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Education sexuelle à l’école: Marlène Schiappa fait « comme si »

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Madame Schiappa, secrétaire d’Etat à l’Egalité entre les femmes et les hommes, a hérité d’un cadeau particulier de la part de Madame Vallaud-Belkacem, ex-ministre de l’Education nationale : la généralisation du plan d’éducation à la sexualité dans les établissements scolaires. Face à l’inquiétude des parents, elle s’élève contre les « fake news » qui attaqueraient ce programme, en utilisant une méthode étonnante. Après les « en même temps », voici les « comme si »…

Comme si je n’existais pas

Depuis quelques jours, Madame Schiappa fustige une pétition signée selon elle par des personnes qui voient dans ce programme l’intervention de Satan et par des conspirationnistes. Oui, parmi les 35 000 signataires, quelques-uns disent voir là l’intervention du diable, mais la secrétaire d’Etat fait « comme si » cette pétition n’avait pas été initiée par des professionnels de l’enfance dont des professeurs de psychologie clinique, un membre du Conseil scientifique de la Société française de psychiatrie de l’enfant, etc. ; « comme si » elle n’avait pas recueilli l’accord de 95 psychiatres et pédopsychiatres, 260 médecins, 35 pédiatres, plus de 1000 psychologues/psychothérapeutes et 1500 enseignants. Pour ma part, je suis pédopsychiatre, j’ai pratiqué des dizaines d’avortements bénévolement pour créer un état de fait avant le vote de la loi Veil, je suis athée, convaincu de la nécessité des vaccins obligatoires, je ne corresponds pas vraiment à un profil de conspirateur ou d’intégriste religieux.

Madame Schiappa argue que ce programme a reçu l’aval d’organisations sérieuses, « comme si » elle ignorait que, volontairement, il n’a été demandé l’avis d’aucun clinicien spécialiste du développement affectif de l’enfant. D’où le résultat médiocre et dangereux.

Madame Shiappa rassure les parents en répétant à l’envie qu’il n’y aura aucun enseignement à la sexualité infantile en maternelle. Tant mieux. Mais elle fait « comme si » cette décision était spontanée. Or ce renoncement résulte de notre vigilance. La preuve : en 2017, sur le site internet de l’Académie de Grenoble, cet enseignement était programmé en grande section et il a été retiré dès que nous l’avons révélé publiquement. Lors du Congrès 2017 des enseignants de maternelle, le Planning familial a ainsi animé un atelier intitulé « L’éducation sexualisée [sic] : les petits aussi ! ».

Comme s’il n’y avait rien d’inquiétant

La seule garantie concernant l’abandon de cette éducation précoce serait que le gouvernement décide clairement de retirer des textes officiels toute référence aux « standards européens d’éducation à la sexualité » qui préconisent que cette éducation débute avant 4 ans. Entre 4 et 6 ans devraient ainsi être abordées les sensations liées à la sexualité (plaisir, excitation) puis entre 6 et 9 ans, les menstruations, l’éjaculation, le plaisir lié au toucher de son propre corps, les relations sexuelles. Ces « standards » figurent sur le site Canopé de l’Education nationale. Qu’est-ce qui empêche Madame Schiappa de supprimer toute référence à ce texte nocif ? Mystère.

Madame Schiappa évoque la nécessité de lutter contre les effets des films pornographiques. « Comme si » décrire les six positions de pénétration vaginale et les sept de pénétration anale, dessins ludiques à l’appui – sur le site « onsexprime.fr » du ministère de la Santé destinés aux mineurs à partir de 12 ans – était vraiment la meilleure méthode.

Madame la secrétaire d’Etat explique que les intervenants dans ce domaine ont été formés sérieusement. Elle fait « comme si » nous n’avions pas publié de nombreux témoignages qui montrent les méthodes étranges utilisées par certains de ces intervenants. Ainsi, les jours des interventions sont dissimulés aux parents ou indiqués comme « activités diverses » sur l’emploi du temps. On ment parfois sur leur contenu : « Amenez le carnet de vaccination de votre enfant » – qui ne sera pas ouvert – ou en CM2 : « On va parler de la reproduction animale alors qu’est passé le film Le miracle de la vie de Lennart Nilsson, qui montre un pénis éjaculant dans le vagin d’une femme filmé par micro-caméra et un accouchement avec vue en gros plan sur le périnée de la parturiente. Quant aux films de la série Le bonheur de la vie, toujours en CM2, ils comprennent un dessin animé montrant un personnage enfantin féminin caressant le sexe d’un personnage masculin pour lui provoquer une érection en expliquant que le pénis doit être en érection pour permettre la pénétration dans le vagin.

Comme si les parents n’avaient pas leur mot à dire

L’imagination de certains formateurs n’est jamais à court : prévenir les parents la veille afin qu’ils ne puissent pas s’organiser dans leur vie quotidienne au cas où ils prendraient la décision de s’opposer à la présence de leur enfant à ces cours, ou mettre ces cours début juillet, juste avant les vacances pour que les parents ne puissent pas exprimer ensuite leurs protestations, etc. Tout cela se fait « comme si » ce n’était pas contraire à la circulaire 2003-027 du 17 février 2003 indiquant que les parents d’élèves doivent être « informés et/ou associés » au projet éducatif.

Madame Schiappa fait « comme si » cette éducation, dont le but explicite est un nouveau paradigme, une sexualité synonyme de plaisir, respectait le rythme de développement affectif de chaque enfant alors qu’il est indiqué dans les « standards européens » qu’on doit aborder les sujets décrits ci-dessus avant que l’enfant ne se pose des questions à leur propos. Résultat : nous recevons de nombreux témoignages d’enfants choqués, traumatisés, présentant des insomnies, des cauchemars, des refus de retourner en classe, etc.

Madame Schiappa fait « comme si », tel qu’est fait le programme actuel, un adulte en position d’enseignant qui parle de sexualité, n’allait pas provoquer une excitation interne chez l’enfant. Ce qui le rend plus susceptible d’être la proie d’un prédateur éventuel.

Dans leurs témoignages, les parents se plaignent d’être dépossédés de leur rôle de parent concernant l’éducation sexuelle. Enseigner de telles choses à des enfants à l’insu, à la place ou contre l’avis des parents et vouloir ainsi le bonheur de l’espèce humaine, cela ne vous rappelle rien ?

Mais il y a un point sur lequel Madame Schiappa n’a pas fait « comme si », c’est celui de la communication médiatique : en répétant à l’envi qu’il n’y aurait aucune éducation à la sexualité en maternelle, elle détourne l’attention de ce qui va effectivement se faire en primaire et au collège.

Comment rester fidèle à cette Eglise qui ne défend qu’elle?

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De nouvelles accusations ont été portées par l’ancien ambassadeur du Vatican, Carlo Maria Vigano, à l’encontre du pape François. Mais, encore une fois, plutôt que de se remettre en question, l’Eglise plaide le complot.


L’ancien ambassadeur du Vatican à Washington, Monseigneur Vigano, a encore une fois mis en cause le pape François. Alors qu’il l’a déjà accusé d’avoir étouffé les abus sexuels d’un cardinal, il assure dans une lettre, révélée samedi 1er septembre, que le souverain pontife a soutenu une élue américaine refusant de célébrer des mariages entre homosexuels.

Les réactions à l’affaire Vigano sont de plusieurs ordres. Et finissent par nous faire reconsidérer la parabole du fils prodigue, et singulièrement la position de l’aîné envieux. Mais commençons par le début.

Le Vatican, par la voix de François et d’autres prélats, comme Blase Cupich, archevêque de Chicago (qui fut fait cardinal par François), considère qu’il n’y a rien à dire, et même qu’on doit s’en foutre. Je ne vois pas bien comment résumer autrement les propos de ce dernier qui explique bravement que l’action du pape en matière de défense de l’environnement et des migrants surpasse toute autre considération. Le pape a d’ailleurs depuis publié les fortes paroles qu’on attendait : il y a urgence à traiter les déchets plastiques qui encombrent fleuves et océans (c’est vrai, mais il pourrait être plus efficace sur d’autres urgences).

La presse, à qui François a demandé de faire son métier, s’est appliqué à le faire avec l’intelligence sur laquelle tablait François : puisque c’est un réactionnaire qui dénonce le scandale et implique ce pape progressiste, attaquons le réactionnaire et n’inquiétons (pour le moment) ni ce bon pape ni ses soutiens progressistes (lorsque Jean-Paul II et Benoit XVI régnaient, papes réputés réactionnaires, il était tout aussi nécessaire et moral d’attaquer sans relâche l’Église et de faire remonter chaque manquement individuel jusqu’au pape). Une partie des gazettes catholiques se signale par son zèle à discréditer Vigano (qui se défend bien, hélas), selon ce saint principe qu’au nom de la défense de l’institution il faut considérer tous les possibles fautifs comme innocents jusqu’à ce que leur culpabilité soit définitivement établie, et tous les dénonciateurs comme de fieffés menteurs jusqu’à ce que la réalité de leurs dénonciations soit absolument établie. Vigano est donc calomnié et diffamé, d’une part, et d’autre part le Vatican aligne, avec une charmante ingénuité, la liste des soutiens de François : on se croirait dans un film américain avec le décompte angoissant des voix des sénateurs favorables à un projet de loi.

A lire aussi: Le pape François est-il pire que Kim Jong-un?

Il faut ajouter que ce que dénonce Vigano a en fait tout pour plaire : il affirme que les hauts dignitaires de l’Église, les responsables de la nomination des évêques et des cardinaux, ceux qui ont la charge du recrutement et de l’éducation des prêtres, sont des personnes pour qui la chasteté est un vain mot et l’homosexualité un amour de similitude. Autrement dit, Vigano dénonce la lente mais certaine constitution d’une Église dirigeante qui va bientôt pouvoir trancher avec le prétendu ordre moral moisi prétendument défendu par l’Église (moisie). On voit mal pourquoi la presse-pas-moisie s’empresserait d’accabler François et ses soutiens.

Dans cette affaire, la presse, François et ses soutiens ont donc tous une approche politique du problème des agressions sexuelles homosexuelles à variante parfois pédophiles – la même approche politique qu’ils reprochent à Vigano (mais lui, c’est pas pareil). Tous. Pas un, Cupich en tête, qui considère que révéler une vaste entreprise de harcèlement et d’agressions mérite mieux que de dénoncer le caractère réactionnaire du lanceur d’alerte, de réduire toute l’affaire à une seule et méchante querelle de personnes (au mieux Vigano est un raté, au pire il tente un putsch). L’Église répond à l’interpellation en considérant qu’il ne s’agit que d’une attaque personnelle contre François. Sa réponse est doublement personnalisée, dénonçant les tares de Vigano (fourbe, menteur, ambitieux) et exaltant les vertus de François, à titre personnel et en tant que souverain pontife. Attitude évidemment très cléricale, péché que François dénonce facilement chez ses adversaires. Mais ne considérer que Vigano et mépriser ses accusations, c’est oublier les victimes et la nature clanique de leurs agresseurs.

Parce qu’enfin, il est là, le vrai problème : dans le fait qu’une caste, une fois de plus, et une fois de plus dans l’histoire de l’Église, s’arroge le droit d’opprimer et d’agresser les fidèles. D’opprimer et d’agresser les fidèles. C’est de cela qu’il s’agit. Ce scandale que dénonce Vigano, ce serait d’abord une histoire gravissime d’abus d’autorité médités, organisés, en réseau et couverts. Il ne s’agit pas d’expliquer, pour rendre justice à la chose, que l’Église ferait mieux de parler d’autre chose que de fesses (et certainement l’Église a d’autres choses à dire – même si notre époque paraît avoir un sérieux problème de fesses). Le scandale Clinton n’était pas ses relations avec sa stagiaire mais le fait qu’il ait menti devant la justice de son pays. Le scandale McCarrick n’est pas ses inclinations homosexuelles mais le fait qu’il ait constamment cédé à la tentation, constamment manqué à la chasteté, constamment mené une vie de débauche organisée et constamment fait en sorte que rien ne lui soit reproché. Que Vigano soit à la fois indigné et politique, oui : doit-on pour autant oublier les causes de son indignation ? Non.

Mais l’Église, aidée par la presse, est bien prête à oublier (nonobstant des réactions nombreuses en faveur soit de Mgr Vigano, soit en faveur de la vérité des faits qu’il dénonce, soit en faveur d’une véritable enquête). Sur la vérité fondamentale des faits, McCarrick a enfin été sanctionné par François (et les sanctions qu’aurait prononcées Benoit XVI à son égard, et qu’il n’aurait pas suivies, ne sont plus présentées comme une folle forgerie de Vigano). Pour cette affaire comme pour d’autres, François finit par sanctionner en y mettant toute la mauvaise grâce possible, sous prétexte de miséricorde, au nom du pasteur qui va chercher la brebis perdue. C’est d’ailleurs la lenteur de ses condamnations, la route tortueuse qu’empruntent ses sanctions, que Vigano dénonce. Ce pape, qu’on sait prompt à condamner et roide dans ses condamnations, est, en ces matières, et quand il s’agit d’un clergé acquis à sa pastorale, d’une lenteur si prudente qu’on le croirait immobile.

Venons-en aux dernières réactions : celles des fidèles. Les uns sont écœurés, les autres ne veulent considérer que le plus grand bien de l’Église. Ceux qui ne veulent que le bien de l’Église ont entonné un hymne curieux et touchant (et prodigieusement irritant). On nous dit qu’attaquer le pape c’est attaquer toute l’Église, que se faire le relais des choses qui l’accablent c’est l’accabler soi-même, on nous dit qu’il faut pardonner, on nous dit que l’amour est plus fort, bref on nous engloutit ou dans l’oubli ou dans une obéissance servile à des clercs qui incarneraient mieux que nous l’Église.

Le pardon, oui, mais en quoi le pardon (et les demandes de pardon qui se multiplient et finissent par devenir, en fait, des absolutions…) émancipe-t-il les coupables de répondre de leur faute ? Pardonnons-leur et aidons les victimes dans leur quête de justice. Voilà qui est charitable. Ou notre charité ne devrait-elle choisir de s’exercer que pour les coupables et non pour les victimes ? Et cette charité qui voudrait qu’on n’examine rien, qu’on n’agisse pas, qu’on détourne le regard, cette charité si hiérarchisée serait une manifestation d’amour divin ?

Quant au bien que peut faire l’Église, il se fait par ses fidèles et par ses clercs. Comment Mgr Cupich croit-il qu’est reçue la parole des fidèles et des clercs ? Pense-t-il vraiment faire rayonner l’Évangile en expliquant que les petits, les humbles et les faibles, les affaiblis, les humiliés et les rapetissés ne sont que poussières aux yeux d’un Vatican tout enflé de grandes pensées sur l’environnement et la migration ? Croit-il que nous aurons une incroyable audience en tant que catholiques quand nous prendrons la parole ? Ou compte-t-il que nous n’annoncions plus rien que le nouvel Évangile du tri sélectif en laissant de côté tout ce qui sent un peu fort, le Christ en premier lieu ?

Nous voici donc, nous, l’Église de base, dans la position du frère qui voit revenir son cadet prodigue (Luc, 15, 11-32). Mais nous avions compris la parabole. Nous savions qu’être dans la demeure du Père est une joie (« Le père répondit : ‘’Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi’’ »). Nous goûtions sa présence. Nous avions appris à goûter le bonheur d’être du troupeau. Nous aimions nos pasteurs et nous étions heureux quand ils nous abandonnaient pour aller chercher des brebis perdues. Nous voilà désormais dans une maison où le Père a embauché des intendants qui nous maltraitent. Quelle est notre joie ? McCarrick, Wuel, Cupich et consorts se posent-ils la question de ce que sont devenues les demeures du Père, sous leur intendance ? Et de ce que nous pensons, désormais, des vertus du silence et de la prudence qu’ils nous réclament sur leurs travers, leurs erreurs et leurs crimes, quand en même temps ils nous réclament de parler et de dénoncer les travers de l’époque qu’ils ont identifiés ?

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Nous sommes l’Église. La maison du Père nous appartient autant qu’à eux, et ils nous en sont redevables : à eux à qui Dieu a donné l’autorité temporelle, il leur est demandé des comptes temporels puisque c’est dans ce monde et en ces temps qu’ils nous envoient nous engager. Nous refusons donc que la hiérarchie nous évince en exigeant obéissance, soumission, discrétion et esprit de charité, se réservant le droit de se juger elle-même et de méjuger ou déjuger les victimes jusqu’à ce que la justice civile se charge de leur rendre justice. Nous refusons l’Église des clercs cléricaux. Il nous semble que l’honneur de l’Église est mieux dans nos mains, quitte à ce que ce combat soit une lutte décevante. Il nous semble que nous savons mieux qu’eux défendre les pauvres honneurs des maisons paternelles que nous habitons.

« Heureux ceux qui sont morts pour des cités charnelles.
Car elles sont le corps de la cité de Dieu.
Heureux ceux qui sont morts pour leur âtre et leur feu,
Et les pauvres honneurs des maisons paternelles. »

Budget: l’Italie doit désobéir à l’Europe

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Le budget 2019 de l’Italie sera bientôt d’actualité. Si son nouveau gouvernement veut tenir ses promesses électorales, il ne pourra pas respecter les exigences économiques de l’Union européenne…


L’usine à gaz bruxelloise (UAGB, surtout ne pas confondre avec l’Europe) souffre des conséquences des manipulations génétiques qui lui ont été progressivement injectées sans le consentement des nations d’Europe. On les résumera en deux idées : l’ouverture totale, incontrôlée, irresponsable des frontières (aux marchandises, capitaux, services, personnes) ; la soumission à la finance et aux règles budgétaires stupides et cancérigènes. Parmi ces dernières, on peut citer :

> l’interdiction faite « à la Banque centrale européenne et aux banques centrales des États membres […] d’accorder des découverts ou tout autre type de crédit […] aux administrations centrales, aux autorités régionales ou locales, aux autres autorités publiques, aux autres organismes ou entreprises publics des États membres ; l’acquisition directe, auprès d’eux, par la Banque centrale européenne ou les banques centrales nationales, des instruments de leur dette est également interdite » (article 123 Traité européen; ex 104 de Maastricht).

> et la règle des 3% de déficit public par rapport au PIB qui sert à justifier toutes les réformes budgétaires fiscales et sociales (françaises notamment) depuis des décennies. Une machinerie à ruiner les nations et à enrichir les financiers privés.

Fais ce que tu ne peux pas

Or, effrayé d’avoir été conduit par ses prédécesseurs dans une impasse proche de celle de la Grèce d’il y a dix ans, le nouveau gouvernement italien a déclaré que, entre la politique, d’intérêt général, humaine et de bon sens promise à ses électeurs, et les contraintes dictées par l’UAGB il n’aurait pas d’hésitation. Même si le ministre des Finances, Giovanni Tria, très libéral et pro Europe, préparant vraisemblablement sa démission, assure à Bruxelles que Rome ne prévoit pas de dépasser les 3%.

Dans la période qui suit les congés d’été on prépare, partout en Europele vote des budgets 2019 : quels seront les arbitrages du nouveau gouvernement italien ? Le Commissaire européen aux Affaires économiques, Pierre Moscovici, a sommé Rome de réaliser un « effort important » pour le budget 2019, insistant sur l’idée qu’il était « dans l’intérêt de l’Italie de contrôler sa dette publique » qui s’élève à 132 % du PIB, le niveau le plus élevé de la zone euro après celui de la Grèce. Les lobbies financiers, contrôlés par personne, ont réagi négativement : ils voudraient bien tuer dans l’œuf la tentative italienne de rébellion à leur tutelle. Les taux d’intérêt sont au plus haut depuis quatre ans, ce qui augmente les frais du remboursement des emprunts de l’État italien. Car le système est ainsi conçu qu’on accable les États les plus fragiles… On est au niveau le plus élevé de l’aberration économique.

La bombe italienne

Les leaders des deux partis de gouvernement, Matteo Salvini et Luigi Di Maio, tous deux vice-présidents du Conseil des ministres, ont confirmé vouloir immédiatement mettre en œuvre leurs engagements électoraux : la « flat tax » (un impôt réduit aux taux de 15 % et 20 %) pour le premier ; un revenu de citoyenneté de 780 €, pour le second. Ce qui rend impossible de rester soumis aux diktats de l’UAGB. Dès lors, ou bien le gouvernement fait ce qu’il a dit et la zone euro explose, avant que l’UE ne fasse de même ; ou bien il ne le fait pas et c’est peut-être l’Italie qui explose, dans la rue. Suivie de l’UAGB qui n’y résisterait pas.

A lire aussi: Migrants : l’Italie largue l’Union européenne

Le quotidien Corriere della Sera redoute « le jugement de [l’agence de notation] Moody’s, avant la fin octobre, après le « verdict [sic] de l’agence Fitch » qui, si elle a maintenu au soir du vendredi 31 août la note de la dette à BBB, s’est déclarée pessimiste sur l’évolution à venir, abaissant sa « perspective » de « stable » à « négative ». Du coup, sur le marché secondaire où s’échangent les titres, les taux ne cessent de croître. Les banques italiennes, déjà fragiles en raison de leur exposition à la dette souveraine, sont à nouveau en danger.

L’Italie d’abord ?

Seuls éléments allant dans un sens « optimiste » : la puissante industrie italienne (la deuxième manufacturière en Europe) que ce gouvernement entend défendre à tout prix, notamment en négociant directement avec Donald Trump sur les échanges commerciaux, et en abandonnant subrepticement les sanctions contre la Russie. Mais aussi la fermeture de la porte à l’immigration forcée, dont le coût public ou indirect fait l’objet d’estimations très contradictoires mais élevées.

On relèvera enfin le doute exprimé par La Stampa, pour qui « les élections européennes étant imminentes, ni la Ligue ni le M5S n’auraient intérêt à se présenter devant les électeurs avec un ‘spread’ [écart entre les taux d’emprunt allemand et italien] hors de contrôle ».

Pas certain toutefois que les retraités italiens miséreux, les jeunes sans emploi, les femmes effrayées par les mœurs de certains migrants, hommes jeunes et sans culture du respect de la femme dans nos sociétés, soient accessibles au vaudou du « spread »... De toute façon, si la crise européenne latente doit éclater ce sera, probablement, avant la fin de l’année, lors du vote du budget. Alors les élections européennes…

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Le Dictionnaire de l’Inde qui dézingue les clichés

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La planète entière se gave de fantasmes sur l’Inde. Arnauld Miguet nous propose, dans son Dictionnaire insolite, un pèlerinage à travers les coutumes et bizarreries d’une Inde démystifiée.


Shiva dans le métro 

Paris, ligne 10 du métro, direction Gare d’Austerlitz. Dans le fond de mon wagon, une publicité grand format promet que « vous allez adorer rentrer chez vous » grâce aux services de nettoyage de la société Shiva. Shiva, c’est évident. Dans l’imaginaire collectif, la divinité hindoue étant munie d’une paire de bras supplémentaire, elle s’y entend en repassage et en aspirateur, et avec un chiffon dans chaque main, ça va forcément plus vite…

En ouvrant le Dictionnaire insolite de l’Inde, conçu par le correspondant de France Télévisions en Chine, Arnauld Miguet, on en apprend plus long, et on s’éloigne beaucoup de Monsieur Propre. Pour commencer, on naît hindou, on ne le devient pas. Les fidèles représentent 80% de la population du pays et vénèrent les multiples formes des divinités, qui ne sont définies par aucun texte, gardées par aucun clergé ni aucun socle oral ou écrit. À chacun son deva, ou presque.

D’ailleurs, hindou ou pas hindou, l’Inde est le pays des trucs sacrés. Des cheveux, vendus au kilogramme sur le marché est-asiatique et moyen-oriental, des vaches, bien sûr, des cornichons (pickles) également, reste non unique de la colonisation britannique. De l’Inde, sans y avoir posé un pied, on rapporte des souvenirs infinis de maharadjahs, de fakirs qui dorment sur des lits de clous, d’éléphants colorés, des odeurs de safran, d’eucalyptus, de riz basmati (mais sait-on que le Basmati y est considéré comme un produit de luxe ?)

Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur l’Inde sans jamais avoir osé le demander

Habile, Arnauld Miguet ne fait pas l’impasse sur les clichés mais prend un malin plaisir à les détourner, à les démonter. Ainsi trouve-t-on bien, parmi les si pittoresques petits métiers de rue des barbiers, des cireurs de chaussures, mais aussi des nettoyeurs d’oreilles, des tatoueurs, des ophtalmologistes, des repasseurs équipés de fers à charbon et des dentistes, non conventionnés. Ainsi l’Indien de base porte-t-il bien une moustache, symbole de virilité, mais sait-on que les policiers du Madhya Pradesh ont vu, en 2004, leur salaire doubler à condition que leur pilosité sublabiale « ne soit pas trop effrayante pour les citoyens »

Oui, New Delhi est le paradis de la pollution au monoxyde de carbone, mais possède malgré tout, à force d’efforts de la municipalité, le réseau de transports le plus propre du monde.

Et le très à la mode massage « ayurvédique » dans nos spas occidentaux ne se résume pas, au Kerala (le « pays des dieux ») à l’application d’une sorte d’huile noirâtre sur le front : au prix de l’abandon de ses chaussures et de son téléphone portable pendant la durée de la « purification », l’Ayurvéda consiste entre autres en séances d’arts martiaux, en frictions de jus de légumes, de riz pilé et d’huile de sésame. Un remède excellent contre la cellulite et le stress, en effet.

Si l’envie nous prend, après ça, de visiter la ville culte de Varanasi (Bénarès), retenons ces quelques détails : le Gange représente pour les pèlerins la longue chevelure de Shiva, il n’est donc pas « sale ». Varanasi est également le lieu idéal pour mourir – et y faire disperser ses cendres – et pas forcément pour réaliser ses meilleurs selfies. 250 crémations par jour avec 200 kilos de bois par bûcher. Les larmes portent malheur au défunt, elles sont donc proscrites.

Le pays des fakirs, c’est aussi un milliard de lieux cachés, secrets, mignons, bizarres, dont ce dictionnaire ne fait pas l’économie. Il y a Alang, le plus grand cimetière de bateaux du monde, cargos, pétroliers et navires mythiques confondus, sur les quinze kilomètres de la baie. Les objets, canots de sauvetage, vêtements d’équipages, gilets gonflables, de toutes les nationalités et de toutes les embarcations sont revendus le long des berges. Il y a la station de sports d’hiver de Gulmarg, culminant à 3979 mètres d’altitude et où les amateurs de hors piste peuvent se faire larguer en hélicoptère sur les spots les plus hauts. Mais les Indiens préfèrent la luge. Des gens comme nous, finalement.

Arnauld Miguet, Dictionnaire insolite de l’Inde – Cosmopole, 152 pages.

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Berthet, l’auteur fétiche

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Il est de ces auteurs qu’on aimerait éternels. Frédéric Berthet, héros de toute une génération de lecteurs des années 80 reprend vie grâce aux Editions de la Table Ronde. 


Les journalistes littéraires ont au moins deux qualités : ils ont de la mémoire et sont terriblement sentimentaux avec leurs aînés disparus. C’est leur côté midinette des bibliothèques. Ils s’entichent d’un auteur pour « happy few » à l’âge ingrat, lui plaquent toutes leurs incertitudes sur la peau et s’en font un double de papier pour la vie entière. Cet auteur correspond à un certain idéal romantique, une figure mal dégrossie entre le khâgneux à frisettes et le marlou de banlieue à gros ceinturon, une hybridation des émotions. En général, cet élu des lettres a trop de talent pour l’exprimer clairement. Il est suffisamment cabossé pour endosser toutes nos peines d’adolescent. Il possède cet humour suicidaire des désenchantés, entre le Cardinal de Retz et Pif Gadget. Il feint la liberté d’opinion tout en cachetonnant à la nrf. Il trace une route en pointillé, originale et bancale dans un environnement largement bétonné. Il émerge surtout dans un horizon fumeux, ces sinistres années 80 où la littérature se vendait en clip et où un humanisme politiquement correct allait embraser les consciences. Touche pas à mon auteur fétiche !

Il écrivait court et pensait mal

Gare, en effet, à celui qui viendrait chercher des noises à cet écrivain mimétique ou à chipoter sur sa prose désarticulée, ses fans le défendent comme si leur honneur était en jeu. Frédéric Berthet (1954-2003) a marqué toute une génération de critiques pas encore sortis du lycée. Son désordre intérieur continue de nous aimanter. On se refile son nom sous le duffle-coat. On chuchote, dans les cercles, le titre de ses rares romans, on étudie sa correspondance, on se pâme de ses courts textes qui ne répondent à aucun genre particulier. Le non-aligné Berthet a été affilié aux néo-hussards par paresse intellectuelle car il écrivait court et pensait mal. C’est déjà un bon début en littérature pas suffisant cependant pour percer son mystère. De toute façon, un garçon qui a écrit Paris-Berry est immunisé contre le mauvais goût. Il dénote d’une indépendance d’esprit et d’une morgue débonnaire. Nous lui devons donc respect et une larme de regret d’être parti si tôt. La collection Petite vermillon à la Table Ronde ressort, cet été, Daimler s’en va (Prix Roger Nimier 1989) dans une gracieuse édition de poche avec une illustration de Gérard DuBois.

Tous les snobs de France le possèdent déjà dans la version originale badgée « L’infini Gallimard » ou dans une précédente édition où l’on apercevait l’arrière d’un scooter. Ses disciples enamourés achèteront cette reparution car tout ce qui touche de près ou de loin à Berthet a valeur de trésor enfoui. Dans sa belle préface, notre ami Jérôme Leroy pense aux nouvelles générations qui ne l’ont pas encore lu. Les pauvres enfants obligés de se fader les best-sellers de la rentrée alors qu’un normalien sachant écrire a vécu sous l’ère Mitterrand. « On peut dire de notre homme ce que Chardonne disait de l’amour : Berthet, c’est beaucoup plus que Berthet », écrit Jérôme, très juste dans son analyse d’un phénomène littéraire toujours non-expliqué. Berthet n’est pas un écrivain des autoroutes, des quatre voies bien balisées où déboulent poncifs et grosses trames. A chaque fois qu’on empoigne Daimler s’en va on est surpris par l’assemblage baroque, la finesse des maximes, la perfidie de ton et, plus le mystère s’épaissit. Berthet mystifie son lecteur. Il y a des textes qui déroulent leur inanité sur 300 pages. Berthet n’en a besoin que d’une centaine pour nous faire tourner en bourrique, ce narrateur est fou. Il est question d’un suicide, d’un amour perdu dans Les Barbades anglaises, d’horoscope et d’une pince à asperges. Chez Berthet, l’incongru n’est pas recherché, la bizarrerie des situations nourrit notre imaginaire.

Alors, on y revient sans cesse pour puiser dans ces phrases éparses un substrat de vérité. L’illogisme de Daimler structure notre pensée.

Daimler s’en va de Frédéric Berthet, La petite vermillon, préfacé par Jérôme Leroy.

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La sélection musicale de ceux qui n’aiment pas Maître Gims

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La sélection musicale des oreilles fourbues d’entendre Maître Gims et David Guetta.


Blaze Away de Morcheeba

Les trip-hopeux de Morcheeba, désormais duo, sont de retour avec un disque lunaire brûlant, à écouter les doigts de pieds en éventail au bureau ou sur le sable blanc d’une plage d’Italie, en regardant passer les navires, un limoncello à la main. Cet album est l’expression du « zen », dans l’acceptation moite du terme. Le trip-hop, musique au kilomètre prisée par les bars lounge dans les années 90-2000, s’écoute entre beautiful people, toujours beautiful 20 ans après la naissance de ce genre dont Massive Attack reste le fer de lance. Dans cette nouvelle livraison, une guitare floydienne fait des petites merveilles, avec des solis qui nous transportent sur les flots chaloupés de nos rêveries limoncellées. Même la présence sur un morceau de Benjamin Biolay (sic) n’altère pas le plaisir. C’est dire si le disque rend zen. Néanmoins, dans l’ensemble, cela manque un peu de saxo et de cuivres pour un résultat plus organique, sensoriel, aérien, tripant, mais là, il aurait fallu prendre Biolay à la production… Boucles lascives pour enrober vos nuits d’été d’une suavité cristalline, voix douce et onctueuse comme un frappé Vanille de Madagascar/Super Fraise, spleen en apesanteur dans les entrailles du cosmos, Blaze Away devrait vous aider à embrasser l’univers mieux qu’internet, à condition toutefois de garder à l’esprit cette mise en garde de Jean-Edern Hallier (jamais avare d’une bonne dose de glace pilée littéraire) : « La plus sûre manière de paralyser l’individu est de lui faire croire qu’il peut embrasser l’univers d’un clin d’œil. »

Sirba Orchestra de Sirba Octet

Fidèle à son image, le Sirba Octet continue d’enchanter les musiques klezmers (tradition instrumentale des Juifs d’Europe centrale) et tziganes à sa façon, dans un tourbillon de fraîcheur, d’audace et de vibrations intemporelles. Hébergée désormais sur le label Deutsche Grammophon, la formation nous offre un nouveau joyau aux mille éclats sensoriels, en collaboration avec l’Orchestre philharmonique royal de Liège. Le résultat, étoffé, vibrant, est à la hauteur des ambitions affichées, transcendant un répertoire traditionnel russe, moldave, roumain et yiddish.

Embarquez donc dans le Transsibérien en folie du Sirba Octet. A la manière d’un Kusturica pour le cinéma, le Sirba rafraîchit et revisite depuis une dizaine d’années – avec un talent hors du commun -, un « patrimoine oral et immatériel des musiques populaires d’Europe de l’Est » (pour reprendre les termes du livret de l’album). Dans ce nouveau voyage d’outre-temps souffle la majesté de la Russie épique et tragique, celles des tsars, des contes et légendes impériales, des cavalcades damnées de Raspoutine. L’octet embarque l’auditeur dans des montagnes russes émotionnelles alternant les sommets virevoltant de pulsations Bolchoï avec les chutes libres dans les profondeurs mélancoliques du lac Baïkal. Les plaines de l’Oural s’embrasent, polka, vodka, balalaïka, Kalinka, Katioucha et autres louves des steppes prennent corps dans cette saudade slave mêlée à la puissance de mouvements allégros en diable.

Écoutez donc ce medley malin, ce souffle morriconien, ce son authentique, cette puissance jazzy (ah, ce cuivre ami à 4’07 »), à savourer avec votre tsarine d’un soir, par exemple :

Toute Latitude de Dominique A

Comme la Syldavie, la France est devenue un pays imaginaire, qui n’aurait pas de culture propre selon son président, fan des Village People (ou plutôt des Global Village People). La France, à la faveur de sa victoire footballistique et des violences urbaines qui l’ont accompagnée, est devenue une nation yin-yangesque ronde comme un ballon et un pneu crevé, un patchwork de grandeur et de décadence qui en perd son latin. D’autant que le Yin bave un peu sur le Yang. Alors quand Dominique A s’émeut de la mort d’un oiseau au point d’en faire une chanson, dans la marée noire sociétale actuelle, inutile de dire que ce propos réellement humaniste nous change. Pour la prochaine fête de la musique, Macron serait d’ailleurs bien inspiré d’inviter à l’Elysée une chorale d’oiseaux, le plus bel hommage qu’il pourrait rendre à la musique. Mais son audace n’ira jamais jusque-là, Jupiter frayant davantage avec des zoziaux de toutes espèces qu’avec ces créatures célestes. Et pour les accompagner à la guitare, qui d’autre que Bernard Benoit, le François de Roubaix de Bretagne (déjà évoqué ici il y a quelques années).

Mais revenons à nos moutons.

Dominique A s’était déjà illustré sur le sujet avec « Le Courage des oiseaux », titre initiatique qui allait lancer sa carrière à l’aube des années 90. Dans la lignée de sa magnifique précédente livraison, Eleor (2015), Toute Latitude libère ses saveurs sur la durée et la hauteur, tant son amplitude exponentielle atteint les plafonds supérieurs, en long en large et en travers. Le single éponyme, troublant de magnétisme intimiste, le laissait présager : voilà un album qui a une vraie gueule d’atmosphère dominiquaine. Pour ne rien gâcher, il y a un tube sur ce disque : « Aujourd’hui n’existe plus », aux allures de manifeste pour la préservation de la nature. Ce titre s’accompagne d’un clip à la mélancolie toute bucolique et l’on se prend à rêver, au lendemain de la démission surprise du ministre de l’environnement, d’un vrai changement politique. En effet, dans une récente interview, Dominique A déclarait être sensible à la cause animale, précisant « qu’on ne doit plus être dans cette barbarie face aux animaux ». Dans le même entretien (Les Inrockuptibles N°1163), il exprimait sa volonté de s’engager : « Pour moi, la notion d’engagement se modifie, c’est moins clivant et caricatural qu’avant, on peut s’engager un peu comme on le ressent. Ma vie d’homme a changé (…) j’ai le sentiment de savoir où je vais, peu importe les lieux. » Il paraît que l’exécutif cherche un nouveau ministre de l’écologie. Une personnalité de la société civile, peut-être. Si ce gouvernement veut se remettre en marche, il serait bien inspiré de penser à Dominique A, et lui donner toute latitude.

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Sous quelles conditions accueillir une religion étrangère dans la cité?

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L’aréopage a voté, Oreste a été acquitté. Mais les Furies s’estiment spoliées de leurs privilèges anciens, et menacent de déchaîner leur courroux sur la ville. Pour elles, les mortels doivent se plier à l’ordre primordial qu’elles incarnent, et tous les moyens sont bons pour les y contraindre.

Intervient Athéna. Elle veut convaincre les Érinyes, elle argumente, mais on devine que le bouclier et la lance ne sont pas loin. Ses paroles sont apaisantes et sincères, elle ne désire pas le conflit, mais si les divinités étrangères que sont les Furies menacent sa cité, alors son courroux sera terrifiant, et elle ne retiendra pas ses coups.

Essuie-toi les pieds avant d’entrer

Alors elle leur propose un pacte : devenir à leur tour citoyennes d’Athènes. Jusque là, leur culte était inconnu dans la ville. Athéna offre qu’on leur consacre un temple, et que des processions soient organisées en leur honneur. Mais cela les oblige : elles devront embrasser les règles fondamentales de la culture qui les accueille, renoncer à la vengeance pour lui préférer la justice. Elles devront se plier aux lois de la cité et aux décisions de son assemblée. Elles devront toujours défendre les intérêts de la ville et de ses habitants, et ne jamais leur nuire. Alors, et alors seulement, leur puissance sera une bénédiction pour Athènes, et elles pourront y demeurer.

Les Érinyes acceptent, et deviennent les Euménides. Les Furies deviennent les Bienveillantes.

N’est-ce pas ainsi que l’État devrait traiter une religion nouvellement arrivée, plongeant ses racines dans un monde dont les valeurs sont fort différentes des siennes ? Accepter peut-être de lui faire une place, et dans ce cas une place véritable et digne, mais en lui imposant des conditions strictes.

A lire aussi: Et si on arrêtait d’opposer laïcité et religions? (1/3)

Là encore, le germe de la laïcité est présent. La cité ne se prononce pas sur l’existence des Érinyes mais elle fait valoir sa souveraineté. La question n’est pas celle de la véracité de leur culte, mais de sa validité dans les murs de la ville. Chacun est libre de croire en elles – il y a bien eu des juges qui ont approuvé leurs principes – mais l’État n’acceptera la présence de leur culte que s’il se plie aux lois décidées par son assemblée et sert ses citoyens, tous ses citoyens et pas seulement ses adeptes. Autre condition, et non des moindres, cette religion nouvelle venue doit impérativement renoncer à tout usage de la violence (fût-elle juridique), de la menace ou de la contrainte, pour se conformer aux règles du débat, de la discussion, et de la libre critique. « Si tu sais respecter la Persuasion sainte » dit Athéna au chœur des Érinyes, « tu resteras ici. » Mais dans le cas contraire, tu n’auras nulle place dans la cité.

Athéna ne renie rien

Ne serait-il pas temps pour nous de suivre cet exemple ?

Toutes les religions ne se valent pas, toutes ne sont pas interchangeables, à moins de vouloir mettre sur le même plan la non-violence des jaïns et les sacrifices humains pratiqués par les aztèques. L’État ne doit pas être faible, ni naïf.

Dénonçant l’instrumentalisation des droits de l’homme par leurs adversaires, Yadh Ben Achour écrit : « La burqa est une croix gammée, une lapidation potentielle. Toutes deux sont porteuses d’un message clair :  »Donne-moi la liberté que je la tue. » A moins d’accepter cette sentence de mort, un démocrate doit se défendre. La loi ne peut être conçue uniquement pour limiter le pouvoir démocratique. Elle doit le protéger contre ceux qui le haïssent »[tooltips content= »La deuxième Fâtiha, L’islam et la pensée des droits de l’homme »]1[/tooltips].

Mais il ne faut pas non plus oublier la fin de la trilogie, ni le titre de la pièce, qui est de multiples manières un message d’espoir. Les Érinyes deviennent les Euménides. Athéna ne renie rien de ce qu’elle défend pour les intégrer dans sa cité, mais s’en fait des alliées. Elle a eu la lucidité de rejeter chez les Furies ce qui menaçait son peuple et ses valeurs, mais elle a aussi su voir le germe de ce qui leur permettrait de devenir les Bienveillantes.

Aurons-nous la sagesse et le courage de distinguer les deux ? De combattre ce qui doit l’être, mais aussi de voir ce et ceux qui valent la peine qu’on leur tende la main, et de le faire ?

L’étranger, tout comme toi, est enfant de Zeus

Quant aux autres religions, celles qui déjà dans leur rapport à la cité respectent « la Persuasion sainte » et l’autonomie politique octroyée aux mortels, elles aussi doivent se montrer vigilantes et lucides. Là encore, Plutarque nous rappelle des principes essentiels : « Les dieux ne diffèrent pas d’un peuple à l’autre, ne sont ni barbares ni grecs, ni du Sud ni du Nord. (….) De même que le soleil, la lune, le ciel, la terre et la mer, qui sont communs à tous, sont nommés différemment selon les peuples, de même (….) ont été adoptés chez les différents peuples, en accord avec leurs coutumes, des cultes et des noms différents, dont on use comme de symboles consacrés, les uns plus obscurs, les autres plus limpides, frayant ainsi à la pensée la route vers le divin, mais non sans quelques risques : certains en effet se fourvoient complètement et glissent dans la superstition (c’est-à-dire l’obéissance craintive à des puissances iniques) ; d’autres, fuyant les fondrières de la superstition, vont à l’opposé se jeter sans y prendre garde dans le gouffre de l’athéisme »[tooltips content= »Sur Isis et Osiris »]2[/tooltips].

A lire aussi: Une (divine) leçon de laïcité grecque (2/3)

Reconnaître la capacité d’autres religions à « frayer la route vers le divin » est une affaire de bon sens et de foi : pourquoi les dieux n’auraient-ils rien enseigné aux autres peuples ? Une telle indifférence serait indigne d’eux : l’étranger, tout comme toi, est enfant de Zeus. Mais cela ne conduit pas le prêtre d’Apollon à croire que tous les cultes se valent, ni à oublier que certains peuvent entraîner vers l’abîme. Il a trop de respect pour les puissances qui ordonnent le Cosmos pour ne pas voir que certaines croyances ne peuvent venir que de Typhon, que ce nom soit celui d’une entité « opposée à la Providence bienfaisante » ou désigne symboliquement un aveuglement purement humain et son cortège d’erreurs et de vices.

Les religions qui ont leur place dans la cité doivent défendre les principes qui permettent la liberté de la cité et des citoyens, y compris contre les menaces religieuses, qu’elles viennent de leurs propres dérives ou de la propension d’autres cultes à la superstition au sens ancien du terme, qui recouvre ce qu’aujourd’hui nous appellerions obscurantisme, mais aussi intégrisme, fanatisme, totalitarisme.

« Il est deux catégories de Français qui ne comprendront jamais l’histoire de France : ceux qui refusent de vibrer au souvenir du sacre de Reims ; ceux qui lisent sans émotion le récit de la fête de la Fédération. »

Je n’idéalise pas la société de l’Antiquité. Malgré tout son éclat, elle n’a pas su abolir l’esclavage ni donner aux femmes la même liberté qu’aux hommes, alors même que ses philosophes en avaient posé toutes les bases. Certes, nul autre à l’époque ne l’avait fait. Certes, il y a encore aujourd’hui des esclaves de fait et parfois même de droit, plus près de nous que nous aimerions le penser. Certes, il y a en ce moment même des pays où la condition des femmes est bien moins enviable qu’à Athènes ou à Rome il y a deux mille ans. Pourtant, la faille demeure, et nous oblige à rechercher la vérité plutôt que le fantasme.

Et malgré cette faille, la vérité est le génie de ces hommes et de ces femmes (n’oublions pas Aspasie, Sapho, Phrynè, Hypatie, ni toutes celles qui furent la voix d’Apollon à Delphes, et tant d’autres) sans lesquels notre civilisation ne serait pas. Si leur société n’a pas toujours été à la hauteur de leur propre idéal, cet idéal n’en est pas moins sublime, et ô combien digne de nous inspirer.

Cette Antiquité, même imparfaite, fut grandiose et nous pouvons légitimement en être fiers. Et c’est une fierté qui se partage et qui fédère, car si la civilisation européenne est l’héritière du monde hellénistique, n’oublions jamais ce qu’enseignait Sénèque et qui s’adresse à tous nos frères et sœurs en humanité, sans considération d’origines territoriales ou ethniques : « Pourquoi désespérerais-tu de ressembler à ces grands hommes ? Ils sont tous tes ancêtres, si tu te rends digne d’eux »[tooltips content= »Lettres à Lucilius, lettre 44″]3[/tooltips].

On connaît la citation la plus célèbre de Marc Bloch : « Il est deux catégories de Français qui ne comprendront jamais l’histoire de France : ceux qui refusent de vibrer au souvenir du sacre de Reims ; ceux qui lisent sans émotion le récit de la fête de la Fédération. » Il vaut la peine de la compléter et de l’éclairer avec les phrases qui suivent : « Peu importe l’orientation présente de leurs préférences. Leur imperméabilité aux plus beaux jaillissements de l’enthousiasme collectif suffit à les condamner. Dans le Front populaire – le vrai, celui des foules, non des politiciens – il revivait quelque chose de l’atmosphère du Champ de Mars, au grand soleil du 14 juillet 1790. Malheureusement, les hommes dont les ancêtres prêtèrent serment sur l’autel de la patrie, avaient perdu contact avec ces sources profondes. Ce n’est pas un hasard si notre régime, censément démocratique, n’a jamais su donner à la nation des fêtes qui fussent véritablement celles de tout le monde. Nous avons laissé à Hitler le soin de ressusciter les antiques péans »[tooltips content= »L’étrange défaite. Marc Bloch, juif, résistant, fusillé par la Gestapo, ne loue évidemment pas Hitler pour cela, mais déplore que cette récupération ait été rendue possible par la perte de contact des démocraties avec les « sources profondes. »« ]4[/tooltips].

Qui pourrait nier que les vies et les œuvres de Homère, Hésiode, Eschyle, Cléanthe, Cicéron, Plutarque sont de ces sources profondes – parmi d’autres bien sûr, mais à une place d’honneur ? Ne perdons plus le contact avec elles ! N’abandonnons plus à notre part d’ombre ou à l’oubli la force des antiques péans, mais saisissons-la à pleines mains !

Comme l’écrit Jacqueline de Romilly : « L’actualité des tragédies grecques, l’actualité des grands principes et des grandes espérances qu’ils nous ont légués (…) nous saisissent, et nous rappellent ce vers quoi nous aimerions aller, aussi fièrement qu’ils le faisaient, sous la conduite de la déesse Athéna ».

Faire de la place, sans faire place

Notre civilisation ne survivra que si elle retrouve le sens de ses propres valeurs, au lieu d’en faire des slogans creux. Notre démocratie ne survivra que si nous croyons en elle avec la même détermination et la même lucidité que Périclès ou Churchill. « Ce vers quoi nous aimerions aller, aussi fièrement qu’ils le faisaient. » Oui, nous avons fait des erreurs et commis des fautes, mais nous n’avons pas à rougir de notre héritage ni de l’élan qui a permis de le construire, siècle après siècle. La laïcité, telle que la pressentait et la sublimait Eschyle, est l’une des conditions pour y parvenir. Pour tendre vers la liberté et l’émancipation sans cesser de rechercher toujours la vérité et la justice. Pour faire une place à une religion étrangère sans nous perdre, en lui fixant des règles fermes et claires, lui faire une place tout en refusant sans faiblir de lui faire place. Pour préserver l’autonomie de la politique sans renoncer à la spiritualité qui nous évitera de sombrer dans un consumérisme matérialiste mesquin, égoïste et vide ; la spiritualité, religieuse ou non, qui nous permettra d’échapper à l’obsession d’avoir pour nous encourager à être et à faire.

Qu’on en voie la source dans la sagesse de la fille de Zeus, dans celle d’un dramaturge, dans celle d’un peuple, ou dans les trois à la fois, là n’est pas aujourd’hui l’essentiel. C’est bien de cette laïcité lucide et exigeante que nous avons un urgent et intense besoin. Et elle mérite que nous la défendions avec enthousiasme, ενθουσιασμος, inspirés par les dieux.

Tiwizi, le chant divin de la Kabylie païenne

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Tiwizi (entraide dans la vieille langue amazigh) est un courageux collectif d’artistes et d’intellectuels kabyles qui entendent reconquérir leurs traditions pré-monothéistes.

Leur site marenostrumarcadia.org illustre la démarche de ces passionnés de culture classique qui se réapproprient et les traditions chamaniques de l’ancienne Méditerranée et l’héritage gréco-romain, singulièrement occulté dans l’actuelle Afrique du Nord. Parmi leurs projets, citons la création de théâtres en Kabylie, pour renouer avec la quintessence de la civilisation antique – la comédie et la tragédie, les plus puissants remèdes contre le fanatisme. Les peuples sans théâtre stagnent et s’enferment dans de terrifiants carcans mentaux…

Vingt-huit invocations à Jupiter, Neptune, Vénus…

Leur manifeste est sans ambiguïté : « Notre appartenance au monde romain a consolidé notre reconnaissance et notre attachement éternel au camp des philosophes, non à celui des prophètes ».

Tiwizi, c’est aussi et surtout un double CD de musique païenne, chantée en langue kabyle avec une élégance, une grâce qui m’ont bouleversé. Vingt-huit chants, vingt-huit invocations entêtantes à Ubdir (Jupiter), Neftun (Neptune), Wnisa (Vénus), Anzar, le Dieu de la pluie, et à tant d’autres. Vingt-huit plongées dans l’imaginaire des Etrusques et des Thraces, dans le monde d’Homère et de Virgile. De manière claire et revendiquée, ces Kabyles, mes frères en Apollon et Dionysos, se disent les héritiers conscients du Mare nostrum impérial, de cette civilisation gréco-romaine que, ô paradoxe, nous autres Européens ne défendons plus qu’avec une criminelle mollesse. Le miroir que nous tendent ces résistants kabyles révèle notre présent abaissement…

Invocations aux Dieux de nos communs panthéons, beauté des aigles et des hirondelles, chênes des montagnes, caresse du vent, éloge du polythéisme qui libère des théologies aliénantes, voilà tous les thèmes de ces vingt-huit chants de renaissance et de liberté grande.

Tiwizi, Chants païens de Kabylie, double CD, à commander sur Tisnalalit.com ou sur Facebook.

Kabylie : Belle et rebelle

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Roger Nimier, un roman inachevé

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« Nimier écrit en français direct vivant, pas en français de traduction, raplati, mort », proclamait Céline dans une lettre à un confrère et néanmoins ami, pour dire son estime à l’égard d’un cadet. Il est vrai que Roger Nimier (1925-1962), disparu comme Albert Camus ou Jean-René Huguenin dans un accident de voiture, s’était démené sans compter pour sortir Céline du purgatoire.

Le fils spirituel de Georges Bernanos

C’est l’une des nombreuses facettes de cet écrivain attachant qu’étudie avec rigueur et sympathie Alain Cresciucci dans une biographie qui est aussi et surtout le portrait d’ « une génération heureuse qui aura eu vingt ans pour la fin du monde civilisé ». Génie littéraire à la monstrueuse précocité, dont son condisciple Michel Tournier a témoigné, Roger Nimier publia sept livres, cinq romans (dont Le Hussard bleu) et deux essais (dont Le Grand d’Espagne), en cinq ans, avant même d’atteindre la trentaine. Un météore donc, lui aussi, qui, en quelques années, s’impose comme le chef des Hussards, ces impertinents qui se rebellent contre le règne des idéologues marxistes et des pions humanitaires – Sartre et tutti quanti. « Libertin du siècle », comme il se définissait lui-même, Roger Nimier fut le fils spirituel de Georges Bernanos, qu’il rencontra lors de son retour d’exil. Mais aussi de Malraux et de Drieu la Rochelle, et, bien plus haut, de Retz et de La Rochefoucauld.

L’éditeur de Céline et Morand

Romancier mélancolique, critique implacable, éditeur d’élite chez Gallimard (Céline et Morand lui doivent leur renaissance), dialoguiste de cinéma (entre autres pour Louis Malle dans le sublime Ascenseur pour l’échafaud), Nimier aurait pu devenir, sans cet accident stupide au volant d’une Aston Martin, l’un des maîtres de sa génération.

Quinze ans après sa mort, son ami Pol Vandromme, inconsolable, le saluait en ces termes : « Son existence est humble et aristocratique. Il a découvert le rugby dont le goût rejoint bientôt chez lui celui des armes anciennes, du dessin, de la papeterie, des condiments, du champagne et de l’eau fraîche, tout ce qui brûle ou ce qui glace, tout ce qui fait la vie plus sage et plus virile, plus fidèle et plus forte. »

Danser un slow et abolir le mouvement

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Le mouvement serait une forme nouvelle de modernité ostentatoire. Celui qui ne gesticule pas est l’ennemi du genre humain. Un réfractaire au progrès. Un mauvais coucheur. De la graine de délinquant. Pour s’insérer aujourd’hui, il faut absolument bouger ses bras et ses jambes, si possible, en cadence, avouer son amour du sport et sa soumission à l’exercice physique. Notre société ne supporte plus l’immobilisme, elle le chasse dans les entreprises, les spots publicitaires et les discothèques du samedi soir. Je me secoue, donc je m’intègre. Je ne reste pas sur le bord de la piste, je suis acteur de mon propre déshonneur. Je m’avilis en dansant. Cette vulgarité des gestes électrifiés est un formidable recul des consciences.

Le brouhaha mondialisé

Un type qui essaye de vous vendre une voiture, une crème de jour ou un téléphone portable en se trémoussant dans votre poste de télé est éminemment suspect. Sa démarche tient plus de la psychiatrie que des relations commerciales civilisées. Il occupe l’espace avec du vide, c’est une métaphore assez éloquente de la mondialisation. Absurde et terrifiante. Car ce possédé qui se croit intelligent en se déhanchant ne dégage qu’un halo de mort. Il sent la cendre. Il mord la poussière. Il est transparent à force de barbouiller l’écran avec ses mains levées et ses pieds sautillants. Son corps ne parle pas. Il erre dans la nuit tel un zombie. Il ne dégage rien. Il ne projette rien d’autre qu’un battement mécanique et industriel. Peu à peu, son image même se désagrège. Les traits de son visage se fondent dans le décor. Il avait la volonté d’exister par la danse et il court à l’oubli. L’ennui est son vibrato.

Dans le slow, l’individu se découvre

Les annonceurs devraient méditer les ravages que provoque cette débandade organisée. La peur du silence comme celle du slow en boîte de nuit sont les symptômes classiques d’un monde factice. Sans consistance physique. Sans aspérités. Sans failles intérieures. Comme si nous étions obligés de nous dépenser beaucoup pour faire oublier notre anonymat. Alors, allons-nous continuer à nous ridiculiser dans cette débauche d’activités qui frise la démence ? Aurons-nous un sursaut citoyen ? Un éclair de lucidité. Quand comprendrons-nous que la lenteur est un puissant aphrodisiaque, que les mots susurrés délicatement au creux de l’oreille sont un pari sur l’avenir, que l’homme et la femme qui osent le slow nous donnent une leçon de vérité. Pure et éternelle. Que cette tentative de rapprochement est une manière de s’ouvrir aux autres. De faire barrage au formatage des attitudes, une façon de reprendre notre corps en main, de dire non aux marchands de l’éphémère. Le temps long surclasse la vitesse. Dans le disco ou la techno, l’individu se regarde. Dans le slow, l’individu se découvre. Il fait preuve de courage et d’inconscience même. Quand il invite l’autre, cet étranger qui vous attire et vous obsède, il a un côté chevaleresque.

Plus de courage que le grand oral de l’Ena

C’est Don Quichotte qui a reçu l’appel divin d’Eros Ramazzotti ou d’Umberto Tozzi. Le slow demande de l’audace et de l’improvisation. C’est une confrontation brutale avec la réalité. Une mise à nu. L’antichambre du baiser. Le slow n’est pas une danse pour les pleutres. Tout le monde n’est pas capable de le pratiquer ; surtout à l’adolescence où le réseau nerveux disjoncte. Car on y joue sa peau, son amour-propre ; on y dévoile ses faiblesses et ses envies. Celui qui craint de se faire rembarrer n’a aucune chance de réussir sa vie amoureuse. Proposer un slow à une femme que l’on convoite demande plus de courage que de se présenter au grand oral de l’Ena. On est seul face à ses sentiments. Le désarroi nous guette. La panique n’est jamais loin. Adriano Celentano nous montre le chemin. Mort Shuman nous donne le déclic, l’impulsion de quitter le bar du night-club. Le slow, par son indolence et son érotisme latent, nous pousse à l’héroïsme du samedi soir.

Il exige une concentration extrême, la parfaite maîtrise de ses pas. Le piétinement de la demoiselle est interdit, à moins que cela fasse partie d’une stratégie. J’ai connu d’habiles techniciens qui feignaient la maladresse pour mieux séduire. La ruse est une béquille psychologique, trop s’appuyer sur elle peut provoquer de difficiles fins de soirées.

Embrasser ou pas, telle est la question

Des milliers de questions existentielles assaillent le danseur de slow quand il entend les premières notes de You Call It Love de Karoline Krüger : où doit-il poser ses mains, à la taille ou au cou ? Quelle pression doit-il exercer ? Doit-il converser ou rester muet ? Doit-il sourire bêtement ou figer son maxillaire ? Et enfin comment ne pas surinterpréter une main moite, une joue flasque, un cheveu qui viendrait se poser sur la lèvre ? Toutes ces données qui se bousculent en un temps record doivent être analysées, classées, hiérarchisées avant de prendre la meilleure décision. Embrasser ou pas, telle est la question fondamentale.

Car le slow n’a pas un objectif de divertissement, de défoulement, il impose sa dramaturgie pour sceller les âmes le temps d’une soirée, de vacances ou d’une vie. Tous les danseurs savent que derrière la musique lancinante de Peppino di Capri ou de Richard Sanderson, on peut transformer son destin. Avec le slow, plus aucun moyen de reculer, il implique un dénouement heureux ou malheureux. Lionel Richie, Bill Withers ou Demis Roussos auront eu plus de répercussions sur nos vies intimes que Platon et Montaigne. Que vaut Nietzsche face à Barry White ? Un seul tube de François Valéry décompose toute l’œuvre de Spinoza. Danser le slow, c’est croire à la communion réelle des corps, à cette promesse d’enchevêtrement. Réussir un slow, c’est aussi prendre le pouvoir sur ses émotions. Savoir se contenir. Un bon mental est indispensable pour aller au bout de la nuit. Le slow et son corollaire le quart d’heure américain ont disparu par obscurantisme.

Une société javellisée en quête de relations chimiquement pures ne peut accepter cette danse innocente et puissante, libre et rebelle, inexpressive par sa forme et tellement inconvenante par ses arrière-pensées. Le slow est ce mal-aimé des communautés vitrifiées qui ne croient plus en rien. Les jeunes générations le regardent avec méfiance et envie, elles sont habituées aux rapports virtuels et froids. Ce vieux slow, incarnation sensuelle et dérisoire des Trente Glorieuses ne correspond plus à la rudesse des échanges modernes. Il n’a pas la force d’un contrat signé, c’est un chemin chaotique vers l’inconnu. Il n’est pas empaqueté dans des règles strictes, il y a autant de slows que d’amours impossibles. Le slow est la danse des derniers aventuriers. Il faut imaginer deux êtres conscients qui s’affichent en public, s’enlacent plus ou moins tendrement, se regardent comme on n’ose plus le faire, se touchent, se testent. Et, l’espace de trois minutes, emmerdent l’humanité.

Laissez-moi manger des barbecues tout l’été! (1/9)

Dis-moi comment tu prends l’apéro, je te dirai qui tu es (2/9)

Et la nouvelle miss Camping s’appelle… (3/9)

Osons le bob! (4/9)

On revoit un Max Pécas et on boit frais à Saint-Tropez (5/9)

Vive le gros rosé qui tache ! (6/9)

Le voyage est au bout de la carte postale (7/9)

Oui, je mange une crêpe au Nutella et j’aime ça (8/9)

Éloge de la voiture

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Un Patachon Dans la Mondialisation

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Education sexuelle à l’école: Marlène Schiappa fait « comme si »

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Marlène Schiappa dans son bureau parisien, juillet 2018. SIPA. 00870557_000084

Madame Schiappa, secrétaire d’Etat à l’Egalité entre les femmes et les hommes, a hérité d’un cadeau particulier de la part de Madame Vallaud-Belkacem, ex-ministre de l’Education nationale : la généralisation du plan d’éducation à la sexualité dans les établissements scolaires. Face à l’inquiétude des parents, elle s’élève contre les « fake news » qui attaqueraient ce programme, en utilisant une méthode étonnante. Après les « en même temps », voici les « comme si »…

Comme si je n’existais pas

Depuis quelques jours, Madame Schiappa fustige une pétition signée selon elle par des personnes qui voient dans ce programme l’intervention de Satan et par des conspirationnistes. Oui, parmi les 35 000 signataires, quelques-uns disent voir là l’intervention du diable, mais la secrétaire d’Etat fait « comme si » cette pétition n’avait pas été initiée par des professionnels de l’enfance dont des professeurs de psychologie clinique, un membre du Conseil scientifique de la Société française de psychiatrie de l’enfant, etc. ; « comme si » elle n’avait pas recueilli l’accord de 95 psychiatres et pédopsychiatres, 260 médecins, 35 pédiatres, plus de 1000 psychologues/psychothérapeutes et 1500 enseignants. Pour ma part, je suis pédopsychiatre, j’ai pratiqué des dizaines d’avortements bénévolement pour créer un état de fait avant le vote de la loi Veil, je suis athée, convaincu de la nécessité des vaccins obligatoires, je ne corresponds pas vraiment à un profil de conspirateur ou d’intégriste religieux.

Madame Schiappa argue que ce programme a reçu l’aval d’organisations sérieuses, « comme si » elle ignorait que, volontairement, il n’a été demandé l’avis d’aucun clinicien spécialiste du développement affectif de l’enfant. D’où le résultat médiocre et dangereux.

Madame Shiappa rassure les parents en répétant à l’envie qu’il n’y aura aucun enseignement à la sexualité infantile en maternelle. Tant mieux. Mais elle fait « comme si » cette décision était spontanée. Or ce renoncement résulte de notre vigilance. La preuve : en 2017, sur le site internet de l’Académie de Grenoble, cet enseignement était programmé en grande section et il a été retiré dès que nous l’avons révélé publiquement. Lors du Congrès 2017 des enseignants de maternelle, le Planning familial a ainsi animé un atelier intitulé « L’éducation sexualisée [sic] : les petits aussi ! ».

Comme s’il n’y avait rien d’inquiétant

La seule garantie concernant l’abandon de cette éducation précoce serait que le gouvernement décide clairement de retirer des textes officiels toute référence aux « standards européens d’éducation à la sexualité » qui préconisent que cette éducation débute avant 4 ans. Entre 4 et 6 ans devraient ainsi être abordées les sensations liées à la sexualité (plaisir, excitation) puis entre 6 et 9 ans, les menstruations, l’éjaculation, le plaisir lié au toucher de son propre corps, les relations sexuelles. Ces « standards » figurent sur le site Canopé de l’Education nationale. Qu’est-ce qui empêche Madame Schiappa de supprimer toute référence à ce texte nocif ? Mystère.

Madame Schiappa évoque la nécessité de lutter contre les effets des films pornographiques. « Comme si » décrire les six positions de pénétration vaginale et les sept de pénétration anale, dessins ludiques à l’appui – sur le site « onsexprime.fr » du ministère de la Santé destinés aux mineurs à partir de 12 ans – était vraiment la meilleure méthode.

Madame la secrétaire d’Etat explique que les intervenants dans ce domaine ont été formés sérieusement. Elle fait « comme si » nous n’avions pas publié de nombreux témoignages qui montrent les méthodes étranges utilisées par certains de ces intervenants. Ainsi, les jours des interventions sont dissimulés aux parents ou indiqués comme « activités diverses » sur l’emploi du temps. On ment parfois sur leur contenu : « Amenez le carnet de vaccination de votre enfant » – qui ne sera pas ouvert – ou en CM2 : « On va parler de la reproduction animale alors qu’est passé le film Le miracle de la vie de Lennart Nilsson, qui montre un pénis éjaculant dans le vagin d’une femme filmé par micro-caméra et un accouchement avec vue en gros plan sur le périnée de la parturiente. Quant aux films de la série Le bonheur de la vie, toujours en CM2, ils comprennent un dessin animé montrant un personnage enfantin féminin caressant le sexe d’un personnage masculin pour lui provoquer une érection en expliquant que le pénis doit être en érection pour permettre la pénétration dans le vagin.

Comme si les parents n’avaient pas leur mot à dire

L’imagination de certains formateurs n’est jamais à court : prévenir les parents la veille afin qu’ils ne puissent pas s’organiser dans leur vie quotidienne au cas où ils prendraient la décision de s’opposer à la présence de leur enfant à ces cours, ou mettre ces cours début juillet, juste avant les vacances pour que les parents ne puissent pas exprimer ensuite leurs protestations, etc. Tout cela se fait « comme si » ce n’était pas contraire à la circulaire 2003-027 du 17 février 2003 indiquant que les parents d’élèves doivent être « informés et/ou associés » au projet éducatif.

Madame Schiappa fait « comme si » cette éducation, dont le but explicite est un nouveau paradigme, une sexualité synonyme de plaisir, respectait le rythme de développement affectif de chaque enfant alors qu’il est indiqué dans les « standards européens » qu’on doit aborder les sujets décrits ci-dessus avant que l’enfant ne se pose des questions à leur propos. Résultat : nous recevons de nombreux témoignages d’enfants choqués, traumatisés, présentant des insomnies, des cauchemars, des refus de retourner en classe, etc.

Madame Schiappa fait « comme si », tel qu’est fait le programme actuel, un adulte en position d’enseignant qui parle de sexualité, n’allait pas provoquer une excitation interne chez l’enfant. Ce qui le rend plus susceptible d’être la proie d’un prédateur éventuel.

Dans leurs témoignages, les parents se plaignent d’être dépossédés de leur rôle de parent concernant l’éducation sexuelle. Enseigner de telles choses à des enfants à l’insu, à la place ou contre l’avis des parents et vouloir ainsi le bonheur de l’espèce humaine, cela ne vous rappelle rien ?

Mais il y a un point sur lequel Madame Schiappa n’a pas fait « comme si », c’est celui de la communication médiatique : en répétant à l’envi qu’il n’y aurait aucune éducation à la sexualité en maternelle, elle détourne l’attention de ce qui va effectivement se faire en primaire et au collège.

Comment rester fidèle à cette Eglise qui ne défend qu’elle?

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De nouvelles accusations ont été portées par l’ancien ambassadeur du Vatican, Carlo Maria Vigano, à l’encontre du pape François. Mais, encore une fois, plutôt que de se remettre en question, l’Eglise plaide le complot.


L’ancien ambassadeur du Vatican à Washington, Monseigneur Vigano, a encore une fois mis en cause le pape François. Alors qu’il l’a déjà accusé d’avoir étouffé les abus sexuels d’un cardinal, il assure dans une lettre, révélée samedi 1er septembre, que le souverain pontife a soutenu une élue américaine refusant de célébrer des mariages entre homosexuels.

Les réactions à l’affaire Vigano sont de plusieurs ordres. Et finissent par nous faire reconsidérer la parabole du fils prodigue, et singulièrement la position de l’aîné envieux. Mais commençons par le début.

Le Vatican, par la voix de François et d’autres prélats, comme Blase Cupich, archevêque de Chicago (qui fut fait cardinal par François), considère qu’il n’y a rien à dire, et même qu’on doit s’en foutre. Je ne vois pas bien comment résumer autrement les propos de ce dernier qui explique bravement que l’action du pape en matière de défense de l’environnement et des migrants surpasse toute autre considération. Le pape a d’ailleurs depuis publié les fortes paroles qu’on attendait : il y a urgence à traiter les déchets plastiques qui encombrent fleuves et océans (c’est vrai, mais il pourrait être plus efficace sur d’autres urgences).

La presse, à qui François a demandé de faire son métier, s’est appliqué à le faire avec l’intelligence sur laquelle tablait François : puisque c’est un réactionnaire qui dénonce le scandale et implique ce pape progressiste, attaquons le réactionnaire et n’inquiétons (pour le moment) ni ce bon pape ni ses soutiens progressistes (lorsque Jean-Paul II et Benoit XVI régnaient, papes réputés réactionnaires, il était tout aussi nécessaire et moral d’attaquer sans relâche l’Église et de faire remonter chaque manquement individuel jusqu’au pape). Une partie des gazettes catholiques se signale par son zèle à discréditer Vigano (qui se défend bien, hélas), selon ce saint principe qu’au nom de la défense de l’institution il faut considérer tous les possibles fautifs comme innocents jusqu’à ce que leur culpabilité soit définitivement établie, et tous les dénonciateurs comme de fieffés menteurs jusqu’à ce que la réalité de leurs dénonciations soit absolument établie. Vigano est donc calomnié et diffamé, d’une part, et d’autre part le Vatican aligne, avec une charmante ingénuité, la liste des soutiens de François : on se croirait dans un film américain avec le décompte angoissant des voix des sénateurs favorables à un projet de loi.

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Il faut ajouter que ce que dénonce Vigano a en fait tout pour plaire : il affirme que les hauts dignitaires de l’Église, les responsables de la nomination des évêques et des cardinaux, ceux qui ont la charge du recrutement et de l’éducation des prêtres, sont des personnes pour qui la chasteté est un vain mot et l’homosexualité un amour de similitude. Autrement dit, Vigano dénonce la lente mais certaine constitution d’une Église dirigeante qui va bientôt pouvoir trancher avec le prétendu ordre moral moisi prétendument défendu par l’Église (moisie). On voit mal pourquoi la presse-pas-moisie s’empresserait d’accabler François et ses soutiens.

Dans cette affaire, la presse, François et ses soutiens ont donc tous une approche politique du problème des agressions sexuelles homosexuelles à variante parfois pédophiles – la même approche politique qu’ils reprochent à Vigano (mais lui, c’est pas pareil). Tous. Pas un, Cupich en tête, qui considère que révéler une vaste entreprise de harcèlement et d’agressions mérite mieux que de dénoncer le caractère réactionnaire du lanceur d’alerte, de réduire toute l’affaire à une seule et méchante querelle de personnes (au mieux Vigano est un raté, au pire il tente un putsch). L’Église répond à l’interpellation en considérant qu’il ne s’agit que d’une attaque personnelle contre François. Sa réponse est doublement personnalisée, dénonçant les tares de Vigano (fourbe, menteur, ambitieux) et exaltant les vertus de François, à titre personnel et en tant que souverain pontife. Attitude évidemment très cléricale, péché que François dénonce facilement chez ses adversaires. Mais ne considérer que Vigano et mépriser ses accusations, c’est oublier les victimes et la nature clanique de leurs agresseurs.

Parce qu’enfin, il est là, le vrai problème : dans le fait qu’une caste, une fois de plus, et une fois de plus dans l’histoire de l’Église, s’arroge le droit d’opprimer et d’agresser les fidèles. D’opprimer et d’agresser les fidèles. C’est de cela qu’il s’agit. Ce scandale que dénonce Vigano, ce serait d’abord une histoire gravissime d’abus d’autorité médités, organisés, en réseau et couverts. Il ne s’agit pas d’expliquer, pour rendre justice à la chose, que l’Église ferait mieux de parler d’autre chose que de fesses (et certainement l’Église a d’autres choses à dire – même si notre époque paraît avoir un sérieux problème de fesses). Le scandale Clinton n’était pas ses relations avec sa stagiaire mais le fait qu’il ait menti devant la justice de son pays. Le scandale McCarrick n’est pas ses inclinations homosexuelles mais le fait qu’il ait constamment cédé à la tentation, constamment manqué à la chasteté, constamment mené une vie de débauche organisée et constamment fait en sorte que rien ne lui soit reproché. Que Vigano soit à la fois indigné et politique, oui : doit-on pour autant oublier les causes de son indignation ? Non.

Mais l’Église, aidée par la presse, est bien prête à oublier (nonobstant des réactions nombreuses en faveur soit de Mgr Vigano, soit en faveur de la vérité des faits qu’il dénonce, soit en faveur d’une véritable enquête). Sur la vérité fondamentale des faits, McCarrick a enfin été sanctionné par François (et les sanctions qu’aurait prononcées Benoit XVI à son égard, et qu’il n’aurait pas suivies, ne sont plus présentées comme une folle forgerie de Vigano). Pour cette affaire comme pour d’autres, François finit par sanctionner en y mettant toute la mauvaise grâce possible, sous prétexte de miséricorde, au nom du pasteur qui va chercher la brebis perdue. C’est d’ailleurs la lenteur de ses condamnations, la route tortueuse qu’empruntent ses sanctions, que Vigano dénonce. Ce pape, qu’on sait prompt à condamner et roide dans ses condamnations, est, en ces matières, et quand il s’agit d’un clergé acquis à sa pastorale, d’une lenteur si prudente qu’on le croirait immobile.

Venons-en aux dernières réactions : celles des fidèles. Les uns sont écœurés, les autres ne veulent considérer que le plus grand bien de l’Église. Ceux qui ne veulent que le bien de l’Église ont entonné un hymne curieux et touchant (et prodigieusement irritant). On nous dit qu’attaquer le pape c’est attaquer toute l’Église, que se faire le relais des choses qui l’accablent c’est l’accabler soi-même, on nous dit qu’il faut pardonner, on nous dit que l’amour est plus fort, bref on nous engloutit ou dans l’oubli ou dans une obéissance servile à des clercs qui incarneraient mieux que nous l’Église.

Le pardon, oui, mais en quoi le pardon (et les demandes de pardon qui se multiplient et finissent par devenir, en fait, des absolutions…) émancipe-t-il les coupables de répondre de leur faute ? Pardonnons-leur et aidons les victimes dans leur quête de justice. Voilà qui est charitable. Ou notre charité ne devrait-elle choisir de s’exercer que pour les coupables et non pour les victimes ? Et cette charité qui voudrait qu’on n’examine rien, qu’on n’agisse pas, qu’on détourne le regard, cette charité si hiérarchisée serait une manifestation d’amour divin ?

Quant au bien que peut faire l’Église, il se fait par ses fidèles et par ses clercs. Comment Mgr Cupich croit-il qu’est reçue la parole des fidèles et des clercs ? Pense-t-il vraiment faire rayonner l’Évangile en expliquant que les petits, les humbles et les faibles, les affaiblis, les humiliés et les rapetissés ne sont que poussières aux yeux d’un Vatican tout enflé de grandes pensées sur l’environnement et la migration ? Croit-il que nous aurons une incroyable audience en tant que catholiques quand nous prendrons la parole ? Ou compte-t-il que nous n’annoncions plus rien que le nouvel Évangile du tri sélectif en laissant de côté tout ce qui sent un peu fort, le Christ en premier lieu ?

Nous voici donc, nous, l’Église de base, dans la position du frère qui voit revenir son cadet prodigue (Luc, 15, 11-32). Mais nous avions compris la parabole. Nous savions qu’être dans la demeure du Père est une joie (« Le père répondit : ‘’Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi’’ »). Nous goûtions sa présence. Nous avions appris à goûter le bonheur d’être du troupeau. Nous aimions nos pasteurs et nous étions heureux quand ils nous abandonnaient pour aller chercher des brebis perdues. Nous voilà désormais dans une maison où le Père a embauché des intendants qui nous maltraitent. Quelle est notre joie ? McCarrick, Wuel, Cupich et consorts se posent-ils la question de ce que sont devenues les demeures du Père, sous leur intendance ? Et de ce que nous pensons, désormais, des vertus du silence et de la prudence qu’ils nous réclament sur leurs travers, leurs erreurs et leurs crimes, quand en même temps ils nous réclament de parler et de dénoncer les travers de l’époque qu’ils ont identifiés ?

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Nous sommes l’Église. La maison du Père nous appartient autant qu’à eux, et ils nous en sont redevables : à eux à qui Dieu a donné l’autorité temporelle, il leur est demandé des comptes temporels puisque c’est dans ce monde et en ces temps qu’ils nous envoient nous engager. Nous refusons donc que la hiérarchie nous évince en exigeant obéissance, soumission, discrétion et esprit de charité, se réservant le droit de se juger elle-même et de méjuger ou déjuger les victimes jusqu’à ce que la justice civile se charge de leur rendre justice. Nous refusons l’Église des clercs cléricaux. Il nous semble que l’honneur de l’Église est mieux dans nos mains, quitte à ce que ce combat soit une lutte décevante. Il nous semble que nous savons mieux qu’eux défendre les pauvres honneurs des maisons paternelles que nous habitons.

« Heureux ceux qui sont morts pour des cités charnelles.
Car elles sont le corps de la cité de Dieu.
Heureux ceux qui sont morts pour leur âtre et leur feu,
Et les pauvres honneurs des maisons paternelles. »

Budget: l’Italie doit désobéir à l’Europe

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Le ministre de l'Intérieur italien, Matteo Salvini, août 2018. SIPA. AP22241006_000016

Le budget 2019 de l’Italie sera bientôt d’actualité. Si son nouveau gouvernement veut tenir ses promesses électorales, il ne pourra pas respecter les exigences économiques de l’Union européenne…


L’usine à gaz bruxelloise (UAGB, surtout ne pas confondre avec l’Europe) souffre des conséquences des manipulations génétiques qui lui ont été progressivement injectées sans le consentement des nations d’Europe. On les résumera en deux idées : l’ouverture totale, incontrôlée, irresponsable des frontières (aux marchandises, capitaux, services, personnes) ; la soumission à la finance et aux règles budgétaires stupides et cancérigènes. Parmi ces dernières, on peut citer :

> l’interdiction faite « à la Banque centrale européenne et aux banques centrales des États membres […] d’accorder des découverts ou tout autre type de crédit […] aux administrations centrales, aux autorités régionales ou locales, aux autres autorités publiques, aux autres organismes ou entreprises publics des États membres ; l’acquisition directe, auprès d’eux, par la Banque centrale européenne ou les banques centrales nationales, des instruments de leur dette est également interdite » (article 123 Traité européen; ex 104 de Maastricht).

> et la règle des 3% de déficit public par rapport au PIB qui sert à justifier toutes les réformes budgétaires fiscales et sociales (françaises notamment) depuis des décennies. Une machinerie à ruiner les nations et à enrichir les financiers privés.

Fais ce que tu ne peux pas

Or, effrayé d’avoir été conduit par ses prédécesseurs dans une impasse proche de celle de la Grèce d’il y a dix ans, le nouveau gouvernement italien a déclaré que, entre la politique, d’intérêt général, humaine et de bon sens promise à ses électeurs, et les contraintes dictées par l’UAGB il n’aurait pas d’hésitation. Même si le ministre des Finances, Giovanni Tria, très libéral et pro Europe, préparant vraisemblablement sa démission, assure à Bruxelles que Rome ne prévoit pas de dépasser les 3%.

Dans la période qui suit les congés d’été on prépare, partout en Europele vote des budgets 2019 : quels seront les arbitrages du nouveau gouvernement italien ? Le Commissaire européen aux Affaires économiques, Pierre Moscovici, a sommé Rome de réaliser un « effort important » pour le budget 2019, insistant sur l’idée qu’il était « dans l’intérêt de l’Italie de contrôler sa dette publique » qui s’élève à 132 % du PIB, le niveau le plus élevé de la zone euro après celui de la Grèce. Les lobbies financiers, contrôlés par personne, ont réagi négativement : ils voudraient bien tuer dans l’œuf la tentative italienne de rébellion à leur tutelle. Les taux d’intérêt sont au plus haut depuis quatre ans, ce qui augmente les frais du remboursement des emprunts de l’État italien. Car le système est ainsi conçu qu’on accable les États les plus fragiles… On est au niveau le plus élevé de l’aberration économique.

La bombe italienne

Les leaders des deux partis de gouvernement, Matteo Salvini et Luigi Di Maio, tous deux vice-présidents du Conseil des ministres, ont confirmé vouloir immédiatement mettre en œuvre leurs engagements électoraux : la « flat tax » (un impôt réduit aux taux de 15 % et 20 %) pour le premier ; un revenu de citoyenneté de 780 €, pour le second. Ce qui rend impossible de rester soumis aux diktats de l’UAGB. Dès lors, ou bien le gouvernement fait ce qu’il a dit et la zone euro explose, avant que l’UE ne fasse de même ; ou bien il ne le fait pas et c’est peut-être l’Italie qui explose, dans la rue. Suivie de l’UAGB qui n’y résisterait pas.

A lire aussi: Migrants : l’Italie largue l’Union européenne

Le quotidien Corriere della Sera redoute « le jugement de [l’agence de notation] Moody’s, avant la fin octobre, après le « verdict [sic] de l’agence Fitch » qui, si elle a maintenu au soir du vendredi 31 août la note de la dette à BBB, s’est déclarée pessimiste sur l’évolution à venir, abaissant sa « perspective » de « stable » à « négative ». Du coup, sur le marché secondaire où s’échangent les titres, les taux ne cessent de croître. Les banques italiennes, déjà fragiles en raison de leur exposition à la dette souveraine, sont à nouveau en danger.

L’Italie d’abord ?

Seuls éléments allant dans un sens « optimiste » : la puissante industrie italienne (la deuxième manufacturière en Europe) que ce gouvernement entend défendre à tout prix, notamment en négociant directement avec Donald Trump sur les échanges commerciaux, et en abandonnant subrepticement les sanctions contre la Russie. Mais aussi la fermeture de la porte à l’immigration forcée, dont le coût public ou indirect fait l’objet d’estimations très contradictoires mais élevées.

On relèvera enfin le doute exprimé par La Stampa, pour qui « les élections européennes étant imminentes, ni la Ligue ni le M5S n’auraient intérêt à se présenter devant les électeurs avec un ‘spread’ [écart entre les taux d’emprunt allemand et italien] hors de contrôle ».

Pas certain toutefois que les retraités italiens miséreux, les jeunes sans emploi, les femmes effrayées par les mœurs de certains migrants, hommes jeunes et sans culture du respect de la femme dans nos sociétés, soient accessibles au vaudou du « spread »... De toute façon, si la crise européenne latente doit éclater ce sera, probablement, avant la fin de l’année, lors du vote du budget. Alors les élections européennes…

La fin de l'Union européenne

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Le Dictionnaire de l’Inde qui dézingue les clichés

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Un homme éxécutant les rituels du Vasant Banchami, la fête célébrant la naissance de la déesse Saraswati et l'arrivée du printemps

La planète entière se gave de fantasmes sur l’Inde. Arnauld Miguet nous propose, dans son Dictionnaire insolite, un pèlerinage à travers les coutumes et bizarreries d’une Inde démystifiée.


Shiva dans le métro 

Paris, ligne 10 du métro, direction Gare d’Austerlitz. Dans le fond de mon wagon, une publicité grand format promet que « vous allez adorer rentrer chez vous » grâce aux services de nettoyage de la société Shiva. Shiva, c’est évident. Dans l’imaginaire collectif, la divinité hindoue étant munie d’une paire de bras supplémentaire, elle s’y entend en repassage et en aspirateur, et avec un chiffon dans chaque main, ça va forcément plus vite…

En ouvrant le Dictionnaire insolite de l’Inde, conçu par le correspondant de France Télévisions en Chine, Arnauld Miguet, on en apprend plus long, et on s’éloigne beaucoup de Monsieur Propre. Pour commencer, on naît hindou, on ne le devient pas. Les fidèles représentent 80% de la population du pays et vénèrent les multiples formes des divinités, qui ne sont définies par aucun texte, gardées par aucun clergé ni aucun socle oral ou écrit. À chacun son deva, ou presque.

D’ailleurs, hindou ou pas hindou, l’Inde est le pays des trucs sacrés. Des cheveux, vendus au kilogramme sur le marché est-asiatique et moyen-oriental, des vaches, bien sûr, des cornichons (pickles) également, reste non unique de la colonisation britannique. De l’Inde, sans y avoir posé un pied, on rapporte des souvenirs infinis de maharadjahs, de fakirs qui dorment sur des lits de clous, d’éléphants colorés, des odeurs de safran, d’eucalyptus, de riz basmati (mais sait-on que le Basmati y est considéré comme un produit de luxe ?)

Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur l’Inde sans jamais avoir osé le demander

Habile, Arnauld Miguet ne fait pas l’impasse sur les clichés mais prend un malin plaisir à les détourner, à les démonter. Ainsi trouve-t-on bien, parmi les si pittoresques petits métiers de rue des barbiers, des cireurs de chaussures, mais aussi des nettoyeurs d’oreilles, des tatoueurs, des ophtalmologistes, des repasseurs équipés de fers à charbon et des dentistes, non conventionnés. Ainsi l’Indien de base porte-t-il bien une moustache, symbole de virilité, mais sait-on que les policiers du Madhya Pradesh ont vu, en 2004, leur salaire doubler à condition que leur pilosité sublabiale « ne soit pas trop effrayante pour les citoyens »

Oui, New Delhi est le paradis de la pollution au monoxyde de carbone, mais possède malgré tout, à force d’efforts de la municipalité, le réseau de transports le plus propre du monde.

Et le très à la mode massage « ayurvédique » dans nos spas occidentaux ne se résume pas, au Kerala (le « pays des dieux ») à l’application d’une sorte d’huile noirâtre sur le front : au prix de l’abandon de ses chaussures et de son téléphone portable pendant la durée de la « purification », l’Ayurvéda consiste entre autres en séances d’arts martiaux, en frictions de jus de légumes, de riz pilé et d’huile de sésame. Un remède excellent contre la cellulite et le stress, en effet.

Si l’envie nous prend, après ça, de visiter la ville culte de Varanasi (Bénarès), retenons ces quelques détails : le Gange représente pour les pèlerins la longue chevelure de Shiva, il n’est donc pas « sale ». Varanasi est également le lieu idéal pour mourir – et y faire disperser ses cendres – et pas forcément pour réaliser ses meilleurs selfies. 250 crémations par jour avec 200 kilos de bois par bûcher. Les larmes portent malheur au défunt, elles sont donc proscrites.

Le pays des fakirs, c’est aussi un milliard de lieux cachés, secrets, mignons, bizarres, dont ce dictionnaire ne fait pas l’économie. Il y a Alang, le plus grand cimetière de bateaux du monde, cargos, pétroliers et navires mythiques confondus, sur les quinze kilomètres de la baie. Les objets, canots de sauvetage, vêtements d’équipages, gilets gonflables, de toutes les nationalités et de toutes les embarcations sont revendus le long des berges. Il y a la station de sports d’hiver de Gulmarg, culminant à 3979 mètres d’altitude et où les amateurs de hors piste peuvent se faire larguer en hélicoptère sur les spots les plus hauts. Mais les Indiens préfèrent la luge. Des gens comme nous, finalement.

Arnauld Miguet, Dictionnaire insolite de l’Inde – Cosmopole, 152 pages.

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Berthet, l’auteur fétiche

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Frédéric Berthet à Central Park en 1985 ©Norbert Cassegrain / Wikipedia

Il est de ces auteurs qu’on aimerait éternels. Frédéric Berthet, héros de toute une génération de lecteurs des années 80 reprend vie grâce aux Editions de la Table Ronde. 


Les journalistes littéraires ont au moins deux qualités : ils ont de la mémoire et sont terriblement sentimentaux avec leurs aînés disparus. C’est leur côté midinette des bibliothèques. Ils s’entichent d’un auteur pour « happy few » à l’âge ingrat, lui plaquent toutes leurs incertitudes sur la peau et s’en font un double de papier pour la vie entière. Cet auteur correspond à un certain idéal romantique, une figure mal dégrossie entre le khâgneux à frisettes et le marlou de banlieue à gros ceinturon, une hybridation des émotions. En général, cet élu des lettres a trop de talent pour l’exprimer clairement. Il est suffisamment cabossé pour endosser toutes nos peines d’adolescent. Il possède cet humour suicidaire des désenchantés, entre le Cardinal de Retz et Pif Gadget. Il feint la liberté d’opinion tout en cachetonnant à la nrf. Il trace une route en pointillé, originale et bancale dans un environnement largement bétonné. Il émerge surtout dans un horizon fumeux, ces sinistres années 80 où la littérature se vendait en clip et où un humanisme politiquement correct allait embraser les consciences. Touche pas à mon auteur fétiche !

Il écrivait court et pensait mal

Gare, en effet, à celui qui viendrait chercher des noises à cet écrivain mimétique ou à chipoter sur sa prose désarticulée, ses fans le défendent comme si leur honneur était en jeu. Frédéric Berthet (1954-2003) a marqué toute une génération de critiques pas encore sortis du lycée. Son désordre intérieur continue de nous aimanter. On se refile son nom sous le duffle-coat. On chuchote, dans les cercles, le titre de ses rares romans, on étudie sa correspondance, on se pâme de ses courts textes qui ne répondent à aucun genre particulier. Le non-aligné Berthet a été affilié aux néo-hussards par paresse intellectuelle car il écrivait court et pensait mal. C’est déjà un bon début en littérature pas suffisant cependant pour percer son mystère. De toute façon, un garçon qui a écrit Paris-Berry est immunisé contre le mauvais goût. Il dénote d’une indépendance d’esprit et d’une morgue débonnaire. Nous lui devons donc respect et une larme de regret d’être parti si tôt. La collection Petite vermillon à la Table Ronde ressort, cet été, Daimler s’en va (Prix Roger Nimier 1989) dans une gracieuse édition de poche avec une illustration de Gérard DuBois.

Tous les snobs de France le possèdent déjà dans la version originale badgée « L’infini Gallimard » ou dans une précédente édition où l’on apercevait l’arrière d’un scooter. Ses disciples enamourés achèteront cette reparution car tout ce qui touche de près ou de loin à Berthet a valeur de trésor enfoui. Dans sa belle préface, notre ami Jérôme Leroy pense aux nouvelles générations qui ne l’ont pas encore lu. Les pauvres enfants obligés de se fader les best-sellers de la rentrée alors qu’un normalien sachant écrire a vécu sous l’ère Mitterrand. « On peut dire de notre homme ce que Chardonne disait de l’amour : Berthet, c’est beaucoup plus que Berthet », écrit Jérôme, très juste dans son analyse d’un phénomène littéraire toujours non-expliqué. Berthet n’est pas un écrivain des autoroutes, des quatre voies bien balisées où déboulent poncifs et grosses trames. A chaque fois qu’on empoigne Daimler s’en va on est surpris par l’assemblage baroque, la finesse des maximes, la perfidie de ton et, plus le mystère s’épaissit. Berthet mystifie son lecteur. Il y a des textes qui déroulent leur inanité sur 300 pages. Berthet n’en a besoin que d’une centaine pour nous faire tourner en bourrique, ce narrateur est fou. Il est question d’un suicide, d’un amour perdu dans Les Barbades anglaises, d’horoscope et d’une pince à asperges. Chez Berthet, l’incongru n’est pas recherché, la bizarrerie des situations nourrit notre imaginaire.

Alors, on y revient sans cesse pour puiser dans ces phrases éparses un substrat de vérité. L’illogisme de Daimler structure notre pensée.

Daimler s’en va de Frédéric Berthet, La petite vermillon, préfacé par Jérôme Leroy.

Daimler s'en va

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La sélection musicale de ceux qui n’aiment pas Maître Gims

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La chanteuse de Morcheeba AP21495256_000001

La sélection musicale des oreilles fourbues d’entendre Maître Gims et David Guetta.


Blaze Away de Morcheeba

Les trip-hopeux de Morcheeba, désormais duo, sont de retour avec un disque lunaire brûlant, à écouter les doigts de pieds en éventail au bureau ou sur le sable blanc d’une plage d’Italie, en regardant passer les navires, un limoncello à la main. Cet album est l’expression du « zen », dans l’acceptation moite du terme. Le trip-hop, musique au kilomètre prisée par les bars lounge dans les années 90-2000, s’écoute entre beautiful people, toujours beautiful 20 ans après la naissance de ce genre dont Massive Attack reste le fer de lance. Dans cette nouvelle livraison, une guitare floydienne fait des petites merveilles, avec des solis qui nous transportent sur les flots chaloupés de nos rêveries limoncellées. Même la présence sur un morceau de Benjamin Biolay (sic) n’altère pas le plaisir. C’est dire si le disque rend zen. Néanmoins, dans l’ensemble, cela manque un peu de saxo et de cuivres pour un résultat plus organique, sensoriel, aérien, tripant, mais là, il aurait fallu prendre Biolay à la production… Boucles lascives pour enrober vos nuits d’été d’une suavité cristalline, voix douce et onctueuse comme un frappé Vanille de Madagascar/Super Fraise, spleen en apesanteur dans les entrailles du cosmos, Blaze Away devrait vous aider à embrasser l’univers mieux qu’internet, à condition toutefois de garder à l’esprit cette mise en garde de Jean-Edern Hallier (jamais avare d’une bonne dose de glace pilée littéraire) : « La plus sûre manière de paralyser l’individu est de lui faire croire qu’il peut embrasser l’univers d’un clin d’œil. »

Sirba Orchestra de Sirba Octet

Fidèle à son image, le Sirba Octet continue d’enchanter les musiques klezmers (tradition instrumentale des Juifs d’Europe centrale) et tziganes à sa façon, dans un tourbillon de fraîcheur, d’audace et de vibrations intemporelles. Hébergée désormais sur le label Deutsche Grammophon, la formation nous offre un nouveau joyau aux mille éclats sensoriels, en collaboration avec l’Orchestre philharmonique royal de Liège. Le résultat, étoffé, vibrant, est à la hauteur des ambitions affichées, transcendant un répertoire traditionnel russe, moldave, roumain et yiddish.

Embarquez donc dans le Transsibérien en folie du Sirba Octet. A la manière d’un Kusturica pour le cinéma, le Sirba rafraîchit et revisite depuis une dizaine d’années – avec un talent hors du commun -, un « patrimoine oral et immatériel des musiques populaires d’Europe de l’Est » (pour reprendre les termes du livret de l’album). Dans ce nouveau voyage d’outre-temps souffle la majesté de la Russie épique et tragique, celles des tsars, des contes et légendes impériales, des cavalcades damnées de Raspoutine. L’octet embarque l’auditeur dans des montagnes russes émotionnelles alternant les sommets virevoltant de pulsations Bolchoï avec les chutes libres dans les profondeurs mélancoliques du lac Baïkal. Les plaines de l’Oural s’embrasent, polka, vodka, balalaïka, Kalinka, Katioucha et autres louves des steppes prennent corps dans cette saudade slave mêlée à la puissance de mouvements allégros en diable.

Écoutez donc ce medley malin, ce souffle morriconien, ce son authentique, cette puissance jazzy (ah, ce cuivre ami à 4’07 »), à savourer avec votre tsarine d’un soir, par exemple :

Toute Latitude de Dominique A

Comme la Syldavie, la France est devenue un pays imaginaire, qui n’aurait pas de culture propre selon son président, fan des Village People (ou plutôt des Global Village People). La France, à la faveur de sa victoire footballistique et des violences urbaines qui l’ont accompagnée, est devenue une nation yin-yangesque ronde comme un ballon et un pneu crevé, un patchwork de grandeur et de décadence qui en perd son latin. D’autant que le Yin bave un peu sur le Yang. Alors quand Dominique A s’émeut de la mort d’un oiseau au point d’en faire une chanson, dans la marée noire sociétale actuelle, inutile de dire que ce propos réellement humaniste nous change. Pour la prochaine fête de la musique, Macron serait d’ailleurs bien inspiré d’inviter à l’Elysée une chorale d’oiseaux, le plus bel hommage qu’il pourrait rendre à la musique. Mais son audace n’ira jamais jusque-là, Jupiter frayant davantage avec des zoziaux de toutes espèces qu’avec ces créatures célestes. Et pour les accompagner à la guitare, qui d’autre que Bernard Benoit, le François de Roubaix de Bretagne (déjà évoqué ici il y a quelques années).

Mais revenons à nos moutons.

Dominique A s’était déjà illustré sur le sujet avec « Le Courage des oiseaux », titre initiatique qui allait lancer sa carrière à l’aube des années 90. Dans la lignée de sa magnifique précédente livraison, Eleor (2015), Toute Latitude libère ses saveurs sur la durée et la hauteur, tant son amplitude exponentielle atteint les plafonds supérieurs, en long en large et en travers. Le single éponyme, troublant de magnétisme intimiste, le laissait présager : voilà un album qui a une vraie gueule d’atmosphère dominiquaine. Pour ne rien gâcher, il y a un tube sur ce disque : « Aujourd’hui n’existe plus », aux allures de manifeste pour la préservation de la nature. Ce titre s’accompagne d’un clip à la mélancolie toute bucolique et l’on se prend à rêver, au lendemain de la démission surprise du ministre de l’environnement, d’un vrai changement politique. En effet, dans une récente interview, Dominique A déclarait être sensible à la cause animale, précisant « qu’on ne doit plus être dans cette barbarie face aux animaux ». Dans le même entretien (Les Inrockuptibles N°1163), il exprimait sa volonté de s’engager : « Pour moi, la notion d’engagement se modifie, c’est moins clivant et caricatural qu’avant, on peut s’engager un peu comme on le ressent. Ma vie d’homme a changé (…) j’ai le sentiment de savoir où je vais, peu importe les lieux. » Il paraît que l’exécutif cherche un nouveau ministre de l’écologie. Une personnalité de la société civile, peut-être. Si ce gouvernement veut se remettre en marche, il serait bien inspiré de penser à Dominique A, et lui donner toute latitude.

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Sous quelles conditions accueillir une religion étrangère dans la cité?

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©Domaine public

L’aréopage a voté, Oreste a été acquitté. Mais les Furies s’estiment spoliées de leurs privilèges anciens, et menacent de déchaîner leur courroux sur la ville. Pour elles, les mortels doivent se plier à l’ordre primordial qu’elles incarnent, et tous les moyens sont bons pour les y contraindre.

Intervient Athéna. Elle veut convaincre les Érinyes, elle argumente, mais on devine que le bouclier et la lance ne sont pas loin. Ses paroles sont apaisantes et sincères, elle ne désire pas le conflit, mais si les divinités étrangères que sont les Furies menacent sa cité, alors son courroux sera terrifiant, et elle ne retiendra pas ses coups.

Essuie-toi les pieds avant d’entrer

Alors elle leur propose un pacte : devenir à leur tour citoyennes d’Athènes. Jusque là, leur culte était inconnu dans la ville. Athéna offre qu’on leur consacre un temple, et que des processions soient organisées en leur honneur. Mais cela les oblige : elles devront embrasser les règles fondamentales de la culture qui les accueille, renoncer à la vengeance pour lui préférer la justice. Elles devront se plier aux lois de la cité et aux décisions de son assemblée. Elles devront toujours défendre les intérêts de la ville et de ses habitants, et ne jamais leur nuire. Alors, et alors seulement, leur puissance sera une bénédiction pour Athènes, et elles pourront y demeurer.

Les Érinyes acceptent, et deviennent les Euménides. Les Furies deviennent les Bienveillantes.

N’est-ce pas ainsi que l’État devrait traiter une religion nouvellement arrivée, plongeant ses racines dans un monde dont les valeurs sont fort différentes des siennes ? Accepter peut-être de lui faire une place, et dans ce cas une place véritable et digne, mais en lui imposant des conditions strictes.

A lire aussi: Et si on arrêtait d’opposer laïcité et religions? (1/3)

Là encore, le germe de la laïcité est présent. La cité ne se prononce pas sur l’existence des Érinyes mais elle fait valoir sa souveraineté. La question n’est pas celle de la véracité de leur culte, mais de sa validité dans les murs de la ville. Chacun est libre de croire en elles – il y a bien eu des juges qui ont approuvé leurs principes – mais l’État n’acceptera la présence de leur culte que s’il se plie aux lois décidées par son assemblée et sert ses citoyens, tous ses citoyens et pas seulement ses adeptes. Autre condition, et non des moindres, cette religion nouvelle venue doit impérativement renoncer à tout usage de la violence (fût-elle juridique), de la menace ou de la contrainte, pour se conformer aux règles du débat, de la discussion, et de la libre critique. « Si tu sais respecter la Persuasion sainte » dit Athéna au chœur des Érinyes, « tu resteras ici. » Mais dans le cas contraire, tu n’auras nulle place dans la cité.

Athéna ne renie rien

Ne serait-il pas temps pour nous de suivre cet exemple ?

Toutes les religions ne se valent pas, toutes ne sont pas interchangeables, à moins de vouloir mettre sur le même plan la non-violence des jaïns et les sacrifices humains pratiqués par les aztèques. L’État ne doit pas être faible, ni naïf.

Dénonçant l’instrumentalisation des droits de l’homme par leurs adversaires, Yadh Ben Achour écrit : « La burqa est une croix gammée, une lapidation potentielle. Toutes deux sont porteuses d’un message clair :  »Donne-moi la liberté que je la tue. » A moins d’accepter cette sentence de mort, un démocrate doit se défendre. La loi ne peut être conçue uniquement pour limiter le pouvoir démocratique. Elle doit le protéger contre ceux qui le haïssent »[tooltips content= »La deuxième Fâtiha, L’islam et la pensée des droits de l’homme »]1[/tooltips].

Mais il ne faut pas non plus oublier la fin de la trilogie, ni le titre de la pièce, qui est de multiples manières un message d’espoir. Les Érinyes deviennent les Euménides. Athéna ne renie rien de ce qu’elle défend pour les intégrer dans sa cité, mais s’en fait des alliées. Elle a eu la lucidité de rejeter chez les Furies ce qui menaçait son peuple et ses valeurs, mais elle a aussi su voir le germe de ce qui leur permettrait de devenir les Bienveillantes.

Aurons-nous la sagesse et le courage de distinguer les deux ? De combattre ce qui doit l’être, mais aussi de voir ce et ceux qui valent la peine qu’on leur tende la main, et de le faire ?

L’étranger, tout comme toi, est enfant de Zeus

Quant aux autres religions, celles qui déjà dans leur rapport à la cité respectent « la Persuasion sainte » et l’autonomie politique octroyée aux mortels, elles aussi doivent se montrer vigilantes et lucides. Là encore, Plutarque nous rappelle des principes essentiels : « Les dieux ne diffèrent pas d’un peuple à l’autre, ne sont ni barbares ni grecs, ni du Sud ni du Nord. (….) De même que le soleil, la lune, le ciel, la terre et la mer, qui sont communs à tous, sont nommés différemment selon les peuples, de même (….) ont été adoptés chez les différents peuples, en accord avec leurs coutumes, des cultes et des noms différents, dont on use comme de symboles consacrés, les uns plus obscurs, les autres plus limpides, frayant ainsi à la pensée la route vers le divin, mais non sans quelques risques : certains en effet se fourvoient complètement et glissent dans la superstition (c’est-à-dire l’obéissance craintive à des puissances iniques) ; d’autres, fuyant les fondrières de la superstition, vont à l’opposé se jeter sans y prendre garde dans le gouffre de l’athéisme »[tooltips content= »Sur Isis et Osiris »]2[/tooltips].

A lire aussi: Une (divine) leçon de laïcité grecque (2/3)

Reconnaître la capacité d’autres religions à « frayer la route vers le divin » est une affaire de bon sens et de foi : pourquoi les dieux n’auraient-ils rien enseigné aux autres peuples ? Une telle indifférence serait indigne d’eux : l’étranger, tout comme toi, est enfant de Zeus. Mais cela ne conduit pas le prêtre d’Apollon à croire que tous les cultes se valent, ni à oublier que certains peuvent entraîner vers l’abîme. Il a trop de respect pour les puissances qui ordonnent le Cosmos pour ne pas voir que certaines croyances ne peuvent venir que de Typhon, que ce nom soit celui d’une entité « opposée à la Providence bienfaisante » ou désigne symboliquement un aveuglement purement humain et son cortège d’erreurs et de vices.

Les religions qui ont leur place dans la cité doivent défendre les principes qui permettent la liberté de la cité et des citoyens, y compris contre les menaces religieuses, qu’elles viennent de leurs propres dérives ou de la propension d’autres cultes à la superstition au sens ancien du terme, qui recouvre ce qu’aujourd’hui nous appellerions obscurantisme, mais aussi intégrisme, fanatisme, totalitarisme.

« Il est deux catégories de Français qui ne comprendront jamais l’histoire de France : ceux qui refusent de vibrer au souvenir du sacre de Reims ; ceux qui lisent sans émotion le récit de la fête de la Fédération. »

Je n’idéalise pas la société de l’Antiquité. Malgré tout son éclat, elle n’a pas su abolir l’esclavage ni donner aux femmes la même liberté qu’aux hommes, alors même que ses philosophes en avaient posé toutes les bases. Certes, nul autre à l’époque ne l’avait fait. Certes, il y a encore aujourd’hui des esclaves de fait et parfois même de droit, plus près de nous que nous aimerions le penser. Certes, il y a en ce moment même des pays où la condition des femmes est bien moins enviable qu’à Athènes ou à Rome il y a deux mille ans. Pourtant, la faille demeure, et nous oblige à rechercher la vérité plutôt que le fantasme.

Et malgré cette faille, la vérité est le génie de ces hommes et de ces femmes (n’oublions pas Aspasie, Sapho, Phrynè, Hypatie, ni toutes celles qui furent la voix d’Apollon à Delphes, et tant d’autres) sans lesquels notre civilisation ne serait pas. Si leur société n’a pas toujours été à la hauteur de leur propre idéal, cet idéal n’en est pas moins sublime, et ô combien digne de nous inspirer.

Cette Antiquité, même imparfaite, fut grandiose et nous pouvons légitimement en être fiers. Et c’est une fierté qui se partage et qui fédère, car si la civilisation européenne est l’héritière du monde hellénistique, n’oublions jamais ce qu’enseignait Sénèque et qui s’adresse à tous nos frères et sœurs en humanité, sans considération d’origines territoriales ou ethniques : « Pourquoi désespérerais-tu de ressembler à ces grands hommes ? Ils sont tous tes ancêtres, si tu te rends digne d’eux »[tooltips content= »Lettres à Lucilius, lettre 44″]3[/tooltips].

On connaît la citation la plus célèbre de Marc Bloch : « Il est deux catégories de Français qui ne comprendront jamais l’histoire de France : ceux qui refusent de vibrer au souvenir du sacre de Reims ; ceux qui lisent sans émotion le récit de la fête de la Fédération. » Il vaut la peine de la compléter et de l’éclairer avec les phrases qui suivent : « Peu importe l’orientation présente de leurs préférences. Leur imperméabilité aux plus beaux jaillissements de l’enthousiasme collectif suffit à les condamner. Dans le Front populaire – le vrai, celui des foules, non des politiciens – il revivait quelque chose de l’atmosphère du Champ de Mars, au grand soleil du 14 juillet 1790. Malheureusement, les hommes dont les ancêtres prêtèrent serment sur l’autel de la patrie, avaient perdu contact avec ces sources profondes. Ce n’est pas un hasard si notre régime, censément démocratique, n’a jamais su donner à la nation des fêtes qui fussent véritablement celles de tout le monde. Nous avons laissé à Hitler le soin de ressusciter les antiques péans »[tooltips content= »L’étrange défaite. Marc Bloch, juif, résistant, fusillé par la Gestapo, ne loue évidemment pas Hitler pour cela, mais déplore que cette récupération ait été rendue possible par la perte de contact des démocraties avec les « sources profondes. »« ]4[/tooltips].

Qui pourrait nier que les vies et les œuvres de Homère, Hésiode, Eschyle, Cléanthe, Cicéron, Plutarque sont de ces sources profondes – parmi d’autres bien sûr, mais à une place d’honneur ? Ne perdons plus le contact avec elles ! N’abandonnons plus à notre part d’ombre ou à l’oubli la force des antiques péans, mais saisissons-la à pleines mains !

Comme l’écrit Jacqueline de Romilly : « L’actualité des tragédies grecques, l’actualité des grands principes et des grandes espérances qu’ils nous ont légués (…) nous saisissent, et nous rappellent ce vers quoi nous aimerions aller, aussi fièrement qu’ils le faisaient, sous la conduite de la déesse Athéna ».

Faire de la place, sans faire place

Notre civilisation ne survivra que si elle retrouve le sens de ses propres valeurs, au lieu d’en faire des slogans creux. Notre démocratie ne survivra que si nous croyons en elle avec la même détermination et la même lucidité que Périclès ou Churchill. « Ce vers quoi nous aimerions aller, aussi fièrement qu’ils le faisaient. » Oui, nous avons fait des erreurs et commis des fautes, mais nous n’avons pas à rougir de notre héritage ni de l’élan qui a permis de le construire, siècle après siècle. La laïcité, telle que la pressentait et la sublimait Eschyle, est l’une des conditions pour y parvenir. Pour tendre vers la liberté et l’émancipation sans cesser de rechercher toujours la vérité et la justice. Pour faire une place à une religion étrangère sans nous perdre, en lui fixant des règles fermes et claires, lui faire une place tout en refusant sans faiblir de lui faire place. Pour préserver l’autonomie de la politique sans renoncer à la spiritualité qui nous évitera de sombrer dans un consumérisme matérialiste mesquin, égoïste et vide ; la spiritualité, religieuse ou non, qui nous permettra d’échapper à l’obsession d’avoir pour nous encourager à être et à faire.

Qu’on en voie la source dans la sagesse de la fille de Zeus, dans celle d’un dramaturge, dans celle d’un peuple, ou dans les trois à la fois, là n’est pas aujourd’hui l’essentiel. C’est bien de cette laïcité lucide et exigeante que nous avons un urgent et intense besoin. Et elle mérite que nous la défendions avec enthousiasme, ενθουσιασμος, inspirés par les dieux.

Tiwizi, le chant divin de la Kabylie païenne

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Paysage entre mer et montagnes en Kabylie. SIPA. 00766465_000034

Tiwizi (entraide dans la vieille langue amazigh) est un courageux collectif d’artistes et d’intellectuels kabyles qui entendent reconquérir leurs traditions pré-monothéistes.

Leur site marenostrumarcadia.org illustre la démarche de ces passionnés de culture classique qui se réapproprient et les traditions chamaniques de l’ancienne Méditerranée et l’héritage gréco-romain, singulièrement occulté dans l’actuelle Afrique du Nord. Parmi leurs projets, citons la création de théâtres en Kabylie, pour renouer avec la quintessence de la civilisation antique – la comédie et la tragédie, les plus puissants remèdes contre le fanatisme. Les peuples sans théâtre stagnent et s’enferment dans de terrifiants carcans mentaux…

Vingt-huit invocations à Jupiter, Neptune, Vénus…

Leur manifeste est sans ambiguïté : « Notre appartenance au monde romain a consolidé notre reconnaissance et notre attachement éternel au camp des philosophes, non à celui des prophètes ».

Tiwizi, c’est aussi et surtout un double CD de musique païenne, chantée en langue kabyle avec une élégance, une grâce qui m’ont bouleversé. Vingt-huit chants, vingt-huit invocations entêtantes à Ubdir (Jupiter), Neftun (Neptune), Wnisa (Vénus), Anzar, le Dieu de la pluie, et à tant d’autres. Vingt-huit plongées dans l’imaginaire des Etrusques et des Thraces, dans le monde d’Homère et de Virgile. De manière claire et revendiquée, ces Kabyles, mes frères en Apollon et Dionysos, se disent les héritiers conscients du Mare nostrum impérial, de cette civilisation gréco-romaine que, ô paradoxe, nous autres Européens ne défendons plus qu’avec une criminelle mollesse. Le miroir que nous tendent ces résistants kabyles révèle notre présent abaissement…

Invocations aux Dieux de nos communs panthéons, beauté des aigles et des hirondelles, chênes des montagnes, caresse du vent, éloge du polythéisme qui libère des théologies aliénantes, voilà tous les thèmes de ces vingt-huit chants de renaissance et de liberté grande.

Tiwizi, Chants païens de Kabylie, double CD, à commander sur Tisnalalit.com ou sur Facebook.

Kabylie : Belle et rebelle

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Roger Nimier, un roman inachevé

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Maurice Ronet et Jeanne Moreau dans "Ascenseur pour l'échafaud", de Louis Malle, scénarisé par Roger Nimier.

« Nimier écrit en français direct vivant, pas en français de traduction, raplati, mort », proclamait Céline dans une lettre à un confrère et néanmoins ami, pour dire son estime à l’égard d’un cadet. Il est vrai que Roger Nimier (1925-1962), disparu comme Albert Camus ou Jean-René Huguenin dans un accident de voiture, s’était démené sans compter pour sortir Céline du purgatoire.

Le fils spirituel de Georges Bernanos

C’est l’une des nombreuses facettes de cet écrivain attachant qu’étudie avec rigueur et sympathie Alain Cresciucci dans une biographie qui est aussi et surtout le portrait d’ « une génération heureuse qui aura eu vingt ans pour la fin du monde civilisé ». Génie littéraire à la monstrueuse précocité, dont son condisciple Michel Tournier a témoigné, Roger Nimier publia sept livres, cinq romans (dont Le Hussard bleu) et deux essais (dont Le Grand d’Espagne), en cinq ans, avant même d’atteindre la trentaine. Un météore donc, lui aussi, qui, en quelques années, s’impose comme le chef des Hussards, ces impertinents qui se rebellent contre le règne des idéologues marxistes et des pions humanitaires – Sartre et tutti quanti. « Libertin du siècle », comme il se définissait lui-même, Roger Nimier fut le fils spirituel de Georges Bernanos, qu’il rencontra lors de son retour d’exil. Mais aussi de Malraux et de Drieu la Rochelle, et, bien plus haut, de Retz et de La Rochefoucauld.

L’éditeur de Céline et Morand

Romancier mélancolique, critique implacable, éditeur d’élite chez Gallimard (Céline et Morand lui doivent leur renaissance), dialoguiste de cinéma (entre autres pour Louis Malle dans le sublime Ascenseur pour l’échafaud), Nimier aurait pu devenir, sans cet accident stupide au volant d’une Aston Martin, l’un des maîtres de sa génération.

Quinze ans après sa mort, son ami Pol Vandromme, inconsolable, le saluait en ces termes : « Son existence est humble et aristocratique. Il a découvert le rugby dont le goût rejoint bientôt chez lui celui des armes anciennes, du dessin, de la papeterie, des condiments, du champagne et de l’eau fraîche, tout ce qui brûle ou ce qui glace, tout ce qui fait la vie plus sage et plus virile, plus fidèle et plus forte. »

Roger Nimier Masculin Singulier Pluriel

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Danser un slow et abolir le mouvement

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Patrick Swayze et Demi Moore dans "Ghost". SIPA. REX43032541_000001

Le mouvement serait une forme nouvelle de modernité ostentatoire. Celui qui ne gesticule pas est l’ennemi du genre humain. Un réfractaire au progrès. Un mauvais coucheur. De la graine de délinquant. Pour s’insérer aujourd’hui, il faut absolument bouger ses bras et ses jambes, si possible, en cadence, avouer son amour du sport et sa soumission à l’exercice physique. Notre société ne supporte plus l’immobilisme, elle le chasse dans les entreprises, les spots publicitaires et les discothèques du samedi soir. Je me secoue, donc je m’intègre. Je ne reste pas sur le bord de la piste, je suis acteur de mon propre déshonneur. Je m’avilis en dansant. Cette vulgarité des gestes électrifiés est un formidable recul des consciences.

Le brouhaha mondialisé

Un type qui essaye de vous vendre une voiture, une crème de jour ou un téléphone portable en se trémoussant dans votre poste de télé est éminemment suspect. Sa démarche tient plus de la psychiatrie que des relations commerciales civilisées. Il occupe l’espace avec du vide, c’est une métaphore assez éloquente de la mondialisation. Absurde et terrifiante. Car ce possédé qui se croit intelligent en se déhanchant ne dégage qu’un halo de mort. Il sent la cendre. Il mord la poussière. Il est transparent à force de barbouiller l’écran avec ses mains levées et ses pieds sautillants. Son corps ne parle pas. Il erre dans la nuit tel un zombie. Il ne dégage rien. Il ne projette rien d’autre qu’un battement mécanique et industriel. Peu à peu, son image même se désagrège. Les traits de son visage se fondent dans le décor. Il avait la volonté d’exister par la danse et il court à l’oubli. L’ennui est son vibrato.

Dans le slow, l’individu se découvre

Les annonceurs devraient méditer les ravages que provoque cette débandade organisée. La peur du silence comme celle du slow en boîte de nuit sont les symptômes classiques d’un monde factice. Sans consistance physique. Sans aspérités. Sans failles intérieures. Comme si nous étions obligés de nous dépenser beaucoup pour faire oublier notre anonymat. Alors, allons-nous continuer à nous ridiculiser dans cette débauche d’activités qui frise la démence ? Aurons-nous un sursaut citoyen ? Un éclair de lucidité. Quand comprendrons-nous que la lenteur est un puissant aphrodisiaque, que les mots susurrés délicatement au creux de l’oreille sont un pari sur l’avenir, que l’homme et la femme qui osent le slow nous donnent une leçon de vérité. Pure et éternelle. Que cette tentative de rapprochement est une manière de s’ouvrir aux autres. De faire barrage au formatage des attitudes, une façon de reprendre notre corps en main, de dire non aux marchands de l’éphémère. Le temps long surclasse la vitesse. Dans le disco ou la techno, l’individu se regarde. Dans le slow, l’individu se découvre. Il fait preuve de courage et d’inconscience même. Quand il invite l’autre, cet étranger qui vous attire et vous obsède, il a un côté chevaleresque.

Plus de courage que le grand oral de l’Ena

C’est Don Quichotte qui a reçu l’appel divin d’Eros Ramazzotti ou d’Umberto Tozzi. Le slow demande de l’audace et de l’improvisation. C’est une confrontation brutale avec la réalité. Une mise à nu. L’antichambre du baiser. Le slow n’est pas une danse pour les pleutres. Tout le monde n’est pas capable de le pratiquer ; surtout à l’adolescence où le réseau nerveux disjoncte. Car on y joue sa peau, son amour-propre ; on y dévoile ses faiblesses et ses envies. Celui qui craint de se faire rembarrer n’a aucune chance de réussir sa vie amoureuse. Proposer un slow à une femme que l’on convoite demande plus de courage que de se présenter au grand oral de l’Ena. On est seul face à ses sentiments. Le désarroi nous guette. La panique n’est jamais loin. Adriano Celentano nous montre le chemin. Mort Shuman nous donne le déclic, l’impulsion de quitter le bar du night-club. Le slow, par son indolence et son érotisme latent, nous pousse à l’héroïsme du samedi soir.

Il exige une concentration extrême, la parfaite maîtrise de ses pas. Le piétinement de la demoiselle est interdit, à moins que cela fasse partie d’une stratégie. J’ai connu d’habiles techniciens qui feignaient la maladresse pour mieux séduire. La ruse est une béquille psychologique, trop s’appuyer sur elle peut provoquer de difficiles fins de soirées.

Embrasser ou pas, telle est la question

Des milliers de questions existentielles assaillent le danseur de slow quand il entend les premières notes de You Call It Love de Karoline Krüger : où doit-il poser ses mains, à la taille ou au cou ? Quelle pression doit-il exercer ? Doit-il converser ou rester muet ? Doit-il sourire bêtement ou figer son maxillaire ? Et enfin comment ne pas surinterpréter une main moite, une joue flasque, un cheveu qui viendrait se poser sur la lèvre ? Toutes ces données qui se bousculent en un temps record doivent être analysées, classées, hiérarchisées avant de prendre la meilleure décision. Embrasser ou pas, telle est la question fondamentale.

Car le slow n’a pas un objectif de divertissement, de défoulement, il impose sa dramaturgie pour sceller les âmes le temps d’une soirée, de vacances ou d’une vie. Tous les danseurs savent que derrière la musique lancinante de Peppino di Capri ou de Richard Sanderson, on peut transformer son destin. Avec le slow, plus aucun moyen de reculer, il implique un dénouement heureux ou malheureux. Lionel Richie, Bill Withers ou Demis Roussos auront eu plus de répercussions sur nos vies intimes que Platon et Montaigne. Que vaut Nietzsche face à Barry White ? Un seul tube de François Valéry décompose toute l’œuvre de Spinoza. Danser le slow, c’est croire à la communion réelle des corps, à cette promesse d’enchevêtrement. Réussir un slow, c’est aussi prendre le pouvoir sur ses émotions. Savoir se contenir. Un bon mental est indispensable pour aller au bout de la nuit. Le slow et son corollaire le quart d’heure américain ont disparu par obscurantisme.

Une société javellisée en quête de relations chimiquement pures ne peut accepter cette danse innocente et puissante, libre et rebelle, inexpressive par sa forme et tellement inconvenante par ses arrière-pensées. Le slow est ce mal-aimé des communautés vitrifiées qui ne croient plus en rien. Les jeunes générations le regardent avec méfiance et envie, elles sont habituées aux rapports virtuels et froids. Ce vieux slow, incarnation sensuelle et dérisoire des Trente Glorieuses ne correspond plus à la rudesse des échanges modernes. Il n’a pas la force d’un contrat signé, c’est un chemin chaotique vers l’inconnu. Il n’est pas empaqueté dans des règles strictes, il y a autant de slows que d’amours impossibles. Le slow est la danse des derniers aventuriers. Il faut imaginer deux êtres conscients qui s’affichent en public, s’enlacent plus ou moins tendrement, se regardent comme on n’ose plus le faire, se touchent, se testent. Et, l’espace de trois minutes, emmerdent l’humanité.

Laissez-moi manger des barbecues tout l’été! (1/9)

Dis-moi comment tu prends l’apéro, je te dirai qui tu es (2/9)

Et la nouvelle miss Camping s’appelle… (3/9)

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On revoit un Max Pécas et on boit frais à Saint-Tropez (5/9)

Vive le gros rosé qui tache ! (6/9)

Le voyage est au bout de la carte postale (7/9)

Oui, je mange une crêpe au Nutella et j’aime ça (8/9)

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