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À Lille, l’art dramatique sera “sociétal” ou ne sera pas

Le bolchévisme woke de David Bobée prend le pouvoir au Théâtre du Nord...


À Lille, l’art dramatique sera “sociétal” ou ne sera pas
Olivier Py (à gauche ) David Bobee (à droite) à Avignon en 2018 © Boris HORVAT / AFP

C’est la consécration pour David Bobée, nommé directeur du Théâtre du Nord à Lille, sous les applaudissements de Martine Aubry et Roselyne Bachelot.


Un communiqué de presse du Ministère de la Culture nous apprend la nomination de David Bobée à la direction du Théâtre du Nord, Centre Dramatique National de Lille-Tourcoing. Dans un tweet, Martine Aubry se réjouit de la nomination de ce metteur en scène qui « propose un projet riche entre répertoire et création contemporaine, très ambitieux sur les enjeux sociétaux et du développement durable. » 

Retour en arrière. En 2015, la ministre de la Culture Fleur Pellerin crée un Collège de la diversité censé accélérer la représentation des minorités dans la production artistique. David Bobée en est membre. Il pense en effet que « le monde de la culture est raciste » et entend bien « décoloniser les arts », du nom du collectif qu’il co-anime avec Françoise Vergès, la féministe décoloniale proche du PIR, et le soutien de Rokhaya Diallo, entre autres. 

De quelles couleurs de peau sont les auteur-e-s de votre saison ?

En 2016, alors directeur du Centre National Dramatique de Haute-Normandie, il envoie un questionnaire à « tous les directrices et directeurs » des Théâtres et Centres Dramatiques Nationaux. La forme et le fond de ce questionnaire valent la peine d’être regardés de près. Florilège : « Connaissez-vous des non-blancs, non-blanches directeur ou directrice d’institution culturelle publique ? » – « Partagez-vous ce sentiment que la France est construite et nettoyée par une infra-société invisible et non-blanche ? » – « Avez-vous des artistes associé.e.s dans votre théâtre ? – Quelle est leur couleur de peau ? » – « Par qui ces récits sont-ils racontés ? Des blancs ou des non-blancs ? » – Avez-vous déjà invité un artiste que vous produisez à être attentif à la diversité dans sa distribution ? » – « Dans ce monde là, Othello joué par un blanc parmi les blancs, on valide ? » – « À quelques exceptions près, dans quelles zones de France vote–t-on massivement pour le Front National ? » – « De quelles couleurs de peau, de quelle(s) origine(s) culturelle(s) sont les auteur-e-s de votre saison ? » Tout le questionnaire est à l’avenant. Il est incroyable de n’avoir jamais entendu parler de ce questionnaire “culturel” qui ressemble à un possible manuel d’interrogatoire de feu les Gardes Rouges chinois.

De fausses interrogations ciblent l’ennemi politique. En plus du parti politique honni, les “blancs” se substituent aux “bourgeois” ou aux “intellectuels” de la révolution chinoise… et des mesures correctrices sont suggérées sous peine de se voir rééduqué par le Comité de la Diversité du Ministère de la Culture (révolutionnaire).

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Olivier Py, directeur du Festival d’Avignon en 2018, avait accueilli à bras ouverts le “feuilleton théâtral” intitulé Mesdames, messieurs et le reste du monde, mis en scène par David Bobée, et découpé en “performances” ou “ateliers participatifs” aux noms significatifs: « Le genre, c’est quoi ? » ; « Tou.te.s minoritaires ; « Première cérémonie des Molière non raciste et non genrée » ; « Bal dégenré – La fête du genre » ou « Carte blanche à Virginie Despentes » et « La bibliothèque de Rokhaya Diallo ». Programme inspiré sans doute par celui de la Révolution culturelle qui voulait mettre fin aux Quatre Vieilleries : les vieilles idées, la vieille culture, les vieilles coutumes, les vieilles habitudes.

David Bobée, un artiste “engagé”

David Bobée est le stéréotype de “l’artiste” qui n’a plus qu’un souvenir lointain de ce qu’est l’art véritable. “L’art” militant, sociétal, à forte valeur morale ajoutée, est un non-art qui a remplacé l’art. Le savoir-faire et le travail de l’artiste, la beauté, la forme et, parfois, l’intelligence transgressive de ses œuvres, ont été remplacées par la paresse et l’inintelligence de non-artistes qui disent “transgresser les normes” quand ils ne font qu’en installer de nouvelles, plus normatives et policières que les anciennes. Le théâtre et l’université sont contaminés par le même poison idéologique, le militantisme remplace la création du beau comme la recherche de la vérité.

Voilà où nous en sommes. Cela n’effraie personne, et surtout pas notre ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, qui entérine la destruction artistique au nom des “valeurs” d’ouverture, de diversité, de partage “dégenré”. Le communiqué de presse de son ministère est on ne peut plus clair: 

« …[David Bobée] entend faire du centre dramatique une maison engagée dans les enjeux du développement durable et un laboratoire d’égalité capable de tracer de nouvelles voies contre toutes les formes de replis identitaires et de discriminations. L’égalité des chances et l’ouverture sur le monde irrigueront son action à la tête de l’École du Nord, dont il prendra également la direction avec la volonté de faire émerger de nouveaux profils d’artistes transdisciplinaires. »

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Comme il ne suffisait pas que M. Bobée massacre l’art théâtral, il a été décidé de lui confier également les rênes de l’École supérieure d’Art Dramatique de Lille. Ainsi, nous devrions voir prochainement de nouveaux génies de l’art culturel transdisciplinaire en faveur du développement durable et contre les discriminations. 

Un questionnaire sera-t-il proposé à la fin de chaque représentation lilloise ? Les réfractaires (ceux qui auront répondu fautivement au questionnaire ou ne l’auront pas rempli) se verront-ils convoqués pour une nouvelle représentation ? En cas de nouvel échec, seront-ils astreints par le Comité de la Diversité du Ministère de la Culture à l’achat d’un abonnement de trois ans au Théâtre du Nord? Ainsi, assurément, le théâtre ne désemplira pas. Le Ministère et la direction du Théâtre pourront alors parler de l’incroyable succès d’un art théâtral qui aura enfin su se renouveler…

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Amateur de livres et de musique. Dernier ouvrage paru : Les Gobeurs ne se reposent jamais (éditions Ovadia, avril 2022).

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