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Tant qu’il y aura des films

Passée sous les radars du dernier Festival de Cannes, la nouvelle fiction du cinéaste ukrainien Sergeï Loznitsa domine incontestablement les sorties de novembre, même si par ailleurs Jodie Foster et Daniel Auteuil illuminent un remarquable polar français.


Glaçant

Deux procureurs, de Sergeï Loznitsa

Sortie le 5 novembre

Union soviétique, 1937. Des milliers de lettres de détenus accusés à tort par le régime sont brûlées dans une cellule de prison. Contre toute attente, l’une d’entre elles, subtilisée au dernier moment par le prisonnier chargé de les détruire, parvient à destination, sur le bureau du procureur local fraîchement nommé, Alexander Kornev. Ce dernier va se démener pour rencontrer le prisonnier qui a écrit cette lettre dans laquelle il se dit victime d’agents corrompus de la police secrète, la NKVD. Bolchevik chevronné et intègre, le jeune magistrat croit à un dysfonctionnement du système. Sa quête de justice le conduit jusqu’au bureau du procureur général, à Moscou. À l’heure des grandes purges staliniennes, c’est la plongée d’un homme dans un régime totalitaire qui ne dit pas son nom.

Telle est l’implacable trame du nouveau film de Sergeï Loznitsa, réalisateur ukrainien qui oscille sans cesse entre fictions (My Joy, Dans la brume, Donbass, entre autres) et documentaires (Maïdan, Babi Yar.Contexte, L’Invasion,notamment). Des œuvres fortes, âpres et rugueuses qui interrogent autant le passé que le présent. Avec Deux procureurs,il explore donc les arcanes du système judiciaire et carcéral d’une URSS cadenassée par Staline et son régime de terreur permanente. La totale réussite du film tient à la façon dont le cinéaste rend palpable le véritable parcours du combattant qui attend le petit juge : rien ne fonctionne comme ailleurs dans cet univers concentrationnaire conduit par une bureaucratie effrayante. Le temps d’abord y est suspendu : le directeur de la prison le fait attendre des heures et des heures, comme pour l’épuiser jusqu’à le faire renoncer à sa démarche. Quand enfin l’autorisation de visite lui est accordée, c’est un incroyable ballet de portes, de sas, de grilles, de couloirs glauques, de corridors sans fin, de clés bruyantes et de serrures énormes qui prend le relais. Comme si cette fois, il s’agissait de décourager l’obstiné fonctionnaire en le perdant dans un labyrinthe sombre et terrorisant. Un véritable dédale qui rend fou tant il est à la fois complexe et vide de toute logique spatiale. Ou comment démontrer avec un incroyable brio la machine stalinienne dans toute sa capacité à broyer chaque individu.

Incarné à la perfection par Alexandre Kouznetsov (découvert en 2008 dans Leto de Kirill Serebrennikov), l’imprudent juge devient une sorte de Christ aux outrages qui pour progresser doit subir toutes les humiliations générées par une mécanique redoutable, sous les sourires et les blagues de geôliers débonnaires. Inspiré d’un texte écrit clandestinement en 1969 par Gueorgui Demidov (1908-1987), physicien déporté en 1938 dans les camps de la Kolyma durant quatorze ans, le film colle au plus près du réel avec un soin presque documentaire. Il a d’ailleurs été tourné dans une véritable prison de l’Empire russe, à Riga, en Lettonie. Et pour accentuer la sensation d’enfermement, Loznitsa a choisi pour l’image un format carré, une réalisation en plans fixes et une palette de couleurs n’allant que du gris au marron, dans un décor dépouillé, froid, métallique, presque abstrait. Porté par ce formalisme dénué de tout artifice, le film déploie très habilement une narration proprement diabolique qui vise en permanence à manier le chaud et le froid, comme le font d’ailleurs les interlocuteurs successifs et interchangeables du petit juge. Jusqu’au bout, Deux procureurs maintient le spectateur dans un état d’intranquillité totale. C’est bien le moins quand on dépeint l’enfer sur terre.


George Lechaptois

Réchauffant

Vie privée, de Rebecca Zlotowski

Sortie le 26 novembre

Lilian Steiner est une psychiatre reconnue. Un jour, elle apprend la mort de l’une de ses patientes et se persuade qu’il s’agit d’un assassinat. Elle décide de mener l’enquête. Le nouveau film de la surdouée Rebecca Zlotowski passe la vitesse supérieure en se présentant comme un hommage assumé aux films d’Alfred Hitchcock et de Woody Allen, pour ne parler que de ces deux-là. Entre Une femme disparaît et Meurtre mystérieux à Manhattan, Vie privée a l’indéniable saveur des vrais-faux polars bâtis d’abord pour s’amuser entre auteurs (ici Anne Berest et la réalisatrice), puis nous distraire. Et un impeccable casting renforce ce plaisir simple, mais finalement pas si fréquent : Jodie Foster et Daniel Auteuil en tête, accompagnés par Virginie Efira, Mathieu Amalric et Vincent Lacoste notamment. Impossible de résister aux quiproquos, fausses pistes et autres joyeusetés scénaristiques d’un film qui ne se prend jamais au sérieux, sans pour autant mépriser son spectateur. On en redemande et sans réserve.


Focus Features

Refroidissant

Bugonia, de Yorgos Lanthimos

Sortie le 26 novembre

On pourrait parler d’une douche glacée, tant Bugonia, le nouveau film du cinéaste grec Yorgos Lanthimos joue une nouvelle fois (une fois de trop ?) avec nos limites en matière de Grand Guignol. Manifestement, son plaisir de réalisateur est de maltraiter la malheureuse actrice dénommée Emma Stone, ici dans le rôle d’une patronne enlevée par deux crétins convaincus qu’elle est une extraterrestre venue pour détruire la Terre. S’ensuit une série de sévices corporels et psychologiques censés sauver l’humanité en péril. C’est laid, c’est bête, et c’est long. On se demande ce qui peut pousser des acteurs non dénués de talent à accepter de tels rôles, et on s’interroge sur les intentions réelles du cinéaste. Puis on finit par baisser les bras devant ce cinéma poseur et boursouflé qui multiplie les images faussement provocantes et pleines de bassesse pour essayer de faire oublier qu’il n’a rien à dire.

https://www.youtube.com/watch?v=bd_5HcTujfc

Municipales marseillaises: un sacré pastis


Nul n’ignore qu’à Marseille, depuis que la Sardine a bouché son port, tout peut arriver. On le constate encore aujourd’hui alors qu’une étude d’intentions de votes aux prochaines municipales, effectuée du 4 au 7 novembre par l’institut Cluster 17 pour Politico, vient d’être publiée.

Ses résultats sont de nature à troubler les siestes dans les calanques et perturber les parties de boules du parc Borély. Peuchère, ça frise la galéjade : le RN d’Allisio et le Printemps marseillais de Payan à parfaite égalité. À en sortir le double-décimètre, si on était à la pétanque. 29% des exprimés au premier tour pour l’un et l’autre. À noter que, localement, le RN est passé de 19,5% aux précédentes municipales à 30% aux dernières européennes. Dynamique prometteuse, au moins sur le papier.

Cela dit, en embuscade, il y a le candidat LFI, puisque la gauche Payan s’est rassemblée hors le mouvement mélenchoniste. Là aussi, on enregistre une certaine dynamique, puisque le candidat désigné réaliserait un score de 16% donc de quoi se maintenir au second tour, puisqu’atteindre les 10% au premier y suffit. Toute la question est donc là : maintien ou non maintien de LFI ? On serait tenté de miser sur le maintien, tant le candidat en question est de grande qualité. Il s’agit en effet du brillantissime Sébastien Delogu. Comment imaginer qu’on puisse se passer d’une si éminente personnalité dans une joute pour un second tour à Marseille ? Comment pourrait-on accepter d’amputer le débat d’un apport dialectique, culturel, visionnaire d’un si haut niveau ? Le mettre sur la touche, cet éminent politique, représenterait un gâchis incompréhensible, une atteinte des plus dommageables à la qualité de la vie démocratique. Il faut dire que Delogu cartonne chez les jeunes Marseillais de 18 à 34 ans. Il performe là à quelque chose comme 34% d’intentions de vote (Nous l’avons vu, le soufflet retombe tout de même à 16% sur l’ensemble des votants). La Bonne Mère ne peut que se réjouir lorsqu’elle constate qu’à ses pieds prospère une jeunesse si éclairée, politiquement et intellectuellement si exigeante, si bien formée aux arcanes de la démocratie parlementaire.

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Dans le cas du maintien du sieur Delogu, Payan, le maire sortant, serait à la peine. S’il est néanmoins donné gagnant, ce serait d’un cheveu. 30,5% contre 29% à Allisio. Là encore, s’en remettre au double-décimètre s’imposerait.

En embuscade, il y a aussi la candidate LR et Horizons, la présidente de la métropole, Martine Vassal, qui serait en discussion avec Renaissance pour obtenir son soutien. L’étude la crédite de 23%. Elle serait donc admissible elle aussi au second tour. Se pose dès lors la question du vote utile. Le vote d’électeurs LFI en faveur de Payan pour barrer la route au RN et le vote d’électeurs LR Horizons Renaissance en faveur du RN pour sanctionner cette alliance de circonstance et le bilan du maire sortant. Quand on vous dit sacré Pastis, on n’en est pas loin.

Un Pastis qui pourrait bien s’exporter dans tout l’hexagone, du moins dans nombre de villes, la barre du maintien étant donc à dix pour cent, on pourrait se retrouver dans maintes communes avec parfois jusqu’à six listes au second tour. Un pur régal !

Il n’en reste pas moins que, au vu de cette étude qui n’est, rappelons-le, qu’une photographie de la situation à un moment donné, le fait que le RN d’Allisio fasse jeu égal avec la gauche de Payan, les Marseillais – et au-delà – ont été fort surpris. Bien entendu, il y a ceux à qui ça fend le cœur et ceux à qui ça ensoleille l’aïoli.

Quoi qu’il en soit l’élu aura beau jeu de reprendre à son compte la bonne vieille blague prisée de tous les maires de la ville : « On dit qu’à Marseille on fait voter les morts. C’est faux : ils votent comme ils veulent. » Voilà un paramètre que l’étude évoquée aurait peut-être dû prendre en compte ? Réponse en mars. Avec les premiers beaux jours, les boules de sortie, le pastis dans les verres et la bouillabaisse sur le feu…

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New-York: qui sont ces juifs progressistes qui ont voté pour M. Zohran Mamdani?

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Le symptôme new-yorkais et la dérive morale de la modernité, une analyse de Charles Rojzman.


Le fait qu’en 2025, près de 30% des Juifs new-yorkais aient voté pour un candidat musulman ouvertement antisioniste n’est pas seulement un événement électoral : c’est un symptôme historique. Il marque la dislocation d’un lien de conscience qui unissait depuis plus de soixante-dix ans la diaspora juive américaine à Israël, et au-delà, la rupture entre la mémoire du tragique et la morale contemporaine.

Car ce geste politique n’est pas un accident. Il est l’expression d’un déplacement profond : la substitution du devoir de lucidité par l’exigence de pureté morale. Là où la fidélité à Israël incarnait jadis la conscience d’un peuple ayant tiré les leçons du mal absolu, s’impose aujourd’hui une nouvelle religion sécularisée — celle de la compassion abstraite, de la repentance universelle, et du refus du tragique.

Dans l’Amérique progressiste, le Juif éclairé se veut désormais plus moral que fidèle, plus universel que particulier. Il craint d’être confondu avec la force qu’il condamne ; il se veut au-dessus des nations et des conflits, comme si la mémoire du mal pouvait justifier la fuite devant le réel. Mais cette fuite n’est pas la paix de l’esprit : elle est une abdication du sens.

Car Israël n’est pas seulement un État : il est le symbole d’un monde où l’histoire n’a pas abdiqué. Sa simple existence rappelle que la survie suppose le courage, la frontière, la force, et la responsabilité. Et c’est précisément cela que rejettent ces électeurs new-yorkais — non pas Israël en tant que tel, mais ce que son existence continue d’affirmer contre l’air du temps : que la liberté est tragique, que la paix se conquiert, et que l’identité ne se négocie pas.

Leur choix révèle une fracture bien plus vaste : celle d’une civilisation qui, croyant se purifier par la morale, s’aveugle sur les conditions de sa survie. C’est cette cécité des « demi-sachants », selon le mot de Jacques Ellul, que ce texte explore : celle des élites juives progressistes, cultivées mais désorientées, moralisatrices mais sans mémoire, qui confondent l’universalisme avec le déni du réel.

Le paradoxe des consciences indignées

Comment comprendre qu’une part significative — près de 40 % selon certains sondages — des Juifs américains se disent « choqués » par ce qu’ils appellent les « crimes de guerre » de l’armée israélienne à Gaza, et que certains osent même employer le mot de « génocide » ? Comment expliquer que, dans ce peuple dont la mémoire est saturée du mot Shoah, on en vienne à l’utiliser contre l’État d’Israël lui-même?

Ce paradoxe n’est pas accidentel. Il révèle une faille de civilisation : celle d’un Occident arrivé à ce point d’épuisement où la morale a remplacé la pensée, où la compassion tient lieu de jugement, et où la mémoire des crimes passés empêche de comprendre les périls présents. Ces Juifs américains, héritiers d’un monde saturé de bonne conscience, sont les enfants d’une culture qui croit penser mais ne sait plus voir.

Le règne des demi-sachants

Jacques Ellul appelait demi-sachants ces êtres qui croient savoir parce qu’ils ont lu, entendu, débattu, mais dont la connaissance ne déborde pas les frontières mentales que leur époque a tracées pour eux. Ils parlent avec assurance, mais leur intelligence s’est laissée confisquer par l’air du temps.

La majorité des élites juives américaines appartient à cette catégorie : cultivées, informées, mais prisonnières d’un paradigme moral où le monde n’existe plus que sous la forme du bien et du mal, du dominant et du dominé. Leur rapport à Israël s’inscrit dans ce schéma : elles voient en lui la puissance arrogante, et en l’autre, la victime rédemptrice. Ce qu’elles jugent, en réalité, ce n’est pas Israël, mais leur propre impuissance à penser hors des catégories de la morale progressiste.

L’universalisme devenu idéologie

L’universalisme, jadis grandeur de l’Occident, s’est retourné contre lui. Né du christianisme et des Lumières, il portait en lui la promesse d’une humanité réconciliée dans la raison et la liberté. Mais détaché de ses racines historiques, il s’est transformé en idéologie : une religion séculière qui prétend abolir la tragédie.

Dans cet universalisme dévoyé, Israël fait figure de scandale. Car il rappelle que la survie d’un peuple suppose la force, la frontière, le conflit, et que la liberté n’est pas un état de grâce mais une conquête. Ce rappel du tragique choque des consciences dressées à croire que la paix est le nom de la morale.

En ce sens, Israël n’est pas seulement jugé : il est excommunié.

Le manichéisme progressiste

Le monde contemporain se pense à travers la figure du « dominé ». C’est là le fruit d’une longue déchristianisation : l’Occident n’a pas cessé d’être chrétien, il a seulement remplacé Dieu par la Victime. La compassion s’est faite dogme, et la morale, instrument de domination symbolique.

Ainsi, tout conflit est réduit à une opposition simple : le fort a tort, le faible a raison. Dans cette logique, l’État juif ne peut qu’incarner le mal. Sa puissance militaire, son attachement à la souveraineté, sa fidélité à l’idée de peuple heurtent une culture occidentale qui ne supporte plus ni la hiérarchie, ni la frontière, ni la virilité.

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Mais cette culture morale et abstraite, tournée contre la réalité, n’a pas seulement faussé le regard sur Israël : elle a désarmé tout un continent face au danger d’une islamisation rampante, longtemps sous-estimée. En refusant de nommer la violence issue d’un islam politique conquérant, en niant la logique d’emprise qui traverse certains courants religieux, l’Occident s’est condamné à l’aveuglement. Et les élites juives progressistes, par peur d’être confondues avec leurs adversaires idéologiques, se sont souvent faites complices de ce déni. Elles ont préféré accuser Israël plutôt que de reconnaître que la haine qui s’y déchaîne est la même qui grandit sur leurs propres terres.

Ce manichéisme satisfait les âmes fatiguées : il leur offre la paix du jugement moral. Il dispense de la complexité, il abolit la responsabilité. Il permet de condamner sans comprendre, d’aimer sans agir, de croire sans penser.

Le divorce entre le peuple et les élites

Mais ce discours n’a pas conquis tout le monde. Il s’est imposé dans les universités, les rédactions, les institutions culturelles, mais il n’a pas pénétré jusqu’au fond des peuples. Ceux-ci continuent, confusément, à sentir ce que leurs élites refusent de penser : que la civilisation n’est pas immortelle, que la paix n’est pas naturelle, que la violence, si elle n’est pas contenue, finit toujours par revenir. Ce peuple, qu’on dit « populiste », sait d’instinct ce que les demi-sachants ont oublié : que le monde n’est pas un espace moral, mais un champ de forces. Que la survie n’est pas un scandale, mais un devoir. Que la peur n’est pas un crime, mais une émotion civilisatrice.

Culpabilité post-Shoah et effacement identitaire

Chez les Juifs américains, cette fracture se double d’une blessure particulière : la culpabilité post-Shoah. L’horreur de l’extermination a laissé une empreinte telle qu’elle a engendré une méfiance métaphysique envers toute forme de puissance juive. Israël, en assumant sa souveraineté, rompt ce pacte implicite avec la faiblesse. Il scandalise les héritiers de la victime parce qu’il lui substitue le sujet.

Là où l’Europe juive avait appris à se taire pour survivre, Israël a appris à frapper pour vivre. Et cette mutation anthropologique est insupportable à ceux qui ont fait de la souffrance une identité. La culpabilité post-Shoah, au lieu d’engendrer la vigilance, a engendré la fuite devant la réalité. On confond aujourd’hui fidélité à la mémoire et refus du présent. Ce n’est pas l’État d’Israël que ces Juifs rejettent, mais la métamorphose du Juif qu’il incarne : de témoin à acteur, de victime à combattant.

Israël, miroir du monde déchiré

Israël est devenu, pour l’Occident, un miroir. Ce petit pays, constamment sommé de justifier son existence, reflète l’état d’une civilisation qui ne sait plus pourquoi elle existe. Sa guerre permanente est l’image renversée de notre paix épuisée. Sa détermination à vivre, malgré la haine, révèle notre résignation à mourir, par lassitude.

Israël rappelle à l’Occident ce qu’il fut : une civilisation du risque, de la volonté, de la continuité. Et c’est précisément ce rappel que l’Occident ne supporte plus. Il veut croire que l’histoire est finie, que la morale a remplacé le tragique, que la parole suffit à conjurer la guerre. Israël dément cette illusion. Son existence même prouve que la violence n’a pas disparu, qu’elle demeure au cœur du monde, et qu’elle exige d’être comprise, non niée.

C’est pourquoi l’hostilité envers Israël déborde largement le champ politique. Elle est d’ordre métaphysique : Israël incarne, à sa manière, la survivance de l’histoire dans un monde qui voulait en finir avec elle.

L’Occident regarde Israël comme on regarde un miroir où se reflète ce que l’on ne veut plus voir de soi : la nécessité du courage, la brutalité du réel, la persistance du mal. Sa condamnation d’Israël est une tentative de se purifier de sa propre impuissance.

La leçon d’Israël

Ce que nous enseigne Israël, à travers la haine qu’il suscite, c’est qu’aucune société ne se maintient sans conscience de son tragique. La paix n’est pas un état naturel, mais un effort constant. La morale n’est pas un substitut à la politique, et la compassion ne saurait tenir lieu de clairvoyance.

Il y a, dans le rapport de l’Occident à Israël, quelque chose d’un drame de la modernité : la fuite devant le réel, la peur de la puissance, la honte d’exister. Israël, par sa simple présence, contredit cette honte. Il dit : nous voulons vivre. Et ce vouloir-vivre, au lieu d’être admiré, est haï, parce qu’il rappelle ce que nous avons perdu — le sens de la continuité, le courage du particulier, la fidélité à soi-même.

Israël n’est pas seulement une nation ; il est devenu le test spirituel du monde moderne. L’aimer, c’est encore croire à l’histoire. Le haïr, c’est déjà vouloir en sortir.

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Bons vivants et mauvais coucheurs

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Le Canon français organisait le weekend dernier l’un de ses fameux banquets géants en Ille-et-Vilaine, malgré une importante opposition gauchiste locale. Frédéric Magellan est allé boire un coup…


Site habituellement paisible de l’arrière-pays de Rennes, le château de Blossac (Goven, 35) était ce week-end au centre de l’attention médiatique. En cause : un banquet organisé par le Canon français, réparti sur trois jours, et qui s’est attiré les foudres des Antifa et des élus LFI locaux.

Les activistes anonymes au fourneau

Tout aura été fait pour enquiquiner les organisateurs. L’événement, qui devait initialement se tenir le 17 octobre au Château des Pères, à Piré-Chancé, avait été d’abord annulé. Les propriétaires des lieux, Julien et Jean-Paul Legendre, avaient alors cédé aux pressions d’activistes anonymes. Les députés LFI Marie Mesmeur et Mathilde Hignet, ainsi que le sénateur écologiste Daniel Salmon, ont joint leur nom à une pétition qui a recueilli 700 signatures. Une demande d’interdiction a également été envoyée au préfet. Autant de rabat-joie et de trouble-fête qui sont passés près d’une petite victoire symbolique, si seulement les organisateurs n’avaient pas trouvé une nouvelle date et un lieu de rechange : le château de Blossac, donc, belle bâtisse du XVIIᵉ siècle. Le maître des lieux, Christophe de la Rousserie, a bravé les menaces, y compris celles du petit milieu de la conservation historique, résolu à lâcher le châtelain. Les prochains financements risquent d’être compliqués.

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Les anti-fêtes ne passeront pas

Sur le chemin, les voitures de policiers et de gendarmes indiquent malgré elles la route à suivre. Les hordes d’antifa rennais menaçaient de gâcher l’événement. Près de Rennes, une petite manifestation s’est tenue, dénonçant « une instrumentalisation de la culture française ». Mais quelle mouche a bien pu piquer tous ces antifa anti-fêtes ? Le Canon français, fondé en 2021 et qui organise aux quatre coins de la France des banquets pantagruéliques, a été racheté par Pierre-Edouard Stérin. Celui-ci est dépeint par la presse progressiste comme le nouveau grand manitou de la droite réactionnaire, le nouveau Citizen Kane, comme l’était dans les années 80 Robert Hersant, que tout le monde a à peu près oublié depuis. Et puis, tous ces braves gens qui se réunissent autour d’un cochon grillé sont suspectés d’entretenir un entre-soi conservateur. À en lire certains médias, « saluts nazis, chants à la gloire du Rassemblement national et drapeaux royalistes » seraient le lot commun de ces banquets festifs.

La France Sardou

Ce samedi, point de saluts nazis ni de drapeaux royalistes pourtant. Plutôt une joyeuse assemblée de gais lurons bien décidés à festoyer au rythme des olas et des paquitos. Le public est partagé entre vestes Barbour, pulls marinières et chemises hawaïennes. Cornemuses et kouignamann viennent rééquilibrer une ambiance jusqu’alors plutôt gasconne. Vissés sur les têtes, les bérets griffés Canon français se portent fièrement. À table, se succèdent pâtés et jambonneaux pour une variation autour de cinquante nuances de cochonnaille. À la sono, Sardou, le petit bonhomme en mousse et Michel Delpech, entrecoupés de vibrantes Marseillaises chantées a cappella. Mais aussi les notes entraînantes de bella ciao. « Vous voyez, on n’est pas si à droite que ça », nous glisse, malicieusement, l’un des co-organisateurs.

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« Tout le monde n’est pas forcément de droite, mais quand les médias nous disent de ne pas aller faire la fête à tel endroit, ça nous donne envie d’y aller », affirme Cédric, 34 ans, directeur commercial dans le bassin rennais. La plupart des participants viennent des environs de Rennes, du Morbihan, des Côtes-d’Armor. Ils peinent à se reconnaître dans la capitale bretonne, transformée au fil des années en un repaire de cheveux bleus et de punks à chien. Alors, ces ripailles dans la campagne bretonne, c’est un sas de décompression. La politique n’est pas le sujet de discussion de l’après-midi. « Nous ne sommes pas des gauchistes, nous ne vivons pas pour la politique. Après le psychodrame politique des dernières semaines, on a plutôt envie de s’amuser ».

1848 à l’envers

Les museaux commencent à rosir sous l’effet de l’alcool. Ça n’est pas pour autant la beuverie complète et sans contrôle. Parmi les 800 convives, une grosse majorité de trentenaires. Passés par l’Éducation nationale au temps de Najat Vallaud-Belkacem, abreuvés de spots publicitaires les enjoignant de ne pas boire, ne pas fumer, manger moins gras et moins sucré, ils se retrouvent sur les pelouses clopes au bec et verres à la main. Leurs bedaines sympathiques indiquent qu’ils ont pris quelques libertés avec les injonctions gratuites, laïques et obligatoires.

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En 1847, la France des notables se réunissait clandestinement autour de tables chargées de victuailles : c’était la fameuse « campagne des banquets », destinée à contourner l’interdiction des réunions publiques imposée par le ministre François Guizot. On y trinquait à la réforme électorale, à la vertu publique et à la fin de la corruption. Déjà, en 1830, ces banquets avaient précédé la chute des Bourbons, branche aînée ; en 1848, l’interdiction de celui du 22 février fit tomber la monarchie de Juillet. Cent soixante-dix ans plus tard, ironie de l’histoire : c’est la droite festive, à chevalières et à particules, qui ressuscite ce vieux rituel républicain ; alors qu’au même moment, les héritiers de la Révolution et des sans culottes pétitionnent et donnent le coup de matraque à la rescousse de l’ordre établi.

Compromissions cairotes

Un chef-d’œuvre ! En salles demain.


Fares Fares, géant au nez de Cyrano et aux oreilles éléphantines, acteur fétiche du cinéaste suédois d’origine égyptienne Tarik Saleh, 53 ans, sert d’organe conducteur à l’extraordinaire trilogie entamée en 2017 avec Le Caire confidentiel, poursuivie en 2022 avec La Conspiration du Caire (deux joyaux incontournables du Septième art, qu’on peut par bonheur visionner l’un et l’autre actuellement sur Netflix) et dont Les Aigles de la République constitue à présent le dernier volet – très attendu – du triptyque. Trois imbroglios palpitants, trois scénarios sans continuité apparente, sinon les arrière-plans politiques dont leurs intrigues foisonnantes sont chargées, au cœur d’une capitale qui, sous l’œil implacable du cinéaste rebelle, demeure le siège des plus sordides intrigues de palais, l’épicentre de sanguinaires conflits politiques et confessionnels, la matrice d’une corruption généralisée, dans le chaudron d’ une société égyptienne toujours au bord de l’implosion, minée par les inégalités sociales vertigineuses… et poursuivie par l’hydre islamiste.

Un cinéma politique ?

Tarik Saleh est un cinéaste de l’exil ; il n’a pas remis les pieds en Egypte depuis près de dix ans. L’intrigue du Caire confidentiel se déroulait juste avant la révolution de 2011 contre le régime honni de Moubarak : ce fut un tournage à très haut risque. Fares Fares y incarnait un inspecteur de police chargé d’enquêter sur l’assassinat d’une jeune chanteuse, dont le principal suspect s’avérera un ami proche du fils du président… Hautement politique, son cinéma est une machine de guerre qui tire toujours dans le mille…  Les Aigles de la République nous transporte au-delà du coup d’Etat militaire perpétré en 2013 contre le président islamiste Mohamed Morsi par le maréchal Abdel Fattah al-Sissi, l’actuel dictateur en poste ad vitam aeternam. Etant parvenu à réprimer l’engeance sinistre des Frères musulmans, il tient depuis lors le pays sous une férule pour le moins controversée.

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Le cinéaste arabo-suédois Tarik Saleh. Photo: Duchili / Memento

Dans Les Aigles de la République, Fares Fares tient, cette fois, le rôle de composition d’une star de cinéma fictive, du nom de George Fahmy, et que le peuple égyptien surnomme le « pharaon de l’écran »:  richissime, adulé. Sous la contrainte, en dépit d’une absence totale de ressemblance physique avec son modèle, l’acteur vedette se résout à accepter de camper la figure idéalisée du président Sissi, dans un biopic à la gloire du satrape: collabo malgré lui, le voilà forcé de frayer avec les hautes sphères du régime. De compromission en compromission, de lâcheté en lâcheté, le comédien manipulé, par ailleurs père négligent, fieffé menteur, pétri de vanité et séducteur invétéré – trompant sa jeune épouse (dans le rôle, Donia Massoud, comédienne et chanteuse dissidente, désormais installée en France) avec la femme du ministre de la Défense, lequel supervise la production le copte (mais irréligieux) George Fahmy – se voit ainsi pris à son propre piège, et à celui que lui a tendu le pouvoir. Mais l’intrigue labyrinthique révélera que, éminence grise supposément chargée de veiller à ce que le script respecte scrupuleusement la ligne idéologique, le Dr Mansour (génialement interprété par le glacial et mutique Amr Waked) est, au rebours des apparences, un maître du double jeu, et le visage même de l’intégrité.

Puissante évocation

Outre que le film reconstitue de façon fascinante, par exemple, la présentation, devant un cénacle de courtisans, de la maquette géante dévoilant la future métropole mégalomane projetée (bien réellement) par Sissi au pied des Pyramides, ou bien encore, dans une mise en scène digne de Hollywood, ce défilé militaire grandiose, ou même, au dénouement, ce complot ourdi par les prétendants galonnés mais maté par les forces du régime, la stupéfiante puissance d’évocation des Aigles de la République se redouble du fait qu’on y voit, à l’image, l’authentique président Sissi, et ce pas seulement sur les affiches de propagande qui, de fait, inondent les artères du Caire tout comme son effigie envahit les écrans de télévision, mais également lui-même, Sissi, en chair en os, comme s’il était, dans Les Aigles de la République, le protagoniste bien vivant de certaines séquences plus vraies que nature. Avec l’efficacité d’un blockbuster américain, la fiction parcourt l’avenue spectaculaire d’un documentaire tourné in situ, doté de moyens illimités.  


Si, captivant de bout en bout, le long métrage emprunte aux codes du film noir, c’est aussi un chef-d’œuvre d’humour… noir ! Parmi les scènes les plus désopilantes, ce dîner mondain où l’épouse du ministre de la Défense (Zineb Triki dans le rôle) raconte comment, dans son enfance, elle croyait dur comme fer que Shakespeare était arabe et musulman. Ou encore celle où, dissimulé sous des lunettes noires et croyant ainsi préserver candidement son incognito, Fahmy est illico reconnu par le pharmacien, ce crétin de mahométan grassouillet, « barbu » comme il se doit, qui tient la discrète officine : le comédien-star, affecté d’inavouables pannes érectiles, venait en toute discrétion y commander clandestinement ses doses de viagra, prétendument « pour un ami »… Le dialogue entre eux est un ravissement comique.  

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La sobre partition d’Alexandre Desplat (génial compositeur, entre parenthèses également requis par Guillermo del Toro en ce moment même pour son Frankenstein diffusé sur Netflix depuis vendredi dernier, autre film inoubliable, à ne rater sous aucun prétexte –  n’en déplaise au critique condescendant de Télérama) vient coiffer avec une discrète élégance cette satire au vitriol. Par son humour acide et son ironie corrosive, Les Aigles de la République résiste à l’écueil de la démonstration édifiante. Fares Fares s’y montre, tout simplement, prodigieux. C’est (encore) un chef-d’œuvre.


Les Aigles de la République. Film de Tarik Saleh. Avec Fares Fares, Lyna Khoudri, Zineb Triki, Amr Waked. Suède, France, Danemark, couleur, 2025.

Durée: 2h09

En salles le 12 novembre.

Disponible Netflix, à la demande : Le Caire confidentiel et La Conspiration du Caire, de Tarik Saleh. Avec Fares Fares dans les deux films. Indispensable !

Face au wokisme, ils ne s’excusent plus d’être libres

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Sydney Sweeney, Javier Milei, Charlie Kirk, Cristiano Ronaldo… Ils sont tous coupables d’un même crime : ne pas s’excuser d’être libres. À l’heure où la soumission s’appelle “vertu” et la peur “prudence”, leur simple franchise tient lieu d’insurrection. Et si, à notre tour, nous cessions de nous excuser d’être libres ?


À première vue, tout semble les opposer: une actrice d’Hollywood, un économiste argentin excentrique, un commentateur américain conservateur et une légende du football mondial… Ils ont en commun de choisir la franchise plutôt que la soumission. Librement et simplement, ils choisissent de dire ce qu’ils pensent et d’en assumer le prix.

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Le courage tranquille

Prenez Sydney Sweeney, star montante d’Hollywood. On lui demande en plein podcast, de « condamner » une marque de jeans à laquelle elle a servi d’égérie et aujourd’hui accusée d’entretenir un supposé « suprémacisme blanc ». Au pays des Pilgrim Fathers et de la confession publique, elle répond d’un transparent « Non ». Pas un frisson de peur, pas un mot en trop. Ni explain, ni complain. Voilà la force tranquille du courage dans un monde où tout est millimétré et où la prudence est devenue une vertu obligatoire. La starlette refuse d’immoler son bon sens sur l’autel du jugement collectif. Cristiano Ronaldo, passé à la question, a répondu d’un rire franc. The woke is dead. Voilà une idole qui, pour une fois, ne s’excuse pas avant de parler. Réussite, discipline personnelle et mérite ne sont pas des crimes. Assez logiquement, il a salué publiquement Donald Trump qui, lui, obtient des résultats.

Il faut comprendre que la société américaine, née entre Réforme et capitalisme, n’a pas tant cultivé des saints que des idoles. Ces exemples ne sont pas les figures exemplaires, élevées pour édifier les âmes mais des visages pour peupler les écrans. Ces idoles, façonnées par le grand marché, lui obéissent d’ordinaire. L’opinion publique veille, traque le moindre écart. Le tribunal des fans ne pardonne guère à ceux qu’il a lui-même couronnés — surtout lorsqu’il leur attribue toutes ses victoires. Les célébrités adoptent souvent des postures standardisées et des opinions de marché. Elles aspergent d’eau tiède l’assistance à chaque Oscar ou César : contre la guerre, contre la pauvreté, pour l’humanité entière… Le showbiz est moins un divertissement qu’une pastorale. Alors, voir les idoles se rebeller contre le conformisme de la multitude, cela a tout de l’évènement !

L’insoumission érigée en principe

Les vedettes ont compris que le non-conformisme paie. N’est-ce pas aussi la leçon politique de Milei qui a fait de l’insoumission un style et un programme politique, coupant sans précaution oratoire – et à la tronçonneuse – la dépense publique et le discours diversitaire ? Depuis sa victoire aux élections parlementaires de mi-mandat, il est devenu difficile de ne voir en lui qu’un fou ou qu’un trublion. La liberté, même au prix du scandale, fait vendre, ne ternit plus l’image des stars, et peut même faire gagner les élections, carajo!

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L’esprit Charlie ? La liberté jusqu’au bout. La voix du fondateur de Turning Point USA, Charlie Kirk, résonne encore. Pour lui « une démocratie sans liberté de parole est une dictature en sursis ». Lors des Patriot Awards organisés par la chaîne Fox News, un trophée a été remis à son épouse, Erika Kirk, pour saluer son courage et la force de sa foi. Face caméra, la voix tremblante mais ferme, elle a déclaré : « Pour le reste de ma vie, je m’assurerai de ne pas rester silencieuse. Je continuerai à dire la vérité, quel qu’en soit le prix. » “La vérité” : un mot tabou dans une Amérique relativiste mais que certains ont choisi de dire, simplement et librement. Ce soir-là, sur scène, des athlètes féminines, écartées du podium par des concurrents trans nés hommes, refusaient aussi de se taire. La veuve d’un pompier tombé au champ d’honneur y recevait, la voix brisée mais fière, le prix du courage. Des vétérans, des professeurs, des parents d’élèves — tous ces héros du quotidien rappelaient que la dignité n’a pas besoin de hashtags. Une autre Amérique arrivait enfin à se célébrer.

Le retour du bon sens

Et si la France faisait de même ? Nous manquons cruellement d’une cérémonie qui honorerait nos propres héros, ceux qui refusent de se taire et de s’excuser d’être libres. Une version française des Patriot Awards pourrait voir le jour — portée par ces médias qui écoutent encore le pays réel, loin des cénacles parisiens. Célébrer la veuve de Philippe Monguillot, un professeur Balanche, intimidé en plein cours et désormais sous protection fonctionnelle, ou encore l’avocat Pierre Gentillet, pris pour cible par des nervis d’extrême gauche. Sans oublier les lanceurs d’alerte, les parents, les anonymes, qui tiennent bon dans leur coin de France. Eux aussi méritent qu’on leur dise merci, car leur courage quotidien vaut bien toutes les grandes messes télévisuelles. Dans nos entreprises où les formations “Diversité, Équité, Inclusion” tiennent lieu de confession, dans nos écoles où la propagande LGBT remplace le savoir, dans nos médias où l’objectivité se résume à réciter le catéchisme progressiste. Le courage n’est pas réservé aux présidents ni aux stars : il se mesure à la capacité de dire “non” quand tout le monde dit Amen en langage inclusif ! Le monde d’aujourd’hui récompense l’émotion, pas la conviction. Il admire ceux qui cèdent, pas ceux qui tiennent. Comme le disait Chesterton : « Seules les choses vivantes vont contre le courant. Le reste se laisse emporter par la peur, la mode ou la lâcheté. » Il ne faut donc rien céder. Car la guerre culturelle ne se gagne pas par la colère silencieuse, mais par la capacité à tenir la ligne.

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Dans un pays où repentance rime avec vertu, ces voix qui disent “non” rappellent une vérité essentielle : la liberté ne s’hérite pas, elle se défend. Elle ne se délègue pas, elle se vit au quotidien. Le courage n’est plus l’héroïsme, c’est le retour du bon sens. Alors oui, Sydney Sweeney, Milei, Kirk, Ronaldo, et ces Américains célébrés aux Patriot Awards ne sauveront peut-être pas le monde. Mais ils rappellent au moins ceci : dans un temps d’uniformité morale, refuser de s’excuser d’être libre est déjà une révolution.

Vers un Trump français ?

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Patrice Jean: «Je ne défends jamais d’idées réactionnaires»

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La France de Bernard, Les structures du mal et Revenir à Lisbonne, les trois premiers romans de Patrice Jean, publiés à l’origine aux éditions Rue Fromentin, sont désormais réédités en un seul volume, accompagnés de textes courts, d’aphorismes et d’articles inédits sous le titre La fin du monde avait pourtant bien commencé (Cherche-Midi 2025). Une occasion pour Causeur d’opérer avec Patrice Jean une petite mise au point sur sa vision du roman ainsi qu’un premier bilan de son œuvre littéraire…


Causeur. Avec le recul, quel regard portez-vous sur vos trois premiers romans ?

Patrice Jean. Ils ont paru entre 2013 et 2016, mais ils furent écrits avant, notamment La France de Bernard, commencé en 2007. De les relire suscite la même impression que de regarder des photos prises il y a quinze ou vingt ans. Je songe à l’époque où je les écrivais, où j’étais plus jeune, et où j’ignorais ce que seraient les années qui allaient suivre. Je connais la suite maintenant. Mais je n’arrive pas à les lire comme s’ils étaient ceux d’un autre que moi (c’est la même chose avec les photos : nous avons changé, et nous sommes les mêmes).

On vous renvoie souvent, avec votre roman L’homme surnuméraire, au rôle de pourfendeur des ridicules du progressisme contemporain. Même si cette veine est indéniablement présente dans votre œuvre, on voit avec ces trois livres que votre travail romanesque est varié. Pensez-vous être le romancier d’un seul livre, dont vous poursuivriez l’idéal à travers différents ouvrages, ou au contraire un écrivain qui s’essaie à des formes variées, avec des tentatives nouvelles à chaque ouvrage ? 

Tout écrivain écrit un seul livre, il ne peut pas faire autrement, ou alors il est un faiseur, un escroc. Un écrivain a des obsessions en nombre limité qu’il décline dans des romans, dans des aphorismes, des poèmes, etc. On ne peut pas reprocher à un romancier de creuser son sillon. Dostoïevski écrit toujours sur le Mal, le crime, le Christ, etc. Stendhal écrit toujours le même roman d’apprentissage (avec variations) ; Proust n’écrit que la Recherche.

Dans un de vos aphorismes, vous affirmez : « On reconnaît un vrai lecteur à ce qu’il n’affectionne pas que les romans. Lui plaisent aussi les pensées éparses, les journaux intimes et les autobiographies, les maximes, la poésie. » Est-ce aussi par la diversité des genres que l’on reconnaît les vrais écrivains et qu’apportent les aphorismes par rapport au genre romanesque ?  

Les « vrais écrivains » ne sont pas obligés de pratiquer différents genres littéraires. Dans cet aphorisme, je vise les lecteurs : un lecteur qui ne lit que des romans n’est pas, selon moi, un amoureux de la littérature. Quel manque de curiosité, quand même ! Quant aux aphorismes, ils sont plus faciles à écrire qu’un roman. Tout le monde peut en écrire. Ils sont le fruit d’un moment, ou bien la conclusion d’une réflexion, voire la réflexion elle-même. J’aime beaucoup ce genre littéraire, il est d’une lecture très facile, il n’oblige pas à se plonger des heures durant dans un roman, il ne se monte pas du col comme la poésie, il n’est pas aussi narcissique que l’autofiction et l’autobiographie. De Lichtenberg à Gomez Dàvila, en passant par Cioran, le fragment a acquis, je crois, ses lettres de noblesse. Au fond, les Pensées de Pascal en sont la réussite la plus éclatante.

Pierre Cormary me citait dernièrement Philippe Muray, lequel affirmait dans Exorcismes spirituels IV : « Tous les grands romans, d’une manière ou d’une autre, ont toujours été des infidélités par rapport au contrat social d’une époque donnée ». Ou encore : « Trahir le contrat social qui nous est imposé par les charlatans de l’heure est l’essence même de l’expérience romanesque actuelle ». Êtes-vous d’accord avec ces propos ?

Oui, je suis d’accord. À quoi bon écrire si c’est pour flatter le gros animal ? Si c’est pour illustrer les idées politiques et sociales qu’on entend partout, qu’elles soient de droite ou de gauche ? Comme le répétait Flaubert, la littérature est l’objet d’une haine universelle. Et à l’intérieur du monde littéraire, les haines prolifèrent : des écrivains en détestent d’autres (qu’ils accusent d’un succès immérité), des lecteurs haïssent des romanciers (qu’ils prétendent être des minables, indignes de leurs prédécesseurs illustres), tout le monde jalouse tout le monde. Comme me l’a dit un jour Alice Ferney : « la littérature rend fou. » Rien n’est plus vrai. Dès que j’ai publié mon premier roman, les ennuis ont commencé: des gens que je ne connaissais pas, des amis d’amis, des lecteurs lointains, ont trouvé qu’il était insupportable que j’existe et que je publie des romans. Et ils me l’ont fait savoir. Je me souviens d’un lecteur qui m’avait téléphoné, à mon numéro personnel, pour me dire de quel bois il se chauffait. Bref, le ressentiment à tous les étages. C’est l’un des points communs entre la politique et la littérature : l’enthousiasme et la haine en sont les deux sentiments dominants.

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Dans un article intitulé D’une épithète infamante : réactionnaire, vous expliquez qu’employer « un vocable politique pour critiquer une œuvre littéraire n’a pas plus de sens que d’user d’un terme esthétique pour parler de politique », avant de conclure que « Réactionnaire n’est pas un mot, c’est un sens interdit, une impasse, un crachat, la fleur de lys marquée au fer rouge sur l’épaule de Milady ». Mais en même temps, vous écrivez dans le présent volume, « Le roman, à mon sens, est consubstantiellement lié à l’idée et au social : l’individu face à l’idée-société, l’individu face à l’absurde (…)  Un roman qui n’a pas en vue plus qu’une histoire n’a pas d’intérêt ». Même si l’emploi du terme de réactionnaire est l’expression d’une paresse intellectuelle, la critique littéraire peut-elle faire pour autant l’impasse sur la dimension politique, au sens large, de vos livres?

Mes livres ont une dimension politique, mais ils ne se réduisent pas à des prises de position politique. Mes thèmes sont plus larges : le sens de l’existence, la passion, le désir, les faux-semblants, et, plus généralement, la vie intérieure, cette vie invisible qui est la nôtre et que la littérature et l’art ont pour mission d’exprimer. Si je me moque du progressisme, c’est qu’il y a là de la matière. Réduit-on Molière à la satire des progressistes de son époque : les Monsieur Jourdain, les femmes savantes, les Tartuffe ? Et puis, si un critique prétend qu’un romancier est réactionnaire, il doit faire son travail, autrement dit relever les idées réactionnaires qu’il regrette de trouver dans mes romans. Je ne défends jamais d’idées réactionnaires, c’est pourquoi cette épithète, adressée à mes livres, ne repose sur rien, ou plutôt seulement sur un point: l’ironie envers les progressistes. Je ne crois pas que ce soit suffisant. Je suis pour la liberté, l’humanisme, la tolérance, le féminisme, la justice. Comme tout le monde. Ou presque. Pas de quoi en faire un fromage.

Au sujet d’un livre d’Édouard Louis, vous expliquez, dans un de vos aphorismes « Voici donc un roman “à la manière de”, platement sociologique (au lieu de lutter contre elle !), répétitif, sans aucun humour, sans imagination, purement idéologique ». Est-ce qu’un roman idéologique peut être réussi et pourquoi, selon vous, la littérature doit lutter contre la sociologie ?

Edouard Louis © Hannah Assouline

Un roman idéologique peut être réussi, il doit y en avoir : 1984 ? Le Meilleur des mondes ? Fharenheit 451 ? Ce sont des livres contre l’idéologie totalitaire, contre l’écrasement de la personne ; en ce sens, ils sont réussis, bien qu’ils aient un aspect idéologique. Quant à la sociologie, je ne veux pas dire qu’il faut en soi lutter contre elle, mais qu’un romancier doit résister à la tentation de n’être qu’un illustrateur des thèses de Bourdieu ou de Durkheim, pour la raison que la sociologie vise le collectif et la répétition alors que la littérature, au-delà de l’insertion des personnages dans la société, exprime la sensibilité et le prisme partiels d’une personne. Le sociologue cherche le vrai interhumain, le romancier le vrai, l’émotion, le rire, les pleurs, le doute.

Comment qualifieriez-vous la vision du monde qui se dégage de vos livres, ainsi que le style qui est le vôtre ? 

Je ne peux pas vraiment qualifier la vision du monde qui se dégage de mes livres, sinon je ne les aurais pas écrits. J’ai ressenti, à un moment de ma vie, que seul le roman (pas la philosophie, pas la poésie, pas le fragment) pourrait rendre compte de ma perception du monde, et la faire comprendre aux quelques lecteurs qui auraient envie de me lire. Pour ce qui est de mon style, je n’ai qu’une exigence : la clarté. Nous vivons dans la nuit, et j’ai lu, très jeune, pour y voir plus clair. Je n’aime pas les écrivains incompréhensibles : s’ils avaient quelque chose d’important à transmettre, que n’ont-ils essayé d’être le plus clair possible ? Quand je corrige un manuscrit, et que je tombe sur une phrase dont la signification est obscure, je me préoccupe, d’abord, d’en clarifier le sens. Bien sûr, la littérature rôde près de zones ténébreuses qui obscurcissent son propos, et un grand livre échappe à la clarté absolue. Néanmoins, la défaite intervient après un rude et loyal combat contre l’obscurité.

784 pages

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Des Talibans en Maine-et-Loire?

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Le militant identitaire Jean‑Eudes Gannat sera poursuivi pour «provocation à la haine, à la discrimination ou à la violence» après la diffusion d’une vidéo TikTok dans laquelle il dénonçait la présence d’Afghans devant un supermarché en Anjou.


Panique là-haut : le réel refuse de disparaître. L’État ne maîtrise plus sa propagande à gros sabots. Les réseaux sociaux, que le gouvernement aimerait tant faire taire, demeurent indomptables.

Contre la censure, il est urgent de montrer le réel

Ce contre-pouvoir, de plus en plus rebelle, refuse d’obtempérer aux injonctions morales des récitants du vivre ensemble. La garde à vue (36 heures) puis la mise en examen pour « incitation à la haine raciale » d’un militant national, Jean-Eudes Gannat, illustre l’absurde omerta que le système cherche à imposer, au nom de la traque aux « propos haineux ». La justice jugera en mai le prétendu coupable, poursuivi pour avoir filmé et diffusé, mardi soir dernier sur TikTok (en 24 secondes), une réunion habituelle d’Afghans à l’entrée du supermarché Leclerc de Segré (Maine-et-Loire), avec ce commentaire : « Marre de vivre avec les cousins de Talibans au fin fond de nos campagnes ». Or ce recours grossier du parquet à la censure et à l’intimidation a eu comme effet immédiat d’inciter d’autres internautes à mettre en ligne les effets visibles d’une immigration incontrôlée et remplaçante, sous le mot d’ordre #MontronsLeRéel.

À ne pas manquer, les carnets d’Ivan Rioufol: Cet étouffoir démocratique qui rend l’atmosphère révolutionnaire

Cette résistance spontanée, venue d’une partie de la jeune génération, exprime plus généralement un état d’esprit en rupture avec les injonctions des gardiens de l’antiracisme : une idéologie pervertie pour avoir fermé les yeux sur un peuplement oriental amenant, dans ses soutes, la violence clanique, le sexisme, l’islamisme, la judéophobie, etc. Dans le dernier JDNews, Bruneau Retailleau avoue: « A Beauvau (siège du ministère de l’Intérieur), j’ai vu de mes yeux un ensauvagement pire que ce que j’imaginais ». Faudrait-il encore le camoufler ?

Révolution du réel

La machine oligarchique ne résistera pas à la Révolution du réel, longtemps décrite ici dans ses prémices. Elle a atteint son point de bascule, en faisant apparaître les abstractions idéologiques (ces mots en -isme) dans leurs désastres palpables. Le choix de poursuivre celui qui montre (qui « monstre » aime à dire le sociologue Michel Maffesoli[1]) confirme la sénilité du vieux monde finissant. La justice en fait partie dans ses excès de pouvoir, y compris quand elle incarcère sans preuve un ex-président de la République[2].

Charles Péguy eut évidemment raison lorsqu’il il écrivit: « Il faut savoir dire ce que l’on voit, surtout il faut toujours, ce qui est difficile, voir ce que l’on voit ». Mais si la France silencieuse adopte de plus en plus cette démarche réaliste, en se libérant pas à pas des interdits du politiquement correct, la macronie s’annonce prête à tout pour maintenir, par le matraquage et la culpabilisation, ses mensonges officiels sur les bienfaits de la société ouverte.

Les 10 ans des attentats islamistes du 13 novembre 2015, commémorés ce jeudi, n’ont pas empêché, la semaine dernière, l’Assemblée nationale de laisser venir des fillettes islamiquement voilées parmi le public. Quant à l’agression commise par ce Français converti à l’islam qui, à Oléron, a fauché des passants avec sa voiture en hurlant « Allah Akbar ! », elle n’a pas été considérée comme un attentat islamiste…

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[1] Du nomadisme, Les Editions du Cerf

[2] C’est ce lundi que les juges devraient décider du maintien ou non de Nicolas Sarkozy à la Santé, après 21 jours de détention.

Sarko, la chasse à l’homme

La Cour d’appel de Paris examine ce lundi matin la demande de remise en liberté de l’ancien président incarcéré depuis trois semaines. L’exécution provisoire de la peine qui a conduit Nicolas Sarkozy en prison, sans attendre le jugement en appel, est la conséquence d’une traque judiciaire inédite dans laquelle des juges acharnés se sont contentés de fausses preuves et de témoins louches. Enquête sur une enquête à charge et un jugement déraisonnable.


La condamnation, puis l’emprisonnement, de Nicolas Sarkozy est le dernier épisode en date d’une traque judiciaire menée depuis plus de vingt ans contre l’ancien président de la République. Malgré des années d’enquête, les juges n’avaient pas réussi à le coincer dans l’affaire Clearstream, ni dans le financement de la campagne électorale d’Édouard Balladur, ou dans l’affaire Bettencourt. Heureusement, depuis la création par François Hollande en 2013 d’un Parquet national financier spécialisé, les affaires sont maintenant rondement menées. En dix-huit mois, il vient d’être condamné trois fois. D’abord pour avoir bénéficié du financement occulte de son parti, l’UMP, pour sa campagne 2012 (Bygmalion). Une affaire tellement incertaine que le juge Renaud Van Ruymbeke, cosaisi avec Serge Tournaire, avait alors – fait rarissime – refusé de signer le renvoi de Sarkozy devant le tribunal. Ensuite, dans l’affaire « des écoutes », accusé d’avoir eu la possible intention de corrompre un magistrat. Une condamnation basée sur l’écoute – illégale, mais miraculeusement validée par la Cour de cassation – des conversations avec son avocat, Thierry Herzog. Et maintenant l’affaire libyenne, qui lui a valu l’emprisonnement immédiat pour « association de malfaiteurs » ayant eu « l’intention » (encore une fois) de faire financer par Kadhafi sa campagne de 2007. Pas un sou n’a été versé, est obligé de reconnaître le tribunal, qui réduit ainsi à néant l’instruction du parquet financier. Quelle meilleure preuve de l’acharnement des juges d’instruction et du parquet que la mise en pièces de leur enquête par le tribunal lui-même ? Au bout du bout, il ne reste plus sur le banc des condamnés que l’« intention » de Sarkozy qui, selon des « indices graves et concordants », est la seule coupable dans cette douteuse affaire.

L’enquête

Nous sommes le 29 décembre 2012, dans le cabinet du juge Renaud Van Ruymbeke, au palais de justice de Paris. L’œil excité, il se caresse doucement la moustache. En face de lui, le sulfureux intermédiaire Ziad Takieddine, poursuivi dans l’affaire des sous-marins de Karachi et des frégates d’Arabie pour avoir monté un énorme réseau de rétrocommissions. Mais aussi pour faux témoignage : depuis quinze ans, tout le monde sait qu’il est un menteur invétéré, balançant informations bidon et fausses accusations au gré de ses intérêts. Qu’importe, c’est lui qui a pris contact avec Van Ruymbeke que, d’ordinaire, il insulte copieusement. Là, d’une voix onctueuse, il lui explique qu’il « vit très mal [le] contrôle judiciaire auquel [il] est soumis depuis septembre 2011 ». Van Ruymbeke a mis tous ses biens sous séquestre et, à l’écouter, il vit comme un gueux. Pour sortir de cette funeste situation, il fait au juge une proposition explosive. Il est disposé à « fournir les éléments existants sur le financement de la campagne de Nicolas Sarkozy au-delà de 50 millions d’euros ». Au terme de deux heures d’audition, Van Ruymbeke emmène Takieddine dans le cabinet de son collègue, le juge Serge Tournaire. La suite, c’est Takieddine lui-même qui la raconte, dans une « sommation interpellative » enregistrée par un notaire, en décembre 2020, et adressée au ministère français de la Justice pour l’obliger à réagir. Il y assure : « Le juge Tournaire m’a fait comprendre que si je pouvais accuser M. Sarkozy et sa garde rapprochée, je m’en sortirais la tête haute dans le dossier Karachi, et que mes biens me seraient restitués. » Il conclut : « J’ai été manipulé par des juges […] qui veulent détruire un ancien président. » Un mensonge de plus ? Ce témoignage a en tout cas été confirmé par une source judiciaire parfaitement au fait du dossier. Quoi qu’il en soit, malgré l’énormité de l’accusation – un juge accusé d’avoir conclu un pacte avec un prévenu –, le ministère de la Justice, officiellement avisé par Takieddine, n’a ouvert aucune enquête. On n’allait quand même pas risquer de devoir annuler une grande partie de la procédure ! L’affaire du financement libyen vient véritablement de commencer avec, pour informateur en chef, un mythomane pathologique.

Cette offre de services est une divine surprise pour les enquêteurs du PNF. Ils sont déçus du manque de suites à la publication, par Mediapart le 28 avril – fort opportunément entre les deux tours de la présidentielle de 2012 –, de la prétendue note libyenne. Celle-ci, est censée rendre compte d’une réunion tenue en Libye, le 6 octobre 2006, entre des dignitaires kadhafistes de premier plan et le ministre français Brice Hortefeux. Il y aurait été décidé de financer la campagne de Sarkozy à hauteur de 50 millions d’euros. Dans les heures qui ont suivi la publication, toutes les personnes mises en cause dans la note l’ont qualifiée de mensonge. Quelques jours après, le président du Conseil national de transition libyen, Mustapha Abdeljalil, déclarait lui-même : « Nous n’avons retrouvé aucune référence à cette lettre dans les archives libyennes. Nous pensons que la lettre est fausse et fabriquée. » De leur côté les experts s’avéraient incapables de se prononcer sur l’authenticité du document, Mediapart refusant de fournir l’original. Les gendarmes de la section de recherche de Paris, eux, concluaient à la « forte probabilité » que le document soit un faux.

Ziad Takieddine lors du procès de l’affaire Karachi, tribunal de Paris, 7 octobre 2019. MERESSE/SIPA

C’est en tous cas un faux intellectuel – c’est-à-dire que son contenu est mensonger – puisqu’il mentionne la participation de Brice Hortefeux à la réunion. La justice a lancé pas moins de 23 commissions rogatoires pour vérifier l’emploi du temps de Brice Hortefeux du 5 au 7 octobre 2006. Organisateurs du Sommet de l’élevage à Cournon (Puy-de-Dôme) ou des Assises des petites villes de France à Cancale (Côtes-d’Armor) ; maires de Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor), de Montpeyroux (Puy-de-Dôme) ou de Meymac (Corrèze) ; remises de Légion d’honneur ; pilotes ayant transporté Hortefeux d’un bout de la France à l’autre, aéroports où son zinc a atterri : des dizaines de personnes ont été interrogées. Sans trouver le moindre « trou » laissant le temps à Hortefeux de se rendre en Libye.

Les juges, qui ne voulaient pas lâcher le morceau pour autant, ont alors émis l’hypothèse farfelue que la réunion – débattant de secrets d’État – aurait pu être une téléconférence. Et retransmise en direct sur la télé libyenne ? Mediapart évoque pour sa part une possible « erreur dans le document, et que la date de la réunion soit en fait le 6 octobre 2005 et non 2006 ». Et il n’y aurait pas aussi une « erreur » sur la somme ?

Quoi qu’il en soit, le document qui avait lancé l’affaire a fait flop et est en voie d’être écarté de l’instruction avant que la juge du tribunal judiciaire conclue, dans une aimable litote, qu’il était « probablement faux ».

Après le coup de tonnerre médiatique – qui a sans doute valu à Sarkozy sa défaite à la présidentielle de 2012 –, l’accusation se trouvait le bec dans l’eau. Résultat : près d’un an après la publication de la note, l’action judiciaire en est encore au stade de l’enquête préliminaire, c’est-à-dire à la recherche d’un éventuel délit. L’arrivée de Takieddine dans le jeu est donc une bénédiction. À condition de faire semblant de croire à tous ses bobards – ce que les juges font avec empressement.

Difficile d’être exhaustif sur ses innombrables élucubrations, alors que l’intermédiaire a donné, selon la présidente du tribunal, « plus de 16 versions » de l’affaire. Parmi elles, il produit un témoignage direct qui change le cours de l’instruction : Takieddine affirme avoir lui-même remis à Sarkozy, en main propre dans son bureau du ministère de l’Intérieur, 7 millions d’euros, le 28 janvier 2007, pour financer sa campagne. Pas de chance, l’enquête prouve que Sarko était ce jour-là chez son frère à L’Isle-sur-la-Sorgue. En fait, se ravise alors Takieddine, c’est à Guéant qu’il a remis les sous, et seulement 5 millions. Et pas à Beauvau, mais dans son appartement du quai Branly. Dernier épisode : dans une interview au journaliste François de Labarre (Paris Match, 21 novembre 2020), le témoin préféré des juges financiers retire tout : « Il n’y a jamais eu d’argent pour la campagne de Sarkozy. » Heureux de l’apprendre !

Mais les juges financiers n’avaient pas comme seule source le mythomane en chef. Au gré de ses accusations et de leur propre enquête, ils consignent scrupuleusement les déclarations de témoins problématiques. La plupart sont d’anciens proches de Kadhafi, a priori mal disposés à l’égard de Sarkozy, l’homme à qui ils doivent leur malheur. Tel par exemple Moftah Missouri, le traducteur du Guide, qui se répandait dans la presse, mais n’a jamais voulu être entendu par la justice. Le 30 avril 2012, il dit (au Figaro) qu’il « n’a jamais eu connaissance d’un accord financier » entre Sarkozy et la Libye. Quelque temps après, pour le « Complément d’enquête » du 20 juin 2013, il lui revient en mémoire que Kadhafi lui a confié avoir versé 20 millions de dollars, « de l’argent liquide, dans des mallettes ». Autre témoignage surréaliste, celui de Mabrouka Cherif qui se présentait comme « responsable du protocole », mais qui n’aurait en fait été que la pourvoyeuse du harem de Kadhafi. Elle est jointe par les enquêteurs en 2019, dans des conditions surprenantes : elle a refusé de venir témoigner en personne, aussi les échanges ont lieu sur WhatsApp, sans qu’elle ait jamais prouvé son identité. Selon elle, « c’est Sarkozy qui avait demandé de l’aide au Guide ». Un autre témoin, baptisé « 123 » pour préserver son anonymat, confirme ses déclarations et ajoute même qu’en 2011, « Claude Guéant avait appelé [Mabrouka Cherif] sur son portable pour lui demander 20 millions pour la campagne de 2012. » La vie, c’est simple comme un coup de fil.

Malgré tous leurs efforts pour nourrir le dossier, les juges financiers se rendent compte en 2020 que ce n’est pas avec leurs témoignages bouffons qu’ils arriveront à prouver les délits reprochés à Sarkozy. Comme l’explique cruellement le jugement du 25 septembre, « nombre de déclarations de Takieddine se sont avérées mensongères [ou] relèvent de son imagination ». Quant aux témoignages des autres Libyens, « ils sont en grande majorité indirects, souvent imprécis et manquant de cohérence entre eux ». Bref, il n’y a rien de solide contre Sarkozy. Mais pas question, pour les juges financiers, de lâcher l’affaire. Ils s’aperçoivent brusquement – après plus de huit ans d’instruction – que l’ex-président a organisé une « association de malfaiteurs ». Cette incrimination qui permet de poursuivre tout et n’importe quoi est ajoutée en catastrophe, le 12 octobre 2020, à l’ardoise de Sarkozy. Bien leur en prend : alors que l’ex-président est relaxé sur l’accusation essentielle – sa campagne n’a pas été financée par les Libyens –, la justice arrive quand même à l’attraper grâce à l’association de malfaiteurs – Sarkozy n’a commis aucun délit, mais il avait l’intention d’en commettre, même si, au final, il ne l’a pas fait ! On comprend mieux pourquoi Robert Badinter considérait l’association de malfaiteurs comme « liberticide » et l’avait supprimée du Code pénal en 1983.


Le jugement

Nicolas Sarkozy n’aurait jamais dû se retrouver devant le tribunal judiciaire qui l’a condamné, le 25 septembre, à cinq ans de prison. Coupable ou innocent, il était alors ministre de l’Intérieur et son cas aurait dû être examiné par la Cour de justice de la République (CJR), « seule compétente, selon l’article 68 de la Constitution, pour juger les crimes ou délits commis par les membres du gouvernement dans l’exercice de leurs fonctions ». Une solution que le Parquet national financier voulait à tout prix éviter, de peur que Sarkozy leur échappe. Composée de 12 députés et sénateurs, ainsi que de trois magistrats, la CJR a en effet la réputation d’être assez compréhensive envers les politiques : en trente ans, elle n’a rendu que dix jugements, dont seulement quatre condamnations – et encore, avec sursis. Pour rester en charge, le tribunal judiciaire de Paris s’est livré à une sacrée acrobatie juridique. Il estime que « la relation de corruption s’est établie entre, non pas le ministre, mais le candidat futur à l’élection présidentielle et le gouvernement libyen ». C’est un simple particulier, et non un ministre, qui a commis le délit. Il ne relève donc pas de la CJR.

Nicolas Sarkozy et Carla Bruni quittent leur domicile avant son incarcération à la prison de la Santé, Paris, 21 octobre 2025. (C) Lionel GUERICOLAS – MPP/SIPA

C’est exactement le contraire de ce qui s’est passé pour Balladur : accusé de financement illégal de sa campagne présidentielle de 1995 alors qu’il était Premier ministre, il a été jugé par la CJR. Or, les deux situations sont identiques : un ministre qui est également candidat à la présidence est soupçonné d’avoir bénéficié d’un financement occulte. Il va donc falloir annuler d’urgence le jugement de la CJR qui, en 2021, a relaxé Balladur pour des délits exactement identiques à ceux reprochés à Sarkozy. Balladur, en prison !

Finalement, c’est pour avoir laissé se constituer une « association de malfaiteurs », un pacte de corruption visant à financer sa campagne électorale, que Sarkozy a été condamné. Un pacte censément conclu, au cours de deux dîners, entre son directeur de cabinet, Claude Guéant, son ami et collègue Brice Hortefeux, ministre des Collectivités territoriales et Abdallah Senoussi, numéro 2 du régime de Kadhafi.

L’association de malfaiteurs est, selon le Code pénal, « tout groupement formé ou entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d’un ou plusieurs crimes ou d’un ou plusieurs délits punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement ». Une incrimination fourre-tout, qui permet de poursuivre n’importe quoi.

Nicolas Sarkozy, aux côtés de Carla Bruni, réagit à son verdict au tribunal de Paris, 25 septembre 2025. (C) Cyril Pecquenard/SIPA

C’est alors que se posent deux gros problèmes. Primo, personne ne sait ce qui s’est dit au cours des deux dîners. « Les récits divergent », note le tribunal. Comment donc en conclure qu’un « pacte de corruption » y a été conclu ? Le tribunal tranche la question en assenant que les entretiens avec Senoussi « ne peuvent qu’avoir un lien avec le pacte corruptif ». Deuxio, qui prouve que Guéant et Hortefeux ont tenu Sarkozy au courant de leurs discussions ? Réponse – surréaliste – du tribunal : « Le soin particulier que Claude Guéant et Brice Hortefeux ont mis à présenter Nicolas Sarkozy comme étant étranger à ce processus corrobore au contraire le fait qu’il en était parfaitement informé. »

Les contreparties d’un tel pacte de financement, assure le tribunal, ont été d’une part, l’engagement pris par Sarkozy d’amnistier Abdallah Senoussi, condamné à perpétuité pour avoir organisé l’attentat contre le DC-10 d’UTA (170 morts) en 1989 ; et d’autre part, celui de soutenir le retour de la Libye sur la scène internationale. Sans craindre la contradiction, les juges notent qu’« aucun élément du dossier n’établit une quelconque action positive de Nicolas Sarkozy pour résoudre la situation de Abdallah Senoussi ». Et en matière de soutien à la Libye, Sarkozy a monté une coalition internationale pour la bombarder. Les Libyens devraient attaquer Sarkozy pour non-exécution de contrat !

Mais c’est l’« exécution provisoire » de la peine qui a le plus frappé l’opinion. Sarkozy n’a bénéficié d’aucun financement libyen, mais il file illico en prison, sans même attendre le résultat de l’appel qu’il a déposé. Il s’agit, expliquent les juges, d’une part de « s’assurer de l’exécution de la peine », c’est-à-dire de garantir qu’il ne se sauvera pas d’ici l’appel ; et d’autre part de « prévenir la récidive ». Sarkozy, qui n’est plus président depuis treize ans, aurait pu signer un nouveau pacte de corruption avec Kadhafi, mort depuis quatorze ans ? Effectivement, ça craignait !

La victoire du RN en 2027 est-elle acquise?

Sauf en matière de régalien, les idées du mouvement de Marine Le Pen et Jordan Bardella peuvent être fluctuantes – ce qui pourrait inquiéter l’électorat. Mais, le parti à la flamme reste actuellement largement en tête des sondages d’opinion pour l’élection présidentielle, avec parfois près de 20 points (!) d’avance sur le second.


Le Rassemblement national est annoncé, de manière certaine, comme présent au second tour de la future élection présidentielle. Il me semble cependant qu’on aurait tort de considérer que sa victoire est acquise, malgré la baisse actuelle, dans les sondages, des rivaux plausibles de Marine Le Pen ou de Jordan Bardella.

Capture BFMTV, 3 novembre 2025.

Joute finale

Il est sans doute difficile de se risquer à des pronostics alors qu’il reste environ dix-huit mois avant la joute finale, mais si les choses demeuraient en l’état – avec ce mélange de désordre politique et social, d’accroissement de l’insécurité et de terrorisme ponctuel d’un côté et, de l’autre, de désaffection de la chose publique et de lassitude démocratique -, on pourrait tenter d’identifier ce qui serait susceptible de décevoir à nouveau le RN, quel que soit son candidat.

A coup sûr, la présence de Jean-Luc Mélenchon au second tour – elle n’est pas inconcevable, compte tenu de son exploitation effrénée, clientéliste et démagogique des cités dites sensibles, ainsi que d’une certaine jeunesse peu regardante sur les moyens de la convaincre – constituerait pour le RN la garantie absolue de triompher. Des enquêtes d’opinion l’ont confirmé, avec un écart net en faveur de Mme Le Pen, et l’intuition générale selon laquelle tout vaudrait mieux – abstention ou adhésion – qu’un M. Mélenchon traitant la France comme il gère LFI, ses opposants, ses adversaires, les médias, les problèmes régaliens, l’urbanité républicaine et sa vision internationale.

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L’argument qui consisterait à « essayer », pour une fois, le RN serait d’autant moins discuté que l’autre branche de l’alternative concernerait Jean-Luc Mélenchon.

J’espère qu’aussi forte que soit son emprise sur ses fidèles et les députés de son groupe, quelqu’un, le moment venu, osera rappeler les chiffres et la certitude de sa défaite face au RN. Il sera sans doute difficile de faire admettre ce constat par celui qui en niera forcément la validité. Jusqu’à subir un ultime désaveu en 2027.

Nouvelle France électorale

Par ailleurs, pour ceux qui pourraient juger mon analyse immature à cause de son excessive personnalisation, je souhaiterais évoquer l’étrange nouvelle configuration du RN, au moins dans sa version parlementaire: un alliage fait d’une banalisation poursuivie et d’une imprévisibilité, voire d’une incohérence, assumées.

Avec le risque de décevoir aussi bien les soutiens friands de provocations que les citoyens soucieux de rectitude programmatique. Quoi qu’on pense du RN – la cravate et la tenue ne sont pas tout ! -, l’inquiétude peut surgir des volte-face et des embardées, ainsi que des coups tactiques susceptibles de faire douter de la profondeur et de la constance d’idées en effet fluctuantes, sauf en matière régalienne.

Enfin il y a Marine Le Pen elle-même. Peut-être son principal obstacle ? Non qu’elle n’ait pas accompli d’énormes progrès médiatiques – alors que souvent elle n’est pas ménagée, puisque la plupart des médias français ne se rappellent leur devoir de questionner à fond et rudement que lorsqu’il s’agit du RN.

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Je ne sais pas si, un jour, elle saura être à la hauteur du débat du second tour, ou si elle demeurera seulement excellente et convaincante entre les élections présidentielles. Parviendra-t-elle, au cours des ultimes échanges, à retrouver la même force d’argumentation, la même ironie, la même maîtrise que celles dont elle fait preuve dans le remarquable entretien qu’elle a donné à Causeur – questionnée, il est vrai, sans complaisance mais sans hargne ?

Certes ce n’est pas la même chose, techniquement, que la joute suprême qui décide de tout, ou que le dialogue médiatique de fond… Dans ce dernier, on relève tout de même cette brillante formule : « La France, c’est le pire du libéralisme et le pire du socialisme », ainsi que le fait que Marine Le Pen se montre définitivement hostile à l’union des droites à la française.

Je n’oublie pas Jordan Bardella. Même si les enquêtes d’opinion le placent parfois devant Marine Le Pen, il me semblerait plus facile à déstabiliser dans un débat capital, car il me donne toujours l’impression de suivre une ligne bien ordonnée – un canevas rigide, fond et forme -, et de pouvoir être troublé par la moindre imprévisibilité ou le moindre changement de direction. Dans les questions de cours, pour peu qu’on les présente autrement, il ne le suivra plus!

J’apprécie, comme citoyen libre – avec ses choix qui relèvent du for intérieur et sa curiosité qui l’autorise à papillonner de parti en parti -, d’avoir le droit de projeter sur une réalité complexe un regard d’un analyste au petit pied. Je ne me pousse pas du col mais c’est mon col. Le RN n’a pas encore gagné en 2027…

Tant qu’il y aura des films

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© Pyramide Distribution

Passée sous les radars du dernier Festival de Cannes, la nouvelle fiction du cinéaste ukrainien Sergeï Loznitsa domine incontestablement les sorties de novembre, même si par ailleurs Jodie Foster et Daniel Auteuil illuminent un remarquable polar français.


Glaçant

Deux procureurs, de Sergeï Loznitsa

Sortie le 5 novembre

Union soviétique, 1937. Des milliers de lettres de détenus accusés à tort par le régime sont brûlées dans une cellule de prison. Contre toute attente, l’une d’entre elles, subtilisée au dernier moment par le prisonnier chargé de les détruire, parvient à destination, sur le bureau du procureur local fraîchement nommé, Alexander Kornev. Ce dernier va se démener pour rencontrer le prisonnier qui a écrit cette lettre dans laquelle il se dit victime d’agents corrompus de la police secrète, la NKVD. Bolchevik chevronné et intègre, le jeune magistrat croit à un dysfonctionnement du système. Sa quête de justice le conduit jusqu’au bureau du procureur général, à Moscou. À l’heure des grandes purges staliniennes, c’est la plongée d’un homme dans un régime totalitaire qui ne dit pas son nom.

Telle est l’implacable trame du nouveau film de Sergeï Loznitsa, réalisateur ukrainien qui oscille sans cesse entre fictions (My Joy, Dans la brume, Donbass, entre autres) et documentaires (Maïdan, Babi Yar.Contexte, L’Invasion,notamment). Des œuvres fortes, âpres et rugueuses qui interrogent autant le passé que le présent. Avec Deux procureurs,il explore donc les arcanes du système judiciaire et carcéral d’une URSS cadenassée par Staline et son régime de terreur permanente. La totale réussite du film tient à la façon dont le cinéaste rend palpable le véritable parcours du combattant qui attend le petit juge : rien ne fonctionne comme ailleurs dans cet univers concentrationnaire conduit par une bureaucratie effrayante. Le temps d’abord y est suspendu : le directeur de la prison le fait attendre des heures et des heures, comme pour l’épuiser jusqu’à le faire renoncer à sa démarche. Quand enfin l’autorisation de visite lui est accordée, c’est un incroyable ballet de portes, de sas, de grilles, de couloirs glauques, de corridors sans fin, de clés bruyantes et de serrures énormes qui prend le relais. Comme si cette fois, il s’agissait de décourager l’obstiné fonctionnaire en le perdant dans un labyrinthe sombre et terrorisant. Un véritable dédale qui rend fou tant il est à la fois complexe et vide de toute logique spatiale. Ou comment démontrer avec un incroyable brio la machine stalinienne dans toute sa capacité à broyer chaque individu.

Incarné à la perfection par Alexandre Kouznetsov (découvert en 2008 dans Leto de Kirill Serebrennikov), l’imprudent juge devient une sorte de Christ aux outrages qui pour progresser doit subir toutes les humiliations générées par une mécanique redoutable, sous les sourires et les blagues de geôliers débonnaires. Inspiré d’un texte écrit clandestinement en 1969 par Gueorgui Demidov (1908-1987), physicien déporté en 1938 dans les camps de la Kolyma durant quatorze ans, le film colle au plus près du réel avec un soin presque documentaire. Il a d’ailleurs été tourné dans une véritable prison de l’Empire russe, à Riga, en Lettonie. Et pour accentuer la sensation d’enfermement, Loznitsa a choisi pour l’image un format carré, une réalisation en plans fixes et une palette de couleurs n’allant que du gris au marron, dans un décor dépouillé, froid, métallique, presque abstrait. Porté par ce formalisme dénué de tout artifice, le film déploie très habilement une narration proprement diabolique qui vise en permanence à manier le chaud et le froid, comme le font d’ailleurs les interlocuteurs successifs et interchangeables du petit juge. Jusqu’au bout, Deux procureurs maintient le spectateur dans un état d’intranquillité totale. C’est bien le moins quand on dépeint l’enfer sur terre.


George Lechaptois

Réchauffant

Vie privée, de Rebecca Zlotowski

Sortie le 26 novembre

Lilian Steiner est une psychiatre reconnue. Un jour, elle apprend la mort de l’une de ses patientes et se persuade qu’il s’agit d’un assassinat. Elle décide de mener l’enquête. Le nouveau film de la surdouée Rebecca Zlotowski passe la vitesse supérieure en se présentant comme un hommage assumé aux films d’Alfred Hitchcock et de Woody Allen, pour ne parler que de ces deux-là. Entre Une femme disparaît et Meurtre mystérieux à Manhattan, Vie privée a l’indéniable saveur des vrais-faux polars bâtis d’abord pour s’amuser entre auteurs (ici Anne Berest et la réalisatrice), puis nous distraire. Et un impeccable casting renforce ce plaisir simple, mais finalement pas si fréquent : Jodie Foster et Daniel Auteuil en tête, accompagnés par Virginie Efira, Mathieu Amalric et Vincent Lacoste notamment. Impossible de résister aux quiproquos, fausses pistes et autres joyeusetés scénaristiques d’un film qui ne se prend jamais au sérieux, sans pour autant mépriser son spectateur. On en redemande et sans réserve.


Focus Features

Refroidissant

Bugonia, de Yorgos Lanthimos

Sortie le 26 novembre

On pourrait parler d’une douche glacée, tant Bugonia, le nouveau film du cinéaste grec Yorgos Lanthimos joue une nouvelle fois (une fois de trop ?) avec nos limites en matière de Grand Guignol. Manifestement, son plaisir de réalisateur est de maltraiter la malheureuse actrice dénommée Emma Stone, ici dans le rôle d’une patronne enlevée par deux crétins convaincus qu’elle est une extraterrestre venue pour détruire la Terre. S’ensuit une série de sévices corporels et psychologiques censés sauver l’humanité en péril. C’est laid, c’est bête, et c’est long. On se demande ce qui peut pousser des acteurs non dénués de talent à accepter de tels rôles, et on s’interroge sur les intentions réelles du cinéaste. Puis on finit par baisser les bras devant ce cinéma poseur et boursouflé qui multiplie les images faussement provocantes et pleines de bassesse pour essayer de faire oublier qu’il n’a rien à dire.

https://www.youtube.com/watch?v=bd_5HcTujfc

Municipales marseillaises: un sacré pastis

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Le député des Bouches du Rhône RN Franck Allisio, photographié à Marseille le 14 décembre 2024 © Alain ROBERT/SIPA

Nul n’ignore qu’à Marseille, depuis que la Sardine a bouché son port, tout peut arriver. On le constate encore aujourd’hui alors qu’une étude d’intentions de votes aux prochaines municipales, effectuée du 4 au 7 novembre par l’institut Cluster 17 pour Politico, vient d’être publiée.

Ses résultats sont de nature à troubler les siestes dans les calanques et perturber les parties de boules du parc Borély. Peuchère, ça frise la galéjade : le RN d’Allisio et le Printemps marseillais de Payan à parfaite égalité. À en sortir le double-décimètre, si on était à la pétanque. 29% des exprimés au premier tour pour l’un et l’autre. À noter que, localement, le RN est passé de 19,5% aux précédentes municipales à 30% aux dernières européennes. Dynamique prometteuse, au moins sur le papier.

Cela dit, en embuscade, il y a le candidat LFI, puisque la gauche Payan s’est rassemblée hors le mouvement mélenchoniste. Là aussi, on enregistre une certaine dynamique, puisque le candidat désigné réaliserait un score de 16% donc de quoi se maintenir au second tour, puisqu’atteindre les 10% au premier y suffit. Toute la question est donc là : maintien ou non maintien de LFI ? On serait tenté de miser sur le maintien, tant le candidat en question est de grande qualité. Il s’agit en effet du brillantissime Sébastien Delogu. Comment imaginer qu’on puisse se passer d’une si éminente personnalité dans une joute pour un second tour à Marseille ? Comment pourrait-on accepter d’amputer le débat d’un apport dialectique, culturel, visionnaire d’un si haut niveau ? Le mettre sur la touche, cet éminent politique, représenterait un gâchis incompréhensible, une atteinte des plus dommageables à la qualité de la vie démocratique. Il faut dire que Delogu cartonne chez les jeunes Marseillais de 18 à 34 ans. Il performe là à quelque chose comme 34% d’intentions de vote (Nous l’avons vu, le soufflet retombe tout de même à 16% sur l’ensemble des votants). La Bonne Mère ne peut que se réjouir lorsqu’elle constate qu’à ses pieds prospère une jeunesse si éclairée, politiquement et intellectuellement si exigeante, si bien formée aux arcanes de la démocratie parlementaire.

A lire aussi: Marine Le Pen: « Je ne vais pas y retourner vingt-cinq fois de suite »

Dans le cas du maintien du sieur Delogu, Payan, le maire sortant, serait à la peine. S’il est néanmoins donné gagnant, ce serait d’un cheveu. 30,5% contre 29% à Allisio. Là encore, s’en remettre au double-décimètre s’imposerait.

En embuscade, il y a aussi la candidate LR et Horizons, la présidente de la métropole, Martine Vassal, qui serait en discussion avec Renaissance pour obtenir son soutien. L’étude la crédite de 23%. Elle serait donc admissible elle aussi au second tour. Se pose dès lors la question du vote utile. Le vote d’électeurs LFI en faveur de Payan pour barrer la route au RN et le vote d’électeurs LR Horizons Renaissance en faveur du RN pour sanctionner cette alliance de circonstance et le bilan du maire sortant. Quand on vous dit sacré Pastis, on n’en est pas loin.

Un Pastis qui pourrait bien s’exporter dans tout l’hexagone, du moins dans nombre de villes, la barre du maintien étant donc à dix pour cent, on pourrait se retrouver dans maintes communes avec parfois jusqu’à six listes au second tour. Un pur régal !

Il n’en reste pas moins que, au vu de cette étude qui n’est, rappelons-le, qu’une photographie de la situation à un moment donné, le fait que le RN d’Allisio fasse jeu égal avec la gauche de Payan, les Marseillais – et au-delà – ont été fort surpris. Bien entendu, il y a ceux à qui ça fend le cœur et ceux à qui ça ensoleille l’aïoli.

Quoi qu’il en soit l’élu aura beau jeu de reprendre à son compte la bonne vieille blague prisée de tous les maires de la ville : « On dit qu’à Marseille on fait voter les morts. C’est faux : ils votent comme ils veulent. » Voilà un paramètre que l’étude évoquée aurait peut-être dû prendre en compte ? Réponse en mars. Avec les premiers beaux jours, les boules de sortie, le pastis dans les verres et la bouillabaisse sur le feu…

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New-York: qui sont ces juifs progressistes qui ont voté pour M. Zohran Mamdani?

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De gauche à droite, Lincoln Restler, le rabbin Moshe Indig et Zohran Mamdani pendant la campagne municipale à New York, 2 novembre 2025. RS.

Le symptôme new-yorkais et la dérive morale de la modernité, une analyse de Charles Rojzman.


Le fait qu’en 2025, près de 30% des Juifs new-yorkais aient voté pour un candidat musulman ouvertement antisioniste n’est pas seulement un événement électoral : c’est un symptôme historique. Il marque la dislocation d’un lien de conscience qui unissait depuis plus de soixante-dix ans la diaspora juive américaine à Israël, et au-delà, la rupture entre la mémoire du tragique et la morale contemporaine.

Car ce geste politique n’est pas un accident. Il est l’expression d’un déplacement profond : la substitution du devoir de lucidité par l’exigence de pureté morale. Là où la fidélité à Israël incarnait jadis la conscience d’un peuple ayant tiré les leçons du mal absolu, s’impose aujourd’hui une nouvelle religion sécularisée — celle de la compassion abstraite, de la repentance universelle, et du refus du tragique.

Dans l’Amérique progressiste, le Juif éclairé se veut désormais plus moral que fidèle, plus universel que particulier. Il craint d’être confondu avec la force qu’il condamne ; il se veut au-dessus des nations et des conflits, comme si la mémoire du mal pouvait justifier la fuite devant le réel. Mais cette fuite n’est pas la paix de l’esprit : elle est une abdication du sens.

Car Israël n’est pas seulement un État : il est le symbole d’un monde où l’histoire n’a pas abdiqué. Sa simple existence rappelle que la survie suppose le courage, la frontière, la force, et la responsabilité. Et c’est précisément cela que rejettent ces électeurs new-yorkais — non pas Israël en tant que tel, mais ce que son existence continue d’affirmer contre l’air du temps : que la liberté est tragique, que la paix se conquiert, et que l’identité ne se négocie pas.

Leur choix révèle une fracture bien plus vaste : celle d’une civilisation qui, croyant se purifier par la morale, s’aveugle sur les conditions de sa survie. C’est cette cécité des « demi-sachants », selon le mot de Jacques Ellul, que ce texte explore : celle des élites juives progressistes, cultivées mais désorientées, moralisatrices mais sans mémoire, qui confondent l’universalisme avec le déni du réel.

Le paradoxe des consciences indignées

Comment comprendre qu’une part significative — près de 40 % selon certains sondages — des Juifs américains se disent « choqués » par ce qu’ils appellent les « crimes de guerre » de l’armée israélienne à Gaza, et que certains osent même employer le mot de « génocide » ? Comment expliquer que, dans ce peuple dont la mémoire est saturée du mot Shoah, on en vienne à l’utiliser contre l’État d’Israël lui-même?

Ce paradoxe n’est pas accidentel. Il révèle une faille de civilisation : celle d’un Occident arrivé à ce point d’épuisement où la morale a remplacé la pensée, où la compassion tient lieu de jugement, et où la mémoire des crimes passés empêche de comprendre les périls présents. Ces Juifs américains, héritiers d’un monde saturé de bonne conscience, sont les enfants d’une culture qui croit penser mais ne sait plus voir.

Le règne des demi-sachants

Jacques Ellul appelait demi-sachants ces êtres qui croient savoir parce qu’ils ont lu, entendu, débattu, mais dont la connaissance ne déborde pas les frontières mentales que leur époque a tracées pour eux. Ils parlent avec assurance, mais leur intelligence s’est laissée confisquer par l’air du temps.

La majorité des élites juives américaines appartient à cette catégorie : cultivées, informées, mais prisonnières d’un paradigme moral où le monde n’existe plus que sous la forme du bien et du mal, du dominant et du dominé. Leur rapport à Israël s’inscrit dans ce schéma : elles voient en lui la puissance arrogante, et en l’autre, la victime rédemptrice. Ce qu’elles jugent, en réalité, ce n’est pas Israël, mais leur propre impuissance à penser hors des catégories de la morale progressiste.

L’universalisme devenu idéologie

L’universalisme, jadis grandeur de l’Occident, s’est retourné contre lui. Né du christianisme et des Lumières, il portait en lui la promesse d’une humanité réconciliée dans la raison et la liberté. Mais détaché de ses racines historiques, il s’est transformé en idéologie : une religion séculière qui prétend abolir la tragédie.

Dans cet universalisme dévoyé, Israël fait figure de scandale. Car il rappelle que la survie d’un peuple suppose la force, la frontière, le conflit, et que la liberté n’est pas un état de grâce mais une conquête. Ce rappel du tragique choque des consciences dressées à croire que la paix est le nom de la morale.

En ce sens, Israël n’est pas seulement jugé : il est excommunié.

Le manichéisme progressiste

Le monde contemporain se pense à travers la figure du « dominé ». C’est là le fruit d’une longue déchristianisation : l’Occident n’a pas cessé d’être chrétien, il a seulement remplacé Dieu par la Victime. La compassion s’est faite dogme, et la morale, instrument de domination symbolique.

Ainsi, tout conflit est réduit à une opposition simple : le fort a tort, le faible a raison. Dans cette logique, l’État juif ne peut qu’incarner le mal. Sa puissance militaire, son attachement à la souveraineté, sa fidélité à l’idée de peuple heurtent une culture occidentale qui ne supporte plus ni la hiérarchie, ni la frontière, ni la virilité.

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Mais cette culture morale et abstraite, tournée contre la réalité, n’a pas seulement faussé le regard sur Israël : elle a désarmé tout un continent face au danger d’une islamisation rampante, longtemps sous-estimée. En refusant de nommer la violence issue d’un islam politique conquérant, en niant la logique d’emprise qui traverse certains courants religieux, l’Occident s’est condamné à l’aveuglement. Et les élites juives progressistes, par peur d’être confondues avec leurs adversaires idéologiques, se sont souvent faites complices de ce déni. Elles ont préféré accuser Israël plutôt que de reconnaître que la haine qui s’y déchaîne est la même qui grandit sur leurs propres terres.

Ce manichéisme satisfait les âmes fatiguées : il leur offre la paix du jugement moral. Il dispense de la complexité, il abolit la responsabilité. Il permet de condamner sans comprendre, d’aimer sans agir, de croire sans penser.

Le divorce entre le peuple et les élites

Mais ce discours n’a pas conquis tout le monde. Il s’est imposé dans les universités, les rédactions, les institutions culturelles, mais il n’a pas pénétré jusqu’au fond des peuples. Ceux-ci continuent, confusément, à sentir ce que leurs élites refusent de penser : que la civilisation n’est pas immortelle, que la paix n’est pas naturelle, que la violence, si elle n’est pas contenue, finit toujours par revenir. Ce peuple, qu’on dit « populiste », sait d’instinct ce que les demi-sachants ont oublié : que le monde n’est pas un espace moral, mais un champ de forces. Que la survie n’est pas un scandale, mais un devoir. Que la peur n’est pas un crime, mais une émotion civilisatrice.

Culpabilité post-Shoah et effacement identitaire

Chez les Juifs américains, cette fracture se double d’une blessure particulière : la culpabilité post-Shoah. L’horreur de l’extermination a laissé une empreinte telle qu’elle a engendré une méfiance métaphysique envers toute forme de puissance juive. Israël, en assumant sa souveraineté, rompt ce pacte implicite avec la faiblesse. Il scandalise les héritiers de la victime parce qu’il lui substitue le sujet.

Là où l’Europe juive avait appris à se taire pour survivre, Israël a appris à frapper pour vivre. Et cette mutation anthropologique est insupportable à ceux qui ont fait de la souffrance une identité. La culpabilité post-Shoah, au lieu d’engendrer la vigilance, a engendré la fuite devant la réalité. On confond aujourd’hui fidélité à la mémoire et refus du présent. Ce n’est pas l’État d’Israël que ces Juifs rejettent, mais la métamorphose du Juif qu’il incarne : de témoin à acteur, de victime à combattant.

Israël, miroir du monde déchiré

Israël est devenu, pour l’Occident, un miroir. Ce petit pays, constamment sommé de justifier son existence, reflète l’état d’une civilisation qui ne sait plus pourquoi elle existe. Sa guerre permanente est l’image renversée de notre paix épuisée. Sa détermination à vivre, malgré la haine, révèle notre résignation à mourir, par lassitude.

Israël rappelle à l’Occident ce qu’il fut : une civilisation du risque, de la volonté, de la continuité. Et c’est précisément ce rappel que l’Occident ne supporte plus. Il veut croire que l’histoire est finie, que la morale a remplacé le tragique, que la parole suffit à conjurer la guerre. Israël dément cette illusion. Son existence même prouve que la violence n’a pas disparu, qu’elle demeure au cœur du monde, et qu’elle exige d’être comprise, non niée.

C’est pourquoi l’hostilité envers Israël déborde largement le champ politique. Elle est d’ordre métaphysique : Israël incarne, à sa manière, la survivance de l’histoire dans un monde qui voulait en finir avec elle.

L’Occident regarde Israël comme on regarde un miroir où se reflète ce que l’on ne veut plus voir de soi : la nécessité du courage, la brutalité du réel, la persistance du mal. Sa condamnation d’Israël est une tentative de se purifier de sa propre impuissance.

La leçon d’Israël

Ce que nous enseigne Israël, à travers la haine qu’il suscite, c’est qu’aucune société ne se maintient sans conscience de son tragique. La paix n’est pas un état naturel, mais un effort constant. La morale n’est pas un substitut à la politique, et la compassion ne saurait tenir lieu de clairvoyance.

Il y a, dans le rapport de l’Occident à Israël, quelque chose d’un drame de la modernité : la fuite devant le réel, la peur de la puissance, la honte d’exister. Israël, par sa simple présence, contredit cette honte. Il dit : nous voulons vivre. Et ce vouloir-vivre, au lieu d’être admiré, est haï, parce qu’il rappelle ce que nous avons perdu — le sens de la continuité, le courage du particulier, la fidélité à soi-même.

Israël n’est pas seulement une nation ; il est devenu le test spirituel du monde moderne. L’aimer, c’est encore croire à l’histoire. Le haïr, c’est déjà vouloir en sortir.

La société malade

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Bons vivants et mauvais coucheurs

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Photos © F. Magellan

Le Canon français organisait le weekend dernier l’un de ses fameux banquets géants en Ille-et-Vilaine, malgré une importante opposition gauchiste locale. Frédéric Magellan est allé boire un coup…


Site habituellement paisible de l’arrière-pays de Rennes, le château de Blossac (Goven, 35) était ce week-end au centre de l’attention médiatique. En cause : un banquet organisé par le Canon français, réparti sur trois jours, et qui s’est attiré les foudres des Antifa et des élus LFI locaux.

Les activistes anonymes au fourneau

Tout aura été fait pour enquiquiner les organisateurs. L’événement, qui devait initialement se tenir le 17 octobre au Château des Pères, à Piré-Chancé, avait été d’abord annulé. Les propriétaires des lieux, Julien et Jean-Paul Legendre, avaient alors cédé aux pressions d’activistes anonymes. Les députés LFI Marie Mesmeur et Mathilde Hignet, ainsi que le sénateur écologiste Daniel Salmon, ont joint leur nom à une pétition qui a recueilli 700 signatures. Une demande d’interdiction a également été envoyée au préfet. Autant de rabat-joie et de trouble-fête qui sont passés près d’une petite victoire symbolique, si seulement les organisateurs n’avaient pas trouvé une nouvelle date et un lieu de rechange : le château de Blossac, donc, belle bâtisse du XVIIᵉ siècle. Le maître des lieux, Christophe de la Rousserie, a bravé les menaces, y compris celles du petit milieu de la conservation historique, résolu à lâcher le châtelain. Les prochains financements risquent d’être compliqués.

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Les anti-fêtes ne passeront pas

Sur le chemin, les voitures de policiers et de gendarmes indiquent malgré elles la route à suivre. Les hordes d’antifa rennais menaçaient de gâcher l’événement. Près de Rennes, une petite manifestation s’est tenue, dénonçant « une instrumentalisation de la culture française ». Mais quelle mouche a bien pu piquer tous ces antifa anti-fêtes ? Le Canon français, fondé en 2021 et qui organise aux quatre coins de la France des banquets pantagruéliques, a été racheté par Pierre-Edouard Stérin. Celui-ci est dépeint par la presse progressiste comme le nouveau grand manitou de la droite réactionnaire, le nouveau Citizen Kane, comme l’était dans les années 80 Robert Hersant, que tout le monde a à peu près oublié depuis. Et puis, tous ces braves gens qui se réunissent autour d’un cochon grillé sont suspectés d’entretenir un entre-soi conservateur. À en lire certains médias, « saluts nazis, chants à la gloire du Rassemblement national et drapeaux royalistes » seraient le lot commun de ces banquets festifs.

La France Sardou

Ce samedi, point de saluts nazis ni de drapeaux royalistes pourtant. Plutôt une joyeuse assemblée de gais lurons bien décidés à festoyer au rythme des olas et des paquitos. Le public est partagé entre vestes Barbour, pulls marinières et chemises hawaïennes. Cornemuses et kouignamann viennent rééquilibrer une ambiance jusqu’alors plutôt gasconne. Vissés sur les têtes, les bérets griffés Canon français se portent fièrement. À table, se succèdent pâtés et jambonneaux pour une variation autour de cinquante nuances de cochonnaille. À la sono, Sardou, le petit bonhomme en mousse et Michel Delpech, entrecoupés de vibrantes Marseillaises chantées a cappella. Mais aussi les notes entraînantes de bella ciao. « Vous voyez, on n’est pas si à droite que ça », nous glisse, malicieusement, l’un des co-organisateurs.

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« Tout le monde n’est pas forcément de droite, mais quand les médias nous disent de ne pas aller faire la fête à tel endroit, ça nous donne envie d’y aller », affirme Cédric, 34 ans, directeur commercial dans le bassin rennais. La plupart des participants viennent des environs de Rennes, du Morbihan, des Côtes-d’Armor. Ils peinent à se reconnaître dans la capitale bretonne, transformée au fil des années en un repaire de cheveux bleus et de punks à chien. Alors, ces ripailles dans la campagne bretonne, c’est un sas de décompression. La politique n’est pas le sujet de discussion de l’après-midi. « Nous ne sommes pas des gauchistes, nous ne vivons pas pour la politique. Après le psychodrame politique des dernières semaines, on a plutôt envie de s’amuser ».

1848 à l’envers

Les museaux commencent à rosir sous l’effet de l’alcool. Ça n’est pas pour autant la beuverie complète et sans contrôle. Parmi les 800 convives, une grosse majorité de trentenaires. Passés par l’Éducation nationale au temps de Najat Vallaud-Belkacem, abreuvés de spots publicitaires les enjoignant de ne pas boire, ne pas fumer, manger moins gras et moins sucré, ils se retrouvent sur les pelouses clopes au bec et verres à la main. Leurs bedaines sympathiques indiquent qu’ils ont pris quelques libertés avec les injonctions gratuites, laïques et obligatoires.

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En 1847, la France des notables se réunissait clandestinement autour de tables chargées de victuailles : c’était la fameuse « campagne des banquets », destinée à contourner l’interdiction des réunions publiques imposée par le ministre François Guizot. On y trinquait à la réforme électorale, à la vertu publique et à la fin de la corruption. Déjà, en 1830, ces banquets avaient précédé la chute des Bourbons, branche aînée ; en 1848, l’interdiction de celui du 22 février fit tomber la monarchie de Juillet. Cent soixante-dix ans plus tard, ironie de l’histoire : c’est la droite festive, à chevalières et à particules, qui ressuscite ce vieux rituel républicain ; alors qu’au même moment, les héritiers de la Révolution et des sans culottes pétitionnent et donnent le coup de matraque à la rescousse de l’ordre établi.

Compromissions cairotes

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© Memento Films.

Un chef-d’œuvre ! En salles demain.


Fares Fares, géant au nez de Cyrano et aux oreilles éléphantines, acteur fétiche du cinéaste suédois d’origine égyptienne Tarik Saleh, 53 ans, sert d’organe conducteur à l’extraordinaire trilogie entamée en 2017 avec Le Caire confidentiel, poursuivie en 2022 avec La Conspiration du Caire (deux joyaux incontournables du Septième art, qu’on peut par bonheur visionner l’un et l’autre actuellement sur Netflix) et dont Les Aigles de la République constitue à présent le dernier volet – très attendu – du triptyque. Trois imbroglios palpitants, trois scénarios sans continuité apparente, sinon les arrière-plans politiques dont leurs intrigues foisonnantes sont chargées, au cœur d’une capitale qui, sous l’œil implacable du cinéaste rebelle, demeure le siège des plus sordides intrigues de palais, l’épicentre de sanguinaires conflits politiques et confessionnels, la matrice d’une corruption généralisée, dans le chaudron d’ une société égyptienne toujours au bord de l’implosion, minée par les inégalités sociales vertigineuses… et poursuivie par l’hydre islamiste.

Un cinéma politique ?

Tarik Saleh est un cinéaste de l’exil ; il n’a pas remis les pieds en Egypte depuis près de dix ans. L’intrigue du Caire confidentiel se déroulait juste avant la révolution de 2011 contre le régime honni de Moubarak : ce fut un tournage à très haut risque. Fares Fares y incarnait un inspecteur de police chargé d’enquêter sur l’assassinat d’une jeune chanteuse, dont le principal suspect s’avérera un ami proche du fils du président… Hautement politique, son cinéma est une machine de guerre qui tire toujours dans le mille…  Les Aigles de la République nous transporte au-delà du coup d’Etat militaire perpétré en 2013 contre le président islamiste Mohamed Morsi par le maréchal Abdel Fattah al-Sissi, l’actuel dictateur en poste ad vitam aeternam. Etant parvenu à réprimer l’engeance sinistre des Frères musulmans, il tient depuis lors le pays sous une férule pour le moins controversée.

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Le cinéaste arabo-suédois Tarik Saleh. Photo: Duchili / Memento

Dans Les Aigles de la République, Fares Fares tient, cette fois, le rôle de composition d’une star de cinéma fictive, du nom de George Fahmy, et que le peuple égyptien surnomme le « pharaon de l’écran »:  richissime, adulé. Sous la contrainte, en dépit d’une absence totale de ressemblance physique avec son modèle, l’acteur vedette se résout à accepter de camper la figure idéalisée du président Sissi, dans un biopic à la gloire du satrape: collabo malgré lui, le voilà forcé de frayer avec les hautes sphères du régime. De compromission en compromission, de lâcheté en lâcheté, le comédien manipulé, par ailleurs père négligent, fieffé menteur, pétri de vanité et séducteur invétéré – trompant sa jeune épouse (dans le rôle, Donia Massoud, comédienne et chanteuse dissidente, désormais installée en France) avec la femme du ministre de la Défense, lequel supervise la production le copte (mais irréligieux) George Fahmy – se voit ainsi pris à son propre piège, et à celui que lui a tendu le pouvoir. Mais l’intrigue labyrinthique révélera que, éminence grise supposément chargée de veiller à ce que le script respecte scrupuleusement la ligne idéologique, le Dr Mansour (génialement interprété par le glacial et mutique Amr Waked) est, au rebours des apparences, un maître du double jeu, et le visage même de l’intégrité.

Puissante évocation

Outre que le film reconstitue de façon fascinante, par exemple, la présentation, devant un cénacle de courtisans, de la maquette géante dévoilant la future métropole mégalomane projetée (bien réellement) par Sissi au pied des Pyramides, ou bien encore, dans une mise en scène digne de Hollywood, ce défilé militaire grandiose, ou même, au dénouement, ce complot ourdi par les prétendants galonnés mais maté par les forces du régime, la stupéfiante puissance d’évocation des Aigles de la République se redouble du fait qu’on y voit, à l’image, l’authentique président Sissi, et ce pas seulement sur les affiches de propagande qui, de fait, inondent les artères du Caire tout comme son effigie envahit les écrans de télévision, mais également lui-même, Sissi, en chair en os, comme s’il était, dans Les Aigles de la République, le protagoniste bien vivant de certaines séquences plus vraies que nature. Avec l’efficacité d’un blockbuster américain, la fiction parcourt l’avenue spectaculaire d’un documentaire tourné in situ, doté de moyens illimités.  


Si, captivant de bout en bout, le long métrage emprunte aux codes du film noir, c’est aussi un chef-d’œuvre d’humour… noir ! Parmi les scènes les plus désopilantes, ce dîner mondain où l’épouse du ministre de la Défense (Zineb Triki dans le rôle) raconte comment, dans son enfance, elle croyait dur comme fer que Shakespeare était arabe et musulman. Ou encore celle où, dissimulé sous des lunettes noires et croyant ainsi préserver candidement son incognito, Fahmy est illico reconnu par le pharmacien, ce crétin de mahométan grassouillet, « barbu » comme il se doit, qui tient la discrète officine : le comédien-star, affecté d’inavouables pannes érectiles, venait en toute discrétion y commander clandestinement ses doses de viagra, prétendument « pour un ami »… Le dialogue entre eux est un ravissement comique.  

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La sobre partition d’Alexandre Desplat (génial compositeur, entre parenthèses également requis par Guillermo del Toro en ce moment même pour son Frankenstein diffusé sur Netflix depuis vendredi dernier, autre film inoubliable, à ne rater sous aucun prétexte –  n’en déplaise au critique condescendant de Télérama) vient coiffer avec une discrète élégance cette satire au vitriol. Par son humour acide et son ironie corrosive, Les Aigles de la République résiste à l’écueil de la démonstration édifiante. Fares Fares s’y montre, tout simplement, prodigieux. C’est (encore) un chef-d’œuvre.


Les Aigles de la République. Film de Tarik Saleh. Avec Fares Fares, Lyna Khoudri, Zineb Triki, Amr Waked. Suède, France, Danemark, couleur, 2025.

Durée: 2h09

En salles le 12 novembre.

Disponible Netflix, à la demande : Le Caire confidentiel et La Conspiration du Caire, de Tarik Saleh. Avec Fares Fares dans les deux films. Indispensable !

Face au wokisme, ils ne s’excusent plus d’être libres

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L'actrice américaine Sydney Sweeney. DR.

Sydney Sweeney, Javier Milei, Charlie Kirk, Cristiano Ronaldo… Ils sont tous coupables d’un même crime : ne pas s’excuser d’être libres. À l’heure où la soumission s’appelle “vertu” et la peur “prudence”, leur simple franchise tient lieu d’insurrection. Et si, à notre tour, nous cessions de nous excuser d’être libres ?


À première vue, tout semble les opposer: une actrice d’Hollywood, un économiste argentin excentrique, un commentateur américain conservateur et une légende du football mondial… Ils ont en commun de choisir la franchise plutôt que la soumission. Librement et simplement, ils choisissent de dire ce qu’ils pensent et d’en assumer le prix.

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Le courage tranquille

Prenez Sydney Sweeney, star montante d’Hollywood. On lui demande en plein podcast, de « condamner » une marque de jeans à laquelle elle a servi d’égérie et aujourd’hui accusée d’entretenir un supposé « suprémacisme blanc ». Au pays des Pilgrim Fathers et de la confession publique, elle répond d’un transparent « Non ». Pas un frisson de peur, pas un mot en trop. Ni explain, ni complain. Voilà la force tranquille du courage dans un monde où tout est millimétré et où la prudence est devenue une vertu obligatoire. La starlette refuse d’immoler son bon sens sur l’autel du jugement collectif. Cristiano Ronaldo, passé à la question, a répondu d’un rire franc. The woke is dead. Voilà une idole qui, pour une fois, ne s’excuse pas avant de parler. Réussite, discipline personnelle et mérite ne sont pas des crimes. Assez logiquement, il a salué publiquement Donald Trump qui, lui, obtient des résultats.

Il faut comprendre que la société américaine, née entre Réforme et capitalisme, n’a pas tant cultivé des saints que des idoles. Ces exemples ne sont pas les figures exemplaires, élevées pour édifier les âmes mais des visages pour peupler les écrans. Ces idoles, façonnées par le grand marché, lui obéissent d’ordinaire. L’opinion publique veille, traque le moindre écart. Le tribunal des fans ne pardonne guère à ceux qu’il a lui-même couronnés — surtout lorsqu’il leur attribue toutes ses victoires. Les célébrités adoptent souvent des postures standardisées et des opinions de marché. Elles aspergent d’eau tiède l’assistance à chaque Oscar ou César : contre la guerre, contre la pauvreté, pour l’humanité entière… Le showbiz est moins un divertissement qu’une pastorale. Alors, voir les idoles se rebeller contre le conformisme de la multitude, cela a tout de l’évènement !

L’insoumission érigée en principe

Les vedettes ont compris que le non-conformisme paie. N’est-ce pas aussi la leçon politique de Milei qui a fait de l’insoumission un style et un programme politique, coupant sans précaution oratoire – et à la tronçonneuse – la dépense publique et le discours diversitaire ? Depuis sa victoire aux élections parlementaires de mi-mandat, il est devenu difficile de ne voir en lui qu’un fou ou qu’un trublion. La liberté, même au prix du scandale, fait vendre, ne ternit plus l’image des stars, et peut même faire gagner les élections, carajo!

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L’esprit Charlie ? La liberté jusqu’au bout. La voix du fondateur de Turning Point USA, Charlie Kirk, résonne encore. Pour lui « une démocratie sans liberté de parole est une dictature en sursis ». Lors des Patriot Awards organisés par la chaîne Fox News, un trophée a été remis à son épouse, Erika Kirk, pour saluer son courage et la force de sa foi. Face caméra, la voix tremblante mais ferme, elle a déclaré : « Pour le reste de ma vie, je m’assurerai de ne pas rester silencieuse. Je continuerai à dire la vérité, quel qu’en soit le prix. » “La vérité” : un mot tabou dans une Amérique relativiste mais que certains ont choisi de dire, simplement et librement. Ce soir-là, sur scène, des athlètes féminines, écartées du podium par des concurrents trans nés hommes, refusaient aussi de se taire. La veuve d’un pompier tombé au champ d’honneur y recevait, la voix brisée mais fière, le prix du courage. Des vétérans, des professeurs, des parents d’élèves — tous ces héros du quotidien rappelaient que la dignité n’a pas besoin de hashtags. Une autre Amérique arrivait enfin à se célébrer.

Le retour du bon sens

Et si la France faisait de même ? Nous manquons cruellement d’une cérémonie qui honorerait nos propres héros, ceux qui refusent de se taire et de s’excuser d’être libres. Une version française des Patriot Awards pourrait voir le jour — portée par ces médias qui écoutent encore le pays réel, loin des cénacles parisiens. Célébrer la veuve de Philippe Monguillot, un professeur Balanche, intimidé en plein cours et désormais sous protection fonctionnelle, ou encore l’avocat Pierre Gentillet, pris pour cible par des nervis d’extrême gauche. Sans oublier les lanceurs d’alerte, les parents, les anonymes, qui tiennent bon dans leur coin de France. Eux aussi méritent qu’on leur dise merci, car leur courage quotidien vaut bien toutes les grandes messes télévisuelles. Dans nos entreprises où les formations “Diversité, Équité, Inclusion” tiennent lieu de confession, dans nos écoles où la propagande LGBT remplace le savoir, dans nos médias où l’objectivité se résume à réciter le catéchisme progressiste. Le courage n’est pas réservé aux présidents ni aux stars : il se mesure à la capacité de dire “non” quand tout le monde dit Amen en langage inclusif ! Le monde d’aujourd’hui récompense l’émotion, pas la conviction. Il admire ceux qui cèdent, pas ceux qui tiennent. Comme le disait Chesterton : « Seules les choses vivantes vont contre le courant. Le reste se laisse emporter par la peur, la mode ou la lâcheté. » Il ne faut donc rien céder. Car la guerre culturelle ne se gagne pas par la colère silencieuse, mais par la capacité à tenir la ligne.

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Dans un pays où repentance rime avec vertu, ces voix qui disent “non” rappellent une vérité essentielle : la liberté ne s’hérite pas, elle se défend. Elle ne se délègue pas, elle se vit au quotidien. Le courage n’est plus l’héroïsme, c’est le retour du bon sens. Alors oui, Sydney Sweeney, Milei, Kirk, Ronaldo, et ces Américains célébrés aux Patriot Awards ne sauveront peut-être pas le monde. Mais ils rappellent au moins ceci : dans un temps d’uniformité morale, refuser de s’excuser d’être libre est déjà une révolution.

Vers un Trump français ?

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Patrice Jean: «Je ne défends jamais d’idées réactionnaires»

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L'écrivain français Patrice Jean © François Grivelet

La France de Bernard, Les structures du mal et Revenir à Lisbonne, les trois premiers romans de Patrice Jean, publiés à l’origine aux éditions Rue Fromentin, sont désormais réédités en un seul volume, accompagnés de textes courts, d’aphorismes et d’articles inédits sous le titre La fin du monde avait pourtant bien commencé (Cherche-Midi 2025). Une occasion pour Causeur d’opérer avec Patrice Jean une petite mise au point sur sa vision du roman ainsi qu’un premier bilan de son œuvre littéraire…


Causeur. Avec le recul, quel regard portez-vous sur vos trois premiers romans ?

Patrice Jean. Ils ont paru entre 2013 et 2016, mais ils furent écrits avant, notamment La France de Bernard, commencé en 2007. De les relire suscite la même impression que de regarder des photos prises il y a quinze ou vingt ans. Je songe à l’époque où je les écrivais, où j’étais plus jeune, et où j’ignorais ce que seraient les années qui allaient suivre. Je connais la suite maintenant. Mais je n’arrive pas à les lire comme s’ils étaient ceux d’un autre que moi (c’est la même chose avec les photos : nous avons changé, et nous sommes les mêmes).

On vous renvoie souvent, avec votre roman L’homme surnuméraire, au rôle de pourfendeur des ridicules du progressisme contemporain. Même si cette veine est indéniablement présente dans votre œuvre, on voit avec ces trois livres que votre travail romanesque est varié. Pensez-vous être le romancier d’un seul livre, dont vous poursuivriez l’idéal à travers différents ouvrages, ou au contraire un écrivain qui s’essaie à des formes variées, avec des tentatives nouvelles à chaque ouvrage ? 

Tout écrivain écrit un seul livre, il ne peut pas faire autrement, ou alors il est un faiseur, un escroc. Un écrivain a des obsessions en nombre limité qu’il décline dans des romans, dans des aphorismes, des poèmes, etc. On ne peut pas reprocher à un romancier de creuser son sillon. Dostoïevski écrit toujours sur le Mal, le crime, le Christ, etc. Stendhal écrit toujours le même roman d’apprentissage (avec variations) ; Proust n’écrit que la Recherche.

Dans un de vos aphorismes, vous affirmez : « On reconnaît un vrai lecteur à ce qu’il n’affectionne pas que les romans. Lui plaisent aussi les pensées éparses, les journaux intimes et les autobiographies, les maximes, la poésie. » Est-ce aussi par la diversité des genres que l’on reconnaît les vrais écrivains et qu’apportent les aphorismes par rapport au genre romanesque ?  

Les « vrais écrivains » ne sont pas obligés de pratiquer différents genres littéraires. Dans cet aphorisme, je vise les lecteurs : un lecteur qui ne lit que des romans n’est pas, selon moi, un amoureux de la littérature. Quel manque de curiosité, quand même ! Quant aux aphorismes, ils sont plus faciles à écrire qu’un roman. Tout le monde peut en écrire. Ils sont le fruit d’un moment, ou bien la conclusion d’une réflexion, voire la réflexion elle-même. J’aime beaucoup ce genre littéraire, il est d’une lecture très facile, il n’oblige pas à se plonger des heures durant dans un roman, il ne se monte pas du col comme la poésie, il n’est pas aussi narcissique que l’autofiction et l’autobiographie. De Lichtenberg à Gomez Dàvila, en passant par Cioran, le fragment a acquis, je crois, ses lettres de noblesse. Au fond, les Pensées de Pascal en sont la réussite la plus éclatante.

Pierre Cormary me citait dernièrement Philippe Muray, lequel affirmait dans Exorcismes spirituels IV : « Tous les grands romans, d’une manière ou d’une autre, ont toujours été des infidélités par rapport au contrat social d’une époque donnée ». Ou encore : « Trahir le contrat social qui nous est imposé par les charlatans de l’heure est l’essence même de l’expérience romanesque actuelle ». Êtes-vous d’accord avec ces propos ?

Oui, je suis d’accord. À quoi bon écrire si c’est pour flatter le gros animal ? Si c’est pour illustrer les idées politiques et sociales qu’on entend partout, qu’elles soient de droite ou de gauche ? Comme le répétait Flaubert, la littérature est l’objet d’une haine universelle. Et à l’intérieur du monde littéraire, les haines prolifèrent : des écrivains en détestent d’autres (qu’ils accusent d’un succès immérité), des lecteurs haïssent des romanciers (qu’ils prétendent être des minables, indignes de leurs prédécesseurs illustres), tout le monde jalouse tout le monde. Comme me l’a dit un jour Alice Ferney : « la littérature rend fou. » Rien n’est plus vrai. Dès que j’ai publié mon premier roman, les ennuis ont commencé: des gens que je ne connaissais pas, des amis d’amis, des lecteurs lointains, ont trouvé qu’il était insupportable que j’existe et que je publie des romans. Et ils me l’ont fait savoir. Je me souviens d’un lecteur qui m’avait téléphoné, à mon numéro personnel, pour me dire de quel bois il se chauffait. Bref, le ressentiment à tous les étages. C’est l’un des points communs entre la politique et la littérature : l’enthousiasme et la haine en sont les deux sentiments dominants.

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Dans un article intitulé D’une épithète infamante : réactionnaire, vous expliquez qu’employer « un vocable politique pour critiquer une œuvre littéraire n’a pas plus de sens que d’user d’un terme esthétique pour parler de politique », avant de conclure que « Réactionnaire n’est pas un mot, c’est un sens interdit, une impasse, un crachat, la fleur de lys marquée au fer rouge sur l’épaule de Milady ». Mais en même temps, vous écrivez dans le présent volume, « Le roman, à mon sens, est consubstantiellement lié à l’idée et au social : l’individu face à l’idée-société, l’individu face à l’absurde (…)  Un roman qui n’a pas en vue plus qu’une histoire n’a pas d’intérêt ». Même si l’emploi du terme de réactionnaire est l’expression d’une paresse intellectuelle, la critique littéraire peut-elle faire pour autant l’impasse sur la dimension politique, au sens large, de vos livres?

Mes livres ont une dimension politique, mais ils ne se réduisent pas à des prises de position politique. Mes thèmes sont plus larges : le sens de l’existence, la passion, le désir, les faux-semblants, et, plus généralement, la vie intérieure, cette vie invisible qui est la nôtre et que la littérature et l’art ont pour mission d’exprimer. Si je me moque du progressisme, c’est qu’il y a là de la matière. Réduit-on Molière à la satire des progressistes de son époque : les Monsieur Jourdain, les femmes savantes, les Tartuffe ? Et puis, si un critique prétend qu’un romancier est réactionnaire, il doit faire son travail, autrement dit relever les idées réactionnaires qu’il regrette de trouver dans mes romans. Je ne défends jamais d’idées réactionnaires, c’est pourquoi cette épithète, adressée à mes livres, ne repose sur rien, ou plutôt seulement sur un point: l’ironie envers les progressistes. Je ne crois pas que ce soit suffisant. Je suis pour la liberté, l’humanisme, la tolérance, le féminisme, la justice. Comme tout le monde. Ou presque. Pas de quoi en faire un fromage.

Au sujet d’un livre d’Édouard Louis, vous expliquez, dans un de vos aphorismes « Voici donc un roman “à la manière de”, platement sociologique (au lieu de lutter contre elle !), répétitif, sans aucun humour, sans imagination, purement idéologique ». Est-ce qu’un roman idéologique peut être réussi et pourquoi, selon vous, la littérature doit lutter contre la sociologie ?

Edouard Louis © Hannah Assouline

Un roman idéologique peut être réussi, il doit y en avoir : 1984 ? Le Meilleur des mondes ? Fharenheit 451 ? Ce sont des livres contre l’idéologie totalitaire, contre l’écrasement de la personne ; en ce sens, ils sont réussis, bien qu’ils aient un aspect idéologique. Quant à la sociologie, je ne veux pas dire qu’il faut en soi lutter contre elle, mais qu’un romancier doit résister à la tentation de n’être qu’un illustrateur des thèses de Bourdieu ou de Durkheim, pour la raison que la sociologie vise le collectif et la répétition alors que la littérature, au-delà de l’insertion des personnages dans la société, exprime la sensibilité et le prisme partiels d’une personne. Le sociologue cherche le vrai interhumain, le romancier le vrai, l’émotion, le rire, les pleurs, le doute.

Comment qualifieriez-vous la vision du monde qui se dégage de vos livres, ainsi que le style qui est le vôtre ? 

Je ne peux pas vraiment qualifier la vision du monde qui se dégage de mes livres, sinon je ne les aurais pas écrits. J’ai ressenti, à un moment de ma vie, que seul le roman (pas la philosophie, pas la poésie, pas le fragment) pourrait rendre compte de ma perception du monde, et la faire comprendre aux quelques lecteurs qui auraient envie de me lire. Pour ce qui est de mon style, je n’ai qu’une exigence : la clarté. Nous vivons dans la nuit, et j’ai lu, très jeune, pour y voir plus clair. Je n’aime pas les écrivains incompréhensibles : s’ils avaient quelque chose d’important à transmettre, que n’ont-ils essayé d’être le plus clair possible ? Quand je corrige un manuscrit, et que je tombe sur une phrase dont la signification est obscure, je me préoccupe, d’abord, d’en clarifier le sens. Bien sûr, la littérature rôde près de zones ténébreuses qui obscurcissent son propos, et un grand livre échappe à la clarté absolue. Néanmoins, la défaite intervient après un rude et loyal combat contre l’obscurité.

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La fin du monde avait pourtant bien commencé...

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Des Talibans en Maine-et-Loire?

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Jean-Eudes Gannat. Capture réseaux sociaux.

Le militant identitaire Jean‑Eudes Gannat sera poursuivi pour «provocation à la haine, à la discrimination ou à la violence» après la diffusion d’une vidéo TikTok dans laquelle il dénonçait la présence d’Afghans devant un supermarché en Anjou.


Panique là-haut : le réel refuse de disparaître. L’État ne maîtrise plus sa propagande à gros sabots. Les réseaux sociaux, que le gouvernement aimerait tant faire taire, demeurent indomptables.

Contre la censure, il est urgent de montrer le réel

Ce contre-pouvoir, de plus en plus rebelle, refuse d’obtempérer aux injonctions morales des récitants du vivre ensemble. La garde à vue (36 heures) puis la mise en examen pour « incitation à la haine raciale » d’un militant national, Jean-Eudes Gannat, illustre l’absurde omerta que le système cherche à imposer, au nom de la traque aux « propos haineux ». La justice jugera en mai le prétendu coupable, poursuivi pour avoir filmé et diffusé, mardi soir dernier sur TikTok (en 24 secondes), une réunion habituelle d’Afghans à l’entrée du supermarché Leclerc de Segré (Maine-et-Loire), avec ce commentaire : « Marre de vivre avec les cousins de Talibans au fin fond de nos campagnes ». Or ce recours grossier du parquet à la censure et à l’intimidation a eu comme effet immédiat d’inciter d’autres internautes à mettre en ligne les effets visibles d’une immigration incontrôlée et remplaçante, sous le mot d’ordre #MontronsLeRéel.

À ne pas manquer, les carnets d’Ivan Rioufol: Cet étouffoir démocratique qui rend l’atmosphère révolutionnaire

Cette résistance spontanée, venue d’une partie de la jeune génération, exprime plus généralement un état d’esprit en rupture avec les injonctions des gardiens de l’antiracisme : une idéologie pervertie pour avoir fermé les yeux sur un peuplement oriental amenant, dans ses soutes, la violence clanique, le sexisme, l’islamisme, la judéophobie, etc. Dans le dernier JDNews, Bruneau Retailleau avoue: « A Beauvau (siège du ministère de l’Intérieur), j’ai vu de mes yeux un ensauvagement pire que ce que j’imaginais ». Faudrait-il encore le camoufler ?

Révolution du réel

La machine oligarchique ne résistera pas à la Révolution du réel, longtemps décrite ici dans ses prémices. Elle a atteint son point de bascule, en faisant apparaître les abstractions idéologiques (ces mots en -isme) dans leurs désastres palpables. Le choix de poursuivre celui qui montre (qui « monstre » aime à dire le sociologue Michel Maffesoli[1]) confirme la sénilité du vieux monde finissant. La justice en fait partie dans ses excès de pouvoir, y compris quand elle incarcère sans preuve un ex-président de la République[2].

Charles Péguy eut évidemment raison lorsqu’il il écrivit: « Il faut savoir dire ce que l’on voit, surtout il faut toujours, ce qui est difficile, voir ce que l’on voit ». Mais si la France silencieuse adopte de plus en plus cette démarche réaliste, en se libérant pas à pas des interdits du politiquement correct, la macronie s’annonce prête à tout pour maintenir, par le matraquage et la culpabilisation, ses mensonges officiels sur les bienfaits de la société ouverte.

Les 10 ans des attentats islamistes du 13 novembre 2015, commémorés ce jeudi, n’ont pas empêché, la semaine dernière, l’Assemblée nationale de laisser venir des fillettes islamiquement voilées parmi le public. Quant à l’agression commise par ce Français converti à l’islam qui, à Oléron, a fauché des passants avec sa voiture en hurlant « Allah Akbar ! », elle n’a pas été considérée comme un attentat islamiste…

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[1] Du nomadisme, Les Editions du Cerf

[2] C’est ce lundi que les juges devraient décider du maintien ou non de Nicolas Sarkozy à la Santé, après 21 jours de détention.

Sarko, la chasse à l’homme

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Nicolas Sarkozy à son procès pour financement libyen présumé, tribunal de Paris, 17 février 2025 © Aurelien Morissard/Xinhua/SIPA

La Cour d’appel de Paris examine ce lundi matin la demande de remise en liberté de l’ancien président incarcéré depuis trois semaines. L’exécution provisoire de la peine qui a conduit Nicolas Sarkozy en prison, sans attendre le jugement en appel, est la conséquence d’une traque judiciaire inédite dans laquelle des juges acharnés se sont contentés de fausses preuves et de témoins louches. Enquête sur une enquête à charge et un jugement déraisonnable.


La condamnation, puis l’emprisonnement, de Nicolas Sarkozy est le dernier épisode en date d’une traque judiciaire menée depuis plus de vingt ans contre l’ancien président de la République. Malgré des années d’enquête, les juges n’avaient pas réussi à le coincer dans l’affaire Clearstream, ni dans le financement de la campagne électorale d’Édouard Balladur, ou dans l’affaire Bettencourt. Heureusement, depuis la création par François Hollande en 2013 d’un Parquet national financier spécialisé, les affaires sont maintenant rondement menées. En dix-huit mois, il vient d’être condamné trois fois. D’abord pour avoir bénéficié du financement occulte de son parti, l’UMP, pour sa campagne 2012 (Bygmalion). Une affaire tellement incertaine que le juge Renaud Van Ruymbeke, cosaisi avec Serge Tournaire, avait alors – fait rarissime – refusé de signer le renvoi de Sarkozy devant le tribunal. Ensuite, dans l’affaire « des écoutes », accusé d’avoir eu la possible intention de corrompre un magistrat. Une condamnation basée sur l’écoute – illégale, mais miraculeusement validée par la Cour de cassation – des conversations avec son avocat, Thierry Herzog. Et maintenant l’affaire libyenne, qui lui a valu l’emprisonnement immédiat pour « association de malfaiteurs » ayant eu « l’intention » (encore une fois) de faire financer par Kadhafi sa campagne de 2007. Pas un sou n’a été versé, est obligé de reconnaître le tribunal, qui réduit ainsi à néant l’instruction du parquet financier. Quelle meilleure preuve de l’acharnement des juges d’instruction et du parquet que la mise en pièces de leur enquête par le tribunal lui-même ? Au bout du bout, il ne reste plus sur le banc des condamnés que l’« intention » de Sarkozy qui, selon des « indices graves et concordants », est la seule coupable dans cette douteuse affaire.

L’enquête

Nous sommes le 29 décembre 2012, dans le cabinet du juge Renaud Van Ruymbeke, au palais de justice de Paris. L’œil excité, il se caresse doucement la moustache. En face de lui, le sulfureux intermédiaire Ziad Takieddine, poursuivi dans l’affaire des sous-marins de Karachi et des frégates d’Arabie pour avoir monté un énorme réseau de rétrocommissions. Mais aussi pour faux témoignage : depuis quinze ans, tout le monde sait qu’il est un menteur invétéré, balançant informations bidon et fausses accusations au gré de ses intérêts. Qu’importe, c’est lui qui a pris contact avec Van Ruymbeke que, d’ordinaire, il insulte copieusement. Là, d’une voix onctueuse, il lui explique qu’il « vit très mal [le] contrôle judiciaire auquel [il] est soumis depuis septembre 2011 ». Van Ruymbeke a mis tous ses biens sous séquestre et, à l’écouter, il vit comme un gueux. Pour sortir de cette funeste situation, il fait au juge une proposition explosive. Il est disposé à « fournir les éléments existants sur le financement de la campagne de Nicolas Sarkozy au-delà de 50 millions d’euros ». Au terme de deux heures d’audition, Van Ruymbeke emmène Takieddine dans le cabinet de son collègue, le juge Serge Tournaire. La suite, c’est Takieddine lui-même qui la raconte, dans une « sommation interpellative » enregistrée par un notaire, en décembre 2020, et adressée au ministère français de la Justice pour l’obliger à réagir. Il y assure : « Le juge Tournaire m’a fait comprendre que si je pouvais accuser M. Sarkozy et sa garde rapprochée, je m’en sortirais la tête haute dans le dossier Karachi, et que mes biens me seraient restitués. » Il conclut : « J’ai été manipulé par des juges […] qui veulent détruire un ancien président. » Un mensonge de plus ? Ce témoignage a en tout cas été confirmé par une source judiciaire parfaitement au fait du dossier. Quoi qu’il en soit, malgré l’énormité de l’accusation – un juge accusé d’avoir conclu un pacte avec un prévenu –, le ministère de la Justice, officiellement avisé par Takieddine, n’a ouvert aucune enquête. On n’allait quand même pas risquer de devoir annuler une grande partie de la procédure ! L’affaire du financement libyen vient véritablement de commencer avec, pour informateur en chef, un mythomane pathologique.

Cette offre de services est une divine surprise pour les enquêteurs du PNF. Ils sont déçus du manque de suites à la publication, par Mediapart le 28 avril – fort opportunément entre les deux tours de la présidentielle de 2012 –, de la prétendue note libyenne. Celle-ci, est censée rendre compte d’une réunion tenue en Libye, le 6 octobre 2006, entre des dignitaires kadhafistes de premier plan et le ministre français Brice Hortefeux. Il y aurait été décidé de financer la campagne de Sarkozy à hauteur de 50 millions d’euros. Dans les heures qui ont suivi la publication, toutes les personnes mises en cause dans la note l’ont qualifiée de mensonge. Quelques jours après, le président du Conseil national de transition libyen, Mustapha Abdeljalil, déclarait lui-même : « Nous n’avons retrouvé aucune référence à cette lettre dans les archives libyennes. Nous pensons que la lettre est fausse et fabriquée. » De leur côté les experts s’avéraient incapables de se prononcer sur l’authenticité du document, Mediapart refusant de fournir l’original. Les gendarmes de la section de recherche de Paris, eux, concluaient à la « forte probabilité » que le document soit un faux.

Ziad Takieddine lors du procès de l’affaire Karachi, tribunal de Paris, 7 octobre 2019. MERESSE/SIPA

C’est en tous cas un faux intellectuel – c’est-à-dire que son contenu est mensonger – puisqu’il mentionne la participation de Brice Hortefeux à la réunion. La justice a lancé pas moins de 23 commissions rogatoires pour vérifier l’emploi du temps de Brice Hortefeux du 5 au 7 octobre 2006. Organisateurs du Sommet de l’élevage à Cournon (Puy-de-Dôme) ou des Assises des petites villes de France à Cancale (Côtes-d’Armor) ; maires de Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor), de Montpeyroux (Puy-de-Dôme) ou de Meymac (Corrèze) ; remises de Légion d’honneur ; pilotes ayant transporté Hortefeux d’un bout de la France à l’autre, aéroports où son zinc a atterri : des dizaines de personnes ont été interrogées. Sans trouver le moindre « trou » laissant le temps à Hortefeux de se rendre en Libye.

Les juges, qui ne voulaient pas lâcher le morceau pour autant, ont alors émis l’hypothèse farfelue que la réunion – débattant de secrets d’État – aurait pu être une téléconférence. Et retransmise en direct sur la télé libyenne ? Mediapart évoque pour sa part une possible « erreur dans le document, et que la date de la réunion soit en fait le 6 octobre 2005 et non 2006 ». Et il n’y aurait pas aussi une « erreur » sur la somme ?

Quoi qu’il en soit, le document qui avait lancé l’affaire a fait flop et est en voie d’être écarté de l’instruction avant que la juge du tribunal judiciaire conclue, dans une aimable litote, qu’il était « probablement faux ».

Après le coup de tonnerre médiatique – qui a sans doute valu à Sarkozy sa défaite à la présidentielle de 2012 –, l’accusation se trouvait le bec dans l’eau. Résultat : près d’un an après la publication de la note, l’action judiciaire en est encore au stade de l’enquête préliminaire, c’est-à-dire à la recherche d’un éventuel délit. L’arrivée de Takieddine dans le jeu est donc une bénédiction. À condition de faire semblant de croire à tous ses bobards – ce que les juges font avec empressement.

Difficile d’être exhaustif sur ses innombrables élucubrations, alors que l’intermédiaire a donné, selon la présidente du tribunal, « plus de 16 versions » de l’affaire. Parmi elles, il produit un témoignage direct qui change le cours de l’instruction : Takieddine affirme avoir lui-même remis à Sarkozy, en main propre dans son bureau du ministère de l’Intérieur, 7 millions d’euros, le 28 janvier 2007, pour financer sa campagne. Pas de chance, l’enquête prouve que Sarko était ce jour-là chez son frère à L’Isle-sur-la-Sorgue. En fait, se ravise alors Takieddine, c’est à Guéant qu’il a remis les sous, et seulement 5 millions. Et pas à Beauvau, mais dans son appartement du quai Branly. Dernier épisode : dans une interview au journaliste François de Labarre (Paris Match, 21 novembre 2020), le témoin préféré des juges financiers retire tout : « Il n’y a jamais eu d’argent pour la campagne de Sarkozy. » Heureux de l’apprendre !

Mais les juges financiers n’avaient pas comme seule source le mythomane en chef. Au gré de ses accusations et de leur propre enquête, ils consignent scrupuleusement les déclarations de témoins problématiques. La plupart sont d’anciens proches de Kadhafi, a priori mal disposés à l’égard de Sarkozy, l’homme à qui ils doivent leur malheur. Tel par exemple Moftah Missouri, le traducteur du Guide, qui se répandait dans la presse, mais n’a jamais voulu être entendu par la justice. Le 30 avril 2012, il dit (au Figaro) qu’il « n’a jamais eu connaissance d’un accord financier » entre Sarkozy et la Libye. Quelque temps après, pour le « Complément d’enquête » du 20 juin 2013, il lui revient en mémoire que Kadhafi lui a confié avoir versé 20 millions de dollars, « de l’argent liquide, dans des mallettes ». Autre témoignage surréaliste, celui de Mabrouka Cherif qui se présentait comme « responsable du protocole », mais qui n’aurait en fait été que la pourvoyeuse du harem de Kadhafi. Elle est jointe par les enquêteurs en 2019, dans des conditions surprenantes : elle a refusé de venir témoigner en personne, aussi les échanges ont lieu sur WhatsApp, sans qu’elle ait jamais prouvé son identité. Selon elle, « c’est Sarkozy qui avait demandé de l’aide au Guide ». Un autre témoin, baptisé « 123 » pour préserver son anonymat, confirme ses déclarations et ajoute même qu’en 2011, « Claude Guéant avait appelé [Mabrouka Cherif] sur son portable pour lui demander 20 millions pour la campagne de 2012. » La vie, c’est simple comme un coup de fil.

Malgré tous leurs efforts pour nourrir le dossier, les juges financiers se rendent compte en 2020 que ce n’est pas avec leurs témoignages bouffons qu’ils arriveront à prouver les délits reprochés à Sarkozy. Comme l’explique cruellement le jugement du 25 septembre, « nombre de déclarations de Takieddine se sont avérées mensongères [ou] relèvent de son imagination ». Quant aux témoignages des autres Libyens, « ils sont en grande majorité indirects, souvent imprécis et manquant de cohérence entre eux ». Bref, il n’y a rien de solide contre Sarkozy. Mais pas question, pour les juges financiers, de lâcher l’affaire. Ils s’aperçoivent brusquement – après plus de huit ans d’instruction – que l’ex-président a organisé une « association de malfaiteurs ». Cette incrimination qui permet de poursuivre tout et n’importe quoi est ajoutée en catastrophe, le 12 octobre 2020, à l’ardoise de Sarkozy. Bien leur en prend : alors que l’ex-président est relaxé sur l’accusation essentielle – sa campagne n’a pas été financée par les Libyens –, la justice arrive quand même à l’attraper grâce à l’association de malfaiteurs – Sarkozy n’a commis aucun délit, mais il avait l’intention d’en commettre, même si, au final, il ne l’a pas fait ! On comprend mieux pourquoi Robert Badinter considérait l’association de malfaiteurs comme « liberticide » et l’avait supprimée du Code pénal en 1983.


Le jugement

Nicolas Sarkozy n’aurait jamais dû se retrouver devant le tribunal judiciaire qui l’a condamné, le 25 septembre, à cinq ans de prison. Coupable ou innocent, il était alors ministre de l’Intérieur et son cas aurait dû être examiné par la Cour de justice de la République (CJR), « seule compétente, selon l’article 68 de la Constitution, pour juger les crimes ou délits commis par les membres du gouvernement dans l’exercice de leurs fonctions ». Une solution que le Parquet national financier voulait à tout prix éviter, de peur que Sarkozy leur échappe. Composée de 12 députés et sénateurs, ainsi que de trois magistrats, la CJR a en effet la réputation d’être assez compréhensive envers les politiques : en trente ans, elle n’a rendu que dix jugements, dont seulement quatre condamnations – et encore, avec sursis. Pour rester en charge, le tribunal judiciaire de Paris s’est livré à une sacrée acrobatie juridique. Il estime que « la relation de corruption s’est établie entre, non pas le ministre, mais le candidat futur à l’élection présidentielle et le gouvernement libyen ». C’est un simple particulier, et non un ministre, qui a commis le délit. Il ne relève donc pas de la CJR.

Nicolas Sarkozy et Carla Bruni quittent leur domicile avant son incarcération à la prison de la Santé, Paris, 21 octobre 2025. (C) Lionel GUERICOLAS – MPP/SIPA

C’est exactement le contraire de ce qui s’est passé pour Balladur : accusé de financement illégal de sa campagne présidentielle de 1995 alors qu’il était Premier ministre, il a été jugé par la CJR. Or, les deux situations sont identiques : un ministre qui est également candidat à la présidence est soupçonné d’avoir bénéficié d’un financement occulte. Il va donc falloir annuler d’urgence le jugement de la CJR qui, en 2021, a relaxé Balladur pour des délits exactement identiques à ceux reprochés à Sarkozy. Balladur, en prison !

Finalement, c’est pour avoir laissé se constituer une « association de malfaiteurs », un pacte de corruption visant à financer sa campagne électorale, que Sarkozy a été condamné. Un pacte censément conclu, au cours de deux dîners, entre son directeur de cabinet, Claude Guéant, son ami et collègue Brice Hortefeux, ministre des Collectivités territoriales et Abdallah Senoussi, numéro 2 du régime de Kadhafi.

L’association de malfaiteurs est, selon le Code pénal, « tout groupement formé ou entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d’un ou plusieurs crimes ou d’un ou plusieurs délits punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement ». Une incrimination fourre-tout, qui permet de poursuivre n’importe quoi.

Nicolas Sarkozy, aux côtés de Carla Bruni, réagit à son verdict au tribunal de Paris, 25 septembre 2025. (C) Cyril Pecquenard/SIPA

C’est alors que se posent deux gros problèmes. Primo, personne ne sait ce qui s’est dit au cours des deux dîners. « Les récits divergent », note le tribunal. Comment donc en conclure qu’un « pacte de corruption » y a été conclu ? Le tribunal tranche la question en assenant que les entretiens avec Senoussi « ne peuvent qu’avoir un lien avec le pacte corruptif ». Deuxio, qui prouve que Guéant et Hortefeux ont tenu Sarkozy au courant de leurs discussions ? Réponse – surréaliste – du tribunal : « Le soin particulier que Claude Guéant et Brice Hortefeux ont mis à présenter Nicolas Sarkozy comme étant étranger à ce processus corrobore au contraire le fait qu’il en était parfaitement informé. »

Les contreparties d’un tel pacte de financement, assure le tribunal, ont été d’une part, l’engagement pris par Sarkozy d’amnistier Abdallah Senoussi, condamné à perpétuité pour avoir organisé l’attentat contre le DC-10 d’UTA (170 morts) en 1989 ; et d’autre part, celui de soutenir le retour de la Libye sur la scène internationale. Sans craindre la contradiction, les juges notent qu’« aucun élément du dossier n’établit une quelconque action positive de Nicolas Sarkozy pour résoudre la situation de Abdallah Senoussi ». Et en matière de soutien à la Libye, Sarkozy a monté une coalition internationale pour la bombarder. Les Libyens devraient attaquer Sarkozy pour non-exécution de contrat !

Mais c’est l’« exécution provisoire » de la peine qui a le plus frappé l’opinion. Sarkozy n’a bénéficié d’aucun financement libyen, mais il file illico en prison, sans même attendre le résultat de l’appel qu’il a déposé. Il s’agit, expliquent les juges, d’une part de « s’assurer de l’exécution de la peine », c’est-à-dire de garantir qu’il ne se sauvera pas d’ici l’appel ; et d’autre part de « prévenir la récidive ». Sarkozy, qui n’est plus président depuis treize ans, aurait pu signer un nouveau pacte de corruption avec Kadhafi, mort depuis quatorze ans ? Effectivement, ça craignait !

La victoire du RN en 2027 est-elle acquise?

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Marine Le Pen photographiée dans son bureau parisien, octobre 2025 © Hannah Assouline / Causeur.

Sauf en matière de régalien, les idées du mouvement de Marine Le Pen et Jordan Bardella peuvent être fluctuantes – ce qui pourrait inquiéter l’électorat. Mais, le parti à la flamme reste actuellement largement en tête des sondages d’opinion pour l’élection présidentielle, avec parfois près de 20 points (!) d’avance sur le second.


Le Rassemblement national est annoncé, de manière certaine, comme présent au second tour de la future élection présidentielle. Il me semble cependant qu’on aurait tort de considérer que sa victoire est acquise, malgré la baisse actuelle, dans les sondages, des rivaux plausibles de Marine Le Pen ou de Jordan Bardella.

Capture BFMTV, 3 novembre 2025.

Joute finale

Il est sans doute difficile de se risquer à des pronostics alors qu’il reste environ dix-huit mois avant la joute finale, mais si les choses demeuraient en l’état – avec ce mélange de désordre politique et social, d’accroissement de l’insécurité et de terrorisme ponctuel d’un côté et, de l’autre, de désaffection de la chose publique et de lassitude démocratique -, on pourrait tenter d’identifier ce qui serait susceptible de décevoir à nouveau le RN, quel que soit son candidat.

A coup sûr, la présence de Jean-Luc Mélenchon au second tour – elle n’est pas inconcevable, compte tenu de son exploitation effrénée, clientéliste et démagogique des cités dites sensibles, ainsi que d’une certaine jeunesse peu regardante sur les moyens de la convaincre – constituerait pour le RN la garantie absolue de triompher. Des enquêtes d’opinion l’ont confirmé, avec un écart net en faveur de Mme Le Pen, et l’intuition générale selon laquelle tout vaudrait mieux – abstention ou adhésion – qu’un M. Mélenchon traitant la France comme il gère LFI, ses opposants, ses adversaires, les médias, les problèmes régaliens, l’urbanité républicaine et sa vision internationale.

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L’argument qui consisterait à « essayer », pour une fois, le RN serait d’autant moins discuté que l’autre branche de l’alternative concernerait Jean-Luc Mélenchon.

J’espère qu’aussi forte que soit son emprise sur ses fidèles et les députés de son groupe, quelqu’un, le moment venu, osera rappeler les chiffres et la certitude de sa défaite face au RN. Il sera sans doute difficile de faire admettre ce constat par celui qui en niera forcément la validité. Jusqu’à subir un ultime désaveu en 2027.

Nouvelle France électorale

Par ailleurs, pour ceux qui pourraient juger mon analyse immature à cause de son excessive personnalisation, je souhaiterais évoquer l’étrange nouvelle configuration du RN, au moins dans sa version parlementaire: un alliage fait d’une banalisation poursuivie et d’une imprévisibilité, voire d’une incohérence, assumées.

Avec le risque de décevoir aussi bien les soutiens friands de provocations que les citoyens soucieux de rectitude programmatique. Quoi qu’on pense du RN – la cravate et la tenue ne sont pas tout ! -, l’inquiétude peut surgir des volte-face et des embardées, ainsi que des coups tactiques susceptibles de faire douter de la profondeur et de la constance d’idées en effet fluctuantes, sauf en matière régalienne.

Enfin il y a Marine Le Pen elle-même. Peut-être son principal obstacle ? Non qu’elle n’ait pas accompli d’énormes progrès médiatiques – alors que souvent elle n’est pas ménagée, puisque la plupart des médias français ne se rappellent leur devoir de questionner à fond et rudement que lorsqu’il s’agit du RN.

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Je ne sais pas si, un jour, elle saura être à la hauteur du débat du second tour, ou si elle demeurera seulement excellente et convaincante entre les élections présidentielles. Parviendra-t-elle, au cours des ultimes échanges, à retrouver la même force d’argumentation, la même ironie, la même maîtrise que celles dont elle fait preuve dans le remarquable entretien qu’elle a donné à Causeur – questionnée, il est vrai, sans complaisance mais sans hargne ?

Certes ce n’est pas la même chose, techniquement, que la joute suprême qui décide de tout, ou que le dialogue médiatique de fond… Dans ce dernier, on relève tout de même cette brillante formule : « La France, c’est le pire du libéralisme et le pire du socialisme », ainsi que le fait que Marine Le Pen se montre définitivement hostile à l’union des droites à la française.

Je n’oublie pas Jordan Bardella. Même si les enquêtes d’opinion le placent parfois devant Marine Le Pen, il me semblerait plus facile à déstabiliser dans un débat capital, car il me donne toujours l’impression de suivre une ligne bien ordonnée – un canevas rigide, fond et forme -, et de pouvoir être troublé par la moindre imprévisibilité ou le moindre changement de direction. Dans les questions de cours, pour peu qu’on les présente autrement, il ne le suivra plus!

J’apprécie, comme citoyen libre – avec ses choix qui relèvent du for intérieur et sa curiosité qui l’autorise à papillonner de parti en parti -, d’avoir le droit de projeter sur une réalité complexe un regard d’un analyste au petit pied. Je ne me pousse pas du col mais c’est mon col. Le RN n’a pas encore gagné en 2027…