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Ce matin, le ciel d’Israël s’est ouvert

La pluie comme un signe d’espoir


Ce matin, le ciel d’Israël s’est ouvert
Des personnes se rassemblent sur la place des otages à Tel-Aviv pour célébrer l’accord de cessez-le-feu, 9 octobre 2025 © Ilia Yefimovich/DPA/SIPA

Libération des otages: les Israéliens attendent encore de voir pour y croire vraiment.


« Je suis très fier d’annoncer qu’Israël et le Hamas ont tous deux approuvé la première phase de notre plan de paix » a écrit le président Donald Trump sur TruthSocial. Deux ans après le début de la guerre, un accord de cessez-le-feu a finalement été trouvé tôt ce jeudi matin. Sa première phase annonce la libération des otages dès lundi contre près de deux mille prisonniers palestiniens • La rédaction

Ce matin, le réveil n’a pas la même couleur que les autres jours. Dans nos têtes encore habitées par les nouvelles de la veille, l’écho de l’espoir se fait encore entendre.

Hier soir, alors que nous célébrions la fête de Souccot, symbolisée par la construction de cabanes, qui fleurissent partout dans le pays et qui invitent, par leur simplicité, le peuple juif à revenir à son essentiel, à quitter toute forme d’égo pour se laisser porter par les aléas du destin, en se soumettant aux lois de la nature, la flamme de l’espoir s’est rallumée. Les téléphones ont crépité de nouvelles venant de loin. La poignée de main entre Donald Trump et Benyamin Netanyahou, entourée de nombreux pays arabo-musulmans, dont certains avaient rompu leurs relations avec Israël, en est devenue l’emblème.

Hier soir, entre deux conversations, nos cœurs étaient en prise avec une contradiction devenue notre quotidien : celle d’une envie irrépressible d’y croire, de penser que cet accord, un accord historique, conclu par l’intermédiaire des Etats-Unis entre Israël et le Hamas, était la bon, le final, et une méfiance, une peur que tout soit défait les jours suivants. A peine deux jours après la commémoration du deuxième anniversaire du 7-Octobre, alors que la tristesse nous avait à nouveau envahis, nous replongeant dans les sensations, les témoignages des survivants, nos émotions sont ballotées d’un extrême à l’autre. Les médias officiels israéliens confirment la nouvelle, relayés par les médias internationaux et comme toujours en Israël, les réactions sont multiples : certains sabrent sur le champ le champagne, tandis que les autres sont réservés, disant qu’ils n’y croiront réellement qu’au moment où les familles pourront serrer leurs proches dans leurs bras, après deux ans d’usure et d’obscurité.

Ces deux années nous ont appris la retenue. Nous avons développé une capacité hors norme pour vivre en apnée, car comment respirer en profondeur quand, loin des villes, la guerre dure et que la souffrance, lorsqu’on veut la voir, est partout ?

En deux ans, nous avons nourri une multitude d’espoirs qui, presque instantanément, se sont effrités au contact du réel. Alors, à force, nos aspirations d’avenir dans la région se sont faites prudentes, nos illusions de paix sont devenues caduques, nos élans humanistes se sont bridés naturellement par la réalité du terrain.

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Et pourtant, hier soir, assis dans les cabanes, au contact de la terre, de la simplicité de partager un repas entre personnes vivant la même réalité, c’était différent. Véritablement entrés dans l’esprit de Souccot, apprenant peu à peu à lâcher-prise, notre fatigue du cœur s’est laissée emporter par le flot des notifications. Les nouvelles tombaient comme une pluie fine de miracles et se concluaient toutes par cette phrase aux intonations magiques « les otages rentreront chez eux sous quelques jours ». Cela paraissait trop beau pour être réel.

Ce matin, au réveil, les nouvelles de la veille ne sont toujours pas démenties. Plus grand encore, une pluie délicate, inattendue pour la saison, tombe. Une pluie fine, presque timide, silencieuse, s’invitant sans fracas dans nos jardins, trempant nos cabanes faites de feuilles, de tiges de fer et de tissus légers.

Elle semble venue apporter, à sa manière, une confirmation aux nouvelles de la veille, l’impossible trouvant son chemin jusqu’à nous. En hébreu, la pluie – gueshem – partage la même racine que lehitgashem, verbe que l’on utilise pour dire qu’un rêve ou un espoir se réalise. Comme si, en tombant sur la terre, la pluie venait incarner ce que nos cœurs attendaient depuis si longtemps : la concrétisation de l’espérance.

De mémoire, je n’avais jamais vu la pluie tomber ainsi, en cette saison qui s’obstine d’ordinaire à ressembler à l’été. Et ce matin, dans le silence suspendu d’un pays qui s’autorise à croire à nouveau, avec l’eau qui coule de toutes parts, une pensée me traverse.

Cela ne fait pas deux ans que nous continuons de croire malgré l’obscurité de la période. Cela fait plusieurs millénaires, et c’est même cette forme singulière d’espérance qui caractérise le destin du peuple juif.

L’espérance qui est la nôtre est à contre-courant de l’ère du temps, elle est déconnectée de la réalité objective, et elle parvient à se frayer un passage entre ce que l’on voit et ce que l’on ignore. C’est une espérance qui ne s’appuie sur rien, mais qui en réalité repose sur tout : sur la certitude que nous vivons notre histoire de la manière la plus pleine et incarnée possible. Sans cette espérance, nous ne pourrions pas continuer. Car ici, espérer n’est pas une posture : c’est une manière de vivre, de voir au-delà de ce qui est visible, et de se tenir debout malgré le vent.

Et peut-être qu’avec la libération des otages, une autre libération aura lieu, celle d’une vérité encore plus fondamentale. Celle que notre combat n’est pas celui que l’on croit, il dépasse nos frontières, il porte en lui l’universel de l’humanité, et s’il est mené ici, avec une intensité presque surnaturelle, il précède un autre combat, qui déjà gronde, au cœur de l’Occident. Un combat pour les valeurs de la vie contre la pulsion de mort, pour la lumière contre l’effacement, et pour des principes qui rendent l’humanité encore humaine.



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Nathalie Ohana est coach, conférencière et auteure

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