Si les Français retournaient aux urnes demain, la droite française partirait encore en ordre dispersé. Pourquoi l’union des droites est-elle ce terrifiant serpent de mer toujours planqué au fond de l’océan quand on aurait besoin de lui?
On parle beaucoup d’union des droites ces jours-ci. En réalité, surtout à gauche. L’union des droites, c’est le serpent de mer qui ressurgit régulièrement du bourbier politique. Ou plutôt le monstre du Loch Ness, le vampire face auquel on agite croix et gousses d’ail… Dirigeants et éditocrates de gauche font chorus dans la déploration et l’indignation à la perspective d’une alliance RN–droite classique.
Horizon brun
Thomas Legrand sonne le tocsin dans Libération. Il parle du toboggan fatal de l’union des droites : « Les mots autoritaires, les postures identitaires, l’abandon de son substrat libéral par la droite dite “classique”, de “gouvernement” ou “républicaine”, indiquent que nous nous dirigeons collectivement vers cet horizon brun. » Brrr. Rien que ça. Le nazisme à nos portes. Dans Le Monde, un politologue obscur, observant que dans la législative du Tarn, Bruno Retailleau appelle implicitement à préférer le ciottiste au socialiste, ose écrire que « Les Républicains demeurent la figure de proue d’un mouvement général de consentement à l’extrême droite ». Les élus Nupes font tous les outragés. Ils ont avalé la soumission aux Insoumis — et recommenceront pour sauver leur siège ou leur ville, je vous fiche mon billet —, mais la gauche, ça ose tout.
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Cette alliance RN/LR se concrétisera-t-elle en cas d’élection ?
Malheureusement non. L’appel lancé par Sarah Knafo, très relayé sur les réseaux sociaux, a été balayé par les deux partis concernés. Il y a aussi eu un vague ballon d’essai de la part de Jordan Bardella et de quelques voix LR isolées (Henri Guaino, Sophie Primas et Roger Karoutchi). Mais ces deux derniers, vite tancés par leur parti, ont dû reculer. Et dans le Tarn, Bruno Retailleau refuse de dire clairement : Votez RN. Comme si le mot était radioactif. Le chantage, l’intimidation morale et le « cordon sanitaire » fonctionnent toujours. La gauche cause avec LFI, mais la droite est interdite d’alliance ou de la moindre discussion avec le RN. Ce qui la condamne finalement à l’opposition ou à la macronisation.
Or, pour nombre d’électeurs, ce rapprochement serait logique. Le RN d’aujourd’hui ne coche plus aucune des cases de l’extrême droite (antiparlementarisme, antisémitisme et pression de la rue : ça vous rappelle qui, en réalité, franchement ?). Le RN occupe désormais l’espace idéologique du feu RPR. Bien sûr, il existe des différences programmatiques entre le RN et LR, notamment économiques. Mais soit vous gagnez seul, soit vous devez composer avec d’autres forces. C’est donc une question de priorité. Or, il me semble qu’il y a urgence sur les fronts régalien, identitaire et migratoire. L’Insee nous apprenait hier que 9 % des habitants en France sont des étrangers, dont une proportion croissante vient d’Afrique[1]. On peut tout à fait aimer l’Afrique et les Africains et redouter malgré tout ce changement culturel.
En 2007, Nicolas Sarkozy avait siphonné les voix du Front national. Si les LR persistent à se regarder dans le miroir que leur tendent la gauche et les médias, et si le RN persiste à jouer l’isolationnisme, j’ai bien peur que tous ces élus ne méritent finalement un Premier ministre de gauche.
Cette chronique a été diffusée sur Sud Radio
Retrouvez Elisabeth Lévy au micro de Patrick Roger dans la matinale
[1] https://www.radiofrance.fr/franceinfo/podcasts/les-documents-franceinfo/6-millions-d-etrangers-vivent-en-france-un-chiffre-en-augmentation-9781822




