Nul n’ignore qu’à Marseille, depuis que la Sardine a bouché son port, tout peut arriver. On le constate encore aujourd’hui alors qu’une étude d’intentions de votes aux prochaines municipales, effectuée du 4 au 7 novembre par l’institut Cluster 17 pour Politico, vient d’être publiée.
Ses résultats sont de nature à troubler les siestes dans les calanques et perturber les parties de boules du parc Borély. Peuchère, ça frise la galéjade : le RN d’Allisio et le Printemps marseillais de Payan à parfaite égalité. À en sortir le double-décimètre, si on était à la pétanque. 29% des exprimés au premier tour pour l’un et l’autre. À noter que, localement, le RN est passé de 19,5% aux précédentes municipales à 30% aux dernières européennes. Dynamique prometteuse, au moins sur le papier.
Cela dit, en embuscade, il y a le candidat LFI, puisque la gauche Payan s’est rassemblée hors le mouvement mélenchoniste. Là aussi, on enregistre une certaine dynamique, puisque le candidat désigné réaliserait un score de 16% donc de quoi se maintenir au second tour, puisqu’atteindre les 10% au premier y suffit. Toute la question est donc là : maintien ou non maintien de LFI ? On serait tenté de miser sur le maintien, tant le candidat en question est de grande qualité. Il s’agit en effet du brillantissime Sébastien Delogu. Comment imaginer qu’on puisse se passer d’une si éminente personnalité dans une joute pour un second tour à Marseille ? Comment pourrait-on accepter d’amputer le débat d’un apport dialectique, culturel, visionnaire d’un si haut niveau ? Le mettre sur la touche, cet éminent politique, représenterait un gâchis incompréhensible, une atteinte des plus dommageables à la qualité de la vie démocratique. Il faut dire que Delogu cartonne chez les jeunes Marseillais de 18 à 34 ans. Il performe là à quelque chose comme 34% d’intentions de vote (Nous l’avons vu, le soufflet retombe tout de même à 16% sur l’ensemble des votants). La Bonne Mère ne peut que se réjouir lorsqu’elle constate qu’à ses pieds prospère une jeunesse si éclairée, politiquement et intellectuellement si exigeante, si bien formée aux arcanes de la démocratie parlementaire.
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Dans le cas du maintien du sieur Delogu, Payan, le maire sortant, serait à la peine. S’il est néanmoins donné gagnant, ce serait d’un cheveu. 30,5% contre 29% à Allisio. Là encore, s’en remettre au double-décimètre s’imposerait.
En embuscade, il y a aussi la candidate LR et Horizons, la présidente de la métropole, Martine Vassal, qui serait en discussion avec Renaissance pour obtenir son soutien. L’étude la crédite de 23%. Elle serait donc admissible elle aussi au second tour. Se pose dès lors la question du vote utile. Le vote d’électeurs LFI en faveur de Payan pour barrer la route au RN et le vote d’électeurs LR Horizons Renaissance en faveur du RN pour sanctionner cette alliance de circonstance et le bilan du maire sortant. Quand on vous dit sacré Pastis, on n’en est pas loin.
Un Pastis qui pourrait bien s’exporter dans tout l’hexagone, du moins dans nombre de villes, la barre du maintien étant donc à dix pour cent, on pourrait se retrouver dans maintes communes avec parfois jusqu’à six listes au second tour. Un pur régal !
Il n’en reste pas moins que, au vu de cette étude qui n’est, rappelons-le, qu’une photographie de la situation à un moment donné, le fait que le RN d’Allisio fasse jeu égal avec la gauche de Payan, les Marseillais – et au-delà – ont été fort surpris. Bien entendu, il y a ceux à qui ça fend le cœur et ceux à qui ça ensoleille l’aïoli.
Quoi qu’il en soit l’élu aura beau jeu de reprendre à son compte la bonne vieille blague prisée de tous les maires de la ville : « On dit qu’à Marseille on fait voter les morts. C’est faux : ils votent comme ils veulent. » Voilà un paramètre que l’étude évoquée aurait peut-être dû prendre en compte ? Réponse en mars. Avec les premiers beaux jours, les boules de sortie, le pastis dans les verres et la bouillabaisse sur le feu…
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