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Edouard et sa philippique

Le billet de Dominique Labarrière


Edouard et sa philippique
Le 7 octobre, au micro de Marc-Olivier Fogiel sur RTL, Edouard Philippe demande à Macron d'organiser une présidentielle anticipée après l'adoption du budget... Capture RTL / YouTube

Emmanuel Macron est lâché par ses proches


Le voilà bien seul, le président. Seul dans la tourmente, face au naufrage, capitaine désavoué qui assiste impuissant à la débandade de ses troupes, à la trahison de trois de ses Premiers ministres pourtant censés être de sa paroisse. Mais il n’est pas impossible que ce destin soit de ceux dont ce singulier personnage ait plus ou moins consciemment rêvé. Seul contre tous. Seul face aux puissances hostiles déchaînées. Seul à savoir. Seul à avoir eu constamment raison. Seul à être à la hauteur des exigences de l’histoire du moment. De l’Histoire tout court, avec un grand H.

Les rats quittent le Titanic

Ils quittent le navire, ces trois-là. Sans vergogne. Sans dignité. Mme Borne, supposée avoir été la maman de la mère des réformes de cette présidence, celle des retraites, se déclare prête à jeter son bébé avec l’eau du bain. En d’autres termes, disposée à poignarder dans le dos celui qui la portait, l’exigeait cette réforme, le président lui-même.

M. Attal, lui, dit ne plus rien comprendre. Il aura mis le temps, ce bon élève, à comprendre qu’il était impossible de comprendre quoi que ce soit au fonctionnement erratique de son mentor. Alors, sur les médias, il nous fait son caca nerveux, le fringant M. Attal.

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Néanmoins, la palme revient indiscutablement au maire du Havre, Edouard Philippe dont le fulgurant apport en politique se résume essentiellement à une tentative – foireuse – de nous faire rouler à 80 km à l’heure où que nous soyons, et, summum de finesse idéologique, à voter et faire voter (on croyait du Jacques Duclos dans le texte, les plus anciens d’entre vous n’auront sans doute pas oublié…), à voter et faire voter, disais-je, communiste ou LFI plutôt que RN aux élections tant locales que législatives.

Mais voilà bien que – lui aussi pris de panique et abandonnant comme les deux autres le bateau à la dérive – il y va de sa philippique. Haro sur celui qui, cependant, l’a sorti du magma indifférencié des élus locaux pour le faire accéder à la lumière du grand bain. (On notera à sa décharge que, agissant ainsi, il ne faisait que suivre les pas et l’exemple de son bienfaiteur…)

Bons baisers du Havre

C’est qu’il n’y va pas de main morte, le Havrais en voie de naufrage lui-même dans les sondages. Il en est à exiger la démission du président de la République. Cela exprimé en termes choisis, enrubannés d’hypocrisie : « Il s’honorerait » s’il décidait de provoquer des élections présidentielles anticipées. Mais M. Philippe, expert en systèmes façon usine à gaz, voit l’affaire se dérouler en deux temps. D’abord, parvenir à faire voter un budget pour la France. Ensuite seulement, annoncer la démission… Démission dont un esprit taquin pourrait se demander pourquoi elle serait encore si urgente, puisque le cap de l’adoption du budget, l’enjeu capital du moment, aurait été franchi. Oublions cela…

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Il y a pire. La panique est décidément bien mauvaise inspiratrice. On a cru comprendre que M. Philippe se portait candidat à la présidence de la République, s’y préparait, en rêvait. Il se voit donc être la prochaine incarnation du chef, de celui qui, entre autres charges et missions, est garant du respect de l’intégrité des institutions de la République, à commencer par la Constitution. Aussi, est-ce bien raisonnable, surtout est-ce bien responsable de les traiter aussi légèrement, aussi cavalièrement qu’il le fait à présent, les institutions, la Constitution ? En tant que prétendant à la magistrature suprême il serait au contraire de son devoir le plus élémentaire, le plus impérieux de protéger le statut qu’il ambitionne, de ne pas cracher sur la légitimité démocratique de celui qui le précède sur le trône. Car il joue un jeu des plus dangereux, le cher homme. Dangereux pour lui, mais surtout pour la démocratie. A-t-il seulement pensé que le boomerang qu’il lance aujourd’hui ne manquerait pas de lui revenir pleine gueule à la première crise un peu sérieuse une fois élu ? Comme disait ma grand-mère, femme de réel bon sens : « Il est toujours périlleux de jouer avec des allumettes lorsqu’on est assis sur un ballot de paille ».

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Ex-prof de philo, auteur, conférencier, chroniqueur. Dernière parution : « Je suis Solognot mais je me soigne » éditions Héliopoles, 2025

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