Accueil Site Page 1101

Vers une nouvelle donne en Côte d’Ivoire?

0

Le scrutin legislatif du 6 mars est essentiel pour l’Afrique de l’Ouest. Et aussi pour le monde occidental. Le tout juste réélu président Ouattara doit faire face à une nouvelle donne: les deux grands partis historiques du pays font front uni contre lui. Une grande première. Après 20 ans de chaos politique et de guerre civile sanglante, la Côte d’Ivoire présente pour la première fois une opposition unie qui court sous les couleurs de l’Alliance, clairement déterminée à en finir avec les démons du passé. Un énorme caillou dans la chaussure d’Alassane Ouattara, réélu avec le soutien implicite de la France, pour un troisième mandat présidentiel qu’il avait pourtant juré, craché de ne jamais briguer.


A quelques semaines du scrutin législatif du 6 mars prochain au cours duquel les Ivoiriens vont devoir élire leurs députés, la violence, la répression et la fraude sont encore à craindre. Cette situation est désormais récurrente dans un pays qui fut, pourtant, longtemps un havre de paix.

Depuis la mort du président Félix Houphouët-Boigny en 1993, la Côte d’Ivoire peine à retrouver la paix et la stabilité. En moins de trois décennies, le pays a en effet connu deux tentatives de coup d’État, deux coups d’États réussis, des dizaines d’assassinats politiques, une guerre civile longue de dix ans et des milliers de victimes au compteur. Depuis la période trouble des indépendances, jamais ce pays n’avait été confronté à autant de souffrance et de détresse. Comment arrêter cette spirale de violence qui s’est emparée de la vie politique ivoirienne ?

Rappels historiques sur la Côte d’Ivoire

C’est au moment des élections présidentielles de 2011 que la crise a atteint son apogée. La communauté internationale avait déclaré que le président sortant, Laurent Gbagbo, avait perdu les élections et lui avait intimé de quitter le pouvoir. Le président Nicolas Sarkozy avait saisi cette occasion pour aider son ami Alassane Ouattara, adversaire de Laurent Gbagbo et ancien directeur Afrique du Fonds Monétaire International, à prendre le pouvoir par la force. Il allait s’y installer durablement…

Renversé, Laurent Gbagbo sera traduit devant la Cour Pénale Internationale (CPI). Au terme de huit années de procès, il est acquitté de tous les chefs d’accusation retenus contre lui mais ne peut toujours pas rentrer dans son pays. Alassane Ouattara, craignant un retour triomphal de l’ancien président, champion de nombreux quartiers populaires, décide de durcir le ton contre les opposants et de fermer la porte à la discussion et à la réconciliation.

Après neuf ans passés au pouvoir, il n’est toujours pas parvenu à rassembler les Ivoiriens ni à pacifier le pays, son envie de conserver le fauteuil présidentiel semble être sa principale motivation et sa seule ambition. Il n’a d’ailleurs pas hésité à prendre l’initiative de modifier la Constitution pour s’arroger un troisième mandat à la tête du pays. Le principal candidat de l’opposition, l’ancien président Henri Konan Bédié, âgé de 86 ans, s’en est indigné publiquement: « Alassane Ouattara a violé la Constitution en se présentant pour un troisième mandat. Sa candidature est illégale et tout le monde le sait ». Il a également écrit à Emmanuel Macron pour l’alerter sur les risques d’une recrudescence de violence et sur le climat d’insécurité qui règne dans tout le pays. Il affirme en outre que le droit constitutionnel de manifester est désormais mis en péril par la vague d’arrestations des manifestants. Malgré les contestations, Alassane Ouattara va passer en force.

Celui que l’on présentait en 2011 comme un fervent démocrate est plus que jamais sourd et hostile à la discussion. Âgé de 79 ans, il est réélu le 31 octobre 2020 dans un climat de contestation et de fraude.

Le président ivoirien Alassane Ouattara s'exprime devant les journalistes après avoir voté le jour de l'élection présidentielle, le 31 octobre 2020. © Leo Correa/AP/SIPA  Numéro de reportage : AP22508632_000009
Le président ivoirien Alassane Ouattara s’exprime devant les journalistes après avoir voté le jour de l’élection présidentielle, le 31 octobre 2020. © Leo Correa/AP/SIPA Numéro de reportage : AP22508632_000009

Contrairement à l’intransigeance dont la communauté internationale a fait preuve en 2011 à l’égard de Laurent Gbagbo, elle se montre plutôt compréhensive et indulgente s’agissant d’Alassane Ouattara. Elle ne condamne pas cette modification constitutionnelle controversée qui permet au chef de l’État ivoirien de rester au pouvoir au-delà de la limite légale initialement fixée ni ne s’offusque de la mascarade électorale qui en découle.

Laurent Gbagbo et Henri Konan Bédié font front commun

Si les représentants de l’Union européenne, pas très diserts, ont « pris note » de cette réélection, les Ivoiriens dans leur majorité estiment, pour leur part, qu’il s’agit d’un mandat de trop et qu’Alassane Ouattara aurait dû partir au terme de ses deux mandats, conformément à la Constitution. Seul le Centre Carter a osé dénoncer un contexte politique et sécuritaire peu propice à l’organisation « d’une élection présidentielle compétitive et crédible ». La victoire du président sortant obtenue à 94,27% des suffrages, comme au temps des partis uniques, a une fois de plus créé des frustrations et engendré des manifestations violentes dans le pays.

Afin d’éviter l’escalade, Laurent Gbagbo est sorti d’un long silence pour demander le respect des textes constitutionnels : « L’un des problèmes politiques en Afrique, c’est qu’on écrit des textes sans y croire. Si l’on écrit dans la Constitution que le nombre de mandats est limité à deux, pourquoi veut-on faire un troisième mandat ? Il faut respecter les textes qu’on élabore soi-même sinon, on court à la catastrophe ». Comme pour rappeler à l’Europe et à la communauté internationale leur indignation à géométrie variable, l’acquitté de la CPI ne se prive pas de souligner pour l’occasion : « En tant qu’ancien président de la République, il est de mon devoir d’alerter, d’éviter que le pays sombre à nouveau dans la violence », avant d’ajouter à cette mise en garde : « Le remède efficace contre la violence, c’est la discussion et la négociation ».

À défaut d’un dialogue entre le pouvoir et l’opposition politique, Laurent Gbagbo et Henri Konan Bédié ont, de leur côté, décidé de se rencontrer à Bruxelles le 29 juillet 2019 pour créer un front commun, en prévision des prochaines législatives, contre Alassane Ouattara et son parti, le Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP).

Derrière cette rencontre solennelle entre deux poids lourds de la politique ivoirienne, il y a surtout une volonté des deux plus grands partis politiques de Côte d’Ivoire, le Front Populaire Ivoirien (FPI) de Laurent Gbagbo et le Parti Démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) d’Henri Konan Bédié, de déverrouiller le jeu politique en imposant la pluralité aux élections législatives et de briser le cycle de la violence en rassemblant la majorité des Ivoiriens. Pour cela, ils ont signé en avril 2020, un « document cadre de collaboration » d’une vingtaine de pages intitulé « projet de réconciliation des Ivoiriens pour une paix durable ». Cette coalition de l’opposition vise au moins 128 sièges sur les 255, soit la majorité absolue. Sur le papier cela parait possible. L’Alliance, comme  elle s’est elle-même baptisée, présente en effet près de 90% de candidats uniques : une grande première qui lui permet  d’entrevoir une victoire au bout du chemin.

La crainte de nouvelles fraudes

Pourtant, prudente, ou échaudée, elle alerte sur les risques d’un autre forcing électoral que chercherait à imposer Alassane Ouattara. Les auteurs craignent principalement que les conditions d’organisation des élections ne soient pas « justes et transparentes », autrement dit, que le chef de l’État nouvellement réélu, n’étant pas sûr d’obtenir une majorité à l’assemblée, choisisse de s’imposer par la fraude.

Entre calculs préélectoraux et montée des tensions, il faut bien constater que l’environnement politique actuel en Côte d’Ivoire est irrespirable. Les prisonniers politiques restent majoritaires dans la population carcérale, de nombreux Ivoiriens vivent toujours en exil depuis la crise post-électorale de 2011, l’insécurité est grandissante dans l’ensemble du pays et le pouvoir semble hostile à toute ouverture politique pour donner sa juste place à l’opposition et à l’expression populaire.

Le paradoxe de la situation actuelle est qu’elle est exactement ce qu’Alassane Ouattara reprochait, du temps où il était encore dans l’opposition, à Henri Konan Bédié et à Laurent Gbagbo… N’a-t-il donc tiré aucune leçon des événements dramatiques de 2011 ? Verdict dans quelques jours.

France- cote d´ivoire: la rupture

Price: 20,00 €

6 used & new available from 20,00 €

À Lille, l’art dramatique sera “sociétal” ou ne sera pas

0

C’est la consécration pour David Bobée, nommé directeur du Théâtre du Nord à Lille, sous les applaudissements de Martine Aubry et Roselyne Bachelot.


Un communiqué de presse du Ministère de la Culture nous apprend la nomination de David Bobée à la direction du Théâtre du Nord, Centre Dramatique National de Lille-Tourcoing. Dans un tweet, Martine Aubry se réjouit de la nomination de ce metteur en scène qui « propose un projet riche entre répertoire et création contemporaine, très ambitieux sur les enjeux sociétaux et du développement durable. » 

Retour en arrière. En 2015, la ministre de la Culture Fleur Pellerin crée un Collège de la diversité censé accélérer la représentation des minorités dans la production artistique. David Bobée en est membre. Il pense en effet que « le monde de la culture est raciste » et entend bien « décoloniser les arts », du nom du collectif qu’il co-anime avec Françoise Vergès, la féministe décoloniale proche du PIR, et le soutien de Rokhaya Diallo, entre autres. 

De quelles couleurs de peau sont les auteur-e-s de votre saison ?

En 2016, alors directeur du Centre National Dramatique de Haute-Normandie, il envoie un questionnaire à « tous les directrices et directeurs » des Théâtres et Centres Dramatiques Nationaux. La forme et le fond de ce questionnaire valent la peine d’être regardés de près. Florilège : « Connaissez-vous des non-blancs, non-blanches directeur ou directrice d’institution culturelle publique ? » – « Partagez-vous ce sentiment que la France est construite et nettoyée par une infra-société invisible et non-blanche ? » – « Avez-vous des artistes associé.e.s dans votre théâtre ? – Quelle est leur couleur de peau ? » – « Par qui ces récits sont-ils racontés ? Des blancs ou des non-blancs ? » – Avez-vous déjà invité un artiste que vous produisez à être attentif à la diversité dans sa distribution ? » – « Dans ce monde là, Othello joué par un blanc parmi les blancs, on valide ? » – « À quelques exceptions près, dans quelles zones de France vote–t-on massivement pour le Front National ? » – « De quelles couleurs de peau, de quelle(s) origine(s) culturelle(s) sont les auteur-e-s de votre saison ? » Tout le questionnaire est à l’avenant. Il est incroyable de n’avoir jamais entendu parler de ce questionnaire “culturel” qui ressemble à un possible manuel d’interrogatoire de feu les Gardes Rouges chinois.

De fausses interrogations ciblent l’ennemi politique. En plus du parti politique honni, les “blancs” se substituent aux “bourgeois” ou aux “intellectuels” de la révolution chinoise… et des mesures correctrices sont suggérées sous peine de se voir rééduqué par le Comité de la Diversité du Ministère de la Culture (révolutionnaire).

A lire ensuite, l’ouvreuse: Mauvais cygnes à l’Opéra de Paris

Olivier Py, directeur du Festival d’Avignon en 2018, avait accueilli à bras ouverts le “feuilleton théâtral” intitulé Mesdames, messieurs et le reste du monde, mis en scène par David Bobée, et découpé en “performances” ou “ateliers participatifs” aux noms significatifs: « Le genre, c’est quoi ? » ; « Tou.te.s minoritaires ; « Première cérémonie des Molière non raciste et non genrée » ; « Bal dégenré – La fête du genre » ou « Carte blanche à Virginie Despentes » et « La bibliothèque de Rokhaya Diallo ». Programme inspiré sans doute par celui de la Révolution culturelle qui voulait mettre fin aux Quatre Vieilleries : les vieilles idées, la vieille culture, les vieilles coutumes, les vieilles habitudes.

David Bobée, un artiste “engagé”

David Bobée est le stéréotype de “l’artiste” qui n’a plus qu’un souvenir lointain de ce qu’est l’art véritable. “L’art” militant, sociétal, à forte valeur morale ajoutée, est un non-art qui a remplacé l’art. Le savoir-faire et le travail de l’artiste, la beauté, la forme et, parfois, l’intelligence transgressive de ses œuvres, ont été remplacées par la paresse et l’inintelligence de non-artistes qui disent “transgresser les normes” quand ils ne font qu’en installer de nouvelles, plus normatives et policières que les anciennes. Le théâtre et l’université sont contaminés par le même poison idéologique, le militantisme remplace la création du beau comme la recherche de la vérité.

Voilà où nous en sommes. Cela n’effraie personne, et surtout pas notre ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, qui entérine la destruction artistique au nom des “valeurs” d’ouverture, de diversité, de partage “dégenré”. Le communiqué de presse de son ministère est on ne peut plus clair: 

« …[David Bobée] entend faire du centre dramatique une maison engagée dans les enjeux du développement durable et un laboratoire d’égalité capable de tracer de nouvelles voies contre toutes les formes de replis identitaires et de discriminations. L’égalité des chances et l’ouverture sur le monde irrigueront son action à la tête de l’École du Nord, dont il prendra également la direction avec la volonté de faire émerger de nouveaux profils d’artistes transdisciplinaires. »

A lire aussi: Art contemporain: «une production fade, aseptisée, facilement exportable»

Comme il ne suffisait pas que M. Bobée massacre l’art théâtral, il a été décidé de lui confier également les rênes de l’École supérieure d’Art Dramatique de Lille. Ainsi, nous devrions voir prochainement de nouveaux génies de l’art culturel transdisciplinaire en faveur du développement durable et contre les discriminations. 

Un questionnaire sera-t-il proposé à la fin de chaque représentation lilloise ? Les réfractaires (ceux qui auront répondu fautivement au questionnaire ou ne l’auront pas rempli) se verront-ils convoqués pour une nouvelle représentation ? En cas de nouvel échec, seront-ils astreints par le Comité de la Diversité du Ministère de la Culture à l’achat d’un abonnement de trois ans au Théâtre du Nord? Ainsi, assurément, le théâtre ne désemplira pas. Le Ministère et la direction du Théâtre pourront alors parler de l’incroyable succès d’un art théâtral qui aura enfin su se renouveler…

L'art sous contrôle: Nouvel agenda sociétal et censures militantes

Price: 14,00 €

11 used & new available from 14,00 €

Œnologouine: le monde du vin libéré des hommes


Quand l’anti-sexisme verse dans la ségrégation


Ce qui est réjouissant avec les médias qui se font les porte-étendards du gauchisme culturel, c’est qu’on tombe chaque jour sur des pépites magistrales qui révèlent l’avancée de la «woke culture» dans notre pays! On le sait maintenant: le «woke» est cette idéologie qui essentialise la race et le sexe.

Elle repose essentiellement sur une posture victimaire, qui permet de censurer et d’excommunier tous les bourreaux oppresseurs, c’est-à-dire ceux qui pensent en dehors des clous progressistes.

Des soirées de dégustation ouvertes à tout le monde sauf aux hommes 

Dernier exemple en date du phénomène, le 10 février Libération fait état de cours d’œnologie réservés aux femmes et aux personnes queers.

C’est l’idée de Delphine Aslan, sommelière et caviste de formation, laquelle a fait du fût son instrument de lutte pour défendre non pas l’appropriation chinoise de nos vignobles, mais la cause féministe et LGBTQT etc… Dans l’interview publiée, on apprend que cette rebelle a créé une association baptisée Oenologouine, pour lutter contre le sexisme et la lesbiennophobie dans le milieu du vin. Comment s’y prend-elle ? Elle organise dans des bars ou à domicile – en ce moment c’est plutôt chez les particuliers – des «soirées de dégustation ouvertes à tout le monde sauf aux hommes». On appréciera le formidable oxymore sur l’ouverture limitée à des happy few, contradiction qui révèle le caractère schizophrénique de ces idéologies des identités capables de prôner un discours sur l’inclusion vertueuse tout en pratiquant une exclusion honteuse, et sans que personne ne bronche!

A lire aussi: Les Anglais laissent tomber le T

«L’idée est de découvrir le monde du vin, dans une ambiance décontractée, sans sexisme, ni paternalisme» explique Delphine Aslan. Par «peur d’être méprisées, isolées, gênées», les «femmes queers et lesbiennes» ne se rendaient pas à des ateliers d’œnologie jusqu’alors.

Un homme, même «très gentil, peut suffire à intimider»

On est donc passé d’ateliers «ouverts à tous» à des cours réservés à un groupe plus restreint, à une «mixité choisie» selon l’euphémisme employé par la journaliste. Et les gays? Et les trans? Sont-ils admis, ou également privés du droit d’entrée? Au lieu de s’aventurer sur ces chemins sinueux de la concurrence victimaire entre minorités, la journaliste de Libé préfère se concentrer sur le sexisme «systémique» qui caractériserait le secteur du vin. Et peu importe si on assiste en réalité depuis quelques années à une féminisation du milieu. 1/3 des œnologues sont de sexe féminin, plus de 30% des chefs d’exploitation viticole et plus de 50% des élèves en œnologie sont des femmes, comme le révèle la dernière étude de Vin et Société

Lors de sa formation de caviste, la malheureuse Delphine Aslan aurait été confrontée à beaucoup d’hommes qui, bien que mauvais, «se sentaient plus légitimes que les autres et s’autoproclamaient déjà spécialistes». Loin de voir dans ce comportement la preuve d’une banale et stupide suffisance, Delphine Aslan y a décelé l’expression du machisme et de la volonté de puissance masculine. Et en misandrie, tout homme est à exclure, même les très gentils, car un homme, même «très gentil, peut suffire à intimider », explique très sérieusement la sommelière qui ne doit pas avoir l’alcool bien joyeux!

À votre santé, messieurs-dames!

Les ateliers «d’oenologouines» sont une énième manifestation des « safe spaces », ces zones dites de protection où toute altérité est bannie car soi-disant porteuse de mini-agressions. En réalité, des clusters de non-mixité où une forme d’apartheid sexiste s’applique en toute impunité !

A lire aussi: Pénélope Bagieu: Ulysse, reviens!

L’absurdité de ces zones non mixtes vantées par les progressistes en peau de lapin de Libé est plus flagrante dans le milieu du vin qu’ailleurs. En effet, c’est un comble lorsqu’on pense que ce breuvage, au-delà de sa fonction socialisante, a un pouvoir particulier de transformation. Comme le notait Roland Barthes dans Mythologies, le vin est avant tout « une substance de conversion, capable de retourner les situations et les états, et d’extraire des objets leur contraire: de faire, par exemple, d’un faible un fort, d’un silencieux, un bavard… » Et si, enfermées dans leur sectarisme primaire, Delphine Aslan et la scribouillarde de Libération rataient en réalité une occasion de se servir du vin pour convertir les machos en alliés des LGBT?

Le porc émissaire

Price: 18,00 €

21 used & new available from 2,29 €

Mbappé étincelant contre Barcelone: le PSG meilleur sans Neymar?

0

Le sport peut parfois être perçu comme une métaphore du monde et de ses luttes.


Le magnifique match du PSG, le 16 février à Barcelone, avec sa victoire par quatre buts à un, permet sans abus d’en faire une métaphore de la vie politique.

Un triplé en Ligue des champions

J’ai toujours été passionné par l’analyse des rapports de force et des stratégies d’influence et ce n’est pas banaliser cette curiosité que de l’appliquer à une joute sportive internationale. Notamment pour ce qui concerne la relation entre Kylian Mbappé, fabuleux auteur de trois buts, et Neymar blessé et donc absent; ainsi que la dépendance habituelle de l’un par rapport à l’autre. Ce n’est pas d’aujourd’hui qu’on considère que ce duo est handicapé d’abord à cause du génie intermittent, de la fragilité, du narcissisme et des afféteries de Neymar et de l’incidence de ces dispositions sur Mbappé.

Comme en politique, deux crocodiles dans un même marigot, malgré des relations apparemment cordiales, c’est un de trop. Le cumul est parfois une soustraction. Mbappé a brillamment démontré contre l’équipe de Barcelone que non seulement Neymar ne lui manquait pas, bien au contraire, mais qu’il ne faisait pas défaut plus globalement au groupe qui a été meilleur et victorieux sans lui. En ayant démontré durant 90 minutes une totale excellence. Ce n’est pas rien pour Mbappé, par ailleurs, d’avoir éclipsé Messi qui s’est trouvé impuissant et démuni.

D’un coup la carence de Neymar a permis à Mbappé de prendre toutes les responsabilités, d’oser, d’être le maître incontesté sur le terrain, d’inventer le jeu dans lequel il se savait exceptionnel, de marquer trois buts et de n’être jamais gêné par la présence à ses côtés d’un joueur qui l’entravait plus qu’il ne l’amplifiait. Ce n’est pas sous-estimer Neymar que de prendre acte du fait que son absence a libéré Mbappé et élevé le niveau de l’équipe tout entière. Neymar est un soliste qui la plupart du temps joue pour lui seul. Mbappé est un soliste qui, s’il ne dédaigne pas les exploits individuels, ne méconnaît pas l’altruisme. Au service de l’équipe plus que de lui-même et quand il éblouit, il transcende tous ses partenaires.

A lire aussi, l’ouvreuse: Mauvais cygnes à l’Opéra de Paris

Mbappé n’a jamais été vaniteux mais je suis persuadé que sans Neymar plus aucune contagion de « grosse tête » ne le guette. Livré à lui-même, Mbappé est partout irréprochable, au sommet à Barcelone.

Le danger de la cacophonie des dons

Comme en politique, il y en a un de trop et j’aurais eu un frisson d’inquiétude pour le PSG si en plus Messi avait rejoint ce duo. La cacophonie des dons aurait dominé pour le pire.

Serait-ce indélicat de poursuivre la métaphore en vantant le rôle décisif de l’entraîneur Pochettino qui en peu de semaines est parvenu à faire d’individualités techniquement remarquables une superbe équipe en rassemblant, en ne laissant aucun joueur au bord du chemin et en les embarquant tous dans une entreprise où chacun s’investissait avec bonheur parce qu’il était considéré ?

J’imagine ce qu’un président de la République pourrait mettre en œuvre pour la France s’il était inspiré par le même esprit et soucieux de la même participation et implication de tous. Cette comparaison a des limites, j’en ai évidemment conscience, mais comme Neymar est de trop quand on a un Mbappé, il y a probablement, dans notre vie politique, de trop rares Mbappé et des prétendus Neymar superfétatoires…

Disparition de Jack Ma (Alibaba): enfin une bonne nouvelle pour l’Occident!

0

Branle-bas de combat à Pékin: les dirigeants chinois ont décidé de mettre violemment au pas les milliardaires qui ont participé à l’explosion économique des vingt ou trente dernières années en Chine et en ont tiré profit à titre personnel. Le Parti communiste reprend la main partout et les dégâts vont être grandioses. C’est évidemment la meilleure nouvelle qui puisse venir ces temps-ci du mammouth communiste.


Ce sont les malheurs de Jack Ma, le fondateur d’Alibaba, qui ont mis le feu aux poudres. Véritable génie des affaires et tycoon de l’e-commerce en Chine, devenu l’un des deux ou trois hommes les plus riches de l’Empire avec une fortune de 60 milliards de dollars selon un classement de Forbes, il avait littéralement disparu dernièrement pendant près de trois mois, après l’annulation surprise et à la dernière minute d’une énorme introduction en Bourse qu’il avait préparée pour l’un de ses conglomérats financiers. Une annulation ordonnée, selon le Wall Street Journal, par Xi Jinping lui-même. Résultat : alerte générale dans le monde des grandes affaires internationales.

Pour le Wall Street Journal, ce qui arrive est simple: «Xi Jinping veut ramener le secteur privé chinois dans le giron du Parti»

Surtout quand on rapproche les mésaventures de Jack Ma des étranges disparitions ces derniers temps d’autres capitaines d’industrie et d’autres milliardaires condamnés pénalement à de lourdes peines à partir d’actes d’accusation truqués et parfois fantaisistes. Ainsi de Lai Xiaomin, ancien PDG du conglomérat China Huarong, condamné à mort début janvier pour « corruption et polygamie », après avoir dû faire des aveux en direct à la télévision. De Wu Xiaohui, ancien boss de Anbang, mégaentreprise d’assurances, condamné à 18 ans de prison pour « corruption ». Ou de Ren Zhiqiang, multimilliardaire de l’immobilier, également 18 ans de prison, accusé d’avoir détourné des fonds pour assouvir sa passion du golf.

Une nouvelle politique répressive à l’encontre des nantis

Et quelques autres géants de l’industrie, du commerce et de la finance tels que Hu Huaibang, ex-numéro 1 de la Banque chinoise du développement, condamné à la prison à vie, toujours pour corruption, ou Guo Guangchang, patron du conglomérat Fosun, propriétaire entre autres du Club Med, disparu curieusement pendant quelques jours il y a six ans (il devait servir de cobaye alors), ou Sun Dawu, président d’un consortium géant dans l’alimentaire, Dawu Group, arrêté en novembre dernier pour avoir critiqué les autorités locales sur le réseau social Weibo. La conséquence immédiate de cette nouvelle politique répressive à l’encontre des nantis du système est que nombre d’entre eux se sont mis à quitter le territoire chinois, comme avaient pu le faire il y a quelques années certains oligarques russes qui avaient pu déplaire à Vladimir Poutine.

A lire ensuite: Le coup d’Etat silencieux de la Silicon Valley, vu par Shoshana Zuboff

Il est clair que les communistes chinois du sommet, après plusieurs décennies de développement économique forcené, veulent maintenant pouvoir tenir en laisse leurs génies du business auxquels ils avaient laissé jusqu’à présent toute latitude de copier le monde libre et de s’y jeter en concurrents féroces de l’Occident. La prééminence du Parti est de nouveau serinée partout. Les entrepreneurs sont ciblés, qu’ils soient ou non coupables, et leurs affaires instruites rapidement avec de lourdes peines de prison à la clé, du moment qu’il s’agit de faire un exemple ou de mettre la main sur des entreprises juteuses sans qu’il ne soit jamais question, bien entendu, de droits de l’homme. La lourde patte du mammouth chinois s’abat maintenant sans peur et sans retenue.

Tous les moyens sont bons, même les plus sauvages

Qui pourrait imaginer qu’une autorité judiciaire suprême dans le monde libre, par exemple aux États-Unis, sous le seul prétexte qu’ils ont trop bien réussi, décide de mettre en prison pour longtemps Larry Page, fondateur de Google, Jeff Bezos (Amazon), Mark Zuckerberg (Facebook) ou Elon Musk (Tesla) ? Pour le Wall Street Journal, ce qui arrive à leurs collègues milliardaires est simple : « Xi Jinping veut ramener le secteur privé chinois dans le giron du Parti », et comme on est en Chine dans un pays communiste à l’ancienne, tous les moyens sont bons, même les plus sauvages. La présence de cadres du Parti est déjà obligatoire dans les entreprises privées d’une certaine taille, et on n’est qu’au début, apparemment, de cette gigantesque marche arrière. Après le « grand bond en avant » de Mao Zedong au XXe siècle, voici le « grand bond en arrière » de Xi Jinping au XXIe !

La roue va maintenant tourner méchamment pour les capitalistes chinois, qui risquent de devenir des girouettes entre les mains de fonctionnaires incompétents et vindicatifs – qu’on se rende compte de ce que peut être un milliardaire pour un communiste ! – et la cible permanente de la vindicte populaire organisée officiellement par le Parti. Les communistes font ça très bien et depuis toujours, pour un résultat final inéluctable : la faillite économique et la chute d’un système intenable, comme ce fut le cas en Russie soviétique. Le mur de Berlin a fini par tomber et la muraille de Chine n’est pas forcément éternelle.

A lire aussi: Architecture: la fin des copies « made in China »

La France, nouvelle terre d’accueil des déshérités de l’Empire chinois?

Qui peut penser qu’on puisse révolutionner le monde et entrer dans l’histoire sans une totale liberté de création, comme ont pu le faire Bill Gates ou Steve Jobs, partis de zéro ? Pour les dirigeants du Dragon rouge qui avaient un besoin vital de sortir leur 1,5 milliard d’habitants de la pauvreté et d’un Moyen Âge qui paraissait éternel, il fallait employer les grands moyens en mettant de côté pour un temps la philosophie communiste du nivellement par le bas pour utiliser les recettes du monde libre. Le plus gros étant maintenant réalisé selon l’opinion du dictateur Xi Jinping, il faut donc revenir aux sources du communisme pur et dur et se remettre à couper les têtes qui dépassent. Les vieilles méthodes de répression et d’anéantissement vont donc reprendre en Chine, ce qui ne pourra que profiter aux pays libres.

Pour en revenir à Jack Ma, ancien porte-drapeau de la caste des multimilliardaires chinois, ancien professeur d’anglais issu d’une famille modeste, homme simple et d’une grande gentillesse devenu génie des affaires et du numérique – en plus d’Alibaba, il a également créé Taobao, un e-Bay local, ainsi que Alipay, un système très original de paiement électronique, et Tmall, un giga-centre commercial virtuel… –, il se pourrait bien qu’on le voie maintenant plus souvent en France, s’il peut quitter la Chine, dans l’un de ses domaines viticoles de Bordeaux… Depuis son quartier général français, le Château de Sours, une grande propriété de 200 hectares autour d’une superbe bâtisse du xviiie siècle, Jack Ma gouvernerait en effet un ensemble d’une quinzaine de domaines dans lesquels il investirait massivement à long terme. Quelques milliardaires chinois comme lui, c’est exactement ce qu’il nous faudrait en France. On n’arrive plus à en fabriquer, à force de vouloir les taxer. Et si on mettait au point une solution attirante pour que la France devienne une nouvelle terre d’accueil des déshérités de l’Empire communiste chinois ?

La possibilité d’une œuvre en 2021: « les Porcs » au banc des accusés

0

L’écrivain teigneux Marc-Edouard Nabe publie la suite des Porcs. Le style et des qualités littéraires autorisent-ils à écrire pis que pendre sur ses contemporains, à être complaisant avec l’antisémitisme ou le terrorisme?


Sensibilité, sincérité et style. Trois qualités nécessaires pour un grand écrivain selon Edmonde-Charles Roux, naguère récompensée du prix Goncourt pour Oublier Palerme. Trois qualités qu’elle attribua à Marc-Edouard Nabe à l’issue de sa lecture d’Alain Zannini, ouvrage au nom de l’homme qui se cachait derrière l’alias de l’auteur, écrivain à l’accent chantant amateur de free-jazz et de littérature religieuse enfiévrée.  

Marc-Edouard Nabe s’y dévoilait aussi impudique qu’à son habitude mais s’y montrait aussi touchant, réussissant à nous entraîner dans les méandres d’un esprit parfois si jubilatoire qu’il en devenait vertigineux. Alain Zannini aurait bien mérité la reconnaissance du « milieu des lettres », un Goncourt et rien d’autre. Il n’en fut rien. Ses coups de gueule sur les plateaux de télévision, malheureusement parfois accompagnés de déclarations difficilement compréhensibles et défendables, ont occulté une œuvre riche aujourd’hui complétée par la sortie du deuxième tome des Porcs, où il se livre à un petit jeu de massacre des champions du « conspirationnisme ». Tel l’invité dans Festen, en quête de vérité, il tente d’ouvrir les yeux de ses contemporains sur les hommes et les femmes qui ont alimenté la machine du soupçon généralisé chez les foules désireuses de vengeance – dont la colère mal dirigée et instrumentalisée est, elle, bien légitime.

Un graphomane

Œuvre ambitieuse d’une longueur démesurée, les deux tomes des Porcs sont marqués de l’empreinte stylistique de ce graphomane hypermnésique qui n’oublie aucun détail, aucun lieu, aucune déclaration ; une force étonnante qui donne à l’ensemble des allures un peu paranoïaques – même si tout, est fondé. Un Nabe deuxième manière, un peu comme le Miles Davis électrique qui a abandonné le bebop pour de nouvelles expérimentations. On l’imagine assez volontiers prenant des notes devant sa télévision pour que tout, même les anecdotes les plus insignifiantes des demi-mondains de plateaux, soit définitivement gravé dans le marbre littéraire. Attention, Marc-Edouard Nabe n’est pas du genre hyper-réaliste ou pop, c’est un moderne. Ses souvenirs prennent des teintes impressionnistes, ses portraits de porcs sont déformés comme les visages des Ménines revues et corrigées par Picasso. Il passe tout au filtre de sa propre sensibilité, de sa subjectivité, même dans ce nouvel exercice plus factuel.

Critique de l’esprit conspirationniste, qu’il a vite identifié comme allant constituer l’une des maladies de l’esprit les plus graves du XXIème siècle, niant à la Vie la part d’incertitude, de chaos et de hasard qui lui est inhérente ; il a entrepris d’en déconstruire la mécanique perverse en s’attachant à railler ceux qui lui ont donné un nouveau souffle populaire, s’attardant tantôt sur leurs contradictions tantôt sur leur bêtise. Il y a toutefois peu de conceptualisation dans ces journaux de 1000 pages vendus directement aux lecteurs sans intermédiaire. Chantre de l’anti-édition, Nabe n’a ni éditeur ni distributeur. De politique, qu’elle soit politicienne ou avec un P, il n’est en fin de compte pas non plus vraiment question, au sens où nous entendons ce mot aujourd’hui. Exercice par excellence du compromis, voire de la compromission dans ses nuances les plus dissonantes, la Politique s’occupe de la Cité, étant l’art de rendre possible ce qui est nécessaire. Difficile de voir un homme de compromis chez Nabe ! De nos jours, il n’y a pas loin de la Politique à l’intendance. Marc-Edouard Nabe s’intéresse à la Politique pour ce qu’elle dit de la société, comme matière littéraire et romanesque. Il est un écrivain, pas un philosophe, et c’est très bien ainsi.

Au plus près du gratin conspirationniste 

Pour un amateur de Thelonious Monk et de son langage au piano, la fréquentation du gratin conspi a probablement été un supplice. Le propre du conspirationnisme est de douter de tout, ce qui revient à ne douter de rien. Les conspis jouent donc une petite musique intellectuelle qui finit par être aussi rigide que les rythmes en quatre temps du rock de Johnny qu’exècre cet écrivain teigneux. Manichéens, ils divisent l’humanité en deux catégories exclusives : les bons et les méchants. Quant aux évènements qui rythment la vie de ces masses, ils ont tous une explication unique. Le résultat est que ces gens ne voient pas le mal tel qu’il est mais tel qu’ils aimeraient qu’il soit. Prêtant au bon peuple des vertus innées, et aux élites qui nous domineraient dans l’ombre – alors qu’elles font tout au grand jour – des desseins malins, ils sont borgnes. Nul comportement n’est l’apanage d’une catégorie d’hommes.

Ainsi, rechignant à assumer leurs fantasmes sadiques et leurs haines, ils refusent d’admettre que les terroristes sont des poseurs de bombes, des assassins et des bourreaux. De leur point de vue, les terroristes sont des jouets, des pantins ! Disons-le: c’est presque plus grave de ne pas les croire autonomes quand ils s’adonnent au pire, que de leur trouver des circonstances atténuantes ou de fantasmer sur la radicalité révolutionnaire de mémoricides qui se sont déclaré nos ennemis ontologiques, tuant de sang-froid nos enfants. C’est bien parce qu’il connaît le fanatisme littéraire, que lui-même est aussi un fanatique, un zélote de ses propres goûts et dégoûts, que Marc-Edouard Nabe sait mieux que quiconque ce dont un être humain est capable s’il veut conformer le monde selon un ordre qui lui semble juste. S’il en avait le pouvoir, peut-être interdirait-il, lui aussi, le rock. On ne lui en voudrait pas trop pour une part du rock français alternatif, mais passons !  

Une lecture dense, du vacarme

Marc-Edouard Nabe est sadique – mais juste – quand il dépeint les tares de ses anciens amis, qu’il défigure et ridiculise. Il est sadique parce qu’il aime le style du divin Marquis. Il est sadique parce que son fond est masochiste, parce qu’il sait que ses outrances s’apparentent à un sacrifice, comme celui de Simone Weil qui s’affamait pour ressentir la souffrance cosmique et universelle. Nabe se fait haïr comme un trompettiste qui refuserait de jouer la suite d’accords entendus mille fois ailleurs. « C’est justement parce que je crois si fort aux instants suprêmes passés ensemble sur les cimes du présent que je me refuse à descendre ensuite dans les vallées banales de larmes ou de rires forcés où les troupeaux d’amis paissent en paix en attendant la mort. » 

Son maître Thelonious Monk maitrisait, lui, très bien le silence. Pourquoi alors cette impression de vacarme dans ce trop-plein, cette foule de détails parfois superfétatoires ? On se perd parfois un peu dans cette lecture dense, convoquant des figures mineures d’une période qui ne l’est pas moins. Mais Les Porcs, au-delà du témoignage important que ce livre constitue sur un milieu marginal qui a finalement fait du dégât jusque dans les couches les plus cultivées de la population, ainsi qu’on le constate quotidiennement, vaut aussi comme éventuelle porte d’entrée à un univers littéraire important. Le livre m’a d’ailleurs donné envie de me replonger dans les journaux, Zannini, L’Homme qui arrêta d’écrire ou le terriblement cruel L’Enculé.

Comment croire d’ailleurs qu’un écrivain si sensible, si juste, si intimement persuadé que la beauté doit être vue, partagée et offerte au monde, puisse trouver du sublime dans l’abjection de l’Etat islamique ? Comment résoudre cet apparent paradoxe ? Reste, au moins, mais c’est important, une œuvre traversée de fulgurances géniales nourries par un goût d’une grande sureté qu’il a l’élégance de faire connaître. Comme on donnerait de la confiture à des cochons, il donne au reliquat de bons lecteurs et auditeurs du XXIème siècle du Maritain, du Nietzsche, du Braxton, du Miles et du Picasso. Il donne aussi parfois de la laideur, du petit, du rabougri en déshabillant le conspirationnisme et ses affidés et parfois en se faisant l’avocat du diable, avec un D, et de ses supplétifs ; le beau étant peut-être trop aveuglant seul. Qui veut faire l’ange fait la bête ?

Les Porcs 2, Marc-Edouard Nabe, édité par l’auteur.

Mauvais cygnes à l’Opéra de Paris


Plus que le critique, le comédien, le musicien et le danseur, c’est l’ouvreuse qui passe sa vie dans les salles de spectacle. Laissons donc sa petite lampe éclairer notre lanterne!


À l’Opéra de Paris, pas besoin d’opéra. Avec ou sans public, show permanent. À l’époque où feu Pierre Bergé tentait de faire marcher le bébé Bastille, que pesait sa maigre saison auprès de la conférence de presse, festival d’esclandres, de menaces et d’injures ? Ou le virage en direct sur vos écrans du chef Daniel Barenboim ? Le spectacle n’était déjà plus sur le plateau.

Et ça n’a pas trop changé. Le hit de l’an passé restera les dix minutes de cygnes sur le parvis du palais Garnier. Grève matin, grève midi, grève soir évidemment, mais animation à toute heure, le personnel ayant tapissé les murs d’un panneau roboratif : « Agissements sexistes / Violences sexuelles / Harcèlement sexuel / NON / Victimes ou témoins agissons ». Il s’en passe des trucs dans des couloirs que plus personne n’arpente depuis un an !

Après la grève, le virus. La maison close reste close, mais ne partez pas, le spectacle continue. Le 25 mai à Minneapolis la mort filmée du citoyen George Floyd enflamme la planète. Trois mois plus tard, quelques salariés de l’Opéra, danseurs principalement, rédigent un manifeste : « De la question raciale à l’Opéra national de Paris ». D’abord interne, le tract gagne la Toile, puis la presse. Nous sommes début octobre, la direction prend acte, commande un rapport.

Quand voilà que, le jour de Noël, M, le magazine du Monde, consacre un article passionnément racialiste au dit manifeste. Selon l’enquêteuse, le nouveau directeur de l’Opéra, Alexander Neef, assure que « certaines œuvres vont sans doute disparaître du répertoire ». Comme avant ce propos l’enquêteuse cite plusieurs ballets chorégraphiés par l’intouchable Noureev, les réseaux s’emballent. On va détruire nos ballets blancs (pas à cause de la peau, à cause des tutus ; nos ballets romantiques, quoi). La direction invoque une « juxtaposition malencontreuse ». Et les organes de morale publique débusquent presto le coupable. Pas la journaliste du Monde qui juxtapose au petit bonheur. Le même coupable que d’habitude : Marine, Ménard, l’énervé fachosphérique qui a réagi à ses fantasmes – comme tant d’autres de tous bords et toutes couleurs, évidemment. Preuve que Le Monde avait raison.

Coincé entre Monde-marteau et enclume-public, l’Opéra jure qu’il n’est pas question de censure. Dans La Croix, notre Roselyne enfonce le clou (sic) : « Il ne s’agit certainement pas de faire disparaître des grandes pièces du répertoire comme les ballets La Bayadère ou Casse-noisette, mais de les contextualiser ». Contextualiser ? Santa Maria della Cancellazione ! Mais encore ?

On nous annonce Otello sans maquillage – ce qui n’importe guère. Madame Butterfly idem – ce qui importe. Et en général l’attribution des rôles racialisés à des personnes racialisées, tendance Gobineau. À la Canadian Opera Company qu’il gouvernait jusqu’à la saison dernière, le directeur Neef avait remplacé les ministres Ping, Pang et Pong dans Turandot par Jim, Bob et Bill – ethnocentrisme caractérisé. Dans La Bayadère héritée de Noureev à la Bastille, une « Danse des négrillons » est devenue « Danse des enfants » sous Benjamin Millepied. « Certaines œuvres » vont disparaître, on nous le promet. Les autres seront probablement soumises à un Inclusivity Committee comme à New York. Ça va (enfin !) être gai. Au hasard, dans Le Lac des cygnes le prince jette le vilain cygne noir pour épouser le gentil cygne blanc. Si, si. En plus d’être gai, ça va être intense, pour l’Inclusivity Committee.

Quand Zemmour accuse l’État d’«anarcho-tyrannie»


Quand l’État dissout Génération identitaire sans toucher à d’autres associations qui représentent une plus grande menace pour l’ordre public, Eric Zemmour, pour décrire la situation, a recours à un concept de la droite américaine. Analyse


Quand j’ai dialogué, pour mon livre, Suprémacistes. L’enquête mondiale chez les gourous de la droite identitaire (Plon, 2020), avec des intellectuels de l’internationale blanche, surtout de « alt right », j’avais été frappé par leur capacité à inventer des mots qui font mouche. De fait si on regarde le langage politique actuel il est divisé en trois. D’abord, la langue médiatico-étatique, replète de « proximité », « dialogue » et « partenariat », la bouillie verbale servie par les DRH devenus politiciens. Ensuite la langue de l’indignation morale-tendance, qui se résume à des explétifs au bord de la crise de nerfs, « fasciste ! nazi ! sale mec ! pédo ! raciste ! ». Enfin, celle qui est la plus intéressante, et la plus inventive, la langue des identitaires : « grand remplacement » qui a bien sûr le don de piquer au vif tout le monde : « woke », « ethnomasochisme » et, à la veille de Mardi-Gras, une expression claquante : « anarcho-tyrannie ».

Oreille de Sioux

Eric Zemmour l’a clamée sur le plateau de Face à l’Info dans une discussion sur la dissolution de Génération Identitaire: « Il y a un concept américain qui s’appelle l’anarcho-tyrannie… »[tooltips content= »Eric Zemmour utilise l’expression « régime anarcho-tyrannique » sur CNews le 26 janvier. »](1)[/tooltips]

A lire aussi: Audiovisuel: chacun son genre

Eric Zemmour a l’oreille d’un Sioux sur le sentier de la guerre ; il l’avait entendu venir cette idée, et cette expression. De quoi s’agit-il ? J’en ai fait la mise au point plusieurs fois, y compris dans le numéro actuel de Causeur. Alors de quoi s’agit-il ? « Anarcho-tyrannie » est d’un essayiste américain de talent, Samuel T. Francis (1947-2005), auteur d’un livre décapant sur l’État moderne, Leviathan and its Enemies. L’expression date de 1992 mais connaît une véritable résurrection, trente ans après, grâce à la jeune génération de l’« alt right » américaine. Selon la définition de Francis : « Dans un État d’anarcho-tyrannie le gouvernement n’applique pas des lois qu’il devrait légitimement appliquer et, en même temps, il invente des lois qui n’ont pas de raison légitime d’exister. »  Pourquoi ? Réponse de ce théoricien de la droite nationaliste américaine : « Une caractéristique de l’anarcho-tyrannie est cette tendance de l’État à criminaliser et à punir des citoyens innocents qui obéissent à la loi, et en même temps de se refuser à punir les délinquants ». Exemples : poursuites contre les « groupuscules » identitaires ; laxisme, sinon tolérance d’accointance, envers les différents SOS « réfugiés, migrants, etc ». Il renchérit : « L’autre caractéristique d’un État anarcho-tyrannique est son refus d’appliquer des lois existantes, et de passer toujours plus de lois qui sont sans effet sur la véritable criminalité, mais qui criminalisent encore plus les innocents, ou restreignent leurs libertés civiles ». Exemples : amendes pour ceci et cela, mais laissez-faire des dealers dans les « quartiers ».

Il n’est pas sûr que l’expression prenne en France

En d’autres termes, quand un État démocratique tolère l’illégalité de la part de certains groupes, les laissent brûler des voitures, attaquer des magasins, insulter avec haine des gens dans la rue, et en même temps réprime, en utilisant tout un arsenal fabriqué ad hoc, ceux qui n’enfreignent pas la loi ou qui élèvent en toute légalité la voix, l’État est alors anarchique d’un côté et tyrannique de l’autre. Pas mal vu.

Reste à savoir si l’expression, savourée par Eric Zemmour, va prendre en France. Notre culture politique est différente de celle des États-Unis. Notre langage politique est trop cadré, avec « anarchie » marqué extrême gauche, et « tyrannie » marqué extrême droite. Et pourtant l’idée est efficace, et proche de la réalité.

Suprémacistes

Price: 21,00 €

21 used & new available from 9,71 €

Pas de goulag pour Fatiha Boudjahlat


« Quel renversement d’être ciblée et mise en danger par deux syndicats politisés, et soutenue par l’administration… »


Lauréate du Prix de la laïcité 2019, Fatiha Boudjahlat est aussi versée dans les réseaux sociaux. Le 2 novembre au soir, jour de la minute de silence en hommage à Samuel Paty, l’enseignante d’histoire-géo en collège se confie sur Facebook : « Cela s’est bien passé. Les élèves ont été formidables. Les seuls qui ont refusé de faire la minute de silence, cinq sur 380, appartiennent à la classe d’accueil et viennent de l’étranger, proche ou lointain, mais arabo-musulman. […] La France n’est pas un simple guichet de services. Je m’en vais le leur rappeler. »

A lire aussi, Jean-Paul Brighelli: Rencontre avec Didier Lemaire: un hussard de la République aux prises avec l’islamisme

Il n’en a pas fallu plus pour que les apparatchiks de SUD Éducation et CGT Éduc’action manquent de s’étrangler et décident de cafter, main dans la main, sur les comportements déviants de leur collègue. Dans une lettre ouverte au recteur de l’académie de Toulouse, ils enjoignent ce dernier de « prendre ses responsabilités » suite à ces mots « relevant d’une stigmatisation et d’une discrimination » et « divulguant des informations sensibles qui peuvent permettre d’identifier des enfants » – n’omettant pas, en prime, de signaler les pages Facebook et Twitter de leur proie, et d’afficher cette lettre ouverte sur le site internet de la section Haute-Garonne de SUD et sur celui de leurs camarades de VISA (Vigilance et initiatives syndicales antifascistes). Des velléités de purge qui ont conduit la militante, forte de ses 17 années au service de l’Éducation nationale, à demander le 5 janvier « la protection fonctionnelle au recteur de l’académie ».

A lire aussi: Alain Finkielkraut: Samuel Paty, le dévoilement et le déni

Mardi 12 janvier, après avoir été reçue par le rectorat, la « féministe universaliste » a annoncé sa victoire à ses fans sur Twitter : « Je remercie le ministre @jmblanquer et le recteur @MostafaFourar pour leur soutien. Quel renversement d’être ciblée et mise en danger par deux syndicats politisés, et soutenue par l’administration… » Reste à souhaiter que dans leur naufrage, les deux syndicats méditent sur leur propension à détruire nos libertés au nom de la défense des « opprimé.e.s ».

Le grand détournement

Price: 18,00 €

30 used & new available from 3,98 €

Un enfant comme vous et moi


L’article 1 de la loi bioéthique a été rejeté par le Sénat, le 4 février, dans la confusion. Une commission mixte paritaire (sept députés et sept sénateurs) se réunit ce mercredi pour tenter de trouver une parade.


 

Dernière minute. Députés et sénateurs réunis ce mercredi en commission mixte paritaire ne sont pas parvenus à trouver un accord sur l’ouverture de la PMA à toutes les femmes. Cette réforme de la filiation et de l’accès aux origines souhaitée par la majorité s’enliserait-elle?

Coup de grâce ou coup de force, l’histoire est remplie de ces cafouillages. Or, l’article 1 de la loi bioéthique rejeté le 4 février au Sénat était « l’article phare » du projet de loi bioéthique. Une Commission mixte paritaire (CMP) comprenant sept députés et sept sénateurs est donc convoquée, dans l’urgence, ce mercredi, pour trouver un accord avant que le projet de loi passe à l’Assemblée avant un vote définitif.

Bouleversement dans la filiation

On a tout dit sur cette loi qui ne concerne aucunement la bioéthique mais le droit de l’enfant : un enfant comme vous et moi. Jusque-là les « arguments » s’appuyaient sur « des droits victimaires »: la femme en mal d’enfant, la lesbienne discriminée, la résilience de l’enfant. Voyons les choses du point de vue du droit : stricto sensu. Comment s’apprêterait-on, sur la terre de France où le droit est si rigoureux, à voter une filiation sans père ? La République est-elle, à ce point, bonne fille, qu’elle prive un enfant, de par la loi, de sa filiation paternelle ?

Rappelons-le. 1)  Il ne s’agit pas de créer une loi mais d’étendre le champ d’application d’une loi existante. Nid de fauvette, cette loi du 29 juillet 1994, loin d’être excellente, ne doit en aucun cas, devenir un nœud gordien. Sur la Toile, il est un site que tout le monde peut consulter : PMAnonyme. La simple consultation de ce site, la lecture des témoignages d’enfants, devenus adultes, nés par IAD (insémination par tiers donneur), les questions et les réponses qui y figurent sans rien occulter des prix, persuaderaient, à elles seules, de l’impossibilité de l’extension de cette loi. 2) Un enfant privé de père, de par la loi, sera parfaitement en droit d’attaquer l’État en responsabilité, au nom de l’égalité, en disant : « Enfant du don, je suis interdit légalement de faire établir ma filiation réelle. Je n’ai même pas le droit de faire une recherche de paternité. » 3) Puisque la France, si la loi est votée, sera obligée de lever l’anonymat du donneur, pourquoi ne pas, comme en Allemagne, laisser le choix à l’enfant de sa filiation ? La levée de l’anonymat ne résout pas tout, elle va gêner considérablement la filiation à la française. 4) Comment se fait-il que l’article 7 de la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE), signée par la France en 1990 et mise en application, ait été balayé, ab initio, à la Chambre, sans débat aucun, d’un revers de manche ? Que dit-il, cet article ? « L’enfant… a le droit de connaître ses parents et d’être élevé par eux. » Comment se fait-il que « l’intérêt supérieur de l’enfant », notion juridique éprouvée, ait été balayé, sans aucune forme de procès, au profit de ce mot dans le vent  : la résilience ? Depuis quand la résilience est-elle une notion juridique ? De quel droit l’État priverait-il un enfant de connaître sa lignée génétique avant 18 ans et « interdirait » des tests génétiques ? Au lieu de s’interroger sur une garçonnité de salon, les historiens, amateurs des laissés pour compte, feraient bien de s’interroger sur l’injustice faite aux orphelins à naître sur notre territoire, dans notre République, et sur le silence coupable des adultes nantis d’un père et d’une mère  — à moins que les « malheurs de la vie » ne les en ait privés.

Ne pouvant faire que la force soit juste, on a fait que la justice use de la force

Les réponses à ces questions sont simples. On ne le dira jamais assez : la vérité est que la France dépend, pieds et poings liés, de la CEDH et de la Convention des droits de l’homme qui imposent aux États de ne pouvoir refuser la GPA dont la PMA est le marche-pied. La vérité est que, dans notre droit, nous ne voulons plus de l’indépendance nationale. La vérité est que nous sommes sous la coupe d’une nouvelle religion, avec ses juges au toupet d’hermine et de leur casuistique.

Dans « La Guerre de Troie n’aura pas lieu », écrite en 1935, Giraudoux, tournant en dérision l’interprétation que l’on fait du droit, fait dire à Hector, répondant au juriste Busiris : « Le droit est la plus puissante des écoles de l’imagination. Jamais poète n’a interprété la nature aussi librement qu’un juriste la réalité. » Alors, illico, par peur de représailles, Busiris, « le plus grand expert vivant du droit des peuples », se hâte de réinterpréter les violations de droit de la flotte grecque en hommages rendus aux Troyens. Ne nous trompons pas sur l’ironie cinglante de Giraudoux. On connaissait Pascal : « Ne pouvant faire que la force soit juste, on a fait que la justice use de la force. » En 2015, l’ancien président de la CEDH Dean Spielmann disait : « L’arrêt de la Cour réduit à néant non seulement la faculté pour les États d’interdire la GPA mais la légitimité d’un tel choix législatif ». Dans les Déclarations des droits de l’homme et du citoyen, de 1789 et de 1948, on lit : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits ». 

La Guerre de Troie n'aura pas lieu - Classiques et Contemporains

Price: 3,80 €

21 used & new available from 2,28 €

La fabrique d´orphelins - Essai

Price: 12,90 €

14 used & new available from 3,99 €

Vers une nouvelle donne en Côte d’Ivoire?

0
À Abidjan, des supporters des partis de l'opposition à Alassane Ouattara dressent une barricade, novembre 2020 © Leo Correa/AP/SIPA Numéro de reportage : AP22509687_000038

Le scrutin legislatif du 6 mars est essentiel pour l’Afrique de l’Ouest. Et aussi pour le monde occidental. Le tout juste réélu président Ouattara doit faire face à une nouvelle donne: les deux grands partis historiques du pays font front uni contre lui. Une grande première. Après 20 ans de chaos politique et de guerre civile sanglante, la Côte d’Ivoire présente pour la première fois une opposition unie qui court sous les couleurs de l’Alliance, clairement déterminée à en finir avec les démons du passé. Un énorme caillou dans la chaussure d’Alassane Ouattara, réélu avec le soutien implicite de la France, pour un troisième mandat présidentiel qu’il avait pourtant juré, craché de ne jamais briguer.


A quelques semaines du scrutin législatif du 6 mars prochain au cours duquel les Ivoiriens vont devoir élire leurs députés, la violence, la répression et la fraude sont encore à craindre. Cette situation est désormais récurrente dans un pays qui fut, pourtant, longtemps un havre de paix.

Depuis la mort du président Félix Houphouët-Boigny en 1993, la Côte d’Ivoire peine à retrouver la paix et la stabilité. En moins de trois décennies, le pays a en effet connu deux tentatives de coup d’État, deux coups d’États réussis, des dizaines d’assassinats politiques, une guerre civile longue de dix ans et des milliers de victimes au compteur. Depuis la période trouble des indépendances, jamais ce pays n’avait été confronté à autant de souffrance et de détresse. Comment arrêter cette spirale de violence qui s’est emparée de la vie politique ivoirienne ?

Rappels historiques sur la Côte d’Ivoire

C’est au moment des élections présidentielles de 2011 que la crise a atteint son apogée. La communauté internationale avait déclaré que le président sortant, Laurent Gbagbo, avait perdu les élections et lui avait intimé de quitter le pouvoir. Le président Nicolas Sarkozy avait saisi cette occasion pour aider son ami Alassane Ouattara, adversaire de Laurent Gbagbo et ancien directeur Afrique du Fonds Monétaire International, à prendre le pouvoir par la force. Il allait s’y installer durablement…

Renversé, Laurent Gbagbo sera traduit devant la Cour Pénale Internationale (CPI). Au terme de huit années de procès, il est acquitté de tous les chefs d’accusation retenus contre lui mais ne peut toujours pas rentrer dans son pays. Alassane Ouattara, craignant un retour triomphal de l’ancien président, champion de nombreux quartiers populaires, décide de durcir le ton contre les opposants et de fermer la porte à la discussion et à la réconciliation.

Après neuf ans passés au pouvoir, il n’est toujours pas parvenu à rassembler les Ivoiriens ni à pacifier le pays, son envie de conserver le fauteuil présidentiel semble être sa principale motivation et sa seule ambition. Il n’a d’ailleurs pas hésité à prendre l’initiative de modifier la Constitution pour s’arroger un troisième mandat à la tête du pays. Le principal candidat de l’opposition, l’ancien président Henri Konan Bédié, âgé de 86 ans, s’en est indigné publiquement: « Alassane Ouattara a violé la Constitution en se présentant pour un troisième mandat. Sa candidature est illégale et tout le monde le sait ». Il a également écrit à Emmanuel Macron pour l’alerter sur les risques d’une recrudescence de violence et sur le climat d’insécurité qui règne dans tout le pays. Il affirme en outre que le droit constitutionnel de manifester est désormais mis en péril par la vague d’arrestations des manifestants. Malgré les contestations, Alassane Ouattara va passer en force.

Celui que l’on présentait en 2011 comme un fervent démocrate est plus que jamais sourd et hostile à la discussion. Âgé de 79 ans, il est réélu le 31 octobre 2020 dans un climat de contestation et de fraude.

Le président ivoirien Alassane Ouattara s'exprime devant les journalistes après avoir voté le jour de l'élection présidentielle, le 31 octobre 2020. © Leo Correa/AP/SIPA  Numéro de reportage : AP22508632_000009
Le président ivoirien Alassane Ouattara s’exprime devant les journalistes après avoir voté le jour de l’élection présidentielle, le 31 octobre 2020. © Leo Correa/AP/SIPA Numéro de reportage : AP22508632_000009

Contrairement à l’intransigeance dont la communauté internationale a fait preuve en 2011 à l’égard de Laurent Gbagbo, elle se montre plutôt compréhensive et indulgente s’agissant d’Alassane Ouattara. Elle ne condamne pas cette modification constitutionnelle controversée qui permet au chef de l’État ivoirien de rester au pouvoir au-delà de la limite légale initialement fixée ni ne s’offusque de la mascarade électorale qui en découle.

Laurent Gbagbo et Henri Konan Bédié font front commun

Si les représentants de l’Union européenne, pas très diserts, ont « pris note » de cette réélection, les Ivoiriens dans leur majorité estiment, pour leur part, qu’il s’agit d’un mandat de trop et qu’Alassane Ouattara aurait dû partir au terme de ses deux mandats, conformément à la Constitution. Seul le Centre Carter a osé dénoncer un contexte politique et sécuritaire peu propice à l’organisation « d’une élection présidentielle compétitive et crédible ». La victoire du président sortant obtenue à 94,27% des suffrages, comme au temps des partis uniques, a une fois de plus créé des frustrations et engendré des manifestations violentes dans le pays.

Afin d’éviter l’escalade, Laurent Gbagbo est sorti d’un long silence pour demander le respect des textes constitutionnels : « L’un des problèmes politiques en Afrique, c’est qu’on écrit des textes sans y croire. Si l’on écrit dans la Constitution que le nombre de mandats est limité à deux, pourquoi veut-on faire un troisième mandat ? Il faut respecter les textes qu’on élabore soi-même sinon, on court à la catastrophe ». Comme pour rappeler à l’Europe et à la communauté internationale leur indignation à géométrie variable, l’acquitté de la CPI ne se prive pas de souligner pour l’occasion : « En tant qu’ancien président de la République, il est de mon devoir d’alerter, d’éviter que le pays sombre à nouveau dans la violence », avant d’ajouter à cette mise en garde : « Le remède efficace contre la violence, c’est la discussion et la négociation ».

À défaut d’un dialogue entre le pouvoir et l’opposition politique, Laurent Gbagbo et Henri Konan Bédié ont, de leur côté, décidé de se rencontrer à Bruxelles le 29 juillet 2019 pour créer un front commun, en prévision des prochaines législatives, contre Alassane Ouattara et son parti, le Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP).

Derrière cette rencontre solennelle entre deux poids lourds de la politique ivoirienne, il y a surtout une volonté des deux plus grands partis politiques de Côte d’Ivoire, le Front Populaire Ivoirien (FPI) de Laurent Gbagbo et le Parti Démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) d’Henri Konan Bédié, de déverrouiller le jeu politique en imposant la pluralité aux élections législatives et de briser le cycle de la violence en rassemblant la majorité des Ivoiriens. Pour cela, ils ont signé en avril 2020, un « document cadre de collaboration » d’une vingtaine de pages intitulé « projet de réconciliation des Ivoiriens pour une paix durable ». Cette coalition de l’opposition vise au moins 128 sièges sur les 255, soit la majorité absolue. Sur le papier cela parait possible. L’Alliance, comme  elle s’est elle-même baptisée, présente en effet près de 90% de candidats uniques : une grande première qui lui permet  d’entrevoir une victoire au bout du chemin.

La crainte de nouvelles fraudes

Pourtant, prudente, ou échaudée, elle alerte sur les risques d’un autre forcing électoral que chercherait à imposer Alassane Ouattara. Les auteurs craignent principalement que les conditions d’organisation des élections ne soient pas « justes et transparentes », autrement dit, que le chef de l’État nouvellement réélu, n’étant pas sûr d’obtenir une majorité à l’assemblée, choisisse de s’imposer par la fraude.

Entre calculs préélectoraux et montée des tensions, il faut bien constater que l’environnement politique actuel en Côte d’Ivoire est irrespirable. Les prisonniers politiques restent majoritaires dans la population carcérale, de nombreux Ivoiriens vivent toujours en exil depuis la crise post-électorale de 2011, l’insécurité est grandissante dans l’ensemble du pays et le pouvoir semble hostile à toute ouverture politique pour donner sa juste place à l’opposition et à l’expression populaire.

Le paradoxe de la situation actuelle est qu’elle est exactement ce qu’Alassane Ouattara reprochait, du temps où il était encore dans l’opposition, à Henri Konan Bédié et à Laurent Gbagbo… N’a-t-il donc tiré aucune leçon des événements dramatiques de 2011 ? Verdict dans quelques jours.

France- cote d´ivoire: la rupture

Price: 20,00 €

6 used & new available from 20,00 €

À Lille, l’art dramatique sera “sociétal” ou ne sera pas

0

C’est la consécration pour David Bobée, nommé directeur du Théâtre du Nord à Lille, sous les applaudissements de Martine Aubry et Roselyne Bachelot.


Un communiqué de presse du Ministère de la Culture nous apprend la nomination de David Bobée à la direction du Théâtre du Nord, Centre Dramatique National de Lille-Tourcoing. Dans un tweet, Martine Aubry se réjouit de la nomination de ce metteur en scène qui « propose un projet riche entre répertoire et création contemporaine, très ambitieux sur les enjeux sociétaux et du développement durable. » 

Retour en arrière. En 2015, la ministre de la Culture Fleur Pellerin crée un Collège de la diversité censé accélérer la représentation des minorités dans la production artistique. David Bobée en est membre. Il pense en effet que « le monde de la culture est raciste » et entend bien « décoloniser les arts », du nom du collectif qu’il co-anime avec Françoise Vergès, la féministe décoloniale proche du PIR, et le soutien de Rokhaya Diallo, entre autres. 

De quelles couleurs de peau sont les auteur-e-s de votre saison ?

En 2016, alors directeur du Centre National Dramatique de Haute-Normandie, il envoie un questionnaire à « tous les directrices et directeurs » des Théâtres et Centres Dramatiques Nationaux. La forme et le fond de ce questionnaire valent la peine d’être regardés de près. Florilège : « Connaissez-vous des non-blancs, non-blanches directeur ou directrice d’institution culturelle publique ? » – « Partagez-vous ce sentiment que la France est construite et nettoyée par une infra-société invisible et non-blanche ? » – « Avez-vous des artistes associé.e.s dans votre théâtre ? – Quelle est leur couleur de peau ? » – « Par qui ces récits sont-ils racontés ? Des blancs ou des non-blancs ? » – Avez-vous déjà invité un artiste que vous produisez à être attentif à la diversité dans sa distribution ? » – « Dans ce monde là, Othello joué par un blanc parmi les blancs, on valide ? » – « À quelques exceptions près, dans quelles zones de France vote–t-on massivement pour le Front National ? » – « De quelles couleurs de peau, de quelle(s) origine(s) culturelle(s) sont les auteur-e-s de votre saison ? » Tout le questionnaire est à l’avenant. Il est incroyable de n’avoir jamais entendu parler de ce questionnaire “culturel” qui ressemble à un possible manuel d’interrogatoire de feu les Gardes Rouges chinois.

De fausses interrogations ciblent l’ennemi politique. En plus du parti politique honni, les “blancs” se substituent aux “bourgeois” ou aux “intellectuels” de la révolution chinoise… et des mesures correctrices sont suggérées sous peine de se voir rééduqué par le Comité de la Diversité du Ministère de la Culture (révolutionnaire).

A lire ensuite, l’ouvreuse: Mauvais cygnes à l’Opéra de Paris

Olivier Py, directeur du Festival d’Avignon en 2018, avait accueilli à bras ouverts le “feuilleton théâtral” intitulé Mesdames, messieurs et le reste du monde, mis en scène par David Bobée, et découpé en “performances” ou “ateliers participatifs” aux noms significatifs: « Le genre, c’est quoi ? » ; « Tou.te.s minoritaires ; « Première cérémonie des Molière non raciste et non genrée » ; « Bal dégenré – La fête du genre » ou « Carte blanche à Virginie Despentes » et « La bibliothèque de Rokhaya Diallo ». Programme inspiré sans doute par celui de la Révolution culturelle qui voulait mettre fin aux Quatre Vieilleries : les vieilles idées, la vieille culture, les vieilles coutumes, les vieilles habitudes.

David Bobée, un artiste “engagé”

David Bobée est le stéréotype de “l’artiste” qui n’a plus qu’un souvenir lointain de ce qu’est l’art véritable. “L’art” militant, sociétal, à forte valeur morale ajoutée, est un non-art qui a remplacé l’art. Le savoir-faire et le travail de l’artiste, la beauté, la forme et, parfois, l’intelligence transgressive de ses œuvres, ont été remplacées par la paresse et l’inintelligence de non-artistes qui disent “transgresser les normes” quand ils ne font qu’en installer de nouvelles, plus normatives et policières que les anciennes. Le théâtre et l’université sont contaminés par le même poison idéologique, le militantisme remplace la création du beau comme la recherche de la vérité.

Voilà où nous en sommes. Cela n’effraie personne, et surtout pas notre ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, qui entérine la destruction artistique au nom des “valeurs” d’ouverture, de diversité, de partage “dégenré”. Le communiqué de presse de son ministère est on ne peut plus clair: 

« …[David Bobée] entend faire du centre dramatique une maison engagée dans les enjeux du développement durable et un laboratoire d’égalité capable de tracer de nouvelles voies contre toutes les formes de replis identitaires et de discriminations. L’égalité des chances et l’ouverture sur le monde irrigueront son action à la tête de l’École du Nord, dont il prendra également la direction avec la volonté de faire émerger de nouveaux profils d’artistes transdisciplinaires. »

A lire aussi: Art contemporain: «une production fade, aseptisée, facilement exportable»

Comme il ne suffisait pas que M. Bobée massacre l’art théâtral, il a été décidé de lui confier également les rênes de l’École supérieure d’Art Dramatique de Lille. Ainsi, nous devrions voir prochainement de nouveaux génies de l’art culturel transdisciplinaire en faveur du développement durable et contre les discriminations. 

Un questionnaire sera-t-il proposé à la fin de chaque représentation lilloise ? Les réfractaires (ceux qui auront répondu fautivement au questionnaire ou ne l’auront pas rempli) se verront-ils convoqués pour une nouvelle représentation ? En cas de nouvel échec, seront-ils astreints par le Comité de la Diversité du Ministère de la Culture à l’achat d’un abonnement de trois ans au Théâtre du Nord? Ainsi, assurément, le théâtre ne désemplira pas. Le Ministère et la direction du Théâtre pourront alors parler de l’incroyable succès d’un art théâtral qui aura enfin su se renouveler…

L'art sous contrôle: Nouvel agenda sociétal et censures militantes

Price: 14,00 €

11 used & new available from 14,00 €

Œnologouine: le monde du vin libéré des hommes

0
Image d'illustration Unsplash

Quand l’anti-sexisme verse dans la ségrégation


Ce qui est réjouissant avec les médias qui se font les porte-étendards du gauchisme culturel, c’est qu’on tombe chaque jour sur des pépites magistrales qui révèlent l’avancée de la «woke culture» dans notre pays! On le sait maintenant: le «woke» est cette idéologie qui essentialise la race et le sexe.

Elle repose essentiellement sur une posture victimaire, qui permet de censurer et d’excommunier tous les bourreaux oppresseurs, c’est-à-dire ceux qui pensent en dehors des clous progressistes.

Des soirées de dégustation ouvertes à tout le monde sauf aux hommes 

Dernier exemple en date du phénomène, le 10 février Libération fait état de cours d’œnologie réservés aux femmes et aux personnes queers.

C’est l’idée de Delphine Aslan, sommelière et caviste de formation, laquelle a fait du fût son instrument de lutte pour défendre non pas l’appropriation chinoise de nos vignobles, mais la cause féministe et LGBTQT etc… Dans l’interview publiée, on apprend que cette rebelle a créé une association baptisée Oenologouine, pour lutter contre le sexisme et la lesbiennophobie dans le milieu du vin. Comment s’y prend-elle ? Elle organise dans des bars ou à domicile – en ce moment c’est plutôt chez les particuliers – des «soirées de dégustation ouvertes à tout le monde sauf aux hommes». On appréciera le formidable oxymore sur l’ouverture limitée à des happy few, contradiction qui révèle le caractère schizophrénique de ces idéologies des identités capables de prôner un discours sur l’inclusion vertueuse tout en pratiquant une exclusion honteuse, et sans que personne ne bronche!

A lire aussi: Les Anglais laissent tomber le T

«L’idée est de découvrir le monde du vin, dans une ambiance décontractée, sans sexisme, ni paternalisme» explique Delphine Aslan. Par «peur d’être méprisées, isolées, gênées», les «femmes queers et lesbiennes» ne se rendaient pas à des ateliers d’œnologie jusqu’alors.

Un homme, même «très gentil, peut suffire à intimider»

On est donc passé d’ateliers «ouverts à tous» à des cours réservés à un groupe plus restreint, à une «mixité choisie» selon l’euphémisme employé par la journaliste. Et les gays? Et les trans? Sont-ils admis, ou également privés du droit d’entrée? Au lieu de s’aventurer sur ces chemins sinueux de la concurrence victimaire entre minorités, la journaliste de Libé préfère se concentrer sur le sexisme «systémique» qui caractériserait le secteur du vin. Et peu importe si on assiste en réalité depuis quelques années à une féminisation du milieu. 1/3 des œnologues sont de sexe féminin, plus de 30% des chefs d’exploitation viticole et plus de 50% des élèves en œnologie sont des femmes, comme le révèle la dernière étude de Vin et Société

Lors de sa formation de caviste, la malheureuse Delphine Aslan aurait été confrontée à beaucoup d’hommes qui, bien que mauvais, «se sentaient plus légitimes que les autres et s’autoproclamaient déjà spécialistes». Loin de voir dans ce comportement la preuve d’une banale et stupide suffisance, Delphine Aslan y a décelé l’expression du machisme et de la volonté de puissance masculine. Et en misandrie, tout homme est à exclure, même les très gentils, car un homme, même «très gentil, peut suffire à intimider », explique très sérieusement la sommelière qui ne doit pas avoir l’alcool bien joyeux!

À votre santé, messieurs-dames!

Les ateliers «d’oenologouines» sont une énième manifestation des « safe spaces », ces zones dites de protection où toute altérité est bannie car soi-disant porteuse de mini-agressions. En réalité, des clusters de non-mixité où une forme d’apartheid sexiste s’applique en toute impunité !

A lire aussi: Pénélope Bagieu: Ulysse, reviens!

L’absurdité de ces zones non mixtes vantées par les progressistes en peau de lapin de Libé est plus flagrante dans le milieu du vin qu’ailleurs. En effet, c’est un comble lorsqu’on pense que ce breuvage, au-delà de sa fonction socialisante, a un pouvoir particulier de transformation. Comme le notait Roland Barthes dans Mythologies, le vin est avant tout « une substance de conversion, capable de retourner les situations et les états, et d’extraire des objets leur contraire: de faire, par exemple, d’un faible un fort, d’un silencieux, un bavard… » Et si, enfermées dans leur sectarisme primaire, Delphine Aslan et la scribouillarde de Libération rataient en réalité une occasion de se servir du vin pour convertir les machos en alliés des LGBT?

Le porc émissaire

Price: 18,00 €

21 used & new available from 2,29 €

Mbappé étincelant contre Barcelone: le PSG meilleur sans Neymar?

0
Kylian Mbappé du PSG pendant la rencontre de Ligue de Champions face au Barça le 16 février 2021 © Joan Monfort/AP/SIPA Numéro de reportage : AP22540252_000060

Le sport peut parfois être perçu comme une métaphore du monde et de ses luttes.


Le magnifique match du PSG, le 16 février à Barcelone, avec sa victoire par quatre buts à un, permet sans abus d’en faire une métaphore de la vie politique.

Un triplé en Ligue des champions

J’ai toujours été passionné par l’analyse des rapports de force et des stratégies d’influence et ce n’est pas banaliser cette curiosité que de l’appliquer à une joute sportive internationale. Notamment pour ce qui concerne la relation entre Kylian Mbappé, fabuleux auteur de trois buts, et Neymar blessé et donc absent; ainsi que la dépendance habituelle de l’un par rapport à l’autre. Ce n’est pas d’aujourd’hui qu’on considère que ce duo est handicapé d’abord à cause du génie intermittent, de la fragilité, du narcissisme et des afféteries de Neymar et de l’incidence de ces dispositions sur Mbappé.

Comme en politique, deux crocodiles dans un même marigot, malgré des relations apparemment cordiales, c’est un de trop. Le cumul est parfois une soustraction. Mbappé a brillamment démontré contre l’équipe de Barcelone que non seulement Neymar ne lui manquait pas, bien au contraire, mais qu’il ne faisait pas défaut plus globalement au groupe qui a été meilleur et victorieux sans lui. En ayant démontré durant 90 minutes une totale excellence. Ce n’est pas rien pour Mbappé, par ailleurs, d’avoir éclipsé Messi qui s’est trouvé impuissant et démuni.

D’un coup la carence de Neymar a permis à Mbappé de prendre toutes les responsabilités, d’oser, d’être le maître incontesté sur le terrain, d’inventer le jeu dans lequel il se savait exceptionnel, de marquer trois buts et de n’être jamais gêné par la présence à ses côtés d’un joueur qui l’entravait plus qu’il ne l’amplifiait. Ce n’est pas sous-estimer Neymar que de prendre acte du fait que son absence a libéré Mbappé et élevé le niveau de l’équipe tout entière. Neymar est un soliste qui la plupart du temps joue pour lui seul. Mbappé est un soliste qui, s’il ne dédaigne pas les exploits individuels, ne méconnaît pas l’altruisme. Au service de l’équipe plus que de lui-même et quand il éblouit, il transcende tous ses partenaires.

A lire aussi, l’ouvreuse: Mauvais cygnes à l’Opéra de Paris

Mbappé n’a jamais été vaniteux mais je suis persuadé que sans Neymar plus aucune contagion de « grosse tête » ne le guette. Livré à lui-même, Mbappé est partout irréprochable, au sommet à Barcelone.

Le danger de la cacophonie des dons

Comme en politique, il y en a un de trop et j’aurais eu un frisson d’inquiétude pour le PSG si en plus Messi avait rejoint ce duo. La cacophonie des dons aurait dominé pour le pire.

Serait-ce indélicat de poursuivre la métaphore en vantant le rôle décisif de l’entraîneur Pochettino qui en peu de semaines est parvenu à faire d’individualités techniquement remarquables une superbe équipe en rassemblant, en ne laissant aucun joueur au bord du chemin et en les embarquant tous dans une entreprise où chacun s’investissait avec bonheur parce qu’il était considéré ?

J’imagine ce qu’un président de la République pourrait mettre en œuvre pour la France s’il était inspiré par le même esprit et soucieux de la même participation et implication de tous. Cette comparaison a des limites, j’en ai évidemment conscience, mais comme Neymar est de trop quand on a un Mbappé, il y a probablement, dans notre vie politique, de trop rares Mbappé et des prétendus Neymar superfétatoires…

Disparition de Jack Ma (Alibaba): enfin une bonne nouvelle pour l’Occident!

0
Jack Ma en Ukraine en 2019 © Kommersant/SIPA Numéro de reportage : SIPAUSA30189384_000006

Branle-bas de combat à Pékin: les dirigeants chinois ont décidé de mettre violemment au pas les milliardaires qui ont participé à l’explosion économique des vingt ou trente dernières années en Chine et en ont tiré profit à titre personnel. Le Parti communiste reprend la main partout et les dégâts vont être grandioses. C’est évidemment la meilleure nouvelle qui puisse venir ces temps-ci du mammouth communiste.


Ce sont les malheurs de Jack Ma, le fondateur d’Alibaba, qui ont mis le feu aux poudres. Véritable génie des affaires et tycoon de l’e-commerce en Chine, devenu l’un des deux ou trois hommes les plus riches de l’Empire avec une fortune de 60 milliards de dollars selon un classement de Forbes, il avait littéralement disparu dernièrement pendant près de trois mois, après l’annulation surprise et à la dernière minute d’une énorme introduction en Bourse qu’il avait préparée pour l’un de ses conglomérats financiers. Une annulation ordonnée, selon le Wall Street Journal, par Xi Jinping lui-même. Résultat : alerte générale dans le monde des grandes affaires internationales.

Pour le Wall Street Journal, ce qui arrive est simple: «Xi Jinping veut ramener le secteur privé chinois dans le giron du Parti»

Surtout quand on rapproche les mésaventures de Jack Ma des étranges disparitions ces derniers temps d’autres capitaines d’industrie et d’autres milliardaires condamnés pénalement à de lourdes peines à partir d’actes d’accusation truqués et parfois fantaisistes. Ainsi de Lai Xiaomin, ancien PDG du conglomérat China Huarong, condamné à mort début janvier pour « corruption et polygamie », après avoir dû faire des aveux en direct à la télévision. De Wu Xiaohui, ancien boss de Anbang, mégaentreprise d’assurances, condamné à 18 ans de prison pour « corruption ». Ou de Ren Zhiqiang, multimilliardaire de l’immobilier, également 18 ans de prison, accusé d’avoir détourné des fonds pour assouvir sa passion du golf.

Une nouvelle politique répressive à l’encontre des nantis

Et quelques autres géants de l’industrie, du commerce et de la finance tels que Hu Huaibang, ex-numéro 1 de la Banque chinoise du développement, condamné à la prison à vie, toujours pour corruption, ou Guo Guangchang, patron du conglomérat Fosun, propriétaire entre autres du Club Med, disparu curieusement pendant quelques jours il y a six ans (il devait servir de cobaye alors), ou Sun Dawu, président d’un consortium géant dans l’alimentaire, Dawu Group, arrêté en novembre dernier pour avoir critiqué les autorités locales sur le réseau social Weibo. La conséquence immédiate de cette nouvelle politique répressive à l’encontre des nantis du système est que nombre d’entre eux se sont mis à quitter le territoire chinois, comme avaient pu le faire il y a quelques années certains oligarques russes qui avaient pu déplaire à Vladimir Poutine.

A lire ensuite: Le coup d’Etat silencieux de la Silicon Valley, vu par Shoshana Zuboff

Il est clair que les communistes chinois du sommet, après plusieurs décennies de développement économique forcené, veulent maintenant pouvoir tenir en laisse leurs génies du business auxquels ils avaient laissé jusqu’à présent toute latitude de copier le monde libre et de s’y jeter en concurrents féroces de l’Occident. La prééminence du Parti est de nouveau serinée partout. Les entrepreneurs sont ciblés, qu’ils soient ou non coupables, et leurs affaires instruites rapidement avec de lourdes peines de prison à la clé, du moment qu’il s’agit de faire un exemple ou de mettre la main sur des entreprises juteuses sans qu’il ne soit jamais question, bien entendu, de droits de l’homme. La lourde patte du mammouth chinois s’abat maintenant sans peur et sans retenue.

Tous les moyens sont bons, même les plus sauvages

Qui pourrait imaginer qu’une autorité judiciaire suprême dans le monde libre, par exemple aux États-Unis, sous le seul prétexte qu’ils ont trop bien réussi, décide de mettre en prison pour longtemps Larry Page, fondateur de Google, Jeff Bezos (Amazon), Mark Zuckerberg (Facebook) ou Elon Musk (Tesla) ? Pour le Wall Street Journal, ce qui arrive à leurs collègues milliardaires est simple : « Xi Jinping veut ramener le secteur privé chinois dans le giron du Parti », et comme on est en Chine dans un pays communiste à l’ancienne, tous les moyens sont bons, même les plus sauvages. La présence de cadres du Parti est déjà obligatoire dans les entreprises privées d’une certaine taille, et on n’est qu’au début, apparemment, de cette gigantesque marche arrière. Après le « grand bond en avant » de Mao Zedong au XXe siècle, voici le « grand bond en arrière » de Xi Jinping au XXIe !

La roue va maintenant tourner méchamment pour les capitalistes chinois, qui risquent de devenir des girouettes entre les mains de fonctionnaires incompétents et vindicatifs – qu’on se rende compte de ce que peut être un milliardaire pour un communiste ! – et la cible permanente de la vindicte populaire organisée officiellement par le Parti. Les communistes font ça très bien et depuis toujours, pour un résultat final inéluctable : la faillite économique et la chute d’un système intenable, comme ce fut le cas en Russie soviétique. Le mur de Berlin a fini par tomber et la muraille de Chine n’est pas forcément éternelle.

A lire aussi: Architecture: la fin des copies « made in China »

La France, nouvelle terre d’accueil des déshérités de l’Empire chinois?

Qui peut penser qu’on puisse révolutionner le monde et entrer dans l’histoire sans une totale liberté de création, comme ont pu le faire Bill Gates ou Steve Jobs, partis de zéro ? Pour les dirigeants du Dragon rouge qui avaient un besoin vital de sortir leur 1,5 milliard d’habitants de la pauvreté et d’un Moyen Âge qui paraissait éternel, il fallait employer les grands moyens en mettant de côté pour un temps la philosophie communiste du nivellement par le bas pour utiliser les recettes du monde libre. Le plus gros étant maintenant réalisé selon l’opinion du dictateur Xi Jinping, il faut donc revenir aux sources du communisme pur et dur et se remettre à couper les têtes qui dépassent. Les vieilles méthodes de répression et d’anéantissement vont donc reprendre en Chine, ce qui ne pourra que profiter aux pays libres.

Pour en revenir à Jack Ma, ancien porte-drapeau de la caste des multimilliardaires chinois, ancien professeur d’anglais issu d’une famille modeste, homme simple et d’une grande gentillesse devenu génie des affaires et du numérique – en plus d’Alibaba, il a également créé Taobao, un e-Bay local, ainsi que Alipay, un système très original de paiement électronique, et Tmall, un giga-centre commercial virtuel… –, il se pourrait bien qu’on le voie maintenant plus souvent en France, s’il peut quitter la Chine, dans l’un de ses domaines viticoles de Bordeaux… Depuis son quartier général français, le Château de Sours, une grande propriété de 200 hectares autour d’une superbe bâtisse du xviiie siècle, Jack Ma gouvernerait en effet un ensemble d’une quinzaine de domaines dans lesquels il investirait massivement à long terme. Quelques milliardaires chinois comme lui, c’est exactement ce qu’il nous faudrait en France. On n’arrive plus à en fabriquer, à force de vouloir les taxer. Et si on mettait au point une solution attirante pour que la France devienne une nouvelle terre d’accueil des déshérités de l’Empire communiste chinois ?

La possibilité d’une œuvre en 2021: « les Porcs » au banc des accusés

0
L'écrivain Marc-Édouard Nabe © BALTEL/SIPA Numéro de reportage : 00609879_000023

L’écrivain teigneux Marc-Edouard Nabe publie la suite des Porcs. Le style et des qualités littéraires autorisent-ils à écrire pis que pendre sur ses contemporains, à être complaisant avec l’antisémitisme ou le terrorisme?


Sensibilité, sincérité et style. Trois qualités nécessaires pour un grand écrivain selon Edmonde-Charles Roux, naguère récompensée du prix Goncourt pour Oublier Palerme. Trois qualités qu’elle attribua à Marc-Edouard Nabe à l’issue de sa lecture d’Alain Zannini, ouvrage au nom de l’homme qui se cachait derrière l’alias de l’auteur, écrivain à l’accent chantant amateur de free-jazz et de littérature religieuse enfiévrée.  

Marc-Edouard Nabe s’y dévoilait aussi impudique qu’à son habitude mais s’y montrait aussi touchant, réussissant à nous entraîner dans les méandres d’un esprit parfois si jubilatoire qu’il en devenait vertigineux. Alain Zannini aurait bien mérité la reconnaissance du « milieu des lettres », un Goncourt et rien d’autre. Il n’en fut rien. Ses coups de gueule sur les plateaux de télévision, malheureusement parfois accompagnés de déclarations difficilement compréhensibles et défendables, ont occulté une œuvre riche aujourd’hui complétée par la sortie du deuxième tome des Porcs, où il se livre à un petit jeu de massacre des champions du « conspirationnisme ». Tel l’invité dans Festen, en quête de vérité, il tente d’ouvrir les yeux de ses contemporains sur les hommes et les femmes qui ont alimenté la machine du soupçon généralisé chez les foules désireuses de vengeance – dont la colère mal dirigée et instrumentalisée est, elle, bien légitime.

Un graphomane

Œuvre ambitieuse d’une longueur démesurée, les deux tomes des Porcs sont marqués de l’empreinte stylistique de ce graphomane hypermnésique qui n’oublie aucun détail, aucun lieu, aucune déclaration ; une force étonnante qui donne à l’ensemble des allures un peu paranoïaques – même si tout, est fondé. Un Nabe deuxième manière, un peu comme le Miles Davis électrique qui a abandonné le bebop pour de nouvelles expérimentations. On l’imagine assez volontiers prenant des notes devant sa télévision pour que tout, même les anecdotes les plus insignifiantes des demi-mondains de plateaux, soit définitivement gravé dans le marbre littéraire. Attention, Marc-Edouard Nabe n’est pas du genre hyper-réaliste ou pop, c’est un moderne. Ses souvenirs prennent des teintes impressionnistes, ses portraits de porcs sont déformés comme les visages des Ménines revues et corrigées par Picasso. Il passe tout au filtre de sa propre sensibilité, de sa subjectivité, même dans ce nouvel exercice plus factuel.

Critique de l’esprit conspirationniste, qu’il a vite identifié comme allant constituer l’une des maladies de l’esprit les plus graves du XXIème siècle, niant à la Vie la part d’incertitude, de chaos et de hasard qui lui est inhérente ; il a entrepris d’en déconstruire la mécanique perverse en s’attachant à railler ceux qui lui ont donné un nouveau souffle populaire, s’attardant tantôt sur leurs contradictions tantôt sur leur bêtise. Il y a toutefois peu de conceptualisation dans ces journaux de 1000 pages vendus directement aux lecteurs sans intermédiaire. Chantre de l’anti-édition, Nabe n’a ni éditeur ni distributeur. De politique, qu’elle soit politicienne ou avec un P, il n’est en fin de compte pas non plus vraiment question, au sens où nous entendons ce mot aujourd’hui. Exercice par excellence du compromis, voire de la compromission dans ses nuances les plus dissonantes, la Politique s’occupe de la Cité, étant l’art de rendre possible ce qui est nécessaire. Difficile de voir un homme de compromis chez Nabe ! De nos jours, il n’y a pas loin de la Politique à l’intendance. Marc-Edouard Nabe s’intéresse à la Politique pour ce qu’elle dit de la société, comme matière littéraire et romanesque. Il est un écrivain, pas un philosophe, et c’est très bien ainsi.

Au plus près du gratin conspirationniste 

Pour un amateur de Thelonious Monk et de son langage au piano, la fréquentation du gratin conspi a probablement été un supplice. Le propre du conspirationnisme est de douter de tout, ce qui revient à ne douter de rien. Les conspis jouent donc une petite musique intellectuelle qui finit par être aussi rigide que les rythmes en quatre temps du rock de Johnny qu’exècre cet écrivain teigneux. Manichéens, ils divisent l’humanité en deux catégories exclusives : les bons et les méchants. Quant aux évènements qui rythment la vie de ces masses, ils ont tous une explication unique. Le résultat est que ces gens ne voient pas le mal tel qu’il est mais tel qu’ils aimeraient qu’il soit. Prêtant au bon peuple des vertus innées, et aux élites qui nous domineraient dans l’ombre – alors qu’elles font tout au grand jour – des desseins malins, ils sont borgnes. Nul comportement n’est l’apanage d’une catégorie d’hommes.

Ainsi, rechignant à assumer leurs fantasmes sadiques et leurs haines, ils refusent d’admettre que les terroristes sont des poseurs de bombes, des assassins et des bourreaux. De leur point de vue, les terroristes sont des jouets, des pantins ! Disons-le: c’est presque plus grave de ne pas les croire autonomes quand ils s’adonnent au pire, que de leur trouver des circonstances atténuantes ou de fantasmer sur la radicalité révolutionnaire de mémoricides qui se sont déclaré nos ennemis ontologiques, tuant de sang-froid nos enfants. C’est bien parce qu’il connaît le fanatisme littéraire, que lui-même est aussi un fanatique, un zélote de ses propres goûts et dégoûts, que Marc-Edouard Nabe sait mieux que quiconque ce dont un être humain est capable s’il veut conformer le monde selon un ordre qui lui semble juste. S’il en avait le pouvoir, peut-être interdirait-il, lui aussi, le rock. On ne lui en voudrait pas trop pour une part du rock français alternatif, mais passons !  

Une lecture dense, du vacarme

Marc-Edouard Nabe est sadique – mais juste – quand il dépeint les tares de ses anciens amis, qu’il défigure et ridiculise. Il est sadique parce qu’il aime le style du divin Marquis. Il est sadique parce que son fond est masochiste, parce qu’il sait que ses outrances s’apparentent à un sacrifice, comme celui de Simone Weil qui s’affamait pour ressentir la souffrance cosmique et universelle. Nabe se fait haïr comme un trompettiste qui refuserait de jouer la suite d’accords entendus mille fois ailleurs. « C’est justement parce que je crois si fort aux instants suprêmes passés ensemble sur les cimes du présent que je me refuse à descendre ensuite dans les vallées banales de larmes ou de rires forcés où les troupeaux d’amis paissent en paix en attendant la mort. » 

Son maître Thelonious Monk maitrisait, lui, très bien le silence. Pourquoi alors cette impression de vacarme dans ce trop-plein, cette foule de détails parfois superfétatoires ? On se perd parfois un peu dans cette lecture dense, convoquant des figures mineures d’une période qui ne l’est pas moins. Mais Les Porcs, au-delà du témoignage important que ce livre constitue sur un milieu marginal qui a finalement fait du dégât jusque dans les couches les plus cultivées de la population, ainsi qu’on le constate quotidiennement, vaut aussi comme éventuelle porte d’entrée à un univers littéraire important. Le livre m’a d’ailleurs donné envie de me replonger dans les journaux, Zannini, L’Homme qui arrêta d’écrire ou le terriblement cruel L’Enculé.

Comment croire d’ailleurs qu’un écrivain si sensible, si juste, si intimement persuadé que la beauté doit être vue, partagée et offerte au monde, puisse trouver du sublime dans l’abjection de l’Etat islamique ? Comment résoudre cet apparent paradoxe ? Reste, au moins, mais c’est important, une œuvre traversée de fulgurances géniales nourries par un goût d’une grande sureté qu’il a l’élégance de faire connaître. Comme on donnerait de la confiture à des cochons, il donne au reliquat de bons lecteurs et auditeurs du XXIème siècle du Maritain, du Nietzsche, du Braxton, du Miles et du Picasso. Il donne aussi parfois de la laideur, du petit, du rabougri en déshabillant le conspirationnisme et ses affidés et parfois en se faisant l’avocat du diable, avec un D, et de ses supplétifs ; le beau étant peut-être trop aveuglant seul. Qui veut faire l’ange fait la bête ?

Les Porcs 2, Marc-Edouard Nabe, édité par l’auteur.

Mauvais cygnes à l’Opéra de Paris

0
© Causeur

Plus que le critique, le comédien, le musicien et le danseur, c’est l’ouvreuse qui passe sa vie dans les salles de spectacle. Laissons donc sa petite lampe éclairer notre lanterne!


À l’Opéra de Paris, pas besoin d’opéra. Avec ou sans public, show permanent. À l’époque où feu Pierre Bergé tentait de faire marcher le bébé Bastille, que pesait sa maigre saison auprès de la conférence de presse, festival d’esclandres, de menaces et d’injures ? Ou le virage en direct sur vos écrans du chef Daniel Barenboim ? Le spectacle n’était déjà plus sur le plateau.

Et ça n’a pas trop changé. Le hit de l’an passé restera les dix minutes de cygnes sur le parvis du palais Garnier. Grève matin, grève midi, grève soir évidemment, mais animation à toute heure, le personnel ayant tapissé les murs d’un panneau roboratif : « Agissements sexistes / Violences sexuelles / Harcèlement sexuel / NON / Victimes ou témoins agissons ». Il s’en passe des trucs dans des couloirs que plus personne n’arpente depuis un an !

Après la grève, le virus. La maison close reste close, mais ne partez pas, le spectacle continue. Le 25 mai à Minneapolis la mort filmée du citoyen George Floyd enflamme la planète. Trois mois plus tard, quelques salariés de l’Opéra, danseurs principalement, rédigent un manifeste : « De la question raciale à l’Opéra national de Paris ». D’abord interne, le tract gagne la Toile, puis la presse. Nous sommes début octobre, la direction prend acte, commande un rapport.

Quand voilà que, le jour de Noël, M, le magazine du Monde, consacre un article passionnément racialiste au dit manifeste. Selon l’enquêteuse, le nouveau directeur de l’Opéra, Alexander Neef, assure que « certaines œuvres vont sans doute disparaître du répertoire ». Comme avant ce propos l’enquêteuse cite plusieurs ballets chorégraphiés par l’intouchable Noureev, les réseaux s’emballent. On va détruire nos ballets blancs (pas à cause de la peau, à cause des tutus ; nos ballets romantiques, quoi). La direction invoque une « juxtaposition malencontreuse ». Et les organes de morale publique débusquent presto le coupable. Pas la journaliste du Monde qui juxtapose au petit bonheur. Le même coupable que d’habitude : Marine, Ménard, l’énervé fachosphérique qui a réagi à ses fantasmes – comme tant d’autres de tous bords et toutes couleurs, évidemment. Preuve que Le Monde avait raison.

Coincé entre Monde-marteau et enclume-public, l’Opéra jure qu’il n’est pas question de censure. Dans La Croix, notre Roselyne enfonce le clou (sic) : « Il ne s’agit certainement pas de faire disparaître des grandes pièces du répertoire comme les ballets La Bayadère ou Casse-noisette, mais de les contextualiser ». Contextualiser ? Santa Maria della Cancellazione ! Mais encore ?

On nous annonce Otello sans maquillage – ce qui n’importe guère. Madame Butterfly idem – ce qui importe. Et en général l’attribution des rôles racialisés à des personnes racialisées, tendance Gobineau. À la Canadian Opera Company qu’il gouvernait jusqu’à la saison dernière, le directeur Neef avait remplacé les ministres Ping, Pang et Pong dans Turandot par Jim, Bob et Bill – ethnocentrisme caractérisé. Dans La Bayadère héritée de Noureev à la Bastille, une « Danse des négrillons » est devenue « Danse des enfants » sous Benjamin Millepied. « Certaines œuvres » vont disparaître, on nous le promet. Les autres seront probablement soumises à un Inclusivity Committee comme à New York. Ça va (enfin !) être gai. Au hasard, dans Le Lac des cygnes le prince jette le vilain cygne noir pour épouser le gentil cygne blanc. Si, si. En plus d’être gai, ça va être intense, pour l’Inclusivity Committee.

Quand Zemmour accuse l’État d’«anarcho-tyrannie»

0

Quand l’État dissout Génération identitaire sans toucher à d’autres associations qui représentent une plus grande menace pour l’ordre public, Eric Zemmour, pour décrire la situation, a recours à un concept de la droite américaine. Analyse


Quand j’ai dialogué, pour mon livre, Suprémacistes. L’enquête mondiale chez les gourous de la droite identitaire (Plon, 2020), avec des intellectuels de l’internationale blanche, surtout de « alt right », j’avais été frappé par leur capacité à inventer des mots qui font mouche. De fait si on regarde le langage politique actuel il est divisé en trois. D’abord, la langue médiatico-étatique, replète de « proximité », « dialogue » et « partenariat », la bouillie verbale servie par les DRH devenus politiciens. Ensuite la langue de l’indignation morale-tendance, qui se résume à des explétifs au bord de la crise de nerfs, « fasciste ! nazi ! sale mec ! pédo ! raciste ! ». Enfin, celle qui est la plus intéressante, et la plus inventive, la langue des identitaires : « grand remplacement » qui a bien sûr le don de piquer au vif tout le monde : « woke », « ethnomasochisme » et, à la veille de Mardi-Gras, une expression claquante : « anarcho-tyrannie ».

Oreille de Sioux

Eric Zemmour l’a clamée sur le plateau de Face à l’Info dans une discussion sur la dissolution de Génération Identitaire: « Il y a un concept américain qui s’appelle l’anarcho-tyrannie… »[tooltips content= »Eric Zemmour utilise l’expression « régime anarcho-tyrannique » sur CNews le 26 janvier. »](1)[/tooltips]

A lire aussi: Audiovisuel: chacun son genre

Eric Zemmour a l’oreille d’un Sioux sur le sentier de la guerre ; il l’avait entendu venir cette idée, et cette expression. De quoi s’agit-il ? J’en ai fait la mise au point plusieurs fois, y compris dans le numéro actuel de Causeur. Alors de quoi s’agit-il ? « Anarcho-tyrannie » est d’un essayiste américain de talent, Samuel T. Francis (1947-2005), auteur d’un livre décapant sur l’État moderne, Leviathan and its Enemies. L’expression date de 1992 mais connaît une véritable résurrection, trente ans après, grâce à la jeune génération de l’« alt right » américaine. Selon la définition de Francis : « Dans un État d’anarcho-tyrannie le gouvernement n’applique pas des lois qu’il devrait légitimement appliquer et, en même temps, il invente des lois qui n’ont pas de raison légitime d’exister. »  Pourquoi ? Réponse de ce théoricien de la droite nationaliste américaine : « Une caractéristique de l’anarcho-tyrannie est cette tendance de l’État à criminaliser et à punir des citoyens innocents qui obéissent à la loi, et en même temps de se refuser à punir les délinquants ». Exemples : poursuites contre les « groupuscules » identitaires ; laxisme, sinon tolérance d’accointance, envers les différents SOS « réfugiés, migrants, etc ». Il renchérit : « L’autre caractéristique d’un État anarcho-tyrannique est son refus d’appliquer des lois existantes, et de passer toujours plus de lois qui sont sans effet sur la véritable criminalité, mais qui criminalisent encore plus les innocents, ou restreignent leurs libertés civiles ». Exemples : amendes pour ceci et cela, mais laissez-faire des dealers dans les « quartiers ».

Il n’est pas sûr que l’expression prenne en France

En d’autres termes, quand un État démocratique tolère l’illégalité de la part de certains groupes, les laissent brûler des voitures, attaquer des magasins, insulter avec haine des gens dans la rue, et en même temps réprime, en utilisant tout un arsenal fabriqué ad hoc, ceux qui n’enfreignent pas la loi ou qui élèvent en toute légalité la voix, l’État est alors anarchique d’un côté et tyrannique de l’autre. Pas mal vu.

Reste à savoir si l’expression, savourée par Eric Zemmour, va prendre en France. Notre culture politique est différente de celle des États-Unis. Notre langage politique est trop cadré, avec « anarchie » marqué extrême gauche, et « tyrannie » marqué extrême droite. Et pourtant l’idée est efficace, et proche de la réalité.

Suprémacistes

Price: 21,00 €

21 used & new available from 9,71 €

Pas de goulag pour Fatiha Boudjahlat

0
Fatiha Boudjahlat Photo D.R.

« Quel renversement d’être ciblée et mise en danger par deux syndicats politisés, et soutenue par l’administration… »


Lauréate du Prix de la laïcité 2019, Fatiha Boudjahlat est aussi versée dans les réseaux sociaux. Le 2 novembre au soir, jour de la minute de silence en hommage à Samuel Paty, l’enseignante d’histoire-géo en collège se confie sur Facebook : « Cela s’est bien passé. Les élèves ont été formidables. Les seuls qui ont refusé de faire la minute de silence, cinq sur 380, appartiennent à la classe d’accueil et viennent de l’étranger, proche ou lointain, mais arabo-musulman. […] La France n’est pas un simple guichet de services. Je m’en vais le leur rappeler. »

A lire aussi, Jean-Paul Brighelli: Rencontre avec Didier Lemaire: un hussard de la République aux prises avec l’islamisme

Il n’en a pas fallu plus pour que les apparatchiks de SUD Éducation et CGT Éduc’action manquent de s’étrangler et décident de cafter, main dans la main, sur les comportements déviants de leur collègue. Dans une lettre ouverte au recteur de l’académie de Toulouse, ils enjoignent ce dernier de « prendre ses responsabilités » suite à ces mots « relevant d’une stigmatisation et d’une discrimination » et « divulguant des informations sensibles qui peuvent permettre d’identifier des enfants » – n’omettant pas, en prime, de signaler les pages Facebook et Twitter de leur proie, et d’afficher cette lettre ouverte sur le site internet de la section Haute-Garonne de SUD et sur celui de leurs camarades de VISA (Vigilance et initiatives syndicales antifascistes). Des velléités de purge qui ont conduit la militante, forte de ses 17 années au service de l’Éducation nationale, à demander le 5 janvier « la protection fonctionnelle au recteur de l’académie ».

A lire aussi: Alain Finkielkraut: Samuel Paty, le dévoilement et le déni

Mardi 12 janvier, après avoir été reçue par le rectorat, la « féministe universaliste » a annoncé sa victoire à ses fans sur Twitter : « Je remercie le ministre @jmblanquer et le recteur @MostafaFourar pour leur soutien. Quel renversement d’être ciblée et mise en danger par deux syndicats politisés, et soutenue par l’administration… » Reste à souhaiter que dans leur naufrage, les deux syndicats méditent sur leur propension à détruire nos libertés au nom de la défense des « opprimé.e.s ».

Le grand détournement

Price: 18,00 €

30 used & new available from 3,98 €

Un enfant comme vous et moi

0
Rassemblement de la manif pour tous devant le sénat, en opposition à la loi bioéthique. Au premièr plan, Ludovine de la Rochere. Paris, le 3 fevrier 2021 © Olivier Coret/SIPA Numéro de reportage : 01002977_000004

L’article 1 de la loi bioéthique a été rejeté par le Sénat, le 4 février, dans la confusion. Une commission mixte paritaire (sept députés et sept sénateurs) se réunit ce mercredi pour tenter de trouver une parade.


 

Dernière minute. Députés et sénateurs réunis ce mercredi en commission mixte paritaire ne sont pas parvenus à trouver un accord sur l’ouverture de la PMA à toutes les femmes. Cette réforme de la filiation et de l’accès aux origines souhaitée par la majorité s’enliserait-elle?

Coup de grâce ou coup de force, l’histoire est remplie de ces cafouillages. Or, l’article 1 de la loi bioéthique rejeté le 4 février au Sénat était « l’article phare » du projet de loi bioéthique. Une Commission mixte paritaire (CMP) comprenant sept députés et sept sénateurs est donc convoquée, dans l’urgence, ce mercredi, pour trouver un accord avant que le projet de loi passe à l’Assemblée avant un vote définitif.

Bouleversement dans la filiation

On a tout dit sur cette loi qui ne concerne aucunement la bioéthique mais le droit de l’enfant : un enfant comme vous et moi. Jusque-là les « arguments » s’appuyaient sur « des droits victimaires »: la femme en mal d’enfant, la lesbienne discriminée, la résilience de l’enfant. Voyons les choses du point de vue du droit : stricto sensu. Comment s’apprêterait-on, sur la terre de France où le droit est si rigoureux, à voter une filiation sans père ? La République est-elle, à ce point, bonne fille, qu’elle prive un enfant, de par la loi, de sa filiation paternelle ?

Rappelons-le. 1)  Il ne s’agit pas de créer une loi mais d’étendre le champ d’application d’une loi existante. Nid de fauvette, cette loi du 29 juillet 1994, loin d’être excellente, ne doit en aucun cas, devenir un nœud gordien. Sur la Toile, il est un site que tout le monde peut consulter : PMAnonyme. La simple consultation de ce site, la lecture des témoignages d’enfants, devenus adultes, nés par IAD (insémination par tiers donneur), les questions et les réponses qui y figurent sans rien occulter des prix, persuaderaient, à elles seules, de l’impossibilité de l’extension de cette loi. 2) Un enfant privé de père, de par la loi, sera parfaitement en droit d’attaquer l’État en responsabilité, au nom de l’égalité, en disant : « Enfant du don, je suis interdit légalement de faire établir ma filiation réelle. Je n’ai même pas le droit de faire une recherche de paternité. » 3) Puisque la France, si la loi est votée, sera obligée de lever l’anonymat du donneur, pourquoi ne pas, comme en Allemagne, laisser le choix à l’enfant de sa filiation ? La levée de l’anonymat ne résout pas tout, elle va gêner considérablement la filiation à la française. 4) Comment se fait-il que l’article 7 de la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE), signée par la France en 1990 et mise en application, ait été balayé, ab initio, à la Chambre, sans débat aucun, d’un revers de manche ? Que dit-il, cet article ? « L’enfant… a le droit de connaître ses parents et d’être élevé par eux. » Comment se fait-il que « l’intérêt supérieur de l’enfant », notion juridique éprouvée, ait été balayé, sans aucune forme de procès, au profit de ce mot dans le vent  : la résilience ? Depuis quand la résilience est-elle une notion juridique ? De quel droit l’État priverait-il un enfant de connaître sa lignée génétique avant 18 ans et « interdirait » des tests génétiques ? Au lieu de s’interroger sur une garçonnité de salon, les historiens, amateurs des laissés pour compte, feraient bien de s’interroger sur l’injustice faite aux orphelins à naître sur notre territoire, dans notre République, et sur le silence coupable des adultes nantis d’un père et d’une mère  — à moins que les « malheurs de la vie » ne les en ait privés.

Ne pouvant faire que la force soit juste, on a fait que la justice use de la force

Les réponses à ces questions sont simples. On ne le dira jamais assez : la vérité est que la France dépend, pieds et poings liés, de la CEDH et de la Convention des droits de l’homme qui imposent aux États de ne pouvoir refuser la GPA dont la PMA est le marche-pied. La vérité est que, dans notre droit, nous ne voulons plus de l’indépendance nationale. La vérité est que nous sommes sous la coupe d’une nouvelle religion, avec ses juges au toupet d’hermine et de leur casuistique.

Dans « La Guerre de Troie n’aura pas lieu », écrite en 1935, Giraudoux, tournant en dérision l’interprétation que l’on fait du droit, fait dire à Hector, répondant au juriste Busiris : « Le droit est la plus puissante des écoles de l’imagination. Jamais poète n’a interprété la nature aussi librement qu’un juriste la réalité. » Alors, illico, par peur de représailles, Busiris, « le plus grand expert vivant du droit des peuples », se hâte de réinterpréter les violations de droit de la flotte grecque en hommages rendus aux Troyens. Ne nous trompons pas sur l’ironie cinglante de Giraudoux. On connaissait Pascal : « Ne pouvant faire que la force soit juste, on a fait que la justice use de la force. » En 2015, l’ancien président de la CEDH Dean Spielmann disait : « L’arrêt de la Cour réduit à néant non seulement la faculté pour les États d’interdire la GPA mais la légitimité d’un tel choix législatif ». Dans les Déclarations des droits de l’homme et du citoyen, de 1789 et de 1948, on lit : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits ». 

La Guerre de Troie n'aura pas lieu - Classiques et Contemporains

Price: 3,80 €

21 used & new available from 2,28 €

La fabrique d´orphelins - Essai

Price: 12,90 €

14 used & new available from 3,99 €