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Violences urbaines, répressions citoyennes


Le jeune Yanis, 15 ans, blessé mardi dans un accident, est décédé jeudi 18 mars à l’hôpital de Tours. Il était passager d’une voiture ayant refusé un contrôle, dont le conducteur est depuis en fuite. L’incident est à l’origine d’émeutes. Régulièrement, des quartiers ensauvagés entiers s’embrasent ainsi en France.


Quand l’État est incapable et le droit impuissant, des citoyens prennent les choses en main.

Il y a quelques semaines, c’était La Duchère à Lyon. Puis à Beauvais et à Blois, il y a quelques jours. De plus en plus souvent, la nuit, les quartiers s’embrasent.

Les  occasions ne manquent pas et tous les prétextes sont bons pour les vandales de troisième génération de casser, de piller, de brûler ce qui leur tombe sous la main ou d’affronter la police. Le lendemain de chaque émeute urbaine, les représentants de l’État viennent au milieu des cendres prononcer des discours martiaux sur la loi de la République qui doit s’appliquer partout, et promettent des actions de la police et des sanctions de la justice pour les coupables. Avec les saccages qui se multiplient, on constate que la force publique n’est pas dissuasive et que des bandes de petits morveux violents, dans certains territoires perdus -mais pas pour tous-, tiennent l’État en échec. Dans cette défaite française face aux nuisances et aux destructions, on trouve de petites victoires.

J’ai le souvenir de deux modestes réussites dans la résistance aux ensauvagements dans les cités.

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La première est individuelle. Pendant les émeutes de 2005, un plombier croisé sur des chantiers qui vivait dans un ensemble HLM était descendu passer quelques nuits dans sa camionnette sur le parking avec son fusil de chasse. Il ne s’en était pas servi mais l’avait posé en évidence, par principe de précaution, pour que son outil de travail ne parte pas en fumée, parce que des gamins jouaient les incendiaires. À la fin des hostilités, il n’a eu à déplorer aucune perte dans la bataille pour le vivre ensemble dans son quartier.

La deuxième est collective mais reste très isolée. Il y a quelques années, les pompiers corses d’Ajaccio ont été attirés dans une cité et attaqués par des jeunes. Les habitants n’ont pas aimé que l’on s’en prenne à leurs soldats du feu, à ceux qui s’interposent entre eux et leur pire ennemi. Et en cortège, en procession, ils ont défilé au pied des immeubles en prévenant qu’ils ne laisseraient pas faire, certains ont même ajouté « les Arabes dehors ». On a entendu alors au JT des témoignages de Corses d’origine immigrée effrayés par l’ambiance menaçante et xénophobe, et puis on n’a plus entendu parler d’Ajaccio dans la rubrique des agressions de pompiers.

Faut-il ajouter le port d’arme aux droits de l’homme et du citoyen français ? Faut-il former des milices d’autodéfense claniques et locales ? Sans doute pas. Mais certains lendemains d’incendies, quand l’impuissance qui semble inexorable de notre État de droit s’étale au milieu des ruines, on reconsidère moins sévèrement les succès ponctuels mais solides de certains archaïsmes pour tenir en respect les sauvageons.

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Annette Wieviorka revient sur une Chine qui n’existait pas…

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Le témoignage de l’historienne du CNRS Annette Wieviorka, revenue du maoïsme, est bien tardif


Il est hallucinant de lire dans le supplément littéraire du Monde un entretien avec Annette Wieviorka sur ses Années chinoises (c’est le titre de son livre paru chez Stock) qui en pleine Révolution culturelle a enseigné le français à l’Université de Canton, grisée qu’elle était par le maoïsme… comme beaucoup d’autres intellectuels français, voire par Le Monde que sa famille lisait et dont elle n’hésite pas à dire que le correspondant à Pékin était un militant convaincu d’un régime qui n’avait rien à envier au stalinisme.

« Je ne suis plus la jeune femme que j’étais »

Ce qui est troublant, c’est que même il y a un demi-siècle, il ne fallait pas être une autorité en matière de régimes totalitaires – ce qu’est Madame Wieviorka – pour saisir à quel point le communisme avait gangrené la Chine. Peut-être aurait-elle pu lire Les Habits neufs du président Mao de Simon Leys. Non, elle était aveugle et vivait sur l’image d’une Chine qui n’existait pas, comme beaucoup d’intellectuels défendent de nos jours un Islam qui n’existe pas.

A lire aussi, Gabriel Robin: Les progressistes sont des maoïstes

Elle reconnaît qu’aujourd’hui la surveillance est moins stricte en Chine. Pour avoir vécu pendant une dizaine d’années avec une jeune harbinoise – à ceux qui l’ignoreraient, je précise qu’Harbin est la capitale de la Mandchourie – je sais que la propagande communiste dès l’école primaire n’est pas moindre qu’à l’époque où Madame Wieviorka se pâmait devant la fabrique de l’Homme nouveau qui s’édifiait sous ses yeux émerveillés. Elle n’était pas la seule loin de là et comme elle le dit : « Je ne suis plus la jeune femme que j’étais. » On en vient quand même à se demander comment un pays, la France, aussi fier de son intelligentsia a pu tomber dans le panneau et continue à honorer des écrivains et des philosophes qui encensèrent un des pires régimes du siècle passé. Je ne doute pas de la sincérité de Madame Wieviorka, mais je trouve son témoignage bien tardif. Et j’ai bien peur – mais je me trompe sans doute – que les nobles causes continuent à enténébrer son esprit critique.

L’histoire se répète

Il m’est arrivé pendant qu’elle enseignait confortablement à l’université de Canton de me faire tabasser par des maoïstes pour avoir comparé dans un article Hitler et Mao. Voilà qui ne risque pas d’arriver à Madame Wieviorka, car même dans son entretien au Monde, un demi-siècle plus tard, elle demeure très prudente. Après tout, ce n’était qu’une jeune sotte égarée par une propagande savamment distillée dans l’université française. Irions-nous jusqu’à dire que l’histoire se reproduit ? Ce qui arrive aux enseignants qui s’insurgent courageusement contre l’esprit du temps, m’inciterait à le penser…

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La macronie ne parvient pas à enrayer la progression de Le Pen


Marine Le Pen est assurée d’être au second tour en 2022. Qui en est responsable? Philippe Bilger analyse et s’inquiète.


Je n’ai pas l’intention de me pencher à nouveau sur le désir du président d’affronter encore Marine Le Pen et sur sa crainte que la victoire soit moins aisée qu’en 2017. Le Front républicain qui se fissure – parce que beaucoup à gauche comme à droite sont lassés d’avoir déjà largement « donné » pour sauver l’adversaire – n’est que l’une des inquiétudes qui agite le camp présidentiel. Le Premier ministre a beau dénoncer cette tentation, elle n’en demeure pas moins explicable.

Une autre est que le pouvoir à l’issue du mandat ne soit jugé que sur sa gestion diversement appréciée de l’épidémie depuis le début de l’année 2020, sans parvenir à transmettre la réalité de réformes qui auraient diversifié le bilan.

Récemment un reproche fondamental a été fait au président de la République d’avoir, par son action ou son inaction, favorisé le développement du RN. Il l’a vigoureusement contredit en rappelant que le FN puis le RN n’était pas né avec lui et que donc il déniait sa responsabilité dans ce processus.

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Pourtant, ne devrait-on pas faire preuve de lucidité et accepter l’évidence que le RN s’est bien nourri de quelque chose, de faiblesses et d’incuries du gouvernement, de son langage longtemps si peu régalien, de sa médiocrité dans le maintien de l’ordre et la lutte contre les multiples délits et crimes qui indignent et bouleversent notre pays, qu’il s’agisse de l’immigration, des cités, des quartiers sensibles, des jeunes ou des moins jeunes, des voyous attaquant la police, des bandes s’affrontant sans souci de la loi, de tout ce qui, du plus infime au plus grave, manifeste que la France est en péril et que, si on l’avait rêvée rassemblée en 2017, elle n’a jamais été plus éclatée et fracturée.

Les partis «de gouvernement» admettent que le RN a eu raison avant tout le monde

Le réel, sous Emmanuel Macron, vote RN. Et le président a laissé faire, pour ne pas dire davantage.

Il est donc évident que sur ce terreau d’indéniable faillite sur le plan de la sécurité et de la Justice, le RN s’est greffé avec efficacité d’autant plus que ce domaine a toujours été précocement son point fort et que même ses adversaires les plus résolus admettent qu’il a eu raison trop tôt sur des problématiques qui aujourd’hui sont au cœur des angoisses françaises.

Hier il était vilipendé au nom de l’éthique et on cherche maintenant une argumentation politique à lui opposer. Le discours du pouvoir, pour l’instant, est impuissant à contrer une normalisation qui, pour être qualifiée d’hypocrite, n’est pas sans effet sur l’opinion publique. Il est paradoxal de traiter Marine Le Pen d’ennemie de la République alors que les apparences vont de plus en plus dans l’autre sens. Ce hiatus, pour l’argumentation, est assez dévastateur.

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Cette normalisation vise aussi à « achever » l’idée d’un Front républicain déjà, on l’a vu, mal en point et à prévenir les conséquences probablement si peu démocratiques d’un succès qui est craint et dont on commence à croire qu’il est possible.

Surtout il me semble que l’erreur la plus grave commise par ceux qui sont en charge de l’univers régalien – notamment les ministres Darmanin et Dupond-Moretti – s’égarent tactiquement en prenant Marine Le Pen quasiment pour cible exclusive alors qu’une majorité de Français la déclarent la plus crédible pour combattre l’insécurité et l’immigration. C’est absurdement se porter sur un terrain où elle est de loin la plus convaincante, parce qu’elle est convaincue depuis longtemps, et où la quotidienneté confirme sans cesse la validité de ses dénonciations, l’échec du pouvoir, en tout cas son impuissance.

Les adversaires de Marine Le Pen n’ont pas la bonne tactique

La mépriser alors est totalement contre-productif, comme la traiter de populiste, puisqu’on prétend l’accabler avec le ferment essentiel qui au contraire favorise son développement et contre lequel le verbe condescendant du garde des Sceaux ne peut rien.

A lire aussi: Face à la dictature de l’instant, la logique du «pas-de-vague» fait des ravages

Pourquoi ne pas abandonner cette stratégie où elle est meilleure qu’eux, avec le confort de n’être pas aux responsabilités, et où ils ne sont clairement pas bons ? Pourquoi ne pas la considérer telle une adversaire classique et démontrer son impréparation, son amateurisme, ses voltes opportunistes, sur le plan économique et social, en matière européenne, et tenter banalement de faire valoir que nous aurions peut-être une autorité de l’État restaurée mais une France abîmée ?

Le président de la République est directement responsable de la quasi-certitude d’une Marine Le Pen au second tour de 2022. Parce qu’avec sa faiblesse régalienne, il a accru la force de son adversaire. Avec sa réalité très imparfaite, l’espérance d’une part du peuple. Avec sa démocratie molle, le rêve d’une République ferme.

Leurre ou non, il serait, il est le coupable.

Si le pire survenait, les vaincus déniant, par principe et peut-être dans la violence, la légitimité des vainqueurs, il y aurait des orages à venir.

L’abandon des chiffres romains par le Musée Carnavalet révèle le trouble dans la civilisation

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Plusieurs grands musées ont choisi de renoncer aux chiffres romains. Elisabeth Lévy réagit à la polémique et se souvient d’un sketch visionnaire des Inconnus, il y a 30 ans…


Souvenez-vous du sketch des Inconnus en 1989:

En 32 ans, la farce est devenue la réalité! Le Louvre avait déjà renoncé aux chiffres romains pour désigner les siècles dans ses cartels et panneaux explicatifs. Le Figaro dit que le musée Carnavalet, consacré à l’histoire de Paris des origines de la ville à nos jours, les a aussi éliminés pour les rois. Louis-croix-V-bâton… 

De moins en moins de gens savent lire les chiffres romains. Une responsable de Carnavalet affirme: « Nous ne sommes pas contre les chiffres romains… » Ouf! « … mais ils peuvent être un obstacle à la compréhension. »

Sachant qu’une écrasante majorité des jeunes visiteurs ignore aussi ce qu’est une annonciation ou une descente au tombeau, on n’a qu’à carrément dégager les tableaux!

Nous nous adaptons au déclin, au lieu de le combattre

On me rétorquera qu’on est incapable d’écrire 3412 en chiffres romains. Peut-être. Mais pour l’essentiel, dans les musées, en ce qui concerne les siècles et les rois, il s’agit des nombres compris entre I et XXV. Et si dans un musée je n’identifie pas un nombre, je vais chercher et trouver.

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Cette histoire n’est pas qu’anecdotique. Elle est triplement allégorique. Elle illustre cruellement notre actuelle déconnexion avec la culture classique. Elle prouve ensuite la baisse générale du niveau, niée durant des années par des sociologues-effaçologues, et aujourd’hui démontrée par toutes les enquêtes (et le sens commun). Ainsi, selon le classement PISA la France est au 20e rang de l’OCDE en compréhension de l’écrit. À peine la moyenne ! Et enfin, cet épisode dit que nous nous adaptons au déclin, au lieu de le combattre. Si les visiteurs ne comprennent pas la langue, simplifions-là! Ne les traumatisons pas avec des auteurs difficiles! Ne stigmatisons pas les moins doués et les derniers arrivés! Dans la même veine, on se souvient que le passé simple avait été supprimé de certaines traductions du Club des Cinq.

Le déclin est-il inexorable?

Non. Tout le monde connaît la solution. Il faut refonder l’école autour des savoirs et des grandes œuvres, et rationner strictement les écrans. Une raison d’espérer: la décision de Carnavalet a suscité un tollé, et pas seulement en France. Les Français aiment leur langue et ses bizarreries. Les Italiens sont révoltés par cette désappropriation culturelle, cette coupure de nos racines gréco-latines.

Une jeune Russe vivant à Paris m’a raconté que sa mère, à Moscou, lui avait parlé de l’affaire des chiffres romains.

De Gaulle disait: « la France offre au monde une langue par excellence adaptée au caractère universel de la pensée ». Si nous Français oublions de la chérir, au-delà de nos frontières, heureusement beaucoup le font.

Cette chronique a initialement été diffusée sur Sud Radio.

Retrouvez Elisabeth Lévy tous les matins à 8h15 dans la matinale

Gad Saad: porter Darwin sur les épaules


Ce professeur de l’université Concordia, à Montréal, est l’un des adversaires les plus célèbres – en dehors de la France – du mouvement « woke » et de la « cancel culture ». Il pointe, souvent avec un humour désopilant, les incohérences scientifiques des idéologues transgenres ou néoféministes.


Nous sommes au Sénat canadien en mai 2017. Un homme est assis devant une grande table ronde autour de laquelle se tiennent également des sénateurs et des experts venus discuter d’une proposition de loi. Celle-ci a pour objectif de protéger explicitement les transgenres de toute forme de discrimination, la loi existante ne leur offrant qu’une protection implicite accordée aux minorités en général[tooltips content= »La « Loi modifiant la loi canadienne sur les droits de la personne et le Code criminel », adoptée le 19 juin 2017. »](1)[/tooltips]. Notre homme, l’air professoral car il arbore un nœud papillon et des cheveux argentés rejetés en arrière, explique posément à l’assistance que l’humanité représente « une espèce qui se reproduit par voie sexuelle » et qui est « sexuellement dimorphe », car elle se compose de mâles et de femelles. Ces principes constituent le fondement de l’évolution darwinienne qui est un des piliers de sa propre recherche universitaire. Les progressistes affirmant qu’il existe une multitude d’identités sexuelles (aujourd’hui Facebook en reconnaît 71), l’adoption de la nouvelle loi risque de limiter sa liberté d’enseignement en l’exposant à des accusations de transphobie et de violence systémique. Celui qui parle ainsi s’appelle Gad Saad, « Doctor Saad » selon l’usage anglais, titulaire de la chaire des « sciences comportementales évolutives et de la consommation darwinienne » à l’université Concordia, à Montréal. De tous ceux qui combattent depuis belle lurette l’esprit « woke » et la « cancel culture », il est de loin l’un des plus déterminés, des plus courageux et – en dehors de la France – des plus connus.

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Une victime anti-victimaire

Son dernier livre, The Parasitic Mind[tooltips content= »The Parasitic Mind: How Infectious Ideas are Killing Common Sense, Regnery, 2020. »](2)[/tooltips], paru il y a six mois, sorte de Bible anti-woke, est n° 1 des ventes sur Amazon dans la catégorie « Pathologies ». Sa chaîne YouTube, « The Saad Truth », jeu de mots ironique sur sad truth (« la triste vérité »), cartonne avec 200 000 abonnés et, depuis sa création en 2013, a accumulé plus de 1 200 vidéos d’archives. Ses invités comprennent les vedettes du talk-show numérique américain, les anciens humoristes Joe Rogan et Dave Rubin, et le neuroscientifique athée, Sam Harris, sans oublier Douglas Murray, l’auteur de La Grande Déraison. Ainsi, Saad se trouve au centre d’un écosystème d’intellectuels anglophones qui résistent farouchement aux nouvelles idéologies totalitaires. Une solidarité particulière le lie à Jordan Peterson, le psychologue de l’université de Toronto, auteur du best-seller, 12 règles pour une vie[tooltips content= »12 règles pour une vie : un antidote au chaos, Michel Lafon, 2018. »](3)[/tooltips]. Devant le Sénat, Saad évoque ce dernier qui, suite à son refus d’employer la multiplicité des pronoms personnels exigés par les personnes non binaires, a été menacé de renvoi par son université. Quand un sénateur suggère que Saad minimise le risque de génocide qui planerait sur les transgenres et contre lequel la loi est censée les protéger, celui-ci rétorque qu’il est aussi bien placé que quiconque pour comprendre une telle horreur. Né en 1964 au Liban, juif arabophone, il est obligé de fuir son pays natal avec sa famille, en 1975, au moment de la guerre civile. Lors d’un retour au Liban en 1980, ses parents sont kidnappés et pris en otage pendant plusieurs jours. Éternellement reconnaissant à son pays d’adoption, le Canada, il profite pleinement de toutes les opportunités d’épanouissement intellectuel qu’offre cette société libérale et accueillante. Son parcours est éminemment interdisciplinaire. Après une licence en maths et informatique et un MBA, il se tourne vers la psychologie, attiré par un domaine en développement, la psychologie évolutionniste, qui se penche sur l’influence qu’exerce la biologie, en même temps que la société, sur nos comportements. Bardé de diplômes, Saad finit par créer sa propre discipline, la « consommation darwinienne ». Il s’agit d’étudier, par exemple, le rôle de nos hormones et de nos rituels d’accouplement dans nos achats et nos échanges de cadeaux[tooltips content= »Gad Saad, The Consuming Instinct, Prometheus, 2011 ; Evolutionary Psychology in the Business Sciences (dir. Gad Saad), Springer, 2011. »](4)[/tooltips]. Bien qu’étant une personne « de couleur » et un ex-persécuté, Saad ne s’est jamais réclamé d’un statut de victime. Pour lui, la meilleure réponse à l’obscurantisme et à l’injustice est la science. Mais aujourd’hui, c’est justement la science qui est menacée dans ses fondements et dans sa pratique.

Rachel McKinnon (aujourd’hui connue sous le nom de Veronica Ivy), première championne du monde transgenre en cyclisme sur piste, pour la tranche d’âge des 35-44 ans, Manchester, 19 octobre 2019. © OLI SCARFF / AFP
Rachel McKinnon (aujourd’hui connue sous le nom de Veronica Ivy), première championne du monde transgenre en cyclisme sur piste, pour la tranche d’âge des 35-44 ans, Manchester, 19 octobre 2019. © OLI SCARFF / AFP

L’infectiologue des idées-pathogènes

Depuis longtemps, Saad s’évertue à relever tous les cas d’abus idéologique de la science, dont l’absurdité est aussi contagieuse que mortifère. En 2019 au Canada, une campagne publicitaire sur les risques du cancer du col de l’utérus est illustrée par l’image d’une femme trans, c’est-à-dire un homme sur le plan physiologique : la biologie humaine est tout simplement niée. En 2016, des adeptes de la « glaciologie féministe » déclarent dans une revue universitaire qu’une perspective non patriarcale donnera lieu à « une science et à des interactions entre l’humanité et la glace plus justes et équitables ». Les généralisations à l’emporte-pièce remplacent l’analyse physique. Pour nombre de chercheurs progressistes, l’hétérosexualité est une pure construction sociale, manigancée par le patriarcat, tandis que l’orientation homosexuelle est présentée comme innée. L’objectivité est rejetée comme une invention d’hommes blancs.

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Saad cherche justement des réponses scientifiques à tant d’absurdités. Il considère ces idées comme de véritables pathogènes qui envahissent notre organisme et affaiblissent notre capacité à nous adapter à la réalité. Les meilleurs anticorps sont les enseignements de la psychologie évolutionniste. Outre-Atlantique aujourd’hui, le monde des jeunes est rempli de « trigger warnings », d’avertissements qui préviennent les personnes psychologiquement fragiles qu’un film, une série télé, un livre ou un cours universitaire pourrait leur rappeler un traumatisme et les plonger dans la détresse. Saad cite des études empiriques qui montrent que ces avertissements sont peu efficaces, inhibent le développement de la résilience et rendent les gens encore plus vulnérables. La sensibilité générale est tellement à fleur de peau qu’un supermarché anglais a été obligé de rebaptiser un sandwich au poulet fumé dont le nom contenait le mot « gentleman » : les femmes se sentiraient insultées, rebutées par cette appellation. À partir d’autres analyses, Saad explique la situation actuelle par une baisse du seuil de sensibilité à des stimuli négatifs chez beaucoup de gens. En 2016, le Premier ministre canadien, Justin Trudeau, trouve que le terme de « génocide » est trop fort pour qualifier les pires crimes de l’État islamique ; trois ans plus tard, il considère que c’est le mot juste pour décrire le fait que plus de femmes indigènes sont assassinées (principalement par des hommes indigènes) que les autres femmes. Le curseur se déplace. Saad relie cette hypersensibilité à un autre élément pathologique, le syndrome de Munchausen. Ceux qui en sont atteints, comme le suggère le nom du mythomane légendaire, cherchent à attirer l’attention et la sympathie des autres par les histoires qu’ils racontent sur eux-mêmes. Aujourd’hui, des groupes entiers seraient atteints de ce que Saad appelle le « Munchausen collectif ». Au fond, il s’agit d’une pathologisation d’un de nos comportements d’animaux biologiques, le « virtue signaling », en français la « vertu ostentatoire ». Si la queue du paon est inutilement voyante, c’est qu’elle signale aux femelles que ce mâle ne craint pas les prédateurs : il est fort et fera un bon partenaire. Par d’autres signaux qu’ils échangent, les humains montrent aussi qu’ils sont aptes à la procréation par leur force, leur fidélité ou leur fiabilité – en d’autres termes, leur vertu[tooltips content= »Geoffrey Miller, Virtue Signalin: Essays on Darwinian Free Speech, Cambrian Moon, 2019. »](5)[/tooltips]. Le problème aujourd’hui est que la définition de celle-ci a changé : pour être vertueux, il faut être une victime ou manifester une empathie ostentatoire avec une catégorie de victimes reconnue par la société.

Gad Saad
Gad Saad

Comment répondre à cet environnement moralement aseptisé, à cette hypocrisie rampante ? Par un autre anticorps, celui de l’humour satirique que Saad pratique allègrement dans toutes ses vidéos. En 2018, quand la femme trans, Rachel McKinnon, aujourd’hui connue sous le nom de Veronica Ivy, gagne un championnat de cyclisme féminin, Saad, qui avoue être en surpoids, annonce qu’il est « transgravitationnel » : le poids avec lequel il s’identifie est inférieur à ce que dit son pèse-personne. Tout individu qui le contredirait serait coupable de « grossophobie ». Certes, les sabots ici sont très gros, mais c’est justement ce qui importe, car il s’agit d’habituer les gens à des idées un peu choquantes afin de les endurcir, de les réadapter à la réalité rugueuse. De manière ostentatoirement masculine, Saad répète que, dans la vie, il faut faire preuve de « force testiculaire », expression qu’il n’a pas craint de prononcer devant le Sénat.

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Le culte de l’inculture

Pour expliquer ces combats idéologiques, qui débordent largement le monde académique, il faut remonter aux conférences prononcées en 1959 par le romancier et chimiste anglais Charles Percy Snow, publiées sous le titre Les Deux Cultures[tooltips content= »Les Deux Cultures (suivies de Supplément aux Deux Cultures et État de siège), Les Belles Lettres, 2021. »](6)[/tooltips]. Snow était bien placé pour observer la scission au sein de l’université et ses répercussions sur toute l’intelligentsia anglophone. D’un côté, les sciences naturelles, voire dures, qui s’occupent de tout sauf de la culture ; de l’autre, les humanités qui s’occupent de tout ce qui est humain sauf de la biologie. Les deux camps se regardaient avec méfiance, parfois mépris. On peut ajouter que les facultés de lettres, malgré leur morgue, souffraient d’un complexe d’infériorité face aux sciences dont la réussite à expliquer l’univers et à propulser les progrès technologiques impressionnait le public et attirait les fonds. Les littéraires ont donc cherché pour leurs recherches une source de légitimité qui réside moins dans la réalité extérieure que dans l’esprit du chercheur. D’où l’engouement à partir des années 1970 pour la « Théorie », alimentée par les gourous français les plus arrogants et abscons, de Lacan à Badiou, qui renforce le cloisonnement entre ceux qui étudient la nature et ceux qui étudient la société. Les sciences dites sociales restent au milieu des deux camps, tiraillées tantôt d’un côté, tantôt de l’autre. Au début du xxie siècle, ce qui reste des différents courants de la Théorie est regroupé sous l’étiquette de l’un d’entre eux, le « postmodernisme », qui désigne désormais la doctrine selon laquelle la vérité est relative et la notion de réalité objective n’est qu’une fiction[tooltips content= »Alain Sokal, Pseudosciences et postmodernisme : adversaires ou compagnons de route ?, Odile Jacob, 2005. »](7)[/tooltips]. Pour les postmodernes, la notion de nature humaine n’existe pas : à sa naissance, l’esprit humain est une table rase sur laquelle la société peut écrire n’importe quoi. Ce refus de toute intrusion de la biologie dans le royaume de la psyché humaine est combattu par certains, dont le psychologue canadien de Harvard, Steven Pinker, mais en vain[tooltips content= »Steven Pinker, Comprendre la nature humaine, Odile Jacob, 2005. »](8)[/tooltips]. L’idéologie « woke » qui sévit aujourd’hui considère que tout chez l’être humain, y compris le genre, les différences sexuelles et la race (surtout la blanche), est le produit d’une construction sociale. Nous sommes ainsi dotés d’une liberté illusoire qui, en apparence, nous émancipe de notre corps et du monde animal. Comme l’attitude postmoderne chez les universitaires et autres intellectuels est depuis longtemps associée à des politiques de gauche, voire d’ultra gauche[tooltips content= »Paul R. Gross, Norman Levitt, La Superstition supérieure : la gauche universitaire et ses querelles avec la science, Heurstionne, 2021. »](9)[/tooltips], son objectif ultime est un bouleversement total de notre mode de vie.

C’est dans ce contexte que Saad acquiert une dimension providentielle : en combinant l’étude de nos comportements et l’évolution, il nous aide à rapprocher les sciences dites humaines et celles dites naturelles et, au-delà de tout réductionnisme déterministe, à réconcilier l’homme, cet animal qui se prend pour un ange, avec sa propre biologie.

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Design: Patrick Naggar l’alchimiste


Hors du temps et de tout temps. Ainsi s’impose l’œuvre de Patrick Naggar, peintre, designer et architecte en quête de pureté des lignes et des matières. Une monographie présente ses créations inspirées par l’éternité[tooltips content= »Patrick Elie Naggar, Histoires de formes (texte de Nadine Coleno) Editions du Regard »](1)[/tooltips].


Son œuvre est un trait d’union entre les pharaons et l’Art déco, un éloge du détail et des matériaux précieux, un univers où les technologies de pointe se mettent au service des astrolabes et qui prouve que la perfection peut être de ce monde. Habité par les astres et les siècles, le jeu des planètes et les caprices de la lune, la carte des étoiles et la courbe des sphères, Patrick Naggar fait bien plus que démontrer la maîtrise de son art, il invite l’admirateur, le collectionneur ou le lecteur à rejoindre son observation-interrogation du monde et de l’histoire, des grandes civilisations et des traces qu’elles nous ont laissées. Une philosophie et un art de vivre qui se retrouvent dans ses tables et ses luminaires, ses fauteuils et ses miroirs, ses lits de repos et ses cabinets. Toutes ses créations ont un pied quelque part et un autre ici, toutes rappellent quelque chose, un grand style ou un grand siècle, venu de l’Égypte ancienne ou du xviiie français, des années 1930 ou de la Grèce antique. « Cultiver “l’hybride”, faire que l’objet devienne paradoxal, allégorique, métaphorique, ambigu parfois, tel est mon projet », affirme-t-il. Nadine Coleno, qui signe les textes de cette monographie, ajoute : « Recherche de soi, quête de liberté, transposition de l’esprit dans la matière, poésie syncrétique, ses voyages dans le temps, dans l’espace, dans le concept, tendent toujours vers une unification harmonieuse. Allier les contraires, les époques, concilier le beau et l’utile, le réel et l’imaginaire, la simplicité et la préciosité, les matériaux dits nobles et les matériaux industriels, tout ce qui dépeint le monde à travers le filtre d’un regard. »

©Editions du regard/Patrick Naggar
©Editions du regard/Patrick Naggar

Son regard, Patrick Naggar le coule dans le cuivre et le laiton, l’acier brossé et le bronze patiné, il le laque à la façon des maîtres nippons et le recouvre de feuilles d’or, de cuir ou de fibre de carbone, l’incruste de pierres semi-précieuses et l’illumine au LED. Comme les maîtres anciens, il sait aussi s’inspirer de la nature, de ses feuillages et de ses insectes, et rivalise avec elle lorsqu’il reproduit/réinterprète ses couleurs audacieuses. Les portes vert-de-gris moiré de son cabinet Scarab s’ouvrent sur un intérieur jaune safran.

Les cartes célestes sont omniprésentes dans son travail. Ciselées dans le bronze, le cuivre ou l’émail, elles évoquent autant l’ordre de l’Univers que sa passion pour l’astronomie, les mystères du ciel. Patrick Naggar enferme les constellations dans des boîtes, des disques, des lentilles d’optique, et peut traduire la lumière des étoiles par les reflets du mercure. Entre nos mains, on ne sait si ces étranges objets s’apparentent aux silex des premiers hommes ou à une pierre de Rosette dont la langue reste à déchiffrer.

Patrick Naggar est représenté, à Paris, par les galeries Dutko, Cat-Berro, Alexandre Biaggi et Avant-Scène ; aux États-Unis par la galerie Ralph Pucci à New York, Los Angeles et Miami.

Patrick Elie Naggar, Histoires de formes (texte de Nadine Coleno) Editions du Regard, 2020.

Daesh au Mozambique: la contagion islamiste en Afrique centrale et australe redoutée

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La filiale de Daesh au Mozambique multiplie les exactions au nord du pays. Au-delà de la menace islamiste que les terroristes font peser sur les populations, les intérêts gaziers français et les intérêts de l’ancienne puissance colonisatrice portugaise sont menacés. Analyse


Il y a quelques semaines, le Directeur Général de la Sécurité Extérieure (DGSE), Bernard Emié, indiquait, que la situation au Nord-Est du Mozambique, dans la région de Cabo Delgado, où sévit, depuis octobre 2017, un groupe armé terroriste (GAT) d’inspiration djihadiste, était devenu un sujet de préoccupation grandissant pour la France. L’ONG américaine, Armed Conflict Location & Event Data Project (ACLED) estime que plus de 2000 personnes sont mortes dans le cadre d’attaques incessantes menées dans cette région depuis 2017.

Depuis, de nombreuses spéculations sont apparues quant au rôle que Paris devrait y jouer, notamment eu égard au fait que c’est dans cette riche région gazière du Nord-Est du pays, plus précisément au large de ses côtes, que s’y déploient de nombreuses compagnies pétrolières, dont Total, qui entend également y développer ses deux mégas usines de Gaz Naturel Liquéfié (GNL) d’Afungi, dans le district de Palma. D’un montant de 23 milliards de dollars, pour une production annuelle de 13,12 millions de tonnes de GNL, il s’agit, là, du plus important investissement étranger dans le pays.

Bien que le Mozambique, indépendant depuis seulement 1975, soit une ancienne colonie portugaise, la France n’est pas pour autant désintéressée. C’est en effet, dans le Canal du Mozambique que Paris entend rester ferme et déterminée à protéger la souveraineté de ses cinq Îles Éparses et de l’immense Zone Economique Exclusive (ZEE) et plateau continental attenant (640 000 km2) soit deux fois celui de la France hexagonale !

C’est, également dans cette prometteuse partie australe de l’océan Indien que la France possède de solides arguments militaires, grâce à ses deux départements de Mayotte et de la Réunion et les quelque 2000 forces de souveraineté qui s’y déploient par le truchement de ses Forces Armées de la Zone Sud de l’océan Indien (FAZSOI), ses cinq navires (notamment ses deux frégates et deux patrouilleurs), ses deux avions de transport et deux hélicoptères.

Nul étonnement, dès lors, que le Président de la République, Emmanuel Macron, ait, à travers un récent tweet, rappelé à la suite d’un énième massacre de populations civiles que « le terrorisme islamiste est une menace internationale, qui appelle une réponse internationale ».

Développement de l’islamisme

Il y a, en effet urgence, comme ne cesse de le rappeler les courageux membres de la Communauté de Sant’Egidio, parmi lesquels le père Angelo Romano, qui précise que les terroristes du mouvement Ansar Al-Sunna – parfois appelé Al-Shabaab au Mozambique – sont des islamistes kenyans venus s’installer en Tanzanie en 2015 puis chassés en 2017 et ayant prêtés allégeance à l’État islamique, dès 2012.

Ceux-ci sévissent désormais, plus au sud, dans la région septentrionale du Mozambique. Ceux-ci sont désormais appelés l’État islamique de la « province d’Afrique centrale » (ISCAP) et entendent maintenant instaurer la Charia dans l’ensemble du pays.

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La nouvelle administration Biden vient de classer, du reste, l’ISCAP, Ansar Al-Sunna et le mouvement d’origine ougandaise des Forces Démocratiques Alliées (ADF) – parfois appelées Madina at Tauheed Wau Mujahedeen – agissant à l’est de la République Démocratique du Congo (RDC) dans le Nord-Kivu et l’Ituri, comme des organisations terroristes affiliées à Daesh. L’ISCAP, par la voix de son chef, Abu Yasir Hassan, avait, du reste, déclaré son allégeance à l’État islamique, en avril 2019. C’est en août de la même année, que l’EI reconnaissait cette affiliation.

Depuis, plus de 535 000 Mozambicains ont fui la région, selon un rapport de l’agence des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR) datant de décembre dernier, sous les attaques répétées des djihadistes originaires de Tanzanie et Kenya voisins, qui ont pu bénéficier, dans la province, du recrutement de nombreux jeunes désœuvrés et marginalisés. Bien que le produit national brut (PNB) par habitant soit le plus faible du continent africain, le Mozambique possède, pourtant, la troisième plus grande réserve de gaz naturel en Afrique, après celle du Nigeria et de l’Algérie. Le pays sera, avec la découverte de 160 trillions de pieds cubes, un des principaux producteurs de GNL, d’ici une vingtaine d’années.

Extension des problèmes militaires

Pourtant, malgré une mobilisation sans faille du Pape, qui s’est rendu, au Mozambique, en septembre 2019, l’appel à l’aide du président Felipe Nyusi, n’a pourtant guère été entendu.

Réélu, dès le premier tour, en octobre 2019, le président mozambicain a encore renouvelé son incantation en faveur d’une plus forte coopération sécuritaire, à l’aune de la présidence semestrielle de l’UE, assumée, depuis le 1er janvier, par son ancienne puissance colonisatrice, le Portugal.

Pour l’heure, ni le président portugais Marcelo Rebelo de Sousa, ni le Premier ministre, Antonio Costa, qui ont pourtant, proposé l’aide sécuritaire du Portugal, ne semble pouvoir répondre positivement à cette mobilisation en direction d’une coalition internationale contre le terrorisme qui s’enkyste, ici, comme précédemment, au Sahel, ou dans la Corne de l’Afrique.

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La dernière réunion des ministres de la Défense des 30 membres de l’OTAN, les 17 et 18 février, a également permis à la ministre de la Défense française, Florence Parly et à son homologue portugais, Joao Gomes Gravinho d’évoquer quelques pistes d’actions communes pour tenter d’éviter une « sahélisation » de l’ISCAP. L’une de ces pistes consisterait, en effet, à mutualiser les efforts en matière de lutte anti-terroriste.

Les Portugais étant très actifs au Sahel, aux côtés des éléments français et autres partenaires européens (au sein de la montée en puissance de la Task Force Takuba, de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali – MINUSMA), de l’European Union Training Mission – EUTM-Mali), il ne serait pas illogique que Lisbonne trouve légitime que la France puisse accompagner, en retour, l’agenda de stabilisation que le Portugal pourrait être amené à mener au Mozambique, colonie portugaise de 1498 à 1975.

Les similitudes peuvent paraître spécieuses entre les deux théâtres d’action des mouvements djihadistes qui s’y déploient. Pourtant, l’absence paradoxale d’état dans une région potentiellement…

>>> Lire la fin de l’article sur le site de Conflits <<<

Face à la dictature de l’instant, la logique du «pas-de-vague» fait des ravages


Le meilleur moyen de faire taire les Social Justice Warrior comme Caroline de Haas, c’est de les ignorer et de les laisser dans leur bêtise militante. Les cabales sur Twitter sont des tempêtes dans un verre d’eau, si on les ignore. Analyse.


La culture du « pas-de-vague » est l’une des grandes menaces qui plane sur nous, car elle détruit les capacités de défense de la société.

Caroline de Haas ne vit pas dans le monde réel

Ainsi, il y a quelques jours, la Police Nationale publiait sur son compte Twitter un message tout à fait nécessaire et pertinent. Ce message indiquait qu’envoyer une photo de soi nu « c’est accepter le risque de que cette photo soit partagée » (c’est-à-dire rendue publique). En effet, la police ne compte plus les fois où des femmes (parfois des lycéennes et collégiennes) qui avaient envoyé des photos d’elles dénudées à leur petit ami voient ensuite ces photos partagées publiquement, contre leur gré bien sûr, par le même petit ami qui souhaite se venger d’une rupture survenue dans l’intervalle. Et du point de vue strictement logique, le meilleur moyen matériel de ne pas voir une photo de soi nu partagée sans son consentement est de ne pas en prendre.

En cédant, on prépare le terrain pour de nouvelles revendications qui iront toujours plus loin

Pourtant, la police a retiré son tweet. Pourquoi ? Parce qu’une poignée de militants d’extrême-gauche ont accusé ce tweet de sexisme.

Ainsi, la militante Caroline de Haas (qui a pourtant elle-même fermé les yeux sur les faits de viols et d’agressions sexuelles survenus au sein de l’UNEF alors qu’elle était secrétaire générale du syndicat étudiant) s’est fendue d’un tweet dans lequel elle se permet d’interpeller la police, sur un ton très agressif, avec tutoiement et verbe à l’impératif : « Supprime. La culpabilisation des victimes, c’est non. » Cette position est complètement absurde. Il ne s’agissait en aucun cas de faire culpabiliser les victimes ou d’amoindrir la responsabilité des auteurs, mais bien au contraire de donner à chacun tous les rappels nécessaires et toutes les clés de prévention afin que le forfait ne puisse pas être commis et que personne ne soit victime. Un simple conseil de prudence et de bon sens. D’ailleurs, la police a également publié un tweet qui indiquait comment ranger ses affaires pour éviter de faciliter le travail des pickpockets. Personne n’a eu l’idée saugrenue de dire que ce message culpabilisait les gens à qui on dérobait leur portable ou leur portefeuille dans le métro. De même, si je dis aux gens de s’équiper d’un système d’alarme, je ne cherche pas à culpabiliser les victimes de cambriolage. Les seules choses qui devraient nous intéresser sont le réalisme et l’efficacité afin de répondre à la question : comment mieux protéger concrètement les femmes ? Et non pas les arguties idéologico-moralisatrices de militants qui en fait se moquent bien de la sécurité des femmes.

L’affaire d’ Alisha à Argenteuil confirme la justesse de la mise en garde de l’institution policière

Mais l’actualité n’est pas tendre avec madame de Haas et ses amis puisque quelques jours à peine après cette polémique, on apprend que la jeune Alisha Khalid, collégienne de 14 ans, a été tuée par son ex-petit ami…et que ce meurtre effroyable était le point culminant d’une campagne de harcèlement qui avait commencé par la diffusion de photos d’Alisha en sous-vêtements.

Marche blanche pour Alisha à Argenteuil le 14 mars 2021. L'adolescence a été retrouvée morte noyée le lundi 8 mars 2021 au quai Saint-Denis. Les deux adolescents impliqués dans sa mort encourent 20 ans de prison. © ISA HARSIN/SIPA Numéro de reportage : 01009212_000012
Marche blanche pour Alisha à Argenteuil le 14 mars 2021. L’adolescence a été retrouvée morte noyée le lundi 8 mars 2021 au quai Saint-Denis. Les deux adolescents impliqués dans sa mort encourent 20 ans de prison. © ISA HARSIN/SIPA Numéro de reportage : 01009212_000012

Quelques centaines de tweets de protestation n’ont aucune signification dans un pays de 67 millions d’habitants

La police n’a eu qu’un tort : retirer son excellent tweet. Par peur d’être perçue comme sexiste et par refus d’une mauvaise publicité, elle a cédé à la pression d’une poignée de cyber-militants qui, en plus d’avoir tort sur le fond, ne représentent qu’eux-mêmes (c’est-à-dire rien) et ne disposent d’aucun moyen de pression réel. Que serait-il arrivé si la police n’avait pas retiré son tweet ? Rien ! Impuissants, les activistes auraient enragé seuls dans leur coin et on serait passé à quelque chose d’autre au bout de quelques jours. Quelques centaines de tweets de protestation n’ont aucune signification dans un pays de 67 millions d’habitants. Mais en cédant, la police a envoyé un message de faiblesse qui va donner confiance aux activistes radicaux de tous bords. Espérons que suite au meurtre tragique d’Alisha, la police remette son tweet en ligne tel quel et entame une grande campagne de diffusion sur les réseaux sociaux, les canaux de TV et de radio et dans les établissements scolaires. Afin d’éviter des drames.

Autre affaire, même logique. La poétesse étatsunienne Amanda Gorman a acquis une notoriété internationale en déclamant l’un de ses poèmes lors de l’investiture de Joe Biden. Ses textes vont être traduits dans de nombreuses langues. Or, une polémique est survenue aux Pays-Bas. Sur les réseaux sociaux, certains ont reproché à l’éditeur néerlandais de faire traduire les textes d’Amanda Gorman (qui est afro-américaine) par une traductrice blanche. Pour eux, seul un Noir pouvait comprendre et traduire les œuvres de Gorman. Il s’agissait là encore d’une tempête dans un verre d’eau, déclenchée par une poignée de gens qui ne représentent qu’eux-mêmes. Pourtant la traductrice initialement désignée et sa maison d’édition ont choisi de jeter l’éponge. De même, le traducteur d’Amanda Gorman en Catalan vient d’être renvoyé car on souhaiterait le remplacer par un autre profil : si possible une femme noire militante. Que serait-il arrivé si on avait résisté à la polémique ? Rien ! Les chiffres de vente auraient été les mêmes. Aucun procès n’aurait pu être intenté, car il n’y a rien d’illégal à ce qu’un Blanc traduise un Noir (et réciproquement). Le ciel ne serait pas tombé sur la tête des éditeurs, le sol ne se serait pas ouvert sous leurs pieds  et au bout de quelques semaines, là encore, on serait passé à autre chose. La polémique aurait fait « pschitt » comme dirait Jacques Chirac. Mais en cédant, on prépare le terrain pour de nouvelles revendications qui iront toujours plus loin et seront toujours plus absurdes, plus dangereuses, plus extrémistes.

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L’obsession racialiste devient préoccupante

Les éditeurs préfèrent céder plutôt que de remettre l’église au-milieu du village : vouloir qu’un Noir soit traduit par un Noir est raciste et discriminant. C’est le fruit d’une obsession racialiste importée des États-Unis. Il faut faire abstraction de la couleur de peau et ne prendre en compte que le talent et le mérite. En effet, la seule chose qui importe est le résultat. Chacun peut donc traduire qui il veut. Et rien ne garantit qu’un Noir comprenne forcément bien un autre Noir (et c’est même raciste que de le penser). Parfois la distance personnelle, l’extériorité et la différence apportent au contraire une meilleure compréhension, permettant davantage de recul et évitant de plaquer sa propre situation personnelle sur celle de l’autre.

Comme le souligne le traducteur André Markowicz, « Le fait est qu’Amanda Gorman n’est pas simplement noire : elle est aussi fille de mère célibataire, elle a eu des problèmes d’élocution qui ont fait croire à un retard mental. Peut-être faudrait-il en plus, que sa traductrice soit noire et fille de mère célibataire et ait eu des problèmes d’élocution ?… Ou le fait d’être noire suffit-il à comprendre une enfant noire qui a été dyslexique ? Et pourquoi une blanche, dyslexique ou non dans son enfance, fille ou non d’une mère célibataire, ne pourrait-elle pas le sentir ? Et que se passera-t-il si Amanda Gorman est traduite, en chinois, ou en japonais, ou en russe ? Il faudrait quoi, chercher une chinoise noire qui aurait été dyslexique dans son enfance ?…Cette idéologie de l’atomisation de l’humanité selon la couleur de la peau, qui veut qu’un, qu’une, noir, noire, ne puisse être compris que par un, une, noir, noire est le contraire absolu de la traduction, qui est, d’abord et avant tout, le partage et l’empathie pour l’autre, pour ce qui n’est pas soi : ce que j’appelle la « reconnaissance ». »

De même, Alain Mabanckou, auteur africain, congolais et noir, s’est alarmé d’une telle situation : «C’est une forme de racisme. Si vous connaissez l’histoire littéraire, si on s’en rappelle, certaines de grandes œuvres de la littérature africaine ont été traduites par des blancs. Raymond Queneau a traduit L’ivrogne dans la brousse d’Amos Tutola. André Breton a préfacé Le Cahier d’un retour au pays natal d’Aimé Césaire. (…) La littérature grandit parce qu’elle traverse les frontières. La littérature ne devrait pas être tributaire d’une certaine couleur. Cette polémique, au lieu de grandir l’œuvre de celle qui pourrait devenir une grande poète de notre époque, est plutôt en train de chercher à l’enfermer dans cet instinct grégaire qui est le contraire de la littérature. C’est cela le désastre auquel nous assistons.» Mais malgré tous ces rappels salutaires, les éditeurs préfèrent céder.

La vraie majorité est silencieuse

Dans toutes ces affaires, on retrouve la même logique : celle de la capitulation et du « pas-de-vague ». L’objectivité, le bon sens, le rappel des faits, la défense de ses valeurs et de l’intérêt général, l’évidence même semblent peser bien peu face à la peur de la polémique. On recule pour ne pas avoir à résister. On est prêt à tout pour ne pas être traité de raciste, d’homophobe ou de sexiste, même si l’accusation est complètement calomnieuse et infondée.

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Le mépris de la réalité factuelle et objective peut aller très loin. Par exemple, en 2016, une grande chaîne de TV avait limogé Stéphane Édouard, un sociologue et consultant en relations humaines. Stéphane Edouard était accusé d’avoir dit « qu’il fallait dresser sa femme comme un cheval » et une pétition en ligne exigeant sa démission circulait. Or, il suffisait de regarder la vidéo où étaient tenus les propos incriminés pour se rendre compte que le sociologue ne faisait que citer des propos, propos qui n’étaient donc pas les siens et qu’il critiquait et condamnait avec la plus grande fermeté et la plus grande clarté. Pourtant la chaîne préféra se séparer du consultant.

D’une part, on commet l’erreur de penser qu’un activisme groupusculaire et hyper-minoritaire est en fait majoritaire (alors que la vraie majorité est silencieuse). Internet, les réseaux sociaux, la dictature de l’instant, fonctionnent comme une loupe grossissante en faveur des minorités agissantes, leur donnant un retentissement sans commune mesure avec leur puissance et leur influence réelles. Les activistes l’ont parfaitement compris et utilisent des méthodes de propagande et d’intimidation qui dissimulent leur faible poids. La veulerie et la lâcheté des élites fait le reste. D’autre part, on croit que le « bad buzz », l’impopularité et la polémique représentent le mal absolu alors que si on les affronte avec fermeté et refuse d’y céder, ils n’ont aucune conséquence à moyen terme. Lorsqu’on est en position de pouvoir, on doit garder ses nerfs, accepter d’être attaqué et d’affronter une impopularité passagère.

Le principal problème est donc notre esprit munichois. Aujourd’hui, nous vivons une succession de micro-Munich permanents. A force de mettre la poussière sous le tapis, à force de s’enfermer dans la culture du « pas-de-vague », on laisse l’adversaire progresser. Jusqu’à finalement être submergé par un Ttunami ?

Immigration: le boom démographique algérien est devant nous


L’actuelle démographie algérienne et les difficultés d’intégration importantes de cette population (criminalité, très faible niveau de diplômés, chômage…) plaident pour que la France se libére des engagements exceptionnels contenus dans l’Accord Franco-Algérien (AFA) de 1968.


>>> Relire la première partie de l’article <<<

Bien qu’à un rythme ralenti après 1973, l’immigration des Algériens en France s’est poursuivie jusqu’à nos jours. L’estimation de leur nombre sur le territoire national fait l’objet de polémiques récurrentes. Le président algérien Abdelmadjid Tebboune déclare ainsi en 2020 que « près de 6 millions d’Algériens vivent en France »[tooltips content= »Entretien avec France 24, 4 juillet 2020 : https://www.youtube.com/watch?v=bw4gjBmnDVk »](1)[/tooltips]. Cette estimation, exagérée de toute évidence, révèle cependant comment les dirigeants d’Alger s’appliquent à utiliser la masse de la diaspora comme levier de pression dans leurs relations avec Paris.

Les données fiables en la matière sont rares et parcellaires, mais elles existent. L’INSEE nous apprend ainsi que les Algériens constituent la première cohorte immigrée (personnes nées étrangères à l’étranger) de France en 2019, avec 846 000 personnes[tooltips content= »INSEE, « Répartition des immigrés par groupe de pays de naissance » (consulté le 15/11/2020 : https://www.insee.fr/fr/statistiques/2381755″](2)[/tooltips]. Ce nombre ne se confond pas avec celui des nationaux algériens vivant en France, que l’on peut supposer plus élevé: certains d’entre eux sont nés sur le territoire français, tout en héritant de la nationalité de leur(s) parent(s) qu’ils ont conservée (avec ou sans bi-nationalité), ce qui les exclut du décompte des seuls « immigrés » – définis comme des personnes nées étrangères à l’étranger.

Taux de fécondité élevé

Un indice de l’ampleur plus large des populations concernées nous vient également de l’INSEE: en 2019, sur les 7,6 millions de personnes nées en France d’au moins un parent immigré (parfois dénommées « seconde génération »), 1,2 million étaient d’origine algérienne[tooltips content= »INSEE, Origine géographique des descendants d’immigrés (consulté le 15/11/2020) : https://www.insee.fr/fr/statistiques/4186761#tableau-figure1″](3)[/tooltips]. En ce qui concerne les petits-enfants d’immigrés algériens (« troisième génération »), la démographe Michèle Tribalat estimait leur nombre à 563 000 en 2011[tooltips content= »Michèle Tribalat, Une estimation des populations d’origine étrangère en France en 2011, 2015 : https://journals.openedition.org/eps/6073″](4)[/tooltips] – un volume ayant sans doute augmenté depuis dix ans.

En ajoutant ces chiffres à ceux des immigrés officiellement recensés et en écartant les immigrés clandestins – difficiles à dénombrer par nature –, on peut estimer que la diaspora algérienne en France représente 2,6 millions de personnes a minima. Sa croissance est représentée ci-dessous :

diaspora-algeriennePar ailleurs, le démographe François Héran – professeur au Collège de France – évalue que le taux de fécondité des immigrées algériennes vivant en France est de 3,6 enfants par femme, soit le double des femmes non-immigrées (1,8 enfant) et un taux supérieur à celui constaté en Algérie même (3 enfants).[tooltips content= »Entretien avec L’Opinion, 4 octobre 2019 : https://www.lopinion.fr/edition/politique/francois-heran-formule-grand-remplacement-se-propage-a-vitesse-lumiere-199430″](5)[/tooltips]

Des difficultés à l’intégration mesurables

De telles nombres ne vont pas sans poser de questions, en eux-mêmes comme au regard des difficultés d’intégration identifiées au sein cette population. Si ce dernier constat peine parfois à être quantifié, un faisceau d’éléments objectifs vient néanmoins l’appuyer :

  • Les Algériens constituaient la nationalité étrangère la plus représentée dans les prisons françaises en 2018, d’après la réponse officielle du Ministère de la Justice à une question du député Guillaume Larrivé[tooltips content= »https://www.lefigaro.fr/actualite-france/2018/02/16/01016-20180216ARTFIG00305-plus-d-un-detenu-sur-cinq-en-france-est-de-nationalite-etrangere.php »](6)[/tooltips] ;
  • 41,7% des Algériens de plus de 15 ans vivant en France étaient chômeurs ou inactifs (ni en emploi, ni en études, ni en retraite) en 2016, soit un taux trois fois plus élevé que celui des Français (14,2%)[tooltips content= »Ministère de l’Intérieur, « L’immigration en France, données du recensement 2017 » (consulté le 22/11/2020) : https://www.immigration.interieur.gouv.fr/Info-ressources/Actualites/Focus/L-immigration-en-France-donnees-du-recensement-2017″](7)[/tooltips] ;chomage-algeriens
  • Seuls 30,2% des Algériens de plus de 15 ans vivant en France étaient en emploi en 2016, contre 49,8% des ressortissants français[tooltips content= »Ministère de l’Intérieur, « L’immigration en France, données du recensement 2017 » (consulté le 22/11/2020) : https://www.immigration.interieur.gouv.fr/Info-ressources/Actualites/Focus/L-immigration-en-France-donnees-du-recensement-2017″](8)[/tooltips] ;
  • Le taux de chômage des hommes de 18-24 ans nés en France de parents immigrés d’Algérie atteignait 45,8% entre 2007 et 2009, soit le plus haut pourcentage parmi toutes les origines nationales d’après le Ministère de l’Intérieur. Ce taux était de 29,7% chez les femmes de même âge et origine[tooltips content= »« Le chômage des jeunes descendants d’immigrés », Infos Migrations – Ministère de l’Intérieur, mai 2011 (NB : données anciennes car rarement actualisées par le Ministère) : https://www.immigration.interieur.gouv.fr/Info-ressources/Etudes-et-statistiques/Themes/Accueil-integration/Le-chomage-des-jeunes-descendants-d-immigres »](9)[/tooltips];
  • 50% des ménages d’origine algérienne vivaient en HLM en 2017, soit trois fois plus que les ménages non-immigrés (13%)[tooltips content= »Ministère de l’Intérieur, Le logement des immigrés vivant en France en 2017 (consulté le 11/03/2021) : https://www.immigration.interieur.gouv.fr/Info-ressources/Actualites/Focus/Le-logement-des-immigres-vivant-en-France-en-2017″](10)[/tooltips] ;logement-algeriens
  • 24% des 20-35 ans enfants d’immigrés algériens n’étaient pas diplômés au-delà du brevet en 2008, soit deux fois plus que les 20-35 ans ni immigrés ni enfants d’immigrés (11%)[tooltips content= »INSEE, Immigrés et descendants d’immigrés en France, 2012 : https://www.insee.fr/fr/statistiques/1374016?sommaire=1374025″](11)[/tooltips] ;diplomes-algeriens
  • Seuls 12% des 20-35 ans enfants d’immigrés algériens étaient diplômés de l’enseignement supérieur long en 2008, soit deux fois moins que les 20-35 ans ni immigrés ni enfants d’immigrés (25%)[tooltips content= »INSEE, Immigrés et descendants d’immigrés en France, 2012 : https://www.insee.fr/fr/statistiques/1374016?sommaire=1374025″](12)[/tooltips] ;diplomes-sup-algeriens
  • 73% des enfants d’immigrés algériens déclaraient « accorder de l’importance à la religion » en 2016, soit trois fois plus que dans la population non-issue de l’immigration (24%), d’après l’enquête Trajectoires et Origines publiée par l’INED[tooltips content= »Chris BEAUCHEMIN, Christelle HAMEL, Patrick SIMON (sous la direction de), Trajectoires et Origines. Enquête sur la diversité des populations en France, INED Editions, 2016, 624 p. »](13)[/tooltips].

La vague migratoire est devant nous

L’opportunité du régime spécial d’immigration dont disposent toujours les Algériens mérite donc d’être discutée. Et cela d’autant plus que les tendances démographiques et économiques à l’œuvre en Algérie laissent prévoir une forte vague migratoire à venir. En 2018, d’après la Banque Mondiale 53% de la population algérienne avait moins de 30 ans ; 37% avait moins de 20 ans ; 22% avait moins de 10 ans[tooltips content= »Données de la Banque Mondiale, reprises sur le site de l’Université de Sherbrooke (consulté le 15/11/2020) : https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMPagePyramide?codePays=DZA&annee=2018″](14)[/tooltips].

Cette dynamique de natalité va en s’accélérant, avec plus d’un million de naissances par an ces quatre dernières années, au point que la presse algérienne évoque un « nouveau baby boom » qui risque d’entraver lourdement le redressement de l’économie[tooltips content= »« Plus d’un million de naissances par an : Une sérieuse entrave au redressement économique », Algérie-Eco, 8 mars 2020 (site consulté le 15/11/2020) : https://www.algerie-eco.com/2020/03/08/plus-million-naissances-an-serieuse-entrave-redressement-economique/ »](15)[/tooltips]. Le taux de chômage était déjà de 26,9% chez les 18-24 ans en mai 2019[tooltips content= »« Le taux de chômage atteint 11,4% en mai 2019 », Algérie-Eco, 29 décembre 2019 (site consulté le 15/11/2020) : https://www.algerie-eco.com/2019/12/29/taux-chomage-atteint-mai-2019/ »](16)[/tooltips]. L’économie algérienne pâtit de sa dépendance excessive à la production d’hydrocarbures, L’économie algérienne pâtit de sa dépendance excessive à la production d’hydrocarbures, dont ses réserves s’amenuisent et dont les prix volatiles ont baissés sur 10 ans[tooltips content= »Voir Ali MEBROUKINE, « L’économie algérienne en panne sèche », Slate.fr, 24 octobre 2019 (site consulté le 15/11/2020) : http://www.slate.fr/story/183288/algerie-crise-economique-politique-modele-rentier-petrole-importations-diversification-production »](17)[/tooltips].

pyramide-age-algerie-2018Il est probable que l’émigration vers la France apparaîtra de plus en plus comme une solution pour nombre de jeunes Algériens. Elle pourrait être encouragée par le gouvernement algérien lui-même, qui y verrait un mode de régulation de ses déséquilibres intérieurs. Dès 1966 et devant les promesses non-tenues de l’indépendance, Alger avait déjà réclamé de la France « l’entrée d’un contingent annuel de 50 000 ouvriers de 1967 à 1975 » afin de résorber ses 3,5 millions de chômeurs[tooltips content= »Daniel LEFEUVRE, op. cit. »](18)[/tooltips].

Très faible collaboration d’Alger avec les autorités françaises

Cet encouragement du gouvernement algérien à l’émigration vers la France se manifeste notamment par sa très faible coopération dans le renvoi des clandestins présents sur notre territoire, particulièrement dans la délivrance des laissez-passer consulaires (LPC) – nécessaires pour que l’étranger en situation irrégulière soit effectivement reconduit dans son pays. Dans un récent entretien donné à l’Observatoire de l’immigration et de la démographie, l’ancien préfet Michel Auboin rappelait ainsi qu’en 2018, sur 13 900 mesures de reconduite à la frontière vers l’Algérie, seuls 1 800 éloignements avaient pu être effectués.

De tels constats rendent nécessaire de revoir entièrement le droit en vigueur.

Six décennies après les accords d’Evian, l’Algérie est une nation pleinement indépendante et souveraine. La page de la décolonisation est tournée. Les justifications associées à ces règles d’exception ont désormais disparu. La France doit se libérer des engagements exceptionnels contenus dans l’AFA. Elle peut essayer de le faire par la voie de la négociation avec Alger. Une tentative de modification restrictive de l’accord en vigueur a été menée en 2012, mais s’est heurtée au refus des autorités algériennes. Si ce blocage devait persister, l’éventualité d’une dénonciation unilatérale devrait être envisagée.

Une proposition de loi en ce sens a été déposée à l’Assemblée nationale en avril 2018, dans le cadre de l’examen du projet de loi « Immigration maîtrisée, droit d’asile effectif et intégration réussie » ; elle fut rejetée par la majorité des députés. Sans mésestimer les difficultés diplomatiques qui pourraient naître d’une telle décision, celle-ci semble s’imposer tant au regard de l’intérêt national que du principe d’égalité.

Le certificat de résidence Algérien serait alors supprimé. L’immigration algérienne serait régie par les mêmes normes applicables aux autres nationalités non-européennes, et concernée par les mêmes réformes à entreprendre.

>>> Retrouvez l’intégralité des articles de l’Observatoire sur leur site http://observatoire-immigration.fr <<<

 

[1] Entretien avec France 24, 4 juillet 2020 : https://www.youtube.com/watch?v=bw4gjBmnDVk

[2] INSEE, « Répartition des immigrés par groupe de pays de naissance » (consulté le 15/11/2020 : https://www.insee.fr/fr/statistiques/2381755

[3]  INSEE, Origine géographique des descendants d’immigrés (consulté le 15/11/2020) : https://www.insee.fr/fr/statistiques/4186761#tableau-figure1

[4] Michèle Tribalat, Une estimation des populations d’origine étrangère en France en 2011, 2015 :   https://journals.openedition.org/eps/6073

[5] Entretien avec L’Opinion, 4 octobre 2019 : https://www.lopinion.fr/edition/politique/francois-heran-formule-grand-remplacement-se-propage-a-vitesse-lumiere-199430

[6] https://www.lefigaro.fr/actualite-france/2018/02/16/01016-20180216ARTFIG00305-plus-d-un-detenu-sur-cinq-en-france-est-de-nationalite-etrangere.php

[7] Ministère de l’Intérieur, « L’immigration en France, données du recensement 2017 » (consulté le 22/11/2020) :

https://www.immigration.interieur.gouv.fr/Info-ressources/Actualites/Focus/L-immigration-en-France-donnees-du-recensement-2017

[8] Ministère de l’Intérieur, « L’immigration en France, données du recensement 2017 » (consulté le 22/11/2020) :

https://www.immigration.interieur.gouv.fr/Info-ressources/Actualites/Focus/L-immigration-en-France-donnees-du-recensement-2017

[9] « Le chômage des jeunes descendants d’immigrés », Infos Migrations – Ministère de l’Intérieur, mai 2011 (NB : données anciennes car rarement actualisées par le Ministère) : https://www.immigration.interieur.gouv.fr/Info-ressources/Etudes-et-statistiques/Themes/Accueil-integration/Le-chomage-des-jeunes-descendants-d-immigres

[10] Ministère de l’Intérieur, Le logement des immigrés vivant en France en 2017 (consulté le 11/03/2021) : https://www.immigration.interieur.gouv.fr/Info-ressources/Actualites/Focus/Le-logement-des-immigres-vivant-en-France-en-2017

[11] INSEE, Immigrés et descendants d’immigrés en France, 2012 : https://www.insee.fr/fr/statistiques/1374016?sommaire=1374025

[12] INSEE, Immigrés et descendants d’immigrés en France, 2012 : https://www.insee.fr/fr/statistiques/1374016?sommaire=1374025

[13] Chris BEAUCHEMIN, Christelle HAMEL, Patrick SIMON (sous la direction de), Trajectoires et Origines. Enquête sur la diversité des populations en France, INED Editions, 2016, 624 p.

[14] Données de la Banque Mondiale, reprises sur le site de l’Université de Sherbrooke (consulté le 15/11/2020) : https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMPagePyramide?codePays=DZA&annee=2018

[15] « Plus d’un million de naissances par an : Une sérieuse entrave au redressement économique », Algérie-Eco, 8 mars 2020 (site consulté le 15/11/2020) : https://www.algerie-eco.com/2020/03/08/plus-million-naissances-an-serieuse-entrave-redressement-economique/

[16] « Le taux de chômage atteint 11,4% en mai 2019 », Algérie-Eco, 29 décembre 2019 (site consulté le 15/11/2020) : https://www.algerie-eco.com/2019/12/29/taux-chomage-atteint-mai-2019/

[17] Voir Ali MEBROUKINE, « L’économie algérienne en panne sèche », Slate.fr, 24 octobre 2019 (site consulté le 15/11/2020) : http://www.slate.fr/story/183288/algerie-crise-economique-politique-modele-rentier-petrole-importations-diversification-production

[18] Daniel LEFEUVRE, op. cit.

Je ne suis ni réactionnaire, ni naïf!

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Grand entretien avec le maire de Cannes (LR) David Lisnard


David Lisnard est l’homme qui monte à droite. Mieux, il est celui dont on écoute les analyses. Sa tribune musclée sur l’obésité et l’inefficacité de l’État a impressionné les barons LR, de Sarkozy à Fillon. Car Lisnard ne se contente pas de critiquer, il propose et ne manque ni d’idées ni de convictions. Très confortablement réélu maire de Cannes (88% au premier tour), David Lisnard coche toutes les cases pour attirer l’attention. Et contrairement à d’autres figures à droite, difficile d’accuser cet épicurien non conformiste, fan des Ramones ou des Clash, du délit de « veste matelassée »… Et si David Lisnard, outsider improbable, refaisait le coup de Macron en 2022 ? Nous lui avons posé franchement la question. Entretien.

David Angevin. La folie bureaucratique française que vous avez dénoncée dans le FigaroVox ne date pas d’hier. S’est-elle amplifiée sous Emmanuel Macron?

David Lisnard. Avec la crise sanitaire, la réponse de l’État a confirmé jusqu’à l’absurde les excès de la bureaucratie. Il y a eu pénurie de ce qui est essentiel (masques, tests, vaccins…) et une spirale administrative infernale de normes, de contraintes, et de privations de liberté. L’État obèse a entravé et ralentit les initiatives, quand les circonstances exigeaient rapidité et simplicité. Tout semble fait pour infantiliser les Français, empêcher les initiatives, et enkyster la société. L’État doit s’alléger, se concentrer sur le régalien pour plus d’efficacité, mais l’inverse se produit : on ajoute sans cesse des couches au mille-feuille. Jean Castex a annoncé l’invention de « sous-préfets à la relance » qui seront déployés sur les territoires, pour expliquer aux entrepreneurs comment faire leur boulot… Des sous-préfets à la relance qui seront eux-mêmes en concurrence avec les préfets et sous-préfets déjà en place, qui apprennent souvent les décisions du gouvernement par la presse… Nous avons besoin exactement du contraire : un État fort sur le régalien, léger, efficace, agile.

Lisnard candidat de la droite aux présidentielles, est-ce envisageable ?

Je ne me pose pas la question. Il serait ridicule d’afficher cette ambition, car je ne suis pas très connu. En revanche l’écho de cette tribune, et les réactions positives aux idées que je défends me poussent à continuer. Je vais le faire en proposant dans les prochains mois une plateforme programmatique sur quelques thèmes prioritaires. Et nous sortons mi-avril avec Christophe Tardieu un livre, La culture nous sauvera, sujet qui prend une résonnance particulière dans le contexte actuel.

Vous avez fait de Cannes un laboratoire en matière d’EAC — éducation artistique et culturelle— , et vous multipliez les initiatives pour combler les lacunes de l’Education nationale. Cela marche-t-il ?

L’éducation et la culture sont les clés de la réussite et de l’intégration dans la société. Quand Najat Vallaud-Belkacem a supprimé l’enseignement du grec et latin, en 2015 — énorme bêtise — je suis allé chercher deux profs pour faire de l’initiation en grec et latin (l’éducation nationale interdit d’utiliser le mot cours) de la maternelle jusqu’au CM2. Elles font le tour des établissements sur le temps périscolaire, et ça rencontre un large succès. Nous avons financé la même chose avec la philosophie dans nos écoles primaires. Un professeur passe une heure avec une classe, et travaille sur un thème. Pendant 20 minutes il explique un concept, par exemple le bonheur, la vérité ou la mort. Suivent 20 minutes de débat, de questions. Puis il termine par 20 minutes de bilan avec les enfants. J’ai assisté à certains modules, c’est formidable, y compris avec les plus jeunes. Il faut apprendre dès le plus jeune âge à exercer la raison critique, à décoder le monde, et non pas à coder de l’informatique !  L’intelligence artificielle fera cela mieux que nous dans un futur très proche.

« L’éducation artistique et culturelle, arme de liberté, d’égalité et de fraternité massive » est le slogan de cette politique. On pourrait vous taxer de naïf !

Avec la culture, chacun peut se créer un capital qui lui appartient et lui sert toute la vie. Ce projet est un vecteur de développement personnel, mais il s’agit aussi d’un ciment social.

Je suis inquiet et exaspéré par le rapport des enfants au smartphone et aux écrans

Découvrir la musique classique, apprendre une discipline, jouer dans une pièce de théâtre, d’un instrument en groupe… c’est une émancipation qui permet d’échapper au déterminisme social à la fois par l’effort qui élève et le plaisir émotionnel. Notre but n’est pas de faire des enfants des génies de la musique ou du théâtre, mais avant tout des citoyens, bien dans leur peau, heureux, qui apprennent à travailler en groupe, qui se réalisent dans un sentiment d’appartenance à un même projet et une même culture.

Vous réfléchissez à la création d’une « école du futur », expérimentale. Que reprochez-vous aux écoles classiques ?

Je vais le proposer à l’Éducation nationale, qui risque de dire non… mais je vais le faire quand même. Le défi, c’est de donner aux enfants les clés pour devenir des êtres libres, créatifs, avec une bonne culture générale, un sens critique développé, la capacité à écrire, à s’exprimer en public, à débattre, à travailler en groupe, etc. Il s’agit de favoriser les « soft skills », les «compétences douces ». L’école telle qu’on la connaît n’apprend pas la confiance en soi, l’intelligence émotionnelle, toutes ces aptitudes comportementales, transversales et humaines, qui dans le futur permettront aux jeunes de trouver leur place, à côté des algorithmes et de la robotique qui vont bouleverser le marché du travail. Or, la France n’anticipe pas du tout le changement de monde qui se prépare, sans vision à long terme. Nous continuons à former des jeunes à des métiers automatisables qui vont disparaître, ce qui est inadmissible. Autre problème, le contenu pédagogique. Je suis un parent comme les autres : quand je regarde les livres de cours ou les enseignements de mon fils en CM2, je suis parfois sidéré par ce qu’on propose aux enfants. Un prêchi-prêcha sur l’urgence climatique, les luttes intersectionelles, les transgenres, les cis, les combats LGBTQ+… Je n’ai aucun problème avec l’identité sexuelle des uns et des autres, mais qu’on cesse cet endoctrinement militant ! Pendant ce temps, nos enfants ne font plus de rédaction. À dix ans, apprendre à écrire correctement me semble pourtant plus essentiel que subir ce bourrage de crâne idéologique.

L’Education nationale, plus gros budget de l’Etat avec 55 milliards d’euros, ne brille pas par ses résultats. L’écart de niveau en français entre une copie des années soixante-dix et aujourd’hui est assez terrifiant…

En plus de succomber aux sujets militants à la mode, malgré les efforts de certains enseignants, inspecteurs et recteurs, l’Éducation nationale abandonne l’apprentissage des fondamentaux et la rigueur. Quand j’entends parler nos ados, y compris les filles, et qu’on regarde comment ils écrivent, on constate l’ampleur de l’échec : langage tribal, grossier…

L’islamo-gauchisme est une réalité indéniable

Ne restons pas les bras croisés devant cet échec, alors que des solutions simples et de bon sens existent. D’autres démocraties y parviennent.

Tout est-il imputable à l’école ? Michel Desmurget expose ce que chacun constate dans La Fabrique du crétin digital : l’impact négatif terrifiant du smarphone, des réseaux sociaux, des écrans en général, qui tuent la culture livresque…

Bien entendu. Je suis, comme tous les parents de France, inquiet et exaspéré par le rapport des enfants au smartphone et aux écrans. Heureusement, mes enfants comme tant d’autres ont compris qu’il faut faire des efforts, que dans la vie rien ne vient sans travail. Une étude évalue à 30 minutes le temps maximum d’exposition aux écrans au-delà duquel apparaît une menace pour la santé mentale. Or, dès deux ans, un enfant occidental passe en moyenne 3 heures par jour devant un écran. Entre 8 et 12 ans, c’est 4h45 par jour ! Entre 13 et 18 ans, on passe à 6h45 ! Il y a de quoi se poser des questions. Bien entendu, le smartphone est aussi un outil formidable, qui a démocratisé l’accès à la connaissance partout dans le monde. In fine, l’omniprésence du smartphone dans le vie des jeunes rend encore plus nécessaire l’apprentissage classique des savoirs. Ce n’est pas pour rien si les élites de la Silicon Valley placent leurs enfants dans des écoles sans écrans.

Lisnard-Portrait
Comment décririez-vous l’échiquier politique, qui a volé en éclats avec l’élection d’Emmanuel Macron ?

Il y a trois pôles politiques dominants. D’abord le pôle Macron: il a tous les pouvoirs, une présence médiatique énorme, en particulier depuis la crise sanitaire. Emmanuel Macron pratique la grandiloquence, souvent de façon théâtrale, et adapte son discours en fonction de ses interlocuteurs. Son Premier ministre semble dépassé et l’exécutif n’exécute pas grand chose. Le « en-même-tempstisme » poussé à son paroxysme, c’est la question du nucléaire: à lui de défendre le nucléaire, indispensable à notre pays, à sa ministre Pompili de fermer nos centrales pour racoler chez les verts… Le « en-même-tempstisme », c’est laisser ses courageux ministres Blanquer et Vidal seuls au front, se faire critiquer par un collègue ministre, alors qu’ils dénoncent l’islamo-gauchisme qui est une réalité indéniable. La manière du président de ne pas prendre position clairement est une façon de segmenter, de faire du marketing électoral.

Deuxième pôle puissant: Le Pen.

Et enfin le pôle Mélenchon et les autres mouvements d’extrême gauche.

Ces trois pôles sont magnétiques dans le théâtre médiatique. Les partis dits de gouvernements, modérés, LR et PS, sont souvent inaudibles, alors que LR est le premier mouvement de France d’élus locaux. Ces trois pôles attirent ou repoussent les électeurs jadis modérés. J’observe une forte radicalisation: on voit des électeurs de droite modérés qui ont voté Macron et qui, déçus, sont prêts à tenter l’aventure Le Pen dont ils n’ont plus peur. Ils vous disent « Le Pen est incompétente, mais au moins elle fera un peu le ménage. Un peu comme Trump qui a secoué le cocotier politique ». C’est peut-être moins vrai avec l’électorat qui possède de l’épargne et ne veut pas risquer un effondrement de l’euro avec l’élection de Le Pen. Idem à gauche, avec des électeurs socialistes perdus, dont certains tentent l’aventure de l’extrême gauche en réaction à l’échec humiliant de Hollande. Faute d’un leader et d’un projet, ils sont prêts à l’aventure avec les verts et Mélenchon. Nous avons un échiquier politique instable, dangereux, dans lequel la raison, la rationalité, les valeurs de la France n’ont plus beaucoup de place. In fine, ces trois pôles sont vides de sens. Ce sont des radis creux idéologiques.

Comment redynamiser la droite, qui est aujourd’hui aussi inaudible que ce qu’on appelait « la gauche de gouvernement », feu le PS, dissous dans la sociale-écologie?

La droite classique, celle du conservatisme libéral, a du mal à exister dans ce schéma à trois pôles qui se renforcent mutuellement. En se droitisant un peu, du moins dans les discours, Macron a fait du mal à LR. Le Pen est plus haute que jamais sans avoir à bouger le petit doigt, et siphonne aussi de son côté. Il reste peu de place à la droite pour exister dans cette configuration et pourtant je ressens qu’une offre claire, crédible sur le redressement du pays, peut être majoritaire. Parallèlement, il existe aussi à gauche un très vaste espace ! Je pense qu’une politique rationnelle, une politique d’intérêt général dont la France a besoin, peut germer dans ces espaces en jachère et redonner du sens à l’ensemble de l’échiquier politique. L’islamo-gauchisme, les verts, la « cancel culture », le wokisme, le populisme d’extrême gauche, les anti 5G, anti vaccins, etc… ces militants buyants ont dévoré la gauche alors qu’ils sont ultra-minoritaires. La gauche républicaine est devenue encore plus inaudible que la droite en cédant à ce grand n’importe quoi. Ces démagogues sont puissants grâce aux médias. Je l’ai vécu quand j’ai été le premier maire à prendre un arrêté municipal contre le burkini pour régler des problèmes d’ordre public sur les plages de Cannes après l’attentat de Nice. J’ai vu ce qu’était cette machine à broyer islamo-gauchiste. C’était terrible : dénigrement permanent, menaces, mensonges, articles diffamatoires, trolls des réseaux sociaux… Il faut être solide et ne pas reculer.

L’État, qui semble bien démuni et timoré, peut-il encore résorber la fracture philosophique entre universalistes et racialistes ?

L’État doit évidemment sanctionner les actes de discrimination et de racisme quand ils existent. Heureusement, tous les enfants de l’immigration ne veulent pas une étiquette de victime sur le front, mais veulent l’égalité des chances et exister dans une identité plus riche qu’une simple origine. L’État doit aussi favoriser la transmission d’un patrimoine commun, par la culture et l’éducation, de ce qui fait la richesse de la France. Un pays n’est pas neutre spirituellement. La France, c’est un mode de vie, les grandes œuvres de l’esprit, une langue, un héritage qui est un substrat issu de la logique aristotélicienne, du droit romain, et donc du rapport à l’écrit, à la langue latine. La France c’est la culture judéo-chrétienne, qui a inventé notre civilisation, qui a créé cette notion de dignité humaine, dont d’ailleurs résulte l’abolition de l’esclavage. La notion de dignité individuelle n’existait pas chez les Grecs et les romains. Je me reconnais totalement dans les mots d’Ernest Renan sur la Nation. C’est limpide : « Les hommes sentent dans leur cœur qu’ils sont un même peuple lorsqu’ils ont une communauté d’idées, d’intérêts, d’affections, de souvenirs et d’espérances. La nation est une âme, un principe spirituel. Deux choses qui, à vrai dire, n’en font qu’une, constituent cette âme, ce principe spirituel. L’une est dans le passé, l’autre dans le présent. L’une est la possession en commun d’un riche legs de souvenirs ; l’autre est le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu ».

Nous devons être des transmetteurs, car sans racines, nous ne sommes rien. Hannah Arendt a écrit une chose capitale : « C’est dans le vide de la pensée que s’inscrit le mal ».

Or aujourd’hui nous nageons dans le vide qui résulte de la deconstruction relativiste et qui débouche sur une forme de nihilisme. Si les islamistes sont forts, c’est parce que nous sommes devenus faibles dans notre capacité à faire nation, dans notre capacité à transmettre l’héritage des Lumières, à être fiers d’être Français, quels que soient nos parcours, notre condition et nos origines. Je ne suis ni réactionnaire, ni naïf, mais il n’existe autre moyen que l’éducation et la culture pour relever ce défi.

La France, et l’Europe, sont largués dans les nouvelles technologies numériques. On parle de « grand déclassement » économique. Comment éviter que la France ne devienne le « Kodak des nations » ?

La France, et l’Europe, ne peuvent pas renoncer plus longtemps à être une puissance, à la hauteur de la Chine et des Etats-Unis. Or l’Europe est aujourd’hui une colonie numérique qui renonce à la compétition dans les secteurs de croissance de demain: intelligence artificielle, biotechnologies, nanotechnologies, robotique, numérique au sens large… Nous vivons une période formidable et enthousiasmante car ces technologies vont changer le monde potentiellement de façon positive dans tous les domaines — santé, écologie, fin de la pénibilité au travail, etc— , au point qu’on peut parler d’une nouvelle « Renaissance », ou d’une nouvelle Révolution industrielle. Nous avons des raisons d’être optimistes pour la France, pour l’emploi, pour notre prospérité, si nous devenons les acteurs de ces révolutions. Or, pour le moment, le futur s’invente ailleurs, sans nous, dans la Silicon Valley et dans la zone Asie-Pacifique, Chine, Corée et Japon.

Le « transhumanisme », la philosophie des géants du numérique, consiste à utiliser toute la puissance des technologies pour faire reculer la mort, vous fait-elle peur ?

« Science sans conscience n’est que ruine de l’âme » , nous a appris Rabelais. Sortir de cet humanisme par la tentation prométhéenne absolue que recèle le transhumanisme constitue bien sûr un danger. Mais rien ne serait pire que de subir la révolution qui a commencé et qui va tant apporter. Tout au long de son histoire, l’homme a toujours essayé, par le biais du progrès technique, de moins souffrir, de moins vieillir, de se faciliter la vie, de l’invention de la roue à l’avion. Il n’y a rien de nouveau dans cette quête légitime. L’espérance de vie en bonne santé a progressé considérablement grâce aux sciences. La nouveauté, c’est que les outils actuels — IA, génomique — sont bien plus puissants, et connaissent une croissance exponentielle. Nous sommes encore à l’âge de pierre du numérique, pas à sa maturité. Et déjà l’intelligence artificielle prend une place considérable en médecine, et va permettre de soigner des maladies jusqu’ici incurables, comme les cancers. Personne ne va s’en plaindre ! Mais cet outil, comme tous les outils, peut aussi être utilisé avec la même puissance symétrique à des fins négatives. C’est pourquoi la France et l’Europe doivent être acteurs, et non pas spectateurs de cette révolution encore embryionnaire, pour peser sur la régulation éthique des futures applications. L’augmentation des capacités de l’homme par les implants et la génétique est un sujet majeur dont on doit enfin débattre, au-délà du cercle circonscrit des spécialistes de l’éthique. Ce sont des sujets éminemment politiques, philosophiques, économiques, qui concernent chaque citoyen.

Vous militez pour une DARPA à l’échelle européenne, la structure de recherche publique américaine à l’origine de nombreuses inventions (dont internet ou le GPS), qui expliquent l’hégémonie techno américaine, et de son bras armé économique les GAFAM…

Il est indispensable d’investir massivement dans une structure de ce type en lien avec la société civile. Nos décideurs n’ont rien vu venir du tsunami numérique à la fin 90-2000. Conséquence, la France, et l’Europe, ne pèsent pas suffisement face aux géants du Net, les GAFAM américains et les BATX chinois. Dans cette période de changement ultra rapide, faire de la politique ce n’est plus seulement bien gérer le présent, c’est anticiper l’avenir, comme savent le faire ces entreprises. Notre souveraineté et notre prospérité futures passeront par des investissements à la hauteur dans les technologies de rupture : intelligence artificielle, robotique, biotechnologies, nanotechnologies, impression 3D, etc…

Le maire de Cannes David Lisnard présente un bus témoin de son agglomération à la presse, avril 2020 © Lionel Urman/SIPA Numéro de reportage: 00959290_000016
Le maire de Cannes David Lisnard présente un bus témoin de son agglomération à la presse, avril 2020 © Lionel Urman/SIPA
Numéro de reportage: 00959290_000016

La crise du Covid a encore accentué notre dépendance aux géants américains du Net, on l’a vu avec Amazon, « Teams » de Microsoft, le boom de Netflix, etc…

D’abord il y a urgence à réguler ces géants, mais rien ne bouge. Réguler, ce n’est pas seulement taxer ces entreprises, pour qu’elles payent leurs impôts en France, c’est aussi l’équité. Je suis pour peu de règles, mais des règles appliquées qui assurent l’équité dans la compétition internationale. Ce qui passe par la réciprocité dans les accords. Ensuite, et c’est capital, il est vain de critiquer ces entreprises sans chercher à les concurrencer. Pourquoi Apple emporte tout avec ses produits ? Parce qu’il y a alliance de l’esthétique, de la qualité, de la facilité d’utilisation, ofrant une expérience utilisateur optimale. N’en déplaise à ceux qui critiquent, la vision de Steve Jobs était la bonne. Même chose pour Google et les autres géants de la Tech. Quand le service est bon, ça marche. Personne ne force les clients à commander sur Amazon. Il faut donc éviter deux travers avec ces géants, les GAFAM américains, et les BATX chinois. Un, les haïr systématiquement sans regarder ce qu’ils apportent. Et deux, se soumettre avec fatalisme à leur toute-puissance, comme si les réguler – y compris par les lois anti trusts – et les concurrencer n’était pas possible. Ces plateformes sont fortes de nos renoncements et avant tout de nos faiblesses créatives, entrepreneuriales et capitalistiques. Dans la Silicon Valley, ils ont les trois. Ils transforment leurs bonnes idées en factures, ce que nous ne savons plus suffisamment faire.

Sur le sujet du réchauffement climatique ce sont les extrémistes qui ont le monopole de la parole

La France a pourtant tous les ingrédients pour devenir un Eldorado de prospérité. Nous avons une jeunesse tonique, des entrepreneurs et des chercheurs remarquables, et une culture et des valeurs typiquement françaises, contrairement à ce qu’avait affirmé le Président de la République. Notre problème majeur, c’est la structure capitalistique. On a du financement bancaire pour créer de petites entreprises, on a les grandes entreprises du CAC 40, mais entre les deux c’est un peu le désert… Les ETI et les start-up les plus brillantes galèrent pour trouver de l’argent et décoller. Beaucoup partent à l’étranger. Ou sont rachetés.

Il nous manque des fonds d’investissement puissants pour exister à l’échelle européenne et mondiale.

Autre enjeu mondial: la lutte contre le dérèglement climatique. La décroissance est-elle une solution?

La lutte contre le réchauffement climatique et la biodiversité sont des enjeux majeurs.

Malheureusement, sur ces sujets encore, ce sont les extrémistes qui ont le monopole de la parole. L’écologie est un sujet transpartisan, qui n’a rien à voir avec l’extrême gauche, et la décroissance ne résoudrait rien. Je suis atterré de voir une ado déscolarisée, Greta Thunberg, politiquement manipulée, visiblement fragile sur le plan psy, accueillie à l’Assemblée Nationale comme si c’était le messie. C’est fou ! Je suis abasourdi par le discours malthusianisme des « effondristes » écolo, qui veulent tout interdire, y compris la science, le progrès. Seule la recherche et l’innovation nous permettront de lutter efficacement contre les émissions de CO2. En attendant des technologies révolutionnaires, nous avons le nucléaire, qui permet de produire en masse sans émission de CO2. L’idéologie écologiste, qui pousse à rouvrir les centrales à charbon ultra-polluantes est un bel exemple « d’écocide », comme ils disent.

A quoi pourrait ressembler une bonne politique écolo, loin des délires collapso-marxistes EELV, applicable sans tuer l’économie et brider nos libertés ?

En passant, EELV n’a pas le monopole des propositions farfelues. Madame Pompili, ministre du gouvernement Macron, a cette ambition délirante: nous faire « changer de civilisation ». Rien de moins ! Aux dernières nouvelles, les Français n’ont pas donné mandat au président pour cela. Ce n’était pas dans son programme. Cette volonté révèle une pensée très dangereuse et liberticide.

Par ailleurs, la gauche dans son ensemble soutient une écologie qui nous mène droit dans le mur. Celui d’une idéologie de culpabilité, sclérosante et triste. La politique écologique peut et doit résoudre les problèmes environnementaux par la science et l’énergie créative de l’homme. Mettre des copeaux de bois dans les cours d’école, et transformer Paris en ZAD géante ne résoudra rien. La France doit miser sur la R&D, publique et privée, sur toutes les technologies permettant de lutter contre le réchauffement climatique d’origine anthropique, les émissions de particules fines, et pour la préservation de la biodiversité. Nous avons raté les premières étapes de la troisième révolution industrielle avec le numérique. Ne ratons la révolution de « l’écologie sociale de marché », pour reprendre la très simple et bonne expression du député Jean-Louis Thiériot. Pour finir, et c’est essentiel, une écologie qui enlaidit la France n’est pas une écologie. Les éoliennes transforment nos paysages naturels en zone industrielle. N’oublions pas que la finalité est la qualité de vie, et que celle-ci passe par la beauté et la poésie des espaces. Nous devons par ailleurs cesser de gaspiller l’espace avec les centres commerciaux hideux de périphérie urbaine, qui enlaidissent, imperméabilisent les sols, et réduisent les terres agricoles.

La culture nous sauvera

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Violences urbaines, répressions citoyennes

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Le jeune Yanis, 15 ans, blessé mardi dans un accident, est décédé jeudi 18 mars à l’hôpital de Tours. Il était passager d’une voiture ayant refusé un contrôle, dont le conducteur est depuis en fuite. L’incident est à l’origine d’émeutes. Régulièrement, des quartiers ensauvagés entiers s’embrasent ainsi en France.


Quand l’État est incapable et le droit impuissant, des citoyens prennent les choses en main.

Il y a quelques semaines, c’était La Duchère à Lyon. Puis à Beauvais et à Blois, il y a quelques jours. De plus en plus souvent, la nuit, les quartiers s’embrasent.

Les  occasions ne manquent pas et tous les prétextes sont bons pour les vandales de troisième génération de casser, de piller, de brûler ce qui leur tombe sous la main ou d’affronter la police. Le lendemain de chaque émeute urbaine, les représentants de l’État viennent au milieu des cendres prononcer des discours martiaux sur la loi de la République qui doit s’appliquer partout, et promettent des actions de la police et des sanctions de la justice pour les coupables. Avec les saccages qui se multiplient, on constate que la force publique n’est pas dissuasive et que des bandes de petits morveux violents, dans certains territoires perdus -mais pas pour tous-, tiennent l’État en échec. Dans cette défaite française face aux nuisances et aux destructions, on trouve de petites victoires.

J’ai le souvenir de deux modestes réussites dans la résistance aux ensauvagements dans les cités.

A lire aussi, du même auteur: À la «French Pride», on se tient bien

La première est individuelle. Pendant les émeutes de 2005, un plombier croisé sur des chantiers qui vivait dans un ensemble HLM était descendu passer quelques nuits dans sa camionnette sur le parking avec son fusil de chasse. Il ne s’en était pas servi mais l’avait posé en évidence, par principe de précaution, pour que son outil de travail ne parte pas en fumée, parce que des gamins jouaient les incendiaires. À la fin des hostilités, il n’a eu à déplorer aucune perte dans la bataille pour le vivre ensemble dans son quartier.

La deuxième est collective mais reste très isolée. Il y a quelques années, les pompiers corses d’Ajaccio ont été attirés dans une cité et attaqués par des jeunes. Les habitants n’ont pas aimé que l’on s’en prenne à leurs soldats du feu, à ceux qui s’interposent entre eux et leur pire ennemi. Et en cortège, en procession, ils ont défilé au pied des immeubles en prévenant qu’ils ne laisseraient pas faire, certains ont même ajouté « les Arabes dehors ». On a entendu alors au JT des témoignages de Corses d’origine immigrée effrayés par l’ambiance menaçante et xénophobe, et puis on n’a plus entendu parler d’Ajaccio dans la rubrique des agressions de pompiers.

Faut-il ajouter le port d’arme aux droits de l’homme et du citoyen français ? Faut-il former des milices d’autodéfense claniques et locales ? Sans doute pas. Mais certains lendemains d’incendies, quand l’impuissance qui semble inexorable de notre État de droit s’étale au milieu des ruines, on reconsidère moins sévèrement les succès ponctuels mais solides de certains archaïsmes pour tenir en respect les sauvageons.

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Annette Wieviorka revient sur une Chine qui n’existait pas…

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L'historienne Annette Wieviorka publie "Mes années chinoises" (Stock) © Photographe : Hannah Assouline.

Le témoignage de l’historienne du CNRS Annette Wieviorka, revenue du maoïsme, est bien tardif


Il est hallucinant de lire dans le supplément littéraire du Monde un entretien avec Annette Wieviorka sur ses Années chinoises (c’est le titre de son livre paru chez Stock) qui en pleine Révolution culturelle a enseigné le français à l’Université de Canton, grisée qu’elle était par le maoïsme… comme beaucoup d’autres intellectuels français, voire par Le Monde que sa famille lisait et dont elle n’hésite pas à dire que le correspondant à Pékin était un militant convaincu d’un régime qui n’avait rien à envier au stalinisme.

« Je ne suis plus la jeune femme que j’étais »

Ce qui est troublant, c’est que même il y a un demi-siècle, il ne fallait pas être une autorité en matière de régimes totalitaires – ce qu’est Madame Wieviorka – pour saisir à quel point le communisme avait gangrené la Chine. Peut-être aurait-elle pu lire Les Habits neufs du président Mao de Simon Leys. Non, elle était aveugle et vivait sur l’image d’une Chine qui n’existait pas, comme beaucoup d’intellectuels défendent de nos jours un Islam qui n’existe pas.

A lire aussi, Gabriel Robin: Les progressistes sont des maoïstes

Elle reconnaît qu’aujourd’hui la surveillance est moins stricte en Chine. Pour avoir vécu pendant une dizaine d’années avec une jeune harbinoise – à ceux qui l’ignoreraient, je précise qu’Harbin est la capitale de la Mandchourie – je sais que la propagande communiste dès l’école primaire n’est pas moindre qu’à l’époque où Madame Wieviorka se pâmait devant la fabrique de l’Homme nouveau qui s’édifiait sous ses yeux émerveillés. Elle n’était pas la seule loin de là et comme elle le dit : « Je ne suis plus la jeune femme que j’étais. » On en vient quand même à se demander comment un pays, la France, aussi fier de son intelligentsia a pu tomber dans le panneau et continue à honorer des écrivains et des philosophes qui encensèrent un des pires régimes du siècle passé. Je ne doute pas de la sincérité de Madame Wieviorka, mais je trouve son témoignage bien tardif. Et j’ai bien peur – mais je me trompe sans doute – que les nobles causes continuent à enténébrer son esprit critique.

L’histoire se répète

Il m’est arrivé pendant qu’elle enseignait confortablement à l’université de Canton de me faire tabasser par des maoïstes pour avoir comparé dans un article Hitler et Mao. Voilà qui ne risque pas d’arriver à Madame Wieviorka, car même dans son entretien au Monde, un demi-siècle plus tard, elle demeure très prudente. Après tout, ce n’était qu’une jeune sotte égarée par une propagande savamment distillée dans l’université française. Irions-nous jusqu’à dire que l’histoire se reproduit ? Ce qui arrive aux enseignants qui s’insurgent courageusement contre l’esprit du temps, m’inciterait à le penser…

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La macronie ne parvient pas à enrayer la progression de Le Pen

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Marine Le Pen, mars 2021 © Jacques Witt/SIPA Numéro de reportage : 01008337_000023

Marine Le Pen est assurée d’être au second tour en 2022. Qui en est responsable? Philippe Bilger analyse et s’inquiète.


Je n’ai pas l’intention de me pencher à nouveau sur le désir du président d’affronter encore Marine Le Pen et sur sa crainte que la victoire soit moins aisée qu’en 2017. Le Front républicain qui se fissure – parce que beaucoup à gauche comme à droite sont lassés d’avoir déjà largement « donné » pour sauver l’adversaire – n’est que l’une des inquiétudes qui agite le camp présidentiel. Le Premier ministre a beau dénoncer cette tentation, elle n’en demeure pas moins explicable.

Une autre est que le pouvoir à l’issue du mandat ne soit jugé que sur sa gestion diversement appréciée de l’épidémie depuis le début de l’année 2020, sans parvenir à transmettre la réalité de réformes qui auraient diversifié le bilan.

Récemment un reproche fondamental a été fait au président de la République d’avoir, par son action ou son inaction, favorisé le développement du RN. Il l’a vigoureusement contredit en rappelant que le FN puis le RN n’était pas né avec lui et que donc il déniait sa responsabilité dans ce processus.

A lire aussi: Pendant que se tiennent les tables rondes du Beauvau de la sécurité, à Poissy on appelle au meurtre des policiers

Pourtant, ne devrait-on pas faire preuve de lucidité et accepter l’évidence que le RN s’est bien nourri de quelque chose, de faiblesses et d’incuries du gouvernement, de son langage longtemps si peu régalien, de sa médiocrité dans le maintien de l’ordre et la lutte contre les multiples délits et crimes qui indignent et bouleversent notre pays, qu’il s’agisse de l’immigration, des cités, des quartiers sensibles, des jeunes ou des moins jeunes, des voyous attaquant la police, des bandes s’affrontant sans souci de la loi, de tout ce qui, du plus infime au plus grave, manifeste que la France est en péril et que, si on l’avait rêvée rassemblée en 2017, elle n’a jamais été plus éclatée et fracturée.

Les partis «de gouvernement» admettent que le RN a eu raison avant tout le monde

Le réel, sous Emmanuel Macron, vote RN. Et le président a laissé faire, pour ne pas dire davantage.

Il est donc évident que sur ce terreau d’indéniable faillite sur le plan de la sécurité et de la Justice, le RN s’est greffé avec efficacité d’autant plus que ce domaine a toujours été précocement son point fort et que même ses adversaires les plus résolus admettent qu’il a eu raison trop tôt sur des problématiques qui aujourd’hui sont au cœur des angoisses françaises.

Hier il était vilipendé au nom de l’éthique et on cherche maintenant une argumentation politique à lui opposer. Le discours du pouvoir, pour l’instant, est impuissant à contrer une normalisation qui, pour être qualifiée d’hypocrite, n’est pas sans effet sur l’opinion publique. Il est paradoxal de traiter Marine Le Pen d’ennemie de la République alors que les apparences vont de plus en plus dans l’autre sens. Ce hiatus, pour l’argumentation, est assez dévastateur.

A lire aussi: Questions pour une championne: cachez cette Marine Le Pen que Samuel Étienne ne saurait voir…

Cette normalisation vise aussi à « achever » l’idée d’un Front républicain déjà, on l’a vu, mal en point et à prévenir les conséquences probablement si peu démocratiques d’un succès qui est craint et dont on commence à croire qu’il est possible.

Surtout il me semble que l’erreur la plus grave commise par ceux qui sont en charge de l’univers régalien – notamment les ministres Darmanin et Dupond-Moretti – s’égarent tactiquement en prenant Marine Le Pen quasiment pour cible exclusive alors qu’une majorité de Français la déclarent la plus crédible pour combattre l’insécurité et l’immigration. C’est absurdement se porter sur un terrain où elle est de loin la plus convaincante, parce qu’elle est convaincue depuis longtemps, et où la quotidienneté confirme sans cesse la validité de ses dénonciations, l’échec du pouvoir, en tout cas son impuissance.

Les adversaires de Marine Le Pen n’ont pas la bonne tactique

La mépriser alors est totalement contre-productif, comme la traiter de populiste, puisqu’on prétend l’accabler avec le ferment essentiel qui au contraire favorise son développement et contre lequel le verbe condescendant du garde des Sceaux ne peut rien.

A lire aussi: Face à la dictature de l’instant, la logique du «pas-de-vague» fait des ravages

Pourquoi ne pas abandonner cette stratégie où elle est meilleure qu’eux, avec le confort de n’être pas aux responsabilités, et où ils ne sont clairement pas bons ? Pourquoi ne pas la considérer telle une adversaire classique et démontrer son impréparation, son amateurisme, ses voltes opportunistes, sur le plan économique et social, en matière européenne, et tenter banalement de faire valoir que nous aurions peut-être une autorité de l’État restaurée mais une France abîmée ?

Le président de la République est directement responsable de la quasi-certitude d’une Marine Le Pen au second tour de 2022. Parce qu’avec sa faiblesse régalienne, il a accru la force de son adversaire. Avec sa réalité très imparfaite, l’espérance d’une part du peuple. Avec sa démocratie molle, le rêve d’une République ferme.

Leurre ou non, il serait, il est le coupable.

Si le pire survenait, les vaincus déniant, par principe et peut-être dans la violence, la légitimité des vainqueurs, il y aurait des orages à venir.

L’abandon des chiffres romains par le Musée Carnavalet révèle le trouble dans la civilisation

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Pascal Légitimus. Image: capture d'écran YouTube

Plusieurs grands musées ont choisi de renoncer aux chiffres romains. Elisabeth Lévy réagit à la polémique et se souvient d’un sketch visionnaire des Inconnus, il y a 30 ans…


Souvenez-vous du sketch des Inconnus en 1989:

En 32 ans, la farce est devenue la réalité! Le Louvre avait déjà renoncé aux chiffres romains pour désigner les siècles dans ses cartels et panneaux explicatifs. Le Figaro dit que le musée Carnavalet, consacré à l’histoire de Paris des origines de la ville à nos jours, les a aussi éliminés pour les rois. Louis-croix-V-bâton… 

De moins en moins de gens savent lire les chiffres romains. Une responsable de Carnavalet affirme: « Nous ne sommes pas contre les chiffres romains… » Ouf! « … mais ils peuvent être un obstacle à la compréhension. »

Sachant qu’une écrasante majorité des jeunes visiteurs ignore aussi ce qu’est une annonciation ou une descente au tombeau, on n’a qu’à carrément dégager les tableaux!

Nous nous adaptons au déclin, au lieu de le combattre

On me rétorquera qu’on est incapable d’écrire 3412 en chiffres romains. Peut-être. Mais pour l’essentiel, dans les musées, en ce qui concerne les siècles et les rois, il s’agit des nombres compris entre I et XXV. Et si dans un musée je n’identifie pas un nombre, je vais chercher et trouver.

A lire aussi, Alain Bentolila: L’écriture inclusive entre ignorance et hypocrisie

Cette histoire n’est pas qu’anecdotique. Elle est triplement allégorique. Elle illustre cruellement notre actuelle déconnexion avec la culture classique. Elle prouve ensuite la baisse générale du niveau, niée durant des années par des sociologues-effaçologues, et aujourd’hui démontrée par toutes les enquêtes (et le sens commun). Ainsi, selon le classement PISA la France est au 20e rang de l’OCDE en compréhension de l’écrit. À peine la moyenne ! Et enfin, cet épisode dit que nous nous adaptons au déclin, au lieu de le combattre. Si les visiteurs ne comprennent pas la langue, simplifions-là! Ne les traumatisons pas avec des auteurs difficiles! Ne stigmatisons pas les moins doués et les derniers arrivés! Dans la même veine, on se souvient que le passé simple avait été supprimé de certaines traductions du Club des Cinq.

Le déclin est-il inexorable?

Non. Tout le monde connaît la solution. Il faut refonder l’école autour des savoirs et des grandes œuvres, et rationner strictement les écrans. Une raison d’espérer: la décision de Carnavalet a suscité un tollé, et pas seulement en France. Les Français aiment leur langue et ses bizarreries. Les Italiens sont révoltés par cette désappropriation culturelle, cette coupure de nos racines gréco-latines.

Une jeune Russe vivant à Paris m’a raconté que sa mère, à Moscou, lui avait parlé de l’affaire des chiffres romains.

De Gaulle disait: « la France offre au monde une langue par excellence adaptée au caractère universel de la pensée ». Si nous Français oublions de la chérir, au-delà de nos frontières, heureusement beaucoup le font.

Cette chronique a initialement été diffusée sur Sud Radio.

Retrouvez Elisabeth Lévy tous les matins à 8h15 dans la matinale

Gad Saad: porter Darwin sur les épaules

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Gad Saad, professeur de sciences comportementales évolutives à l’université Concordia, à Montréal. © D.R.

Ce professeur de l’université Concordia, à Montréal, est l’un des adversaires les plus célèbres – en dehors de la France – du mouvement « woke » et de la « cancel culture ». Il pointe, souvent avec un humour désopilant, les incohérences scientifiques des idéologues transgenres ou néoféministes.


Nous sommes au Sénat canadien en mai 2017. Un homme est assis devant une grande table ronde autour de laquelle se tiennent également des sénateurs et des experts venus discuter d’une proposition de loi. Celle-ci a pour objectif de protéger explicitement les transgenres de toute forme de discrimination, la loi existante ne leur offrant qu’une protection implicite accordée aux minorités en général[tooltips content= »La « Loi modifiant la loi canadienne sur les droits de la personne et le Code criminel », adoptée le 19 juin 2017. »](1)[/tooltips]. Notre homme, l’air professoral car il arbore un nœud papillon et des cheveux argentés rejetés en arrière, explique posément à l’assistance que l’humanité représente « une espèce qui se reproduit par voie sexuelle » et qui est « sexuellement dimorphe », car elle se compose de mâles et de femelles. Ces principes constituent le fondement de l’évolution darwinienne qui est un des piliers de sa propre recherche universitaire. Les progressistes affirmant qu’il existe une multitude d’identités sexuelles (aujourd’hui Facebook en reconnaît 71), l’adoption de la nouvelle loi risque de limiter sa liberté d’enseignement en l’exposant à des accusations de transphobie et de violence systémique. Celui qui parle ainsi s’appelle Gad Saad, « Doctor Saad » selon l’usage anglais, titulaire de la chaire des « sciences comportementales évolutives et de la consommation darwinienne » à l’université Concordia, à Montréal. De tous ceux qui combattent depuis belle lurette l’esprit « woke » et la « cancel culture », il est de loin l’un des plus déterminés, des plus courageux et – en dehors de la France – des plus connus.

A lire aussi, Olivier Amiel: La «cancel culture» c’est l’enrôlement de la jeunesse par L’Empire du Bien!

Une victime anti-victimaire

Son dernier livre, The Parasitic Mind[tooltips content= »The Parasitic Mind: How Infectious Ideas are Killing Common Sense, Regnery, 2020. »](2)[/tooltips], paru il y a six mois, sorte de Bible anti-woke, est n° 1 des ventes sur Amazon dans la catégorie « Pathologies ». Sa chaîne YouTube, « The Saad Truth », jeu de mots ironique sur sad truth (« la triste vérité »), cartonne avec 200 000 abonnés et, depuis sa création en 2013, a accumulé plus de 1 200 vidéos d’archives. Ses invités comprennent les vedettes du talk-show numérique américain, les anciens humoristes Joe Rogan et Dave Rubin, et le neuroscientifique athée, Sam Harris, sans oublier Douglas Murray, l’auteur de La Grande Déraison. Ainsi, Saad se trouve au centre d’un écosystème d’intellectuels anglophones qui résistent farouchement aux nouvelles idéologies totalitaires. Une solidarité particulière le lie à Jordan Peterson, le psychologue de l’université de Toronto, auteur du best-seller, 12 règles pour une vie[tooltips content= »12 règles pour une vie : un antidote au chaos, Michel Lafon, 2018. »](3)[/tooltips]. Devant le Sénat, Saad évoque ce dernier qui, suite à son refus d’employer la multiplicité des pronoms personnels exigés par les personnes non binaires, a été menacé de renvoi par son université. Quand un sénateur suggère que Saad minimise le risque de génocide qui planerait sur les transgenres et contre lequel la loi est censée les protéger, celui-ci rétorque qu’il est aussi bien placé que quiconque pour comprendre une telle horreur. Né en 1964 au Liban, juif arabophone, il est obligé de fuir son pays natal avec sa famille, en 1975, au moment de la guerre civile. Lors d’un retour au Liban en 1980, ses parents sont kidnappés et pris en otage pendant plusieurs jours. Éternellement reconnaissant à son pays d’adoption, le Canada, il profite pleinement de toutes les opportunités d’épanouissement intellectuel qu’offre cette société libérale et accueillante. Son parcours est éminemment interdisciplinaire. Après une licence en maths et informatique et un MBA, il se tourne vers la psychologie, attiré par un domaine en développement, la psychologie évolutionniste, qui se penche sur l’influence qu’exerce la biologie, en même temps que la société, sur nos comportements. Bardé de diplômes, Saad finit par créer sa propre discipline, la « consommation darwinienne ». Il s’agit d’étudier, par exemple, le rôle de nos hormones et de nos rituels d’accouplement dans nos achats et nos échanges de cadeaux[tooltips content= »Gad Saad, The Consuming Instinct, Prometheus, 2011 ; Evolutionary Psychology in the Business Sciences (dir. Gad Saad), Springer, 2011. »](4)[/tooltips]. Bien qu’étant une personne « de couleur » et un ex-persécuté, Saad ne s’est jamais réclamé d’un statut de victime. Pour lui, la meilleure réponse à l’obscurantisme et à l’injustice est la science. Mais aujourd’hui, c’est justement la science qui est menacée dans ses fondements et dans sa pratique.

Rachel McKinnon (aujourd’hui connue sous le nom de Veronica Ivy), première championne du monde transgenre en cyclisme sur piste, pour la tranche d’âge des 35-44 ans, Manchester, 19 octobre 2019. © OLI SCARFF / AFP
Rachel McKinnon (aujourd’hui connue sous le nom de Veronica Ivy), première championne du monde transgenre en cyclisme sur piste, pour la tranche d’âge des 35-44 ans, Manchester, 19 octobre 2019. © OLI SCARFF / AFP

L’infectiologue des idées-pathogènes

Depuis longtemps, Saad s’évertue à relever tous les cas d’abus idéologique de la science, dont l’absurdité est aussi contagieuse que mortifère. En 2019 au Canada, une campagne publicitaire sur les risques du cancer du col de l’utérus est illustrée par l’image d’une femme trans, c’est-à-dire un homme sur le plan physiologique : la biologie humaine est tout simplement niée. En 2016, des adeptes de la « glaciologie féministe » déclarent dans une revue universitaire qu’une perspective non patriarcale donnera lieu à « une science et à des interactions entre l’humanité et la glace plus justes et équitables ». Les généralisations à l’emporte-pièce remplacent l’analyse physique. Pour nombre de chercheurs progressistes, l’hétérosexualité est une pure construction sociale, manigancée par le patriarcat, tandis que l’orientation homosexuelle est présentée comme innée. L’objectivité est rejetée comme une invention d’hommes blancs.

A lire aussi: Douglas Murray, le grand chic réac

Saad cherche justement des réponses scientifiques à tant d’absurdités. Il considère ces idées comme de véritables pathogènes qui envahissent notre organisme et affaiblissent notre capacité à nous adapter à la réalité. Les meilleurs anticorps sont les enseignements de la psychologie évolutionniste. Outre-Atlantique aujourd’hui, le monde des jeunes est rempli de « trigger warnings », d’avertissements qui préviennent les personnes psychologiquement fragiles qu’un film, une série télé, un livre ou un cours universitaire pourrait leur rappeler un traumatisme et les plonger dans la détresse. Saad cite des études empiriques qui montrent que ces avertissements sont peu efficaces, inhibent le développement de la résilience et rendent les gens encore plus vulnérables. La sensibilité générale est tellement à fleur de peau qu’un supermarché anglais a été obligé de rebaptiser un sandwich au poulet fumé dont le nom contenait le mot « gentleman » : les femmes se sentiraient insultées, rebutées par cette appellation. À partir d’autres analyses, Saad explique la situation actuelle par une baisse du seuil de sensibilité à des stimuli négatifs chez beaucoup de gens. En 2016, le Premier ministre canadien, Justin Trudeau, trouve que le terme de « génocide » est trop fort pour qualifier les pires crimes de l’État islamique ; trois ans plus tard, il considère que c’est le mot juste pour décrire le fait que plus de femmes indigènes sont assassinées (principalement par des hommes indigènes) que les autres femmes. Le curseur se déplace. Saad relie cette hypersensibilité à un autre élément pathologique, le syndrome de Munchausen. Ceux qui en sont atteints, comme le suggère le nom du mythomane légendaire, cherchent à attirer l’attention et la sympathie des autres par les histoires qu’ils racontent sur eux-mêmes. Aujourd’hui, des groupes entiers seraient atteints de ce que Saad appelle le « Munchausen collectif ». Au fond, il s’agit d’une pathologisation d’un de nos comportements d’animaux biologiques, le « virtue signaling », en français la « vertu ostentatoire ». Si la queue du paon est inutilement voyante, c’est qu’elle signale aux femelles que ce mâle ne craint pas les prédateurs : il est fort et fera un bon partenaire. Par d’autres signaux qu’ils échangent, les humains montrent aussi qu’ils sont aptes à la procréation par leur force, leur fidélité ou leur fiabilité – en d’autres termes, leur vertu[tooltips content= »Geoffrey Miller, Virtue Signalin: Essays on Darwinian Free Speech, Cambrian Moon, 2019. »](5)[/tooltips]. Le problème aujourd’hui est que la définition de celle-ci a changé : pour être vertueux, il faut être une victime ou manifester une empathie ostentatoire avec une catégorie de victimes reconnue par la société.

Gad Saad
Gad Saad

Comment répondre à cet environnement moralement aseptisé, à cette hypocrisie rampante ? Par un autre anticorps, celui de l’humour satirique que Saad pratique allègrement dans toutes ses vidéos. En 2018, quand la femme trans, Rachel McKinnon, aujourd’hui connue sous le nom de Veronica Ivy, gagne un championnat de cyclisme féminin, Saad, qui avoue être en surpoids, annonce qu’il est « transgravitationnel » : le poids avec lequel il s’identifie est inférieur à ce que dit son pèse-personne. Tout individu qui le contredirait serait coupable de « grossophobie ». Certes, les sabots ici sont très gros, mais c’est justement ce qui importe, car il s’agit d’habituer les gens à des idées un peu choquantes afin de les endurcir, de les réadapter à la réalité rugueuse. De manière ostentatoirement masculine, Saad répète que, dans la vie, il faut faire preuve de « force testiculaire », expression qu’il n’a pas craint de prononcer devant le Sénat.

A lire aussi, Jean Degert: États-Unis: les femmes transgenres vont-elles être autorisées à concourir dans les compétitions féminines?

Le culte de l’inculture

Pour expliquer ces combats idéologiques, qui débordent largement le monde académique, il faut remonter aux conférences prononcées en 1959 par le romancier et chimiste anglais Charles Percy Snow, publiées sous le titre Les Deux Cultures[tooltips content= »Les Deux Cultures (suivies de Supplément aux Deux Cultures et État de siège), Les Belles Lettres, 2021. »](6)[/tooltips]. Snow était bien placé pour observer la scission au sein de l’université et ses répercussions sur toute l’intelligentsia anglophone. D’un côté, les sciences naturelles, voire dures, qui s’occupent de tout sauf de la culture ; de l’autre, les humanités qui s’occupent de tout ce qui est humain sauf de la biologie. Les deux camps se regardaient avec méfiance, parfois mépris. On peut ajouter que les facultés de lettres, malgré leur morgue, souffraient d’un complexe d’infériorité face aux sciences dont la réussite à expliquer l’univers et à propulser les progrès technologiques impressionnait le public et attirait les fonds. Les littéraires ont donc cherché pour leurs recherches une source de légitimité qui réside moins dans la réalité extérieure que dans l’esprit du chercheur. D’où l’engouement à partir des années 1970 pour la « Théorie », alimentée par les gourous français les plus arrogants et abscons, de Lacan à Badiou, qui renforce le cloisonnement entre ceux qui étudient la nature et ceux qui étudient la société. Les sciences dites sociales restent au milieu des deux camps, tiraillées tantôt d’un côté, tantôt de l’autre. Au début du xxie siècle, ce qui reste des différents courants de la Théorie est regroupé sous l’étiquette de l’un d’entre eux, le « postmodernisme », qui désigne désormais la doctrine selon laquelle la vérité est relative et la notion de réalité objective n’est qu’une fiction[tooltips content= »Alain Sokal, Pseudosciences et postmodernisme : adversaires ou compagnons de route ?, Odile Jacob, 2005. »](7)[/tooltips]. Pour les postmodernes, la notion de nature humaine n’existe pas : à sa naissance, l’esprit humain est une table rase sur laquelle la société peut écrire n’importe quoi. Ce refus de toute intrusion de la biologie dans le royaume de la psyché humaine est combattu par certains, dont le psychologue canadien de Harvard, Steven Pinker, mais en vain[tooltips content= »Steven Pinker, Comprendre la nature humaine, Odile Jacob, 2005. »](8)[/tooltips]. L’idéologie « woke » qui sévit aujourd’hui considère que tout chez l’être humain, y compris le genre, les différences sexuelles et la race (surtout la blanche), est le produit d’une construction sociale. Nous sommes ainsi dotés d’une liberté illusoire qui, en apparence, nous émancipe de notre corps et du monde animal. Comme l’attitude postmoderne chez les universitaires et autres intellectuels est depuis longtemps associée à des politiques de gauche, voire d’ultra gauche[tooltips content= »Paul R. Gross, Norman Levitt, La Superstition supérieure : la gauche universitaire et ses querelles avec la science, Heurstionne, 2021. »](9)[/tooltips], son objectif ultime est un bouleversement total de notre mode de vie.

C’est dans ce contexte que Saad acquiert une dimension providentielle : en combinant l’étude de nos comportements et l’évolution, il nous aide à rapprocher les sciences dites humaines et celles dites naturelles et, au-delà de tout réductionnisme déterministe, à réconcilier l’homme, cet animal qui se prend pour un ange, avec sa propre biologie.

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Design: Patrick Naggar l’alchimiste

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©Editions du Regard/Patrick Naggar

Hors du temps et de tout temps. Ainsi s’impose l’œuvre de Patrick Naggar, peintre, designer et architecte en quête de pureté des lignes et des matières. Une monographie présente ses créations inspirées par l’éternité[tooltips content= »Patrick Elie Naggar, Histoires de formes (texte de Nadine Coleno) Editions du Regard »](1)[/tooltips].


Son œuvre est un trait d’union entre les pharaons et l’Art déco, un éloge du détail et des matériaux précieux, un univers où les technologies de pointe se mettent au service des astrolabes et qui prouve que la perfection peut être de ce monde. Habité par les astres et les siècles, le jeu des planètes et les caprices de la lune, la carte des étoiles et la courbe des sphères, Patrick Naggar fait bien plus que démontrer la maîtrise de son art, il invite l’admirateur, le collectionneur ou le lecteur à rejoindre son observation-interrogation du monde et de l’histoire, des grandes civilisations et des traces qu’elles nous ont laissées. Une philosophie et un art de vivre qui se retrouvent dans ses tables et ses luminaires, ses fauteuils et ses miroirs, ses lits de repos et ses cabinets. Toutes ses créations ont un pied quelque part et un autre ici, toutes rappellent quelque chose, un grand style ou un grand siècle, venu de l’Égypte ancienne ou du xviiie français, des années 1930 ou de la Grèce antique. « Cultiver “l’hybride”, faire que l’objet devienne paradoxal, allégorique, métaphorique, ambigu parfois, tel est mon projet », affirme-t-il. Nadine Coleno, qui signe les textes de cette monographie, ajoute : « Recherche de soi, quête de liberté, transposition de l’esprit dans la matière, poésie syncrétique, ses voyages dans le temps, dans l’espace, dans le concept, tendent toujours vers une unification harmonieuse. Allier les contraires, les époques, concilier le beau et l’utile, le réel et l’imaginaire, la simplicité et la préciosité, les matériaux dits nobles et les matériaux industriels, tout ce qui dépeint le monde à travers le filtre d’un regard. »

©Editions du regard/Patrick Naggar
©Editions du regard/Patrick Naggar

Son regard, Patrick Naggar le coule dans le cuivre et le laiton, l’acier brossé et le bronze patiné, il le laque à la façon des maîtres nippons et le recouvre de feuilles d’or, de cuir ou de fibre de carbone, l’incruste de pierres semi-précieuses et l’illumine au LED. Comme les maîtres anciens, il sait aussi s’inspirer de la nature, de ses feuillages et de ses insectes, et rivalise avec elle lorsqu’il reproduit/réinterprète ses couleurs audacieuses. Les portes vert-de-gris moiré de son cabinet Scarab s’ouvrent sur un intérieur jaune safran.

Les cartes célestes sont omniprésentes dans son travail. Ciselées dans le bronze, le cuivre ou l’émail, elles évoquent autant l’ordre de l’Univers que sa passion pour l’astronomie, les mystères du ciel. Patrick Naggar enferme les constellations dans des boîtes, des disques, des lentilles d’optique, et peut traduire la lumière des étoiles par les reflets du mercure. Entre nos mains, on ne sait si ces étranges objets s’apparentent aux silex des premiers hommes ou à une pierre de Rosette dont la langue reste à déchiffrer.

Patrick Naggar est représenté, à Paris, par les galeries Dutko, Cat-Berro, Alexandre Biaggi et Avant-Scène ; aux États-Unis par la galerie Ralph Pucci à New York, Los Angeles et Miami.

Patrick Elie Naggar, Histoires de formes (texte de Nadine Coleno) Editions du Regard, 2020.

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Daesh au Mozambique: la contagion islamiste en Afrique centrale et australe redoutée

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Maputo, la capitale du Mozambique. Au nord du pays, les terroristes islamistes menacent © Numéro de reportage : SIPAUSA30200207_000005 imageBROKER / Jacek Sopotnicki/SIPA

La filiale de Daesh au Mozambique multiplie les exactions au nord du pays. Au-delà de la menace islamiste que les terroristes font peser sur les populations, les intérêts gaziers français et les intérêts de l’ancienne puissance colonisatrice portugaise sont menacés. Analyse


Il y a quelques semaines, le Directeur Général de la Sécurité Extérieure (DGSE), Bernard Emié, indiquait, que la situation au Nord-Est du Mozambique, dans la région de Cabo Delgado, où sévit, depuis octobre 2017, un groupe armé terroriste (GAT) d’inspiration djihadiste, était devenu un sujet de préoccupation grandissant pour la France. L’ONG américaine, Armed Conflict Location & Event Data Project (ACLED) estime que plus de 2000 personnes sont mortes dans le cadre d’attaques incessantes menées dans cette région depuis 2017.

Depuis, de nombreuses spéculations sont apparues quant au rôle que Paris devrait y jouer, notamment eu égard au fait que c’est dans cette riche région gazière du Nord-Est du pays, plus précisément au large de ses côtes, que s’y déploient de nombreuses compagnies pétrolières, dont Total, qui entend également y développer ses deux mégas usines de Gaz Naturel Liquéfié (GNL) d’Afungi, dans le district de Palma. D’un montant de 23 milliards de dollars, pour une production annuelle de 13,12 millions de tonnes de GNL, il s’agit, là, du plus important investissement étranger dans le pays.

Bien que le Mozambique, indépendant depuis seulement 1975, soit une ancienne colonie portugaise, la France n’est pas pour autant désintéressée. C’est en effet, dans le Canal du Mozambique que Paris entend rester ferme et déterminée à protéger la souveraineté de ses cinq Îles Éparses et de l’immense Zone Economique Exclusive (ZEE) et plateau continental attenant (640 000 km2) soit deux fois celui de la France hexagonale !

C’est, également dans cette prometteuse partie australe de l’océan Indien que la France possède de solides arguments militaires, grâce à ses deux départements de Mayotte et de la Réunion et les quelque 2000 forces de souveraineté qui s’y déploient par le truchement de ses Forces Armées de la Zone Sud de l’océan Indien (FAZSOI), ses cinq navires (notamment ses deux frégates et deux patrouilleurs), ses deux avions de transport et deux hélicoptères.

Nul étonnement, dès lors, que le Président de la République, Emmanuel Macron, ait, à travers un récent tweet, rappelé à la suite d’un énième massacre de populations civiles que « le terrorisme islamiste est une menace internationale, qui appelle une réponse internationale ».

Développement de l’islamisme

Il y a, en effet urgence, comme ne cesse de le rappeler les courageux membres de la Communauté de Sant’Egidio, parmi lesquels le père Angelo Romano, qui précise que les terroristes du mouvement Ansar Al-Sunna – parfois appelé Al-Shabaab au Mozambique – sont des islamistes kenyans venus s’installer en Tanzanie en 2015 puis chassés en 2017 et ayant prêtés allégeance à l’État islamique, dès 2012.

Ceux-ci sévissent désormais, plus au sud, dans la région septentrionale du Mozambique. Ceux-ci sont désormais appelés l’État islamique de la « province d’Afrique centrale » (ISCAP) et entendent maintenant instaurer la Charia dans l’ensemble du pays.

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La nouvelle administration Biden vient de classer, du reste, l’ISCAP, Ansar Al-Sunna et le mouvement d’origine ougandaise des Forces Démocratiques Alliées (ADF) – parfois appelées Madina at Tauheed Wau Mujahedeen – agissant à l’est de la République Démocratique du Congo (RDC) dans le Nord-Kivu et l’Ituri, comme des organisations terroristes affiliées à Daesh. L’ISCAP, par la voix de son chef, Abu Yasir Hassan, avait, du reste, déclaré son allégeance à l’État islamique, en avril 2019. C’est en août de la même année, que l’EI reconnaissait cette affiliation.

Depuis, plus de 535 000 Mozambicains ont fui la région, selon un rapport de l’agence des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR) datant de décembre dernier, sous les attaques répétées des djihadistes originaires de Tanzanie et Kenya voisins, qui ont pu bénéficier, dans la province, du recrutement de nombreux jeunes désœuvrés et marginalisés. Bien que le produit national brut (PNB) par habitant soit le plus faible du continent africain, le Mozambique possède, pourtant, la troisième plus grande réserve de gaz naturel en Afrique, après celle du Nigeria et de l’Algérie. Le pays sera, avec la découverte de 160 trillions de pieds cubes, un des principaux producteurs de GNL, d’ici une vingtaine d’années.

Extension des problèmes militaires

Pourtant, malgré une mobilisation sans faille du Pape, qui s’est rendu, au Mozambique, en septembre 2019, l’appel à l’aide du président Felipe Nyusi, n’a pourtant guère été entendu.

Réélu, dès le premier tour, en octobre 2019, le président mozambicain a encore renouvelé son incantation en faveur d’une plus forte coopération sécuritaire, à l’aune de la présidence semestrielle de l’UE, assumée, depuis le 1er janvier, par son ancienne puissance colonisatrice, le Portugal.

Pour l’heure, ni le président portugais Marcelo Rebelo de Sousa, ni le Premier ministre, Antonio Costa, qui ont pourtant, proposé l’aide sécuritaire du Portugal, ne semble pouvoir répondre positivement à cette mobilisation en direction d’une coalition internationale contre le terrorisme qui s’enkyste, ici, comme précédemment, au Sahel, ou dans la Corne de l’Afrique.

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La dernière réunion des ministres de la Défense des 30 membres de l’OTAN, les 17 et 18 février, a également permis à la ministre de la Défense française, Florence Parly et à son homologue portugais, Joao Gomes Gravinho d’évoquer quelques pistes d’actions communes pour tenter d’éviter une « sahélisation » de l’ISCAP. L’une de ces pistes consisterait, en effet, à mutualiser les efforts en matière de lutte anti-terroriste.

Les Portugais étant très actifs au Sahel, aux côtés des éléments français et autres partenaires européens (au sein de la montée en puissance de la Task Force Takuba, de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali – MINUSMA), de l’European Union Training Mission – EUTM-Mali), il ne serait pas illogique que Lisbonne trouve légitime que la France puisse accompagner, en retour, l’agenda de stabilisation que le Portugal pourrait être amené à mener au Mozambique, colonie portugaise de 1498 à 1975.

Les similitudes peuvent paraître spécieuses entre les deux théâtres d’action des mouvements djihadistes qui s’y déploient. Pourtant, l’absence paradoxale d’état dans une région potentiellement…

>>> Lire la fin de l’article sur le site de Conflits <<<

Face à la dictature de l’instant, la logique du «pas-de-vague» fait des ravages

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Unsplash

Le meilleur moyen de faire taire les Social Justice Warrior comme Caroline de Haas, c’est de les ignorer et de les laisser dans leur bêtise militante. Les cabales sur Twitter sont des tempêtes dans un verre d’eau, si on les ignore. Analyse.


La culture du « pas-de-vague » est l’une des grandes menaces qui plane sur nous, car elle détruit les capacités de défense de la société.

Caroline de Haas ne vit pas dans le monde réel

Ainsi, il y a quelques jours, la Police Nationale publiait sur son compte Twitter un message tout à fait nécessaire et pertinent. Ce message indiquait qu’envoyer une photo de soi nu « c’est accepter le risque de que cette photo soit partagée » (c’est-à-dire rendue publique). En effet, la police ne compte plus les fois où des femmes (parfois des lycéennes et collégiennes) qui avaient envoyé des photos d’elles dénudées à leur petit ami voient ensuite ces photos partagées publiquement, contre leur gré bien sûr, par le même petit ami qui souhaite se venger d’une rupture survenue dans l’intervalle. Et du point de vue strictement logique, le meilleur moyen matériel de ne pas voir une photo de soi nu partagée sans son consentement est de ne pas en prendre.

En cédant, on prépare le terrain pour de nouvelles revendications qui iront toujours plus loin

Pourtant, la police a retiré son tweet. Pourquoi ? Parce qu’une poignée de militants d’extrême-gauche ont accusé ce tweet de sexisme.

Ainsi, la militante Caroline de Haas (qui a pourtant elle-même fermé les yeux sur les faits de viols et d’agressions sexuelles survenus au sein de l’UNEF alors qu’elle était secrétaire générale du syndicat étudiant) s’est fendue d’un tweet dans lequel elle se permet d’interpeller la police, sur un ton très agressif, avec tutoiement et verbe à l’impératif : « Supprime. La culpabilisation des victimes, c’est non. » Cette position est complètement absurde. Il ne s’agissait en aucun cas de faire culpabiliser les victimes ou d’amoindrir la responsabilité des auteurs, mais bien au contraire de donner à chacun tous les rappels nécessaires et toutes les clés de prévention afin que le forfait ne puisse pas être commis et que personne ne soit victime. Un simple conseil de prudence et de bon sens. D’ailleurs, la police a également publié un tweet qui indiquait comment ranger ses affaires pour éviter de faciliter le travail des pickpockets. Personne n’a eu l’idée saugrenue de dire que ce message culpabilisait les gens à qui on dérobait leur portable ou leur portefeuille dans le métro. De même, si je dis aux gens de s’équiper d’un système d’alarme, je ne cherche pas à culpabiliser les victimes de cambriolage. Les seules choses qui devraient nous intéresser sont le réalisme et l’efficacité afin de répondre à la question : comment mieux protéger concrètement les femmes ? Et non pas les arguties idéologico-moralisatrices de militants qui en fait se moquent bien de la sécurité des femmes.

L’affaire d’ Alisha à Argenteuil confirme la justesse de la mise en garde de l’institution policière

Mais l’actualité n’est pas tendre avec madame de Haas et ses amis puisque quelques jours à peine après cette polémique, on apprend que la jeune Alisha Khalid, collégienne de 14 ans, a été tuée par son ex-petit ami…et que ce meurtre effroyable était le point culminant d’une campagne de harcèlement qui avait commencé par la diffusion de photos d’Alisha en sous-vêtements.

Marche blanche pour Alisha à Argenteuil le 14 mars 2021. L'adolescence a été retrouvée morte noyée le lundi 8 mars 2021 au quai Saint-Denis. Les deux adolescents impliqués dans sa mort encourent 20 ans de prison. © ISA HARSIN/SIPA Numéro de reportage : 01009212_000012
Marche blanche pour Alisha à Argenteuil le 14 mars 2021. L’adolescence a été retrouvée morte noyée le lundi 8 mars 2021 au quai Saint-Denis. Les deux adolescents impliqués dans sa mort encourent 20 ans de prison. © ISA HARSIN/SIPA Numéro de reportage : 01009212_000012

Quelques centaines de tweets de protestation n’ont aucune signification dans un pays de 67 millions d’habitants

La police n’a eu qu’un tort : retirer son excellent tweet. Par peur d’être perçue comme sexiste et par refus d’une mauvaise publicité, elle a cédé à la pression d’une poignée de cyber-militants qui, en plus d’avoir tort sur le fond, ne représentent qu’eux-mêmes (c’est-à-dire rien) et ne disposent d’aucun moyen de pression réel. Que serait-il arrivé si la police n’avait pas retiré son tweet ? Rien ! Impuissants, les activistes auraient enragé seuls dans leur coin et on serait passé à quelque chose d’autre au bout de quelques jours. Quelques centaines de tweets de protestation n’ont aucune signification dans un pays de 67 millions d’habitants. Mais en cédant, la police a envoyé un message de faiblesse qui va donner confiance aux activistes radicaux de tous bords. Espérons que suite au meurtre tragique d’Alisha, la police remette son tweet en ligne tel quel et entame une grande campagne de diffusion sur les réseaux sociaux, les canaux de TV et de radio et dans les établissements scolaires. Afin d’éviter des drames.

Autre affaire, même logique. La poétesse étatsunienne Amanda Gorman a acquis une notoriété internationale en déclamant l’un de ses poèmes lors de l’investiture de Joe Biden. Ses textes vont être traduits dans de nombreuses langues. Or, une polémique est survenue aux Pays-Bas. Sur les réseaux sociaux, certains ont reproché à l’éditeur néerlandais de faire traduire les textes d’Amanda Gorman (qui est afro-américaine) par une traductrice blanche. Pour eux, seul un Noir pouvait comprendre et traduire les œuvres de Gorman. Il s’agissait là encore d’une tempête dans un verre d’eau, déclenchée par une poignée de gens qui ne représentent qu’eux-mêmes. Pourtant la traductrice initialement désignée et sa maison d’édition ont choisi de jeter l’éponge. De même, le traducteur d’Amanda Gorman en Catalan vient d’être renvoyé car on souhaiterait le remplacer par un autre profil : si possible une femme noire militante. Que serait-il arrivé si on avait résisté à la polémique ? Rien ! Les chiffres de vente auraient été les mêmes. Aucun procès n’aurait pu être intenté, car il n’y a rien d’illégal à ce qu’un Blanc traduise un Noir (et réciproquement). Le ciel ne serait pas tombé sur la tête des éditeurs, le sol ne se serait pas ouvert sous leurs pieds  et au bout de quelques semaines, là encore, on serait passé à autre chose. La polémique aurait fait « pschitt » comme dirait Jacques Chirac. Mais en cédant, on prépare le terrain pour de nouvelles revendications qui iront toujours plus loin et seront toujours plus absurdes, plus dangereuses, plus extrémistes.

A lire aussi: « Depuis 40 ans, la courbe du nombre de personnes incarcérées en France ne cesse de monter »

L’obsession racialiste devient préoccupante

Les éditeurs préfèrent céder plutôt que de remettre l’église au-milieu du village : vouloir qu’un Noir soit traduit par un Noir est raciste et discriminant. C’est le fruit d’une obsession racialiste importée des États-Unis. Il faut faire abstraction de la couleur de peau et ne prendre en compte que le talent et le mérite. En effet, la seule chose qui importe est le résultat. Chacun peut donc traduire qui il veut. Et rien ne garantit qu’un Noir comprenne forcément bien un autre Noir (et c’est même raciste que de le penser). Parfois la distance personnelle, l’extériorité et la différence apportent au contraire une meilleure compréhension, permettant davantage de recul et évitant de plaquer sa propre situation personnelle sur celle de l’autre.

Comme le souligne le traducteur André Markowicz, « Le fait est qu’Amanda Gorman n’est pas simplement noire : elle est aussi fille de mère célibataire, elle a eu des problèmes d’élocution qui ont fait croire à un retard mental. Peut-être faudrait-il en plus, que sa traductrice soit noire et fille de mère célibataire et ait eu des problèmes d’élocution ?… Ou le fait d’être noire suffit-il à comprendre une enfant noire qui a été dyslexique ? Et pourquoi une blanche, dyslexique ou non dans son enfance, fille ou non d’une mère célibataire, ne pourrait-elle pas le sentir ? Et que se passera-t-il si Amanda Gorman est traduite, en chinois, ou en japonais, ou en russe ? Il faudrait quoi, chercher une chinoise noire qui aurait été dyslexique dans son enfance ?…Cette idéologie de l’atomisation de l’humanité selon la couleur de la peau, qui veut qu’un, qu’une, noir, noire, ne puisse être compris que par un, une, noir, noire est le contraire absolu de la traduction, qui est, d’abord et avant tout, le partage et l’empathie pour l’autre, pour ce qui n’est pas soi : ce que j’appelle la « reconnaissance ». »

De même, Alain Mabanckou, auteur africain, congolais et noir, s’est alarmé d’une telle situation : «C’est une forme de racisme. Si vous connaissez l’histoire littéraire, si on s’en rappelle, certaines de grandes œuvres de la littérature africaine ont été traduites par des blancs. Raymond Queneau a traduit L’ivrogne dans la brousse d’Amos Tutola. André Breton a préfacé Le Cahier d’un retour au pays natal d’Aimé Césaire. (…) La littérature grandit parce qu’elle traverse les frontières. La littérature ne devrait pas être tributaire d’une certaine couleur. Cette polémique, au lieu de grandir l’œuvre de celle qui pourrait devenir une grande poète de notre époque, est plutôt en train de chercher à l’enfermer dans cet instinct grégaire qui est le contraire de la littérature. C’est cela le désastre auquel nous assistons.» Mais malgré tous ces rappels salutaires, les éditeurs préfèrent céder.

La vraie majorité est silencieuse

Dans toutes ces affaires, on retrouve la même logique : celle de la capitulation et du « pas-de-vague ». L’objectivité, le bon sens, le rappel des faits, la défense de ses valeurs et de l’intérêt général, l’évidence même semblent peser bien peu face à la peur de la polémique. On recule pour ne pas avoir à résister. On est prêt à tout pour ne pas être traité de raciste, d’homophobe ou de sexiste, même si l’accusation est complètement calomnieuse et infondée.

A lire aussi: Race et religion, l’assignation à résidence

Le mépris de la réalité factuelle et objective peut aller très loin. Par exemple, en 2016, une grande chaîne de TV avait limogé Stéphane Édouard, un sociologue et consultant en relations humaines. Stéphane Edouard était accusé d’avoir dit « qu’il fallait dresser sa femme comme un cheval » et une pétition en ligne exigeant sa démission circulait. Or, il suffisait de regarder la vidéo où étaient tenus les propos incriminés pour se rendre compte que le sociologue ne faisait que citer des propos, propos qui n’étaient donc pas les siens et qu’il critiquait et condamnait avec la plus grande fermeté et la plus grande clarté. Pourtant la chaîne préféra se séparer du consultant.

D’une part, on commet l’erreur de penser qu’un activisme groupusculaire et hyper-minoritaire est en fait majoritaire (alors que la vraie majorité est silencieuse). Internet, les réseaux sociaux, la dictature de l’instant, fonctionnent comme une loupe grossissante en faveur des minorités agissantes, leur donnant un retentissement sans commune mesure avec leur puissance et leur influence réelles. Les activistes l’ont parfaitement compris et utilisent des méthodes de propagande et d’intimidation qui dissimulent leur faible poids. La veulerie et la lâcheté des élites fait le reste. D’autre part, on croit que le « bad buzz », l’impopularité et la polémique représentent le mal absolu alors que si on les affronte avec fermeté et refuse d’y céder, ils n’ont aucune conséquence à moyen terme. Lorsqu’on est en position de pouvoir, on doit garder ses nerfs, accepter d’être attaqué et d’affronter une impopularité passagère.

Le principal problème est donc notre esprit munichois. Aujourd’hui, nous vivons une succession de micro-Munich permanents. A force de mettre la poussière sous le tapis, à force de s’enfermer dans la culture du « pas-de-vague », on laisse l’adversaire progresser. Jusqu’à finalement être submergé par un Ttunami ?

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Immigration: le boom démographique algérien est devant nous

Alger, mars 2020 © TOUFIK-DOUDOU/PP AGENCY/SIPA Numéro de reportage: 00951801_000004

L’actuelle démographie algérienne et les difficultés d’intégration importantes de cette population (criminalité, très faible niveau de diplômés, chômage…) plaident pour que la France se libére des engagements exceptionnels contenus dans l’Accord Franco-Algérien (AFA) de 1968.


>>> Relire la première partie de l’article <<<

Bien qu’à un rythme ralenti après 1973, l’immigration des Algériens en France s’est poursuivie jusqu’à nos jours. L’estimation de leur nombre sur le territoire national fait l’objet de polémiques récurrentes. Le président algérien Abdelmadjid Tebboune déclare ainsi en 2020 que « près de 6 millions d’Algériens vivent en France »[tooltips content= »Entretien avec France 24, 4 juillet 2020 : https://www.youtube.com/watch?v=bw4gjBmnDVk »](1)[/tooltips]. Cette estimation, exagérée de toute évidence, révèle cependant comment les dirigeants d’Alger s’appliquent à utiliser la masse de la diaspora comme levier de pression dans leurs relations avec Paris.

Les données fiables en la matière sont rares et parcellaires, mais elles existent. L’INSEE nous apprend ainsi que les Algériens constituent la première cohorte immigrée (personnes nées étrangères à l’étranger) de France en 2019, avec 846 000 personnes[tooltips content= »INSEE, « Répartition des immigrés par groupe de pays de naissance » (consulté le 15/11/2020 : https://www.insee.fr/fr/statistiques/2381755″](2)[/tooltips]. Ce nombre ne se confond pas avec celui des nationaux algériens vivant en France, que l’on peut supposer plus élevé: certains d’entre eux sont nés sur le territoire français, tout en héritant de la nationalité de leur(s) parent(s) qu’ils ont conservée (avec ou sans bi-nationalité), ce qui les exclut du décompte des seuls « immigrés » – définis comme des personnes nées étrangères à l’étranger.

Taux de fécondité élevé

Un indice de l’ampleur plus large des populations concernées nous vient également de l’INSEE: en 2019, sur les 7,6 millions de personnes nées en France d’au moins un parent immigré (parfois dénommées « seconde génération »), 1,2 million étaient d’origine algérienne[tooltips content= »INSEE, Origine géographique des descendants d’immigrés (consulté le 15/11/2020) : https://www.insee.fr/fr/statistiques/4186761#tableau-figure1″](3)[/tooltips]. En ce qui concerne les petits-enfants d’immigrés algériens (« troisième génération »), la démographe Michèle Tribalat estimait leur nombre à 563 000 en 2011[tooltips content= »Michèle Tribalat, Une estimation des populations d’origine étrangère en France en 2011, 2015 : https://journals.openedition.org/eps/6073″](4)[/tooltips] – un volume ayant sans doute augmenté depuis dix ans.

En ajoutant ces chiffres à ceux des immigrés officiellement recensés et en écartant les immigrés clandestins – difficiles à dénombrer par nature –, on peut estimer que la diaspora algérienne en France représente 2,6 millions de personnes a minima. Sa croissance est représentée ci-dessous :

diaspora-algeriennePar ailleurs, le démographe François Héran – professeur au Collège de France – évalue que le taux de fécondité des immigrées algériennes vivant en France est de 3,6 enfants par femme, soit le double des femmes non-immigrées (1,8 enfant) et un taux supérieur à celui constaté en Algérie même (3 enfants).[tooltips content= »Entretien avec L’Opinion, 4 octobre 2019 : https://www.lopinion.fr/edition/politique/francois-heran-formule-grand-remplacement-se-propage-a-vitesse-lumiere-199430″](5)[/tooltips]

Des difficultés à l’intégration mesurables

De telles nombres ne vont pas sans poser de questions, en eux-mêmes comme au regard des difficultés d’intégration identifiées au sein cette population. Si ce dernier constat peine parfois à être quantifié, un faisceau d’éléments objectifs vient néanmoins l’appuyer :

  • Les Algériens constituaient la nationalité étrangère la plus représentée dans les prisons françaises en 2018, d’après la réponse officielle du Ministère de la Justice à une question du député Guillaume Larrivé[tooltips content= »https://www.lefigaro.fr/actualite-france/2018/02/16/01016-20180216ARTFIG00305-plus-d-un-detenu-sur-cinq-en-france-est-de-nationalite-etrangere.php »](6)[/tooltips] ;
  • 41,7% des Algériens de plus de 15 ans vivant en France étaient chômeurs ou inactifs (ni en emploi, ni en études, ni en retraite) en 2016, soit un taux trois fois plus élevé que celui des Français (14,2%)[tooltips content= »Ministère de l’Intérieur, « L’immigration en France, données du recensement 2017 » (consulté le 22/11/2020) : https://www.immigration.interieur.gouv.fr/Info-ressources/Actualites/Focus/L-immigration-en-France-donnees-du-recensement-2017″](7)[/tooltips] ;chomage-algeriens
  • Seuls 30,2% des Algériens de plus de 15 ans vivant en France étaient en emploi en 2016, contre 49,8% des ressortissants français[tooltips content= »Ministère de l’Intérieur, « L’immigration en France, données du recensement 2017 » (consulté le 22/11/2020) : https://www.immigration.interieur.gouv.fr/Info-ressources/Actualites/Focus/L-immigration-en-France-donnees-du-recensement-2017″](8)[/tooltips] ;
  • Le taux de chômage des hommes de 18-24 ans nés en France de parents immigrés d’Algérie atteignait 45,8% entre 2007 et 2009, soit le plus haut pourcentage parmi toutes les origines nationales d’après le Ministère de l’Intérieur. Ce taux était de 29,7% chez les femmes de même âge et origine[tooltips content= »« Le chômage des jeunes descendants d’immigrés », Infos Migrations – Ministère de l’Intérieur, mai 2011 (NB : données anciennes car rarement actualisées par le Ministère) : https://www.immigration.interieur.gouv.fr/Info-ressources/Etudes-et-statistiques/Themes/Accueil-integration/Le-chomage-des-jeunes-descendants-d-immigres »](9)[/tooltips];
  • 50% des ménages d’origine algérienne vivaient en HLM en 2017, soit trois fois plus que les ménages non-immigrés (13%)[tooltips content= »Ministère de l’Intérieur, Le logement des immigrés vivant en France en 2017 (consulté le 11/03/2021) : https://www.immigration.interieur.gouv.fr/Info-ressources/Actualites/Focus/Le-logement-des-immigres-vivant-en-France-en-2017″](10)[/tooltips] ;logement-algeriens
  • 24% des 20-35 ans enfants d’immigrés algériens n’étaient pas diplômés au-delà du brevet en 2008, soit deux fois plus que les 20-35 ans ni immigrés ni enfants d’immigrés (11%)[tooltips content= »INSEE, Immigrés et descendants d’immigrés en France, 2012 : https://www.insee.fr/fr/statistiques/1374016?sommaire=1374025″](11)[/tooltips] ;diplomes-algeriens
  • Seuls 12% des 20-35 ans enfants d’immigrés algériens étaient diplômés de l’enseignement supérieur long en 2008, soit deux fois moins que les 20-35 ans ni immigrés ni enfants d’immigrés (25%)[tooltips content= »INSEE, Immigrés et descendants d’immigrés en France, 2012 : https://www.insee.fr/fr/statistiques/1374016?sommaire=1374025″](12)[/tooltips] ;diplomes-sup-algeriens
  • 73% des enfants d’immigrés algériens déclaraient « accorder de l’importance à la religion » en 2016, soit trois fois plus que dans la population non-issue de l’immigration (24%), d’après l’enquête Trajectoires et Origines publiée par l’INED[tooltips content= »Chris BEAUCHEMIN, Christelle HAMEL, Patrick SIMON (sous la direction de), Trajectoires et Origines. Enquête sur la diversité des populations en France, INED Editions, 2016, 624 p. »](13)[/tooltips].

La vague migratoire est devant nous

L’opportunité du régime spécial d’immigration dont disposent toujours les Algériens mérite donc d’être discutée. Et cela d’autant plus que les tendances démographiques et économiques à l’œuvre en Algérie laissent prévoir une forte vague migratoire à venir. En 2018, d’après la Banque Mondiale 53% de la population algérienne avait moins de 30 ans ; 37% avait moins de 20 ans ; 22% avait moins de 10 ans[tooltips content= »Données de la Banque Mondiale, reprises sur le site de l’Université de Sherbrooke (consulté le 15/11/2020) : https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMPagePyramide?codePays=DZA&annee=2018″](14)[/tooltips].

Cette dynamique de natalité va en s’accélérant, avec plus d’un million de naissances par an ces quatre dernières années, au point que la presse algérienne évoque un « nouveau baby boom » qui risque d’entraver lourdement le redressement de l’économie[tooltips content= »« Plus d’un million de naissances par an : Une sérieuse entrave au redressement économique », Algérie-Eco, 8 mars 2020 (site consulté le 15/11/2020) : https://www.algerie-eco.com/2020/03/08/plus-million-naissances-an-serieuse-entrave-redressement-economique/ »](15)[/tooltips]. Le taux de chômage était déjà de 26,9% chez les 18-24 ans en mai 2019[tooltips content= »« Le taux de chômage atteint 11,4% en mai 2019 », Algérie-Eco, 29 décembre 2019 (site consulté le 15/11/2020) : https://www.algerie-eco.com/2019/12/29/taux-chomage-atteint-mai-2019/ »](16)[/tooltips]. L’économie algérienne pâtit de sa dépendance excessive à la production d’hydrocarbures, L’économie algérienne pâtit de sa dépendance excessive à la production d’hydrocarbures, dont ses réserves s’amenuisent et dont les prix volatiles ont baissés sur 10 ans[tooltips content= »Voir Ali MEBROUKINE, « L’économie algérienne en panne sèche », Slate.fr, 24 octobre 2019 (site consulté le 15/11/2020) : http://www.slate.fr/story/183288/algerie-crise-economique-politique-modele-rentier-petrole-importations-diversification-production »](17)[/tooltips].

pyramide-age-algerie-2018Il est probable que l’émigration vers la France apparaîtra de plus en plus comme une solution pour nombre de jeunes Algériens. Elle pourrait être encouragée par le gouvernement algérien lui-même, qui y verrait un mode de régulation de ses déséquilibres intérieurs. Dès 1966 et devant les promesses non-tenues de l’indépendance, Alger avait déjà réclamé de la France « l’entrée d’un contingent annuel de 50 000 ouvriers de 1967 à 1975 » afin de résorber ses 3,5 millions de chômeurs[tooltips content= »Daniel LEFEUVRE, op. cit. »](18)[/tooltips].

Très faible collaboration d’Alger avec les autorités françaises

Cet encouragement du gouvernement algérien à l’émigration vers la France se manifeste notamment par sa très faible coopération dans le renvoi des clandestins présents sur notre territoire, particulièrement dans la délivrance des laissez-passer consulaires (LPC) – nécessaires pour que l’étranger en situation irrégulière soit effectivement reconduit dans son pays. Dans un récent entretien donné à l’Observatoire de l’immigration et de la démographie, l’ancien préfet Michel Auboin rappelait ainsi qu’en 2018, sur 13 900 mesures de reconduite à la frontière vers l’Algérie, seuls 1 800 éloignements avaient pu être effectués.

De tels constats rendent nécessaire de revoir entièrement le droit en vigueur.

Six décennies après les accords d’Evian, l’Algérie est une nation pleinement indépendante et souveraine. La page de la décolonisation est tournée. Les justifications associées à ces règles d’exception ont désormais disparu. La France doit se libérer des engagements exceptionnels contenus dans l’AFA. Elle peut essayer de le faire par la voie de la négociation avec Alger. Une tentative de modification restrictive de l’accord en vigueur a été menée en 2012, mais s’est heurtée au refus des autorités algériennes. Si ce blocage devait persister, l’éventualité d’une dénonciation unilatérale devrait être envisagée.

Une proposition de loi en ce sens a été déposée à l’Assemblée nationale en avril 2018, dans le cadre de l’examen du projet de loi « Immigration maîtrisée, droit d’asile effectif et intégration réussie » ; elle fut rejetée par la majorité des députés. Sans mésestimer les difficultés diplomatiques qui pourraient naître d’une telle décision, celle-ci semble s’imposer tant au regard de l’intérêt national que du principe d’égalité.

Le certificat de résidence Algérien serait alors supprimé. L’immigration algérienne serait régie par les mêmes normes applicables aux autres nationalités non-européennes, et concernée par les mêmes réformes à entreprendre.

>>> Retrouvez l’intégralité des articles de l’Observatoire sur leur site http://observatoire-immigration.fr <<<

 

[1] Entretien avec France 24, 4 juillet 2020 : https://www.youtube.com/watch?v=bw4gjBmnDVk

[2] INSEE, « Répartition des immigrés par groupe de pays de naissance » (consulté le 15/11/2020 : https://www.insee.fr/fr/statistiques/2381755

[3]  INSEE, Origine géographique des descendants d’immigrés (consulté le 15/11/2020) : https://www.insee.fr/fr/statistiques/4186761#tableau-figure1

[4] Michèle Tribalat, Une estimation des populations d’origine étrangère en France en 2011, 2015 :   https://journals.openedition.org/eps/6073

[5] Entretien avec L’Opinion, 4 octobre 2019 : https://www.lopinion.fr/edition/politique/francois-heran-formule-grand-remplacement-se-propage-a-vitesse-lumiere-199430

[6] https://www.lefigaro.fr/actualite-france/2018/02/16/01016-20180216ARTFIG00305-plus-d-un-detenu-sur-cinq-en-france-est-de-nationalite-etrangere.php

[7] Ministère de l’Intérieur, « L’immigration en France, données du recensement 2017 » (consulté le 22/11/2020) :

https://www.immigration.interieur.gouv.fr/Info-ressources/Actualites/Focus/L-immigration-en-France-donnees-du-recensement-2017

[8] Ministère de l’Intérieur, « L’immigration en France, données du recensement 2017 » (consulté le 22/11/2020) :

https://www.immigration.interieur.gouv.fr/Info-ressources/Actualites/Focus/L-immigration-en-France-donnees-du-recensement-2017

[9] « Le chômage des jeunes descendants d’immigrés », Infos Migrations – Ministère de l’Intérieur, mai 2011 (NB : données anciennes car rarement actualisées par le Ministère) : https://www.immigration.interieur.gouv.fr/Info-ressources/Etudes-et-statistiques/Themes/Accueil-integration/Le-chomage-des-jeunes-descendants-d-immigres

[10] Ministère de l’Intérieur, Le logement des immigrés vivant en France en 2017 (consulté le 11/03/2021) : https://www.immigration.interieur.gouv.fr/Info-ressources/Actualites/Focus/Le-logement-des-immigres-vivant-en-France-en-2017

[11] INSEE, Immigrés et descendants d’immigrés en France, 2012 : https://www.insee.fr/fr/statistiques/1374016?sommaire=1374025

[12] INSEE, Immigrés et descendants d’immigrés en France, 2012 : https://www.insee.fr/fr/statistiques/1374016?sommaire=1374025

[13] Chris BEAUCHEMIN, Christelle HAMEL, Patrick SIMON (sous la direction de), Trajectoires et Origines. Enquête sur la diversité des populations en France, INED Editions, 2016, 624 p.

[14] Données de la Banque Mondiale, reprises sur le site de l’Université de Sherbrooke (consulté le 15/11/2020) : https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMPagePyramide?codePays=DZA&annee=2018

[15] « Plus d’un million de naissances par an : Une sérieuse entrave au redressement économique », Algérie-Eco, 8 mars 2020 (site consulté le 15/11/2020) : https://www.algerie-eco.com/2020/03/08/plus-million-naissances-an-serieuse-entrave-redressement-economique/

[16] « Le taux de chômage atteint 11,4% en mai 2019 », Algérie-Eco, 29 décembre 2019 (site consulté le 15/11/2020) : https://www.algerie-eco.com/2019/12/29/taux-chomage-atteint-mai-2019/

[17] Voir Ali MEBROUKINE, « L’économie algérienne en panne sèche », Slate.fr, 24 octobre 2019 (site consulté le 15/11/2020) : http://www.slate.fr/story/183288/algerie-crise-economique-politique-modele-rentier-petrole-importations-diversification-production

[18] Daniel LEFEUVRE, op. cit.

Je ne suis ni réactionnaire, ni naïf!

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David Lisnard © Mairie de Cannes

Grand entretien avec le maire de Cannes (LR) David Lisnard


David Lisnard est l’homme qui monte à droite. Mieux, il est celui dont on écoute les analyses. Sa tribune musclée sur l’obésité et l’inefficacité de l’État a impressionné les barons LR, de Sarkozy à Fillon. Car Lisnard ne se contente pas de critiquer, il propose et ne manque ni d’idées ni de convictions. Très confortablement réélu maire de Cannes (88% au premier tour), David Lisnard coche toutes les cases pour attirer l’attention. Et contrairement à d’autres figures à droite, difficile d’accuser cet épicurien non conformiste, fan des Ramones ou des Clash, du délit de « veste matelassée »… Et si David Lisnard, outsider improbable, refaisait le coup de Macron en 2022 ? Nous lui avons posé franchement la question. Entretien.

David Angevin. La folie bureaucratique française que vous avez dénoncée dans le FigaroVox ne date pas d’hier. S’est-elle amplifiée sous Emmanuel Macron?

David Lisnard. Avec la crise sanitaire, la réponse de l’État a confirmé jusqu’à l’absurde les excès de la bureaucratie. Il y a eu pénurie de ce qui est essentiel (masques, tests, vaccins…) et une spirale administrative infernale de normes, de contraintes, et de privations de liberté. L’État obèse a entravé et ralentit les initiatives, quand les circonstances exigeaient rapidité et simplicité. Tout semble fait pour infantiliser les Français, empêcher les initiatives, et enkyster la société. L’État doit s’alléger, se concentrer sur le régalien pour plus d’efficacité, mais l’inverse se produit : on ajoute sans cesse des couches au mille-feuille. Jean Castex a annoncé l’invention de « sous-préfets à la relance » qui seront déployés sur les territoires, pour expliquer aux entrepreneurs comment faire leur boulot… Des sous-préfets à la relance qui seront eux-mêmes en concurrence avec les préfets et sous-préfets déjà en place, qui apprennent souvent les décisions du gouvernement par la presse… Nous avons besoin exactement du contraire : un État fort sur le régalien, léger, efficace, agile.

Lisnard candidat de la droite aux présidentielles, est-ce envisageable ?

Je ne me pose pas la question. Il serait ridicule d’afficher cette ambition, car je ne suis pas très connu. En revanche l’écho de cette tribune, et les réactions positives aux idées que je défends me poussent à continuer. Je vais le faire en proposant dans les prochains mois une plateforme programmatique sur quelques thèmes prioritaires. Et nous sortons mi-avril avec Christophe Tardieu un livre, La culture nous sauvera, sujet qui prend une résonnance particulière dans le contexte actuel.

Vous avez fait de Cannes un laboratoire en matière d’EAC — éducation artistique et culturelle— , et vous multipliez les initiatives pour combler les lacunes de l’Education nationale. Cela marche-t-il ?

L’éducation et la culture sont les clés de la réussite et de l’intégration dans la société. Quand Najat Vallaud-Belkacem a supprimé l’enseignement du grec et latin, en 2015 — énorme bêtise — je suis allé chercher deux profs pour faire de l’initiation en grec et latin (l’éducation nationale interdit d’utiliser le mot cours) de la maternelle jusqu’au CM2. Elles font le tour des établissements sur le temps périscolaire, et ça rencontre un large succès. Nous avons financé la même chose avec la philosophie dans nos écoles primaires. Un professeur passe une heure avec une classe, et travaille sur un thème. Pendant 20 minutes il explique un concept, par exemple le bonheur, la vérité ou la mort. Suivent 20 minutes de débat, de questions. Puis il termine par 20 minutes de bilan avec les enfants. J’ai assisté à certains modules, c’est formidable, y compris avec les plus jeunes. Il faut apprendre dès le plus jeune âge à exercer la raison critique, à décoder le monde, et non pas à coder de l’informatique !  L’intelligence artificielle fera cela mieux que nous dans un futur très proche.

« L’éducation artistique et culturelle, arme de liberté, d’égalité et de fraternité massive » est le slogan de cette politique. On pourrait vous taxer de naïf !

Avec la culture, chacun peut se créer un capital qui lui appartient et lui sert toute la vie. Ce projet est un vecteur de développement personnel, mais il s’agit aussi d’un ciment social.

Je suis inquiet et exaspéré par le rapport des enfants au smartphone et aux écrans

Découvrir la musique classique, apprendre une discipline, jouer dans une pièce de théâtre, d’un instrument en groupe… c’est une émancipation qui permet d’échapper au déterminisme social à la fois par l’effort qui élève et le plaisir émotionnel. Notre but n’est pas de faire des enfants des génies de la musique ou du théâtre, mais avant tout des citoyens, bien dans leur peau, heureux, qui apprennent à travailler en groupe, qui se réalisent dans un sentiment d’appartenance à un même projet et une même culture.

Vous réfléchissez à la création d’une « école du futur », expérimentale. Que reprochez-vous aux écoles classiques ?

Je vais le proposer à l’Éducation nationale, qui risque de dire non… mais je vais le faire quand même. Le défi, c’est de donner aux enfants les clés pour devenir des êtres libres, créatifs, avec une bonne culture générale, un sens critique développé, la capacité à écrire, à s’exprimer en public, à débattre, à travailler en groupe, etc. Il s’agit de favoriser les « soft skills », les «compétences douces ». L’école telle qu’on la connaît n’apprend pas la confiance en soi, l’intelligence émotionnelle, toutes ces aptitudes comportementales, transversales et humaines, qui dans le futur permettront aux jeunes de trouver leur place, à côté des algorithmes et de la robotique qui vont bouleverser le marché du travail. Or, la France n’anticipe pas du tout le changement de monde qui se prépare, sans vision à long terme. Nous continuons à former des jeunes à des métiers automatisables qui vont disparaître, ce qui est inadmissible. Autre problème, le contenu pédagogique. Je suis un parent comme les autres : quand je regarde les livres de cours ou les enseignements de mon fils en CM2, je suis parfois sidéré par ce qu’on propose aux enfants. Un prêchi-prêcha sur l’urgence climatique, les luttes intersectionelles, les transgenres, les cis, les combats LGBTQ+… Je n’ai aucun problème avec l’identité sexuelle des uns et des autres, mais qu’on cesse cet endoctrinement militant ! Pendant ce temps, nos enfants ne font plus de rédaction. À dix ans, apprendre à écrire correctement me semble pourtant plus essentiel que subir ce bourrage de crâne idéologique.

L’Education nationale, plus gros budget de l’Etat avec 55 milliards d’euros, ne brille pas par ses résultats. L’écart de niveau en français entre une copie des années soixante-dix et aujourd’hui est assez terrifiant…

En plus de succomber aux sujets militants à la mode, malgré les efforts de certains enseignants, inspecteurs et recteurs, l’Éducation nationale abandonne l’apprentissage des fondamentaux et la rigueur. Quand j’entends parler nos ados, y compris les filles, et qu’on regarde comment ils écrivent, on constate l’ampleur de l’échec : langage tribal, grossier…

L’islamo-gauchisme est une réalité indéniable

Ne restons pas les bras croisés devant cet échec, alors que des solutions simples et de bon sens existent. D’autres démocraties y parviennent.

Tout est-il imputable à l’école ? Michel Desmurget expose ce que chacun constate dans La Fabrique du crétin digital : l’impact négatif terrifiant du smarphone, des réseaux sociaux, des écrans en général, qui tuent la culture livresque…

Bien entendu. Je suis, comme tous les parents de France, inquiet et exaspéré par le rapport des enfants au smartphone et aux écrans. Heureusement, mes enfants comme tant d’autres ont compris qu’il faut faire des efforts, que dans la vie rien ne vient sans travail. Une étude évalue à 30 minutes le temps maximum d’exposition aux écrans au-delà duquel apparaît une menace pour la santé mentale. Or, dès deux ans, un enfant occidental passe en moyenne 3 heures par jour devant un écran. Entre 8 et 12 ans, c’est 4h45 par jour ! Entre 13 et 18 ans, on passe à 6h45 ! Il y a de quoi se poser des questions. Bien entendu, le smartphone est aussi un outil formidable, qui a démocratisé l’accès à la connaissance partout dans le monde. In fine, l’omniprésence du smartphone dans le vie des jeunes rend encore plus nécessaire l’apprentissage classique des savoirs. Ce n’est pas pour rien si les élites de la Silicon Valley placent leurs enfants dans des écoles sans écrans.

Lisnard-Portrait
Comment décririez-vous l’échiquier politique, qui a volé en éclats avec l’élection d’Emmanuel Macron ?

Il y a trois pôles politiques dominants. D’abord le pôle Macron: il a tous les pouvoirs, une présence médiatique énorme, en particulier depuis la crise sanitaire. Emmanuel Macron pratique la grandiloquence, souvent de façon théâtrale, et adapte son discours en fonction de ses interlocuteurs. Son Premier ministre semble dépassé et l’exécutif n’exécute pas grand chose. Le « en-même-tempstisme » poussé à son paroxysme, c’est la question du nucléaire: à lui de défendre le nucléaire, indispensable à notre pays, à sa ministre Pompili de fermer nos centrales pour racoler chez les verts… Le « en-même-tempstisme », c’est laisser ses courageux ministres Blanquer et Vidal seuls au front, se faire critiquer par un collègue ministre, alors qu’ils dénoncent l’islamo-gauchisme qui est une réalité indéniable. La manière du président de ne pas prendre position clairement est une façon de segmenter, de faire du marketing électoral.

Deuxième pôle puissant: Le Pen.

Et enfin le pôle Mélenchon et les autres mouvements d’extrême gauche.

Ces trois pôles sont magnétiques dans le théâtre médiatique. Les partis dits de gouvernements, modérés, LR et PS, sont souvent inaudibles, alors que LR est le premier mouvement de France d’élus locaux. Ces trois pôles attirent ou repoussent les électeurs jadis modérés. J’observe une forte radicalisation: on voit des électeurs de droite modérés qui ont voté Macron et qui, déçus, sont prêts à tenter l’aventure Le Pen dont ils n’ont plus peur. Ils vous disent « Le Pen est incompétente, mais au moins elle fera un peu le ménage. Un peu comme Trump qui a secoué le cocotier politique ». C’est peut-être moins vrai avec l’électorat qui possède de l’épargne et ne veut pas risquer un effondrement de l’euro avec l’élection de Le Pen. Idem à gauche, avec des électeurs socialistes perdus, dont certains tentent l’aventure de l’extrême gauche en réaction à l’échec humiliant de Hollande. Faute d’un leader et d’un projet, ils sont prêts à l’aventure avec les verts et Mélenchon. Nous avons un échiquier politique instable, dangereux, dans lequel la raison, la rationalité, les valeurs de la France n’ont plus beaucoup de place. In fine, ces trois pôles sont vides de sens. Ce sont des radis creux idéologiques.

Comment redynamiser la droite, qui est aujourd’hui aussi inaudible que ce qu’on appelait « la gauche de gouvernement », feu le PS, dissous dans la sociale-écologie?

La droite classique, celle du conservatisme libéral, a du mal à exister dans ce schéma à trois pôles qui se renforcent mutuellement. En se droitisant un peu, du moins dans les discours, Macron a fait du mal à LR. Le Pen est plus haute que jamais sans avoir à bouger le petit doigt, et siphonne aussi de son côté. Il reste peu de place à la droite pour exister dans cette configuration et pourtant je ressens qu’une offre claire, crédible sur le redressement du pays, peut être majoritaire. Parallèlement, il existe aussi à gauche un très vaste espace ! Je pense qu’une politique rationnelle, une politique d’intérêt général dont la France a besoin, peut germer dans ces espaces en jachère et redonner du sens à l’ensemble de l’échiquier politique. L’islamo-gauchisme, les verts, la « cancel culture », le wokisme, le populisme d’extrême gauche, les anti 5G, anti vaccins, etc… ces militants buyants ont dévoré la gauche alors qu’ils sont ultra-minoritaires. La gauche républicaine est devenue encore plus inaudible que la droite en cédant à ce grand n’importe quoi. Ces démagogues sont puissants grâce aux médias. Je l’ai vécu quand j’ai été le premier maire à prendre un arrêté municipal contre le burkini pour régler des problèmes d’ordre public sur les plages de Cannes après l’attentat de Nice. J’ai vu ce qu’était cette machine à broyer islamo-gauchiste. C’était terrible : dénigrement permanent, menaces, mensonges, articles diffamatoires, trolls des réseaux sociaux… Il faut être solide et ne pas reculer.

L’État, qui semble bien démuni et timoré, peut-il encore résorber la fracture philosophique entre universalistes et racialistes ?

L’État doit évidemment sanctionner les actes de discrimination et de racisme quand ils existent. Heureusement, tous les enfants de l’immigration ne veulent pas une étiquette de victime sur le front, mais veulent l’égalité des chances et exister dans une identité plus riche qu’une simple origine. L’État doit aussi favoriser la transmission d’un patrimoine commun, par la culture et l’éducation, de ce qui fait la richesse de la France. Un pays n’est pas neutre spirituellement. La France, c’est un mode de vie, les grandes œuvres de l’esprit, une langue, un héritage qui est un substrat issu de la logique aristotélicienne, du droit romain, et donc du rapport à l’écrit, à la langue latine. La France c’est la culture judéo-chrétienne, qui a inventé notre civilisation, qui a créé cette notion de dignité humaine, dont d’ailleurs résulte l’abolition de l’esclavage. La notion de dignité individuelle n’existait pas chez les Grecs et les romains. Je me reconnais totalement dans les mots d’Ernest Renan sur la Nation. C’est limpide : « Les hommes sentent dans leur cœur qu’ils sont un même peuple lorsqu’ils ont une communauté d’idées, d’intérêts, d’affections, de souvenirs et d’espérances. La nation est une âme, un principe spirituel. Deux choses qui, à vrai dire, n’en font qu’une, constituent cette âme, ce principe spirituel. L’une est dans le passé, l’autre dans le présent. L’une est la possession en commun d’un riche legs de souvenirs ; l’autre est le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu ».

Nous devons être des transmetteurs, car sans racines, nous ne sommes rien. Hannah Arendt a écrit une chose capitale : « C’est dans le vide de la pensée que s’inscrit le mal ».

Or aujourd’hui nous nageons dans le vide qui résulte de la deconstruction relativiste et qui débouche sur une forme de nihilisme. Si les islamistes sont forts, c’est parce que nous sommes devenus faibles dans notre capacité à faire nation, dans notre capacité à transmettre l’héritage des Lumières, à être fiers d’être Français, quels que soient nos parcours, notre condition et nos origines. Je ne suis ni réactionnaire, ni naïf, mais il n’existe autre moyen que l’éducation et la culture pour relever ce défi.

La France, et l’Europe, sont largués dans les nouvelles technologies numériques. On parle de « grand déclassement » économique. Comment éviter que la France ne devienne le « Kodak des nations » ?

La France, et l’Europe, ne peuvent pas renoncer plus longtemps à être une puissance, à la hauteur de la Chine et des Etats-Unis. Or l’Europe est aujourd’hui une colonie numérique qui renonce à la compétition dans les secteurs de croissance de demain: intelligence artificielle, biotechnologies, nanotechnologies, robotique, numérique au sens large… Nous vivons une période formidable et enthousiasmante car ces technologies vont changer le monde potentiellement de façon positive dans tous les domaines — santé, écologie, fin de la pénibilité au travail, etc— , au point qu’on peut parler d’une nouvelle « Renaissance », ou d’une nouvelle Révolution industrielle. Nous avons des raisons d’être optimistes pour la France, pour l’emploi, pour notre prospérité, si nous devenons les acteurs de ces révolutions. Or, pour le moment, le futur s’invente ailleurs, sans nous, dans la Silicon Valley et dans la zone Asie-Pacifique, Chine, Corée et Japon.

Le « transhumanisme », la philosophie des géants du numérique, consiste à utiliser toute la puissance des technologies pour faire reculer la mort, vous fait-elle peur ?

« Science sans conscience n’est que ruine de l’âme » , nous a appris Rabelais. Sortir de cet humanisme par la tentation prométhéenne absolue que recèle le transhumanisme constitue bien sûr un danger. Mais rien ne serait pire que de subir la révolution qui a commencé et qui va tant apporter. Tout au long de son histoire, l’homme a toujours essayé, par le biais du progrès technique, de moins souffrir, de moins vieillir, de se faciliter la vie, de l’invention de la roue à l’avion. Il n’y a rien de nouveau dans cette quête légitime. L’espérance de vie en bonne santé a progressé considérablement grâce aux sciences. La nouveauté, c’est que les outils actuels — IA, génomique — sont bien plus puissants, et connaissent une croissance exponentielle. Nous sommes encore à l’âge de pierre du numérique, pas à sa maturité. Et déjà l’intelligence artificielle prend une place considérable en médecine, et va permettre de soigner des maladies jusqu’ici incurables, comme les cancers. Personne ne va s’en plaindre ! Mais cet outil, comme tous les outils, peut aussi être utilisé avec la même puissance symétrique à des fins négatives. C’est pourquoi la France et l’Europe doivent être acteurs, et non pas spectateurs de cette révolution encore embryionnaire, pour peser sur la régulation éthique des futures applications. L’augmentation des capacités de l’homme par les implants et la génétique est un sujet majeur dont on doit enfin débattre, au-délà du cercle circonscrit des spécialistes de l’éthique. Ce sont des sujets éminemment politiques, philosophiques, économiques, qui concernent chaque citoyen.

Vous militez pour une DARPA à l’échelle européenne, la structure de recherche publique américaine à l’origine de nombreuses inventions (dont internet ou le GPS), qui expliquent l’hégémonie techno américaine, et de son bras armé économique les GAFAM…

Il est indispensable d’investir massivement dans une structure de ce type en lien avec la société civile. Nos décideurs n’ont rien vu venir du tsunami numérique à la fin 90-2000. Conséquence, la France, et l’Europe, ne pèsent pas suffisement face aux géants du Net, les GAFAM américains et les BATX chinois. Dans cette période de changement ultra rapide, faire de la politique ce n’est plus seulement bien gérer le présent, c’est anticiper l’avenir, comme savent le faire ces entreprises. Notre souveraineté et notre prospérité futures passeront par des investissements à la hauteur dans les technologies de rupture : intelligence artificielle, robotique, biotechnologies, nanotechnologies, impression 3D, etc…

Le maire de Cannes David Lisnard présente un bus témoin de son agglomération à la presse, avril 2020 © Lionel Urman/SIPA Numéro de reportage: 00959290_000016
Le maire de Cannes David Lisnard présente un bus témoin de son agglomération à la presse, avril 2020 © Lionel Urman/SIPA
Numéro de reportage: 00959290_000016

La crise du Covid a encore accentué notre dépendance aux géants américains du Net, on l’a vu avec Amazon, « Teams » de Microsoft, le boom de Netflix, etc…

D’abord il y a urgence à réguler ces géants, mais rien ne bouge. Réguler, ce n’est pas seulement taxer ces entreprises, pour qu’elles payent leurs impôts en France, c’est aussi l’équité. Je suis pour peu de règles, mais des règles appliquées qui assurent l’équité dans la compétition internationale. Ce qui passe par la réciprocité dans les accords. Ensuite, et c’est capital, il est vain de critiquer ces entreprises sans chercher à les concurrencer. Pourquoi Apple emporte tout avec ses produits ? Parce qu’il y a alliance de l’esthétique, de la qualité, de la facilité d’utilisation, ofrant une expérience utilisateur optimale. N’en déplaise à ceux qui critiquent, la vision de Steve Jobs était la bonne. Même chose pour Google et les autres géants de la Tech. Quand le service est bon, ça marche. Personne ne force les clients à commander sur Amazon. Il faut donc éviter deux travers avec ces géants, les GAFAM américains, et les BATX chinois. Un, les haïr systématiquement sans regarder ce qu’ils apportent. Et deux, se soumettre avec fatalisme à leur toute-puissance, comme si les réguler – y compris par les lois anti trusts – et les concurrencer n’était pas possible. Ces plateformes sont fortes de nos renoncements et avant tout de nos faiblesses créatives, entrepreneuriales et capitalistiques. Dans la Silicon Valley, ils ont les trois. Ils transforment leurs bonnes idées en factures, ce que nous ne savons plus suffisamment faire.

Sur le sujet du réchauffement climatique ce sont les extrémistes qui ont le monopole de la parole

La France a pourtant tous les ingrédients pour devenir un Eldorado de prospérité. Nous avons une jeunesse tonique, des entrepreneurs et des chercheurs remarquables, et une culture et des valeurs typiquement françaises, contrairement à ce qu’avait affirmé le Président de la République. Notre problème majeur, c’est la structure capitalistique. On a du financement bancaire pour créer de petites entreprises, on a les grandes entreprises du CAC 40, mais entre les deux c’est un peu le désert… Les ETI et les start-up les plus brillantes galèrent pour trouver de l’argent et décoller. Beaucoup partent à l’étranger. Ou sont rachetés.

Il nous manque des fonds d’investissement puissants pour exister à l’échelle européenne et mondiale.

Autre enjeu mondial: la lutte contre le dérèglement climatique. La décroissance est-elle une solution?

La lutte contre le réchauffement climatique et la biodiversité sont des enjeux majeurs.

Malheureusement, sur ces sujets encore, ce sont les extrémistes qui ont le monopole de la parole. L’écologie est un sujet transpartisan, qui n’a rien à voir avec l’extrême gauche, et la décroissance ne résoudrait rien. Je suis atterré de voir une ado déscolarisée, Greta Thunberg, politiquement manipulée, visiblement fragile sur le plan psy, accueillie à l’Assemblée Nationale comme si c’était le messie. C’est fou ! Je suis abasourdi par le discours malthusianisme des « effondristes » écolo, qui veulent tout interdire, y compris la science, le progrès. Seule la recherche et l’innovation nous permettront de lutter efficacement contre les émissions de CO2. En attendant des technologies révolutionnaires, nous avons le nucléaire, qui permet de produire en masse sans émission de CO2. L’idéologie écologiste, qui pousse à rouvrir les centrales à charbon ultra-polluantes est un bel exemple « d’écocide », comme ils disent.

A quoi pourrait ressembler une bonne politique écolo, loin des délires collapso-marxistes EELV, applicable sans tuer l’économie et brider nos libertés ?

En passant, EELV n’a pas le monopole des propositions farfelues. Madame Pompili, ministre du gouvernement Macron, a cette ambition délirante: nous faire « changer de civilisation ». Rien de moins ! Aux dernières nouvelles, les Français n’ont pas donné mandat au président pour cela. Ce n’était pas dans son programme. Cette volonté révèle une pensée très dangereuse et liberticide.

Par ailleurs, la gauche dans son ensemble soutient une écologie qui nous mène droit dans le mur. Celui d’une idéologie de culpabilité, sclérosante et triste. La politique écologique peut et doit résoudre les problèmes environnementaux par la science et l’énergie créative de l’homme. Mettre des copeaux de bois dans les cours d’école, et transformer Paris en ZAD géante ne résoudra rien. La France doit miser sur la R&D, publique et privée, sur toutes les technologies permettant de lutter contre le réchauffement climatique d’origine anthropique, les émissions de particules fines, et pour la préservation de la biodiversité. Nous avons raté les premières étapes de la troisième révolution industrielle avec le numérique. Ne ratons la révolution de « l’écologie sociale de marché », pour reprendre la très simple et bonne expression du député Jean-Louis Thiériot. Pour finir, et c’est essentiel, une écologie qui enlaidit la France n’est pas une écologie. Les éoliennes transforment nos paysages naturels en zone industrielle. N’oublions pas que la finalité est la qualité de vie, et que celle-ci passe par la beauté et la poésie des espaces. Nous devons par ailleurs cesser de gaspiller l’espace avec les centres commerciaux hideux de périphérie urbaine, qui enlaidissent, imperméabilisent les sols, et réduisent les terres agricoles.

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