupart de nos concitoyens s’estiment les victimes innocentes de dirigeants incompétents et moralement défaillants alors que vous-et-moi sommes irréprochables. D’où les cris et indignations quand François Bayrou a affirmé que nous étions tous responsables de la dette. C’est pas nous ! C’est le train de vie de l’État ! Certes, mais le train de vie de l’État, ce n’est pas la cave de l’Elysée, c’est ta cousine qui a un job à la communauté de communes, ton père qui est à la retraite depuis trente-deux ans. Nous voyons l’État comme un oncle Picsou à qui il faut arracher son magot. Sauf que l’oncle Picsou, c’est l’autre, qui doit payer donc trimer plus pour que nous puissions jouir de nos droits.
Les bons psychanalystes le savent, personne ne reprend la main sur sa vie en pleurnichant parce que papa et maman lui ont fait tellement de mal. Ce sont les Français qui ont élu avec constance des gouvernants immigrationnistes, européistes et dépensiers. Si nous voulons guérir, il nous faut encaisser un choc de réalité et admettre que la plupart des crises françaises sont une coproduction gouvernants-gouvernés. La bonne nouvelle, c’est que si nous avons participé au désastre, nous pouvons contribuer au redressement.





