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Un nouvel «Hamlet–Machine»?

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Qui se souvient encore de Hamlet-Machine, cette brève pièce du dramaturge allemand Heiner Müller (1929-1995), montée à l’époque en France de façon audacieuse par le regretté duo Jourdheuil & Peyret… Alors, Un Hamlet-Machine d’un nouveau style en 2025, sous les auspices de Kirill Serebrennikov ? On est déjà depuis deux heures en compagnie de Hamlet, ou plutôt de ses spectres, lorsqu’après l’entracte le rideau se lève une nouvelle fois sur ce même salon lambrissé, d’un blanc éteint, au plafond éventré, aux hautes croisées ouvertes dont les vitres salies laissent filtrer une lumière pâlie. Au fond, une cheminée de marbre, son trumeau découvrant bientôt un miroir écaillé, un piano à queue dans un coin, et puis quelques mauvaises chaises, plus tard, en désordre…

Voilà que le grand lustre central est descendu à terre. La seconde partie s’ouvre sur la virtuose chorégraphie d’un danseur encapuchonné de noir (le Tchèque Kristian Mensa), lequel dénude sa sublime, éphébique académie, sur fond de musique percussive : sixième des dix tableaux composant cet Hamlet/Fantômes, nouvelle création très attendue du cinéaste, auteur et metteur en scène russe Kirill Serebrennikov, désormais exilé à Berlin comme chacun sait, et dont le dernier film, La disparition de Josef Mengele, sort en France dans une quinzaine de jours. Les amateurs de lyrique connaissent évidemment fort bien Serebrennikov (cf. son Lohengrin, il y a deux ans à l’Opéra-Bastille), tout comme les férus de théâtre (cf. Le Moine noir, de Tchekhov, monté à Avignon en 2022).

Pour l’heure, l’ambition de cet Hamlet/fantôme n’est pas d’ajouter une pierre supplémentaire aux innombrables mises en scène qui, dans toutes les traductions possibles, raniment partout dans le monde, depuis des siècles, le chef d’œuvre shakespearien d’entre les chefs d’œuvre. Mais de projeter sur nous l’ombre portée d’Hamlet dans ses représentations imaginaires, en tant que mythe essentiel de la culture occidentale. Ce à travers un spectacle « total », polyglotte (les acteurs et chanteurs s’expriment tour à tour en français, en russe, en anglais), associant création musicale (composition de Blaise Ubaldini, solistes de L’Ensemble intercontemporain dans la fosse, chœur Ensemble La Marquise), chant et paroles (le texte est de Serebrennikov lui-même).

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Au prisme du prince danois est envisagée tour à tour la relation au Père, à l’Amour, à la Peur, à la Violence… Fantôme drainant les figures de son propre fantôme, de la Reine, de la Mort, et de toutes les « Hamlets » (sic) possibles, jusqu’à celle du Silence où il disparaît – ultime tableau, de toute beauté, comme le pianissimo d’une symphonie : il s’achève ici sur un sonnet de Shakespeare, chanté par Odin Lund Biron (l’acteur américain, on s’en souvient, assumait le rôle du compositeur, en 2022 dans le film de Serebrennikov La femme de Tchaïkovki).

Soit donc une multitude de situations qui, dans une explosion de bruit et de fureur, convoquent non seulement les personnages de la pièce, mais aussi les incarnations de la quête « hamlétienne » telle qu’elle a pu circuler d’ Antonin Artaud à Sarah Bernhardt, en passant par Dimitri Chostakovitch (campé par Filipp Avdeev) ou dans la vision d’un metteur en scène comme le Polonais Jerzy Grotowski (1933-1999).

Odin Lund Biron et Kristian Mensa dans « Hamlet-Fantomes » © Vahid Amanpour Theatre-du-Chatelet

Foisonnante, déconcertante parfois dans ses excès de grandiloquence, et dans la crudité, la trivialité (concertée !), voire les truismes (concertés, eux ?) du livret, cette geste ambitieuse (dont le narrateur, Hamlet enfant crucifié par le doute, prend les traits de l’extraordinaire acteur qu’est August Diehl) paraît quelque peu intimidante, il faut le reconnaître, jusqu’au soulagement bienvenu de la demi-heure d’entracte. Mais c’est précisément dans sa seconde partie –  moitié plus courte – que le spectacle prend son essor, et s’allège pour ainsi dire, porté par la stupéfiante beauté plastique des cinq derniers tableaux. En particulier le septième, où la comédienne Judith Chemla, rousse Ophélie telle qu’immortalisée par l’unijambiste Sarah Bernhardt (comme le souligne, projeté en font de scène, un incunable cinématographique), revêt alternativement une silhouette mâle et femelle, jouant sur le simple profil des perruques et des costumes. Dans le huitième tableau, le glabre slave blond aux prunelles d’azur Nikita Kukushkin, complice de longue date de Serebrennikov, livre une performance physique éblouissante. Titré « Hamlet et les Hamlets » et curieusement annoncé dans le programme « avec la collaboration de ChatGPT », l’avant dernier tableau fixe une étonnante chorégraphie de mobiles, tenus en main par la troupe réunie, dans un ensemble parfait et sous un éclairage hallucinant. Autant dire que la machine fonctionne.

À noter que le public, au soir de la première, n’était pas du tout celui qu’on voit traditionnellement à l’opéra. Beaucoup plus jeune, et plutôt « faune branchée » que « tribu bourgeoise ». Est-ce ou n’est-ce pas un signe ? Telle est la question.


Hamlet/Fantômes, d’après William Shakespeare. Mise en scène, texte, scénographie, costumes : Kirill Serebrennikov. Durée : 3h Théâtre du Châtelet, Paris. Jusqu’au 19 octobre.   

Ce matin, le ciel d’Israël s’est ouvert

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Libération des otages: les Israéliens attendent encore de voir pour y croire vraiment.


« Je suis très fier d’annoncer qu’Israël et le Hamas ont tous deux approuvé la première phase de notre plan de paix » a écrit le président Donald Trump sur TruthSocial. Deux ans après le début de la guerre, un accord de cessez-le-feu a finalement été trouvé tôt ce jeudi matin. Sa première phase annonce la libération des otages dès lundi contre près de deux mille prisonniers palestiniens • La rédaction

Ce matin, le réveil n’a pas la même couleur que les autres jours. Dans nos têtes encore habitées par les nouvelles de la veille, l’écho de l’espoir se fait encore entendre.

Hier soir, alors que nous célébrions la fête de Souccot, symbolisée par la construction de cabanes, qui fleurissent partout dans le pays et qui invitent, par leur simplicité, le peuple juif à revenir à son essentiel, à quitter toute forme d’égo pour se laisser porter par les aléas du destin, en se soumettant aux lois de la nature, la flamme de l’espoir s’est rallumée. Les téléphones ont crépité de nouvelles venant de loin. La poignée de main entre Donald Trump et Benyamin Netanyahou, entourée de nombreux pays arabo-musulmans, dont certains avaient rompu leurs relations avec Israël, en est devenue l’emblème.

Hier soir, entre deux conversations, nos cœurs étaient en prise avec une contradiction devenue notre quotidien : celle d’une envie irrépressible d’y croire, de penser que cet accord, un accord historique, conclu par l’intermédiaire des Etats-Unis entre Israël et le Hamas, était la bon, le final, et une méfiance, une peur que tout soit défait les jours suivants. A peine deux jours après la commémoration du deuxième anniversaire du 7-Octobre, alors que la tristesse nous avait à nouveau envahis, nous replongeant dans les sensations, les témoignages des survivants, nos émotions sont ballotées d’un extrême à l’autre. Les médias officiels israéliens confirment la nouvelle, relayés par les médias internationaux et comme toujours en Israël, les réactions sont multiples : certains sabrent sur le champ le champagne, tandis que les autres sont réservés, disant qu’ils n’y croiront réellement qu’au moment où les familles pourront serrer leurs proches dans leurs bras, après deux ans d’usure et d’obscurité.

Ces deux années nous ont appris la retenue. Nous avons développé une capacité hors norme pour vivre en apnée, car comment respirer en profondeur quand, loin des villes, la guerre dure et que la souffrance, lorsqu’on veut la voir, est partout ?

En deux ans, nous avons nourri une multitude d’espoirs qui, presque instantanément, se sont effrités au contact du réel. Alors, à force, nos aspirations d’avenir dans la région se sont faites prudentes, nos illusions de paix sont devenues caduques, nos élans humanistes se sont bridés naturellement par la réalité du terrain.

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Et pourtant, hier soir, assis dans les cabanes, au contact de la terre, de la simplicité de partager un repas entre personnes vivant la même réalité, c’était différent. Véritablement entrés dans l’esprit de Souccot, apprenant peu à peu à lâcher-prise, notre fatigue du cœur s’est laissée emporter par le flot des notifications. Les nouvelles tombaient comme une pluie fine de miracles et se concluaient toutes par cette phrase aux intonations magiques « les otages rentreront chez eux sous quelques jours ». Cela paraissait trop beau pour être réel.

Ce matin, au réveil, les nouvelles de la veille ne sont toujours pas démenties. Plus grand encore, une pluie délicate, inattendue pour la saison, tombe. Une pluie fine, presque timide, silencieuse, s’invitant sans fracas dans nos jardins, trempant nos cabanes faites de feuilles, de tiges de fer et de tissus légers.

Elle semble venue apporter, à sa manière, une confirmation aux nouvelles de la veille, l’impossible trouvant son chemin jusqu’à nous. En hébreu, la pluie – gueshem – partage la même racine que lehitgashem, verbe que l’on utilise pour dire qu’un rêve ou un espoir se réalise. Comme si, en tombant sur la terre, la pluie venait incarner ce que nos cœurs attendaient depuis si longtemps : la concrétisation de l’espérance.

De mémoire, je n’avais jamais vu la pluie tomber ainsi, en cette saison qui s’obstine d’ordinaire à ressembler à l’été. Et ce matin, dans le silence suspendu d’un pays qui s’autorise à croire à nouveau, avec l’eau qui coule de toutes parts, une pensée me traverse.

Cela ne fait pas deux ans que nous continuons de croire malgré l’obscurité de la période. Cela fait plusieurs millénaires, et c’est même cette forme singulière d’espérance qui caractérise le destin du peuple juif.

L’espérance qui est la nôtre est à contre-courant de l’ère du temps, elle est déconnectée de la réalité objective, et elle parvient à se frayer un passage entre ce que l’on voit et ce que l’on ignore. C’est une espérance qui ne s’appuie sur rien, mais qui en réalité repose sur tout : sur la certitude que nous vivons notre histoire de la manière la plus pleine et incarnée possible. Sans cette espérance, nous ne pourrions pas continuer. Car ici, espérer n’est pas une posture : c’est une manière de vivre, de voir au-delà de ce qui est visible, et de se tenir debout malgré le vent.

Et peut-être qu’avec la libération des otages, une autre libération aura lieu, celle d’une vérité encore plus fondamentale. Celle que notre combat n’est pas celui que l’on croit, il dépasse nos frontières, il porte en lui l’universel de l’humanité, et s’il est mené ici, avec une intensité presque surnaturelle, il précède un autre combat, qui déjà gronde, au cœur de l’Occident. Un combat pour les valeurs de la vie contre la pulsion de mort, pour la lumière contre l’effacement, et pour des principes qui rendent l’humanité encore humaine.

La démocratie contre la République

Notre collaborateur nous inquiète. Ardent défenseur de l’École, il finit par révoquer, sous prétexte de défendre l’idéal républicain, les bonnes intentions démocratiques qui depuis quarante ans, en plaçant l’élève au centre constructeur de ses propres savoirs et de son ignorance crasse, ont mis en place un vrai égalitarisme de la nullité. C’est mal, c’est très mal.


Bien sûr, si vous êtes allés à Athènes, vous êtes forcément montés sur l’Acropole. Mais peut-être avez-vous fait, en redescendant, un crochet sur la gauche, où s’élève le long rocher plat du Pnyx, qui servait de tribune lors des débats démocratiques de l’Ecclesia, l’assemblée du peuple.

Un coup d’œil vous suffit alors pour comprendre que le peuple, dans la démocratie athénienne, c’était tout au plus 5000 personnes. Et d’après les historiens antiques, on n’est jamais arrivé à ce chiffre. Comptez plus généralement sur 3000 participants / votants. Des hommes (les femmes, les esclaves, les métèques et les Grecs d’autres cités n’étaient pas admis à voter), et quelques élus.

Ce fut cela, à l’origine, la démocratie — le « gouvernement du peuple ». Quelques milliers de votants. Des décisions prises à main levée — parce que chacun avait le courage de ses opinions.

Les républicains de 1789, imbus d’idées « grecques », ont réalisé le même système en 1793, en instaurant le tribunal révolutionnaire.

Lorsque Platon écrit La République, il a déjà perçu — sans média modernes, sans commentateurs bavards, sans débats interminables pour ne rien dire — que la démocratie engendre la démagogie, qui engendre la tyrannie. C’est dans ce livre que l’on trouve ce passage maintes fois cité pour éclairer les déviations pédagogiques et politiques contemporaines :
« Lorsque les pères s’habituent à laisser faire les enfants, lorsque les fils ne tiennent plus compte de leurs paroles, lorsque les maîtres tremblent devant leurs élèves et préfèrent les flatter, lorsque finalement les jeunes méprisent les lois parce qu’ils ne reconnaissent plus au-dessus d’eux l’autorité de rien ni de personne, alors c’est là, en toute beauté et en toute jeunesse, le début de la tyrannie. »

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Comme dit Rousseau, La République est « le plus beau traité d’éducation qu’on ait jamais fait »… Les pédadémagogues qui ont contribué à anéantir l’Ecole de la République, et qui chantent les louanges du philosophe de Genève, l’ont-ils seulement lu ? Najat Vallaud-Belkacem a-t-elle lu Platon — ou Rousseau ?

Toute démocratie qui dégénère s’inscrit contre la République. Et dans les époques où les décisions du peuple sont niées (rappelez-vous ce que le parlement et les politiques, en France, ont fait du vote des Français sur la Constitution européenne en 2004…), c’est une tyrannie de fait qui s’établit.

Un autre exemple ? L’histrion narcissique qui occupe l’Élysée se targue d’avoir été élu — et de fait, il l’a été, ce qui donne une idée de la valeur d’une élection « démocratique ». Mais quelle légitimité réelle a-t-il encore ? Une vraie République le renverserait demain.

« Ô temps de la tyrannie démocratique », s’exclamait Apollinaire (dans Orphée, en 1917). Ce qui apparaît à première vue comme une contradiction dans les termes est en fait un rigoureux pléonasme : le vote de la multitude, manipulée par les médias, les partis, les syndicats, menacée de réchauffement climatoridien, sommée de « bien » voter, ballotée entre les ambitions de personnages crapoteux qui n’ont de grand que leur mépris du peuple, n’a plus aucun sens.

Après la catastrophe de la guerre du Péloponnèse, qui a vu Sparte (une société monarchique bicéphale, comme plus tard les consuls romains) écraser la démocratie athénienne, la ville de Périclès s’est dotée, pour un temps, d’un aréopage de trente tyrans, qui ont eu la sagesse de réserver le croit de vote à leurs seuls partisans — soit 3000 personnes environ. Le temps de ramener l’ordre dans la cité.

Et peut-être est-il temps de ramener l’ordre en France…

«Macron ose tout sauf le courage»

Il a connu tous les présidents depuis quarante ans, chroniqué toutes les crises, déploré tous les renoncements. Mais cette fois-ci, c’est plus grave, assure Franz-Olivier Giesbert. Les Français sont au bord du gouffre et leurs élites – dirigeants tétanisés et médias inconscients compris – regardent ailleurs en se perdant en palabres et combines.


Causeur. Vous êtes écrivain. Comment nommez-vous les malheurs de la France ?

Franz-Olivier Giesbert. De même qu’on parle de « convergence des luttes », je dirais que nous vivons une ère de convergence des crises, avec une accélération de l’affaissement général du pays sur à peu près tous les plans. Ce n’est pas la première fois que la France connaît une situation qui semble désespérée : songeons à la défaite de Sedan en 1870, à la débâcle de 1940 ou à l’impasse algérienne en 1958, qui a permis le retour au pouvoir du général de Gaulle. Chaque fois, le redressement a suivi. Mais aujourd’hui, aucun débouché politique sérieux n’apparaît encore.

Quand vous êtes désavoué, dans la rue et dans les urnes, est-ce si absurde de recourir au peuple comme l’a fait Emmanuel Macron avec la dissolution de 2024 ?

Si Macron, soudain devenu gaullien, avait pris de la hauteur et décidé de donner la parole au peuple, quitte à prendre le risque de laisser le RN gagner, je n’aurais pas été aussi choqué. Mais c’était, hélas, une manœuvre politicienne et Gabriel Attal a, comme Édouard Philippe, cassé le coup du président en bricolant des arrangements électoraux minables entre la Macronie et le NFP (Nouveau Front populaire), LFI comprise. Une alliance contre nature. Face au « danger fasciste », ils ont ressuscité les apparentements qui indignaient tant sous la IVe République. Sans quoi le RN aurait eu toutes les chances de gagner les législatives, comme l’anticipait d’ailleurs Macron.

Voulez-vous dire qu’il a provoqué des élections dans l’idée de nommer Jordan Bardella Premier ministre ?

Je crains que ce ne soit la seule excuse qu’on puisse trouver à la dissolution. En fait, il s’agissait d’une idée aussi stupide que machiavélique qui n’était pas du tout à la hauteur des enjeux : Macron a pensé qu’une cohabitation avec Jordan Bardella lui permettrait de se refaire une santé, sur le modèle des deux cohabitations de Mitterrand. Après avoir refusé de prendre acte de sa défaite aux législatives en 2022, il a cru qu’il redeviendrait populaire en donnant au RN les clés de Matignon pendant trois ans, le temps de le décrédibiliser. Seulement les choses ne se sont pas passées comme prévu. Et le pays est dans une impasse à cause de cette petite combine ratée.

C’est un peu réducteur de faire porter le chapeau au seul Macron, non ?

Vous avez raison, il n’est que le maillon d’une chaîne. Il ne faut donc pas rejeter toute la responsabilité sur lui. Mais vous conviendrez qu’il a rendu la pente du déclin encore plus raide et qu’en plus, il semble se contre-ficher de la situation dans laquelle il a mis le pays. C’est ce mélange de déni et d’inconscience qui est le plus désolant.

Vous avez écrit qu’un homme d’État devait avoir trois qualités : des convictions solides, le sens du sacrifice et un rapport à la transcendance. Le président les a-t-il ?

Non. Les convictions ? Je les cherche toujours. Il leur préfère son fameux et enfantin « en même temps », alibi pour ne pas choisir, donc pour  ne rien faire. Le sens du sacrifice ? Le courage n’est jamais le fort des narcisses. La transcendance ? Il ne sent pas le pays profond, qu’il ne peut donc incarner comme la plupart de ses prédécesseurs.

Vous trouvez que Hollande incarne la France, lui qui rejette un tiers des Français hors de l’arc républicain, autant dire dans les ténèbres ?

Oui, même si ça vous dérange, Hollande est l’une des incarnations de la France sociale-démocrate qui existe encore dans les régions. Quand il tient ce propos lunaire, il fait de la petite popol. Il nous explique, en gros, que Marine Le Pen serait plus dangereuse pour la démocratie que Jean-Luc Mélenchon. La bonne blague ! Il n’y croit pas lui-même, mais il veut que LFI, qu’il place dans l’arc républicain – première nouvelle ! –, se désiste pour le candidat socialiste si celui-ci est arrivé en tête de la gauche au premier tour de la présidentielle.

La politique, est-ce que, comme le reste, ça n’était pas mieux avant ? Nos dirigeants sont les enfants de leur époque : ils se nourrissent plus de réseaux sociaux que de livres. Nous ne savons plus fabriquer de grands hommes.

Ce qui fait la différence entre les gouvernants, ce n’est pas la culture, ni l’intelligence, ni la quantité de diplômes, ni le niveau en anglais, c’est le courage ! Observez des personnages comme Reagan, Thatcher ou Schröder : aucun des trois n’a eu peur d’aller au bout de sa politique et ils ont tous redressé leur pays. Même chose avec de Gaulle ou Churchill qui étaient, il est vrai, des écrivains et des puits de culture. Macron, lui, n’a rien à voir avec tous ces dirigeants. Il n’ose pas affronter les Français sur les sujets qui fâchent. Il leur a fait beaucoup de chèques qui, aujourd’hui, mettent nos finances en danger. C’est le syndrome Louis XV à qui ça n’a pas réussi : il voulait qu’on l’aime !

Mais sur les retraites, n’a-t-il pas justement été courageux ?

Allons, sa réforme des retraites était une réformette, beaucoup de bruit pour rien. La preuve, notre régime de retraite est déjà déficitaire et, au lieu de faire lui-même de la pédagogie, il a préféré envoyer au front la malheureuse Élisabeth Borne, alors sa Première ministre, une caricature de technocrate, pour expliquer aux Français qu’il allait falloir se serrer un peu la ceinture. Pourquoi n’a-t-il pas mouillé lui-même sa chemise ? Où est son courage ?

Il est quand même resté droit dans ses bottes. Contrairement à Alain Juppé, qui a reculé face aux cheminots en 1995.

Vous rigolez ? À l’époque, j’avais écrit dans Le Figaro un éditorial pas sympa pour Chirac et Juppé. Mais pour que la France reprenne le travail, ils n’avaient reculé que sur un point de détail symbolique, en acceptant de laisser en l’état les régimes spéciaux des agents roulants de la SNCF qui pouvaient partir à la retraite à 50 ou 52 ans ! Ce qui est frappant aujourd’hui, c’est l’absence totale de volonté de nos gouvernants qui, comme les vaches, regardent passer les trains. Tous ces énarques qui font de la politique, Macron en tête, ont souvent peur de leur ombre, le trouillomètre à zéro. Il ne faut pas s’étonner que les grands corps de l’État, toujours habitués à dire oui, aient accompagné la politique absurde de « relance par la consommation populaire » en 1981. Ensuite, ils ont laissé sans broncher Macron se comporter en Attila des finances publiques tout en se lavant les mains des 17 milliards de fraudes sociales révélés par la Cour des comptes. À l’inverse, les Français sont prêts à applaudir quand quelqu’un fait preuve de fermeté. Souvenez-vous de l’abaya, un vêtement traditionnel, utilisé par les islamistes pour tester la défense de la laïcité à l’École. Quand Gabriel Attal, alors ministre de l’Éducation nationale, l’a interdit en 2023, tout le monde a baissé son chapeau et sa popularité a bondi dans les sondages.

Vous écrivez que les élites sont des « marchands de sommeil ». Mais s’il y a des dealers, il y a des consommateurs. Et s’il y a bien une chose que nous, Français, achetons, c’est le refus du réel.

Je vous accorde que la lecture du sondage sur la taxe Zucman va dans votre sens, qui montre que plus de 86 % des Français, même les macronistes, plébiscitent cet impôt imbécile qui plomberait ou chasserait nos entreprises. Reste que, dans notre pays, on peut aussi être populaire en tenant un discours de vérité : voyez Raymond Barre ou Michel Rocard.

La passation de pouvoir entre René Coty et Charles de Gaulle, le 23 décembre 1958, marque le début du plan Pinay-Rueff et du redressement économique de la Ve République. AP Photo/SIPA

Ils n’ont jamais été présidents…

C’est vrai, mais il y a quand même pas mal de personnes qui, dans le pétainisme ambiant, ont sauvé l’honneur. Jean-Claude Trichet, le premier gouverneur de la Banque centrale européenne, qui s’est toujours battu avec détermination contre l’idée débile qu’il fallait augmenter les dépenses pour avoir de la croissance, alors que ça ne marche jamais. François Bayrou aussi a fait preuve de panache, quand il a contredit la sainte parole du Monde et des économo-gauchistes, fâchés avec les chiffres, prétendant que la dette n’était pas un problème ! On s’en rendra compte en 2029 quand les seules charges de la dette coûteront 100 milliards d’euros par an à l’État.

À quand remonte notre aveuglement budgétaire selon vous ?

À l’arrivée au pouvoir des socialistes et de François Mitterrand qui, en 1981, s’est laissé embobiner par ses Diafoirus, Jacques Attali et Laurent Fabius : selon eux, l’économie repartirait si on ouvrait les vannes des dépenses. On a vu le résultat ! Lors de la première cohabitation, entre 1986 et 1988, Jacques Chirac a travaillé à rétablir les comptes. Les Premiers ministres suivants, surtout Pierre Bérégovoy et Édouard Balladur, ont cramé la caisse pour gagner les élections, sans succès. Quand il est devenu président en 1995, Chirac s’est souvent dit déçu par les Français. « Ils sont trop cons, m’a-t-il confié un jour, ils ne voient pas qu’il faut réformer notre modèle si on veut le pérenniser. » En 2006, grâce à son nouveau chouchou, Thierry Breton, qu’il a nommé à Bercy, il a fait baisser l’endettement public de 2,3 points de PIB. La preuve qu’on peut le faire !

Finalement, le temps fait son œuvre et, avec le recul, vous avez la dent moins dure. Dans dix ans, vous direz sans doute qu’Emmanuel Macron n’était pas un si mauvais président…

C’est impossible, parce que la différence de Macron avec les autres, c’est qu’il s’en fout. Chirac, Sarkozy et Hollande étaient préoccupés par la situation du pays. Pas lui. Il se trouve formidable et ça lui suffit. C’est Alice au pays des merveilles. Il baigne dans le déni, dans un monde irréel.

Peut-il néanmoins provoquer une nouvelle dissolution ? Et, dès lors, devrait-on s’inquiéter d’une victoire du RN ?

Tout dépend de la façon dont le RN évoluera. Soit le parti de Marine Le Pen reste ce qu’il est aujourd’hui, c’est-à-dire une auberge espagnole avec des tas de gens parfois intelligents, souvent incompétents, sans parler des branquignols, auquel cas notre pays peut, comme un vieux cheval fourbu, refuser in extremis de sauter l’obstacle. Soit il s’inspire de l’expérience de Giorgia Meloni, avec du professionnalisme, une politique économique raisonnable et une conversion à l’Union européenne. Mais, même dans ce cas, on ne peut exclure des violences.

En somme le RN paye pour la violence de ses adversaires ?

Non, il en profite aussi. N’oubliez pas que LFI et ses braillards, qu’on dirait sortis de la famille Adams, sont, à la fin, les meilleurs argents électoraux du RN.

On a beaucoup parlé de la dette publique. Mais le bilan d’Emmanuel Macron n’est pas plus fameux en matière de cohésion nationale…

L’histoire retiendra que la présidence Macron marque le début du communautarisme à la française. Autrement dit, la consécration du chacun pour soi. C’est tous les jours « le roi s’amuse » et il me semble qu’il éprouve même un plaisir ludique à semer ses mauvaises graines déconstructrices. Aujourd’hui, si nous ne sommes pas dans la situation catastrophique de pays au bord de la guerre civile, comme la Grande-Bretagne ou la Belgique, nous allons, grâce à Macron, dans la même direction. Pensez ! La France n’est toujours pas capable de contrôler son immigration : 500 000 personnes de plus par an, sans compter les clandestins, croyez-vous que ça peut continuer encore longtemps ? Notre chef de l’État fait bien la paire avec Keir Starmer, l’avatar de l’inspecteur Clouzeau (La Panthère rose), qui, faisant office de Premier ministre au Royaume-Uni, laisse tout filer. A-t-on pris la mesure du déclassement français ? Nous comptons de plus en plus pour du beurre sur ce Vieux Continent où les grands hommes, si j’ose dire, ont pour nom l’Italienne Giorgia Meloni (extrême droite), l’Allemand Friedrich Merz (démocrate-chrétien) ou la Danoise Mette Frederiksen (sociale-démocrate) au Danemark.

Jean-Luc Mélenchon à l’Assemblée nationale lors du vote de confiance au gouvernement Bayrou, 8 septembre 2025. JEANNE ACCORSINI/SIPA

Et ailleurs dans le monde ? Javier Milei trouve-t-il grâce à vos yeux de libéral ?

Milei est arrivé à un moment de l’histoire où l’Argentine entrait, d’une crise l’autre, dans les poubelles de l’histoire. Quand il s’est présenté avec des solutions extrêmes, la population était prête à les accepter. Dieu merci, la France n’en est pas encore là.

Sans fantasmer sur l’Argentine, faut-il que nous descendions encore pour que le fameux sursaut nous soit imposé par les circonstances ?

On n’est pas encore tombé dans le gouffre, comme l’a dit François Bayrou. On marche au bord. Une crise financière risquerait de précipiter toutes les autres.

Il faut par ailleurs compter avec le parti des médias. Qu’en pensez-vous, vous qui en êtes un membre éminent ?

Quand j’ai commencé dans ce métier, nous partagions entre confrères de bords différents des valeurs communes et ça nous permettait de surmonter nos désaccords pour échanger. Même chose dans la classe politique. Aujourd’hui, tout est plus cloisonné. Les médias constituent un monde clos, une société de l’entre-soi qui se nourrit d’elle-même pour propager la bonne parole du camp du Bien. Qu’il s’agisse d’économie, d’école, d’immigration ou d’insécurité, elle mouline souvent les mêmes coquecigrues. Cette absence de diversité est inquiétante.

Vous oubliez la montée en puissance de nouveaux médias, à commencer par les médias Bolloré, mais aussi toutes sortes de trublions comme Frontières, L’Incorrect ou Causeur. Peut-on encore dire que les médias sont à gauche ? Le rapport de forces a changé, non ?

On en est encore loin. Mais il est heureux d’entendre de plus en plus de voix dissidentes.Le démocrate que je suis s’en réjouit, mais ce n’est pas le cas de tout le monde. Le sectarisme du camp du Bien donne une idée de l’infini.

Faut-il avoir peur de Jean-Luc Mélenchon ?

Oui et pour une raison très simple : c’est le meilleur orateur et le plus fin stratège. Il a bien travaillé son noyau dur (avec les islamo-gauchistes ou les gosses de bourgeois friqués) et maintenant il va, pour l’élargir, devenir ouvert et sympa, vous allez voir, en envoyant des signaux aux gaullistes, aux souverainistes. Sans oublier de répandre une marmelade idéologique immonde, sur fond d’antisémitisme, de communautarisme, de bêtise et d’ignardise économique.

Comment contrer tout cela ? Avec quel grand projet collectif mobiliser le pays ?

Mais ce projet existe : redresser la France ! Assainir l’économie, en finir avec les déficits et le surendettement, comme de Gaulle l’a fait en 1958 avec le plan Pinay-Rueff, et réindustrialiser le pays, réguler l’immigration, refonder l’école, réinventer la République, confisquée aujourd’hui par le gang de la Bien-Pensance qui a pris le contrôle du Conseil constitutionnel, du Conseil d’État, d’une partie de la justice, de l’école et j’en passe. C’est dingue tout ce qu’il y a à faire.

Pardon, mais réduire la dette, ouvrir des prisons et fermer les frontières, c’est indispensable mais pas totalement exaltant comme projet d’avenir !

Sauf si c’est dans le cadre d’un renouveau patriotique. Il faut relire Charles Péguy : nous avons trop oublié le spirituel et il est temps de mettre en avant notre histoire, notre patrie, sa mystique. Je veux croire au retour du patriotisme, valeur de droite comme de gauche. Une nation, disait l’historien Ernest Renan au xixe siècle, ce n’est pas une langue ni un groupe ethnique, « c’est d’avoir fait de grandes choses ensemble dans le passé et de vouloir en faire encore dans l’avenir ».

Le redressement exige-t-il un changement de régime – une VIe République ?

Quand l’économie va mal, il y a toujours des imbéciles – je ne parle pas de vous – pour dire qu’il faut changer la Constitution. Mais non, on doitchanger les têtes, c’est ça, le problème. La Ve me va ! Les institutions sont là, elles sont solides, elles l’ont prouvé ! Il faut juste des hommes et des femmes « avec des couilles », comme disait le Général.

Euthanasie: éclairer le débat français à la lumière des dérives dystopiques de l’étranger

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Cette enquête revient sur les non-dits effroyables de la légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté. Après leur adoption à l’Assemblée nationale, les sénateurs devaient examiner au mois d’octobre les textes sur la fin de vie et les soins palliatifs.


«Lorsqu’un pays – une société, une civilisation –  en vient à légaliser l’euthanasie, il perd à mes yeux tout droit au respect»[1] écrivait Michel Houellebecq en 2022 dans les colonnes du Figaro. Alors que les sénateurs s’apprêtent à valider la loi légalisant le suicide assisté et l’euthanasie, soutenue par l’exécutif et votée en mai 2025 à l’Assemblée nationale, un rappel des pires dérives observées à l’étranger s’impose en vue d’éclairer le public.

Le 10 mars 2024, Emmanuel Macron a annoncé un projet de loi pour une « aide à mourir« [2]. Il a été présenté en Conseil des ministres en avril 2024. La loi légalisant l’euthanasie et le suicide assisté a été votée, le 27 mai 2025, à l’Assemblée nationale – avec 305 voix pour, sur les 504 exprimées -« sans pour autant que ces mots jugés connotés négativement ne figurent dans le texte »[3]. Le Sénat s’exprimera très prochainement.

La plupart des Français pensent que l’aide à mourir est préférable lorsqu’en fin de vie, on veut éviter des souffrances inutiles. Mais peu d’entre eux savent quelles dérives funestes potentielles se cachent derrière sa légalisation. En témoignent les exemples ci-après qui ont défrayé la chronique dans les autres pays occidentaux[4], le bloc occidental, comme animé de pulsions suicidaires, étant le seul au monde à banaliser cette pratique.

La stratégie trompeuse du « pied dans la porte » : un élargissement du champ d’application de l’aide à mourir au fil des années  

A l’étranger, les législateurs favorables à la dépénalisation de l’euthanasie et/ou du suicide assisté avaient promis des limites et un cadre strict à l’application de la loi. Force est de constater que la réalité y a souvent pris un tour tragique et sordide, surtout lorsque l’aide à mourir est proposée à des patients psychiatriques, à des indigents, à des personnes sans-abri, à des soldats blessés en opération et, comble de l’horreur, à des enfants! Car, comme le faisait remarquer l’essayiste Aurélien Marq en mai 2025, « l’expérience des pays qui ont déjà légalisé l’euthanasie est sans équivoque, et les promoteurs de l’euthanasie le revendiquent explicitement, comme Jean-Louis Touraine parlant de « pied dans la porte » et annonçant « revenir tous les ans » pour la suite du programme : les mineurs, les malades psychiatriques, les malades d’Alzheimer »[5]. C’est ainsi que ce système conçu pour s’appliquer à des cas relativement rares, a rapidement montré sa vocation à s’étendre sans limite.

Dans un rapport de la fondation Fondapol intitulé : « Les non-dits économiques et sociaux du débat sur la fin de vie » (janvier 2025), les chercheurs Pascale Favre et Yves-Marie Doublet, qui ont étudié les résultats de la décriminalisation de l’euthanasie dans plusieurs pays font remarquer que « le recours ultime, l’exception cèdent la place à la banalisation. La médecine devient une prestation de service. Ces mises en garde existent depuis longtemps ; elles se sont développées avec l’élargissement constant des pratiques, lequel apparaît comme une évolution inéluctable de la loi initiale »[6].

Pays-Bas et Belgique : la grande faucheuse ratisse large !

Aux Pays-Bas et en Belgique, du berceau à la maison de retraite, nourrissons, mineurs de tous âges, autistes, personnes âgées et personnes en bonne santé physique sont désormais concernés ! 

En 2001, les Pays-Bas ont été le premier pays à autoriser la pratique de l’euthanasie active. En 2004, l’aide à mourir a été élargie aux enfants de 12 ans et, depuis avril 2023, dans le sillage de la Belgique, elle a été étendue à tous les enfants et même aux bébés[7]. Précédemment, les mineurs de plus de 12 ans pouvaient demander l’euthanasie avec le consentement d’un tuteur requis jusqu’à 16 ans. Désormais, les bébés et les enfants de tous âges atteints de maladies incurables peuvent être euthanasiés, sur proposition d’un médecin avec tout de même le consentement des parents !

Face à un tel basculement, le professeur d’éthique de la santé Theo Boer, qui fut membre du comité néerlandais sur l’euthanasie et ancien défenseur de l’aide à mourir, s’alarme de l’expansion constante du système d’euthanasie et de ses critères d’éligibilité. Elle représente jusqu’à un décès sur six dans certaines régions du pays.

« L’euthanasie aux Pays-Bas est désormais accessible aux enfants, et même aux nourrissons, de tous âges, et il y a des tentatives continues de l’étendre à toute personne de plus de 74 ans qui considère sa vie comme « complète ». En mai 2023, une étude de l’université de Kingston a révélé qu’il y avait eu 39 cas d’euthanasie dans le pays pour des personnes ayant des déficiences intellectuelles, de l’autisme ou les deux. Nous avons également eu notre lot d’histoires controversées, y compris un cas bien connu en 2018 impliquant une femme atteinte de démence, euthanasiée apparemment contre sa volonté »[8], écrit-il désabusé.

Pour rappel, en 2019, la justice néerlandaise a acquitté une femme médecin accusée de ne pas s’être correctement assurée du consentement d’une patiente atteinte de la maladie d’Alzheimer. La patiente, qui avait changé d’avis, avait été sédatée à son insu, puis lorsqu’elle s’est débattue pour résister à l’injection létale, elle a dû été être maîtrisée avant d’être euthanasiée ! La juge a tranché : « Nous concluons que toutes les exigences de la législation sur l’euthanasie ont été satisfaites. Par conséquent, la suspecte est acquittée de toute charge ». « Nous pensons que, étant donné l’état de démence profonde de la patiente, la médecin n’avait pas besoin de vérifier son désir d’euthanasie »[9]

A noter que les injections létales agissant plus ou moins rapidement en fonction du poison utilisé (parfois jusqu’à 24 heures !), les patients sont d’abord « sédatés »[10] ce qui entraîne leur paralysie.

En Belgique, « une dégénérescence maculaire liée à l’âge peut être un motif d’euthanasie, dans le cadre des polypathologies du vieillissement, dès lors qu’une souffrance est invoquée. Pourtant, ce n’est pas une maladie qui met en jeu le pronostic vital », souligne le rapport susmentionné de la Fondapol. Autre cas sordide : en 2022, une femme belge de 36 ans, qui souffrait d’un cancer en phase terminale, avait demandé l’aide à mourir, mais en raison de difficultés pratiques de dernière minute, elle a finalement été étouffée par l’équipe médicale avec un oreiller[11] !

Au Canada, 50 nuances d’horreur

Au Canada, l’euthanasie est proposée à des blessés de guerre dans la précarité et elle le sera probablement bientôt à des ados à l’insu de leurs parents ! En 2024, on enregistrait 16 600 décès, soit près de 5% de tous les décès dans le pays, avec un record de 6,6% au Québec.

L’euthanasie a été décriminalisée en 2014 au Québec, puis dans l’ensemble des provinces canadiennes en 2016. L’assistance médicale à mourir (AMM en français ou MAID en anglais, Medical Assistance In Dying) ne devait à l’origine ne concerner que les malades en phase terminale. Une décennie plus tard, un individu a été euthanasié à défaut de ne pas avoir trouvé un logement afin d’accommoder son handicap[12]. Avec la crise aiguë du logement, l’explosion du nombre de sans-abri et de toxicomanes dans les grandes villes du pays, la pression s’accroît de manière alarmante sur les personnes les plus vulnérables.

Dès 2022, la présidente de la Commission canadienne des droits de la personne, Marie-Claude Landry,tirait la sonnette d’alarme en déclarant que « l’aide médicale à mourir ne peut être un substitut lorsque le Canada manque à remplir ses obligations en matière de droits de la personne. À une époque où nous reconnaissons le droit de mourir dans la dignité, nous devons faire davantage pour garantir le droit de vivre dans la dignité »[13]

En témoigne le scandale ACC-AMM (Anciens Combattants Canada – Aide médicale à mourir), révélé par Mark Meincke, vétéran des Forces armées canadiennes, grâce à son émission en ligne « Opération Tango Romeo » sur la guérison des traumatismes de guerre. Une vingtaine de soldats canadiens blessés en opération, notamment en Afghanistan, ou souffrant de stress post-traumatique, se sont ainsi vu proposer le suicide assisté par des fonctionnaires du ministère des Anciens combattants[14]. Oliver Thorne, du Veterans Transition Network, a d’ailleurs reconnu à cet égard : « Je crains que nous offrions aux gens un moyen de mettre fin à leurs jours, alors qu’il existe des traitements, mais ces traitements sont plus difficiles d’accès que la mort médicalement assistée »[15].

On notera l’exemple particulièrement révoltant de la caporale paralympienne canadienne Christine Gauthier qui, lors de son témoignage devant le Comité permanent des anciens combattants de la Chambre des communes, a révélé que le ministère lui avait proposé le suicide assisté en réponse à sa demande d’aide gouvernementale pour obtenir une rampe d’accès pour fauteuils roulants chez elle[16].

Plus épouvantable encore, l’élargissement prochain de l’aide à mourir aux adolescents canadiens « dont la mort naturelle est jugée raisonnablement prévisible » et ce, à l’insu de leurs parents. C’est exactement ce que recommande un rapport publié par en 2023 par un comité composé de députés et de sénateurs au niveau fédéral[17]. Les parents sont également mis à l’écart en ce qui concerne la transition de genre, tandis que le consentement parental est toujours obligatoire pour se faire tatouer ou même se faire percer les oreilles ! L’association Parents As First Educators (PAFE) est montée au créneau devant de telles absurdités. Elle redoute que, tôt au tard, le gouvernement fédéral n’autorise l’aide à mourir à tous les enfants, par exemple aux adolescents dépressifs sans que les parents ne soient mis au courant[18]. A noter tout de même que, dans la même optique malsaine, nos parlementaires français ont voté un délit d’entrave à l’accès à l’aide à mourir, puni de deux ans de prison et de 30 000 euros d’amende !

Le choix de donner la mort aux patients plutôt que de développer les soins palliatifs

Le docteur Marie-Josée Masanès, pneumologue, témoigne de ce qui se passe dans le huis clos des hôpitaux français[19] : « En 35 ans d’activité professionnelle orientée oncologie à l’hôpital, dont 12 ans pour mettre en place les soins palliatifs dans le service de pneumologie où je travaillais, j’ai pu constater que ce sont les familles qui demandent l’euthanasie, pas le patient ! C’est une demande de bien portant ! Le patient, lui, demande qu’on le considère comme une personne vivante, qu’on l’écoute et qu’on lui donne au moins un peu de confort. C’est la mission des soins palliatifs. Il est surréaliste de vouloir autoriser et développer l’euthanasie tant que notre pays ne se sera pas donné les moyens de mettre les soins palliatifs à la portée de tous les patients ». 

« Lorsqu’il n’y a plus de possibilité de soulager, la loi Leonetti autorise le recours à la sédation transitoire (le temps de refaire un point sur l’état du patient) ou terminale [pour induire un sommeil profond]. Et la sédation n’est pas une euthanasie. Elle est réversible et peut permettre de passer un cap difficile. Or, ce temps qui est pris pour accompagner est bénéfique pour tout le monde : le patient qui reste un être vivant, la famille dont le travail de deuil sera préparé en amont et l’équipe soignante qui ne s’est pas engagée dans ce métier pour tuer ! »

Donner la mort pour renflouer les caisses de l’Etat ?

Avec la légalisation de l’euthanasie, « ce qui est présenté comme un choix pour « les plus forts » pourrait bien être une incitation pour « les plus faibles ». Ce sont ces données qu’il convient de rappeler à la veille d’une reprise du débat sur la légalisation de la mort provoquée », alertaient Pascale Favre et Yves-Marie Doublet en janvier 2025.A la clé: une économie évaluée à 1,4 milliard € par an[20]! Il se trouve que les complémentaires santé soutiennent la légalisation de la mort provoquée « avec en toile de fond un déficit considérable des finances publiques et de nos régimes sociaux et une dégradation de la note de la France sur les marchés »[21].

Au Canada, « au vu de l’inégalité d’accès aux soins palliatifs dans le système de santé, les inquiétudes sur son utilisation – et le profit qui pourrait en être dégagé – ne sont pas infondées : dans un rapport parlementaire, le pays revendique les gains nets que lui procure la mort administrée, soit 87 millions de dollars canadiens », écrit Paul Chambellant dans un article du Point intitulé « Loi sur la fin de vie : au Canada, le difficile encadrement des dérives »[22].

Dans un tel contexte, la vente d’organes, prélevés sur des personnes euthanasiées constitue le point d’orgue de la dérive marchande scandaleuse de l’aide à mourir. Le Canada se retrouve à la première place dans ce domaine[23]. Tout comme en France (on l’a vu lors de l’attentat de Nice, où des organes ont été prélevés sur des enfants sans le consentement de leurs familles pour les besoins de l’enquête), on note que toutes les personnes présentes dans le pays sont considérées comme consentantes pour le don d’organes et qu’il faut remplir un formulaire spécial pour refuser le don automatique d’organes.

En conclusion, la question cynique qui sous-tend en filigrane les déclarations prétendument humanistes sous prétexte d’allègement de la souffrance humaine, semble être la suivante : faut-il proposer l’aide mourir à toutes les personnes jugées « inutiles à la société » et considérées comme des fardeaux financiers pour la collectivité ?

Il est ainsi douloureux de constater que la notion de « vies indignes d’être vécues », qui fut autrefois le leitmotiv des eugénistes les plus virulents dans l’histoire de l’humanité, est en train de ressurgir de manière particulièrement sordide, dans des pays où l’euthanasie et le suicide assisté ont été légalisés. Dans le film dystopique Soleil vert (1973), les gens en arrivent à demander à se faire euthanasier tant ils sont englués dans des conditions de vie déplorables créées délibérément par une élite régnant sur des masses populaires misérables[24].

A ce stade, la réalité a presque dépassé la fiction. Les personnes de bonne foi qui croient sincèrement que la loi sur l’aide à mourir, qui doit encore être validée par le Sénat français incessamment sous peu, va permettre de « mourir dans la dignité », s’exposent à d’immenses désillusions.


[1] https://www.lefigaro.fr/vox/societe/michel-houellebecq-une-civilisation-qui-legalise-l-euthanasie-perd-tout-droit-au-respect-20210405

[2] Selon Public Sénat : « L’aide à mourir consiste à autoriser et à accompagner une personne qui en a exprimé la demande à recourir à une substance létale », indique l’article 2. Le malade devra s’administrer lui-même le produit, c’est l’une des principales règles fixées par les députés, à partir d’un amendement du gouvernement. Seule dérogation possible : « Lorsque la personne n’est pas en mesure physiquement d’y procéder », elle pourra alors se faire administrer la substance par un médecin ou un infirmier. [https://www.publicsenat.fr/actualites/parlementaire/aide-a-mourir-ce-que-contiennent-les-deux-textes-sur-la-fin-de-vie-bientot-examines-au-senat]

[3] https://www.lefigaro.fr/flash-actu/fin-de-vie-la-loi-sur-l-aide-a-mourir-examinee-au-senat-a-partir-du-7-octobre-20250702?msockid=1633e42e45b96af718a9f1ea44006b01

[4] Belgique (2002), Luxembourg (2009), Pays-Bas (2002), Espagne (2020), Portugal (2021), mais aussi Canada (2026), Etats-Unis (certains Etats : OregonWashingtonMontanaVermont et Californie), Colombie (1997), Australie (2024) et Nouvelle-Zélande (2021).  En Suisse, l’euthanasie active reste interdite, mais le suicide assisté est autorisé.  [https://www.touteleurope.eu/societe/l-euthanasie-en-europe/]

[5] https://www.causeur.fr/euthanasie-le-pied-dans-la-porte-310402

[6] https://www.fondapol.org/dans-les-medias/leuthanasie-permettrait-deconomiser-14-milliard-deuros-par-an/

[7] https://www.jpost.com/health-and-wellness/article-739852

[8]https://www.spectator.co.uk/article/on-assisted-dying-britain-must-learn-from-the-netherlands/

[9] https://genethique.org/pays-bas-le-medecin-accuse-deuthanasie-est-acquitte/

[10]https://www.cbip.be/fr/gows/3974?matches=l%27euthanasie%7Ceuthanasie%7Cl%E2%80%99euthanasie

[11] https://www.lesoir.be/535429/article/2023-09-06/un-accompagnement-de-fin-de-vie-tourne-letouffement-au-coussin

[12] https://www.ccdp-chrc.gc.ca/ressources/salle-des-nouvelles/laide-medicale-mourir-ne-peut-etre-la-reponse-linegalite-sociale

[13] https://www.ccdp-chrc.gc.ca/ressources/salle-des-nouvelles/laide-medicale-mourir-ne-peut-etre-la-reponse-linegalite-sociale

[14]https://www.cqv.qc.ca/un_autre_veteran_en_difficulte_affirme_qu_anciens_combattants_canada_lui_a_propose_l_euthanasie

[15] https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1938653/aide-medicale-mourir-veterans-sante-mentale-gouvernement-federal

[16] https://www.independent.co.uk/news/world/americas/christine-gauthier-paralympian-euthanasia-canada-b2238319.html

[17] https://www.parl.ca/documentviewer/en/44-1/AMAD/report-2

[18] https://www.pafe.ca/is_euthanasia_coming_for_kids_in_canada

[19] Entretien avec l’auteure, 8 octobre 2025.

[20] https://www.lepoint.fr/postillon/l-euthanasie-permettrait-d-economiser-1-4-milliard-d-euros-par-an-08-02-2025-2581832_3961.php

[21] https://www.fondapol.org/etude/les-non-dits-economiques-et-sociaux-du-debat-sur-la-fin-de-vie/

[22] https://www.lepoint.fr/monde/loi-sur-la-fin-de-vie-au-canada-le-difficile-encadrement-des-derives-30-05-2024-2561585_24.php

[23] https://www.ctvnews.ca/health/article/canada-performing-more-organ-transplants-from-maid-donors-than-any-country-in-the-world/

[24] https://theconversation.com/soleil-vert-et-plan-75-deux-films-dystopiques-pour-alimenter-la-reflexion-sur-leuthanasie-192136

Chimérique union des droites

Si les Français retournaient aux urnes demain, la droite française partirait encore en ordre dispersé. Pourquoi l’union des droites est-elle ce terrifiant serpent de mer toujours planqué au fond de l’océan quand on aurait besoin de lui?


On parle beaucoup d’union des droites ces jours-ci. En réalité, surtout à gauche. L’union des droites, c’est le serpent de mer qui ressurgit régulièrement du bourbier politique. Ou plutôt le monstre du Loch Ness, le vampire face auquel on agite croix et gousses d’ail… Dirigeants et éditocrates de gauche font chorus dans la déploration et l’indignation à la perspective d’une alliance RN–droite classique.

Horizon brun

Thomas Legrand sonne le tocsin dans Libération. Il parle du toboggan fatal de l’union des droites : « Les mots autoritaires, les postures identitaires, l’abandon de son substrat libéral par la droite dite “classique”, de “gouvernement” ou “républicaine”, indiquent que nous nous dirigeons collectivement vers cet horizon brun. » Brrr. Rien que ça. Le nazisme à nos portes. Dans Le Monde, un politologue obscur, observant que dans la législative du Tarn, Bruno Retailleau appelle implicitement à préférer le ciottiste au socialiste, ose écrire que « Les Républicains demeurent la figure de proue d’un mouvement général de consentement à l’extrême droite ». Les élus Nupes font tous les outragés. Ils ont avalé la soumission aux Insoumis — et recommenceront pour sauver leur siège ou leur ville, je vous fiche mon billet —, mais la gauche, ça ose tout.

A lire aussi, Dominique Labarrière: Edouard et sa philippique

Cette alliance RN/LR se concrétisera-t-elle en cas d’élection ?

Malheureusement non. L’appel lancé par Sarah Knafo, très relayé sur les réseaux sociaux, a été balayé par les deux partis concernés. Il y a aussi eu un vague ballon d’essai de la part de Jordan Bardella et de quelques voix LR isolées (Henri Guaino, Sophie Primas et Roger Karoutchi). Mais ces deux derniers, vite tancés par leur parti, ont dû reculer. Et dans le Tarn, Bruno Retailleau refuse de dire clairement : Votez RN. Comme si le mot était radioactif. Le chantage, l’intimidation morale et le « cordon sanitaire » fonctionnent toujours. La gauche cause avec LFI, mais la droite est interdite d’alliance ou de la moindre discussion avec le RN. Ce qui la condamne finalement à l’opposition ou à la macronisation.
Or, pour nombre d’électeurs, ce rapprochement serait logique. Le RN d’aujourd’hui ne coche plus aucune des cases de l’extrême droite (antiparlementarisme, antisémitisme et pression de la rue : ça vous rappelle qui, en réalité, franchement ?). Le RN occupe désormais l’espace idéologique du feu RPR. Bien sûr, il existe des différences programmatiques entre le RN et LR, notamment économiques. Mais soit vous gagnez seul, soit vous devez composer avec d’autres forces. C’est donc une question de priorité. Or, il me semble qu’il y a urgence sur les fronts régalien, identitaire et migratoire. L’Insee nous apprenait hier que 9 % des habitants en France sont des étrangers, dont une proportion croissante vient d’Afrique[1]. On peut tout à fait aimer l’Afrique et les Africains et redouter malgré tout ce changement culturel.
En 2007, Nicolas Sarkozy avait siphonné les voix du Front national. Si les LR persistent à se regarder dans le miroir que leur tendent la gauche et les médias, et si le RN persiste à jouer l’isolationnisme, j’ai bien peur que tous ces élus ne méritent finalement un Premier ministre de gauche.


Cette chronique a été diffusée sur Sud Radio

Retrouvez Elisabeth Lévy au micro de Patrick Roger dans la matinale


[1] https://www.radiofrance.fr/franceinfo/podcasts/les-documents-franceinfo/6-millions-d-etrangers-vivent-en-france-un-chiffre-en-augmentation-9781822

Edouard et sa philippique

Emmanuel Macron est lâché par ses proches


Le voilà bien seul, le président. Seul dans la tourmente, face au naufrage, capitaine désavoué qui assiste impuissant à la débandade de ses troupes, à la trahison de trois de ses Premiers ministres pourtant censés être de sa paroisse. Mais il n’est pas impossible que ce destin soit de ceux dont ce singulier personnage ait plus ou moins consciemment rêvé. Seul contre tous. Seul face aux puissances hostiles déchaînées. Seul à savoir. Seul à avoir eu constamment raison. Seul à être à la hauteur des exigences de l’histoire du moment. De l’Histoire tout court, avec un grand H.

Les rats quittent le Titanic

Ils quittent le navire, ces trois-là. Sans vergogne. Sans dignité. Mme Borne, supposée avoir été la maman de la mère des réformes de cette présidence, celle des retraites, se déclare prête à jeter son bébé avec l’eau du bain. En d’autres termes, disposée à poignarder dans le dos celui qui la portait, l’exigeait cette réforme, le président lui-même.

M. Attal, lui, dit ne plus rien comprendre. Il aura mis le temps, ce bon élève, à comprendre qu’il était impossible de comprendre quoi que ce soit au fonctionnement erratique de son mentor. Alors, sur les médias, il nous fait son caca nerveux, le fringant M. Attal.

A lire aussi: La position du démissionnaire

Néanmoins, la palme revient indiscutablement au maire du Havre, Edouard Philippe dont le fulgurant apport en politique se résume essentiellement à une tentative – foireuse – de nous faire rouler à 80 km à l’heure où que nous soyons, et, summum de finesse idéologique, à voter et faire voter (on croyait du Jacques Duclos dans le texte, les plus anciens d’entre vous n’auront sans doute pas oublié…), à voter et faire voter, disais-je, communiste ou LFI plutôt que RN aux élections tant locales que législatives.

Mais voilà bien que – lui aussi pris de panique et abandonnant comme les deux autres le bateau à la dérive – il y va de sa philippique. Haro sur celui qui, cependant, l’a sorti du magma indifférencié des élus locaux pour le faire accéder à la lumière du grand bain. (On notera à sa décharge que, agissant ainsi, il ne faisait que suivre les pas et l’exemple de son bienfaiteur…)

Bons baisers du Havre

C’est qu’il n’y va pas de main morte, le Havrais en voie de naufrage lui-même dans les sondages. Il en est à exiger la démission du président de la République. Cela exprimé en termes choisis, enrubannés d’hypocrisie : « Il s’honorerait » s’il décidait de provoquer des élections présidentielles anticipées. Mais M. Philippe, expert en systèmes façon usine à gaz, voit l’affaire se dérouler en deux temps. D’abord, parvenir à faire voter un budget pour la France. Ensuite seulement, annoncer la démission… Démission dont un esprit taquin pourrait se demander pourquoi elle serait encore si urgente, puisque le cap de l’adoption du budget, l’enjeu capital du moment, aurait été franchi. Oublions cela…

A lire aussi: Emmanuel Macron: Je trolle donc je suis

Il y a pire. La panique est décidément bien mauvaise inspiratrice. On a cru comprendre que M. Philippe se portait candidat à la présidence de la République, s’y préparait, en rêvait. Il se voit donc être la prochaine incarnation du chef, de celui qui, entre autres charges et missions, est garant du respect de l’intégrité des institutions de la République, à commencer par la Constitution. Aussi, est-ce bien raisonnable, surtout est-ce bien responsable de les traiter aussi légèrement, aussi cavalièrement qu’il le fait à présent, les institutions, la Constitution ? En tant que prétendant à la magistrature suprême il serait au contraire de son devoir le plus élémentaire, le plus impérieux de protéger le statut qu’il ambitionne, de ne pas cracher sur la légitimité démocratique de celui qui le précède sur le trône. Car il joue un jeu des plus dangereux, le cher homme. Dangereux pour lui, mais surtout pour la démocratie. A-t-il seulement pensé que le boomerang qu’il lance aujourd’hui ne manquerait pas de lui revenir pleine gueule à la première crise un peu sérieuse une fois élu ? Comme disait ma grand-mère, femme de réel bon sens : « Il est toujours périlleux de jouer avec des allumettes lorsqu’on est assis sur un ballot de paille ».

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‌Une espèce en voie de disparition: la langue française

Langue française: après avoir fustigé la culture «bourgeoise», nous nous complaisons dans l’inculture totale


 « L’homme injuste est celui qui fait des contre-sens. » Victor Hugo, Les Contemplations, III, 8


Pierre Hartmann, professeur émérite à l’Université de Strasbourg, publie un ouvrage en 3D: Dérives, divagations, et dévoiements avec pour sous-titre: Comment les idéologies défont la langue et la culture. Truffé d’exemples où le comique le dispute à l’aberrant – et dans des médias de référence, s’il vous plaît – ce livre n’est pas qu’une compilation des mésusages de notre langue mais aussi et surtout une réflexion sur ce que de tels mésusages signifient, ainsi qu’un historique de leur provenance.

Pour commencer, la culture

De la paideia grecque à la bildung allemande en passant par « l’honnête homme » des Lumières, la culture, empruntant à son origine agreste, a toujours signifié le fait de cultiver son esprit, de ne pas laisser, tel un champ, celui-ci en friche. Son antonyme n’était pas par hasard la « négligence ». L’effort était de mise, en vue d’un idéal esthétique, éthique et politique aussi. Les socialistes d’antan le savaient qui désiraient ardemment que les ouvriers puissent accéder à la culture afin de pouvoir devenir des citoyens à part entière. Lorsque l’ethnologie vit le jour, on crut bon de rabattre la culture sur les mœurs et coutumes de tout un chacun, entre lesquelles il n’était plus permis de juger sous peine d’être taxé d’ethnocentrisme. Bourdieu porta le coup décisif à la culture dite bourgeoise confondue avec la grande culture (que jamais Marx n’attaqua, s’en tenant à la lutte des classes) réduite à un signe distinctif et à une promotion sociale. Puis, elle fut définitivement clouée au pilori puisque charriant avec elle colonialisme, esclavage, patriarcat etc., et ce, en dehors de toute contextualisation bien sûr, de tout tri, de tout discernement.

On jeta le bébé avec l’eau du bain et ce qui était effort, tension pour réaliser son humanité (la culture s’appelait du reste « les Humanités ») devint parfaitement malfaisant et condamnable. Ce à quoi Pierre Hartmann répond que cette soi-disant culture bourgeoise, mal comprise par des contempteurs dont la spécialité est d’avoir toujours un métro de retard, a, de surcroît, fait son temps. À sa place : « la tranquille inculture des nouveaux maîtres du monde ». Et de citer : « Mark Zuckerberg, Elon Musk ou Pavel Dourov ne sont pas des « héritiers » mais des parvenus. » Et d’en tirer, quant aux sabirs multiples qui sévissent et aux actes qui les accompagnent la terrible conséquence : « On finit par associer à la culture des agissements qui relèvent inversement de cette barbarie originelle au retour de laquelle elle devait, dans son acception première, faire résolument barrage. »

La négligence donc, et ses influences multiples

« Notre langue a été altérée dans tous les domaines et à tous les niveaux : l’intonation, la prononciation, le rythme, la prosodie, le lexique, la grammaire et la syntaxe », et ce, toutes classes confondues. Nos oreilles sont soumises à un « mélange contradictoire de diction saccadée et de prononciation « chewingommeuse » »Il faut croire que seule une excessive vitesse peut porter une langue devenue liquide, désossée, inarticulée au possible, à l’image du type qui court dans le vide. A ce phénomène concourent des sabirs techniques incompréhensibles pour le commun des mortels, l’omniprésence du langage commercial et publicitaire, le globish, et la floraison de sigles comme autant de marques de fabrique de minorités militantes ; détruisant ainsi et en profondeur l’expérience sensible de chacun. Enfin, la profusion de néologismes et, plus grave encore, le détournement du sens des mots, manipulent le réel à volonté et nous promettent un totalitarisme nouveau.

Dans la liste très fournie qu’en donne l’auteur, je prendrai trois exemples :

L’assignation

Ce terme, d’origine juridique, suppose une volonté extérieure qui contraint un sujet à quelque chose qui ne lui était pas naturel. Ainsi, un tribunal peut assigner à résidence une personne afin qu’elle ne quitte pas sa maison. Le terme signifie clairement « contrainte ». Il est donc parfaitement aberrant de parler « d’assignation de genre » lorsqu’un enfant naît et qu’on l’identifie comme garçon ou fille.

La sage-femme ne contraint nullement le mouflet à être d’un sexe ou d’un autre ; elle constate un fait objectif. Transformer l’acte de constater une réalité qui existe en dehors de vous et de votre volonté en un geste volontaire et contraignant ne serait qu’une absurdité si on ne devinait derrière cette aberration linguistique une volonté farouche de modeler le réel à sa guise et d’en être le seul dépositaire parfaitement solipsiste. Toujours est-il qu’il ne peut y avoir ré-assignation puisqu’il n’y a pas eu assignation…

A lire aussi, Michèle Tribalat: Adam Szetela: Quand la sensiblerie étouffe la littérature

Le suffixe -phobe…

…fait florès depuis le début du XXIème siècle. Ce terme, d’origine psychiatrique, signifie crainte, peur, angoisse et absolument pas haine. Les personnes en proie à la claustrophobie ne haïssent pas l’ascenseur dans lequel elles souffrent de tachycardie, de sueurs froides, de vertiges, de crises d’angoisse majeures, elles voudraient juste sortir d’un endroit clos et trop étroit pour elles ! Rabattre  le sens premier de la phobie sur une haine présumée est un détournement linguistique à vue idéologique. Avec plus de 300 morts au nom de l’islam, le quidam peut éprouver légitimement une crainte, le contraire serait même étonnant ! Et la haine n’a rien à voir là-dedans. Et Pierre Hartmann d’affirmer : « Les musulmans de France n’ont jamais été pris à partie collectivement ; ils vivent en sûreté bien mieux que leurs concitoyens juifs. (…) Là est le fait majeur, le reste n’est que bavardage. »

Le droit d’asile

« Au plan logico-sémantique, on perçoit immédiatement l’inconsistance d’un tel « droit » : l’asile appartient à la sphère des devoirs ou des obligations morales ; il peut être accordé comme une grâce ou une faveur, il ne peut être légitimement revendiqué comme un droit. (…) Pour peu que les mots aient un sens, exiger d’être accueilli est une contradiction dans les termes. » Par ailleurs, se référant aux Suppliantes d’Eschyle qui narre l’histoire de femmes demandant l’asile, l’auteur rappelle la phrase du roi sollicité : « Je ne veux pas que la cité me reproche un jour d’avoir causé sa perte pour avoir fait bon accueil à ces étrangères. » Principe élémentaire d’une prudence qui était considérée comme une vertu cardinale chez les Anciens.

Toute la terminologie wokiste et gauchisante est ainsi passée au crible ; toutes les divagations, dérives et dévoiements révélés sont autant d’occasions d’une réflexion historique et philosophique qui mène aussi bien à l’analyse de l’œuvre d’Annie Ernaux, qu’à celle du René Girard de Mensonge romantique et vérité romanesque et même à l’interprétation que fit Peter Sloterdijk de notre hymne national ! Enfin, pour finir Pierre Hartmann nous offre un florilège de propos incorrects et malsonnants qui clôt cet ouvrage passionnant, profond et drôle dont j’extrais un passage :

«  Je m’interroge sur comment faire pour apporter un peu de beauté au monde ». À cette phrase entendue à la radio, l’auteur répond : «  Peut-être en commençant par ne pas enlaidir la langue »…

DERIVES, DIVAGATIONS ET DÉVOIEMENTS. Comment les idéologies défont la langue et la culture, Pierre Hartmann, éditions l’Artilleur, 2025. 400 pages

Louis Sarkozy: De Washington à Menton

Le fils de l’ancien président a officialisé sa candidature aux municipales sur les réseaux sociaux le 8 septembre. Présent à Washington lors de l’investiture de Donald Trump, chroniqueur à Paris chez Valeurs actuelles et LCI, saura-t-il séduire l’électorat de la Côte d’Azur? Ses opposants parviendront-ils à barrer la route à celui qu’ils présentent comme un «héritier» et un «kéké masculiniste» trop présent sur les réseaux sociaux? En attendant le scrutin du 15 mars, sa femme doit accoucher de son premier fils, Sylla, dans les prochains jours.


Fils de l’ancien président, Louis Sarkozy se lance en politique à Menton (06). À la bonne presse, il affirme qu’il part en croisade contre le RN – ses détracteurs disent de leur côté que c’est pour son égo. Entre virilité Instagram, héritage paternel et ambitions municipales, la droite française tient là son nouveau feuilleton.

Un candidat viral

Il fallait bien que cela arrive : après les influenceurs, les militants et les coachs de vie, voici le fils Sarkozy qui entre en politique. Louis, le plus discret de la fratrie, s’est donc choisi un destin électoral : il sera candidat aux municipales à Menton en 2026. Oui, Menton, la ville paisible où les retraités bronzent, les bougainvilliers prospèrent, et où le nom de Sarkozy résonne encore comme un vieux refrain plaisant…

Le jeune homme a officialisé sa candidature sur ses réseaux. La stratégie est claire : jouer la carte du « non-politicien », du garçon « authentique », barbu, tatoué, amateur de jujitsu et de chiens. Il se met en scène à la fois comme philosophe de bistrot et Spartiate du dimanche. Une esthétique très « post-droite américaine » : muscles, morale et muselière à la bien-pensance.

Paris Match, 11 septembre 2025

Pourquoi Menton ? Parce qu’il fallait bien un décor pour le feuilleton

Les mauvaises langues disent qu’il aurait pu choisir Neuilly (92), mais qu’il a préféré Menton pour l’exotisme électoral. En vérité, la ville frontalière est un terrain symbolique : bastion où le RN rôde, où la droite classique s’essouffle, et où un « Sarkozy junior » peut tenter la reconquête.

Ce choix n’a rien d’anodin. Menton, c’est une carte postale politique : le sud, la mer, le soleil, et une France qui vote plus qu’elle ne tweete.

En s’y implantant, Louis Sarkozy se donne un visage local, loin des paillettes de New York et du nom paternel omniprésent. Mais on ne se refait pas : derrière le coup de com’, les « barons » de la droite régionale veillent déjà. Une rumeur insistante évoque un parrainage discret de figures LR azuréennes, trop contentes d’avoir un « nom » à coller sur leurs tracts.

La mue idéologique : plus à droite que papa ?

Louis Sarkozy se revendique « libéral-conservateur », soit le mélange parfait pour séduire un électorat de droite désabusé : sécurité, ordre, liberté individuelle, mais sans toutes les compromissions du macronisme. Certains observateurs étrangers ont même osé le qualifier de « plus à droite que son père ». On imagine le dîner de famille.

Ses posts sur X et Instagram transpirent la virilité réflexive : citations sur l’honneur, le courage, le devoir, défense du port d’armes (américaines, évidemment), et mépris discret pour les « délicats ». On croirait lire un essai de Jordan Peterson adapté à la Riviera. Mais derrière cette esthétique du combat permanent, on peine encore à saisir le fond programmatique. Quelles propositions concrètes pour Menton ? Pour l’instant, silence radio.

Disons-le : Louis Sarkozy maîtrise son époque. Il ne fait pas campagne, il performe sa campagne. Chaque story est calibrée, chaque phrase est une punchline prête à être retweetée. Le résultat ? Des millions de vues, des débats enflammés, des commentaires oscillant entre admiration et moquerie. Il est devenu, en quelques semaines, le « Sarko 2.0 » : un mélange d’héritier et d’influenceur.

Mais la viralité a ses limites : trop d’image, pas assez de chair ; trop de posture, pas assez de vision ; et un risque permanent : devenir un mème politique, pas un maire crédible. À force de se filmer en train de parler de « valeurs », il risque de finir comme une valeur cotée à la Bourse du buzz — instable et spéculative.

Ce que les lecteurs conservateurs doivent en penser (et qu’ils penseront sans doute déjà)

Soyons sérieux : Causeur n’a jamais cru que des abdominaux bien dessinés suffisaient à gouverner. Alors, jugeons sur pièces.

1. Le projet local : Menton, ce n’est pas une story sur Instagram. C’est une ville, avec des trottoirs, des impôts locaux, et des pêcheurs qui votent. On attend donc encore le programme.
2. La stature politique : Fils de, certes. Mais sans ancrage partisan clair. Un pied dans LR, un œil vers Reconquête, un ton d’influenceur apolitique. Un cocktail instable…
3. La droite à reconstruire : S’il croit incarner le renouveau, qu’il commence par fédérer — pas par diviser entre « vieux ringards » et « nouveaux virils ».
4. L’épreuve du temps : Une élection municipale, ce n’est pas un sprint médiatique. C’est une guerre d’usure. La story de 24h ne suffit pas à tenir de longs mois…

Bref, les conservateurs avertis verront dans ce lancement un mélange de sincérité, d’opportunisme et de storytelling. Mais au moins, Louis Sarkozy tente-t-il quelque chose, ce que peu de fils d’ex-présidents ont osé faire autrement qu’en costume trois pièces sur les plateaux télé.

Le buzz ne fait pas un maire

La candidature Sarkozy fils révèle surtout un vide : celui de la droite en quête de récit. Tandis que le RN prospère sur la colère, que LR s’endort sur ses sigles, et que Reconquête se regarde dans le miroir, un jeune homme décide de réinvestir le symbole « Sarkozy » — cette marque politique qui continue d’agiter les esprits, quinze ans après.

Le pari est malin : surfer sur la nostalgie paternelle tout en se présentant comme la relève rebelle. Louis Sarkozy aura réussi une chose : se faire remarquer. En 2025, c’est déjà la moitié du chemin vers une carrière politique. Mais les Mentonnais ne voteront pas pour un profil viral. Ils voteront peut-être pour celui qui saura régler les problèmes de leur ville — et résister à la tentation de se regarder en selfie. S’il y parvient, on pourra dire que le fils Sarkozy n’a pas seulement hérité d’un nom, mais d’un vrai sens de l’action. Sinon, il rejoindra la longue liste des « héritiers » : beaux, éloquents, et parfaitement inutiles.

La position du démissionnaire

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C’est moche, la traîtrise… Alors que les Républicains ont le cul entre deux chaises, et que M. Lecornu a jusqu’à ce soir pour trouver une issue à la crise politique, l’ancien Premier ministre Gabriel Attal affirmait lundi sur TF1 « ne plus comprendre les décisions du président de la République » et déplorait « une forme d’acharnement à vouloir garder la main ». De son côté, hier sur RTL, l’ancien Premier ministre Édouard Philippe suggérait carrément au président d’organiser une élection présidentielle anticipée « une fois le budget adopté ». Le Rassemblement national, lui, se contenterait d’une dissolution. Emmanuel Macron est-il foutu ?


Bouge de là !

Il n’est plus temps d’être poli : Emmanuel Macron doit-il « se casser » ? Il est une plaie pour la France ; il est l’obstacle au renouveau d’un pays dépressif et encalminé. Le chef de l’État est à la source de la crise de régime qui ébranle la Ve République.
Ce séisme ne se résoudra qu’en laissant les Français s’exprimer à travers des élections. Or les réticences du chef de l’Etat à se tourner vers le peuple l’installe, dans la colère froide du narcisse incompris, en despote mal éclairé. Ce qu’il fait voir de son raidissement mental laisse apparaître ses failles présumées psychopathiques. Elles font craindre une fin de règne interminablement conflictuelle.
Emmanuel Macron devrait relire, dans Choses Vues, cette réflexion de Victor Hugo: « Je ne comprends pas qu’on ait peur du peuple souverain ; le peuple, c’est nous tous, c’est avoir peur de soi-même ». Dans l’immédiat, le spectacle de l’oligarchie claquemurée est navrant. « Il suffirait de peu pour que ça fonctionne », a expliqué lundi l’éphémère Premier ministre Sébastien Lecornu en rendant son tablier après 14 heures de gouvernement. Mais son ultime bricolage, tenté jusqu’à ce mercredi soir sur injonction élyséenne, est voué à l’échec. Il y aura sans doute des législatives anticipées. Cependant, derrière la pagaille gouvernementale, c’est également la fin d’un système qui s’accélère.

A ne pas manquer, les carnets d’Ivan Rioufol: Pourquoi Macron et Mélenchon se ressemblent

Macronisme : TOUT LE MONDE descend !

La chute de Macron, déjà renié bassement par certains de ses proches, est celle du macronisme, c’est-à-dire du progressisme social-démocrate. La révolution conservatrice a atteint la France. Les élites mondialistes, européistes et postnationales vont être, au-delà du président, les autres victimes du grand basculement populiste.
L’heure est à la rupture. Si, en 2022, Robert Ménard assurait (Le Figaro, 11 juillet 22): «Etre révolté, être punk aujourd’hui, c’est être modéré!», le maire de Béziers a rejoint opportunément ceux qui appellent depuis longtemps à «renverser la table». C’est ce besoin de radicalité que Bruno Retailleau, démissionnaire lundi matin, a mal analysé en proposant mardi matin, sur Europe 1, une ultime porte de sortie à la macronie en déroute, avec la nomination d’un « Premier ministre de cohabitation » qui serait choisi parmi la droite républicaine. Mais ces palinodies viennent brouiller la lucidité qui était la marque du ministre de l’Intérieur. Alors que David Lisnard demande la démission du président Macron, la prudence de M. Retailleau trahit une faiblesse de caractère. Si le président des LR entend concourir à la présidentielle, il doit rompre une fois pour toutes avec les notables de son parti qui restent attirés par le bloc central, par souci esthétique de ne pas se mélanger au vil bloc patriote.
Or ces réticences ne sont plus comprises de l’opinion, qui juge prioritaire (58%) de faire barrage à LFI. De surcroit, les récentes déclarations de Nicolas Sarkozy plaçant le RN dans « l’arc républicain » sont venues s’ajouter à celles de Serge Klarsfeld. Le choix du sénateur LR Roger Karoutchi de voter RN «sans états d’âme» en cas de duel avec LFI (Europe 1, 30 septembre) a accéléré l’union des droites, rejetée par les plus irréductibles des LR. Le vieux monde s’écroule. Les LR vont-ils enfin comprendre qu’ils en font partie ?

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Un nouvel «Hamlet–Machine»?

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Bertrand de-Roffignac et Nikita Kukushkin dans "Hamlet-Fantomes" © Thomas Amouroux

Qui se souvient encore de Hamlet-Machine, cette brève pièce du dramaturge allemand Heiner Müller (1929-1995), montée à l’époque en France de façon audacieuse par le regretté duo Jourdheuil & Peyret… Alors, Un Hamlet-Machine d’un nouveau style en 2025, sous les auspices de Kirill Serebrennikov ? On est déjà depuis deux heures en compagnie de Hamlet, ou plutôt de ses spectres, lorsqu’après l’entracte le rideau se lève une nouvelle fois sur ce même salon lambrissé, d’un blanc éteint, au plafond éventré, aux hautes croisées ouvertes dont les vitres salies laissent filtrer une lumière pâlie. Au fond, une cheminée de marbre, son trumeau découvrant bientôt un miroir écaillé, un piano à queue dans un coin, et puis quelques mauvaises chaises, plus tard, en désordre…

Voilà que le grand lustre central est descendu à terre. La seconde partie s’ouvre sur la virtuose chorégraphie d’un danseur encapuchonné de noir (le Tchèque Kristian Mensa), lequel dénude sa sublime, éphébique académie, sur fond de musique percussive : sixième des dix tableaux composant cet Hamlet/Fantômes, nouvelle création très attendue du cinéaste, auteur et metteur en scène russe Kirill Serebrennikov, désormais exilé à Berlin comme chacun sait, et dont le dernier film, La disparition de Josef Mengele, sort en France dans une quinzaine de jours. Les amateurs de lyrique connaissent évidemment fort bien Serebrennikov (cf. son Lohengrin, il y a deux ans à l’Opéra-Bastille), tout comme les férus de théâtre (cf. Le Moine noir, de Tchekhov, monté à Avignon en 2022).

Pour l’heure, l’ambition de cet Hamlet/fantôme n’est pas d’ajouter une pierre supplémentaire aux innombrables mises en scène qui, dans toutes les traductions possibles, raniment partout dans le monde, depuis des siècles, le chef d’œuvre shakespearien d’entre les chefs d’œuvre. Mais de projeter sur nous l’ombre portée d’Hamlet dans ses représentations imaginaires, en tant que mythe essentiel de la culture occidentale. Ce à travers un spectacle « total », polyglotte (les acteurs et chanteurs s’expriment tour à tour en français, en russe, en anglais), associant création musicale (composition de Blaise Ubaldini, solistes de L’Ensemble intercontemporain dans la fosse, chœur Ensemble La Marquise), chant et paroles (le texte est de Serebrennikov lui-même).

A lire aussi: ‌Une espèce en voie de disparition: la langue française

Au prisme du prince danois est envisagée tour à tour la relation au Père, à l’Amour, à la Peur, à la Violence… Fantôme drainant les figures de son propre fantôme, de la Reine, de la Mort, et de toutes les « Hamlets » (sic) possibles, jusqu’à celle du Silence où il disparaît – ultime tableau, de toute beauté, comme le pianissimo d’une symphonie : il s’achève ici sur un sonnet de Shakespeare, chanté par Odin Lund Biron (l’acteur américain, on s’en souvient, assumait le rôle du compositeur, en 2022 dans le film de Serebrennikov La femme de Tchaïkovki).

Soit donc une multitude de situations qui, dans une explosion de bruit et de fureur, convoquent non seulement les personnages de la pièce, mais aussi les incarnations de la quête « hamlétienne » telle qu’elle a pu circuler d’ Antonin Artaud à Sarah Bernhardt, en passant par Dimitri Chostakovitch (campé par Filipp Avdeev) ou dans la vision d’un metteur en scène comme le Polonais Jerzy Grotowski (1933-1999).

Odin Lund Biron et Kristian Mensa dans « Hamlet-Fantomes » © Vahid Amanpour Theatre-du-Chatelet

Foisonnante, déconcertante parfois dans ses excès de grandiloquence, et dans la crudité, la trivialité (concertée !), voire les truismes (concertés, eux ?) du livret, cette geste ambitieuse (dont le narrateur, Hamlet enfant crucifié par le doute, prend les traits de l’extraordinaire acteur qu’est August Diehl) paraît quelque peu intimidante, il faut le reconnaître, jusqu’au soulagement bienvenu de la demi-heure d’entracte. Mais c’est précisément dans sa seconde partie –  moitié plus courte – que le spectacle prend son essor, et s’allège pour ainsi dire, porté par la stupéfiante beauté plastique des cinq derniers tableaux. En particulier le septième, où la comédienne Judith Chemla, rousse Ophélie telle qu’immortalisée par l’unijambiste Sarah Bernhardt (comme le souligne, projeté en font de scène, un incunable cinématographique), revêt alternativement une silhouette mâle et femelle, jouant sur le simple profil des perruques et des costumes. Dans le huitième tableau, le glabre slave blond aux prunelles d’azur Nikita Kukushkin, complice de longue date de Serebrennikov, livre une performance physique éblouissante. Titré « Hamlet et les Hamlets » et curieusement annoncé dans le programme « avec la collaboration de ChatGPT », l’avant dernier tableau fixe une étonnante chorégraphie de mobiles, tenus en main par la troupe réunie, dans un ensemble parfait et sous un éclairage hallucinant. Autant dire que la machine fonctionne.

À noter que le public, au soir de la première, n’était pas du tout celui qu’on voit traditionnellement à l’opéra. Beaucoup plus jeune, et plutôt « faune branchée » que « tribu bourgeoise ». Est-ce ou n’est-ce pas un signe ? Telle est la question.


Hamlet/Fantômes, d’après William Shakespeare. Mise en scène, texte, scénographie, costumes : Kirill Serebrennikov. Durée : 3h Théâtre du Châtelet, Paris. Jusqu’au 19 octobre.   

Ce matin, le ciel d’Israël s’est ouvert

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Des personnes se rassemblent sur la place des otages à Tel-Aviv pour célébrer l’accord de cessez-le-feu, 9 octobre 2025 © Ilia Yefimovich/DPA/SIPA

Libération des otages: les Israéliens attendent encore de voir pour y croire vraiment.


« Je suis très fier d’annoncer qu’Israël et le Hamas ont tous deux approuvé la première phase de notre plan de paix » a écrit le président Donald Trump sur TruthSocial. Deux ans après le début de la guerre, un accord de cessez-le-feu a finalement été trouvé tôt ce jeudi matin. Sa première phase annonce la libération des otages dès lundi contre près de deux mille prisonniers palestiniens • La rédaction

Ce matin, le réveil n’a pas la même couleur que les autres jours. Dans nos têtes encore habitées par les nouvelles de la veille, l’écho de l’espoir se fait encore entendre.

Hier soir, alors que nous célébrions la fête de Souccot, symbolisée par la construction de cabanes, qui fleurissent partout dans le pays et qui invitent, par leur simplicité, le peuple juif à revenir à son essentiel, à quitter toute forme d’égo pour se laisser porter par les aléas du destin, en se soumettant aux lois de la nature, la flamme de l’espoir s’est rallumée. Les téléphones ont crépité de nouvelles venant de loin. La poignée de main entre Donald Trump et Benyamin Netanyahou, entourée de nombreux pays arabo-musulmans, dont certains avaient rompu leurs relations avec Israël, en est devenue l’emblème.

Hier soir, entre deux conversations, nos cœurs étaient en prise avec une contradiction devenue notre quotidien : celle d’une envie irrépressible d’y croire, de penser que cet accord, un accord historique, conclu par l’intermédiaire des Etats-Unis entre Israël et le Hamas, était la bon, le final, et une méfiance, une peur que tout soit défait les jours suivants. A peine deux jours après la commémoration du deuxième anniversaire du 7-Octobre, alors que la tristesse nous avait à nouveau envahis, nous replongeant dans les sensations, les témoignages des survivants, nos émotions sont ballotées d’un extrême à l’autre. Les médias officiels israéliens confirment la nouvelle, relayés par les médias internationaux et comme toujours en Israël, les réactions sont multiples : certains sabrent sur le champ le champagne, tandis que les autres sont réservés, disant qu’ils n’y croiront réellement qu’au moment où les familles pourront serrer leurs proches dans leurs bras, après deux ans d’usure et d’obscurité.

Ces deux années nous ont appris la retenue. Nous avons développé une capacité hors norme pour vivre en apnée, car comment respirer en profondeur quand, loin des villes, la guerre dure et que la souffrance, lorsqu’on veut la voir, est partout ?

En deux ans, nous avons nourri une multitude d’espoirs qui, presque instantanément, se sont effrités au contact du réel. Alors, à force, nos aspirations d’avenir dans la région se sont faites prudentes, nos illusions de paix sont devenues caduques, nos élans humanistes se sont bridés naturellement par la réalité du terrain.

A lire aussi, Gil Mihaely: Israël-Hamas: qui perd gagne?

Et pourtant, hier soir, assis dans les cabanes, au contact de la terre, de la simplicité de partager un repas entre personnes vivant la même réalité, c’était différent. Véritablement entrés dans l’esprit de Souccot, apprenant peu à peu à lâcher-prise, notre fatigue du cœur s’est laissée emporter par le flot des notifications. Les nouvelles tombaient comme une pluie fine de miracles et se concluaient toutes par cette phrase aux intonations magiques « les otages rentreront chez eux sous quelques jours ». Cela paraissait trop beau pour être réel.

Ce matin, au réveil, les nouvelles de la veille ne sont toujours pas démenties. Plus grand encore, une pluie délicate, inattendue pour la saison, tombe. Une pluie fine, presque timide, silencieuse, s’invitant sans fracas dans nos jardins, trempant nos cabanes faites de feuilles, de tiges de fer et de tissus légers.

Elle semble venue apporter, à sa manière, une confirmation aux nouvelles de la veille, l’impossible trouvant son chemin jusqu’à nous. En hébreu, la pluie – gueshem – partage la même racine que lehitgashem, verbe que l’on utilise pour dire qu’un rêve ou un espoir se réalise. Comme si, en tombant sur la terre, la pluie venait incarner ce que nos cœurs attendaient depuis si longtemps : la concrétisation de l’espérance.

De mémoire, je n’avais jamais vu la pluie tomber ainsi, en cette saison qui s’obstine d’ordinaire à ressembler à l’été. Et ce matin, dans le silence suspendu d’un pays qui s’autorise à croire à nouveau, avec l’eau qui coule de toutes parts, une pensée me traverse.

Cela ne fait pas deux ans que nous continuons de croire malgré l’obscurité de la période. Cela fait plusieurs millénaires, et c’est même cette forme singulière d’espérance qui caractérise le destin du peuple juif.

L’espérance qui est la nôtre est à contre-courant de l’ère du temps, elle est déconnectée de la réalité objective, et elle parvient à se frayer un passage entre ce que l’on voit et ce que l’on ignore. C’est une espérance qui ne s’appuie sur rien, mais qui en réalité repose sur tout : sur la certitude que nous vivons notre histoire de la manière la plus pleine et incarnée possible. Sans cette espérance, nous ne pourrions pas continuer. Car ici, espérer n’est pas une posture : c’est une manière de vivre, de voir au-delà de ce qui est visible, et de se tenir debout malgré le vent.

Et peut-être qu’avec la libération des otages, une autre libération aura lieu, celle d’une vérité encore plus fondamentale. Celle que notre combat n’est pas celui que l’on croit, il dépasse nos frontières, il porte en lui l’universel de l’humanité, et s’il est mené ici, avec une intensité presque surnaturelle, il précède un autre combat, qui déjà gronde, au cœur de l’Occident. Un combat pour les valeurs de la vie contre la pulsion de mort, pour la lumière contre l’effacement, et pour des principes qui rendent l’humanité encore humaine.

La démocratie contre la République

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Notre collaborateur nous inquiète. Ardent défenseur de l’École, il finit par révoquer, sous prétexte de défendre l’idéal républicain, les bonnes intentions démocratiques qui depuis quarante ans, en plaçant l’élève au centre constructeur de ses propres savoirs et de son ignorance crasse, ont mis en place un vrai égalitarisme de la nullité. C’est mal, c’est très mal.


Bien sûr, si vous êtes allés à Athènes, vous êtes forcément montés sur l’Acropole. Mais peut-être avez-vous fait, en redescendant, un crochet sur la gauche, où s’élève le long rocher plat du Pnyx, qui servait de tribune lors des débats démocratiques de l’Ecclesia, l’assemblée du peuple.

Un coup d’œil vous suffit alors pour comprendre que le peuple, dans la démocratie athénienne, c’était tout au plus 5000 personnes. Et d’après les historiens antiques, on n’est jamais arrivé à ce chiffre. Comptez plus généralement sur 3000 participants / votants. Des hommes (les femmes, les esclaves, les métèques et les Grecs d’autres cités n’étaient pas admis à voter), et quelques élus.

Ce fut cela, à l’origine, la démocratie — le « gouvernement du peuple ». Quelques milliers de votants. Des décisions prises à main levée — parce que chacun avait le courage de ses opinions.

Les républicains de 1789, imbus d’idées « grecques », ont réalisé le même système en 1793, en instaurant le tribunal révolutionnaire.

Lorsque Platon écrit La République, il a déjà perçu — sans média modernes, sans commentateurs bavards, sans débats interminables pour ne rien dire — que la démocratie engendre la démagogie, qui engendre la tyrannie. C’est dans ce livre que l’on trouve ce passage maintes fois cité pour éclairer les déviations pédagogiques et politiques contemporaines :
« Lorsque les pères s’habituent à laisser faire les enfants, lorsque les fils ne tiennent plus compte de leurs paroles, lorsque les maîtres tremblent devant leurs élèves et préfèrent les flatter, lorsque finalement les jeunes méprisent les lois parce qu’ils ne reconnaissent plus au-dessus d’eux l’autorité de rien ni de personne, alors c’est là, en toute beauté et en toute jeunesse, le début de la tyrannie. »

A lire aussi: Alain Minc: « Il n’y a toujours pas d’alternative »

Comme dit Rousseau, La République est « le plus beau traité d’éducation qu’on ait jamais fait »… Les pédadémagogues qui ont contribué à anéantir l’Ecole de la République, et qui chantent les louanges du philosophe de Genève, l’ont-ils seulement lu ? Najat Vallaud-Belkacem a-t-elle lu Platon — ou Rousseau ?

Toute démocratie qui dégénère s’inscrit contre la République. Et dans les époques où les décisions du peuple sont niées (rappelez-vous ce que le parlement et les politiques, en France, ont fait du vote des Français sur la Constitution européenne en 2004…), c’est une tyrannie de fait qui s’établit.

Un autre exemple ? L’histrion narcissique qui occupe l’Élysée se targue d’avoir été élu — et de fait, il l’a été, ce qui donne une idée de la valeur d’une élection « démocratique ». Mais quelle légitimité réelle a-t-il encore ? Une vraie République le renverserait demain.

« Ô temps de la tyrannie démocratique », s’exclamait Apollinaire (dans Orphée, en 1917). Ce qui apparaît à première vue comme une contradiction dans les termes est en fait un rigoureux pléonasme : le vote de la multitude, manipulée par les médias, les partis, les syndicats, menacée de réchauffement climatoridien, sommée de « bien » voter, ballotée entre les ambitions de personnages crapoteux qui n’ont de grand que leur mépris du peuple, n’a plus aucun sens.

Après la catastrophe de la guerre du Péloponnèse, qui a vu Sparte (une société monarchique bicéphale, comme plus tard les consuls romains) écraser la démocratie athénienne, la ville de Périclès s’est dotée, pour un temps, d’un aréopage de trente tyrans, qui ont eu la sagesse de réserver le croit de vote à leurs seuls partisans — soit 3000 personnes environ. Le temps de ramener l’ordre dans la cité.

Et peut-être est-il temps de ramener l’ordre en France…

«Macron ose tout sauf le courage»

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Franz-Olivier Giesbert © Hannah Assouline

Il a connu tous les présidents depuis quarante ans, chroniqué toutes les crises, déploré tous les renoncements. Mais cette fois-ci, c’est plus grave, assure Franz-Olivier Giesbert. Les Français sont au bord du gouffre et leurs élites – dirigeants tétanisés et médias inconscients compris – regardent ailleurs en se perdant en palabres et combines.


Causeur. Vous êtes écrivain. Comment nommez-vous les malheurs de la France ?

Franz-Olivier Giesbert. De même qu’on parle de « convergence des luttes », je dirais que nous vivons une ère de convergence des crises, avec une accélération de l’affaissement général du pays sur à peu près tous les plans. Ce n’est pas la première fois que la France connaît une situation qui semble désespérée : songeons à la défaite de Sedan en 1870, à la débâcle de 1940 ou à l’impasse algérienne en 1958, qui a permis le retour au pouvoir du général de Gaulle. Chaque fois, le redressement a suivi. Mais aujourd’hui, aucun débouché politique sérieux n’apparaît encore.

Quand vous êtes désavoué, dans la rue et dans les urnes, est-ce si absurde de recourir au peuple comme l’a fait Emmanuel Macron avec la dissolution de 2024 ?

Si Macron, soudain devenu gaullien, avait pris de la hauteur et décidé de donner la parole au peuple, quitte à prendre le risque de laisser le RN gagner, je n’aurais pas été aussi choqué. Mais c’était, hélas, une manœuvre politicienne et Gabriel Attal a, comme Édouard Philippe, cassé le coup du président en bricolant des arrangements électoraux minables entre la Macronie et le NFP (Nouveau Front populaire), LFI comprise. Une alliance contre nature. Face au « danger fasciste », ils ont ressuscité les apparentements qui indignaient tant sous la IVe République. Sans quoi le RN aurait eu toutes les chances de gagner les législatives, comme l’anticipait d’ailleurs Macron.

Voulez-vous dire qu’il a provoqué des élections dans l’idée de nommer Jordan Bardella Premier ministre ?

Je crains que ce ne soit la seule excuse qu’on puisse trouver à la dissolution. En fait, il s’agissait d’une idée aussi stupide que machiavélique qui n’était pas du tout à la hauteur des enjeux : Macron a pensé qu’une cohabitation avec Jordan Bardella lui permettrait de se refaire une santé, sur le modèle des deux cohabitations de Mitterrand. Après avoir refusé de prendre acte de sa défaite aux législatives en 2022, il a cru qu’il redeviendrait populaire en donnant au RN les clés de Matignon pendant trois ans, le temps de le décrédibiliser. Seulement les choses ne se sont pas passées comme prévu. Et le pays est dans une impasse à cause de cette petite combine ratée.

C’est un peu réducteur de faire porter le chapeau au seul Macron, non ?

Vous avez raison, il n’est que le maillon d’une chaîne. Il ne faut donc pas rejeter toute la responsabilité sur lui. Mais vous conviendrez qu’il a rendu la pente du déclin encore plus raide et qu’en plus, il semble se contre-ficher de la situation dans laquelle il a mis le pays. C’est ce mélange de déni et d’inconscience qui est le plus désolant.

Vous avez écrit qu’un homme d’État devait avoir trois qualités : des convictions solides, le sens du sacrifice et un rapport à la transcendance. Le président les a-t-il ?

Non. Les convictions ? Je les cherche toujours. Il leur préfère son fameux et enfantin « en même temps », alibi pour ne pas choisir, donc pour  ne rien faire. Le sens du sacrifice ? Le courage n’est jamais le fort des narcisses. La transcendance ? Il ne sent pas le pays profond, qu’il ne peut donc incarner comme la plupart de ses prédécesseurs.

Vous trouvez que Hollande incarne la France, lui qui rejette un tiers des Français hors de l’arc républicain, autant dire dans les ténèbres ?

Oui, même si ça vous dérange, Hollande est l’une des incarnations de la France sociale-démocrate qui existe encore dans les régions. Quand il tient ce propos lunaire, il fait de la petite popol. Il nous explique, en gros, que Marine Le Pen serait plus dangereuse pour la démocratie que Jean-Luc Mélenchon. La bonne blague ! Il n’y croit pas lui-même, mais il veut que LFI, qu’il place dans l’arc républicain – première nouvelle ! –, se désiste pour le candidat socialiste si celui-ci est arrivé en tête de la gauche au premier tour de la présidentielle.

La politique, est-ce que, comme le reste, ça n’était pas mieux avant ? Nos dirigeants sont les enfants de leur époque : ils se nourrissent plus de réseaux sociaux que de livres. Nous ne savons plus fabriquer de grands hommes.

Ce qui fait la différence entre les gouvernants, ce n’est pas la culture, ni l’intelligence, ni la quantité de diplômes, ni le niveau en anglais, c’est le courage ! Observez des personnages comme Reagan, Thatcher ou Schröder : aucun des trois n’a eu peur d’aller au bout de sa politique et ils ont tous redressé leur pays. Même chose avec de Gaulle ou Churchill qui étaient, il est vrai, des écrivains et des puits de culture. Macron, lui, n’a rien à voir avec tous ces dirigeants. Il n’ose pas affronter les Français sur les sujets qui fâchent. Il leur a fait beaucoup de chèques qui, aujourd’hui, mettent nos finances en danger. C’est le syndrome Louis XV à qui ça n’a pas réussi : il voulait qu’on l’aime !

Mais sur les retraites, n’a-t-il pas justement été courageux ?

Allons, sa réforme des retraites était une réformette, beaucoup de bruit pour rien. La preuve, notre régime de retraite est déjà déficitaire et, au lieu de faire lui-même de la pédagogie, il a préféré envoyer au front la malheureuse Élisabeth Borne, alors sa Première ministre, une caricature de technocrate, pour expliquer aux Français qu’il allait falloir se serrer un peu la ceinture. Pourquoi n’a-t-il pas mouillé lui-même sa chemise ? Où est son courage ?

Il est quand même resté droit dans ses bottes. Contrairement à Alain Juppé, qui a reculé face aux cheminots en 1995.

Vous rigolez ? À l’époque, j’avais écrit dans Le Figaro un éditorial pas sympa pour Chirac et Juppé. Mais pour que la France reprenne le travail, ils n’avaient reculé que sur un point de détail symbolique, en acceptant de laisser en l’état les régimes spéciaux des agents roulants de la SNCF qui pouvaient partir à la retraite à 50 ou 52 ans ! Ce qui est frappant aujourd’hui, c’est l’absence totale de volonté de nos gouvernants qui, comme les vaches, regardent passer les trains. Tous ces énarques qui font de la politique, Macron en tête, ont souvent peur de leur ombre, le trouillomètre à zéro. Il ne faut pas s’étonner que les grands corps de l’État, toujours habitués à dire oui, aient accompagné la politique absurde de « relance par la consommation populaire » en 1981. Ensuite, ils ont laissé sans broncher Macron se comporter en Attila des finances publiques tout en se lavant les mains des 17 milliards de fraudes sociales révélés par la Cour des comptes. À l’inverse, les Français sont prêts à applaudir quand quelqu’un fait preuve de fermeté. Souvenez-vous de l’abaya, un vêtement traditionnel, utilisé par les islamistes pour tester la défense de la laïcité à l’École. Quand Gabriel Attal, alors ministre de l’Éducation nationale, l’a interdit en 2023, tout le monde a baissé son chapeau et sa popularité a bondi dans les sondages.

Vous écrivez que les élites sont des « marchands de sommeil ». Mais s’il y a des dealers, il y a des consommateurs. Et s’il y a bien une chose que nous, Français, achetons, c’est le refus du réel.

Je vous accorde que la lecture du sondage sur la taxe Zucman va dans votre sens, qui montre que plus de 86 % des Français, même les macronistes, plébiscitent cet impôt imbécile qui plomberait ou chasserait nos entreprises. Reste que, dans notre pays, on peut aussi être populaire en tenant un discours de vérité : voyez Raymond Barre ou Michel Rocard.

La passation de pouvoir entre René Coty et Charles de Gaulle, le 23 décembre 1958, marque le début du plan Pinay-Rueff et du redressement économique de la Ve République. AP Photo/SIPA

Ils n’ont jamais été présidents…

C’est vrai, mais il y a quand même pas mal de personnes qui, dans le pétainisme ambiant, ont sauvé l’honneur. Jean-Claude Trichet, le premier gouverneur de la Banque centrale européenne, qui s’est toujours battu avec détermination contre l’idée débile qu’il fallait augmenter les dépenses pour avoir de la croissance, alors que ça ne marche jamais. François Bayrou aussi a fait preuve de panache, quand il a contredit la sainte parole du Monde et des économo-gauchistes, fâchés avec les chiffres, prétendant que la dette n’était pas un problème ! On s’en rendra compte en 2029 quand les seules charges de la dette coûteront 100 milliards d’euros par an à l’État.

À quand remonte notre aveuglement budgétaire selon vous ?

À l’arrivée au pouvoir des socialistes et de François Mitterrand qui, en 1981, s’est laissé embobiner par ses Diafoirus, Jacques Attali et Laurent Fabius : selon eux, l’économie repartirait si on ouvrait les vannes des dépenses. On a vu le résultat ! Lors de la première cohabitation, entre 1986 et 1988, Jacques Chirac a travaillé à rétablir les comptes. Les Premiers ministres suivants, surtout Pierre Bérégovoy et Édouard Balladur, ont cramé la caisse pour gagner les élections, sans succès. Quand il est devenu président en 1995, Chirac s’est souvent dit déçu par les Français. « Ils sont trop cons, m’a-t-il confié un jour, ils ne voient pas qu’il faut réformer notre modèle si on veut le pérenniser. » En 2006, grâce à son nouveau chouchou, Thierry Breton, qu’il a nommé à Bercy, il a fait baisser l’endettement public de 2,3 points de PIB. La preuve qu’on peut le faire !

Finalement, le temps fait son œuvre et, avec le recul, vous avez la dent moins dure. Dans dix ans, vous direz sans doute qu’Emmanuel Macron n’était pas un si mauvais président…

C’est impossible, parce que la différence de Macron avec les autres, c’est qu’il s’en fout. Chirac, Sarkozy et Hollande étaient préoccupés par la situation du pays. Pas lui. Il se trouve formidable et ça lui suffit. C’est Alice au pays des merveilles. Il baigne dans le déni, dans un monde irréel.

Peut-il néanmoins provoquer une nouvelle dissolution ? Et, dès lors, devrait-on s’inquiéter d’une victoire du RN ?

Tout dépend de la façon dont le RN évoluera. Soit le parti de Marine Le Pen reste ce qu’il est aujourd’hui, c’est-à-dire une auberge espagnole avec des tas de gens parfois intelligents, souvent incompétents, sans parler des branquignols, auquel cas notre pays peut, comme un vieux cheval fourbu, refuser in extremis de sauter l’obstacle. Soit il s’inspire de l’expérience de Giorgia Meloni, avec du professionnalisme, une politique économique raisonnable et une conversion à l’Union européenne. Mais, même dans ce cas, on ne peut exclure des violences.

En somme le RN paye pour la violence de ses adversaires ?

Non, il en profite aussi. N’oubliez pas que LFI et ses braillards, qu’on dirait sortis de la famille Adams, sont, à la fin, les meilleurs argents électoraux du RN.

On a beaucoup parlé de la dette publique. Mais le bilan d’Emmanuel Macron n’est pas plus fameux en matière de cohésion nationale…

L’histoire retiendra que la présidence Macron marque le début du communautarisme à la française. Autrement dit, la consécration du chacun pour soi. C’est tous les jours « le roi s’amuse » et il me semble qu’il éprouve même un plaisir ludique à semer ses mauvaises graines déconstructrices. Aujourd’hui, si nous ne sommes pas dans la situation catastrophique de pays au bord de la guerre civile, comme la Grande-Bretagne ou la Belgique, nous allons, grâce à Macron, dans la même direction. Pensez ! La France n’est toujours pas capable de contrôler son immigration : 500 000 personnes de plus par an, sans compter les clandestins, croyez-vous que ça peut continuer encore longtemps ? Notre chef de l’État fait bien la paire avec Keir Starmer, l’avatar de l’inspecteur Clouzeau (La Panthère rose), qui, faisant office de Premier ministre au Royaume-Uni, laisse tout filer. A-t-on pris la mesure du déclassement français ? Nous comptons de plus en plus pour du beurre sur ce Vieux Continent où les grands hommes, si j’ose dire, ont pour nom l’Italienne Giorgia Meloni (extrême droite), l’Allemand Friedrich Merz (démocrate-chrétien) ou la Danoise Mette Frederiksen (sociale-démocrate) au Danemark.

Jean-Luc Mélenchon à l’Assemblée nationale lors du vote de confiance au gouvernement Bayrou, 8 septembre 2025. JEANNE ACCORSINI/SIPA

Et ailleurs dans le monde ? Javier Milei trouve-t-il grâce à vos yeux de libéral ?

Milei est arrivé à un moment de l’histoire où l’Argentine entrait, d’une crise l’autre, dans les poubelles de l’histoire. Quand il s’est présenté avec des solutions extrêmes, la population était prête à les accepter. Dieu merci, la France n’en est pas encore là.

Sans fantasmer sur l’Argentine, faut-il que nous descendions encore pour que le fameux sursaut nous soit imposé par les circonstances ?

On n’est pas encore tombé dans le gouffre, comme l’a dit François Bayrou. On marche au bord. Une crise financière risquerait de précipiter toutes les autres.

Il faut par ailleurs compter avec le parti des médias. Qu’en pensez-vous, vous qui en êtes un membre éminent ?

Quand j’ai commencé dans ce métier, nous partagions entre confrères de bords différents des valeurs communes et ça nous permettait de surmonter nos désaccords pour échanger. Même chose dans la classe politique. Aujourd’hui, tout est plus cloisonné. Les médias constituent un monde clos, une société de l’entre-soi qui se nourrit d’elle-même pour propager la bonne parole du camp du Bien. Qu’il s’agisse d’économie, d’école, d’immigration ou d’insécurité, elle mouline souvent les mêmes coquecigrues. Cette absence de diversité est inquiétante.

Vous oubliez la montée en puissance de nouveaux médias, à commencer par les médias Bolloré, mais aussi toutes sortes de trublions comme Frontières, L’Incorrect ou Causeur. Peut-on encore dire que les médias sont à gauche ? Le rapport de forces a changé, non ?

On en est encore loin. Mais il est heureux d’entendre de plus en plus de voix dissidentes.Le démocrate que je suis s’en réjouit, mais ce n’est pas le cas de tout le monde. Le sectarisme du camp du Bien donne une idée de l’infini.

Faut-il avoir peur de Jean-Luc Mélenchon ?

Oui et pour une raison très simple : c’est le meilleur orateur et le plus fin stratège. Il a bien travaillé son noyau dur (avec les islamo-gauchistes ou les gosses de bourgeois friqués) et maintenant il va, pour l’élargir, devenir ouvert et sympa, vous allez voir, en envoyant des signaux aux gaullistes, aux souverainistes. Sans oublier de répandre une marmelade idéologique immonde, sur fond d’antisémitisme, de communautarisme, de bêtise et d’ignardise économique.

Comment contrer tout cela ? Avec quel grand projet collectif mobiliser le pays ?

Mais ce projet existe : redresser la France ! Assainir l’économie, en finir avec les déficits et le surendettement, comme de Gaulle l’a fait en 1958 avec le plan Pinay-Rueff, et réindustrialiser le pays, réguler l’immigration, refonder l’école, réinventer la République, confisquée aujourd’hui par le gang de la Bien-Pensance qui a pris le contrôle du Conseil constitutionnel, du Conseil d’État, d’une partie de la justice, de l’école et j’en passe. C’est dingue tout ce qu’il y a à faire.

Pardon, mais réduire la dette, ouvrir des prisons et fermer les frontières, c’est indispensable mais pas totalement exaltant comme projet d’avenir !

Sauf si c’est dans le cadre d’un renouveau patriotique. Il faut relire Charles Péguy : nous avons trop oublié le spirituel et il est temps de mettre en avant notre histoire, notre patrie, sa mystique. Je veux croire au retour du patriotisme, valeur de droite comme de gauche. Une nation, disait l’historien Ernest Renan au xixe siècle, ce n’est pas une langue ni un groupe ethnique, « c’est d’avoir fait de grandes choses ensemble dans le passé et de vouloir en faire encore dans l’avenir ».

Le redressement exige-t-il un changement de régime – une VIe République ?

Quand l’économie va mal, il y a toujours des imbéciles – je ne parle pas de vous – pour dire qu’il faut changer la Constitution. Mais non, on doitchanger les têtes, c’est ça, le problème. La Ve me va ! Les institutions sont là, elles sont solides, elles l’ont prouvé ! Il faut juste des hommes et des femmes « avec des couilles », comme disait le Général.

Euthanasie: éclairer le débat français à la lumière des dérives dystopiques de l’étranger

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La Rochelle, 1998 © AUGE/SIPA

Cette enquête revient sur les non-dits effroyables de la légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté. Après leur adoption à l’Assemblée nationale, les sénateurs devaient examiner au mois d’octobre les textes sur la fin de vie et les soins palliatifs.


«Lorsqu’un pays – une société, une civilisation –  en vient à légaliser l’euthanasie, il perd à mes yeux tout droit au respect»[1] écrivait Michel Houellebecq en 2022 dans les colonnes du Figaro. Alors que les sénateurs s’apprêtent à valider la loi légalisant le suicide assisté et l’euthanasie, soutenue par l’exécutif et votée en mai 2025 à l’Assemblée nationale, un rappel des pires dérives observées à l’étranger s’impose en vue d’éclairer le public.

Le 10 mars 2024, Emmanuel Macron a annoncé un projet de loi pour une « aide à mourir« [2]. Il a été présenté en Conseil des ministres en avril 2024. La loi légalisant l’euthanasie et le suicide assisté a été votée, le 27 mai 2025, à l’Assemblée nationale – avec 305 voix pour, sur les 504 exprimées -« sans pour autant que ces mots jugés connotés négativement ne figurent dans le texte »[3]. Le Sénat s’exprimera très prochainement.

La plupart des Français pensent que l’aide à mourir est préférable lorsqu’en fin de vie, on veut éviter des souffrances inutiles. Mais peu d’entre eux savent quelles dérives funestes potentielles se cachent derrière sa légalisation. En témoignent les exemples ci-après qui ont défrayé la chronique dans les autres pays occidentaux[4], le bloc occidental, comme animé de pulsions suicidaires, étant le seul au monde à banaliser cette pratique.

La stratégie trompeuse du « pied dans la porte » : un élargissement du champ d’application de l’aide à mourir au fil des années  

A l’étranger, les législateurs favorables à la dépénalisation de l’euthanasie et/ou du suicide assisté avaient promis des limites et un cadre strict à l’application de la loi. Force est de constater que la réalité y a souvent pris un tour tragique et sordide, surtout lorsque l’aide à mourir est proposée à des patients psychiatriques, à des indigents, à des personnes sans-abri, à des soldats blessés en opération et, comble de l’horreur, à des enfants! Car, comme le faisait remarquer l’essayiste Aurélien Marq en mai 2025, « l’expérience des pays qui ont déjà légalisé l’euthanasie est sans équivoque, et les promoteurs de l’euthanasie le revendiquent explicitement, comme Jean-Louis Touraine parlant de « pied dans la porte » et annonçant « revenir tous les ans » pour la suite du programme : les mineurs, les malades psychiatriques, les malades d’Alzheimer »[5]. C’est ainsi que ce système conçu pour s’appliquer à des cas relativement rares, a rapidement montré sa vocation à s’étendre sans limite.

Dans un rapport de la fondation Fondapol intitulé : « Les non-dits économiques et sociaux du débat sur la fin de vie » (janvier 2025), les chercheurs Pascale Favre et Yves-Marie Doublet, qui ont étudié les résultats de la décriminalisation de l’euthanasie dans plusieurs pays font remarquer que « le recours ultime, l’exception cèdent la place à la banalisation. La médecine devient une prestation de service. Ces mises en garde existent depuis longtemps ; elles se sont développées avec l’élargissement constant des pratiques, lequel apparaît comme une évolution inéluctable de la loi initiale »[6].

Pays-Bas et Belgique : la grande faucheuse ratisse large !

Aux Pays-Bas et en Belgique, du berceau à la maison de retraite, nourrissons, mineurs de tous âges, autistes, personnes âgées et personnes en bonne santé physique sont désormais concernés ! 

En 2001, les Pays-Bas ont été le premier pays à autoriser la pratique de l’euthanasie active. En 2004, l’aide à mourir a été élargie aux enfants de 12 ans et, depuis avril 2023, dans le sillage de la Belgique, elle a été étendue à tous les enfants et même aux bébés[7]. Précédemment, les mineurs de plus de 12 ans pouvaient demander l’euthanasie avec le consentement d’un tuteur requis jusqu’à 16 ans. Désormais, les bébés et les enfants de tous âges atteints de maladies incurables peuvent être euthanasiés, sur proposition d’un médecin avec tout de même le consentement des parents !

Face à un tel basculement, le professeur d’éthique de la santé Theo Boer, qui fut membre du comité néerlandais sur l’euthanasie et ancien défenseur de l’aide à mourir, s’alarme de l’expansion constante du système d’euthanasie et de ses critères d’éligibilité. Elle représente jusqu’à un décès sur six dans certaines régions du pays.

« L’euthanasie aux Pays-Bas est désormais accessible aux enfants, et même aux nourrissons, de tous âges, et il y a des tentatives continues de l’étendre à toute personne de plus de 74 ans qui considère sa vie comme « complète ». En mai 2023, une étude de l’université de Kingston a révélé qu’il y avait eu 39 cas d’euthanasie dans le pays pour des personnes ayant des déficiences intellectuelles, de l’autisme ou les deux. Nous avons également eu notre lot d’histoires controversées, y compris un cas bien connu en 2018 impliquant une femme atteinte de démence, euthanasiée apparemment contre sa volonté »[8], écrit-il désabusé.

Pour rappel, en 2019, la justice néerlandaise a acquitté une femme médecin accusée de ne pas s’être correctement assurée du consentement d’une patiente atteinte de la maladie d’Alzheimer. La patiente, qui avait changé d’avis, avait été sédatée à son insu, puis lorsqu’elle s’est débattue pour résister à l’injection létale, elle a dû été être maîtrisée avant d’être euthanasiée ! La juge a tranché : « Nous concluons que toutes les exigences de la législation sur l’euthanasie ont été satisfaites. Par conséquent, la suspecte est acquittée de toute charge ». « Nous pensons que, étant donné l’état de démence profonde de la patiente, la médecin n’avait pas besoin de vérifier son désir d’euthanasie »[9]

A noter que les injections létales agissant plus ou moins rapidement en fonction du poison utilisé (parfois jusqu’à 24 heures !), les patients sont d’abord « sédatés »[10] ce qui entraîne leur paralysie.

En Belgique, « une dégénérescence maculaire liée à l’âge peut être un motif d’euthanasie, dans le cadre des polypathologies du vieillissement, dès lors qu’une souffrance est invoquée. Pourtant, ce n’est pas une maladie qui met en jeu le pronostic vital », souligne le rapport susmentionné de la Fondapol. Autre cas sordide : en 2022, une femme belge de 36 ans, qui souffrait d’un cancer en phase terminale, avait demandé l’aide à mourir, mais en raison de difficultés pratiques de dernière minute, elle a finalement été étouffée par l’équipe médicale avec un oreiller[11] !

Au Canada, 50 nuances d’horreur

Au Canada, l’euthanasie est proposée à des blessés de guerre dans la précarité et elle le sera probablement bientôt à des ados à l’insu de leurs parents ! En 2024, on enregistrait 16 600 décès, soit près de 5% de tous les décès dans le pays, avec un record de 6,6% au Québec.

L’euthanasie a été décriminalisée en 2014 au Québec, puis dans l’ensemble des provinces canadiennes en 2016. L’assistance médicale à mourir (AMM en français ou MAID en anglais, Medical Assistance In Dying) ne devait à l’origine ne concerner que les malades en phase terminale. Une décennie plus tard, un individu a été euthanasié à défaut de ne pas avoir trouvé un logement afin d’accommoder son handicap[12]. Avec la crise aiguë du logement, l’explosion du nombre de sans-abri et de toxicomanes dans les grandes villes du pays, la pression s’accroît de manière alarmante sur les personnes les plus vulnérables.

Dès 2022, la présidente de la Commission canadienne des droits de la personne, Marie-Claude Landry,tirait la sonnette d’alarme en déclarant que « l’aide médicale à mourir ne peut être un substitut lorsque le Canada manque à remplir ses obligations en matière de droits de la personne. À une époque où nous reconnaissons le droit de mourir dans la dignité, nous devons faire davantage pour garantir le droit de vivre dans la dignité »[13]

En témoigne le scandale ACC-AMM (Anciens Combattants Canada – Aide médicale à mourir), révélé par Mark Meincke, vétéran des Forces armées canadiennes, grâce à son émission en ligne « Opération Tango Romeo » sur la guérison des traumatismes de guerre. Une vingtaine de soldats canadiens blessés en opération, notamment en Afghanistan, ou souffrant de stress post-traumatique, se sont ainsi vu proposer le suicide assisté par des fonctionnaires du ministère des Anciens combattants[14]. Oliver Thorne, du Veterans Transition Network, a d’ailleurs reconnu à cet égard : « Je crains que nous offrions aux gens un moyen de mettre fin à leurs jours, alors qu’il existe des traitements, mais ces traitements sont plus difficiles d’accès que la mort médicalement assistée »[15].

On notera l’exemple particulièrement révoltant de la caporale paralympienne canadienne Christine Gauthier qui, lors de son témoignage devant le Comité permanent des anciens combattants de la Chambre des communes, a révélé que le ministère lui avait proposé le suicide assisté en réponse à sa demande d’aide gouvernementale pour obtenir une rampe d’accès pour fauteuils roulants chez elle[16].

Plus épouvantable encore, l’élargissement prochain de l’aide à mourir aux adolescents canadiens « dont la mort naturelle est jugée raisonnablement prévisible » et ce, à l’insu de leurs parents. C’est exactement ce que recommande un rapport publié par en 2023 par un comité composé de députés et de sénateurs au niveau fédéral[17]. Les parents sont également mis à l’écart en ce qui concerne la transition de genre, tandis que le consentement parental est toujours obligatoire pour se faire tatouer ou même se faire percer les oreilles ! L’association Parents As First Educators (PAFE) est montée au créneau devant de telles absurdités. Elle redoute que, tôt au tard, le gouvernement fédéral n’autorise l’aide à mourir à tous les enfants, par exemple aux adolescents dépressifs sans que les parents ne soient mis au courant[18]. A noter tout de même que, dans la même optique malsaine, nos parlementaires français ont voté un délit d’entrave à l’accès à l’aide à mourir, puni de deux ans de prison et de 30 000 euros d’amende !

Le choix de donner la mort aux patients plutôt que de développer les soins palliatifs

Le docteur Marie-Josée Masanès, pneumologue, témoigne de ce qui se passe dans le huis clos des hôpitaux français[19] : « En 35 ans d’activité professionnelle orientée oncologie à l’hôpital, dont 12 ans pour mettre en place les soins palliatifs dans le service de pneumologie où je travaillais, j’ai pu constater que ce sont les familles qui demandent l’euthanasie, pas le patient ! C’est une demande de bien portant ! Le patient, lui, demande qu’on le considère comme une personne vivante, qu’on l’écoute et qu’on lui donne au moins un peu de confort. C’est la mission des soins palliatifs. Il est surréaliste de vouloir autoriser et développer l’euthanasie tant que notre pays ne se sera pas donné les moyens de mettre les soins palliatifs à la portée de tous les patients ». 

« Lorsqu’il n’y a plus de possibilité de soulager, la loi Leonetti autorise le recours à la sédation transitoire (le temps de refaire un point sur l’état du patient) ou terminale [pour induire un sommeil profond]. Et la sédation n’est pas une euthanasie. Elle est réversible et peut permettre de passer un cap difficile. Or, ce temps qui est pris pour accompagner est bénéfique pour tout le monde : le patient qui reste un être vivant, la famille dont le travail de deuil sera préparé en amont et l’équipe soignante qui ne s’est pas engagée dans ce métier pour tuer ! »

Donner la mort pour renflouer les caisses de l’Etat ?

Avec la légalisation de l’euthanasie, « ce qui est présenté comme un choix pour « les plus forts » pourrait bien être une incitation pour « les plus faibles ». Ce sont ces données qu’il convient de rappeler à la veille d’une reprise du débat sur la légalisation de la mort provoquée », alertaient Pascale Favre et Yves-Marie Doublet en janvier 2025.A la clé: une économie évaluée à 1,4 milliard € par an[20]! Il se trouve que les complémentaires santé soutiennent la légalisation de la mort provoquée « avec en toile de fond un déficit considérable des finances publiques et de nos régimes sociaux et une dégradation de la note de la France sur les marchés »[21].

Au Canada, « au vu de l’inégalité d’accès aux soins palliatifs dans le système de santé, les inquiétudes sur son utilisation – et le profit qui pourrait en être dégagé – ne sont pas infondées : dans un rapport parlementaire, le pays revendique les gains nets que lui procure la mort administrée, soit 87 millions de dollars canadiens », écrit Paul Chambellant dans un article du Point intitulé « Loi sur la fin de vie : au Canada, le difficile encadrement des dérives »[22].

Dans un tel contexte, la vente d’organes, prélevés sur des personnes euthanasiées constitue le point d’orgue de la dérive marchande scandaleuse de l’aide à mourir. Le Canada se retrouve à la première place dans ce domaine[23]. Tout comme en France (on l’a vu lors de l’attentat de Nice, où des organes ont été prélevés sur des enfants sans le consentement de leurs familles pour les besoins de l’enquête), on note que toutes les personnes présentes dans le pays sont considérées comme consentantes pour le don d’organes et qu’il faut remplir un formulaire spécial pour refuser le don automatique d’organes.

En conclusion, la question cynique qui sous-tend en filigrane les déclarations prétendument humanistes sous prétexte d’allègement de la souffrance humaine, semble être la suivante : faut-il proposer l’aide mourir à toutes les personnes jugées « inutiles à la société » et considérées comme des fardeaux financiers pour la collectivité ?

Il est ainsi douloureux de constater que la notion de « vies indignes d’être vécues », qui fut autrefois le leitmotiv des eugénistes les plus virulents dans l’histoire de l’humanité, est en train de ressurgir de manière particulièrement sordide, dans des pays où l’euthanasie et le suicide assisté ont été légalisés. Dans le film dystopique Soleil vert (1973), les gens en arrivent à demander à se faire euthanasier tant ils sont englués dans des conditions de vie déplorables créées délibérément par une élite régnant sur des masses populaires misérables[24].

A ce stade, la réalité a presque dépassé la fiction. Les personnes de bonne foi qui croient sincèrement que la loi sur l’aide à mourir, qui doit encore être validée par le Sénat français incessamment sous peu, va permettre de « mourir dans la dignité », s’exposent à d’immenses désillusions.


[1] https://www.lefigaro.fr/vox/societe/michel-houellebecq-une-civilisation-qui-legalise-l-euthanasie-perd-tout-droit-au-respect-20210405

[2] Selon Public Sénat : « L’aide à mourir consiste à autoriser et à accompagner une personne qui en a exprimé la demande à recourir à une substance létale », indique l’article 2. Le malade devra s’administrer lui-même le produit, c’est l’une des principales règles fixées par les députés, à partir d’un amendement du gouvernement. Seule dérogation possible : « Lorsque la personne n’est pas en mesure physiquement d’y procéder », elle pourra alors se faire administrer la substance par un médecin ou un infirmier. [https://www.publicsenat.fr/actualites/parlementaire/aide-a-mourir-ce-que-contiennent-les-deux-textes-sur-la-fin-de-vie-bientot-examines-au-senat]

[3] https://www.lefigaro.fr/flash-actu/fin-de-vie-la-loi-sur-l-aide-a-mourir-examinee-au-senat-a-partir-du-7-octobre-20250702?msockid=1633e42e45b96af718a9f1ea44006b01

[4] Belgique (2002), Luxembourg (2009), Pays-Bas (2002), Espagne (2020), Portugal (2021), mais aussi Canada (2026), Etats-Unis (certains Etats : OregonWashingtonMontanaVermont et Californie), Colombie (1997), Australie (2024) et Nouvelle-Zélande (2021).  En Suisse, l’euthanasie active reste interdite, mais le suicide assisté est autorisé.  [https://www.touteleurope.eu/societe/l-euthanasie-en-europe/]

[5] https://www.causeur.fr/euthanasie-le-pied-dans-la-porte-310402

[6] https://www.fondapol.org/dans-les-medias/leuthanasie-permettrait-deconomiser-14-milliard-deuros-par-an/

[7] https://www.jpost.com/health-and-wellness/article-739852

[8]https://www.spectator.co.uk/article/on-assisted-dying-britain-must-learn-from-the-netherlands/

[9] https://genethique.org/pays-bas-le-medecin-accuse-deuthanasie-est-acquitte/

[10]https://www.cbip.be/fr/gows/3974?matches=l%27euthanasie%7Ceuthanasie%7Cl%E2%80%99euthanasie

[11] https://www.lesoir.be/535429/article/2023-09-06/un-accompagnement-de-fin-de-vie-tourne-letouffement-au-coussin

[12] https://www.ccdp-chrc.gc.ca/ressources/salle-des-nouvelles/laide-medicale-mourir-ne-peut-etre-la-reponse-linegalite-sociale

[13] https://www.ccdp-chrc.gc.ca/ressources/salle-des-nouvelles/laide-medicale-mourir-ne-peut-etre-la-reponse-linegalite-sociale

[14]https://www.cqv.qc.ca/un_autre_veteran_en_difficulte_affirme_qu_anciens_combattants_canada_lui_a_propose_l_euthanasie

[15] https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1938653/aide-medicale-mourir-veterans-sante-mentale-gouvernement-federal

[16] https://www.independent.co.uk/news/world/americas/christine-gauthier-paralympian-euthanasia-canada-b2238319.html

[17] https://www.parl.ca/documentviewer/en/44-1/AMAD/report-2

[18] https://www.pafe.ca/is_euthanasia_coming_for_kids_in_canada

[19] Entretien avec l’auteure, 8 octobre 2025.

[20] https://www.lepoint.fr/postillon/l-euthanasie-permettrait-d-economiser-1-4-milliard-d-euros-par-an-08-02-2025-2581832_3961.php

[21] https://www.fondapol.org/etude/les-non-dits-economiques-et-sociaux-du-debat-sur-la-fin-de-vie/

[22] https://www.lepoint.fr/monde/loi-sur-la-fin-de-vie-au-canada-le-difficile-encadrement-des-derives-30-05-2024-2561585_24.php

[23] https://www.ctvnews.ca/health/article/canada-performing-more-organ-transplants-from-maid-donors-than-any-country-in-the-world/

[24] https://theconversation.com/soleil-vert-et-plan-75-deux-films-dystopiques-pour-alimenter-la-reflexion-sur-leuthanasie-192136

Chimérique union des droites

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Si les Français retournaient aux urnes demain, la droite française partirait encore en ordre dispersé. Pourquoi l’union des droites est-elle ce terrifiant serpent de mer toujours planqué au fond de l’océan quand on aurait besoin de lui?


On parle beaucoup d’union des droites ces jours-ci. En réalité, surtout à gauche. L’union des droites, c’est le serpent de mer qui ressurgit régulièrement du bourbier politique. Ou plutôt le monstre du Loch Ness, le vampire face auquel on agite croix et gousses d’ail… Dirigeants et éditocrates de gauche font chorus dans la déploration et l’indignation à la perspective d’une alliance RN–droite classique.

Horizon brun

Thomas Legrand sonne le tocsin dans Libération. Il parle du toboggan fatal de l’union des droites : « Les mots autoritaires, les postures identitaires, l’abandon de son substrat libéral par la droite dite “classique”, de “gouvernement” ou “républicaine”, indiquent que nous nous dirigeons collectivement vers cet horizon brun. » Brrr. Rien que ça. Le nazisme à nos portes. Dans Le Monde, un politologue obscur, observant que dans la législative du Tarn, Bruno Retailleau appelle implicitement à préférer le ciottiste au socialiste, ose écrire que « Les Républicains demeurent la figure de proue d’un mouvement général de consentement à l’extrême droite ». Les élus Nupes font tous les outragés. Ils ont avalé la soumission aux Insoumis — et recommenceront pour sauver leur siège ou leur ville, je vous fiche mon billet —, mais la gauche, ça ose tout.

A lire aussi, Dominique Labarrière: Edouard et sa philippique

Cette alliance RN/LR se concrétisera-t-elle en cas d’élection ?

Malheureusement non. L’appel lancé par Sarah Knafo, très relayé sur les réseaux sociaux, a été balayé par les deux partis concernés. Il y a aussi eu un vague ballon d’essai de la part de Jordan Bardella et de quelques voix LR isolées (Henri Guaino, Sophie Primas et Roger Karoutchi). Mais ces deux derniers, vite tancés par leur parti, ont dû reculer. Et dans le Tarn, Bruno Retailleau refuse de dire clairement : Votez RN. Comme si le mot était radioactif. Le chantage, l’intimidation morale et le « cordon sanitaire » fonctionnent toujours. La gauche cause avec LFI, mais la droite est interdite d’alliance ou de la moindre discussion avec le RN. Ce qui la condamne finalement à l’opposition ou à la macronisation.
Or, pour nombre d’électeurs, ce rapprochement serait logique. Le RN d’aujourd’hui ne coche plus aucune des cases de l’extrême droite (antiparlementarisme, antisémitisme et pression de la rue : ça vous rappelle qui, en réalité, franchement ?). Le RN occupe désormais l’espace idéologique du feu RPR. Bien sûr, il existe des différences programmatiques entre le RN et LR, notamment économiques. Mais soit vous gagnez seul, soit vous devez composer avec d’autres forces. C’est donc une question de priorité. Or, il me semble qu’il y a urgence sur les fronts régalien, identitaire et migratoire. L’Insee nous apprenait hier que 9 % des habitants en France sont des étrangers, dont une proportion croissante vient d’Afrique[1]. On peut tout à fait aimer l’Afrique et les Africains et redouter malgré tout ce changement culturel.
En 2007, Nicolas Sarkozy avait siphonné les voix du Front national. Si les LR persistent à se regarder dans le miroir que leur tendent la gauche et les médias, et si le RN persiste à jouer l’isolationnisme, j’ai bien peur que tous ces élus ne méritent finalement un Premier ministre de gauche.


Cette chronique a été diffusée sur Sud Radio

Retrouvez Elisabeth Lévy au micro de Patrick Roger dans la matinale


[1] https://www.radiofrance.fr/franceinfo/podcasts/les-documents-franceinfo/6-millions-d-etrangers-vivent-en-france-un-chiffre-en-augmentation-9781822

Edouard et sa philippique

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Le 7 octobre, au micro de Marc-Olivier Fogiel sur RTL, Edouard Philippe demande à Macron d'organiser une présidentielle anticipée après l'adoption du budget... Capture RTL / YouTube

Emmanuel Macron est lâché par ses proches


Le voilà bien seul, le président. Seul dans la tourmente, face au naufrage, capitaine désavoué qui assiste impuissant à la débandade de ses troupes, à la trahison de trois de ses Premiers ministres pourtant censés être de sa paroisse. Mais il n’est pas impossible que ce destin soit de ceux dont ce singulier personnage ait plus ou moins consciemment rêvé. Seul contre tous. Seul face aux puissances hostiles déchaînées. Seul à savoir. Seul à avoir eu constamment raison. Seul à être à la hauteur des exigences de l’histoire du moment. De l’Histoire tout court, avec un grand H.

Les rats quittent le Titanic

Ils quittent le navire, ces trois-là. Sans vergogne. Sans dignité. Mme Borne, supposée avoir été la maman de la mère des réformes de cette présidence, celle des retraites, se déclare prête à jeter son bébé avec l’eau du bain. En d’autres termes, disposée à poignarder dans le dos celui qui la portait, l’exigeait cette réforme, le président lui-même.

M. Attal, lui, dit ne plus rien comprendre. Il aura mis le temps, ce bon élève, à comprendre qu’il était impossible de comprendre quoi que ce soit au fonctionnement erratique de son mentor. Alors, sur les médias, il nous fait son caca nerveux, le fringant M. Attal.

A lire aussi: La position du démissionnaire

Néanmoins, la palme revient indiscutablement au maire du Havre, Edouard Philippe dont le fulgurant apport en politique se résume essentiellement à une tentative – foireuse – de nous faire rouler à 80 km à l’heure où que nous soyons, et, summum de finesse idéologique, à voter et faire voter (on croyait du Jacques Duclos dans le texte, les plus anciens d’entre vous n’auront sans doute pas oublié…), à voter et faire voter, disais-je, communiste ou LFI plutôt que RN aux élections tant locales que législatives.

Mais voilà bien que – lui aussi pris de panique et abandonnant comme les deux autres le bateau à la dérive – il y va de sa philippique. Haro sur celui qui, cependant, l’a sorti du magma indifférencié des élus locaux pour le faire accéder à la lumière du grand bain. (On notera à sa décharge que, agissant ainsi, il ne faisait que suivre les pas et l’exemple de son bienfaiteur…)

Bons baisers du Havre

C’est qu’il n’y va pas de main morte, le Havrais en voie de naufrage lui-même dans les sondages. Il en est à exiger la démission du président de la République. Cela exprimé en termes choisis, enrubannés d’hypocrisie : « Il s’honorerait » s’il décidait de provoquer des élections présidentielles anticipées. Mais M. Philippe, expert en systèmes façon usine à gaz, voit l’affaire se dérouler en deux temps. D’abord, parvenir à faire voter un budget pour la France. Ensuite seulement, annoncer la démission… Démission dont un esprit taquin pourrait se demander pourquoi elle serait encore si urgente, puisque le cap de l’adoption du budget, l’enjeu capital du moment, aurait été franchi. Oublions cela…

A lire aussi: Emmanuel Macron: Je trolle donc je suis

Il y a pire. La panique est décidément bien mauvaise inspiratrice. On a cru comprendre que M. Philippe se portait candidat à la présidence de la République, s’y préparait, en rêvait. Il se voit donc être la prochaine incarnation du chef, de celui qui, entre autres charges et missions, est garant du respect de l’intégrité des institutions de la République, à commencer par la Constitution. Aussi, est-ce bien raisonnable, surtout est-ce bien responsable de les traiter aussi légèrement, aussi cavalièrement qu’il le fait à présent, les institutions, la Constitution ? En tant que prétendant à la magistrature suprême il serait au contraire de son devoir le plus élémentaire, le plus impérieux de protéger le statut qu’il ambitionne, de ne pas cracher sur la légitimité démocratique de celui qui le précède sur le trône. Car il joue un jeu des plus dangereux, le cher homme. Dangereux pour lui, mais surtout pour la démocratie. A-t-il seulement pensé que le boomerang qu’il lance aujourd’hui ne manquerait pas de lui revenir pleine gueule à la première crise un peu sérieuse une fois élu ? Comme disait ma grand-mère, femme de réel bon sens : « Il est toujours périlleux de jouer avec des allumettes lorsqu’on est assis sur un ballot de paille ».

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‌Une espèce en voie de disparition: la langue française

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DR.

Langue française: après avoir fustigé la culture «bourgeoise», nous nous complaisons dans l’inculture totale


 « L’homme injuste est celui qui fait des contre-sens. » Victor Hugo, Les Contemplations, III, 8


Pierre Hartmann, professeur émérite à l’Université de Strasbourg, publie un ouvrage en 3D: Dérives, divagations, et dévoiements avec pour sous-titre: Comment les idéologies défont la langue et la culture. Truffé d’exemples où le comique le dispute à l’aberrant – et dans des médias de référence, s’il vous plaît – ce livre n’est pas qu’une compilation des mésusages de notre langue mais aussi et surtout une réflexion sur ce que de tels mésusages signifient, ainsi qu’un historique de leur provenance.

Pour commencer, la culture

De la paideia grecque à la bildung allemande en passant par « l’honnête homme » des Lumières, la culture, empruntant à son origine agreste, a toujours signifié le fait de cultiver son esprit, de ne pas laisser, tel un champ, celui-ci en friche. Son antonyme n’était pas par hasard la « négligence ». L’effort était de mise, en vue d’un idéal esthétique, éthique et politique aussi. Les socialistes d’antan le savaient qui désiraient ardemment que les ouvriers puissent accéder à la culture afin de pouvoir devenir des citoyens à part entière. Lorsque l’ethnologie vit le jour, on crut bon de rabattre la culture sur les mœurs et coutumes de tout un chacun, entre lesquelles il n’était plus permis de juger sous peine d’être taxé d’ethnocentrisme. Bourdieu porta le coup décisif à la culture dite bourgeoise confondue avec la grande culture (que jamais Marx n’attaqua, s’en tenant à la lutte des classes) réduite à un signe distinctif et à une promotion sociale. Puis, elle fut définitivement clouée au pilori puisque charriant avec elle colonialisme, esclavage, patriarcat etc., et ce, en dehors de toute contextualisation bien sûr, de tout tri, de tout discernement.

On jeta le bébé avec l’eau du bain et ce qui était effort, tension pour réaliser son humanité (la culture s’appelait du reste « les Humanités ») devint parfaitement malfaisant et condamnable. Ce à quoi Pierre Hartmann répond que cette soi-disant culture bourgeoise, mal comprise par des contempteurs dont la spécialité est d’avoir toujours un métro de retard, a, de surcroît, fait son temps. À sa place : « la tranquille inculture des nouveaux maîtres du monde ». Et de citer : « Mark Zuckerberg, Elon Musk ou Pavel Dourov ne sont pas des « héritiers » mais des parvenus. » Et d’en tirer, quant aux sabirs multiples qui sévissent et aux actes qui les accompagnent la terrible conséquence : « On finit par associer à la culture des agissements qui relèvent inversement de cette barbarie originelle au retour de laquelle elle devait, dans son acception première, faire résolument barrage. »

La négligence donc, et ses influences multiples

« Notre langue a été altérée dans tous les domaines et à tous les niveaux : l’intonation, la prononciation, le rythme, la prosodie, le lexique, la grammaire et la syntaxe », et ce, toutes classes confondues. Nos oreilles sont soumises à un « mélange contradictoire de diction saccadée et de prononciation « chewingommeuse » »Il faut croire que seule une excessive vitesse peut porter une langue devenue liquide, désossée, inarticulée au possible, à l’image du type qui court dans le vide. A ce phénomène concourent des sabirs techniques incompréhensibles pour le commun des mortels, l’omniprésence du langage commercial et publicitaire, le globish, et la floraison de sigles comme autant de marques de fabrique de minorités militantes ; détruisant ainsi et en profondeur l’expérience sensible de chacun. Enfin, la profusion de néologismes et, plus grave encore, le détournement du sens des mots, manipulent le réel à volonté et nous promettent un totalitarisme nouveau.

Dans la liste très fournie qu’en donne l’auteur, je prendrai trois exemples :

L’assignation

Ce terme, d’origine juridique, suppose une volonté extérieure qui contraint un sujet à quelque chose qui ne lui était pas naturel. Ainsi, un tribunal peut assigner à résidence une personne afin qu’elle ne quitte pas sa maison. Le terme signifie clairement « contrainte ». Il est donc parfaitement aberrant de parler « d’assignation de genre » lorsqu’un enfant naît et qu’on l’identifie comme garçon ou fille.

La sage-femme ne contraint nullement le mouflet à être d’un sexe ou d’un autre ; elle constate un fait objectif. Transformer l’acte de constater une réalité qui existe en dehors de vous et de votre volonté en un geste volontaire et contraignant ne serait qu’une absurdité si on ne devinait derrière cette aberration linguistique une volonté farouche de modeler le réel à sa guise et d’en être le seul dépositaire parfaitement solipsiste. Toujours est-il qu’il ne peut y avoir ré-assignation puisqu’il n’y a pas eu assignation…

A lire aussi, Michèle Tribalat: Adam Szetela: Quand la sensiblerie étouffe la littérature

Le suffixe -phobe…

…fait florès depuis le début du XXIème siècle. Ce terme, d’origine psychiatrique, signifie crainte, peur, angoisse et absolument pas haine. Les personnes en proie à la claustrophobie ne haïssent pas l’ascenseur dans lequel elles souffrent de tachycardie, de sueurs froides, de vertiges, de crises d’angoisse majeures, elles voudraient juste sortir d’un endroit clos et trop étroit pour elles ! Rabattre  le sens premier de la phobie sur une haine présumée est un détournement linguistique à vue idéologique. Avec plus de 300 morts au nom de l’islam, le quidam peut éprouver légitimement une crainte, le contraire serait même étonnant ! Et la haine n’a rien à voir là-dedans. Et Pierre Hartmann d’affirmer : « Les musulmans de France n’ont jamais été pris à partie collectivement ; ils vivent en sûreté bien mieux que leurs concitoyens juifs. (…) Là est le fait majeur, le reste n’est que bavardage. »

Le droit d’asile

« Au plan logico-sémantique, on perçoit immédiatement l’inconsistance d’un tel « droit » : l’asile appartient à la sphère des devoirs ou des obligations morales ; il peut être accordé comme une grâce ou une faveur, il ne peut être légitimement revendiqué comme un droit. (…) Pour peu que les mots aient un sens, exiger d’être accueilli est une contradiction dans les termes. » Par ailleurs, se référant aux Suppliantes d’Eschyle qui narre l’histoire de femmes demandant l’asile, l’auteur rappelle la phrase du roi sollicité : « Je ne veux pas que la cité me reproche un jour d’avoir causé sa perte pour avoir fait bon accueil à ces étrangères. » Principe élémentaire d’une prudence qui était considérée comme une vertu cardinale chez les Anciens.

Toute la terminologie wokiste et gauchisante est ainsi passée au crible ; toutes les divagations, dérives et dévoiements révélés sont autant d’occasions d’une réflexion historique et philosophique qui mène aussi bien à l’analyse de l’œuvre d’Annie Ernaux, qu’à celle du René Girard de Mensonge romantique et vérité romanesque et même à l’interprétation que fit Peter Sloterdijk de notre hymne national ! Enfin, pour finir Pierre Hartmann nous offre un florilège de propos incorrects et malsonnants qui clôt cet ouvrage passionnant, profond et drôle dont j’extrais un passage :

«  Je m’interroge sur comment faire pour apporter un peu de beauté au monde ». À cette phrase entendue à la radio, l’auteur répond : «  Peut-être en commençant par ne pas enlaidir la langue »…

DERIVES, DIVAGATIONS ET DÉVOIEMENTS. Comment les idéologies défont la langue et la culture, Pierre Hartmann, éditions l’Artilleur, 2025. 400 pages

Louis Sarkozy: De Washington à Menton

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Louis Sarkozy photographié à Marseille le 13 septembre 2025 © Alain ROBERT/SIPA

Le fils de l’ancien président a officialisé sa candidature aux municipales sur les réseaux sociaux le 8 septembre. Présent à Washington lors de l’investiture de Donald Trump, chroniqueur à Paris chez Valeurs actuelles et LCI, saura-t-il séduire l’électorat de la Côte d’Azur? Ses opposants parviendront-ils à barrer la route à celui qu’ils présentent comme un «héritier» et un «kéké masculiniste» trop présent sur les réseaux sociaux? En attendant le scrutin du 15 mars, sa femme doit accoucher de son premier fils, Sylla, dans les prochains jours.


Fils de l’ancien président, Louis Sarkozy se lance en politique à Menton (06). À la bonne presse, il affirme qu’il part en croisade contre le RN – ses détracteurs disent de leur côté que c’est pour son égo. Entre virilité Instagram, héritage paternel et ambitions municipales, la droite française tient là son nouveau feuilleton.

Un candidat viral

Il fallait bien que cela arrive : après les influenceurs, les militants et les coachs de vie, voici le fils Sarkozy qui entre en politique. Louis, le plus discret de la fratrie, s’est donc choisi un destin électoral : il sera candidat aux municipales à Menton en 2026. Oui, Menton, la ville paisible où les retraités bronzent, les bougainvilliers prospèrent, et où le nom de Sarkozy résonne encore comme un vieux refrain plaisant…

Le jeune homme a officialisé sa candidature sur ses réseaux. La stratégie est claire : jouer la carte du « non-politicien », du garçon « authentique », barbu, tatoué, amateur de jujitsu et de chiens. Il se met en scène à la fois comme philosophe de bistrot et Spartiate du dimanche. Une esthétique très « post-droite américaine » : muscles, morale et muselière à la bien-pensance.

Paris Match, 11 septembre 2025

Pourquoi Menton ? Parce qu’il fallait bien un décor pour le feuilleton

Les mauvaises langues disent qu’il aurait pu choisir Neuilly (92), mais qu’il a préféré Menton pour l’exotisme électoral. En vérité, la ville frontalière est un terrain symbolique : bastion où le RN rôde, où la droite classique s’essouffle, et où un « Sarkozy junior » peut tenter la reconquête.

Ce choix n’a rien d’anodin. Menton, c’est une carte postale politique : le sud, la mer, le soleil, et une France qui vote plus qu’elle ne tweete.

En s’y implantant, Louis Sarkozy se donne un visage local, loin des paillettes de New York et du nom paternel omniprésent. Mais on ne se refait pas : derrière le coup de com’, les « barons » de la droite régionale veillent déjà. Une rumeur insistante évoque un parrainage discret de figures LR azuréennes, trop contentes d’avoir un « nom » à coller sur leurs tracts.

La mue idéologique : plus à droite que papa ?

Louis Sarkozy se revendique « libéral-conservateur », soit le mélange parfait pour séduire un électorat de droite désabusé : sécurité, ordre, liberté individuelle, mais sans toutes les compromissions du macronisme. Certains observateurs étrangers ont même osé le qualifier de « plus à droite que son père ». On imagine le dîner de famille.

Ses posts sur X et Instagram transpirent la virilité réflexive : citations sur l’honneur, le courage, le devoir, défense du port d’armes (américaines, évidemment), et mépris discret pour les « délicats ». On croirait lire un essai de Jordan Peterson adapté à la Riviera. Mais derrière cette esthétique du combat permanent, on peine encore à saisir le fond programmatique. Quelles propositions concrètes pour Menton ? Pour l’instant, silence radio.

Disons-le : Louis Sarkozy maîtrise son époque. Il ne fait pas campagne, il performe sa campagne. Chaque story est calibrée, chaque phrase est une punchline prête à être retweetée. Le résultat ? Des millions de vues, des débats enflammés, des commentaires oscillant entre admiration et moquerie. Il est devenu, en quelques semaines, le « Sarko 2.0 » : un mélange d’héritier et d’influenceur.

Mais la viralité a ses limites : trop d’image, pas assez de chair ; trop de posture, pas assez de vision ; et un risque permanent : devenir un mème politique, pas un maire crédible. À force de se filmer en train de parler de « valeurs », il risque de finir comme une valeur cotée à la Bourse du buzz — instable et spéculative.

Ce que les lecteurs conservateurs doivent en penser (et qu’ils penseront sans doute déjà)

Soyons sérieux : Causeur n’a jamais cru que des abdominaux bien dessinés suffisaient à gouverner. Alors, jugeons sur pièces.

1. Le projet local : Menton, ce n’est pas une story sur Instagram. C’est une ville, avec des trottoirs, des impôts locaux, et des pêcheurs qui votent. On attend donc encore le programme.
2. La stature politique : Fils de, certes. Mais sans ancrage partisan clair. Un pied dans LR, un œil vers Reconquête, un ton d’influenceur apolitique. Un cocktail instable…
3. La droite à reconstruire : S’il croit incarner le renouveau, qu’il commence par fédérer — pas par diviser entre « vieux ringards » et « nouveaux virils ».
4. L’épreuve du temps : Une élection municipale, ce n’est pas un sprint médiatique. C’est une guerre d’usure. La story de 24h ne suffit pas à tenir de longs mois…

Bref, les conservateurs avertis verront dans ce lancement un mélange de sincérité, d’opportunisme et de storytelling. Mais au moins, Louis Sarkozy tente-t-il quelque chose, ce que peu de fils d’ex-présidents ont osé faire autrement qu’en costume trois pièces sur les plateaux télé.

Le buzz ne fait pas un maire

La candidature Sarkozy fils révèle surtout un vide : celui de la droite en quête de récit. Tandis que le RN prospère sur la colère, que LR s’endort sur ses sigles, et que Reconquête se regarde dans le miroir, un jeune homme décide de réinvestir le symbole « Sarkozy » — cette marque politique qui continue d’agiter les esprits, quinze ans après.

Le pari est malin : surfer sur la nostalgie paternelle tout en se présentant comme la relève rebelle. Louis Sarkozy aura réussi une chose : se faire remarquer. En 2025, c’est déjà la moitié du chemin vers une carrière politique. Mais les Mentonnais ne voteront pas pour un profil viral. Ils voteront peut-être pour celui qui saura régler les problèmes de leur ville — et résister à la tentation de se regarder en selfie. S’il y parvient, on pourra dire que le fils Sarkozy n’a pas seulement hérité d’un nom, mais d’un vrai sens de l’action. Sinon, il rejoindra la longue liste des « héritiers » : beaux, éloquents, et parfaitement inutiles.

La position du démissionnaire

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Allocution du Premier ministre démissionnaire Sébastien Lecornu, 8 octobre 2025 © Sadak Souici/ZUMA/SIPA

C’est moche, la traîtrise… Alors que les Républicains ont le cul entre deux chaises, et que M. Lecornu a jusqu’à ce soir pour trouver une issue à la crise politique, l’ancien Premier ministre Gabriel Attal affirmait lundi sur TF1 « ne plus comprendre les décisions du président de la République » et déplorait « une forme d’acharnement à vouloir garder la main ». De son côté, hier sur RTL, l’ancien Premier ministre Édouard Philippe suggérait carrément au président d’organiser une élection présidentielle anticipée « une fois le budget adopté ». Le Rassemblement national, lui, se contenterait d’une dissolution. Emmanuel Macron est-il foutu ?


Bouge de là !

Il n’est plus temps d’être poli : Emmanuel Macron doit-il « se casser » ? Il est une plaie pour la France ; il est l’obstacle au renouveau d’un pays dépressif et encalminé. Le chef de l’État est à la source de la crise de régime qui ébranle la Ve République.
Ce séisme ne se résoudra qu’en laissant les Français s’exprimer à travers des élections. Or les réticences du chef de l’Etat à se tourner vers le peuple l’installe, dans la colère froide du narcisse incompris, en despote mal éclairé. Ce qu’il fait voir de son raidissement mental laisse apparaître ses failles présumées psychopathiques. Elles font craindre une fin de règne interminablement conflictuelle.
Emmanuel Macron devrait relire, dans Choses Vues, cette réflexion de Victor Hugo: « Je ne comprends pas qu’on ait peur du peuple souverain ; le peuple, c’est nous tous, c’est avoir peur de soi-même ». Dans l’immédiat, le spectacle de l’oligarchie claquemurée est navrant. « Il suffirait de peu pour que ça fonctionne », a expliqué lundi l’éphémère Premier ministre Sébastien Lecornu en rendant son tablier après 14 heures de gouvernement. Mais son ultime bricolage, tenté jusqu’à ce mercredi soir sur injonction élyséenne, est voué à l’échec. Il y aura sans doute des législatives anticipées. Cependant, derrière la pagaille gouvernementale, c’est également la fin d’un système qui s’accélère.

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Macronisme : TOUT LE MONDE descend !

La chute de Macron, déjà renié bassement par certains de ses proches, est celle du macronisme, c’est-à-dire du progressisme social-démocrate. La révolution conservatrice a atteint la France. Les élites mondialistes, européistes et postnationales vont être, au-delà du président, les autres victimes du grand basculement populiste.
L’heure est à la rupture. Si, en 2022, Robert Ménard assurait (Le Figaro, 11 juillet 22): «Etre révolté, être punk aujourd’hui, c’est être modéré!», le maire de Béziers a rejoint opportunément ceux qui appellent depuis longtemps à «renverser la table». C’est ce besoin de radicalité que Bruno Retailleau, démissionnaire lundi matin, a mal analysé en proposant mardi matin, sur Europe 1, une ultime porte de sortie à la macronie en déroute, avec la nomination d’un « Premier ministre de cohabitation » qui serait choisi parmi la droite républicaine. Mais ces palinodies viennent brouiller la lucidité qui était la marque du ministre de l’Intérieur. Alors que David Lisnard demande la démission du président Macron, la prudence de M. Retailleau trahit une faiblesse de caractère. Si le président des LR entend concourir à la présidentielle, il doit rompre une fois pour toutes avec les notables de son parti qui restent attirés par le bloc central, par souci esthétique de ne pas se mélanger au vil bloc patriote.
Or ces réticences ne sont plus comprises de l’opinion, qui juge prioritaire (58%) de faire barrage à LFI. De surcroit, les récentes déclarations de Nicolas Sarkozy plaçant le RN dans « l’arc républicain » sont venues s’ajouter à celles de Serge Klarsfeld. Le choix du sénateur LR Roger Karoutchi de voter RN «sans états d’âme» en cas de duel avec LFI (Europe 1, 30 septembre) a accéléré l’union des droites, rejetée par les plus irréductibles des LR. Le vieux monde s’écroule. Les LR vont-ils enfin comprendre qu’ils en font partie ?

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