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De l’art et du cochon

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Horreur à Cessac! Des artistes tranquillement installés dans la ruralité voient d’un mauvais œil le nouveau permis de construire accordé à la porcherie voisine…


Le centre d’art qui préférerait une agriculture… conceptuelle

Boisbuchet est un centre d’art situé en milieu rural, à Cessac (Charente), créé et dirigé par d’éminents designers allemands. Cet organisme, avec château et terres, est financé, comme il se doit, par le ministère de la Culture. Ses responsables pensent à juste titre que le design, activité créatrice proche de la production, n’est concevable que dans un esprit de synergie avec toutes les productions locales. 

Ce type de conflit se multiplie. On se souvient des fameux procès de coqs…

Ils proposent ainsi des formations à prétention vaguement agricole (non agréées) pour contribuer au développement rural.

Passer de cinq à six cochons par semaine

Il se trouve par ailleurs qu’une famille d’agriculteurs du coin veut installer son fils sur l’exploitation, laquelle passerait ainsi de 2,5 à 3,5 unités de main-d’œuvre. « Installer » signifie, dans le monde agricole, devenir le chef d’exploitation et, souvent, faire à cette occasion quelques investissements nécessaires à la modernisation. Ces exploitants mitoyens du domaine élèvent des porcs fermiers labélisés, misant donc sur une haute qualité gustative et environnementale. La production actuelle de cinq cochons par semaine passerait à six. Ils vont faire construire deux bâtiments bas afin d’y stoker le fourrage et évoluer vers un élevage sur lit de paille répondant à une exigence de bien-être animal. Les toits vont être équipés de capteurs photovoltaïques pour privilégier les énergies renouvelables. Le permis de construire leur a été accordé « en son âme et conscience » par le maire, ancien technicien agricole, qui connaît bien ces questions.

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Vous pensez peut-être que le centre d’art pourrait se réjouir de la présence de ce petit projet exemplaire à proximité, qu’il pourrait même nouer un partenariat pour faire déguster du porc de qualité à sa cantine. Il n’en est rien. C’est tout le contraire ! Le centre d’art hurle au scandale ! L’émotion monte dans les milieux culturels et on en appelle à Roselyne Bachelot. On dénonce un « élevage industriel ». D’autres parlent de « ferme-usine » ! Une pétition réunirait 20 000 signatures, s’étendant jusqu’au Japon, avec le soutien d’un ancien prix Pritzker (équivalent du prix Nobel pour les architectes). Enfin, le centre d’art intente des actions au tribunal administratif en référé (perdu) et sur le fond (en attente).

Nature contre ruralité

Ceci est d’autant plus préoccupant que ce type de conflit se multiplie. On se souvient des fameux procès de coqs. Citons, en Île-de-France, le cas plus récent de l’éditrice Odile Jacob. Fin 2020, elle remue ciel et terre pour conjurer l’installation d’une petite exploitation d’agriculture biologique qui jouxterait sa maison de campagne.

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Évidemment, personne n’est heureux de voir se développer des nuisances à proximité de chez soi. Cependant, s’agissant de projets à la fois minimes et bien gérés, il est difficile de ne pas être surpris par la vivacité des réactions.

En réalité, il y a probablement un problème plus général, quelque chose comme un conflit d’usage au sujet de l’espace rural. D’un côté, les ruraux sont nombreux à vouloir tout simplement pouvoir continuer à y vivre, notamment de l’agriculture. En outre, beaucoup redoutent la désertification des campagnes qui les vide de leur convivialité. Ils tiennent à des plaisirs traditionnels tels que chasse, pêche, champignons, etc. De l’autre côté, nombre d’urbains et d’intellectuels (pardon pour ce terme commode) aspirent à la nature brute avec, si possible, quelques bébêtes, genre parc naturel. Surtout pas de péquenauds, d’odeur de bouse et encore moins de pollutions ! La Nature, vous dis-je ! Force est de constater que, de plus en plus souvent, ces deux visions se heurtent de plein fouet.

Theodor Lessing ou la haine de soi

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Le billet du vaurien


Il y a chez Nietzsche des pages très fortes sur la haine de soi, cette haine qu’il détecte dans les Évangiles ou dans les romans de Dostoïevski et à laquelle il oppose la morale des seigneurs (ou morale « romaine », « païenne », « classique », « Renaissance »), qui symbolise la vie ascendante, la volonté de puissance en tant que principe.

Ne pas sentir en égoïstes

Contre Pascal, Nietzsche joue Goethe et quand il évoque Flaubert, cette réédition de Pascal en plus artiste, c’est pour se gausser de cet homme qui se torturait en écrivant tout comme Pascal se torturait en pensant – « tous deux ne sentaient pas en égoïstes. » Jamais il n’y eut comme chez Nietzsche une telle apologie de la force chez un être aussi démuni. Et si nous l’admirons encore, c’est pour sa faiblesse, ses rodomontades n’abusant plus personne.

La haine de soi, c’est précisément le titre d’un essai très étrange, fascinant à maints égards et qui fut publié en I930 par Theodor Lessing, l’une des premières victimes de la Gestapo, qui envoya ses tueurs à Marienbad le 30 août 1933 pour l’abattre. Le destin de Theodor Lessing mériterait d’inspirer un romancier ou un cinéaste : écartelé entre la culture allemande et ses origines juives, il provoqua l’exaspération de ses contemporains en enquêtant sur les juifs de Galicie et en reprochant à ses coreligionnaires de « se vendre » de la manière la plus dégradante à l’Allemagne. Dans ses articles, il ne se privait jamais d’insulter le futur Président Paul von Hindenburg, ce qui lui valut d’être exclu de l’école technique de Hanovre. Thomas Mann que ses outrances exaspéraient, disait à son propos qu’un « nain aussi disgracieux devait s’estimer heureux que le soleil brille pour lui aussi. »

Refus de la judéité

Dans son essai sur la haine de soi et du refus de la judéité, Theodor Lessing reconnaît être lui aussi passé par une phase de rejet absolu du judaïsme et d’abandon éperdu à la germanité. « Où trouverait-on, ajoute-t-il, un jeune homme noble, épris de vérité, né dans cette double lumière et contraint de choisir entre deux peuples, qui n’eût dû livrer un tel combat ? Il n’existe pas un seul homme de sang juif où l’on ne décèlerait au moins les débuts de la haine juive de soi. »

Et Theodor Lessing de se lancer dans six brefs récits de vie qui sont autant de pathographies, souvent pathétiques, toujours passionnantes à découvrir : la haine de soi y apparaît comme la passion la plus exigeante et la plus funeste, celle qui côtoie de plus près les abysses de l’âme humaine, celle aussi dont on pressent que, par-delà la folie ou l’horreur, elle sera la tunique de Nessus dont aucun créateur ne saurait se passer.

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Voici donc, sous la plume fiévreuse de Theodor Lessing, les destins de Paul Rée qui fut l’ami de Nietzsche avant de se suicider en Engadine, d’Otto Weininger qui se donna la mort à l’âge de vingt-trois ans dans la chambre de Beethoven après avoir laissé un sulfureux testament philosophique « Sexe et Caractère », d’Arthur Trebitsch que ses délires antisémites très appréciés par Hitler conduisirent à la folie, de Max Steiner, chimiste de génie, qui après avoir voué une admiration sans borne à Marx et à Steiner, se convertit au catholicisme avant de se suicider à vingt-six ans, de Walter Calé, poète qui mit fin à ses jours par dégoût de lui-même et de l’humanité, et enfin de Maximilian Harden qui exhortait les juifs à une conversion massive et qui fut victime d’un attentat antisémite.

Se résorber dans l’infini

Par-delà l’amour ou la haine de soi, Theodor Lessing rappelle dans sa conclusion que pendant deux ans et demi les plus sages parmi les rabbins ont débattu de la question suivante : « Eût-il mieux valu que l’univers de l’esprit ne fût point créé et que l’esprit devenu vivant en l’homme s’annulât pour se résorber dans l’inconscient et l’extra-humain ? Ou bien eût-il mieux valu que l’inconscient et l’extra-humain fussent totalement purifiés pour donner naissance à un esprit vif et à une humanité savante ? ´» Selon le Talmud, les académies, après maintes controverses, se rallièrent à la conclusion suivante : « Il eût mieux valu sans le moindre doute que le monde réel dont nous avons conscience ne fût point créé. Il ne fait pas le moindre doute que le plus souhaitable pour l’humanité est d’arriver à son terme et de se résorber dans l’infini. »

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Assimilation, une impossibilité conceptuelle pour les Asiatiques

 


À la différence de l’Europe, l’Asie considère l’assimilation comme une impossibilité conceptuelle. On naît chinois, japonais ou vietnamien, on ne le devient pas. Pas de citoyenneté sans une lignée ancestrale. Un texte de Jean-Noël Poirier, correspondant à Hanoï


Disons-le d’emblée, le concept d’assimilation est largement inconnu en Asie[tooltips content= »L’Asie dont il est question ici regroupe l’Asie du Nord-Est et du Sud-Est, à l’exclusion du sous-continent indien. »](1)[/tooltips]. Il s’agit même d’un concept difficile à appréhender dans cette Asie foncièrement traditionnelle, désormais peu attirée par les grands concepts occidentaux.

L’idée qu’un Camerounais noir ébène ou qu’un Suédois aux yeux bleu celte puisse devenir chinois (ou japonais, vietnamien, laotien, etc.) au motif, par exemple, qu’il parlerait parfaitement la langue du pays, y vivrait depuis plusieurs décennies, voire même y serait né, est saugrenue dans cette partie du monde. Et, avouons-le, nous serions les premiers surpris de rencontrer un Chinois d’origine africaine ou scandinave, tant nous avons intégré la nature ethnique du peuple chinois.

On est chinois parce qu’on naît chinois

Pour les plus de 2 milliards d’individus d’Asie du Nord et du Sud-Est, les choses sont très simples. Le peuple est une notion avant tout ethnique, assortie d’une culture ancestrale et parfois d’une religion. Ce « droit du sang », qui est en réalité plutôt un « droit des ancêtres », ne laisse guère de place à l’assimilation d’une personne d’une autre origine ethnique ou culturelle.

A lire aussi, notre numéro 86: Causeur: Assimilez-vous!

Cette réalité est particulièrement forte dans tout le monde confucéen (Chine, Taïwan, Japon, Corée, Vietnam) où la citoyenneté et l’appartenance au groupe ethnique ne font qu’un. La naturalisation est certes prévue par la loi, mais les dossiers sont rares, examinés à la loupe et le nombre de décisions positives est faible. De plus, citoyenneté ne vaut pas assimilation. Un étranger naturalisé ne sera jamais reconnu comme appartenant au peuple chinois, vietnamien, coréen ou japonais. La barrière, biologique, est ici indépassable.

« Vous, vous ne serez jamais vietnamien. Votre femme, elle, est vietnamienne », a conclu mon chauffeur de taxi, heureux de pouvoir mettre chacun dans sa bonne case. Mon épouse, née et élevée en France, de culture française, de mère française de souche, pouvait revendiquer sa « vietnamité » grâce à son père d’origine vietnamienne. Moi, bien que parlant vietnamien, dirigeant deux entreprises vietnamiennes, ayant déjà vécu douze ans sur place, je resterai pour toujours un Occidental, car Gaulois de sang à 100 %. « C’est comme ça. » Vérité biologique incontournable et acceptée comme telle dans toute la région. La vérité sort souvent de la bouche des chauffeurs de taxi.

Les aléas de l’histoire récente et le passage à une société 3.0 n’ont pas changé l’anthropologie. Entre 1975 et la fin des années 1980, plusieurs millions de Khmers et de Vietnamiens se sont réfugiés en Thaïlande, Malaisie, à Singapour et Hong Kong pour fuir le régime khmer rouge ou les mesures autoritaires du régime vietnamien. Bien que très proches culturellement et originaires de pays voisins (Khmers et Thaïs sont deux peuples « cousins »), ces réfugiés n’ont jamais été autorisés à s’installer sur place. Ils ont vécu dans des camps renfermant plusieurs centaines de milliers de personnes, gérés par les autorités locales et le Haut-Commissariat aux réfugiés des Nations unies. Certains y sont restés quinze ans, le temps nécessaire pour parvenir à un accord de paix au Cambodge (1991) et à un accord de rapatriement avec le Vietnam. Personne n’y trouva à redire. L’idée de laisser cette population s’installer et s’intégrer dans le pays d’accueil n’a traversé l’esprit de personne. « Khmer tu es, khmer tu restes. »

Intégration plutôt qu’assimilation, mais au compte-gouttes

Tous les pays de la zone ne sont pas aussi fermés. Les pays insulaires et péninsulaires (Philippines, Malaisie, Indonésie), pluriethniques et multiculturels par l’histoire, envisagent plus facilement l’intégration d’étrangers au sein de leur communauté nationale. C’est surtout le cas des Philippines, pays qui s’est constitué en plusieurs vagues d’immigration et qui autorise même la double nationalité, fait rare dans la région. Toutefois l’intégration des étrangers y est encore un non-sujet. Les Philippines demeurent avant tout un pays d’émigration (10 % des Philippins vivent à l’étranger) et non d’immigration.

Un communautarisme sous contrôle

Un communautarisme existe néanmoins dans tous ces pays de droit du sang, qui diffère du nôtre sur un point majeur : il ne concerne pas des populations importées récemment, mais les « peuples premiers », aujourd’hui minoritaires, présents sur place avant même souvent l’arrivée de l’ethnie majoritaire. La Chine affiche fièrement 55 minorités ethniques (9 % de la population), le Vietnam 53, la Birmanie 135. Elles sont officiellement choyées et respectées dans leur diversité culturelle et jouissent d’un cadre légal spécifique. La réalité est parfois bien plus cruelle, Ouïghours, Tibétains ou Rohingyas peuvent en témoigner. Les minorités religieuses ne sont pas non plus à la fête. Aux Philippines, en Malaisie, en Indonésie, en Thaïlande, les épisodes de violence et de terrorisme surviennent régulièrement sur fond d’antagonisme religieux. Les accusations de trahison ou de séparatisme ne sont jamais loin.

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Sinisation et francisation

En fouillant l’histoire de la Chine, on trouve deux cas majeurs d’assimilation. La sinisation des dynasties mongole au xiiie siècle et mandchoue au xviie, deux peuples issus d’une culture différente et situés aux marches de l’Empire chinois, fut bien une assimilation, comme le fut au ive siècle la romanisation des peuplades barbares qui adoptèrent les usages romains et défendirent l’Empire.

Finalement, le plus spectaculaire exemple d’assimilation réussie d’une population asiatique au xxe siècle a eu lieu en France. Les dizaines de milliers de familles vietnamiennes et cambodgiennes arrivées après les accords de Genève en 1954, avant ou après la chute de Saigon et de Phnom Penh en 1975 ont massivement choisi de s’assimiler à la France et à la culture française. Beaucoup sont allées jusqu’à imposer le français et à bannir l’utilisation du vietnamien ou du khmer à la maison pour mieux accélérer l’intégration des enfants à qui, souvent, on donnait un prénom français en plus d’un prénom d’origine. Effort remarquable pour une population traditionnellement du droit du sang. Cette volonté d’épouser la culture autant que la citoyenneté française en dit également long sur la force d’attraction de la France jusqu’en 1975. À croire que la période coloniale n’avait pas laissé que des mauvais souvenirs.

Covid-19: Mais pourquoi le Japon s’en sort-il si bien?

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Sans confinement ni restrictions des libertés fondamentales, la gestion de la pandémie au Japon suscite l’incompréhension des médias occidentaux. Retour sur les causes et les raisons d’un nombre de morts exceptionnellement bas dans un pays qui aurait pu sembler d’abord abandonné au vent pandémique.


 

Article du The Japan Times. Traduction de Conflits.

NDLR : Nous publions cet article de l’un des plus anciens journaux du Japon pour avoir un autre point de vue sur le coronavirus, celui du Japon, et comprendre comment l’épidémie est vue et gérée dans d’autres parties du monde. La géopolitique étant affaire de vision et de regard, il est important de se mettre à la place des autres pour comprendre comment eux voient le monde…

Le 1er janvier, le nombre total de cas de coronavirus dans le monde était de 83 748 593 et le nombre de décès de 1 824 140. Au Japon, les chiffres correspondants étaient de 230 304 et 3 414. Fait inhabituel, au Japon, la maladie a tué plus de personnes en automne-hiver qu’au printemps. Néanmoins, pour équilibrer et mettre les choses en perspective, il convient de noter que plus de Japonais sont morts de 25 autres causes en 2020. Le Covid-19 n’a représenté que 0,3 % de tous les décès. Il y a eu sept fois plus de suicides et 40 fois plus de décès dus à la grippe et à la pneumonie. Le Japon était également l’un des rares pays à ne pas connaître de surmortalité due au Covid-19.

Le Japon a attiré l’attention du monde entier pour n’avoir ni imposé un verrouillage ni testé de façon obsessionnelle les personnes asymptomatiques. Comme Tomoya Saito le dit dans ces pages, « Encourager les personnes présentant des symptômes légers ou inexistants à passer des tests PCR n’aurait rien révélé à part isoler les cas faussement positifs ». L’indice de rigueur a été élaboré par l’école Blavatnik de l’université d’Oxford en collaboration avec Our World in Data pour évaluer la rigueur de neuf mesures de confinement, dont la fermeture des écoles et des lieux de travail et l’interdiction de voyager, 100 étant la plus stricte. L’indice du Japon est resté inférieur à 50 jusqu’au 8 décembre, alors que tous ses partenaires du G7 sont restés pour la plupart au-dessus de 50.

Vue aérienne du Diamond Princess dans le port de Yokohama, le 21 février 2020 © Masahiro Sugimoto/AP/SIPA Numéro de reportage: AP22430703_000036
Vue aérienne du Diamond Princess dans le port de Yokohama, le 21 février 2020 © Masahiro Sugimoto/AP/SIPA Numéro de reportage: AP22430703_000036

Cette situation a créé une pandémie de peur face à la menace d’un tsunami de morts Covid-19 qui ravagerait le Japon. Au début de l’année dernière, le bateau de croisière Diamond Princess a accosté à Yokohama. Avec plus de 700 des 3 711 personnes à bord infectées et 14 morts, on craignait que le Japon ne soit le théâtre de la prochaine grande épidémie du virus. Kentaro Iwata, expert en maladies infectieuses à l’université de Kobe, a décrit le navire comme un « moulin à Covid-19 ». Un article paru dans le Washington Post le 20 février a déclaré que la réaction du Japon face à ce navire était « complètement inadéquate », et cet article a rapporté le 10 mai que 57% des Japonais étaient mécontents de la réaction de leurs autorités au coronavirus.

A lire aussi: Voulez-vous savoir pourquoi Macron hésite à reconfiner? Regardez du côté des Pays-Bas!

Au début de l’été, alors que Tomoya Saito écrivait que le Japon avait « réussi à minimiser les décès liés au Covid-19 sans introduire un verrouillage strict ou une politique de tests à grande échelle » et qu’il poursuivait plutôt une approche centrée sur les groupes, une grande partie des médias occidentaux critiquait sévèrement l’échec du Japon à verrouiller le navire et prédisaient des décès de masse. Des articles du New York Times (7 avril), du Washington Post (11 et 21 avril, 25 mai, 11 août), du New Statesman (22 avril) et du magazine Science (22 avril) ont déclaré que le Japon avait manqué « sa chance de maîtriser le coronavirus ». Sa gestion du coronavirus était jugée « trop peu, trop tard », caractéristique d’un « confinement trop léger », digne d’un « kabuki pandémique » et ou d’un « manuel de stratégie trumpien » « idiosyncrasique » sur le virus. Les experts médicaux ont recommencé à débiter des scénarios alarmistes avec la deuxième vague en hiver. L’une des raisons de leur appréhension était l’histoire troublée du Japon avec les vaccins et son processus d’approbation prudent pour les nouveaux vaccins. Mais cet article a noté que « le succès relatif du Japon dans la gestion de la pandémie » signifie qu’un déploiement urgent de la vaccination est moins prioritaire.

Les Japonais ne devraient pas prendre les critiques occidentales trop au sérieux. Les grands médias se sont donné pour mission d’encourager le scénario du confinement. Les pays comme la Suède et le Japon qui s’écartent du scénario approuvé font l’objet d’une colère particulière pour leur irresponsabilité frisant le manquement criminel au devoir. Les exemples de meilleurs résultats sans le large éventail de coûts liés à la santé, à la santé mentale, aux moyens de subsistance, à l’économie et aux libertés civiles des confinements sévères devraient être les bienvenus. Au lieu de cela, de nombreux commentateurs semblent vouloir que les pays du blocus échouent afin de se sentir justifiés.

Malheureusement pour eux, il y a peu de données empiriques pour soutenir les modèles mathématiques abstraits sur lesquels…

>>> Lire la fin de l’article sur le site de la revue de géopolitique Conflits <<<

Grosse commission refusée par Lidl en vertu du «protocole sanitaire»

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Quand l’hygiénisme nous rend malades!


Sylvie Brasseur, coiffeuse à la retraite, est atteinte de la maladie de Crohn. Une pathologie invalidante qui provoque des diarrhées incontrôlables à près de 140 000 Français.

Mercredi 13 janvier, alors qu’elle patiente à la caisse de Lidl à Vesoul (Haute-Saône), elle est prise d’une envie pressante. Elle brandit alors sa carte Urgence toilettes – procurée par l’AFA (association François Aupetit), qui combat la maladie de Crohn. Un sauf-conduit ouvrant un accès aux trônes d’ordinaire réservés aux personnels, inestimables en pareil soubresaut colique. 

« En pleurs devant ma voiture et souillée jusqu’aux bottes »

« Cette carte facilite l’accès aux toilettes dans l’espace public. Si elle n’a pas de statut officiel comme la carte handicapé, elle aide vraiment nos membres », souffle à Causeur Eve Saumier, de l’association AFA. C’était sans compter sur le zèle hygiéniste du colosse de la grande distribution. Alors qu’elle est sur le point d’exploser, Sylvie se heurte à des employés de marbre. « Nous mettons en place un protocole sanitaire dans l’ensemble de nos supermarchés en France afin de limiter la propagation du virus et demandons des mesures en ce sens à nos salariés. Ils sont donc invités à respecter et faire respecter les règles en matière d’hygiène pour assurer la sécurité de tous, nos clients comme les collaborateurs », se défend la firme germanique dans le communiqué transmis à Causeur.

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Une implacabilité sanitaire qui a mené Madame Brasseur à se soulager sur le parking: « Tout est parti. J’étais en pleurs devant ma voiture et souillée jusqu’aux bottes ». « Nous sommes à la fois désolés et reconnaissants que Madame Brasseur prenne la parole, confie Eve Saumier. C’est vraiment un tabou qu’il faut briser. Ça représente le quotidien de milliers de malades en France ». Des milliers de malades qui pourraient avoir trouvé leur égérie en la figure de Madame Brasseur, qui semble déterminée à porter ce combat. « Avec la crise sanitaire, la situation de l’accès aux toilettes, déjà problématique en France, s’est profondément aggravée », dénonce Eve Saumier -qui a lancé une pétition.  

Quand Lidl brandit la carte de la victimisation 

« Nous regrettons l’incident qui s’est déroulé au supermarché de Vesoul  le 13 janvier dernier et avons adressé à notre cliente nos plus sincères excuses pour le désagrément subi. […] Les équipes qui ont accueilli la cliente ont en effet dans un premier temps refusé l’accès aux toilettes pour éviter toute prise de risque. Cependant, une fois informés de la situation, les responsables du supermarché avaient autorisé l’accès, mais la cliente avait déjà quitté les lieux », argue Lidl dans son communiqué. Un air de victimisation qui laisse un goût amer à Madame Brasseur. Auprès de nos confrères de L’Est Républicain, elle a dénoncé « un manque d’empathie de la part du personnel » 

Lidl estime pourtant que « depuis le début de l’épidémie, chaque jour et avec rigueur et discipline, nos équipes veillent à ce que nos clients soient reçus en toute sécurité dans nos supermarchés ». Pour faire des petites commissions, sans doute, mais pour la grosse, mieux vaut aller voir ailleurs! Manque de pot, aucune réouverture de cafés ne se profile à l’horizon. Dans ces conditions, il ne nous reste plus qu’à rester chez soi et faire ses courses sur internet. Bienvenue dans le meilleur des mondes…

Castex: 66 millions de procureurs échappent à un nouveau confinement…

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À la surprise générale, le Premier Ministre Castex n’a pas annoncé hier soir le reconfinement qui nous semblait promis. Toutefois, le couvre-feu va être durci, et les frontières fermées à partir de dimanche… alors qu’on nous disait il y a un an que le virus n’avait pas de passeport. Masques, tests, vaccins, communication gouvernementale: faut-il voir de l’amateurisme ou de l’incompétence?


Ce n’est pas parce que je ne me considère pas comme l’un des multiples médecins que l’épidémie a engendrés, que je n’écoute pas ce qui se dit autour de moi, de la part de spécialistes comme du commun des citoyens.

66 millions de procureurs

Ce n’est pas parce que je n’ai jamais été sur la ligne facile du « il n’y a qu’à » et du « il suffit de », que l’appréciation d’Emmanuel Macron sur les Français qui seraient tous « des procureurs » ne m’apparaît pas sujette à caution: il y aurait de quoi requérir contre le gouvernement sur le plan sanitaire depuis le début de l’année 2020…

Ce n’est pas parce que j’en ai assez de ces débats médiatiques tournant avec une régularité lancinante autour de la Covid-19, des modalités de la lutte, du confinement ou non, des personnes vulnérables ou non, que je ne mesure pas le degré d’insatisfaction d’une large part de la France qui travaille et qui est condamnée à être à l’arrêt, pour l’essentiel comme pour ce qui l’est aussi mais autrement, comme la culture.

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J’évoque la fronde qui à bas bruit puis plus intensément depuis quelques mois, altère le climat national au point que le président de la République hésite à proposer, malgré des statistiques inquiétantes, un régime plus dur. Il craint que l’acceptabilité sociale ait atteint déjà son comble. Sans mauvais esprit, il faut admettre qu’il y a des erreurs, des carences, des abstentions et des dysfonctionnements qui n’ont pas manqué et que cette protestation, sur certains points n’est pas illégitime. Comme nous n’avons pas de masques, on nous dit initialement qu’ils ne sont pas nécessaires. La méthode proclamée – tester, tracer, isoler – a été un fiasco.

Les vaccins dont on savait depuis plusieurs semaines qu’ils allaient heureusement survenir n’ont pas fait l’objet de la logistique et de l’organisation qui aurait dû leur correspondre, avec notamment une latitude laissée aux maires qui n’ont pas cessé de piaffer parce qu’ils mettaient des lieux à disposition mais n’avaient pas les doses. Malgré la pauvreté hospitalière qui a fait l’objet d’un constat consensuel au début de l’année 2020 et en dépit des promesses présidentielles et ministérielles, rien n’a été accompli pour combler le gouffre entre ce qui existait hier et ce qui aurait dû exister aujourd’hui.

Ces mesures réclamées qui arrivent bien tard

La communication du gouvernement, d’Edouard Philippe à Jean Castex, n’a cessé de se dégrader. On a entendu beaucoup, voire trop, de responsables politiques sur le plan sanitaire et leur parole profuse, loin d’aider à la compréhension des autorités médicales et scientifiques elles-mêmes divisées, a ajouté à l’incertitude. Je conçois qu’une forme de pragmatisme et une adaptation au réel imprévisible et fluctuant étaient obligatoires mais elles n’interdisaient pas d’avoir un dessein clair et cohérent. Ce dernier n’est jamais venu nous rassurer.

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L’intervention du Premier ministre, le 29 janvier, n’a pas apporté véritablement d’éléments nouveaux. Le pays a échappé au reconfinement mais les autres mesures, notamment celles concernant la fermeture des frontières dans l’Union européenne et avec le reste du monde auraient dû être prises depuis longtemps. Pourquoi faut-il que ce qui est nécessaire soit toujours si tardif et que ce qui pourrait nous sauver soit mis à disposition avec tant de parcimonie ? 

Je crains fort que de « revoyure » en « revoyure », nous finissions par devoir supporter un jour une mise sous cloche encore plus drastique de la France, qui nous sera cette fois communiquée solennellement par le président. Je relève qu’on ne s’est pas orienté vers un partage opératoire et précautionneux entre les personnes âgées et vulnérables d’une part et de l’autre le pays actif, jeune, en pleine force, résistant, qui n’en peut plus de mourir économiquement et psychologiquement à petit feu.

Les conseils de défense se succèdent alors que 2022 se rapproche

Amateurisme ou incompétence ? Bonne volonté ou défaillance structurelle ? Comportements imparfaits, pas assez professionnels, ou bureaucratie étouffante ? Trop de Conseils de défense, avec une solitude régalienne, ou trop peu de débats parlementaires ?

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J’accepterais l’hypothèse de l’amateurisme et de la bonne volonté, pas gratifiante en elle-même sans être déshonorante, si face aux accusations, le pouvoir n’avait pas réagi trop souvent avec arrogance – ce qui était la pire des attitudes alors qu’on aurait espéré une industrieuse et efficace modestie – et en affirmant que notre pays était bien classé par rapport à d’autres nations : argument discutable dont Jean Castex a encore usé ! Nous n’étions pourtant pas loin de la queue, en tout cas pour les vaccins. Avec, en plus, dorénavant, les « primo-injections reportées » selon Olivier Véran.

En 2022, l’enjeu sanitaire et la politique mise en œuvre depuis le début de l’année 2020 ne seront pas loin de constituer le débat central.

Nissart per tougiou!

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À travers son amour pour la ville de Christian Estrosi, Patrick Besson nous fait le bilan de sa vie, de ses amours, de ses lectures et de ses repas.


Bonheur de se promener à Nice avec Patrick Besson. Bonheur de retrouver cette ville dans laquelle l’auteur de ces lignes a fait ses khâgnes dans les années 90 (lycée Masséna, salle 912) et qu’il n’aurait peut-être jamais dû quitter. Bonheur de picorer ces aphorismes comme dans un livre de Nietzsche (qui, comme tant d’autres, aima Nice à la folie et y écrivit une partie du Zarathoustra).

Capiteuse et toxique

La mélancolie chaleureuse de cette ville qui inspira tant d’artistes, Matisse, Modiano, Le Clézio, mais aussi Joyce qui y eut l’idée de Finnegans Wake. Son effervescence vieille et estudiantine, bourgeoise et brigande, cosmopolite et identitaire. L’ambiance Satyricon qui y règne avec ses odeurs d’ordures suaves, ses freaks qui mendient sous les arcades de l’avenue Jean Médecin, ses filles de l’est que l’on lorgne dès l’arrivée en gare de Nice-ville.

Quelque chose d’intense et de suspendu, de capiteux et de toxique, d’enivrant et de vomitif mais dont le besoin revient toujours. « La ville résume les doutes que j’ai sur tout, elle est un repaire métaphysique », écrit l’auteur d’Un Etat d’esprit. Mille fois d’accord. Nice requinque et déprime, innerve et désaxe.

Ville uchronique en un sens qui donne l’impression d’une irréalité splendide (et c’est pourquoi l’attentat islamiste au camion du 14 juillet sur la Promenade et celui du 29 octobre 2020 à la basilique Notre-Dame de l’Assomption ont été vécu comme des effractions au paradis). Ville dont on se demande toujours quand on y va si on ne devrait pas y « renoncer dans un but de rangement car continuer d’y aller c’est demeurer dans tout ce présent mélangé et sans fin ». Nice, ville du retour et de de l’éloignement. Ville qui traverse le temps comme « l’émouvant tramway, place Garibaldi ». Ville années vingt qui fait dire à l’auteur certaines bêtises comme celle de trouver moches les femmes de ces années-là ?! Parle pour toi, Patrick ! Elles sont hautement attirantes, ces flappers aux robes Charleston, aux chapeaux cloches, au maquillage et à la coiffure Louise Brooks, aux sourires coquins parfois jusqu’à la lubricité.

Nice, le 29 octobre 2020 © LAURENT VU/SIPA Numéro de reportage: 00988176_000001
Nice, le 29 octobre 2020 © LAURENT VU/SIPA Numéro de reportage: 00988176_000001

Souvenirs, souvenirs

Tant pis, au moins nous retrouverons-nous dans les mêmes endroits aimés, à l’Albert Ier, 4 Avenue des Phocéens, qui fut le premier hôtel dans lequel je descendis lors de mon retour là-bas en juillet 2006 et où je connus Nathalie B. ; au Café de Turin, 5 place Garibaldi, mon restaurant de fruits de mers préféré de la galaxie, où je m’installe toujours à l’intérieur, en face du bar, sur l’une des banquettes vertes ; au Brouillon de culture, bouquinerie sublime où l’on trouve les plus beaux livres de notre monde passé tels les Classiques Garnier de chez Bordas, merveilleux volumes jaunes, hélas aujourd’hui de plus en plus rares – comme les putes de la rue de France ou du boulevard Gambetta, à deux pas du studio des Palombes, 38 rue du Châteauneuf, que me louait mon père à la fin des années 80 ; aux différents cinémas de la ville, enfin, que je connais par cœur et où j’ai vu quelques films cultes de ma vie à leur sortie : Le Cuisinier, le voleur, sa femme et son amant de Peter Greenaway (1989) au Mercury, Les Affranchis de Martin Scorsese au Pathé Masséna (1990), Arizona Dream d’Emir Kusturica (1992) au Pathé Paris, Nelly et Monsieur Arnaud de Claude Sautet (1995) aux Variétés, A Dangerous Method de David Cronenberg au Rialto (2011) et par-dessus tout Reflet dans un œil d’or de John Huston à la Cinémathèque de Nice, le 24 janvier 1992, avec Marie F., le premier amour impossible de ma vie.

Mourir à Nice, un projet de vie

« Mourir à Nice : projet de vie. » C’est une idée qui fait son chemin. Revenir ici à ma retraite, trouver un logement du côté du jardin Alsace-Lorraine et me laisser aller aux souvenirs de ma vie jamais vraiment commencée. « Devenir, par paresse avouée et calcul secret, un vieil auteur oublié à Nice » et dont les livres ont disparu avant qu’on ne disparaisse soi-même. Peut-être ai-je trop étudié la littérature pour en faire et que c’est comme « disséquer une assiette de socca ». En tous cas, voici un livre que j’aurais aimé écrire et je ne sais comment l’auteur le prendra.

Patrick Besson, Nice-ville, Flammarion.

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Egon Schiele, enfer et passion

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Le billet du vaurien


Aucun peintre ne m’a autant bouleversé durant mon adolescence viennoise qu’Egon Schiele. Il a laissé des traces profondes en moi, autant esthétiques qu’érotiques. Nul n’ignore qu’il est mort à l’âge de vingt-huit ans fauché au faîte de sa gloire par la grippe espagnole. On sait moins – ou on ne veut pas savoir – qu’il passa vingt-quatre jours dans la prison de Neulengbach – dénoncé par de zélés mouchards pour outrage aux bonnes mœurs, ce qu’on qualifierait aujourd’hui de pédophilie.

Les bonnes mœurs et l’art font rarement bon ménage

De sa cellule, il écrit à Arthur Roessler, un critique d’art qui le soutiendra mordicus : « Je suis obligé d’habiter avec mes propres excréments, de respirer un air suffocant, délétère. Je ne suis pas rasé – je ne peux même pas me laver correctement. » Il doit récurer le plancher de sa cellule : ses doigts sont meurtris, ses ongles cassés. Humilié sans même avoir été condamné. « La castration érigée en institution ! » écrit-il encore à l’adresse de ceux qui courent les musées en quête de beauté, des ordures qui désavouent le sexe.

Il est soumis à des interrogatoires. D’autant plus troublants, que la procédure concernant le « détournement de mineure avec viol » ne tient pas, même si Tatjana von Mossig, fille d’un haut fonctionnaire, n’a que quatorze ans. Les juges s’acharnent alors sur ses dessins pornographiques. Le marchand d’art Grünewald est lui aussi impliqué, accusé d’avoir propagé des reproductions des dessins de Schiele.

A lire aussi: Renaud Camus: « La liberté d’expression dans la France de 2020 n’est pas menacée: elle n’existe pas »

À l’opposé des éditeurs français, qui ne sont pas à une lâcheté près et qui laissent tomber Gabriel Matzneff, Grünewald défendra becs et ongles le grand peintre Egon Schiele. Le procès a lieu à Vienne en septembre 1923. Le procureur demande et obtient le huis clos. Grünewald sortira libre du tribunal, mais deux cents lithos reproduisant des œuvres de Schiele seront brûlées. On sait par des témoignages qu’à sa sortie de prison, Egon Schiele s’enferma dans un silence obstiné et qu’il eut le plus grand mal à reprendre son travail. Les bonnes mœurs et l’art ne font jamais bon ménage.

Enfer et passion, film introuvable

Même si Herbert Vesely ne compte pas parmi les grands metteurs en scène viennois, le film qu’il a consacré en 1980 au destin tourmenté d’Egon Schiele et que la critique française a jugé malsain (Il a pour titre : « Enfer et Passion » et il est, bien évidemment, introuvable) mérite le détour, ne serait-ce que pour le charme vénéneux qu’il dégage et la nostalgie de la Vienne impériale qu’il inspire. Jane Birkin y est en outre délicieusement perverse. Que peut-on espérer de plus ?

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Sandra Muller balance tout… sauf la vérité

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Mercredi 27 janvier, l’instigatrice du mouvement “Balance ton porc” était jugée en appel à Paris. En septembre 2019, elle avait été condamnée en première instance à payer 15 000€ de dommages à Éric Brion, et à supprimer le message le diffamant sur Twitter. Causeur était présent à l’audience de ce procès emblématique de deux phénomènes préoccupants: le néoféminisme revanchard et la violence sur les réseaux sociaux.


On connait le célèbre tweet de la journaliste Sandra Muller : « Tu as de gros seins. Tu es mon type de femme. Je vais te faire jouir toute la nuit. Éric Brion ex-patron de Equidia #balancetonporc ». Publié sur un coup tête le 13 octobre 2017 depuis New-York, il déclenche la vague accusatrice que l’on sait. De nombreuses têtes tombent. Mille torts sont reprochés aux hommes. Pour les rares pourfendeurs du mouvement, comme Catherine Deneuve, Balancetonporc c’était la délation en ligne dans tout ce qu’elle a de plus sale. Pour tous les autres, qui ont patiemment travaillé l’opinion publique à accepter de tels procès virtuels, c’était l’expression légitime de la parole “libérée” des femmes.

Tout l’enjeu du procès est de savoir si la nature des propos prêtés à Éric Brion[tooltips content= »Précisons que Brion n’a jamais reconnu avoir prononcé ces mots. Tout juste reconnait-il s’être pris un mémorable râteau à la fin d’une soirée, et s’être excusé le lendemain de son indélicatesse. »](1)[/tooltips] justifie que celui qui les aurait prononcés porte à vie l’étiquette infamante de harceleur sexuel. Et, si tel n’est pas le cas, de définir comment réparer l’injustice faite à celui dont des mots malheureux colportés ont valu la mort sociale.

Suite au tweet de Madame Muller, un million de messages ont été publiés avec le fameux hashtag “balance ton porc” sur Internet, et pas moins de 900 articles de presse ont relaté l’affaire en trois jours.

Éric Brion ne supporte plus le doute dans le regard des gens

Évidemment, les propos reproduits par Sandra Muller sont moches. C’est ce qu’il ne faut surtout pas dire quand on veut avoir de la classe. C’est ce qu’il ne faut surtout plus dire quand le néoféminisme victimaire est exalté par la classe politique et les médias.

Éric Brion se présente à la barre. Il sort de dépression, il a pris jusqu’à 20 kilos. Calme mais visiblement ému, il témoigne : “À partir de la publication de ce tweet, ma vie a été complètement brisée, réduite en miettes. J’ai perdu mon travail, ma compagne, ma réputation, le pire étant ce que mon entourage a subi, notamment mes deux filles. D’un seul coup, toutes les portes se sont fermées. Ma jeune société de conseil dans l’audiovisuel a perdu toutes ses missions.” Il se considère comme un pestiféré, un paria, Sandra Muller s’étant soigneusement acharnée sur lui des semaines durant, le qualifiant de “dommage collatéral d’une cause” dans un livre publié en 2018 ou le requalifiant de prédateur sexuel.

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La veille des faits qui lui sont reprochés, Sandra Muller a pu lire dans le Parisien le premier article de presse française qualifiant de “porc” le producteur Harvey Weinstein, reconnu coupable de viols. Le 13 octobre, avant de s’en prendre à Brion, Muller avait écrit sur Twitter « .#balancetonporc !! toi aussi raconte en donnant le nom et les détails d’un harcèlement sexuel que tu as connu dans ton boulot. Je vous attends ». Si ce premier message ne rencontre pas de succès, la délation, elle, paie. Quand Muller jette en pâture le nom de Brion dans le message suivant bien connu, il est partagé massivement. Enfin ! En écrivant “toi aussi” sur Twitter, puis en accolant au hashtag Balancetonporc le nom de Brion, nul doute que la journaliste amalgame volontairement Brion au producteur coupable de violences sexuelles.

Brion reconnait avoir pu retravailler “en pointillés” après le premier jugement, ce qui lui a redonné un peu d’espoir. Il s’adresse aux juges: “Je vous demande de confirmer le premier jugement pour lever définitivement le doute que je vois dans le regard des gens”.

Sandra Muller ne confond-elle pas drague lourde et harcèlement?

Curieusement, l’avocat François Baroin qui défendait l’accusée en première instance, s’il suit toujours le dossier, ne plaide plus pour elle et n’est pas présent à l’audience. L’accusée non plus ne s’est pas déplacée : elle est à New York. Rétrospectivement, son tweet cinglant apparait comme savamment préparé pour faire du mal, il était calibré pour générer un “buzz” revanchard sur les réseaux sociaux.

Mais la défense de Madame Muller demande la relaxe. Pour y parvenir, le ténor du barreau Francis Szpiner se grime en grand défenseur de la cause des femmes ! Parlons vrai: il en fait des caisses. Son emphase cocasse est à la mesure du degré de ridicule des propos grivois qu’aurait tenus Brion en 2017, et qui tout compte fait n’étaient pas grand-chose. Cependant, quand les questions sociétales ont pris l’ascendant sur le politique – Emmanuel Macron n’a-t-il pas fait des femmes la grande cause de son quinquennat ? – un procès comme celui-ci est de facto un procès politique. Selon Maître Jade Dousselin, avocate proche des Insoumis, Madame Muller serait injustement reconnue “coupable de s’être libérée et d’avoir manqué de prudence” en ne consultant pas le code pénal avant d’accuser Brion de harcèlement sexuel. On pourrait lui rétorquer que nul n’est censé ignorer la loi… Mais comme on l’a dit, c’est un procès politique, cela ne compte pas. Me Dousselin puis Me Szpiner invitent ainsi le tribunal à retracer la faute de Muller dans une “perspective plus large”. Muller ne peut pas être condamnée, le “progrès nous y oblige” affirme Me Dousselin.

Me Szpiner se fait menaçant : si le tribunal condamnait Sandra Muller en se bornant à suivre la jurisprudence sur les limites de la liberté d’expression, il ferait preuve d’un raisonnement simpliste qui ignorerait le “contexte dans lequel se trouve la société”…  “Vous allez débouter M. Brion, et ce sera justice” affirme-t-il. Selon les avocats de la défense, la Cour devrait ni plus ni moins comprendre le “ressenti des jeunes générations qui ne supportent plus ce genre de comportements et ne veulent plus se taire”. Une allusion au cas de Camille Kouchner est faite opportunément.

Décision le 31 mars

Mais quid des rumeurs et calomnies diverses relayées pendant des jours par Madame Muller ? Quid de cette fameuse “faille spatio-temporelle” évoquée un temps ?[tooltips content= »Muller avait affirmé à un moment avoir oublié pendant cinq ans le traumatisme qu’auraient représenté les mots de Brion à son endroit. Mais dans cette même période d’amnésie, elle menaçait Brion de parler s’il ne s’abonnait pas à la Lettre de l’audiovisuel qu’elle édite (1700€ l’année), dans un échange privé sur Facebook dont le tribunal a pu prendre connaissance. »](2)[/tooltips] Et où sont tous les témoignages d’autres femmes ayant à se plaindre de Monsieur Brion, un temps évoqués par Madame Muller, ailleurs que dans son imagination ?

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Madame Marie Burguburu, l’avocate de Brion, a rappelé qu’il revenait à la justice de complètement laver l’honneur de son client. Selon Me Burguburu et Me Bénoit, condamner Sandra Muller est la seule façon de stopper la pire des délations: celle qui ment et qui fonctionne. Selon eux, Éric Brion ne peut être accusé de harcèlement au travail. Non seulement Sandra Muller ne travaillait pas avec lui, et quand bien même des propos déplacés auraient été échangés lors d’une soirée professionnelle à Cannes, pour qu’un harcèlement soit caractérisé, il faut qu’il y ait répétition, menace ou violence. Brion réclame 200 000€ de dommages pour préjudice moral et patrimonial, le retrait du tweet et des publications judiciaires dans la presse pour que son innocence soit portée à la connaissance de la société. A l’issue de l’audience, il a déclaré à Causeur être « serein ». Verdict attendu le 31 mars.

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[1] Précisons que Brion n’a jamais reconnu avoir prononcé ces mots. Tout juste reconnait-il s’être pris un mémorable râteau à la fin d’une soirée, et s’être excusé le lendemain de son indélicatesse.

[2] Muller avait affirmé à un moment avoir oublié pendant cinq ans le traumatisme qu’auraient représenté les mots de Brion à son endroit. Mais dans cette même période d’amnésie, elle menaçait Brion de parler s’il ne s’abonnait pas à la Lettre de l’audiovisuel qu’elle édite (1700€ l’année), dans un échange privé sur Facebook dont le tribunal a pu prendre connaissance.

Collège d’Ollioules: «Pourquoi prendre un risque inutile?»


Le collège d’Ollioules ne sera finalement pas rebaptisé « Samuel-Paty ». La trouille, ça ne sent pas bon


Ainsi parla Sandra Olivier, professeur de mathématiques et représentante du SNES au collège des Eucalyptus à Ollioules, dans le Var. Par conséquent la proposition du maire LR Robert Bénéventi de rebaptiser l’établissement du nom de Samuel-Paty a été rejetée par 100% des enseignants, 89% des parents et 69% des élèves.

Le parfum des eucalyptus locaux sera-t-elle assez puissante pour couvrir l’odeur de trouille de tous ces gens ? Et ça ne sent pas bon, la trouille.

Ne pas prendre de risque : c’est donc cela que ces professeurs enseignent à leurs élèves. 100% sans cou… rage. La dhimmitude est en marche — ou la « soumission », comme dirait Houellebecq. Rien d’étonnant à ce que le héros du roman soit un enseignant : de concession en concession, il finira par se faire à l’instauration de la charia. Il y trouvera même son intérêt libidineux.

L’islamisme avance ses pions

Ce qui, il y a cinq ans, pouvait encore passer pour une fiction s’inscrit désormais dans les faits. La moitié des enseignants, selon un sondage récent, avoue avoir renoncé à traiter telle ou telle part du programme. Ils peuvent bien s’abriter derrière le souci de ne pas heurter la sensibilité de tel ou tel segment de la population (et faire des différences entre élèves, c’est au pire du racisme, au mieux l’acceptation du fanatisme). Le fait est que les islamistes avancent tranquillement leurs pions. Ils sont une poignée, mais ils auraient tort de se gêner, en face, personne ne résiste.

Il se trouve que quelques heures à peine après l’attentat, j’avais suggéré à l’une des huiles du ministère de rebaptiser Samuel-Paty le collège du Bois-d’Aulne à Conflans. Ça ne s’est pas fait sous un prétexte ou un autre. Mais après tout, on a appris que là-bas aussi nombre des collègues de l’enseignant assassiné critiquaient le fait même qu’il ait fait cours sur un tel sujet.

A lire aussi: Alain Finkielkraut: Samuel Paty, le dévoilement et le déni

À force d’éliminer les sujets qui fâchent, on devient objet de dérision.

J’ai honte de me dire enseignant. « Ah oui, ceux qui ont aménagé la laïcité, ceux qui pensent, comme le président de la FCPE, qu’une abaya n’a guère plus de sens qu’un tee-shirt aux armes du Che, ceux qui ont intégré l’infériorité des filles — quoi qu’ils disent, et bien que les femmes soient majoritaires parmi eux. Qui estiment que Mila aurait dû la fermer. Qui ont été Charlie mais n’ont pas dénoncé les accrocs aux minutes de silence, les affirmations racistes des uns et des autres, les bouffées de superstition. » Ainsi parle le peuple, désormais.

Marche blanche en hommage à Samuel Paty, Conflans-Sainte-Honorine, 20 octobre 2020. © Samuel Boivin/ NurPhoto/AFP
Marche blanche en hommage à Samuel Paty, Conflans-Sainte-Honorine, 20 octobre 2020. © Samuel Boivin/ NurPhoto/AFP

Le maire Robert Bénéventi embarrassé

« Je ne suis pas payé pour risquer ma peau… » Ah, ils sont beaux, les hussards noirs de la République ! « C’est la pusillanimité qui règne aujourd’hui. On ne s’en rend pas compte, mais nous sommes en train de laisser filer les valeurs de la République », a rajouté Robert Bénéventi, bien embarrassé à l’idée de devoir expliquer à la famille de Samuel Paty la décision de ses ex-collègues. D’autant que la représentante du SNES en a rajouté une louche : « Nous avons déjà une rue du Colonel-Arnaud-Beltrame pas très loin du collège, cela fait beaucoup d’histoires lourdes de sens pour un établissement qui accueille un jeune public ».

Il aura compris, le jeune public à qui l’attitude de ses professeurs sera expliquée demain par la presse. Il aura compris qu’il peut désormais tout oser : en face, on se couche.

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Le regard libre d’Elisabeth Lévy

À écouter, l’analyse d’Elisabeth Lévy sur ce sujet, ce matin au micro de Sud radio

De l’art et du cochon

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Image d'illustration Adrian Infernus / Unsplash

Horreur à Cessac! Des artistes tranquillement installés dans la ruralité voient d’un mauvais œil le nouveau permis de construire accordé à la porcherie voisine…


Le centre d’art qui préférerait une agriculture… conceptuelle

Boisbuchet est un centre d’art situé en milieu rural, à Cessac (Charente), créé et dirigé par d’éminents designers allemands. Cet organisme, avec château et terres, est financé, comme il se doit, par le ministère de la Culture. Ses responsables pensent à juste titre que le design, activité créatrice proche de la production, n’est concevable que dans un esprit de synergie avec toutes les productions locales. 

Ce type de conflit se multiplie. On se souvient des fameux procès de coqs…

Ils proposent ainsi des formations à prétention vaguement agricole (non agréées) pour contribuer au développement rural.

Passer de cinq à six cochons par semaine

Il se trouve par ailleurs qu’une famille d’agriculteurs du coin veut installer son fils sur l’exploitation, laquelle passerait ainsi de 2,5 à 3,5 unités de main-d’œuvre. « Installer » signifie, dans le monde agricole, devenir le chef d’exploitation et, souvent, faire à cette occasion quelques investissements nécessaires à la modernisation. Ces exploitants mitoyens du domaine élèvent des porcs fermiers labélisés, misant donc sur une haute qualité gustative et environnementale. La production actuelle de cinq cochons par semaine passerait à six. Ils vont faire construire deux bâtiments bas afin d’y stoker le fourrage et évoluer vers un élevage sur lit de paille répondant à une exigence de bien-être animal. Les toits vont être équipés de capteurs photovoltaïques pour privilégier les énergies renouvelables. Le permis de construire leur a été accordé « en son âme et conscience » par le maire, ancien technicien agricole, qui connaît bien ces questions.

A lire aussi, enquête: Dans nos campagnes, des néoruraux multiplient les procès rageurs

Vous pensez peut-être que le centre d’art pourrait se réjouir de la présence de ce petit projet exemplaire à proximité, qu’il pourrait même nouer un partenariat pour faire déguster du porc de qualité à sa cantine. Il n’en est rien. C’est tout le contraire ! Le centre d’art hurle au scandale ! L’émotion monte dans les milieux culturels et on en appelle à Roselyne Bachelot. On dénonce un « élevage industriel ». D’autres parlent de « ferme-usine » ! Une pétition réunirait 20 000 signatures, s’étendant jusqu’au Japon, avec le soutien d’un ancien prix Pritzker (équivalent du prix Nobel pour les architectes). Enfin, le centre d’art intente des actions au tribunal administratif en référé (perdu) et sur le fond (en attente).

Nature contre ruralité

Ceci est d’autant plus préoccupant que ce type de conflit se multiplie. On se souvient des fameux procès de coqs. Citons, en Île-de-France, le cas plus récent de l’éditrice Odile Jacob. Fin 2020, elle remue ciel et terre pour conjurer l’installation d’une petite exploitation d’agriculture biologique qui jouxterait sa maison de campagne.

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Évidemment, personne n’est heureux de voir se développer des nuisances à proximité de chez soi. Cependant, s’agissant de projets à la fois minimes et bien gérés, il est difficile de ne pas être surpris par la vivacité des réactions.

En réalité, il y a probablement un problème plus général, quelque chose comme un conflit d’usage au sujet de l’espace rural. D’un côté, les ruraux sont nombreux à vouloir tout simplement pouvoir continuer à y vivre, notamment de l’agriculture. En outre, beaucoup redoutent la désertification des campagnes qui les vide de leur convivialité. Ils tiennent à des plaisirs traditionnels tels que chasse, pêche, champignons, etc. De l’autre côté, nombre d’urbains et d’intellectuels (pardon pour ce terme commode) aspirent à la nature brute avec, si possible, quelques bébêtes, genre parc naturel. Surtout pas de péquenauds, d’odeur de bouse et encore moins de pollutions ! La Nature, vous dis-je ! Force est de constater que, de plus en plus souvent, ces deux visions se heurtent de plein fouet.

Theodor Lessing ou la haine de soi

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Theordor Lessing / Will Burgdorf Fotografie Wikipedia D.R.

Le billet du vaurien


Il y a chez Nietzsche des pages très fortes sur la haine de soi, cette haine qu’il détecte dans les Évangiles ou dans les romans de Dostoïevski et à laquelle il oppose la morale des seigneurs (ou morale « romaine », « païenne », « classique », « Renaissance »), qui symbolise la vie ascendante, la volonté de puissance en tant que principe.

Ne pas sentir en égoïstes

Contre Pascal, Nietzsche joue Goethe et quand il évoque Flaubert, cette réédition de Pascal en plus artiste, c’est pour se gausser de cet homme qui se torturait en écrivant tout comme Pascal se torturait en pensant – « tous deux ne sentaient pas en égoïstes. » Jamais il n’y eut comme chez Nietzsche une telle apologie de la force chez un être aussi démuni. Et si nous l’admirons encore, c’est pour sa faiblesse, ses rodomontades n’abusant plus personne.

La haine de soi, c’est précisément le titre d’un essai très étrange, fascinant à maints égards et qui fut publié en I930 par Theodor Lessing, l’une des premières victimes de la Gestapo, qui envoya ses tueurs à Marienbad le 30 août 1933 pour l’abattre. Le destin de Theodor Lessing mériterait d’inspirer un romancier ou un cinéaste : écartelé entre la culture allemande et ses origines juives, il provoqua l’exaspération de ses contemporains en enquêtant sur les juifs de Galicie et en reprochant à ses coreligionnaires de « se vendre » de la manière la plus dégradante à l’Allemagne. Dans ses articles, il ne se privait jamais d’insulter le futur Président Paul von Hindenburg, ce qui lui valut d’être exclu de l’école technique de Hanovre. Thomas Mann que ses outrances exaspéraient, disait à son propos qu’un « nain aussi disgracieux devait s’estimer heureux que le soleil brille pour lui aussi. »

Refus de la judéité

Dans son essai sur la haine de soi et du refus de la judéité, Theodor Lessing reconnaît être lui aussi passé par une phase de rejet absolu du judaïsme et d’abandon éperdu à la germanité. « Où trouverait-on, ajoute-t-il, un jeune homme noble, épris de vérité, né dans cette double lumière et contraint de choisir entre deux peuples, qui n’eût dû livrer un tel combat ? Il n’existe pas un seul homme de sang juif où l’on ne décèlerait au moins les débuts de la haine juive de soi. »

Et Theodor Lessing de se lancer dans six brefs récits de vie qui sont autant de pathographies, souvent pathétiques, toujours passionnantes à découvrir : la haine de soi y apparaît comme la passion la plus exigeante et la plus funeste, celle qui côtoie de plus près les abysses de l’âme humaine, celle aussi dont on pressent que, par-delà la folie ou l’horreur, elle sera la tunique de Nessus dont aucun créateur ne saurait se passer.

A lire aussi: Egon Schiele, enfer et passion

Voici donc, sous la plume fiévreuse de Theodor Lessing, les destins de Paul Rée qui fut l’ami de Nietzsche avant de se suicider en Engadine, d’Otto Weininger qui se donna la mort à l’âge de vingt-trois ans dans la chambre de Beethoven après avoir laissé un sulfureux testament philosophique « Sexe et Caractère », d’Arthur Trebitsch que ses délires antisémites très appréciés par Hitler conduisirent à la folie, de Max Steiner, chimiste de génie, qui après avoir voué une admiration sans borne à Marx et à Steiner, se convertit au catholicisme avant de se suicider à vingt-six ans, de Walter Calé, poète qui mit fin à ses jours par dégoût de lui-même et de l’humanité, et enfin de Maximilian Harden qui exhortait les juifs à une conversion massive et qui fut victime d’un attentat antisémite.

Se résorber dans l’infini

Par-delà l’amour ou la haine de soi, Theodor Lessing rappelle dans sa conclusion que pendant deux ans et demi les plus sages parmi les rabbins ont débattu de la question suivante : « Eût-il mieux valu que l’univers de l’esprit ne fût point créé et que l’esprit devenu vivant en l’homme s’annulât pour se résorber dans l’inconscient et l’extra-humain ? Ou bien eût-il mieux valu que l’inconscient et l’extra-humain fussent totalement purifiés pour donner naissance à un esprit vif et à une humanité savante ? ´» Selon le Talmud, les académies, après maintes controverses, se rallièrent à la conclusion suivante : « Il eût mieux valu sans le moindre doute que le monde réel dont nous avons conscience ne fût point créé. Il ne fait pas le moindre doute que le plus souhaitable pour l’humanité est d’arriver à son terme et de se résorber dans l’infini. »

Theodor Lessing, La haine de soi ou le refus d’être juif (Pocket/Agora).

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Assimilation, une impossibilité conceptuelle pour les Asiatiques

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Lycée Marie-Curie d’Hanoï (Vietnam), 4 mai 2020 © Manan VATSYAYANA / AFP

 


À la différence de l’Europe, l’Asie considère l’assimilation comme une impossibilité conceptuelle. On naît chinois, japonais ou vietnamien, on ne le devient pas. Pas de citoyenneté sans une lignée ancestrale. Un texte de Jean-Noël Poirier, correspondant à Hanoï


Disons-le d’emblée, le concept d’assimilation est largement inconnu en Asie[tooltips content= »L’Asie dont il est question ici regroupe l’Asie du Nord-Est et du Sud-Est, à l’exclusion du sous-continent indien. »](1)[/tooltips]. Il s’agit même d’un concept difficile à appréhender dans cette Asie foncièrement traditionnelle, désormais peu attirée par les grands concepts occidentaux.

L’idée qu’un Camerounais noir ébène ou qu’un Suédois aux yeux bleu celte puisse devenir chinois (ou japonais, vietnamien, laotien, etc.) au motif, par exemple, qu’il parlerait parfaitement la langue du pays, y vivrait depuis plusieurs décennies, voire même y serait né, est saugrenue dans cette partie du monde. Et, avouons-le, nous serions les premiers surpris de rencontrer un Chinois d’origine africaine ou scandinave, tant nous avons intégré la nature ethnique du peuple chinois.

On est chinois parce qu’on naît chinois

Pour les plus de 2 milliards d’individus d’Asie du Nord et du Sud-Est, les choses sont très simples. Le peuple est une notion avant tout ethnique, assortie d’une culture ancestrale et parfois d’une religion. Ce « droit du sang », qui est en réalité plutôt un « droit des ancêtres », ne laisse guère de place à l’assimilation d’une personne d’une autre origine ethnique ou culturelle.

A lire aussi, notre numéro 86: Causeur: Assimilez-vous!

Cette réalité est particulièrement forte dans tout le monde confucéen (Chine, Taïwan, Japon, Corée, Vietnam) où la citoyenneté et l’appartenance au groupe ethnique ne font qu’un. La naturalisation est certes prévue par la loi, mais les dossiers sont rares, examinés à la loupe et le nombre de décisions positives est faible. De plus, citoyenneté ne vaut pas assimilation. Un étranger naturalisé ne sera jamais reconnu comme appartenant au peuple chinois, vietnamien, coréen ou japonais. La barrière, biologique, est ici indépassable.

« Vous, vous ne serez jamais vietnamien. Votre femme, elle, est vietnamienne », a conclu mon chauffeur de taxi, heureux de pouvoir mettre chacun dans sa bonne case. Mon épouse, née et élevée en France, de culture française, de mère française de souche, pouvait revendiquer sa « vietnamité » grâce à son père d’origine vietnamienne. Moi, bien que parlant vietnamien, dirigeant deux entreprises vietnamiennes, ayant déjà vécu douze ans sur place, je resterai pour toujours un Occidental, car Gaulois de sang à 100 %. « C’est comme ça. » Vérité biologique incontournable et acceptée comme telle dans toute la région. La vérité sort souvent de la bouche des chauffeurs de taxi.

Les aléas de l’histoire récente et le passage à une société 3.0 n’ont pas changé l’anthropologie. Entre 1975 et la fin des années 1980, plusieurs millions de Khmers et de Vietnamiens se sont réfugiés en Thaïlande, Malaisie, à Singapour et Hong Kong pour fuir le régime khmer rouge ou les mesures autoritaires du régime vietnamien. Bien que très proches culturellement et originaires de pays voisins (Khmers et Thaïs sont deux peuples « cousins »), ces réfugiés n’ont jamais été autorisés à s’installer sur place. Ils ont vécu dans des camps renfermant plusieurs centaines de milliers de personnes, gérés par les autorités locales et le Haut-Commissariat aux réfugiés des Nations unies. Certains y sont restés quinze ans, le temps nécessaire pour parvenir à un accord de paix au Cambodge (1991) et à un accord de rapatriement avec le Vietnam. Personne n’y trouva à redire. L’idée de laisser cette population s’installer et s’intégrer dans le pays d’accueil n’a traversé l’esprit de personne. « Khmer tu es, khmer tu restes. »

Intégration plutôt qu’assimilation, mais au compte-gouttes

Tous les pays de la zone ne sont pas aussi fermés. Les pays insulaires et péninsulaires (Philippines, Malaisie, Indonésie), pluriethniques et multiculturels par l’histoire, envisagent plus facilement l’intégration d’étrangers au sein de leur communauté nationale. C’est surtout le cas des Philippines, pays qui s’est constitué en plusieurs vagues d’immigration et qui autorise même la double nationalité, fait rare dans la région. Toutefois l’intégration des étrangers y est encore un non-sujet. Les Philippines demeurent avant tout un pays d’émigration (10 % des Philippins vivent à l’étranger) et non d’immigration.

Un communautarisme sous contrôle

Un communautarisme existe néanmoins dans tous ces pays de droit du sang, qui diffère du nôtre sur un point majeur : il ne concerne pas des populations importées récemment, mais les « peuples premiers », aujourd’hui minoritaires, présents sur place avant même souvent l’arrivée de l’ethnie majoritaire. La Chine affiche fièrement 55 minorités ethniques (9 % de la population), le Vietnam 53, la Birmanie 135. Elles sont officiellement choyées et respectées dans leur diversité culturelle et jouissent d’un cadre légal spécifique. La réalité est parfois bien plus cruelle, Ouïghours, Tibétains ou Rohingyas peuvent en témoigner. Les minorités religieuses ne sont pas non plus à la fête. Aux Philippines, en Malaisie, en Indonésie, en Thaïlande, les épisodes de violence et de terrorisme surviennent régulièrement sur fond d’antagonisme religieux. Les accusations de trahison ou de séparatisme ne sont jamais loin.

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Sinisation et francisation

En fouillant l’histoire de la Chine, on trouve deux cas majeurs d’assimilation. La sinisation des dynasties mongole au xiiie siècle et mandchoue au xviie, deux peuples issus d’une culture différente et situés aux marches de l’Empire chinois, fut bien une assimilation, comme le fut au ive siècle la romanisation des peuplades barbares qui adoptèrent les usages romains et défendirent l’Empire.

Finalement, le plus spectaculaire exemple d’assimilation réussie d’une population asiatique au xxe siècle a eu lieu en France. Les dizaines de milliers de familles vietnamiennes et cambodgiennes arrivées après les accords de Genève en 1954, avant ou après la chute de Saigon et de Phnom Penh en 1975 ont massivement choisi de s’assimiler à la France et à la culture française. Beaucoup sont allées jusqu’à imposer le français et à bannir l’utilisation du vietnamien ou du khmer à la maison pour mieux accélérer l’intégration des enfants à qui, souvent, on donnait un prénom français en plus d’un prénom d’origine. Effort remarquable pour une population traditionnellement du droit du sang. Cette volonté d’épouser la culture autant que la citoyenneté française en dit également long sur la force d’attraction de la France jusqu’en 1975. À croire que la période coloniale n’avait pas laissé que des mauvais souvenirs.

Covid-19: Mais pourquoi le Japon s’en sort-il si bien?

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Tokyo, Japon, janvier 2021 © Hiro Komae/AP/SIPA Numéro de reportage : AP22534394_000001

Sans confinement ni restrictions des libertés fondamentales, la gestion de la pandémie au Japon suscite l’incompréhension des médias occidentaux. Retour sur les causes et les raisons d’un nombre de morts exceptionnellement bas dans un pays qui aurait pu sembler d’abord abandonné au vent pandémique.


 

Article du The Japan Times. Traduction de Conflits.

NDLR : Nous publions cet article de l’un des plus anciens journaux du Japon pour avoir un autre point de vue sur le coronavirus, celui du Japon, et comprendre comment l’épidémie est vue et gérée dans d’autres parties du monde. La géopolitique étant affaire de vision et de regard, il est important de se mettre à la place des autres pour comprendre comment eux voient le monde…

Le 1er janvier, le nombre total de cas de coronavirus dans le monde était de 83 748 593 et le nombre de décès de 1 824 140. Au Japon, les chiffres correspondants étaient de 230 304 et 3 414. Fait inhabituel, au Japon, la maladie a tué plus de personnes en automne-hiver qu’au printemps. Néanmoins, pour équilibrer et mettre les choses en perspective, il convient de noter que plus de Japonais sont morts de 25 autres causes en 2020. Le Covid-19 n’a représenté que 0,3 % de tous les décès. Il y a eu sept fois plus de suicides et 40 fois plus de décès dus à la grippe et à la pneumonie. Le Japon était également l’un des rares pays à ne pas connaître de surmortalité due au Covid-19.

Le Japon a attiré l’attention du monde entier pour n’avoir ni imposé un verrouillage ni testé de façon obsessionnelle les personnes asymptomatiques. Comme Tomoya Saito le dit dans ces pages, « Encourager les personnes présentant des symptômes légers ou inexistants à passer des tests PCR n’aurait rien révélé à part isoler les cas faussement positifs ». L’indice de rigueur a été élaboré par l’école Blavatnik de l’université d’Oxford en collaboration avec Our World in Data pour évaluer la rigueur de neuf mesures de confinement, dont la fermeture des écoles et des lieux de travail et l’interdiction de voyager, 100 étant la plus stricte. L’indice du Japon est resté inférieur à 50 jusqu’au 8 décembre, alors que tous ses partenaires du G7 sont restés pour la plupart au-dessus de 50.

Vue aérienne du Diamond Princess dans le port de Yokohama, le 21 février 2020 © Masahiro Sugimoto/AP/SIPA Numéro de reportage: AP22430703_000036
Vue aérienne du Diamond Princess dans le port de Yokohama, le 21 février 2020 © Masahiro Sugimoto/AP/SIPA Numéro de reportage: AP22430703_000036

Cette situation a créé une pandémie de peur face à la menace d’un tsunami de morts Covid-19 qui ravagerait le Japon. Au début de l’année dernière, le bateau de croisière Diamond Princess a accosté à Yokohama. Avec plus de 700 des 3 711 personnes à bord infectées et 14 morts, on craignait que le Japon ne soit le théâtre de la prochaine grande épidémie du virus. Kentaro Iwata, expert en maladies infectieuses à l’université de Kobe, a décrit le navire comme un « moulin à Covid-19 ». Un article paru dans le Washington Post le 20 février a déclaré que la réaction du Japon face à ce navire était « complètement inadéquate », et cet article a rapporté le 10 mai que 57% des Japonais étaient mécontents de la réaction de leurs autorités au coronavirus.

A lire aussi: Voulez-vous savoir pourquoi Macron hésite à reconfiner? Regardez du côté des Pays-Bas!

Au début de l’été, alors que Tomoya Saito écrivait que le Japon avait « réussi à minimiser les décès liés au Covid-19 sans introduire un verrouillage strict ou une politique de tests à grande échelle » et qu’il poursuivait plutôt une approche centrée sur les groupes, une grande partie des médias occidentaux critiquait sévèrement l’échec du Japon à verrouiller le navire et prédisaient des décès de masse. Des articles du New York Times (7 avril), du Washington Post (11 et 21 avril, 25 mai, 11 août), du New Statesman (22 avril) et du magazine Science (22 avril) ont déclaré que le Japon avait manqué « sa chance de maîtriser le coronavirus ». Sa gestion du coronavirus était jugée « trop peu, trop tard », caractéristique d’un « confinement trop léger », digne d’un « kabuki pandémique » et ou d’un « manuel de stratégie trumpien » « idiosyncrasique » sur le virus. Les experts médicaux ont recommencé à débiter des scénarios alarmistes avec la deuxième vague en hiver. L’une des raisons de leur appréhension était l’histoire troublée du Japon avec les vaccins et son processus d’approbation prudent pour les nouveaux vaccins. Mais cet article a noté que « le succès relatif du Japon dans la gestion de la pandémie » signifie qu’un déploiement urgent de la vaccination est moins prioritaire.

Les Japonais ne devraient pas prendre les critiques occidentales trop au sérieux. Les grands médias se sont donné pour mission d’encourager le scénario du confinement. Les pays comme la Suède et le Japon qui s’écartent du scénario approuvé font l’objet d’une colère particulière pour leur irresponsabilité frisant le manquement criminel au devoir. Les exemples de meilleurs résultats sans le large éventail de coûts liés à la santé, à la santé mentale, aux moyens de subsistance, à l’économie et aux libertés civiles des confinements sévères devraient être les bienvenus. Au lieu de cela, de nombreux commentateurs semblent vouloir que les pays du blocus échouent afin de se sentir justifiés.

Malheureusement pour eux, il y a peu de données empiriques pour soutenir les modèles mathématiques abstraits sur lesquels…

>>> Lire la fin de l’article sur le site de la revue de géopolitique Conflits <<<

Grosse commission refusée par Lidl en vertu du «protocole sanitaire»

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Un magasin Lidl, image d'illustration © GILE Michel/SIPA Numéro de reportage : 00984384_000004

Quand l’hygiénisme nous rend malades!


Sylvie Brasseur, coiffeuse à la retraite, est atteinte de la maladie de Crohn. Une pathologie invalidante qui provoque des diarrhées incontrôlables à près de 140 000 Français.

Mercredi 13 janvier, alors qu’elle patiente à la caisse de Lidl à Vesoul (Haute-Saône), elle est prise d’une envie pressante. Elle brandit alors sa carte Urgence toilettes – procurée par l’AFA (association François Aupetit), qui combat la maladie de Crohn. Un sauf-conduit ouvrant un accès aux trônes d’ordinaire réservés aux personnels, inestimables en pareil soubresaut colique. 

« En pleurs devant ma voiture et souillée jusqu’aux bottes »

« Cette carte facilite l’accès aux toilettes dans l’espace public. Si elle n’a pas de statut officiel comme la carte handicapé, elle aide vraiment nos membres », souffle à Causeur Eve Saumier, de l’association AFA. C’était sans compter sur le zèle hygiéniste du colosse de la grande distribution. Alors qu’elle est sur le point d’exploser, Sylvie se heurte à des employés de marbre. « Nous mettons en place un protocole sanitaire dans l’ensemble de nos supermarchés en France afin de limiter la propagation du virus et demandons des mesures en ce sens à nos salariés. Ils sont donc invités à respecter et faire respecter les règles en matière d’hygiène pour assurer la sécurité de tous, nos clients comme les collaborateurs », se défend la firme germanique dans le communiqué transmis à Causeur.

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Une implacabilité sanitaire qui a mené Madame Brasseur à se soulager sur le parking: « Tout est parti. J’étais en pleurs devant ma voiture et souillée jusqu’aux bottes ». « Nous sommes à la fois désolés et reconnaissants que Madame Brasseur prenne la parole, confie Eve Saumier. C’est vraiment un tabou qu’il faut briser. Ça représente le quotidien de milliers de malades en France ». Des milliers de malades qui pourraient avoir trouvé leur égérie en la figure de Madame Brasseur, qui semble déterminée à porter ce combat. « Avec la crise sanitaire, la situation de l’accès aux toilettes, déjà problématique en France, s’est profondément aggravée », dénonce Eve Saumier -qui a lancé une pétition.  

Quand Lidl brandit la carte de la victimisation 

« Nous regrettons l’incident qui s’est déroulé au supermarché de Vesoul  le 13 janvier dernier et avons adressé à notre cliente nos plus sincères excuses pour le désagrément subi. […] Les équipes qui ont accueilli la cliente ont en effet dans un premier temps refusé l’accès aux toilettes pour éviter toute prise de risque. Cependant, une fois informés de la situation, les responsables du supermarché avaient autorisé l’accès, mais la cliente avait déjà quitté les lieux », argue Lidl dans son communiqué. Un air de victimisation qui laisse un goût amer à Madame Brasseur. Auprès de nos confrères de L’Est Républicain, elle a dénoncé « un manque d’empathie de la part du personnel » 

Lidl estime pourtant que « depuis le début de l’épidémie, chaque jour et avec rigueur et discipline, nos équipes veillent à ce que nos clients soient reçus en toute sécurité dans nos supermarchés ». Pour faire des petites commissions, sans doute, mais pour la grosse, mieux vaut aller voir ailleurs! Manque de pot, aucune réouverture de cafés ne se profile à l’horizon. Dans ces conditions, il ne nous reste plus qu’à rester chez soi et faire ses courses sur internet. Bienvenue dans le meilleur des mondes…

Castex: 66 millions de procureurs échappent à un nouveau confinement…

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Le Premier ministre Jean Castex accompagné du ministre de la Santé, Olivier Veran, au siège de l'ARS, (Agence régionale de santé) Ile-de-France, mobilisée dans la lutte contre la Covid-19. 25 janvier 2021 © Stephane Lemouton-POOL/SIPA Numéro de reportage : 01001468_000014

À la surprise générale, le Premier Ministre Castex n’a pas annoncé hier soir le reconfinement qui nous semblait promis. Toutefois, le couvre-feu va être durci, et les frontières fermées à partir de dimanche… alors qu’on nous disait il y a un an que le virus n’avait pas de passeport. Masques, tests, vaccins, communication gouvernementale: faut-il voir de l’amateurisme ou de l’incompétence?


Ce n’est pas parce que je ne me considère pas comme l’un des multiples médecins que l’épidémie a engendrés, que je n’écoute pas ce qui se dit autour de moi, de la part de spécialistes comme du commun des citoyens.

66 millions de procureurs

Ce n’est pas parce que je n’ai jamais été sur la ligne facile du « il n’y a qu’à » et du « il suffit de », que l’appréciation d’Emmanuel Macron sur les Français qui seraient tous « des procureurs » ne m’apparaît pas sujette à caution: il y aurait de quoi requérir contre le gouvernement sur le plan sanitaire depuis le début de l’année 2020…

Ce n’est pas parce que j’en ai assez de ces débats médiatiques tournant avec une régularité lancinante autour de la Covid-19, des modalités de la lutte, du confinement ou non, des personnes vulnérables ou non, que je ne mesure pas le degré d’insatisfaction d’une large part de la France qui travaille et qui est condamnée à être à l’arrêt, pour l’essentiel comme pour ce qui l’est aussi mais autrement, comme la culture.

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J’évoque la fronde qui à bas bruit puis plus intensément depuis quelques mois, altère le climat national au point que le président de la République hésite à proposer, malgré des statistiques inquiétantes, un régime plus dur. Il craint que l’acceptabilité sociale ait atteint déjà son comble. Sans mauvais esprit, il faut admettre qu’il y a des erreurs, des carences, des abstentions et des dysfonctionnements qui n’ont pas manqué et que cette protestation, sur certains points n’est pas illégitime. Comme nous n’avons pas de masques, on nous dit initialement qu’ils ne sont pas nécessaires. La méthode proclamée – tester, tracer, isoler – a été un fiasco.

Les vaccins dont on savait depuis plusieurs semaines qu’ils allaient heureusement survenir n’ont pas fait l’objet de la logistique et de l’organisation qui aurait dû leur correspondre, avec notamment une latitude laissée aux maires qui n’ont pas cessé de piaffer parce qu’ils mettaient des lieux à disposition mais n’avaient pas les doses. Malgré la pauvreté hospitalière qui a fait l’objet d’un constat consensuel au début de l’année 2020 et en dépit des promesses présidentielles et ministérielles, rien n’a été accompli pour combler le gouffre entre ce qui existait hier et ce qui aurait dû exister aujourd’hui.

Ces mesures réclamées qui arrivent bien tard

La communication du gouvernement, d’Edouard Philippe à Jean Castex, n’a cessé de se dégrader. On a entendu beaucoup, voire trop, de responsables politiques sur le plan sanitaire et leur parole profuse, loin d’aider à la compréhension des autorités médicales et scientifiques elles-mêmes divisées, a ajouté à l’incertitude. Je conçois qu’une forme de pragmatisme et une adaptation au réel imprévisible et fluctuant étaient obligatoires mais elles n’interdisaient pas d’avoir un dessein clair et cohérent. Ce dernier n’est jamais venu nous rassurer.

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L’intervention du Premier ministre, le 29 janvier, n’a pas apporté véritablement d’éléments nouveaux. Le pays a échappé au reconfinement mais les autres mesures, notamment celles concernant la fermeture des frontières dans l’Union européenne et avec le reste du monde auraient dû être prises depuis longtemps. Pourquoi faut-il que ce qui est nécessaire soit toujours si tardif et que ce qui pourrait nous sauver soit mis à disposition avec tant de parcimonie ? 

Je crains fort que de « revoyure » en « revoyure », nous finissions par devoir supporter un jour une mise sous cloche encore plus drastique de la France, qui nous sera cette fois communiquée solennellement par le président. Je relève qu’on ne s’est pas orienté vers un partage opératoire et précautionneux entre les personnes âgées et vulnérables d’une part et de l’autre le pays actif, jeune, en pleine force, résistant, qui n’en peut plus de mourir économiquement et psychologiquement à petit feu.

Les conseils de défense se succèdent alors que 2022 se rapproche

Amateurisme ou incompétence ? Bonne volonté ou défaillance structurelle ? Comportements imparfaits, pas assez professionnels, ou bureaucratie étouffante ? Trop de Conseils de défense, avec une solitude régalienne, ou trop peu de débats parlementaires ?

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J’accepterais l’hypothèse de l’amateurisme et de la bonne volonté, pas gratifiante en elle-même sans être déshonorante, si face aux accusations, le pouvoir n’avait pas réagi trop souvent avec arrogance – ce qui était la pire des attitudes alors qu’on aurait espéré une industrieuse et efficace modestie – et en affirmant que notre pays était bien classé par rapport à d’autres nations : argument discutable dont Jean Castex a encore usé ! Nous n’étions pourtant pas loin de la queue, en tout cas pour les vaccins. Avec, en plus, dorénavant, les « primo-injections reportées » selon Olivier Véran.

En 2022, l’enjeu sanitaire et la politique mise en œuvre depuis le début de l’année 2020 ne seront pas loin de constituer le débat central.

Nissart per tougiou!

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À travers son amour pour la ville de Christian Estrosi, Patrick Besson nous fait le bilan de sa vie, de ses amours, de ses lectures et de ses repas.


Bonheur de se promener à Nice avec Patrick Besson. Bonheur de retrouver cette ville dans laquelle l’auteur de ces lignes a fait ses khâgnes dans les années 90 (lycée Masséna, salle 912) et qu’il n’aurait peut-être jamais dû quitter. Bonheur de picorer ces aphorismes comme dans un livre de Nietzsche (qui, comme tant d’autres, aima Nice à la folie et y écrivit une partie du Zarathoustra).

Capiteuse et toxique

La mélancolie chaleureuse de cette ville qui inspira tant d’artistes, Matisse, Modiano, Le Clézio, mais aussi Joyce qui y eut l’idée de Finnegans Wake. Son effervescence vieille et estudiantine, bourgeoise et brigande, cosmopolite et identitaire. L’ambiance Satyricon qui y règne avec ses odeurs d’ordures suaves, ses freaks qui mendient sous les arcades de l’avenue Jean Médecin, ses filles de l’est que l’on lorgne dès l’arrivée en gare de Nice-ville.

Quelque chose d’intense et de suspendu, de capiteux et de toxique, d’enivrant et de vomitif mais dont le besoin revient toujours. « La ville résume les doutes que j’ai sur tout, elle est un repaire métaphysique », écrit l’auteur d’Un Etat d’esprit. Mille fois d’accord. Nice requinque et déprime, innerve et désaxe.

Ville uchronique en un sens qui donne l’impression d’une irréalité splendide (et c’est pourquoi l’attentat islamiste au camion du 14 juillet sur la Promenade et celui du 29 octobre 2020 à la basilique Notre-Dame de l’Assomption ont été vécu comme des effractions au paradis). Ville dont on se demande toujours quand on y va si on ne devrait pas y « renoncer dans un but de rangement car continuer d’y aller c’est demeurer dans tout ce présent mélangé et sans fin ». Nice, ville du retour et de de l’éloignement. Ville qui traverse le temps comme « l’émouvant tramway, place Garibaldi ». Ville années vingt qui fait dire à l’auteur certaines bêtises comme celle de trouver moches les femmes de ces années-là ?! Parle pour toi, Patrick ! Elles sont hautement attirantes, ces flappers aux robes Charleston, aux chapeaux cloches, au maquillage et à la coiffure Louise Brooks, aux sourires coquins parfois jusqu’à la lubricité.

Nice, le 29 octobre 2020 © LAURENT VU/SIPA Numéro de reportage: 00988176_000001
Nice, le 29 octobre 2020 © LAURENT VU/SIPA Numéro de reportage: 00988176_000001

Souvenirs, souvenirs

Tant pis, au moins nous retrouverons-nous dans les mêmes endroits aimés, à l’Albert Ier, 4 Avenue des Phocéens, qui fut le premier hôtel dans lequel je descendis lors de mon retour là-bas en juillet 2006 et où je connus Nathalie B. ; au Café de Turin, 5 place Garibaldi, mon restaurant de fruits de mers préféré de la galaxie, où je m’installe toujours à l’intérieur, en face du bar, sur l’une des banquettes vertes ; au Brouillon de culture, bouquinerie sublime où l’on trouve les plus beaux livres de notre monde passé tels les Classiques Garnier de chez Bordas, merveilleux volumes jaunes, hélas aujourd’hui de plus en plus rares – comme les putes de la rue de France ou du boulevard Gambetta, à deux pas du studio des Palombes, 38 rue du Châteauneuf, que me louait mon père à la fin des années 80 ; aux différents cinémas de la ville, enfin, que je connais par cœur et où j’ai vu quelques films cultes de ma vie à leur sortie : Le Cuisinier, le voleur, sa femme et son amant de Peter Greenaway (1989) au Mercury, Les Affranchis de Martin Scorsese au Pathé Masséna (1990), Arizona Dream d’Emir Kusturica (1992) au Pathé Paris, Nelly et Monsieur Arnaud de Claude Sautet (1995) aux Variétés, A Dangerous Method de David Cronenberg au Rialto (2011) et par-dessus tout Reflet dans un œil d’or de John Huston à la Cinémathèque de Nice, le 24 janvier 1992, avec Marie F., le premier amour impossible de ma vie.

Mourir à Nice, un projet de vie

« Mourir à Nice : projet de vie. » C’est une idée qui fait son chemin. Revenir ici à ma retraite, trouver un logement du côté du jardin Alsace-Lorraine et me laisser aller aux souvenirs de ma vie jamais vraiment commencée. « Devenir, par paresse avouée et calcul secret, un vieil auteur oublié à Nice » et dont les livres ont disparu avant qu’on ne disparaisse soi-même. Peut-être ai-je trop étudié la littérature pour en faire et que c’est comme « disséquer une assiette de socca ». En tous cas, voici un livre que j’aurais aimé écrire et je ne sais comment l’auteur le prendra.

Patrick Besson, Nice-ville, Flammarion.

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Egon Schiele, enfer et passion

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Egon Schiele, Autoportrait 1918 (détail) D.R.

Le billet du vaurien


Aucun peintre ne m’a autant bouleversé durant mon adolescence viennoise qu’Egon Schiele. Il a laissé des traces profondes en moi, autant esthétiques qu’érotiques. Nul n’ignore qu’il est mort à l’âge de vingt-huit ans fauché au faîte de sa gloire par la grippe espagnole. On sait moins – ou on ne veut pas savoir – qu’il passa vingt-quatre jours dans la prison de Neulengbach – dénoncé par de zélés mouchards pour outrage aux bonnes mœurs, ce qu’on qualifierait aujourd’hui de pédophilie.

Les bonnes mœurs et l’art font rarement bon ménage

De sa cellule, il écrit à Arthur Roessler, un critique d’art qui le soutiendra mordicus : « Je suis obligé d’habiter avec mes propres excréments, de respirer un air suffocant, délétère. Je ne suis pas rasé – je ne peux même pas me laver correctement. » Il doit récurer le plancher de sa cellule : ses doigts sont meurtris, ses ongles cassés. Humilié sans même avoir été condamné. « La castration érigée en institution ! » écrit-il encore à l’adresse de ceux qui courent les musées en quête de beauté, des ordures qui désavouent le sexe.

Il est soumis à des interrogatoires. D’autant plus troublants, que la procédure concernant le « détournement de mineure avec viol » ne tient pas, même si Tatjana von Mossig, fille d’un haut fonctionnaire, n’a que quatorze ans. Les juges s’acharnent alors sur ses dessins pornographiques. Le marchand d’art Grünewald est lui aussi impliqué, accusé d’avoir propagé des reproductions des dessins de Schiele.

A lire aussi: Renaud Camus: « La liberté d’expression dans la France de 2020 n’est pas menacée: elle n’existe pas »

À l’opposé des éditeurs français, qui ne sont pas à une lâcheté près et qui laissent tomber Gabriel Matzneff, Grünewald défendra becs et ongles le grand peintre Egon Schiele. Le procès a lieu à Vienne en septembre 1923. Le procureur demande et obtient le huis clos. Grünewald sortira libre du tribunal, mais deux cents lithos reproduisant des œuvres de Schiele seront brûlées. On sait par des témoignages qu’à sa sortie de prison, Egon Schiele s’enferma dans un silence obstiné et qu’il eut le plus grand mal à reprendre son travail. Les bonnes mœurs et l’art ne font jamais bon ménage.

Enfer et passion, film introuvable

Même si Herbert Vesely ne compte pas parmi les grands metteurs en scène viennois, le film qu’il a consacré en 1980 au destin tourmenté d’Egon Schiele et que la critique française a jugé malsain (Il a pour titre : « Enfer et Passion » et il est, bien évidemment, introuvable) mérite le détour, ne serait-ce que pour le charme vénéneux qu’il dégage et la nostalgie de la Vienne impériale qu’il inspire. Jane Birkin y est en outre délicieusement perverse. Que peut-on espérer de plus ?

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Sandra Muller balance tout… sauf la vérité

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Sandra Muller et Francis Szpiner, septembre 2019 © Thibault Camus/AP/SIPA Numéro de reportage: AP22381700_000001

Mercredi 27 janvier, l’instigatrice du mouvement “Balance ton porc” était jugée en appel à Paris. En septembre 2019, elle avait été condamnée en première instance à payer 15 000€ de dommages à Éric Brion, et à supprimer le message le diffamant sur Twitter. Causeur était présent à l’audience de ce procès emblématique de deux phénomènes préoccupants: le néoféminisme revanchard et la violence sur les réseaux sociaux.


On connait le célèbre tweet de la journaliste Sandra Muller : « Tu as de gros seins. Tu es mon type de femme. Je vais te faire jouir toute la nuit. Éric Brion ex-patron de Equidia #balancetonporc ». Publié sur un coup tête le 13 octobre 2017 depuis New-York, il déclenche la vague accusatrice que l’on sait. De nombreuses têtes tombent. Mille torts sont reprochés aux hommes. Pour les rares pourfendeurs du mouvement, comme Catherine Deneuve, Balancetonporc c’était la délation en ligne dans tout ce qu’elle a de plus sale. Pour tous les autres, qui ont patiemment travaillé l’opinion publique à accepter de tels procès virtuels, c’était l’expression légitime de la parole “libérée” des femmes.

Tout l’enjeu du procès est de savoir si la nature des propos prêtés à Éric Brion[tooltips content= »Précisons que Brion n’a jamais reconnu avoir prononcé ces mots. Tout juste reconnait-il s’être pris un mémorable râteau à la fin d’une soirée, et s’être excusé le lendemain de son indélicatesse. »](1)[/tooltips] justifie que celui qui les aurait prononcés porte à vie l’étiquette infamante de harceleur sexuel. Et, si tel n’est pas le cas, de définir comment réparer l’injustice faite à celui dont des mots malheureux colportés ont valu la mort sociale.

Suite au tweet de Madame Muller, un million de messages ont été publiés avec le fameux hashtag “balance ton porc” sur Internet, et pas moins de 900 articles de presse ont relaté l’affaire en trois jours.

Éric Brion ne supporte plus le doute dans le regard des gens

Évidemment, les propos reproduits par Sandra Muller sont moches. C’est ce qu’il ne faut surtout pas dire quand on veut avoir de la classe. C’est ce qu’il ne faut surtout plus dire quand le néoféminisme victimaire est exalté par la classe politique et les médias.

Éric Brion se présente à la barre. Il sort de dépression, il a pris jusqu’à 20 kilos. Calme mais visiblement ému, il témoigne : “À partir de la publication de ce tweet, ma vie a été complètement brisée, réduite en miettes. J’ai perdu mon travail, ma compagne, ma réputation, le pire étant ce que mon entourage a subi, notamment mes deux filles. D’un seul coup, toutes les portes se sont fermées. Ma jeune société de conseil dans l’audiovisuel a perdu toutes ses missions.” Il se considère comme un pestiféré, un paria, Sandra Muller s’étant soigneusement acharnée sur lui des semaines durant, le qualifiant de “dommage collatéral d’une cause” dans un livre publié en 2018 ou le requalifiant de prédateur sexuel.

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La veille des faits qui lui sont reprochés, Sandra Muller a pu lire dans le Parisien le premier article de presse française qualifiant de “porc” le producteur Harvey Weinstein, reconnu coupable de viols. Le 13 octobre, avant de s’en prendre à Brion, Muller avait écrit sur Twitter « .#balancetonporc !! toi aussi raconte en donnant le nom et les détails d’un harcèlement sexuel que tu as connu dans ton boulot. Je vous attends ». Si ce premier message ne rencontre pas de succès, la délation, elle, paie. Quand Muller jette en pâture le nom de Brion dans le message suivant bien connu, il est partagé massivement. Enfin ! En écrivant “toi aussi” sur Twitter, puis en accolant au hashtag Balancetonporc le nom de Brion, nul doute que la journaliste amalgame volontairement Brion au producteur coupable de violences sexuelles.

Brion reconnait avoir pu retravailler “en pointillés” après le premier jugement, ce qui lui a redonné un peu d’espoir. Il s’adresse aux juges: “Je vous demande de confirmer le premier jugement pour lever définitivement le doute que je vois dans le regard des gens”.

Sandra Muller ne confond-elle pas drague lourde et harcèlement?

Curieusement, l’avocat François Baroin qui défendait l’accusée en première instance, s’il suit toujours le dossier, ne plaide plus pour elle et n’est pas présent à l’audience. L’accusée non plus ne s’est pas déplacée : elle est à New York. Rétrospectivement, son tweet cinglant apparait comme savamment préparé pour faire du mal, il était calibré pour générer un “buzz” revanchard sur les réseaux sociaux.

Mais la défense de Madame Muller demande la relaxe. Pour y parvenir, le ténor du barreau Francis Szpiner se grime en grand défenseur de la cause des femmes ! Parlons vrai: il en fait des caisses. Son emphase cocasse est à la mesure du degré de ridicule des propos grivois qu’aurait tenus Brion en 2017, et qui tout compte fait n’étaient pas grand-chose. Cependant, quand les questions sociétales ont pris l’ascendant sur le politique – Emmanuel Macron n’a-t-il pas fait des femmes la grande cause de son quinquennat ? – un procès comme celui-ci est de facto un procès politique. Selon Maître Jade Dousselin, avocate proche des Insoumis, Madame Muller serait injustement reconnue “coupable de s’être libérée et d’avoir manqué de prudence” en ne consultant pas le code pénal avant d’accuser Brion de harcèlement sexuel. On pourrait lui rétorquer que nul n’est censé ignorer la loi… Mais comme on l’a dit, c’est un procès politique, cela ne compte pas. Me Dousselin puis Me Szpiner invitent ainsi le tribunal à retracer la faute de Muller dans une “perspective plus large”. Muller ne peut pas être condamnée, le “progrès nous y oblige” affirme Me Dousselin.

Me Szpiner se fait menaçant : si le tribunal condamnait Sandra Muller en se bornant à suivre la jurisprudence sur les limites de la liberté d’expression, il ferait preuve d’un raisonnement simpliste qui ignorerait le “contexte dans lequel se trouve la société”…  “Vous allez débouter M. Brion, et ce sera justice” affirme-t-il. Selon les avocats de la défense, la Cour devrait ni plus ni moins comprendre le “ressenti des jeunes générations qui ne supportent plus ce genre de comportements et ne veulent plus se taire”. Une allusion au cas de Camille Kouchner est faite opportunément.

Décision le 31 mars

Mais quid des rumeurs et calomnies diverses relayées pendant des jours par Madame Muller ? Quid de cette fameuse “faille spatio-temporelle” évoquée un temps ?[tooltips content= »Muller avait affirmé à un moment avoir oublié pendant cinq ans le traumatisme qu’auraient représenté les mots de Brion à son endroit. Mais dans cette même période d’amnésie, elle menaçait Brion de parler s’il ne s’abonnait pas à la Lettre de l’audiovisuel qu’elle édite (1700€ l’année), dans un échange privé sur Facebook dont le tribunal a pu prendre connaissance. »](2)[/tooltips] Et où sont tous les témoignages d’autres femmes ayant à se plaindre de Monsieur Brion, un temps évoqués par Madame Muller, ailleurs que dans son imagination ?

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Madame Marie Burguburu, l’avocate de Brion, a rappelé qu’il revenait à la justice de complètement laver l’honneur de son client. Selon Me Burguburu et Me Bénoit, condamner Sandra Muller est la seule façon de stopper la pire des délations: celle qui ment et qui fonctionne. Selon eux, Éric Brion ne peut être accusé de harcèlement au travail. Non seulement Sandra Muller ne travaillait pas avec lui, et quand bien même des propos déplacés auraient été échangés lors d’une soirée professionnelle à Cannes, pour qu’un harcèlement soit caractérisé, il faut qu’il y ait répétition, menace ou violence. Brion réclame 200 000€ de dommages pour préjudice moral et patrimonial, le retrait du tweet et des publications judiciaires dans la presse pour que son innocence soit portée à la connaissance de la société. A l’issue de l’audience, il a déclaré à Causeur être « serein ». Verdict attendu le 31 mars.

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[1] Précisons que Brion n’a jamais reconnu avoir prononcé ces mots. Tout juste reconnait-il s’être pris un mémorable râteau à la fin d’une soirée, et s’être excusé le lendemain de son indélicatesse.

[2] Muller avait affirmé à un moment avoir oublié pendant cinq ans le traumatisme qu’auraient représenté les mots de Brion à son endroit. Mais dans cette même période d’amnésie, elle menaçait Brion de parler s’il ne s’abonnait pas à la Lettre de l’audiovisuel qu’elle édite (1700€ l’année), dans un échange privé sur Facebook dont le tribunal a pu prendre connaissance.

Collège d’Ollioules: «Pourquoi prendre un risque inutile?»

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Image: capture d'écran YouTube / France 3 Provence-Alpes Côte d'Azur.

Le collège d’Ollioules ne sera finalement pas rebaptisé « Samuel-Paty ». La trouille, ça ne sent pas bon


Ainsi parla Sandra Olivier, professeur de mathématiques et représentante du SNES au collège des Eucalyptus à Ollioules, dans le Var. Par conséquent la proposition du maire LR Robert Bénéventi de rebaptiser l’établissement du nom de Samuel-Paty a été rejetée par 100% des enseignants, 89% des parents et 69% des élèves.

Le parfum des eucalyptus locaux sera-t-elle assez puissante pour couvrir l’odeur de trouille de tous ces gens ? Et ça ne sent pas bon, la trouille.

Ne pas prendre de risque : c’est donc cela que ces professeurs enseignent à leurs élèves. 100% sans cou… rage. La dhimmitude est en marche — ou la « soumission », comme dirait Houellebecq. Rien d’étonnant à ce que le héros du roman soit un enseignant : de concession en concession, il finira par se faire à l’instauration de la charia. Il y trouvera même son intérêt libidineux.

L’islamisme avance ses pions

Ce qui, il y a cinq ans, pouvait encore passer pour une fiction s’inscrit désormais dans les faits. La moitié des enseignants, selon un sondage récent, avoue avoir renoncé à traiter telle ou telle part du programme. Ils peuvent bien s’abriter derrière le souci de ne pas heurter la sensibilité de tel ou tel segment de la population (et faire des différences entre élèves, c’est au pire du racisme, au mieux l’acceptation du fanatisme). Le fait est que les islamistes avancent tranquillement leurs pions. Ils sont une poignée, mais ils auraient tort de se gêner, en face, personne ne résiste.

Il se trouve que quelques heures à peine après l’attentat, j’avais suggéré à l’une des huiles du ministère de rebaptiser Samuel-Paty le collège du Bois-d’Aulne à Conflans. Ça ne s’est pas fait sous un prétexte ou un autre. Mais après tout, on a appris que là-bas aussi nombre des collègues de l’enseignant assassiné critiquaient le fait même qu’il ait fait cours sur un tel sujet.

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À force d’éliminer les sujets qui fâchent, on devient objet de dérision.

J’ai honte de me dire enseignant. « Ah oui, ceux qui ont aménagé la laïcité, ceux qui pensent, comme le président de la FCPE, qu’une abaya n’a guère plus de sens qu’un tee-shirt aux armes du Che, ceux qui ont intégré l’infériorité des filles — quoi qu’ils disent, et bien que les femmes soient majoritaires parmi eux. Qui estiment que Mila aurait dû la fermer. Qui ont été Charlie mais n’ont pas dénoncé les accrocs aux minutes de silence, les affirmations racistes des uns et des autres, les bouffées de superstition. » Ainsi parle le peuple, désormais.

Marche blanche en hommage à Samuel Paty, Conflans-Sainte-Honorine, 20 octobre 2020. © Samuel Boivin/ NurPhoto/AFP
Marche blanche en hommage à Samuel Paty, Conflans-Sainte-Honorine, 20 octobre 2020. © Samuel Boivin/ NurPhoto/AFP

Le maire Robert Bénéventi embarrassé

« Je ne suis pas payé pour risquer ma peau… » Ah, ils sont beaux, les hussards noirs de la République ! « C’est la pusillanimité qui règne aujourd’hui. On ne s’en rend pas compte, mais nous sommes en train de laisser filer les valeurs de la République », a rajouté Robert Bénéventi, bien embarrassé à l’idée de devoir expliquer à la famille de Samuel Paty la décision de ses ex-collègues. D’autant que la représentante du SNES en a rajouté une louche : « Nous avons déjà une rue du Colonel-Arnaud-Beltrame pas très loin du collège, cela fait beaucoup d’histoires lourdes de sens pour un établissement qui accueille un jeune public ».

Il aura compris, le jeune public à qui l’attitude de ses professeurs sera expliquée demain par la presse. Il aura compris qu’il peut désormais tout oser : en face, on se couche.

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Le regard libre d’Elisabeth Lévy

À écouter, l’analyse d’Elisabeth Lévy sur ce sujet, ce matin au micro de Sud radio