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Yann Moix: pourquoi combattre la banalité du mâle?

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L’écrivain Yann Moix a confié à Marie Claire ne pas pouvoir coucher avec des femmes de 50 ans et leur préférer celles de 25. Il n’en fallait pas plus pour scandaliser les twittos quinquas et autres féministes en quête d’un nouveau méchant. Pourtant, ce tropisme jeuniste est si banalement humain…


Depuis dimanche soir, nous avons vu fleurir de bien étranges posts sur les réseaux sociaux. Des nuées de quinquagénaires se sont toutes mises à écrire: « Nous non plus, Yann Moix, on ne veut pas de toi » ou quelque chose d’approchant. La raison ? Une interview de Yann Moix dans Marie Claire où il déclare : « Je suis incapable d’aimer une femme de cinquante ans. Je trouve ça trop vieux » et où il dit préférer « les corps de vingt-cinq ans ».

Tempête sous un crâne féminin

La femme de cinquante ans que je suis depuis peu, s’est bien sûr, jointe à la curée. Je dois dire que mon sang ne fit qu’un tour. Cependant, au vu des réactions de plus en plus violentes du lendemain, j’ai un peu réfléchi.

Ces derniers jours, Twitter s’est transformé en site de rencontre pour MILF. En effet, des selfies de quinquas bronzées, pomponnées, brushinguées, conservées, ont surgi de toute part, assortis de posts du genre: « Yann Moix, j’ai 52 ans et je t’emmerde », ou encore: « Tu aimes les femmes asiatiques car tu as une petite bite. » Il faut dire que Moix avait également enfoncé le clou en déclarant préférer les asiatiques. L’ombre de Houellebecq plane. La très BCBG et aérienne Colombe Schneck a même posté une photo de son popotin vite censurée par Twitter. C’est la révolution des utérus pré-ménopausés !

Mais j’ai décidé d’écrire cette tribune, lorsque l’incorrigible Laurence De Cock s’est fendue du tweet suivant : « Un jour, peut-être, @marieclaire_fr, vous donnerez la parole à des femmes de vingt-cinq ans qui diront à quel point elles sont fatiguées d’alimenter les fantasmes des mecs de cinquante balais, boursouflés d’égo, dont la visibilité ne repose que sur le spectacle médiatique que vous nourrissez ».

Non, Laurence. À vingt-cinq ans, j’aurais adoré faire bander un écrivain.

Les quinquas, des débridées du c…

De quoi cette déferlante provoquée par une déclaration relativement anodine de Yann Moix (les hommes d’âge mur ayant un penchant pour les nymphettes, c’est vieux comme le monde), est-elle le nom ? Elle nous parle d’abord des femmes de cinquante ans, qui malgré les dires de Yann Moix, ne sont plus invisibles du tout. Au contraire, ces enfants de 68, à la sexualité libre et totalement assumée, sont bien souvent plus sexy que certaines jeunes filles.

Je pense également que, nous post-soixante-huitardes, nous ne vieillissons pas et cela, même malgré nous.

C’est pour cela que les déclarations de Moix m’ont parues injustes.

Cela nous parle également de la probable immaturité affective de l’écrivain, qui se drape dans une posture bien connue, de Gainsbourg à Montand, de l’homme au charme certain, mais au physique décati, s’affichant au bras de jeunes filles en fleur.

Yann est un peu vintage et ça me plait. C’est dommage, car nous en oublions qu’il est un écrivain. Son dernier roman, Rompre, (paru chez Grasset, le 2 janvier), que j’ai parcouru, a l’air de valoir la peine. C’est superbement écrit, il y évoque une rupture amoureuse, sa vision du couple, le fait qu’il ne peut ni vivre à deux, ni vivre seul. Peut-être avons-nous là un indice quant à sa déclaration.

Il y cite enfin Péguy, qui est mort à la guerre car il fuyait un chagrin d’amour : « Il est mort par la France et non pour la France. » Cela résonne fort joliment en cette période trouble.

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Le jour où Alexandria Ocasio-Cortez sera présidente des Etats-Unis

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29 ans, latina, à la gauche du Parti démocrate, Alexandria Ocasio-Cortez est une des nouvelles élues américaines à la Chambre des représentants qui fait le plus parler d’elle. Comme si cela ne suffisait pas, sa proposition de surtaxe des plus hauts revenus fait chavirer Jérôme Leroy.


Dès qu’Alexandria Ocasio-Cortez sera élue présidente des Etats-Unis, je me ferai naturaliser américain. Si on m’avait dit que je finirais ma vie aux USA, à écrire des poèmes en regardant la mer… Je pense choisir l’Oregon. Il y a des vignobles qui commencent à faire de bons vins biodynamiques.

Bernie Sanders en jeune

Alexandria Ocasio-Cortez n’a pas trente ans et elle est vraiment de gauche. La preuve, les Républicains lui reprochent d’avoir dansé sur les toits de Boston quand elle était étudiante, les Démocrates « centristes » d’être une quasi-communiste et les médias d’être trop « radicale. » « J’entends dire que le Parti Républicain pense que les femmes qui dansent sont scandaleuses. Attendez qu’ils découvrent que les femmes parlementaires dansent aussi ! », a-t-elle persiflé.

Et en plus, AOC, comme on la surnomme, a le sens de la formule. C’est Bernie Sanders en jeune, et en sexy. D’ailleurs, elle a fait sa campagne lors de la dernière présidentielle. Bernie, le seul qui aurait pu battre Trump, il a quand même 77 piges. Il a été poignardé par Clinton et on a vu le résultat.

Le diable s’habille en rouge

Alexandria Ocasio-Cortez siège désormais, après sa victoire en novembre, à la Chambre des représentants, comme élue de la 14ème circonscription de New-York, entre Bronx et Queens. Elle veut imposer à 70% les revenus supérieurs à 10 millions de dollars annuels, pour financer un New deal écologique. Quand on n’a pas trente ans, on n’a pas envie de voir l’humanité finir avec soi. Ne jamais sous-estimer le facteur de l’âge chez les climatosceptiques, ce côté « après moi le déluge ! » entre un T-Bone Steak et un plein de trois cents litres tous les dix kilomètres pour le Hummer.

A lire aussi: Ecologie et compagnie, les combats de la gauche ne sont plus ceux du peuple

Un prix Nobel d’économie, Paul Krugman, trouve l’idée tout à fait jouable alors qu’on a fait des malaises cardiaques en série du côté de Wall Street quand AOC a osé causer de ça dans le poste. Krugman et elle ont rappelé que c’était encore plus imposé que ça sous Roosevelt et pratiquement jusqu’à Reagan. Elle veut aussi la gratuité de l’enseignement supérieur et de la santé qui seraient financés par une fiscalité adéquate ainsi que la destitution du Père Ubu péroxydé. Bref, elle est le diable: jeune, femme, belle, latina, rouge.

Le monde de Trump et Bolsonaro

Alors, quand on en sera à notre cinquième cohabitation Macron-Le Pen ou Le Pen-Macron, qui sont les deux éléments de la même totalité structurante, quand la France sera devenue un petit Taïwan hargneux et raciste, ultralibéral, pollué, ultrasécuritaire avec des auto-entrepreneurs qui bosseront jusqu’à 75 ans pendant qu’on dégagera les derniers ronds-points à la mitrailleuse lourde parce qu’on aurait, d’après la DGSI, repéré un soralo-dieudonniste dysorthographique vers Montargis, je partirai. J’aurais bien choisi le Brésil comme Bernanos mais là, ça ne va pas être possible, avec le Trump à la mode samba et escadron de la mort.

Je suis sûr qu’Alexandria Ocasio-Cortez présidente sera cool avec les demandeurs d’asile, même ceux qui, comme mézigue, ont un anglais désastreux.

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Au Brésil, Bolsonaro tient son Blanquer


Profs de gauche, aux abris ! Le probable futur ministre de l’Education du nouveau président Jair Bolsonaro a le profil pour donner un coup de pied dans la fourmilière progressiste brésilienne. Et enrayer la chute du niveau scolaire.


Décrié sur la scène internationale, le nouveau président brésilien Jair Bolsonaro a pris ses fonctions le 1er janvier. Pour couper court aux critiques, ce nationaliste dur tente de donner des gages sans renier son projet de lutte contre le gauchisme culturel. Ainsi, nommera-t-il sans doute le Brésilo-Colombien Ricardo Velez Rodriguez, 75 ans, ministre de l’Éducation. Intellectuel de haut vol, formé notamment en France, à l’EHESS, ce spécialiste de Tocqueville a quitté la Colombie à la fin des années 1970 avant d’assister à la mise en coupe réglée de l’université brésilienne. Sous la dictature militaire (1964-1985), la gauche a su admirablement conquérir le pouvoir culturel alors qu’elle avait perdu la guerre politique. C’est ainsi qu’un gros tiers des Brésiliens est devenu socialiste, préparant l’arrivée aux affaires du Parti des travailleurs de Lula au début des années 2000.

Bonnet d’âne pour les « cultural studies »

Aussi, Velez Rodriguez a-t-il devant lui un double défi considérable : rompre avec l’idéologisation des enseignements et enrayer la chute du niveau scolaire. Les élèves brésiliens ayant le bonnet d’âne du classement Pisa qui évalue le niveau en mathématiques (58e sur 65 pays) et en lecture (55e), les plus aisés déboursent entre 1 000 et 2 000 euros par mois pour scolariser leur progéniture dans des écoles privées hors de prix. La faute en incombe notamment aux professeurs du secteur public, qui se prennent pour des clercs marxistes chargés de défaire la semaine ce que le pasteur évangélique a fait le dimanche. Acquise aux « cultural studies », la dernière session du baccalauréat local (ENEM) a atteint des sommets de grand-guignol en novembre dernier. Les candidats ont dû analyser un texte écrit en pajuba, le « dialecte des travestis », puis disserter sur le « baiser lesbien de la grand-mère ». À aucun moment, il n’est précisé que l’extrême violence qui touche gays et transgenres brésiliens est majoritairement le fait du crime organisé…

Quatre ans après, la France n’est plus Charlie

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Où est passée la France du 11 janvier ? Quatre ans après l’attentat de Charlie Hebdo, la rédaction du journal vit dans un bunker, l’islamisme gagne toujours du terrain et de plus en plus de sujets sont décrétés indiscutables. Bref, on ne rigole plus du tout. L’édito d’Elisabeth Lévy. 


Il y a quatre ans, les rues de France étaient pleines d’une foule sortie spontanément, brandissant des stylos ou des bougies, pour dire son refus de céder sur sa liberté de penser et de déconner. « Je suis Charlie » : en quelques jours, ce cri silencieux bordé de noir se répandait dans tout le pays ou presque, qui défilait pour sa liberté le 11 janvier. La France est debout, juraient les gouvernants.

Avec le temps tout s’évanouit…

On ne peut pas commémorer éternellement. Quatre ans et une quinzaine d’attentats plus tard, les oursons, les bougies et les incantations sentimentales ne sont plus de mise. On ne s’en plaindra pas, même si on aurait aimé qu’Emmanuel Macron se saisisse de cette occasion pour honorer le journal martyr, dont il n’a pas cru bon, depuis son élection, de prononcer publiquement le nom. Les cérémonies se font plus sobres, les articles sont relégués en pages intérieures et, dans les émissions de télé et de radio, le sujet n’arrive qu’en troisième ou quatrième position, après les gilets jaunes et le procès Barbarin. C’est la loi de l’actualité. On n’oublie pas Cabu, Charb, Honoré, Marris, Tignous, Wolinski et toutes les autres victimes. On se rappelle souvent, à mille petites choses, à quel point le monde est moins joyeux sans eux. La vie, évidemment, a repris ses droits.

A lire aussi: La guerre contre Charb aura bien lieu…

Ce lent travail du temps peut attrister, mais il n’a rien de choquant. Ce qui enrage, c’est que la France n’est plus du tout Charlie. Quatre ans après le 7 janvier 2015, elle semble avoir collectivement oublié les raisons qui l’ont fait descendre dans la rue le 11 janvier. Nous défendions, disons-nous, le droit séculaire de la France laïcarde de bouffer du curé de toute obédience. Face à la volonté affichée par l’islam radical de faire taire toute critique et d’étouffer toute dissidence par la menace et l’intimidation, la France de la liberté d’expression, l’un des droits les plus précieux de l’homme selon la Déclaration de 1789, résisterait, c’était juré. On sait ce qu’il en est aujourd’hui.

Au royaume des peureux, l’islamisme est roi

La rédaction de Charlie Hebdo vit dans un bunker (payé par ses soins), des dizaines de personnes, menacées par des djihadistes, sont toujours sous protection policière. Philippe Val, qui publia en 2006 les caricatures de Mahomet, a vu sa protection drastiquement renforcée au printemps après avoir initié une pétition contre l’antisémitisme demandant aux Musulmans de se livrer à une réinterprétation de leurs textes. En décembre, Zineb el Rhazoui, une ancienne de Charlie qui vit également sous haute protection, a reçu des flopées de menaces pour avoir déclaré, sur le plateau de Pascal Praud : « Il faut que l’islam se soumette à la critique, à l’humour, aux lois de la République, au droit français. »

Il est fort probable que, si un journal s’avisait aujourd’hui de publier des caricatures de Mahomet, tout le monde hurlerait à la provocation. On nous expliquerait qu’il est mal de se moquer de la religion des autres, et que c’est le vieux racisme français qui explique cette inquiétude à l’égard de l’islam. De toute façon, personne ne le fera, car tout le monde a peur. Il est vrai que, quand on n’est pas musulman de naissance, on peut écrire à peu près ce qu’on veut sur le sujet, y compris dans des romans. Hier le fanatisme islamiste s’en prenait à Salman Rushdie. Aujourd’hui, il concentre sa haine sur les images, seules capables d’enflammer des foules d’un bout à l’autre du monde musulman. Il continue à se nourrir de notre lâcheté et de notre indifférence. Et, dans nos banlieues, à séduire une fraction notable de la jeunesse (près de la moitié des lycéens musulmans selon une enquête du CNRS). On ne va pas se prendre la tête avec des problèmes pour lesquels on n’a pas de solution simple comme un slogan.

« Sur le front de la liberté d’expression, la situation est désastreuse »

Du coup, avec le recul, toute cette fièvre, toute cette union, toute cette résistance sonnent terriblement faux. Rien ne sera plus comme avant, tu parles Charles. En vérité, comme l’observe Richard Malka, l’avocat de Charlie qui, en 2007, plaida et gagna l’affaire des caricatures devant la justice, tout est pire : « Sur le front de la liberté d’expression, la situation est désastreuse. Entre politiquement correct, invectives, et peur physique, il n’y a plus de place pour la libre discussion. Et ne parlons pas du blasphème ou de la critique des religions. » On assiste plutôt à une extension permanente du domaine de l’intolérance et de l’interdit.

On ne rigole plus du tout

De ce point de vue le mouvement des gilets jaunes a, dans ses marges, révélé un climat qui gagne du terrain, galvanisé par les réseaux sociaux: on menace de mort toute tête qui dépasse ou qui vous déplaît, on tabasse un gendarme. L’adversaire est un ennemi à abattre. Certes, il s’agit seulement de quelques notes de terreur, qui suscitent immanquablement un concert indigné. On ne sache pas que l’indignation ait jamais vaincu les éructations. Rien à voir avec Charlie, dira-t-on. Sauf que, comme type individuel, le casseur/tabasseur chauffé à blanc, qu’il soit nazillon, ultra-gauchiste ou juste aveuglé par sa haine du « système », a quelques points communs avec la racaille convertie au djihad.

Enfin, le fanatisme, comme la soumission sont un état d’esprit qui peut embrasser bien des objets. On commence par avoir peur de parler de l’islam, puis ce sont les femmes, le climat ou la corrida qui sont soustraits au champ de la libre discussion. Et à la fin, non seulement on ne pense plus rien mais on ne rigole plus du tout.

Alors, mon cher Charb, passe le message aux copains : il y a des jours où on se dit que vous ne ratez pas grand-chose.

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Michel Houellebecq, un gilet jaune qui scie Niort

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La sortie du nouveau livre de Michel Houellebecq a provoqué une polémique inattendue à laquelle il fallait pourtant s’attendre: susceptible, la ville de Niort s’est offusquée d’une phrase du narrateur qui ne la met pas en valeur. 


« Et puis refuser les plateaux télé évite d’avoir à répondre à des questions idiotes, du genre: “Pourquoi dites-vous page 124 d’une femme de 50 ans qui ne vous fait pas bander qu’elle préfère ‘incriminer les antidépresseurs plutôt que ses propres bourrelets’ ? Ce n’est pas très sympa pour vos lectrices quinquagénaires!” Il est épuisant d’avoir sans cesse à rappeler la distinction entre l’auteur et le narrateur, ce b. a.-ba du roman que les présentateurs télé ignorent car ils ont, littérairement, le niveau du BEPC, lequel d’ailleurs n’existe plus. »

Frédéric Beigbeder avait donc anticipé le phénomène une semaine avant la parution de Sérotonine, le dernier né de Michel Houellebecq. Comme d’habitude, on confondrait auteur et narrateur, voire auteur et personnage. Le chroniqueur du Figmag n’avait certes pas donné l’exemple de Niort, mais l’intention y était et la polémique venue des Deux-Sèvres était déjà en gestation lorsque l’hebdo du Figaro était en vente. Houellebecq attaquait cette ville qui n’avait rien fait à personne. Et qui d’ailleurs a des coins sympas, ce dont personne ne doute.

« Niort est la ville la plus laide qui m’ait été donné de voir »

Immédiatement, une angoisse est née. Dans le manuscrit livré aux bons soins des Editions du Rocher, avais-je prêté à un de mes personnages des propos dénigrant une ville ou une région ? Y aurait-il un habitant susceptible pour lancer une fatwa sur Twitter ? L’angoisse est vite passée. Même si je vends beaucoup plus que Jean-Christophe Cambadélis, je suis beaucoup moins attendu que Michel Houellebecq, et donc beaucoup moins scruté. Mais quand même. La condition de romancier devient difficile au temps des « social justice warriors ». La tyrannie des susceptibles, si bien décrite par Polony et Quatrepoint dans leur dernière livraison commune, est désormais à l’œuvre jusque dans ce vieux pays littéraire, la France. Et c’est triste.

A lire aussi: Polony et Quatrepoint dissèquent notre déclin

Les salons du livre en province ne désemplissent pas. Plusieurs centaines de romans viennent de sortir pour la rentrée de janvier, mais il n’y a plus que quelques mauvais coucheurs pour rappeler, au cœur de la polémique, que ce n’est pas Michel Houellebecq qui trouve que « Niort est la ville la plus laide qui [lui] ait été donné de voir », mais Florent-Claude Labrouste, personnage dépressif, qui vient de se taper les bouchons à Bordeaux sur l’A10 et a découvert quelques jours plus tôt que sa petite amie participait à des gang-bangs avec des gros chiens. Perso, dans un tel état, je suis prêt à trouver Niort, mais aussi Besançon ou l’Arc de Triomphe très moches.

Défendons Niort-qui-n’est-pas-laide !

Mais les susceptibles de 2018 n’ont plus ouvert le dictionnaire au mot « contexte » depuis longtemps. Et comment les en blâmer, puisque même les présentateurs de télévision, comme l’écrit Beigbeder, ne donnent pas l’exemple. Il semble que ce soit Libé qui ait tiré le premier en balançant quelques amabilités de Florent-Claude Labrouste à la vindicte des foules de Twitter et Facebook, comme des morceaux de viande bien fraîche aux lions du zoo de la Citadelle de Besançon (une ville bien plus jolie que Niort, au passage, me souffle le narrateur de Sérotonine).

Mais puisque nous avons, quant à nous, ouvert le dico à la page de « contexte », préoccupons-nous en un peu. La sortie de Sérotonine, et sa fameuse pique à la ville de Niort, interviennent en plein cœur du mouvement des gilets jaunes, sur fond de mépris des élites parisiennes pour les petites villes de province. L’épiderme y est d’autant plus sensible. Les gens aiment leur ville et détestent par-dessus tout la voir dénigrée. Alors, tant pis si Labrouste, quelques pages plus loin, n’est guère plus tendre avec les « Parisiens écoresponsables », défendons Niort-qui-n’est-pas-laide, et fustigeons l’écrivain déconnecté qui doit préférer les vacances à Kuala Lumpur que dans la vieille province française.

Sérotonine, un hymne à cette France enracinée

Le problème, justement, c’est que Sérotonine est un hymne à cette France enracinée et une critique acerbe de la mondialisation sauvage. Michel Houellebecq se révèle donc la plus mauvaise cible qui soit. En 2018, quand une polémique naît sur les réseaux sociaux et qu’elle commence à prendre de l’ampleur, les chaînes d’information continue prennent le relais, puis TF1 et France 2, si affinités. Tout le monde a donc débarqué à Niort pour interroger les habitants dont la ville avait été ainsi dénigrée par notre écrivain national auquel, comble de l’horreur, le président de la République venait d’accorder la Légion d’honneur. Et c’est un vieux camarade de mes combats politiques, le maire Jérôme Baloge, féru de littérature, et qui connaît bien – je tiens ici à rassurer tout le monde – la différence entre auteur et narrateur, qui a dû faire le boulot de communication. Qu’auriez-vous fait à sa place ? Il n’allait quand même pas fustiger ceux qui, parmi ses administrés, avaient eu à cœur de défendre la beauté de la « Venise verte » ! La polémique offrait une campagne de promotion à sa ville et, avec flegme et humour, il en a largement profité.

En plus, la météo était au rendez-vous et mettait en valeur la cité. Combien un cabinet spécialisé aurait-il facturé une telle campagne de promotion ? Jérôme Baloge m’a répondu qu’il n’en savait rien parce que, de toute manière, Niort n’en avait pas les moyens.

A défaut de pouvoir inviter Florent-Claude Labrouste, il a donc invité Michel Houllebecq à Niort pour lui offrir de l’angélique, spécialité locale dont les vertus pour le bien-être vaudraient bien celles de la sérotonine.

Tout va donc pour le mieux du côté de Niort. En revanche, du côté de la compréhension de la littérature et du développement des polémiques à deux balles, l’angoisse demeure.

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Claire O’Petit: « Au sein de LREM, je ne me sens pas écoutée ni respectée par certains »


Ex-commerçante, la députée LREM de l’Eure Claire O’Petit est l’une des rares grandes gueules de la majorité. Celle qui présente le profil sociologique des gilets jaunes dénonce la déconnexion entre certaines élites parisiennes et le quotidien des classes populaires éprouvées par l’impôt et les
limitations de vitesse.


Causeur. En tant que députée La République en marche (LREM) très présente sur le terrain, avez-vous vu venir le mouvement des « gilets jaunes » ?

Claire O’Petit. Je n’ai pas cette prétention. Néanmoins, avant même le déclenchement de la crise, je sentais un grand mécontentement. L’été dernier, sur les marchés, dans les vide-greniers et lors de mes permanences, tout le monde me parlait de la limitation à 80 km/h de la vitesse autorisée sur les petites routes. Et le plus inquiétant, c’était le décalage entre deux visions des choses : à Paris, le gouvernement s’est justifié au nom de la sécurité, car cela évite des morts, mais nous n’avons à aucun moment débattu de la portée sociale de cette mesure. Quand on fait 60 km par jour pour aller travailler, cinq minutes supplémentaires de transport compliquent considérablement la vie. Il suffit d’un impondérable qui fait perdre du temps, oblige à accélérer pour se retrouver flashé par un radar. Chaque excès de vitesse vaut un point de permis et un PV de 45 ou 90 euros. C’est déjà ça en moins sur le pouvoir d’achat ! Quand vous avez perdu deux ou trois points, vous craignez de perdre votre permis et de ne plus pouvoir aller travailler. L’augmentation des taxes carbone n’a fait qu’enflammer la colère qui couvait.

Je comprends la détresse et le ras-le-bol des Français

Vous venez d’un milieu modeste et votre parcours de vie ressemble à celui de nombreux « gilets jaunes ». Si vous n’étiez pas députée, auriez-vous occupé un rond-point ?

Je n’aurais pas été sur un rond-point ni participé à une manifestation non déclarée. Au cours de ma vie, j’ai participé à des grèves et des mouvements sociaux sans jamais enfreindre la loi ni faire usage de violence ou dégrader des biens. Ceci dit, je comprends la détresse et le ras-le-bol des Français qui n’en peuvent plus. Après l’adoption des 80 km/h, nous étions quelques députés de la majorité à voir que cela ne passait pas en province. Nous avons aussi fait remonter au sommet le mécontentement des retraités. Au départ, même nous, les élus, n’avions pas compris que la hausse de la CSG toucherait des retraites aussi basses ! Pendant la campagne présidentielle, il ne nous a jamais été expliqué qu’un couple de retraités, avec une femme touchant une pension de 500 euros par mois et le mari 1 200 euros, allait être affecté par la hausse de la CSG.

A lire aussi: Joachim Son-Forget, député LREM : « Je ne m’écraserai pas face à la meute »

Au-delà de la fracture économique et sociale, on a le sentiment d’un fossé culturel entre les parlementaires LREM et la France périphérique. Partagez-vous ce constat ?

Oui. Au point que j’ai pensé quitter le groupe parlementaire, bien que je soutienne encore à 100 % le programme d’Emmanuel Macron. Il faut dire que je ne me sens pas écoutée ni respectée par certains. Ceci s’explique peut-être par le fait qu’au sein de LREM, nous ne nous connaissions pas, exactement comme les « gilets jaunes » ! Reste une phrase du président que je garde constamment en tête : « Je veux que les Français à la fin de mon mandat vivent mieux qu’au début. »

C’est mal parti…

Ne le croyez pas. Beaucoup de choses ont été faites. Dans un premier temps, le gouvernement a choisi de favoriser le maintien et l’implantation des entreprises en France afin de créer des emplois. Cela n’a pas empêché certaines erreurs de communication, qu’ont notamment commises de jeunes députés LREM qui passaient dans les médias en enjoignant aux retraités : « Certes, vous gagnez moins, mais pensez à l’avenir de vos petits-enfants… » Si j’avais entendu mon petit-fils de 30 ans bien coiffé dire cela à la télévision, je lui aurais mis mon pied au cul ! D’autant que nous n’avons pas à rougir de notre bilan : si on additionne tout ce qu’ont gagné les retraités depuis mai 2017, cela fait tout de même 60 euros supplémentaires par mois.

Certains députés partagent une permanence avec d’autres sociétés, comme s’ils étaient une start-up !

Allez dire ça sur les ronds-points, mais admettons. À quels autres signes voyez-vous que la plupart des élus, notamment LREM, sont déconnectés de la base ?

Certains députés partagent une permanence avec d’autres sociétés, comme s’ils étaient une start-up ! Dans ces conditions, comment voulez-vous recevoir des citoyens qui veulent vous parler de leurs difficultés avec l’administration ? Chaque semaine, je reçois au moins une vingtaine de Français qui ont des problèmes avec une banque ou les services sociaux. Ils ne viendraient sûrement pas s’exprimer si j’accueillais des sociétés dans la même pièce. D’autres députés ont une permanence cachée au fond d’une cour que personne ne connaît. Il m’a été dit que certains n’avaient même pas encore de permanence, un an et demi après leur élection !

Revenons au fond de la question sociale. Les annonces présidentielles (annulation de la taxe carbone, 100 euros de plus sur le Smic, baisse de la CSG pour certains retraités) suffiront-elles à calmer la tension ?

Emmanuel Macron a eu le ton, la gravité et l’empathie nécessaires. Pour bien connaître notre président, je peux vous assurer qu’il a entendu les « gilets jaunes ». Il a fait le maximum possible dans la limite des contraintes financières. Au quotidien, il se bat pied à pied pour obtenir les 100 euros de hausse du Smic, ainsi que la prime de fin d’année des entreprises aux salariés. Certains salariés ont obtenu jusqu’à 1 000 euros de prime, bien que ce ne soit pas facile pour les PME. Les employés des petites entreprises n’ont rien en dehors des congés payés obligatoires, ni tickets restaurant, ni primes spéciales… Certes, toutes ces annonces ne suffisent pas à apporter une réponse de long terme. Mais ce n’est que le début d’une grande négociation. À cette fin, le président a créé les conditions favorables à l’ouverture d’un débat social de trois mois avec chaque corporation. Il faut absolument qu’un consensus raisonnable émerge.

Les populistes sont des irresponsables

Votre parti est-il en mesure de participer à ces négociations ?

À l’heure actuelle, LREM n’est pas structuré pour le faire. Au départ, Christophe Castaner a été élu délégué général. Il devait y rester. Mais après sa nomination Place Beauvau, des responsables travaillant au siège, très structurés politiquement, ont été nommés dans différentes administrations. Ce noyau-là nous manque cruellement. Le nouveau délégué général, Stanislas Guerini, n’est absolument pas en cause. C’est un problème de quantité. Je pense à ces députés qui n’ont pas été élus au sein du parti, mais nommés à des postes de vice-président. Ils prennent la grosse tête et perturbent la mise en place de cette direction.

Dans son discours, le président a évoqué la question migratoire et la laïcité. Il doit donc savoir que la revendication des « gilets jaunes » concerne tout un mode de vie. Jusque-là, il incarnait le camp des ouverts, des modernes, face aux populistes à l’esprit étroit. Doit-il devenir un peu populiste ?

Populiste, non. Cela reviendrait à flatter les Français, à les faire rêver et à proposer des actions qui, si elles étaient appliquées, conduiraient notre pays à la ruine. Les populistes sont des irresponsables. Par contre, on peut rester progressiste sans pour autant oublier les classes les plus populaires. Ça, notre président le sait très bien. Par ailleurs, notre mouvement doit entamer sa mue pour se transformer en un mouvement de masse qui lui permettra de s’inscrire durablement dans le paysage politique. Au sein du groupe LREM, je compte impulser la création d’un pôle populaire et rural pour éviter des déconnexions futures avec la réalité.

M. Macron, votre grand débat doit avoir lieu dans les urnes

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Mieux vaut des empoignades d’assemblées que les caillassages du samedi. En France et ailleurs, les élections législatives anticipées sont l’issue normale des grandes crises. Une possible cohabitation ne serait une catastrophe ni pour le pays… ni pour Macron. 


Eh bien non, les Français ne sont pas des veaux ! Ils le prouvent chaque samedi de cet étrange hiver 18-19 qui ressemble à mai 68 comme une vague de reflux ressemble à une vague de flux : symétrique et inversée. Boxer les CRS sur les ponts de Paris ou attaquer à la voiture-bélier les bureaux de l’inénarrable Griveaux, voilà les réactions violentes, pleines de testostérone, d’un peuple qui refuse de se laisser mener à l’abattoir. Il est d’ailleurs probable que la fameuse phrase de De Gaulle relève plus du dépit amoureux que d’un vrai mépris.

La discussion n’est plus possible

Comme en 68, la crise des gilets jaunes est multiforme et généralisée à tout le pays : quelle n’a pas été ma stupéfaction d’apprendre samedi soir que la sage et prospère Alsace, jusqu’ici épargnée, a lancé 2 à 3 000 manifestants dans les rues de Colmar ! A une crise si générale, qui affecte des femmes et des hommes de tous âges, de tous métiers, de toutes opinions politiques, il est vain d’opposer la répression par les forces de l’ordre et la justice. La République ne peut devenir l’ennemie de la Nation. On l’a vu avec l’exemple d’Eric Drouet : son arrestation et sa garde à vue ont installé la scène où s’est déroulé le 5 janvier l’Acte VIII de cette interminable tragédie nationale.

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Le rideau ne tombera sur les émeutes qu’avec la dissolution de l’actuelle Assemblée nationale et la convocation d’élections législatives au prochain printemps. Chacun sent que les mots doivent désormais remplacer les coups et que la meilleure manière de donner la parole au peuple français, ce ne sont pas les parlotes auxquelles veut nous convier le gouvernement, parlotes qui excluent des sujets aussi brûlants que l’immigration et l’insécurité. Les meilleurs débats, ce sont les réunions électorales où les candidats et les électeurs discutent à loisir des questions plus variées, sans aucun tabou. Une solution qui par ailleurs remettrait en selle la démocratie représentative, trop décriée.

Vite des élections… 

Il ne s’agit pas d’imiter servilement l’Ancêtre fondateur qui a résolu la crise de mai 68 par les législatives de juin, mais de faire comme toutes les démocraties qui nous entourent : on appelle aux urnes chaque fois que le peuple proteste trop fort et que la situation n’est plus gérable par l’exécutif. Le Brexit comme l’échec du référendum de Renzi ont été suivis de démissions et de nouvelles élections. Mieux vaut des empoignades d’assemblées que les cassages et les caillassages du samedi.

…et la cohabitation !

Par quelles erreurs en sommes-nous arrivés là ? J’en vois trois principales. D’abord le passage du septennat au quinquennat. Comme les bêtises se font toujours avec les meilleures intentions du monde, ce changement avait pour but de donner une majorité au président élu en faisant succéder les législatives à la présidentielle. Mais il en est résulté une rigidité dans le lien entre l’exécutif et le législatif qui empêche ses moments de respiration que furent les cohabitations. Quand Mitterrand était président et Balladur Premier ministre, tout le monde se sentait représenté au pouvoir, les Français de gauche par le premier et ceux de droite par le second.

Juste proportion

La dose de proportionnelle est l’Arlésienne de la Constitution française : on en parle tout le temps, mais elle n’arrive jamais. Il est clair que la dose de proportionnelle serait une entorse à ce que voulaient le général De Gaulle et Jean-Louis Debré : un scrutin majoritaire qui dégage à l’Assemblée nationale une majorité pour soutenir le gouvernement. Mais les fondateurs de la Ve République n’avaient pas prévu le Front national et l’exclusion radicale dont il serait l’objet, qui posent à la Constitution française un problème particulier.

Chassez le FN…

La voilà, la troisième erreur, la plus grave : c’est d’avoir chassé si longtemps le Front national, ses électeurs et ses idées du débat républicain. Pendant cinquante ans on a maintenu la marmite hermétiquement fermée, elle explose aujourd’hui et se répand en flots jaunes. Magnifique exemple du retour du refoulé à l’échelle de toute une nation. Il ne fallait plus parler de nation, il ne fallait plus parler de patrie, plus parler d’identité, plus parler de frontière. La France universaliste, celle qui s’extasie devant ses beaux principes et se fait un devoir d’accueillir toute la misère du monde a imposé un silence total à celle qui n’avait que la modeste ambition pour un peuple de rester lui-même. C’est la gauche de Mitterrand qui a maintenu les lépreux de l’autre côté d’un mur infranchissable. Mais la droite de gouvernement est la principale responsable, car elle a validé ce rejet, elle a refusé tout projet d’alliance avec les immondes, elle s’est gargarisée d’avoir construit un mur infranchissable entre ses blanches brebis et les brebis galeuses de l’extrémisme. Elle n’a pas cherché ni à comprendre ses électeurs, ni à faire alliance avec ses dirigeants. Elle aurait dû savoir que tout parti extrémiste se recentre fatalement lorsqu’il a le pouvoir. Tsipras le pétroleur gauchiste est devenu un Premier ministre grec qui pactise avec les puissances d’argent et ramène son pays vers la prospérité.

…il revient au galop

Le mépris de la droite de gouvernement pour la nation a connu son apogée dans l’incroyable discours d’Eric Besson prononcé à la Courneuve en 2010 :  »La France n’est ni un peuple, ni une langue, ni un territoire, ni une religion, c’est un conglomérat de peuples qui veulent vivre ensemble. (…) Il n’y a pas de Français de souche, il n’y a qu’une France de métissage. » On dirait du Rokhaya Diallo, eh bien non, c’est d’un ministre de Sarkozy ! Eric Besson a eu beau lécher les semelles de la gauche, son ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale n’en a pas moins été considéré par celle-ci comme une officine digne du IIIème Reich.

En Italie, les gilets jaunes sont au pouvoir

Aucun autre pays que la France n’a ainsi diabolisé tout une fraction de ses citoyens. S’il y avait une justice au ciel de la République, on enverrait la facture des dégâts commis cet hiver à tous les éleveurs de murs : Sarkozy, Juppé et pratiquement tous les dirigeants de la droite de gouvernement. Et on élèverait une statue à Robert Ménard, au beau milieu de cette place qui porte le nom si beau de Concorde. Attention. Je ne prétends pas que tous les gilets jaunes soient des électeurs de Marine Le Pen et de Nicolas Dupont-Aignan. Il y a parmi eux une énorme composante mélenchoniste qui réclame le retour de l’ISF et la chasse aux riches. Etrange contraste avec nos frères latins : les gilets Jaunes français sont dans la rue tandis que les gilets jaunes italiens sont au pouvoir à Rome, avec la Ligue à droite et le Mouvement Cinq Etoiles à gauche.

Il est vrai que dans les manifestations françaises, la crainte de la perte de l’identité par immigration et islamisation ne se manifeste que discrètement : je pense pourtant qu’elle est la vraie raison d’inquiétude, encore bloquée sur les bouches par le tabou du politiquement correct. On prétend se déchaîner pour le pouvoir d’achat, on se déchaîne en réalité contre l’angoisse de sa propre disparition.

Macron, le roi de la cohabitation ?

Le président Macron, progressiste, internationaliste et mondialisateur, a réussi à fédérer sur sa personne toutes sortes de haines. Il perdrait à plates coutures des élections législatives, d’autant plus que la « dose de proportionnelle » n’ayant toujours pas été instillée, le scrutin majoritaire amènerait à l’Assembée nationale des flots de ses ennemis. Alors, un président Macron pourvu d’un gouvernement Le Pen-Mélenchon ? Ou d’un gouvernement d’union des droites, avec Robert Ménard Premier ministre ? Et puis, les gouvernements de cohabitation s’étant toujours terminés à l’avantage du président, coucou Macron le revoilà en 22 ? Peut-être vieilli, bonifié et moins anti-Français ? L’Allemagne et l’Italie savent se tirer d’affaire avec les alliances politiques les plus abracadabrantes, pourquoi pas nous ? Un mauvais compromis parlementaire vaut mieux que la guerre civile dont ces tristes samedis de l’hiver 18-19 nous donnent l’avant-goût.

Viande: êtes-vous prêt à renoncer à ça?


A l’heure des razzias vegan contre les boucheries, il est grand temps de réhabiliter la viande. Pour privilégier la qualité sur la quantité, voici une sélection de bonnes adresses parisiennes proposant des pièces de veaux, vaches, canards et cochons d’exception.


« Apportez le jeune taureau, sacrifiez-le, mangeons-le et réjouissons-nous, parce que mon fils que voici était mort, et il est revenu à la vie. » (Luc, 15)

Dans la Bible (Genèse, XVIII), Abraham reçoit la visite de trois hommes, qu’il identifie immédiatement comme des messagers de Yahvé. « Réconfortez votre cœur, après quoi vous pourrez continuer votre chemin », leur dit-il. Il ordonne à sa femme Sarah de leur préparer trois galettes de fleur de farine, puis court au gros bétail, et s’empare d’un « veau tendre et bon » qu’il prépare et sert lui-même à ses invités avec du beurre et du lait.

Les Hébreux n’étaient donc pas végétariens, mais considéraient la viande comme un mets divin, rare et précieux, qu’il fallait honorer, savourer et réserver aux grandes occasions.

Pour les Romains, qui étaient des gens pragmatiques, comme chacun sait, le mot latin vivanda désignait tout ce qui sert à conserver et à renforcer la vie. Ainsi, par extension, le mot « viande », qui est l’un des plus anciens de la langue française, fut créé pour appeler, au Moyen Âge, toutes les nourritures et les provisions. Encore au xviiie siècle, madame de Sévigné, nous apprend Alain Rey, parlait de « viandes » au sujet de ses ragoûts et de ses salades de concombre et de noix… Bref, la viande, c’est la vie.

Avons-nous donc encore le droit d’aimer la viande ?

Pour conjurer le souvenir des disettes passées (nos parents eurent faim entre 1940 et 1945), nous nous sommes mis, depuis les Trente Glorieuses, à nous empiffrer de barbaque quasiment à chaque repas, ce qui est une aberration, ne serait-ce que pour notre corps qui est incapable d’assimiler à fortes doses l’acide urique contenu dans la viande et qui est responsable de la fameuse goutte, endurée notamment par les mangeurs de gibiers faisandés.

Banalisée, insipide, indigeste et chargée de souffrance animale, la viande a donc perdu aujourd’hui son aura sacrée et son statut d’objet culturel (contrairement au vin, au pain et au fromage). Les grands chefs, du reste, l’utilisent de moins en moins et lui préfèrent les légumes « grands crus », vendus au prix du caviar, pendant que les mangeurs de tofu attaquent les boucheries et libèrent dans la nature les lapins Rex du Poitou, au nom d’un véganisme fondamentaliste érigé en contre-culture, comme si acheter des steaks végétaux faisait d’eux des révolutionnaires.

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Dans le très beau livre illustré consacré à la viande, Louchebem, conçu et édité en 2011 par Valérie Solvit, Claude Lanzmann nous fait part de son amour des bouchers : « Si mon fils, qui vient d’entrer en lettres supérieures au lycée Henri IV, m’avait confié son désir de devenir boucher, je lui aurais donné ma bénédiction et aurais tout fait pour qu’il soit instruit dans les meilleures écoles et qu’il fasse son apprentissage chez les plus grands bouchers. (…) Aujourd’hui, le temps des bouchers est venu. Ils exercent le plus noble des métiers et sont les moins barbares des hommes. »

Il y a deux mille quatre cents ans, Tchouang-tseu, le fondateur du taoïsme, considérait l’art de la découpe, chez les bouchers, comme un modèle de force tranquille, de beauté et de sagesse : « C’est l’esprit qui opère, plus que les yeux. Un médiocre boucher use un couteau par mois, parce qu’il le brise sur les os ; alors qu’un bon boucher use un couteau par an, parce qu’il ne découpe que la chair. Le boucher d’exception garde son couteau toute sa vie, il a travaillé plusieurs milliers de bœufs, son tranchant donne l’impression qu’il vient d’être aiguisé… »

Non seulement les bons bouchers sont doux comme des agneaux, non seulement ils maîtrisent l’art de la découpe, mais, à leur contact, on apprend aussi sans cesse quelque chose. Comment, par exemple, un animal doit accomplir sa croissance, de façon harmonieuse, afin que ses masses musculaires et graisseuses soient proportionnées à son squelette. À quel moment de l’année il vaut mieux déguster un canard de Chalosse ou un porc noir de Bigorre (en décembre), un bœuf fin gras du Mézenc nourri au foin d’Auvergne et à la réglisse sauvage (à partir de février), un agneau prés-salés du mont Saint-Michel (pas avant le mois de juin). Comment, surtout, il faut laisser reposer une viande autant de temps qu’on a mis à la cuire. Voici une sélection d’adresses parisiennes où toutes ces règles sont respectées à la lettre.

Le Mordant

Dans le 10e arrondissement, ce restaurant de 120 m2 occupe la place d’un ancien supermarché. Le parquet en chêne est du xixe siècle, les murs en pierre de Paris s’élèvent à quatre mètres de hauteur. Lucas Blanchy, le patron, était naguère sommelier au Lafayette Gourmet. Sa devise est qu’on ne vient pas chez lui pour manger de la cuisine toute molle, mais pour mordre à pleines dents des viandes d’exception, parfaitement cuites et assaisonnées. « Chaque morceau a sa texture et se travaille différemment, c’est ça qui est passionnant. » Son plat phare est le tataki de bœuf, une pièce peu grasse et épaisse saisie à la plancha après avoir mariné dix-huit heures dans une sauce teriyaki au soja, à la bière brune, aux herbes et aux épices. On découpe des tranches très fines auxquelles on ajoute de l’avocat et de la coriandre. Un régal de tendreté qui appelle l’exceptionnel beaujolais « Cuvée tentation » de Jean-Claude Lapalu (28 euros la bouteille). Toutes les viandes proviennent d’éleveurs artisanaux, comme Samuel Fouillard, dans l’Aisne, qui s’est spécialisé dans le taureau Aberdeen Angus, originaire d’Écosse. Toutes les bêtes sont gardées de 18 à 30 mois dans les pâturages (et à l’étable l’hiver), sans stress, et ne sont nourries qu’à l’herbe, au foin et aux céréales (pas d’ensilage qui donne un goût atroce). Après avoir été grillées et poilées, les viandes reposent vingt minutes, et ainsi se détendent, redeviennent moelleuses, et libèrent leur jus et leurs goûts d’herbes, de fleurs et de noisette, sublimés par la sauce béarnaise maison… Mais le plus délicieux, ce sont encore les « bas morceaux », réputés secs et pas nobles, que Lucas Blanchy fait cuire deux jours dans du vin et du fond de veau, avant de les servir effilochés, tendres et croustillants, avec du chou rave caramélisé, des carottes confites et une purée de pommes de terre à la crème et au beurre.

Le Mordant (21 euros le menu à midi, 50 euros le soir, vin compris), 61, rue Chabrol, 75010 Paris, Tél : 09 83 40 60 04

La Poule au pot

À l’intérieur, rien n’a changé depuis 1935, ni le papier peint, ni le zinc, ni les banquettes, ni les lustres. À l’origine, La Poule au pot était une boucherie, comme nous le rappelle son sol en pente qui permettait au sang de s’écouler jusque dans la rue… En juin 2018, cette institution nocturne des Halles a été reprise par le grand chef deux étoiles Michelin Jean-François Piège. La carte n’a pas changé d’un iota et on se brûle toujours avec la légendaire gratinée à l’oignon et aux croûtons, dont le fromage fondu s’étire sur 50 cm (difficile de rester distingué en faisant « schlurp »…). Le changement, c’est que Piège a élevé le niveau en utilisant les mêmes produits que pour son restaurant gastronomique situé entre l’Élysée et la Madeleine (Le Grand Restaurant). Ainsi les cuisses de grenouilles en persillade viennent-elles de France (et non de Turquie), les volailles de Bresse et les viandes de la boucherie Metzger, à Rungis. « Ces dernières années, le niveau de qualité des produits de base, comme le lait et les œufs, s’est effondré, regrette Piège, quand on les goûte, c’est une horreur. Je suis obligé d’aller chercher mon beurre, ma crème, mon lait et mes œufs dans des petites fermes au fin fond de la Bretagne. » C’est pourquoi sa blanquette de veau et son île flottante aux pralines roses sont mémorables ! Sa poule au pot est cuite au bouillon, avec des herbes et des abats, accompagnée de bon riz blanc. Et entre le hachis parmentier de joue et de queue de bœuf et le quasi de veau au four, aux girolles et à la crème parfumée au savagnin, notre cœur balance… Surtout, le lieu est bon enfant et typiquement parisien. La plupart des clients sont des habitués qui viennent déjeuner deux fois par semaine. La vaisselle a été chinée par le chef. La carte des vins est géniale et accessible. Parfois, un chanteur de l’opéra de Paris se lève en plein milieu du repas et se met à chanter…

La Poule au pot (menu à 48 euros), 9, rue Vauvilliers, 75001 Paris

Le Relais de Venise – Son entrecôte

Créée en 1959 près de la porte Maillot par un vigneron de Gaillac, Paul Gineste de Saurs, cette maison est une adresse culte. Midi et soir, il faut faire la queue, car il n’y a pas de réservations, les premiers arrivés sont les premiers servis… D’abord réservée aux routiers, cette maison au décor inchangé, digne des Tontons flingueurs, a reçu la visite des grands de ce monde : la famille du shah d’Iran, Alain Delon et tous les présidents de la Ve République. Son principe ? Un plat unique, entrecôte-frites précédée d’une salade aux noix (pour patienter), le tout accompagné d’une sauce maison assez incroyable dont la formule, inventée par le fondateur, n’a jamais été divulguée. Évidemment, les autres membres de la famille Saurs n’ont pas manqué de reprendre le concept et de créer des « Entrecôtes » ou des « Relais de l’entrecôte » un peu partout en France, à Paris, et même à l’étranger, mais, pour les puristes, l’original historique, le seul, le vrai, c’est le Relais de Venise : son entrecôte, dans le 17e arrondissement.

Entre les tables bondées, d’admirables serveuses toutes de noir vêtues se faufilent comme des anguilles. On y est serré, les uns à côté des autres, mais c’est cette promiscuité dissoute dans le brouhaha qui assure la confidentialité des conversations. À côté de nous, une dame de 70 ans, madame Toussoun, Égyptienne d’origine, vient ainsi déjeuner ici chaque semaine depuis l’âge de 16 ans ! La même boucherie de quartier, de la famille Pétard, fournit le restaurant depuis 1959. Trois mille cinq cents vaches par an, soit dix vaches par jour. Le contre-filet grillé est présenté en tranches fines, en deux services, afin que la viande reste chaude. La fameuse sauce blanche maison, qui contiendrait près de 70 ingrédients, est aussi indescriptible qu’ensorcelante. Les frites maison, quant à elles, sont parfaites, pelées, coupées et lavées chaque matin avant d’être cuites deux fois, comme c’est la règle.

Le Relais de Venise – Son entrecôte (menu unique à 28 euros), 271, boulevard Pereire, 75017 Paris, Tél : 01 45 74 27 97

Le meilleur steak de Paris ? 

Beefbar a ouvert ses portes rue Marbeuf en novembre dernier et c’est déjà un événement. Deux années de travaux ont permis de restaurer la magnifique salle Art nouveau de 1890, inscrite aux Monuments historiques, et qui avait été emmurée pendant la guerre pour échapper aux Allemands. Le cadre est somptueux, donc, mais on s’y rend surtout pour la viande, d’une qualité exceptionnelle. Né à Gênes en 1975, Riccardo Giraudi, le fondateur, importe des viandes d’exception du monde entier. Il est ainsi l’importateur exclusif, en Europe, du mythique bœuf noir de Kobe, au Japon, vrai caviar sur pattes, massé deux fois par jour pendant trois ans, nourri aux herbes et aux céréales et terminé au houblon et à la bière. Après l’abattage, sa carcasse repose vingt jours pour atteindre la maturité. Le résultat est une viande marbrée, incroyablement grasse, qui fond dans la bouche, qu’il faut découper en fines tranches et cuir très vite sur une plaque chauffante.

Riccardo Giraudi propose aussi des viandes somptueuses d’Écosse, des États-Unis, d’Australie, des Pays-Bas et même… de France. « Une bonne viande est une viande constante. Deux facteurs sont déterminants : la génétique de l’animal, et son alimentation. Or, il y a eu trop de croisements en Europe, entre races à viande et races laitières, ces dernières années, et les bons éleveurs sont rares. Il vaut donc mieux manger peu de viande, mais de la bonne, à 50 euros le steak, une fois de temps en temps… »

En France, le standard est la génisse de 7 ans, alors qu’en Italie, on préfère le jeune bœuf de 18 mois, question de culture et de goût. Au Beefbar, la viande est cuite très vite à 1 000 degrés, grillée par le dessus, et assaisonnée d’herbes de Provence, de fleur de sel et d’épices pour lui donner du croustillant. Quinze purées différentes, relevées au citron vert ou à la truffe blanche… « J’ai voulu introduire les recettes de la “street food” populaire et internationale dans l’univers guindé du restaurant gastronomique, on se régale donc sans complexe avec des burgers, des tacos, des tatami et des pizzeta… »

Beefbar (menu déjeuner à 35 euros, 80 euros le soir avec le vin), 5, rue Marbeuf, 75008 Paris

Le retour des vrais bistrots

À deux pas de la place Saint-Georges, dans ce qui demeure l’un des quartiers les plus agréables de Paris, entre le musée Gustave-Moreau et le Musée de la vie romantique, voici un bistrot vivant comme on les aime. Quand on découvre sa façade, son zinc et son carrelage, on a le sentiment qu’il a toujours été là, intemporel, alors qu’il n’a été créé qu’il y a cinq ans, par un amoureux des bons produits : Benoît Duval-Arnould.

Tête de veau ravigote, carpaccio de veau au couteau, tartare de bœuf, os à moelle de vache normande, culotte d’agneau de Lozère mijotée dix heures… Benoît se fournit en direct auprès d’une quinzaine de producteurs et de bouchers d’exception, comme Gabriel Gauthier, le célèbre boucher de Clermont-Ferrand, qui lui expédie parfois un très rare « veau de soie » au grain très fin : « On reçoit un demi-veau entier, et notre métier, avant de le cuisiner, avec des légumes et des pommes de terre truffées, c’est de savoir découper et parer la viande. »

Pierre-Vincent Prieux, de la Ferme des abbés, dans le Gâtinais, lui livre des chapons dodus à pleurer, pendant que le beau gosse Jean-Baptiste Bissonnet, septième génération des fameuses Boucheries nivernaises (créées sous Napoléon III, et qui fournissent l’Élysée et les plus grands palaces de Paris) lui propose des chevreuils entiers et des côtes de bœuf Simmental de Bavière, bien denses et persillées, comme les aimait Wagner.

« Nous sommes des aubergistes, déclare Benoît, nous faisons le lien social entre les citadins et les paysans, entre les patrons et les ouvriers, entre les vieux et les jeunes, nous restaurons, nous faisons du bien, nous apportons du plaisir, nous évacuons la violence, si les bistrots cessaient d’exister, nous serions tous à l’asile ou en prison ! »

À la carte, 1 250 références de vins. La carte change trois fois par semaine. Le millefeuille fait minute « mérite à lui seul le voyage », comme on disait au Guide Michelin autrefois…

Le Bon Georges (menu à 21 euros à midi), 45, rue Saint-Georges, 75009 Paris

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« Asako I & II » : le premier amour est toujours le dernier

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Asako I&II, le dernier film de Ryūsuke Hamaguchi, raconte l’histoire d’une jeune japonaise qui perd son premier amour et s’apprête à se marier, quelques années après, avec un homme similaire. Vous en sortirez bouleversé. 


Je fais toujours confiance à Éric Neuhoff. Parce qu’il est un excellent écrivain et que les écrivains parlent souvent mieux du cinéma que les professionnels de la critique. Ils ont déjà un énorme avantage sur ces derniers : ils savent écrire. Aussi, pour ne pas remonter trop loin dans le temps, quand Éric Neuhoff m’a incité à voir Cold War du Polonais Pawel Pawlikowski – avec Joanna Kulig, admirable – ou Leto du russe Kirill Serebrennikov, je n’ai pas hésité et je n’ai pas été déçu : ils resteront dans ma mémoire comme deux des très grands films de l’an passé.

Maya I, Maya II…

Et voici en ce début de l’an 2019 : Asako I&II du Japonais, Ryüsuke Hamaguchi, avec la sublime Erika Karata, film dont Éric Neuhoff  observe qu’il y a quelque chose de quasiment proustien dans ce Vertigo à l’envers. Le premier amour ne s’efface pas. Tout ce qui suit n’en est que l’écho. Chacun feint de l’ignorer, mais personne n’est dupe.

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La première fille que j’avais aimée à Lausanne s’appelait Maya (en sanscrit : l’illusion). La deuxième, je l’avais surnommée Maya 2. Ensuite, les numéros ont succédé aux numéros : nous n’aimons jamais que la même personne, même et surtout si nous voulons échapper à cette malédiction. Proust parlait de notre « poupée intérieure ». En est-il de même pour les femmes ?

Rendez-vous avez Asako

C’est toute l’histoire d’Asako I&II. Je me garderai bien de la déflorer. Mais s’il vous reste ne serait-ce qu’un vague résidu de sentimentalité, alors ne ratez pas ce rendez-vous avec Asako : vous en sortirez bouleversé. Et comme le dit Éric Neuhoff : ce n’est pas la pire manière de commencer l’année. Le Japon est aussi surprenant que le cœur des jeunes filles.

Joachim Son-Forget, le député macroniste par excellence

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Les bouffonneries sur Twitter de l’ex-député de la Macronie reflètent à merveille le dérèglement communicant du président. Joachim Son-Forget est le digne apprenti de Dark Macron.


Joachim Son-Forget est le député qui, peut-être, résume le mieux les temps que nous traversons. Son prurit numérique des derniers jours sur Twitter est tout autant un révélateur qu’un défi. Gloire à celui par qui le scandale arrive ! La force des fous réside dans leurs farces !

Joachim Son-Forget est à ce stade le fou de la macronie, dont on mesure qu’elle nous dit intuitivement quelque chose des pathologies du pouvoir, de tout pouvoir. Bien sûr, d’aucuns, plus subtils, y verront une entreprise tactique pour oblitérer les relents suggestivement sexistes d’un parlementaire incontrôlé et incontrôlable. Soit. Mais autre chose, de bien plus profond s’exprime à travers les scansions improvisées du député « freestyle ». En se moquant délibérément du qu’en-dira-t’on, sa quête du buzz improbable rappelle l’immaturité intrinsèque de la nouvelle scène politique, qui a poussé si loin l’exercice du « storytelling » qu’elle a libéré toutes les transgressions possibles et imaginables.

Avant Joachim Son-Forget, il y a eu Macron à Saint-Martin

C’est bien le président qui a autorisé ce « live » permanent qu’est devenu le macronisme. Par ses petites phrases sur-soulignées au rythme échevelé de la « twittosphère », ses postures improbables entre un dance floor inattendu sur les marches de l’Elysée et des selfies « cailleras » aux Caraïbes, Emmanuel Macron a tout simplement oublié cet esprit du Louvre qui avait heureusement inauguré son mandat. La solennité s’est dissoute dans la griserie de succès trop facile. On avait oublié la jeunesse du président à ses débuts ; il aura par imprévoyance communicante réussi à nous la rappeler cruellement.

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Tout depuis en découle – ou presque : le secrétaire d’Etat Marlène Schiappa, espèce new-look de Madame Sans-gêne du politiquement correct, peut doctement expliquer comment attacher ses cheveux, et le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, nous annoncer, non sans fatuité, dans un teasing à contretemps, la parution sous 24h de son prochain entretien dans… Closer !

Le digne apprenti de son maître

C’est dans cette nouvelle économie communicante, tout aussi désinvolte qu’insolente, que s’inscrivent les frasques du malicieux Son-Forget. Lui, au moins, ne feint pas l’authenticité ; il pousse les feux du « borderline » jusqu’aux confins d’un absurde où s’entremêlent des épices dadaïstes à des opiacés oulipesques. Il contrefait la sottise d’un monde, un brin ivre d’une providence inattendue, pris à son propre piège. Faut-il l’en blâmer ? Après tout, il n’a pas ouvert les portes de Pandore du dérèglement communicant ; il s’y est juste engouffré avec la souplesse du félin.

Ce faisant, il est allé plus loin mais en cassant, volontairement ou pas, le morceau. En défiant délibérément les instances de son parti, en ridiculisant la marque dont il est issu, il a planté le dernier clou sur le cercueil de la verticalité dont le premier des marcheurs s’était fait le chantre. Joachim Son-Forget « métaphorise », en outsider venu des provinces de la dérision et de la déraison, une atmosphère de refus, de résistance, de rejet dont les gilets jaunes, ailleurs, constituent l’avant-garde tumultueuse. C’est de l’intérieur que le symbole de la subversion se fait le plus éclatant peut-être, car le plus grotesque !

L’indiscipline qu’il oppose à la bonne tenue de son parti et aux usages de la bienséance bourgeoisement institutionnelle, aussi excessive soit-elle, est l’aveu d’une époque qui tremble sur son axe.

Le Bartleby de la Macronie

Fort de sa tendance Groucho-Marx prodigue, l’ex-marcheur renvoie non seulement à l’envers du décor, autrement dit à une partie de sa vérité cachée, mais il reproduit ce je-ne-sais-quoi de révolte qui sature l’air de bien des samedis du moment. Refusant de rentrer dans le rang, sa subversion en fait un Bartleby de la start-up nation. Le jeune parlementaire s’oppose aux objurgations de sa maison-mère mais il le fait, non pas avec l’inertie impavide du héros du récit d’Herman Melville, mais avec cette débauche de bouffonneries immédiates et incessantes qu’autorise la fièvre numérique.

Joachim Son-Forget ou le premier « dissident » d’un « nouveau monde » qui avait trop cru à l’illusion du marketing…

La fin de la com'

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Yann Moix: pourquoi combattre la banalité du mâle?

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L'écrivain Yann Moix photographié en 2018 © Sarah ALCALAY Sipa.

L’écrivain Yann Moix a confié à Marie Claire ne pas pouvoir coucher avec des femmes de 50 ans et leur préférer celles de 25. Il n’en fallait pas plus pour scandaliser les twittos quinquas et autres féministes en quête d’un nouveau méchant. Pourtant, ce tropisme jeuniste est si banalement humain…


Depuis dimanche soir, nous avons vu fleurir de bien étranges posts sur les réseaux sociaux. Des nuées de quinquagénaires se sont toutes mises à écrire: « Nous non plus, Yann Moix, on ne veut pas de toi » ou quelque chose d’approchant. La raison ? Une interview de Yann Moix dans Marie Claire où il déclare : « Je suis incapable d’aimer une femme de cinquante ans. Je trouve ça trop vieux » et où il dit préférer « les corps de vingt-cinq ans ».

Tempête sous un crâne féminin

La femme de cinquante ans que je suis depuis peu, s’est bien sûr, jointe à la curée. Je dois dire que mon sang ne fit qu’un tour. Cependant, au vu des réactions de plus en plus violentes du lendemain, j’ai un peu réfléchi.

Ces derniers jours, Twitter s’est transformé en site de rencontre pour MILF. En effet, des selfies de quinquas bronzées, pomponnées, brushinguées, conservées, ont surgi de toute part, assortis de posts du genre: « Yann Moix, j’ai 52 ans et je t’emmerde », ou encore: « Tu aimes les femmes asiatiques car tu as une petite bite. » Il faut dire que Moix avait également enfoncé le clou en déclarant préférer les asiatiques. L’ombre de Houellebecq plane. La très BCBG et aérienne Colombe Schneck a même posté une photo de son popotin vite censurée par Twitter. C’est la révolution des utérus pré-ménopausés !

Mais j’ai décidé d’écrire cette tribune, lorsque l’incorrigible Laurence De Cock s’est fendue du tweet suivant : « Un jour, peut-être, @marieclaire_fr, vous donnerez la parole à des femmes de vingt-cinq ans qui diront à quel point elles sont fatiguées d’alimenter les fantasmes des mecs de cinquante balais, boursouflés d’égo, dont la visibilité ne repose que sur le spectacle médiatique que vous nourrissez ».

Non, Laurence. À vingt-cinq ans, j’aurais adoré faire bander un écrivain.

Les quinquas, des débridées du c…

De quoi cette déferlante provoquée par une déclaration relativement anodine de Yann Moix (les hommes d’âge mur ayant un penchant pour les nymphettes, c’est vieux comme le monde), est-elle le nom ? Elle nous parle d’abord des femmes de cinquante ans, qui malgré les dires de Yann Moix, ne sont plus invisibles du tout. Au contraire, ces enfants de 68, à la sexualité libre et totalement assumée, sont bien souvent plus sexy que certaines jeunes filles.

Je pense également que, nous post-soixante-huitardes, nous ne vieillissons pas et cela, même malgré nous.

C’est pour cela que les déclarations de Moix m’ont parues injustes.

Cela nous parle également de la probable immaturité affective de l’écrivain, qui se drape dans une posture bien connue, de Gainsbourg à Montand, de l’homme au charme certain, mais au physique décati, s’affichant au bras de jeunes filles en fleur.

Yann est un peu vintage et ça me plait. C’est dommage, car nous en oublions qu’il est un écrivain. Son dernier roman, Rompre, (paru chez Grasset, le 2 janvier), que j’ai parcouru, a l’air de valoir la peine. C’est superbement écrit, il y évoque une rupture amoureuse, sa vision du couple, le fait qu’il ne peut ni vivre à deux, ni vivre seul. Peut-être avons-nous là un indice quant à sa déclaration.

Il y cite enfin Péguy, qui est mort à la guerre car il fuyait un chagrin d’amour : « Il est mort par la France et non pour la France. » Cela résonne fort joliment en cette période trouble.

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Le jour où Alexandria Ocasio-Cortez sera présidente des Etats-Unis

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Alexandria Ocasio-Cortez, novembre 2018. Sipa. Numéro de reportage : AP22273804_000001.

29 ans, latina, à la gauche du Parti démocrate, Alexandria Ocasio-Cortez est une des nouvelles élues américaines à la Chambre des représentants qui fait le plus parler d’elle. Comme si cela ne suffisait pas, sa proposition de surtaxe des plus hauts revenus fait chavirer Jérôme Leroy.


Dès qu’Alexandria Ocasio-Cortez sera élue présidente des Etats-Unis, je me ferai naturaliser américain. Si on m’avait dit que je finirais ma vie aux USA, à écrire des poèmes en regardant la mer… Je pense choisir l’Oregon. Il y a des vignobles qui commencent à faire de bons vins biodynamiques.

Bernie Sanders en jeune

Alexandria Ocasio-Cortez n’a pas trente ans et elle est vraiment de gauche. La preuve, les Républicains lui reprochent d’avoir dansé sur les toits de Boston quand elle était étudiante, les Démocrates « centristes » d’être une quasi-communiste et les médias d’être trop « radicale. » « J’entends dire que le Parti Républicain pense que les femmes qui dansent sont scandaleuses. Attendez qu’ils découvrent que les femmes parlementaires dansent aussi ! », a-t-elle persiflé.

Et en plus, AOC, comme on la surnomme, a le sens de la formule. C’est Bernie Sanders en jeune, et en sexy. D’ailleurs, elle a fait sa campagne lors de la dernière présidentielle. Bernie, le seul qui aurait pu battre Trump, il a quand même 77 piges. Il a été poignardé par Clinton et on a vu le résultat.

Le diable s’habille en rouge

Alexandria Ocasio-Cortez siège désormais, après sa victoire en novembre, à la Chambre des représentants, comme élue de la 14ème circonscription de New-York, entre Bronx et Queens. Elle veut imposer à 70% les revenus supérieurs à 10 millions de dollars annuels, pour financer un New deal écologique. Quand on n’a pas trente ans, on n’a pas envie de voir l’humanité finir avec soi. Ne jamais sous-estimer le facteur de l’âge chez les climatosceptiques, ce côté « après moi le déluge ! » entre un T-Bone Steak et un plein de trois cents litres tous les dix kilomètres pour le Hummer.

A lire aussi: Ecologie et compagnie, les combats de la gauche ne sont plus ceux du peuple

Un prix Nobel d’économie, Paul Krugman, trouve l’idée tout à fait jouable alors qu’on a fait des malaises cardiaques en série du côté de Wall Street quand AOC a osé causer de ça dans le poste. Krugman et elle ont rappelé que c’était encore plus imposé que ça sous Roosevelt et pratiquement jusqu’à Reagan. Elle veut aussi la gratuité de l’enseignement supérieur et de la santé qui seraient financés par une fiscalité adéquate ainsi que la destitution du Père Ubu péroxydé. Bref, elle est le diable: jeune, femme, belle, latina, rouge.

Le monde de Trump et Bolsonaro

Alors, quand on en sera à notre cinquième cohabitation Macron-Le Pen ou Le Pen-Macron, qui sont les deux éléments de la même totalité structurante, quand la France sera devenue un petit Taïwan hargneux et raciste, ultralibéral, pollué, ultrasécuritaire avec des auto-entrepreneurs qui bosseront jusqu’à 75 ans pendant qu’on dégagera les derniers ronds-points à la mitrailleuse lourde parce qu’on aurait, d’après la DGSI, repéré un soralo-dieudonniste dysorthographique vers Montargis, je partirai. J’aurais bien choisi le Brésil comme Bernanos mais là, ça ne va pas être possible, avec le Trump à la mode samba et escadron de la mort.

Je suis sûr qu’Alexandria Ocasio-Cortez présidente sera cool avec les demandeurs d’asile, même ceux qui, comme mézigue, ont un anglais désastreux.

La Fin du rêve américain?

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Au Brésil, Bolsonaro tient son Blanquer

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Le président brésilien Jair Bolsonaro, janvier 2019. SIPA. AP22288479_000005

Profs de gauche, aux abris ! Le probable futur ministre de l’Education du nouveau président Jair Bolsonaro a le profil pour donner un coup de pied dans la fourmilière progressiste brésilienne. Et enrayer la chute du niveau scolaire.


Décrié sur la scène internationale, le nouveau président brésilien Jair Bolsonaro a pris ses fonctions le 1er janvier. Pour couper court aux critiques, ce nationaliste dur tente de donner des gages sans renier son projet de lutte contre le gauchisme culturel. Ainsi, nommera-t-il sans doute le Brésilo-Colombien Ricardo Velez Rodriguez, 75 ans, ministre de l’Éducation. Intellectuel de haut vol, formé notamment en France, à l’EHESS, ce spécialiste de Tocqueville a quitté la Colombie à la fin des années 1970 avant d’assister à la mise en coupe réglée de l’université brésilienne. Sous la dictature militaire (1964-1985), la gauche a su admirablement conquérir le pouvoir culturel alors qu’elle avait perdu la guerre politique. C’est ainsi qu’un gros tiers des Brésiliens est devenu socialiste, préparant l’arrivée aux affaires du Parti des travailleurs de Lula au début des années 2000.

Bonnet d’âne pour les « cultural studies »

Aussi, Velez Rodriguez a-t-il devant lui un double défi considérable : rompre avec l’idéologisation des enseignements et enrayer la chute du niveau scolaire. Les élèves brésiliens ayant le bonnet d’âne du classement Pisa qui évalue le niveau en mathématiques (58e sur 65 pays) et en lecture (55e), les plus aisés déboursent entre 1 000 et 2 000 euros par mois pour scolariser leur progéniture dans des écoles privées hors de prix. La faute en incombe notamment aux professeurs du secteur public, qui se prennent pour des clercs marxistes chargés de défaire la semaine ce que le pasteur évangélique a fait le dimanche. Acquise aux « cultural studies », la dernière session du baccalauréat local (ENEM) a atteint des sommets de grand-guignol en novembre dernier. Les candidats ont dû analyser un texte écrit en pajuba, le « dialecte des travestis », puis disserter sur le « baiser lesbien de la grand-mère ». À aucun moment, il n’est précisé que l’extrême violence qui touche gays et transgenres brésiliens est majoritairement le fait du crime organisé…

Quatre ans après, la France n’est plus Charlie

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Hommage à Charlie Hebdo le 15 janvier 2015 dans Paris. ©JOËL SAGET / AFP

Où est passée la France du 11 janvier ? Quatre ans après l’attentat de Charlie Hebdo, la rédaction du journal vit dans un bunker, l’islamisme gagne toujours du terrain et de plus en plus de sujets sont décrétés indiscutables. Bref, on ne rigole plus du tout. L’édito d’Elisabeth Lévy. 


Il y a quatre ans, les rues de France étaient pleines d’une foule sortie spontanément, brandissant des stylos ou des bougies, pour dire son refus de céder sur sa liberté de penser et de déconner. « Je suis Charlie » : en quelques jours, ce cri silencieux bordé de noir se répandait dans tout le pays ou presque, qui défilait pour sa liberté le 11 janvier. La France est debout, juraient les gouvernants.

Avec le temps tout s’évanouit…

On ne peut pas commémorer éternellement. Quatre ans et une quinzaine d’attentats plus tard, les oursons, les bougies et les incantations sentimentales ne sont plus de mise. On ne s’en plaindra pas, même si on aurait aimé qu’Emmanuel Macron se saisisse de cette occasion pour honorer le journal martyr, dont il n’a pas cru bon, depuis son élection, de prononcer publiquement le nom. Les cérémonies se font plus sobres, les articles sont relégués en pages intérieures et, dans les émissions de télé et de radio, le sujet n’arrive qu’en troisième ou quatrième position, après les gilets jaunes et le procès Barbarin. C’est la loi de l’actualité. On n’oublie pas Cabu, Charb, Honoré, Marris, Tignous, Wolinski et toutes les autres victimes. On se rappelle souvent, à mille petites choses, à quel point le monde est moins joyeux sans eux. La vie, évidemment, a repris ses droits.

A lire aussi: La guerre contre Charb aura bien lieu…

Ce lent travail du temps peut attrister, mais il n’a rien de choquant. Ce qui enrage, c’est que la France n’est plus du tout Charlie. Quatre ans après le 7 janvier 2015, elle semble avoir collectivement oublié les raisons qui l’ont fait descendre dans la rue le 11 janvier. Nous défendions, disons-nous, le droit séculaire de la France laïcarde de bouffer du curé de toute obédience. Face à la volonté affichée par l’islam radical de faire taire toute critique et d’étouffer toute dissidence par la menace et l’intimidation, la France de la liberté d’expression, l’un des droits les plus précieux de l’homme selon la Déclaration de 1789, résisterait, c’était juré. On sait ce qu’il en est aujourd’hui.

Au royaume des peureux, l’islamisme est roi

La rédaction de Charlie Hebdo vit dans un bunker (payé par ses soins), des dizaines de personnes, menacées par des djihadistes, sont toujours sous protection policière. Philippe Val, qui publia en 2006 les caricatures de Mahomet, a vu sa protection drastiquement renforcée au printemps après avoir initié une pétition contre l’antisémitisme demandant aux Musulmans de se livrer à une réinterprétation de leurs textes. En décembre, Zineb el Rhazoui, une ancienne de Charlie qui vit également sous haute protection, a reçu des flopées de menaces pour avoir déclaré, sur le plateau de Pascal Praud : « Il faut que l’islam se soumette à la critique, à l’humour, aux lois de la République, au droit français. »

Il est fort probable que, si un journal s’avisait aujourd’hui de publier des caricatures de Mahomet, tout le monde hurlerait à la provocation. On nous expliquerait qu’il est mal de se moquer de la religion des autres, et que c’est le vieux racisme français qui explique cette inquiétude à l’égard de l’islam. De toute façon, personne ne le fera, car tout le monde a peur. Il est vrai que, quand on n’est pas musulman de naissance, on peut écrire à peu près ce qu’on veut sur le sujet, y compris dans des romans. Hier le fanatisme islamiste s’en prenait à Salman Rushdie. Aujourd’hui, il concentre sa haine sur les images, seules capables d’enflammer des foules d’un bout à l’autre du monde musulman. Il continue à se nourrir de notre lâcheté et de notre indifférence. Et, dans nos banlieues, à séduire une fraction notable de la jeunesse (près de la moitié des lycéens musulmans selon une enquête du CNRS). On ne va pas se prendre la tête avec des problèmes pour lesquels on n’a pas de solution simple comme un slogan.

« Sur le front de la liberté d’expression, la situation est désastreuse »

Du coup, avec le recul, toute cette fièvre, toute cette union, toute cette résistance sonnent terriblement faux. Rien ne sera plus comme avant, tu parles Charles. En vérité, comme l’observe Richard Malka, l’avocat de Charlie qui, en 2007, plaida et gagna l’affaire des caricatures devant la justice, tout est pire : « Sur le front de la liberté d’expression, la situation est désastreuse. Entre politiquement correct, invectives, et peur physique, il n’y a plus de place pour la libre discussion. Et ne parlons pas du blasphème ou de la critique des religions. » On assiste plutôt à une extension permanente du domaine de l’intolérance et de l’interdit.

On ne rigole plus du tout

De ce point de vue le mouvement des gilets jaunes a, dans ses marges, révélé un climat qui gagne du terrain, galvanisé par les réseaux sociaux: on menace de mort toute tête qui dépasse ou qui vous déplaît, on tabasse un gendarme. L’adversaire est un ennemi à abattre. Certes, il s’agit seulement de quelques notes de terreur, qui suscitent immanquablement un concert indigné. On ne sache pas que l’indignation ait jamais vaincu les éructations. Rien à voir avec Charlie, dira-t-on. Sauf que, comme type individuel, le casseur/tabasseur chauffé à blanc, qu’il soit nazillon, ultra-gauchiste ou juste aveuglé par sa haine du « système », a quelques points communs avec la racaille convertie au djihad.

Enfin, le fanatisme, comme la soumission sont un état d’esprit qui peut embrasser bien des objets. On commence par avoir peur de parler de l’islam, puis ce sont les femmes, le climat ou la corrida qui sont soustraits au champ de la libre discussion. Et à la fin, non seulement on ne pense plus rien mais on ne rigole plus du tout.

Alors, mon cher Charb, passe le message aux copains : il y a des jours où on se dit que vous ne ratez pas grand-chose.

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Michel Houellebecq, un gilet jaune qui scie Niort

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Michel Houellebecq, novembre 2018. SIPA. 00885251_000019

La sortie du nouveau livre de Michel Houellebecq a provoqué une polémique inattendue à laquelle il fallait pourtant s’attendre: susceptible, la ville de Niort s’est offusquée d’une phrase du narrateur qui ne la met pas en valeur. 


« Et puis refuser les plateaux télé évite d’avoir à répondre à des questions idiotes, du genre: “Pourquoi dites-vous page 124 d’une femme de 50 ans qui ne vous fait pas bander qu’elle préfère ‘incriminer les antidépresseurs plutôt que ses propres bourrelets’ ? Ce n’est pas très sympa pour vos lectrices quinquagénaires!” Il est épuisant d’avoir sans cesse à rappeler la distinction entre l’auteur et le narrateur, ce b. a.-ba du roman que les présentateurs télé ignorent car ils ont, littérairement, le niveau du BEPC, lequel d’ailleurs n’existe plus. »

Frédéric Beigbeder avait donc anticipé le phénomène une semaine avant la parution de Sérotonine, le dernier né de Michel Houellebecq. Comme d’habitude, on confondrait auteur et narrateur, voire auteur et personnage. Le chroniqueur du Figmag n’avait certes pas donné l’exemple de Niort, mais l’intention y était et la polémique venue des Deux-Sèvres était déjà en gestation lorsque l’hebdo du Figaro était en vente. Houellebecq attaquait cette ville qui n’avait rien fait à personne. Et qui d’ailleurs a des coins sympas, ce dont personne ne doute.

« Niort est la ville la plus laide qui m’ait été donné de voir »

Immédiatement, une angoisse est née. Dans le manuscrit livré aux bons soins des Editions du Rocher, avais-je prêté à un de mes personnages des propos dénigrant une ville ou une région ? Y aurait-il un habitant susceptible pour lancer une fatwa sur Twitter ? L’angoisse est vite passée. Même si je vends beaucoup plus que Jean-Christophe Cambadélis, je suis beaucoup moins attendu que Michel Houellebecq, et donc beaucoup moins scruté. Mais quand même. La condition de romancier devient difficile au temps des « social justice warriors ». La tyrannie des susceptibles, si bien décrite par Polony et Quatrepoint dans leur dernière livraison commune, est désormais à l’œuvre jusque dans ce vieux pays littéraire, la France. Et c’est triste.

A lire aussi: Polony et Quatrepoint dissèquent notre déclin

Les salons du livre en province ne désemplissent pas. Plusieurs centaines de romans viennent de sortir pour la rentrée de janvier, mais il n’y a plus que quelques mauvais coucheurs pour rappeler, au cœur de la polémique, que ce n’est pas Michel Houellebecq qui trouve que « Niort est la ville la plus laide qui [lui] ait été donné de voir », mais Florent-Claude Labrouste, personnage dépressif, qui vient de se taper les bouchons à Bordeaux sur l’A10 et a découvert quelques jours plus tôt que sa petite amie participait à des gang-bangs avec des gros chiens. Perso, dans un tel état, je suis prêt à trouver Niort, mais aussi Besançon ou l’Arc de Triomphe très moches.

Défendons Niort-qui-n’est-pas-laide !

Mais les susceptibles de 2018 n’ont plus ouvert le dictionnaire au mot « contexte » depuis longtemps. Et comment les en blâmer, puisque même les présentateurs de télévision, comme l’écrit Beigbeder, ne donnent pas l’exemple. Il semble que ce soit Libé qui ait tiré le premier en balançant quelques amabilités de Florent-Claude Labrouste à la vindicte des foules de Twitter et Facebook, comme des morceaux de viande bien fraîche aux lions du zoo de la Citadelle de Besançon (une ville bien plus jolie que Niort, au passage, me souffle le narrateur de Sérotonine).

Mais puisque nous avons, quant à nous, ouvert le dico à la page de « contexte », préoccupons-nous en un peu. La sortie de Sérotonine, et sa fameuse pique à la ville de Niort, interviennent en plein cœur du mouvement des gilets jaunes, sur fond de mépris des élites parisiennes pour les petites villes de province. L’épiderme y est d’autant plus sensible. Les gens aiment leur ville et détestent par-dessus tout la voir dénigrée. Alors, tant pis si Labrouste, quelques pages plus loin, n’est guère plus tendre avec les « Parisiens écoresponsables », défendons Niort-qui-n’est-pas-laide, et fustigeons l’écrivain déconnecté qui doit préférer les vacances à Kuala Lumpur que dans la vieille province française.

Sérotonine, un hymne à cette France enracinée

Le problème, justement, c’est que Sérotonine est un hymne à cette France enracinée et une critique acerbe de la mondialisation sauvage. Michel Houellebecq se révèle donc la plus mauvaise cible qui soit. En 2018, quand une polémique naît sur les réseaux sociaux et qu’elle commence à prendre de l’ampleur, les chaînes d’information continue prennent le relais, puis TF1 et France 2, si affinités. Tout le monde a donc débarqué à Niort pour interroger les habitants dont la ville avait été ainsi dénigrée par notre écrivain national auquel, comble de l’horreur, le président de la République venait d’accorder la Légion d’honneur. Et c’est un vieux camarade de mes combats politiques, le maire Jérôme Baloge, féru de littérature, et qui connaît bien – je tiens ici à rassurer tout le monde – la différence entre auteur et narrateur, qui a dû faire le boulot de communication. Qu’auriez-vous fait à sa place ? Il n’allait quand même pas fustiger ceux qui, parmi ses administrés, avaient eu à cœur de défendre la beauté de la « Venise verte » ! La polémique offrait une campagne de promotion à sa ville et, avec flegme et humour, il en a largement profité.

En plus, la météo était au rendez-vous et mettait en valeur la cité. Combien un cabinet spécialisé aurait-il facturé une telle campagne de promotion ? Jérôme Baloge m’a répondu qu’il n’en savait rien parce que, de toute manière, Niort n’en avait pas les moyens.

A défaut de pouvoir inviter Florent-Claude Labrouste, il a donc invité Michel Houllebecq à Niort pour lui offrir de l’angélique, spécialité locale dont les vertus pour le bien-être vaudraient bien celles de la sérotonine.

Tout va donc pour le mieux du côté de Niort. En revanche, du côté de la compréhension de la littérature et du développement des polémiques à deux balles, l’angoisse demeure.

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Claire O’Petit: « Au sein de LREM, je ne me sens pas écoutée ni respectée par certains »

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Claire O'Petit est députée LREM de l'Eure. ©Hannah Assouline

Ex-commerçante, la députée LREM de l’Eure Claire O’Petit est l’une des rares grandes gueules de la majorité. Celle qui présente le profil sociologique des gilets jaunes dénonce la déconnexion entre certaines élites parisiennes et le quotidien des classes populaires éprouvées par l’impôt et les
limitations de vitesse.


Causeur. En tant que députée La République en marche (LREM) très présente sur le terrain, avez-vous vu venir le mouvement des « gilets jaunes » ?

Claire O’Petit. Je n’ai pas cette prétention. Néanmoins, avant même le déclenchement de la crise, je sentais un grand mécontentement. L’été dernier, sur les marchés, dans les vide-greniers et lors de mes permanences, tout le monde me parlait de la limitation à 80 km/h de la vitesse autorisée sur les petites routes. Et le plus inquiétant, c’était le décalage entre deux visions des choses : à Paris, le gouvernement s’est justifié au nom de la sécurité, car cela évite des morts, mais nous n’avons à aucun moment débattu de la portée sociale de cette mesure. Quand on fait 60 km par jour pour aller travailler, cinq minutes supplémentaires de transport compliquent considérablement la vie. Il suffit d’un impondérable qui fait perdre du temps, oblige à accélérer pour se retrouver flashé par un radar. Chaque excès de vitesse vaut un point de permis et un PV de 45 ou 90 euros. C’est déjà ça en moins sur le pouvoir d’achat ! Quand vous avez perdu deux ou trois points, vous craignez de perdre votre permis et de ne plus pouvoir aller travailler. L’augmentation des taxes carbone n’a fait qu’enflammer la colère qui couvait.

Je comprends la détresse et le ras-le-bol des Français

Vous venez d’un milieu modeste et votre parcours de vie ressemble à celui de nombreux « gilets jaunes ». Si vous n’étiez pas députée, auriez-vous occupé un rond-point ?

Je n’aurais pas été sur un rond-point ni participé à une manifestation non déclarée. Au cours de ma vie, j’ai participé à des grèves et des mouvements sociaux sans jamais enfreindre la loi ni faire usage de violence ou dégrader des biens. Ceci dit, je comprends la détresse et le ras-le-bol des Français qui n’en peuvent plus. Après l’adoption des 80 km/h, nous étions quelques députés de la majorité à voir que cela ne passait pas en province. Nous avons aussi fait remonter au sommet le mécontentement des retraités. Au départ, même nous, les élus, n’avions pas compris que la hausse de la CSG toucherait des retraites aussi basses ! Pendant la campagne présidentielle, il ne nous a jamais été expliqué qu’un couple de retraités, avec une femme touchant une pension de 500 euros par mois et le mari 1 200 euros, allait être affecté par la hausse de la CSG.

A lire aussi: Joachim Son-Forget, député LREM : « Je ne m’écraserai pas face à la meute »

Au-delà de la fracture économique et sociale, on a le sentiment d’un fossé culturel entre les parlementaires LREM et la France périphérique. Partagez-vous ce constat ?

Oui. Au point que j’ai pensé quitter le groupe parlementaire, bien que je soutienne encore à 100 % le programme d’Emmanuel Macron. Il faut dire que je ne me sens pas écoutée ni respectée par certains. Ceci s’explique peut-être par le fait qu’au sein de LREM, nous ne nous connaissions pas, exactement comme les « gilets jaunes » ! Reste une phrase du président que je garde constamment en tête : « Je veux que les Français à la fin de mon mandat vivent mieux qu’au début. »

C’est mal parti…

Ne le croyez pas. Beaucoup de choses ont été faites. Dans un premier temps, le gouvernement a choisi de favoriser le maintien et l’implantation des entreprises en France afin de créer des emplois. Cela n’a pas empêché certaines erreurs de communication, qu’ont notamment commises de jeunes députés LREM qui passaient dans les médias en enjoignant aux retraités : « Certes, vous gagnez moins, mais pensez à l’avenir de vos petits-enfants… » Si j’avais entendu mon petit-fils de 30 ans bien coiffé dire cela à la télévision, je lui aurais mis mon pied au cul ! D’autant que nous n’avons pas à rougir de notre bilan : si on additionne tout ce qu’ont gagné les retraités depuis mai 2017, cela fait tout de même 60 euros supplémentaires par mois.

Certains députés partagent une permanence avec d’autres sociétés, comme s’ils étaient une start-up !

Allez dire ça sur les ronds-points, mais admettons. À quels autres signes voyez-vous que la plupart des élus, notamment LREM, sont déconnectés de la base ?

Certains députés partagent une permanence avec d’autres sociétés, comme s’ils étaient une start-up ! Dans ces conditions, comment voulez-vous recevoir des citoyens qui veulent vous parler de leurs difficultés avec l’administration ? Chaque semaine, je reçois au moins une vingtaine de Français qui ont des problèmes avec une banque ou les services sociaux. Ils ne viendraient sûrement pas s’exprimer si j’accueillais des sociétés dans la même pièce. D’autres députés ont une permanence cachée au fond d’une cour que personne ne connaît. Il m’a été dit que certains n’avaient même pas encore de permanence, un an et demi après leur élection !

Revenons au fond de la question sociale. Les annonces présidentielles (annulation de la taxe carbone, 100 euros de plus sur le Smic, baisse de la CSG pour certains retraités) suffiront-elles à calmer la tension ?

Emmanuel Macron a eu le ton, la gravité et l’empathie nécessaires. Pour bien connaître notre président, je peux vous assurer qu’il a entendu les « gilets jaunes ». Il a fait le maximum possible dans la limite des contraintes financières. Au quotidien, il se bat pied à pied pour obtenir les 100 euros de hausse du Smic, ainsi que la prime de fin d’année des entreprises aux salariés. Certains salariés ont obtenu jusqu’à 1 000 euros de prime, bien que ce ne soit pas facile pour les PME. Les employés des petites entreprises n’ont rien en dehors des congés payés obligatoires, ni tickets restaurant, ni primes spéciales… Certes, toutes ces annonces ne suffisent pas à apporter une réponse de long terme. Mais ce n’est que le début d’une grande négociation. À cette fin, le président a créé les conditions favorables à l’ouverture d’un débat social de trois mois avec chaque corporation. Il faut absolument qu’un consensus raisonnable émerge.

Les populistes sont des irresponsables

Votre parti est-il en mesure de participer à ces négociations ?

À l’heure actuelle, LREM n’est pas structuré pour le faire. Au départ, Christophe Castaner a été élu délégué général. Il devait y rester. Mais après sa nomination Place Beauvau, des responsables travaillant au siège, très structurés politiquement, ont été nommés dans différentes administrations. Ce noyau-là nous manque cruellement. Le nouveau délégué général, Stanislas Guerini, n’est absolument pas en cause. C’est un problème de quantité. Je pense à ces députés qui n’ont pas été élus au sein du parti, mais nommés à des postes de vice-président. Ils prennent la grosse tête et perturbent la mise en place de cette direction.

Dans son discours, le président a évoqué la question migratoire et la laïcité. Il doit donc savoir que la revendication des « gilets jaunes » concerne tout un mode de vie. Jusque-là, il incarnait le camp des ouverts, des modernes, face aux populistes à l’esprit étroit. Doit-il devenir un peu populiste ?

Populiste, non. Cela reviendrait à flatter les Français, à les faire rêver et à proposer des actions qui, si elles étaient appliquées, conduiraient notre pays à la ruine. Les populistes sont des irresponsables. Par contre, on peut rester progressiste sans pour autant oublier les classes les plus populaires. Ça, notre président le sait très bien. Par ailleurs, notre mouvement doit entamer sa mue pour se transformer en un mouvement de masse qui lui permettra de s’inscrire durablement dans le paysage politique. Au sein du groupe LREM, je compte impulser la création d’un pôle populaire et rural pour éviter des déconnexions futures avec la réalité.

M. Macron, votre grand débat doit avoir lieu dans les urnes

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Emmanuel Macron à l'Elysée, décembre 2018. SIPA. AP22282984_000012

Mieux vaut des empoignades d’assemblées que les caillassages du samedi. En France et ailleurs, les élections législatives anticipées sont l’issue normale des grandes crises. Une possible cohabitation ne serait une catastrophe ni pour le pays… ni pour Macron. 


Eh bien non, les Français ne sont pas des veaux ! Ils le prouvent chaque samedi de cet étrange hiver 18-19 qui ressemble à mai 68 comme une vague de reflux ressemble à une vague de flux : symétrique et inversée. Boxer les CRS sur les ponts de Paris ou attaquer à la voiture-bélier les bureaux de l’inénarrable Griveaux, voilà les réactions violentes, pleines de testostérone, d’un peuple qui refuse de se laisser mener à l’abattoir. Il est d’ailleurs probable que la fameuse phrase de De Gaulle relève plus du dépit amoureux que d’un vrai mépris.

La discussion n’est plus possible

Comme en 68, la crise des gilets jaunes est multiforme et généralisée à tout le pays : quelle n’a pas été ma stupéfaction d’apprendre samedi soir que la sage et prospère Alsace, jusqu’ici épargnée, a lancé 2 à 3 000 manifestants dans les rues de Colmar ! A une crise si générale, qui affecte des femmes et des hommes de tous âges, de tous métiers, de toutes opinions politiques, il est vain d’opposer la répression par les forces de l’ordre et la justice. La République ne peut devenir l’ennemie de la Nation. On l’a vu avec l’exemple d’Eric Drouet : son arrestation et sa garde à vue ont installé la scène où s’est déroulé le 5 janvier l’Acte VIII de cette interminable tragédie nationale.

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Le rideau ne tombera sur les émeutes qu’avec la dissolution de l’actuelle Assemblée nationale et la convocation d’élections législatives au prochain printemps. Chacun sent que les mots doivent désormais remplacer les coups et que la meilleure manière de donner la parole au peuple français, ce ne sont pas les parlotes auxquelles veut nous convier le gouvernement, parlotes qui excluent des sujets aussi brûlants que l’immigration et l’insécurité. Les meilleurs débats, ce sont les réunions électorales où les candidats et les électeurs discutent à loisir des questions plus variées, sans aucun tabou. Une solution qui par ailleurs remettrait en selle la démocratie représentative, trop décriée.

Vite des élections… 

Il ne s’agit pas d’imiter servilement l’Ancêtre fondateur qui a résolu la crise de mai 68 par les législatives de juin, mais de faire comme toutes les démocraties qui nous entourent : on appelle aux urnes chaque fois que le peuple proteste trop fort et que la situation n’est plus gérable par l’exécutif. Le Brexit comme l’échec du référendum de Renzi ont été suivis de démissions et de nouvelles élections. Mieux vaut des empoignades d’assemblées que les cassages et les caillassages du samedi.

…et la cohabitation !

Par quelles erreurs en sommes-nous arrivés là ? J’en vois trois principales. D’abord le passage du septennat au quinquennat. Comme les bêtises se font toujours avec les meilleures intentions du monde, ce changement avait pour but de donner une majorité au président élu en faisant succéder les législatives à la présidentielle. Mais il en est résulté une rigidité dans le lien entre l’exécutif et le législatif qui empêche ses moments de respiration que furent les cohabitations. Quand Mitterrand était président et Balladur Premier ministre, tout le monde se sentait représenté au pouvoir, les Français de gauche par le premier et ceux de droite par le second.

Juste proportion

La dose de proportionnelle est l’Arlésienne de la Constitution française : on en parle tout le temps, mais elle n’arrive jamais. Il est clair que la dose de proportionnelle serait une entorse à ce que voulaient le général De Gaulle et Jean-Louis Debré : un scrutin majoritaire qui dégage à l’Assemblée nationale une majorité pour soutenir le gouvernement. Mais les fondateurs de la Ve République n’avaient pas prévu le Front national et l’exclusion radicale dont il serait l’objet, qui posent à la Constitution française un problème particulier.

Chassez le FN…

La voilà, la troisième erreur, la plus grave : c’est d’avoir chassé si longtemps le Front national, ses électeurs et ses idées du débat républicain. Pendant cinquante ans on a maintenu la marmite hermétiquement fermée, elle explose aujourd’hui et se répand en flots jaunes. Magnifique exemple du retour du refoulé à l’échelle de toute une nation. Il ne fallait plus parler de nation, il ne fallait plus parler de patrie, plus parler d’identité, plus parler de frontière. La France universaliste, celle qui s’extasie devant ses beaux principes et se fait un devoir d’accueillir toute la misère du monde a imposé un silence total à celle qui n’avait que la modeste ambition pour un peuple de rester lui-même. C’est la gauche de Mitterrand qui a maintenu les lépreux de l’autre côté d’un mur infranchissable. Mais la droite de gouvernement est la principale responsable, car elle a validé ce rejet, elle a refusé tout projet d’alliance avec les immondes, elle s’est gargarisée d’avoir construit un mur infranchissable entre ses blanches brebis et les brebis galeuses de l’extrémisme. Elle n’a pas cherché ni à comprendre ses électeurs, ni à faire alliance avec ses dirigeants. Elle aurait dû savoir que tout parti extrémiste se recentre fatalement lorsqu’il a le pouvoir. Tsipras le pétroleur gauchiste est devenu un Premier ministre grec qui pactise avec les puissances d’argent et ramène son pays vers la prospérité.

…il revient au galop

Le mépris de la droite de gouvernement pour la nation a connu son apogée dans l’incroyable discours d’Eric Besson prononcé à la Courneuve en 2010 :  »La France n’est ni un peuple, ni une langue, ni un territoire, ni une religion, c’est un conglomérat de peuples qui veulent vivre ensemble. (…) Il n’y a pas de Français de souche, il n’y a qu’une France de métissage. » On dirait du Rokhaya Diallo, eh bien non, c’est d’un ministre de Sarkozy ! Eric Besson a eu beau lécher les semelles de la gauche, son ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale n’en a pas moins été considéré par celle-ci comme une officine digne du IIIème Reich.

En Italie, les gilets jaunes sont au pouvoir

Aucun autre pays que la France n’a ainsi diabolisé tout une fraction de ses citoyens. S’il y avait une justice au ciel de la République, on enverrait la facture des dégâts commis cet hiver à tous les éleveurs de murs : Sarkozy, Juppé et pratiquement tous les dirigeants de la droite de gouvernement. Et on élèverait une statue à Robert Ménard, au beau milieu de cette place qui porte le nom si beau de Concorde. Attention. Je ne prétends pas que tous les gilets jaunes soient des électeurs de Marine Le Pen et de Nicolas Dupont-Aignan. Il y a parmi eux une énorme composante mélenchoniste qui réclame le retour de l’ISF et la chasse aux riches. Etrange contraste avec nos frères latins : les gilets Jaunes français sont dans la rue tandis que les gilets jaunes italiens sont au pouvoir à Rome, avec la Ligue à droite et le Mouvement Cinq Etoiles à gauche.

Il est vrai que dans les manifestations françaises, la crainte de la perte de l’identité par immigration et islamisation ne se manifeste que discrètement : je pense pourtant qu’elle est la vraie raison d’inquiétude, encore bloquée sur les bouches par le tabou du politiquement correct. On prétend se déchaîner pour le pouvoir d’achat, on se déchaîne en réalité contre l’angoisse de sa propre disparition.

Macron, le roi de la cohabitation ?

Le président Macron, progressiste, internationaliste et mondialisateur, a réussi à fédérer sur sa personne toutes sortes de haines. Il perdrait à plates coutures des élections législatives, d’autant plus que la « dose de proportionnelle » n’ayant toujours pas été instillée, le scrutin majoritaire amènerait à l’Assembée nationale des flots de ses ennemis. Alors, un président Macron pourvu d’un gouvernement Le Pen-Mélenchon ? Ou d’un gouvernement d’union des droites, avec Robert Ménard Premier ministre ? Et puis, les gouvernements de cohabitation s’étant toujours terminés à l’avantage du président, coucou Macron le revoilà en 22 ? Peut-être vieilli, bonifié et moins anti-Français ? L’Allemagne et l’Italie savent se tirer d’affaire avec les alliances politiques les plus abracadabrantes, pourquoi pas nous ? Un mauvais compromis parlementaire vaut mieux que la guerre civile dont ces tristes samedis de l’hiver 18-19 nous donnent l’avant-goût.

Viande: êtes-vous prêt à renoncer à ça?

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Viande de boeuf au restaurant "Le Mordant" - ©Hannah Assouline

A l’heure des razzias vegan contre les boucheries, il est grand temps de réhabiliter la viande. Pour privilégier la qualité sur la quantité, voici une sélection de bonnes adresses parisiennes proposant des pièces de veaux, vaches, canards et cochons d’exception.


« Apportez le jeune taureau, sacrifiez-le, mangeons-le et réjouissons-nous, parce que mon fils que voici était mort, et il est revenu à la vie. » (Luc, 15)

Dans la Bible (Genèse, XVIII), Abraham reçoit la visite de trois hommes, qu’il identifie immédiatement comme des messagers de Yahvé. « Réconfortez votre cœur, après quoi vous pourrez continuer votre chemin », leur dit-il. Il ordonne à sa femme Sarah de leur préparer trois galettes de fleur de farine, puis court au gros bétail, et s’empare d’un « veau tendre et bon » qu’il prépare et sert lui-même à ses invités avec du beurre et du lait.

Les Hébreux n’étaient donc pas végétariens, mais considéraient la viande comme un mets divin, rare et précieux, qu’il fallait honorer, savourer et réserver aux grandes occasions.

Pour les Romains, qui étaient des gens pragmatiques, comme chacun sait, le mot latin vivanda désignait tout ce qui sert à conserver et à renforcer la vie. Ainsi, par extension, le mot « viande », qui est l’un des plus anciens de la langue française, fut créé pour appeler, au Moyen Âge, toutes les nourritures et les provisions. Encore au xviiie siècle, madame de Sévigné, nous apprend Alain Rey, parlait de « viandes » au sujet de ses ragoûts et de ses salades de concombre et de noix… Bref, la viande, c’est la vie.

Avons-nous donc encore le droit d’aimer la viande ?

Pour conjurer le souvenir des disettes passées (nos parents eurent faim entre 1940 et 1945), nous nous sommes mis, depuis les Trente Glorieuses, à nous empiffrer de barbaque quasiment à chaque repas, ce qui est une aberration, ne serait-ce que pour notre corps qui est incapable d’assimiler à fortes doses l’acide urique contenu dans la viande et qui est responsable de la fameuse goutte, endurée notamment par les mangeurs de gibiers faisandés.

Banalisée, insipide, indigeste et chargée de souffrance animale, la viande a donc perdu aujourd’hui son aura sacrée et son statut d’objet culturel (contrairement au vin, au pain et au fromage). Les grands chefs, du reste, l’utilisent de moins en moins et lui préfèrent les légumes « grands crus », vendus au prix du caviar, pendant que les mangeurs de tofu attaquent les boucheries et libèrent dans la nature les lapins Rex du Poitou, au nom d’un véganisme fondamentaliste érigé en contre-culture, comme si acheter des steaks végétaux faisait d’eux des révolutionnaires.

A lire aussi: Gastronomie: les routiers sont sympas!

Dans le très beau livre illustré consacré à la viande, Louchebem, conçu et édité en 2011 par Valérie Solvit, Claude Lanzmann nous fait part de son amour des bouchers : « Si mon fils, qui vient d’entrer en lettres supérieures au lycée Henri IV, m’avait confié son désir de devenir boucher, je lui aurais donné ma bénédiction et aurais tout fait pour qu’il soit instruit dans les meilleures écoles et qu’il fasse son apprentissage chez les plus grands bouchers. (…) Aujourd’hui, le temps des bouchers est venu. Ils exercent le plus noble des métiers et sont les moins barbares des hommes. »

Il y a deux mille quatre cents ans, Tchouang-tseu, le fondateur du taoïsme, considérait l’art de la découpe, chez les bouchers, comme un modèle de force tranquille, de beauté et de sagesse : « C’est l’esprit qui opère, plus que les yeux. Un médiocre boucher use un couteau par mois, parce qu’il le brise sur les os ; alors qu’un bon boucher use un couteau par an, parce qu’il ne découpe que la chair. Le boucher d’exception garde son couteau toute sa vie, il a travaillé plusieurs milliers de bœufs, son tranchant donne l’impression qu’il vient d’être aiguisé… »

Non seulement les bons bouchers sont doux comme des agneaux, non seulement ils maîtrisent l’art de la découpe, mais, à leur contact, on apprend aussi sans cesse quelque chose. Comment, par exemple, un animal doit accomplir sa croissance, de façon harmonieuse, afin que ses masses musculaires et graisseuses soient proportionnées à son squelette. À quel moment de l’année il vaut mieux déguster un canard de Chalosse ou un porc noir de Bigorre (en décembre), un bœuf fin gras du Mézenc nourri au foin d’Auvergne et à la réglisse sauvage (à partir de février), un agneau prés-salés du mont Saint-Michel (pas avant le mois de juin). Comment, surtout, il faut laisser reposer une viande autant de temps qu’on a mis à la cuire. Voici une sélection d’adresses parisiennes où toutes ces règles sont respectées à la lettre.

Le Mordant

Dans le 10e arrondissement, ce restaurant de 120 m2 occupe la place d’un ancien supermarché. Le parquet en chêne est du xixe siècle, les murs en pierre de Paris s’élèvent à quatre mètres de hauteur. Lucas Blanchy, le patron, était naguère sommelier au Lafayette Gourmet. Sa devise est qu’on ne vient pas chez lui pour manger de la cuisine toute molle, mais pour mordre à pleines dents des viandes d’exception, parfaitement cuites et assaisonnées. « Chaque morceau a sa texture et se travaille différemment, c’est ça qui est passionnant. » Son plat phare est le tataki de bœuf, une pièce peu grasse et épaisse saisie à la plancha après avoir mariné dix-huit heures dans une sauce teriyaki au soja, à la bière brune, aux herbes et aux épices. On découpe des tranches très fines auxquelles on ajoute de l’avocat et de la coriandre. Un régal de tendreté qui appelle l’exceptionnel beaujolais « Cuvée tentation » de Jean-Claude Lapalu (28 euros la bouteille). Toutes les viandes proviennent d’éleveurs artisanaux, comme Samuel Fouillard, dans l’Aisne, qui s’est spécialisé dans le taureau Aberdeen Angus, originaire d’Écosse. Toutes les bêtes sont gardées de 18 à 30 mois dans les pâturages (et à l’étable l’hiver), sans stress, et ne sont nourries qu’à l’herbe, au foin et aux céréales (pas d’ensilage qui donne un goût atroce). Après avoir été grillées et poilées, les viandes reposent vingt minutes, et ainsi se détendent, redeviennent moelleuses, et libèrent leur jus et leurs goûts d’herbes, de fleurs et de noisette, sublimés par la sauce béarnaise maison… Mais le plus délicieux, ce sont encore les « bas morceaux », réputés secs et pas nobles, que Lucas Blanchy fait cuire deux jours dans du vin et du fond de veau, avant de les servir effilochés, tendres et croustillants, avec du chou rave caramélisé, des carottes confites et une purée de pommes de terre à la crème et au beurre.

Le Mordant (21 euros le menu à midi, 50 euros le soir, vin compris), 61, rue Chabrol, 75010 Paris, Tél : 09 83 40 60 04

La Poule au pot

À l’intérieur, rien n’a changé depuis 1935, ni le papier peint, ni le zinc, ni les banquettes, ni les lustres. À l’origine, La Poule au pot était une boucherie, comme nous le rappelle son sol en pente qui permettait au sang de s’écouler jusque dans la rue… En juin 2018, cette institution nocturne des Halles a été reprise par le grand chef deux étoiles Michelin Jean-François Piège. La carte n’a pas changé d’un iota et on se brûle toujours avec la légendaire gratinée à l’oignon et aux croûtons, dont le fromage fondu s’étire sur 50 cm (difficile de rester distingué en faisant « schlurp »…). Le changement, c’est que Piège a élevé le niveau en utilisant les mêmes produits que pour son restaurant gastronomique situé entre l’Élysée et la Madeleine (Le Grand Restaurant). Ainsi les cuisses de grenouilles en persillade viennent-elles de France (et non de Turquie), les volailles de Bresse et les viandes de la boucherie Metzger, à Rungis. « Ces dernières années, le niveau de qualité des produits de base, comme le lait et les œufs, s’est effondré, regrette Piège, quand on les goûte, c’est une horreur. Je suis obligé d’aller chercher mon beurre, ma crème, mon lait et mes œufs dans des petites fermes au fin fond de la Bretagne. » C’est pourquoi sa blanquette de veau et son île flottante aux pralines roses sont mémorables ! Sa poule au pot est cuite au bouillon, avec des herbes et des abats, accompagnée de bon riz blanc. Et entre le hachis parmentier de joue et de queue de bœuf et le quasi de veau au four, aux girolles et à la crème parfumée au savagnin, notre cœur balance… Surtout, le lieu est bon enfant et typiquement parisien. La plupart des clients sont des habitués qui viennent déjeuner deux fois par semaine. La vaisselle a été chinée par le chef. La carte des vins est géniale et accessible. Parfois, un chanteur de l’opéra de Paris se lève en plein milieu du repas et se met à chanter…

La Poule au pot (menu à 48 euros), 9, rue Vauvilliers, 75001 Paris

Le Relais de Venise – Son entrecôte

Créée en 1959 près de la porte Maillot par un vigneron de Gaillac, Paul Gineste de Saurs, cette maison est une adresse culte. Midi et soir, il faut faire la queue, car il n’y a pas de réservations, les premiers arrivés sont les premiers servis… D’abord réservée aux routiers, cette maison au décor inchangé, digne des Tontons flingueurs, a reçu la visite des grands de ce monde : la famille du shah d’Iran, Alain Delon et tous les présidents de la Ve République. Son principe ? Un plat unique, entrecôte-frites précédée d’une salade aux noix (pour patienter), le tout accompagné d’une sauce maison assez incroyable dont la formule, inventée par le fondateur, n’a jamais été divulguée. Évidemment, les autres membres de la famille Saurs n’ont pas manqué de reprendre le concept et de créer des « Entrecôtes » ou des « Relais de l’entrecôte » un peu partout en France, à Paris, et même à l’étranger, mais, pour les puristes, l’original historique, le seul, le vrai, c’est le Relais de Venise : son entrecôte, dans le 17e arrondissement.

Entre les tables bondées, d’admirables serveuses toutes de noir vêtues se faufilent comme des anguilles. On y est serré, les uns à côté des autres, mais c’est cette promiscuité dissoute dans le brouhaha qui assure la confidentialité des conversations. À côté de nous, une dame de 70 ans, madame Toussoun, Égyptienne d’origine, vient ainsi déjeuner ici chaque semaine depuis l’âge de 16 ans ! La même boucherie de quartier, de la famille Pétard, fournit le restaurant depuis 1959. Trois mille cinq cents vaches par an, soit dix vaches par jour. Le contre-filet grillé est présenté en tranches fines, en deux services, afin que la viande reste chaude. La fameuse sauce blanche maison, qui contiendrait près de 70 ingrédients, est aussi indescriptible qu’ensorcelante. Les frites maison, quant à elles, sont parfaites, pelées, coupées et lavées chaque matin avant d’être cuites deux fois, comme c’est la règle.

Le Relais de Venise – Son entrecôte (menu unique à 28 euros), 271, boulevard Pereire, 75017 Paris, Tél : 01 45 74 27 97

Le meilleur steak de Paris ? 

Beefbar a ouvert ses portes rue Marbeuf en novembre dernier et c’est déjà un événement. Deux années de travaux ont permis de restaurer la magnifique salle Art nouveau de 1890, inscrite aux Monuments historiques, et qui avait été emmurée pendant la guerre pour échapper aux Allemands. Le cadre est somptueux, donc, mais on s’y rend surtout pour la viande, d’une qualité exceptionnelle. Né à Gênes en 1975, Riccardo Giraudi, le fondateur, importe des viandes d’exception du monde entier. Il est ainsi l’importateur exclusif, en Europe, du mythique bœuf noir de Kobe, au Japon, vrai caviar sur pattes, massé deux fois par jour pendant trois ans, nourri aux herbes et aux céréales et terminé au houblon et à la bière. Après l’abattage, sa carcasse repose vingt jours pour atteindre la maturité. Le résultat est une viande marbrée, incroyablement grasse, qui fond dans la bouche, qu’il faut découper en fines tranches et cuir très vite sur une plaque chauffante.

Riccardo Giraudi propose aussi des viandes somptueuses d’Écosse, des États-Unis, d’Australie, des Pays-Bas et même… de France. « Une bonne viande est une viande constante. Deux facteurs sont déterminants : la génétique de l’animal, et son alimentation. Or, il y a eu trop de croisements en Europe, entre races à viande et races laitières, ces dernières années, et les bons éleveurs sont rares. Il vaut donc mieux manger peu de viande, mais de la bonne, à 50 euros le steak, une fois de temps en temps… »

En France, le standard est la génisse de 7 ans, alors qu’en Italie, on préfère le jeune bœuf de 18 mois, question de culture et de goût. Au Beefbar, la viande est cuite très vite à 1 000 degrés, grillée par le dessus, et assaisonnée d’herbes de Provence, de fleur de sel et d’épices pour lui donner du croustillant. Quinze purées différentes, relevées au citron vert ou à la truffe blanche… « J’ai voulu introduire les recettes de la “street food” populaire et internationale dans l’univers guindé du restaurant gastronomique, on se régale donc sans complexe avec des burgers, des tacos, des tatami et des pizzeta… »

Beefbar (menu déjeuner à 35 euros, 80 euros le soir avec le vin), 5, rue Marbeuf, 75008 Paris

Le retour des vrais bistrots

À deux pas de la place Saint-Georges, dans ce qui demeure l’un des quartiers les plus agréables de Paris, entre le musée Gustave-Moreau et le Musée de la vie romantique, voici un bistrot vivant comme on les aime. Quand on découvre sa façade, son zinc et son carrelage, on a le sentiment qu’il a toujours été là, intemporel, alors qu’il n’a été créé qu’il y a cinq ans, par un amoureux des bons produits : Benoît Duval-Arnould.

Tête de veau ravigote, carpaccio de veau au couteau, tartare de bœuf, os à moelle de vache normande, culotte d’agneau de Lozère mijotée dix heures… Benoît se fournit en direct auprès d’une quinzaine de producteurs et de bouchers d’exception, comme Gabriel Gauthier, le célèbre boucher de Clermont-Ferrand, qui lui expédie parfois un très rare « veau de soie » au grain très fin : « On reçoit un demi-veau entier, et notre métier, avant de le cuisiner, avec des légumes et des pommes de terre truffées, c’est de savoir découper et parer la viande. »

Pierre-Vincent Prieux, de la Ferme des abbés, dans le Gâtinais, lui livre des chapons dodus à pleurer, pendant que le beau gosse Jean-Baptiste Bissonnet, septième génération des fameuses Boucheries nivernaises (créées sous Napoléon III, et qui fournissent l’Élysée et les plus grands palaces de Paris) lui propose des chevreuils entiers et des côtes de bœuf Simmental de Bavière, bien denses et persillées, comme les aimait Wagner.

« Nous sommes des aubergistes, déclare Benoît, nous faisons le lien social entre les citadins et les paysans, entre les patrons et les ouvriers, entre les vieux et les jeunes, nous restaurons, nous faisons du bien, nous apportons du plaisir, nous évacuons la violence, si les bistrots cessaient d’exister, nous serions tous à l’asile ou en prison ! »

À la carte, 1 250 références de vins. La carte change trois fois par semaine. Le millefeuille fait minute « mérite à lui seul le voyage », comme on disait au Guide Michelin autrefois…

Le Bon Georges (menu à 21 euros à midi), 45, rue Saint-Georges, 75009 Paris

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« Asako I & II » : le premier amour est toujours le dernier

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Erika Karata et Masahiro Higashide dans "Asako I & II", de Ryusuke Hamaguchi. ©Art House distribution

Asako I&II, le dernier film de Ryūsuke Hamaguchi, raconte l’histoire d’une jeune japonaise qui perd son premier amour et s’apprête à se marier, quelques années après, avec un homme similaire. Vous en sortirez bouleversé. 


Je fais toujours confiance à Éric Neuhoff. Parce qu’il est un excellent écrivain et que les écrivains parlent souvent mieux du cinéma que les professionnels de la critique. Ils ont déjà un énorme avantage sur ces derniers : ils savent écrire. Aussi, pour ne pas remonter trop loin dans le temps, quand Éric Neuhoff m’a incité à voir Cold War du Polonais Pawel Pawlikowski – avec Joanna Kulig, admirable – ou Leto du russe Kirill Serebrennikov, je n’ai pas hésité et je n’ai pas été déçu : ils resteront dans ma mémoire comme deux des très grands films de l’an passé.

Maya I, Maya II…

Et voici en ce début de l’an 2019 : Asako I&II du Japonais, Ryüsuke Hamaguchi, avec la sublime Erika Karata, film dont Éric Neuhoff  observe qu’il y a quelque chose de quasiment proustien dans ce Vertigo à l’envers. Le premier amour ne s’efface pas. Tout ce qui suit n’en est que l’écho. Chacun feint de l’ignorer, mais personne n’est dupe.

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La première fille que j’avais aimée à Lausanne s’appelait Maya (en sanscrit : l’illusion). La deuxième, je l’avais surnommée Maya 2. Ensuite, les numéros ont succédé aux numéros : nous n’aimons jamais que la même personne, même et surtout si nous voulons échapper à cette malédiction. Proust parlait de notre « poupée intérieure ». En est-il de même pour les femmes ?

Rendez-vous avez Asako

C’est toute l’histoire d’Asako I&II. Je me garderai bien de la déflorer. Mais s’il vous reste ne serait-ce qu’un vague résidu de sentimentalité, alors ne ratez pas ce rendez-vous avec Asako : vous en sortirez bouleversé. Et comme le dit Éric Neuhoff : ce n’est pas la pire manière de commencer l’année. Le Japon est aussi surprenant que le cœur des jeunes filles.

Joachim Son-Forget, le député macroniste par excellence

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Joachim Son-Forget. ©Fabrice COFFRINI / AFP

Les bouffonneries sur Twitter de l’ex-député de la Macronie reflètent à merveille le dérèglement communicant du président. Joachim Son-Forget est le digne apprenti de Dark Macron.


Joachim Son-Forget est le député qui, peut-être, résume le mieux les temps que nous traversons. Son prurit numérique des derniers jours sur Twitter est tout autant un révélateur qu’un défi. Gloire à celui par qui le scandale arrive ! La force des fous réside dans leurs farces !

Joachim Son-Forget est à ce stade le fou de la macronie, dont on mesure qu’elle nous dit intuitivement quelque chose des pathologies du pouvoir, de tout pouvoir. Bien sûr, d’aucuns, plus subtils, y verront une entreprise tactique pour oblitérer les relents suggestivement sexistes d’un parlementaire incontrôlé et incontrôlable. Soit. Mais autre chose, de bien plus profond s’exprime à travers les scansions improvisées du député « freestyle ». En se moquant délibérément du qu’en-dira-t’on, sa quête du buzz improbable rappelle l’immaturité intrinsèque de la nouvelle scène politique, qui a poussé si loin l’exercice du « storytelling » qu’elle a libéré toutes les transgressions possibles et imaginables.

Avant Joachim Son-Forget, il y a eu Macron à Saint-Martin

C’est bien le président qui a autorisé ce « live » permanent qu’est devenu le macronisme. Par ses petites phrases sur-soulignées au rythme échevelé de la « twittosphère », ses postures improbables entre un dance floor inattendu sur les marches de l’Elysée et des selfies « cailleras » aux Caraïbes, Emmanuel Macron a tout simplement oublié cet esprit du Louvre qui avait heureusement inauguré son mandat. La solennité s’est dissoute dans la griserie de succès trop facile. On avait oublié la jeunesse du président à ses débuts ; il aura par imprévoyance communicante réussi à nous la rappeler cruellement.

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Tout depuis en découle – ou presque : le secrétaire d’Etat Marlène Schiappa, espèce new-look de Madame Sans-gêne du politiquement correct, peut doctement expliquer comment attacher ses cheveux, et le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, nous annoncer, non sans fatuité, dans un teasing à contretemps, la parution sous 24h de son prochain entretien dans… Closer !

Le digne apprenti de son maître

C’est dans cette nouvelle économie communicante, tout aussi désinvolte qu’insolente, que s’inscrivent les frasques du malicieux Son-Forget. Lui, au moins, ne feint pas l’authenticité ; il pousse les feux du « borderline » jusqu’aux confins d’un absurde où s’entremêlent des épices dadaïstes à des opiacés oulipesques. Il contrefait la sottise d’un monde, un brin ivre d’une providence inattendue, pris à son propre piège. Faut-il l’en blâmer ? Après tout, il n’a pas ouvert les portes de Pandore du dérèglement communicant ; il s’y est juste engouffré avec la souplesse du félin.

Ce faisant, il est allé plus loin mais en cassant, volontairement ou pas, le morceau. En défiant délibérément les instances de son parti, en ridiculisant la marque dont il est issu, il a planté le dernier clou sur le cercueil de la verticalité dont le premier des marcheurs s’était fait le chantre. Joachim Son-Forget « métaphorise », en outsider venu des provinces de la dérision et de la déraison, une atmosphère de refus, de résistance, de rejet dont les gilets jaunes, ailleurs, constituent l’avant-garde tumultueuse. C’est de l’intérieur que le symbole de la subversion se fait le plus éclatant peut-être, car le plus grotesque !

L’indiscipline qu’il oppose à la bonne tenue de son parti et aux usages de la bienséance bourgeoisement institutionnelle, aussi excessive soit-elle, est l’aveu d’une époque qui tremble sur son axe.

Le Bartleby de la Macronie

Fort de sa tendance Groucho-Marx prodigue, l’ex-marcheur renvoie non seulement à l’envers du décor, autrement dit à une partie de sa vérité cachée, mais il reproduit ce je-ne-sais-quoi de révolte qui sature l’air de bien des samedis du moment. Refusant de rentrer dans le rang, sa subversion en fait un Bartleby de la start-up nation. Le jeune parlementaire s’oppose aux objurgations de sa maison-mère mais il le fait, non pas avec l’inertie impavide du héros du récit d’Herman Melville, mais avec cette débauche de bouffonneries immédiates et incessantes qu’autorise la fièvre numérique.

Joachim Son-Forget ou le premier « dissident » d’un « nouveau monde » qui avait trop cru à l’illusion du marketing…

La fin de la com'

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