Comment ne pas être séduit par la rêverie macabre de Huysmans qui suggère dans En Rade de conserver l’être décédé dans une fiole dont on ne perdrait ainsi jamais le parfum? Pour la première fois, le cher disparu sentirait bon. Peut-être même en viendrait-on à le regretter.
Huysmans encore. Comme Baudelaire, il célèbre « la froide majesté de la femme stérile », admirable d’être indemne du cycle de la reproduction. Louise Brooks était fière qu’on l’appelle « Brooksie la stérile ».
Sont-ils nombreux à penser qu’il vaut mieux éviter a priori la vie pour n’avoir pas à préférer la mort a posteriori? Les enfants que nous n’avons pas eus ne sauront jamais le bonheur qu’ils nous doivent.
Les hommes se paient le corps des femmes et ces dernières se paient la tête des hommes. C’est ce que j’appelle un échange de bons procédés.
Se marier, c’est choisir la personne que l’on haïra après trois ans. Cette règle souffre des exceptions, ce qui est fort injuste et incompréhensible de surcroît.
C’est un conseil que j’ai retenu de Cioran: si un écrivain ne nous irritait pas à tout moment, aurions-nous encore la patience de le lire?
Sommes-nous capables d’aimer vraiment les êtres avant qu’ils n’aient l’élégance de mourir?
Il m’est arrivé qu’on me mette en garde contre la tentation de faire du Cioran. Quand je lui en avais parlé, il avait éclaté de rire tant il trouvait ce reproche de mimétisme absurde. Entre amis, m’avait-il dit, on s’imite, on se pille, sans que cela n’ait aucune importance. C’est même cela l’amitié, avait-il ajouté.
Ce conseil d’un ami: pour ton suicide, choisis ta date d’anniversaire afin de faire un compte rond.
Si j’y réfléchis, j’aurai passé ma vie à cultiver le genre à la fois futile et funèbre.
Et pour conclure cette anecdote qui n’est pas dans l’air du temps. À Job qui n’arrête pas de poser des questions à Dieu, lui demandant pourquoi il le fait tant souffrir, Dieu un jour a daigné répondre, et la réponse fut brève: « Parce que tu m’emmerdes ». C’était le temps béni où Dieu pouvait encore dire ce qu’il pensait….
Henri Calet, préfacé par Joseph Ponthus, montre que les écrivains non-alignés résistent mieux au temps…
En littérature comme en sport, je n’aime que les perdants. Heureux soient les oubliés des manuels d’école ! Ceux que l’Histoire fait mine de ne pas reconnaître sur le moment et qui pourtant, longtemps après, continuent à sédimenter nos bibliothèques. Sans eux, nos étagères seraient bien bancales. Nous avons appris à mal vivre dans leurs livres. Il y a un signe qui ne trompe pas pour justement reconnaître ces indispensables invisibles des lettres. Un signe infaillible, une boussole qui ne perd jamais le nord, moins l’université s’intéresse à eux, plus leur aura se propagera chez les lecteurs sincères et désordonnés.
S’ils ne font l’objet d’aucun colloque scientifique ou études paritaires, leur dissidence est le gage d’une qualité supérieure. Comment expliquer ce mauvais goût qui se répète à chaque génération pour les penseurs pesants et les romanciers plâtriers ? Une constante pour le consternant et le lourdaud, l’explicatif et le glaiseux, l’éthéré et le fadasse. Face à la légèreté, l’ironie douce et le désengagement, les bons élèves perdent tous leurs repères. Ils ont l’équilibre fragile.
La littérature n’est pas un médicament ni un tuteur
Pour ces esprits compacts, enclins à enfoncer toujours les mêmes portes, il faut du solide, du nobelisé, du statutaire, du sérieux qui en impose. Du validé par les institutions et les médias complices. Ces pauvres enfants veulent lire pour comprendre le monde, se raccrocher aux branches de la connaissance, se reposer sur des diplômes et des concours administratifs. Il n’y a rien à comprendre, chers escholiers. La littérature n’est pas un médicament ou un tuteur. Elle ne devrait pas s’enseigner, elle a trop à perdre à s’allonger sur le divan des facultés. Ce n’est pas un module pour étudiants zoomers ou une patine de culture générale pour boomers, c’est un cri qui vient de l’intérieur.
De ces choses inutiles et fondatrices qui ne servent à rien. On les conserve pieusement auprès de soi. On a parfois du mal à les avouer en public. Il y a une forme d’indécence à parler de ses écrivains fétiches comme de ses relations amoureuses. L’exclusivité du lien qui unit le lecteur et l’auteur ne se découpe pas en fiches synthétiques. Le cadavre de la littérature peut se passer des soins palliatifs des professeurs-légistes, qu’on le laisse reposer en paix. C’est pourquoi je ne me considère pas comme un critique classique car j’ai toujours une très forte réticence à partager mes goûts comme s’il y avait violation de mon espace intime. J’aime l’idée, un peu romantique et aristocratique, d’entretenir le secret des livres. Le danger de cette posture-là est de laisser la littérature dans les mains des maîtres et/ou des marchands, ils vont de pair. Ce sont les deux faces d’une même pièce, celle d’une nation qui se vautre dans les fausses gloires et le style poussif. Alors, je prends ma plume pour défendre, une fois encore, les réfractaires de l’édition, ceux qui n’ont droit qu’aux miettes de la célébrité et dont la mémoire est entretenue par une poignée de fidèles.
Flibustiers et orpailleurs
En lisant la préface de Je ne sais écrire que ma vie de Henri Calet qui vient de paraître aux Presses universitaires de Lyon, je suis tombé sur cette phrase posthume de Joseph Ponthus mort à 42 ans le 24 février dernier et qui a connu un immense succès avec A la ligne, traduit en une vingtaine de langues : « Je dois avoir une vingtaine d’années et commence à m’aventurer un peu plus loin que mes grands classiques. Je découvre Guilloux, Fallet, Blondin, Nimier, Dabit ou d’autres, autant de « petits maîtres » de la littérature française du XXe siècle qu’on oublie un peu trop, hélas, qu’on ne lit et dont on ne parle plus guère, sinon entre initiés, confidents ou amis ». Ces quelques mots, les derniers peut-être, d’un écrivain prometteur qui nous a quittés si jeune, m’ont ému. Sans le connaître, nous étions de cette famille élargie qui aime les flibustiers et les orpailleurs. Ces « petits maîtres » sont des guides indisciplinés, des noyauteurs de bonheur, de grands fauves du pavé. De ces écrivains en marge qui ont payé, soit leur passé politique, leur mauvais caractère, leur absence de pathos, leur côté Clochemerle ou leur haine des meutes, il n’y avait pas de règles communes. On les lit sans capote anglaise ou mode d’emploi. Quand on cherchait à savoir dans quelle case ranger Tout sur le tout, Calet répondait : « En vérité, mon livre n’est ni tout à fait une autobiographie ni tout à fait un roman, mais d’un genre hybride. Je vous confesse que j’ai longuement cherché une étiquette qui lui convînt… Je n’ai rien trouvé. J’avais songé quelque temps à « livre fourre-tout ». Mais cette formule eût pu paraître quelque peu désinvolte. En définitive, j’ai renoncé à tout classement ».
Chacun peut compléter à sa guise la liste des « petits maîtres ». J’ose affirmer que les romans de Paul Guimard, Jacques Perret, Pascal Jardin, Kléber Haedens ou Jean Freustié ont plus compté pour moi que des dizaines d’auteurs consacrés et dorés sur tranches.
Je ne sais écrire que ma vie de Henri Calet – édition établie par Michel P. Schmitt, préface de Joseph Ponthus – PUL
William Bernet mérite sa couronne. Pionnier en la matière, ce boucher-cuisinier s’est depuis longtemps mué en cuisinier-boucher pour servir au mieux la noblesse de la viande française, la meilleure du monde.
Dans La Traversée de Paris, Gabin et Bourvil transportaient un cochon entier découpé dans leurs valises, de la rue Poliveau à Montmartre. Lors du premier confinement, en avril 2020, on a vu des types faire à peu près le même trajet, mais en sens inverse, de la rive droite jusqu’à la rue des Plantes, dans le 14e arrondissement. Que portaient-ils ? Des entrecôtes sublimes, pesant jusqu’à 80 kilos, pour les stocker au congélateur, au cas où Macron et ses médecins auraient décidé de nous cloîtrer ad vitam aeternam. Car au coin de cette fameuse rue des Plantes, il y a un aristocrate du bifteck, pionnier des bouchers-restaurateurs et dernier cuisinier parisien à trancher lui-même ses trains de côte : William Bernet ! Quand ce Vosgien passait son CAP de boucherie en 1969, l’auteur de ces lignes, âgé d’un an, tétait encore sa mère en regardant « Bonne nuit les petits » à la télé. Dans les années 1970, Bernet fait son apprentissage chez les plus grands : les Boucheries Nivernaises, créées sous Napoléon III. C’est en 1987 que ce boucher à l’ancienne décide de changer de vie en reprenant un minuscule bistrot oublié du 14e, Le Severo, avec son zinc, son lustre Art déco, son sol carrelé, ses banquettes en moleskine et sa petite cuisine ouverte. Son idée est simple : se mettre aux fourneaux et servir simplement les meilleures viandes de bœuf possible, à une époque où, déjà, trouver une côte de Salers succulente est un exploit. En 1998, il va plus loin et devient le premier cuistot de Paris à créer, dans sa cave, un laboratoire lui permettant de faire mûrir ses carcasses à 2 °C (de vingt à soixante jours pour les faux-filets). En maturant ainsi sur l’os, la viande perd 20 % d’eau, s’attendrit et concentre ses goûts de noisette et d’herbes fraîches. Aujourd’hui, William se flatte d’être encore le seul à trancher ses grosses carcasses de 300 kilos avec ses beaux couteaux Perceval fabriqués spécialement pour lui, à Thiers. « Même les plus grands chefs ne savent pas couper la viande, ils laissent le meilleur… », regrette-t-il.
Au début des années 2000, c’est la reconnaissance internationale : une journaliste gastronomique japonaise (au Japon, ce sont les femmes qui écrivent sur la cuisine, dans des revues de luxe) affirme que « le meilleur tartare de Paris est celui du Severo ». Invité au pays du saké, William est reçu avec les honneurs et ouvre à Tokyo deux restaurants de viande où il propose les mêmes recettes qu’à Paris, comme son délicieux tataki de bœuf : un rosbif saisi à la poêle, bloqué dans le froid avec des glaçons, tranché minute, et servi froid avec des anchois de Galice à l’huile d’olive, du parmesan et des câpres. « L’amour des Japonais pour mes viandes vient du fait que, chez eux, les bœufs sont très gras, c’est du beurre ! Leur nourriture est hors-sol (paille de riz et soja), ce qui leur donne un arrière-goût désagréable, alors que mes blondes d’Aquitaine, mes normandes et mes limousines sont nourries à l’herbe fraîche : leur viande est plus maigre et plus acide, plus goûteuse, plus digeste. »
Le meilleur tartare de Paris, haché épais et assaisonné délicatement, se déguste au Severo, le bistrot du boucher William Bernet, dernier restaurateur à trancher lui-même ses carcasses de boeuf affinées à la perfection.
Nous avons donc testé son divin tartare qu’il prépare à emporter et qui doit être consommé dans les deux heures. William utilise de la bavette de flanchet (appelée aussi petite poitrine, car composée de muscles de l’abdomen), un morceau très plat, sans os, avec des fibres longues et une mâche un peu ferme : « C’est le secret du tartare, il faut de la mâche, je déteste les tartares des palaces qui ressemblent à de la bouillie ! » William hache donc la viande au hachoir réfrigéré à 7 °C en réglant la taille à huit millimètres. L’assaisonnement est très simple pour ne pas couvrir le goût de la chair crue : échalotes, sel, poivre du moulin, jaune d’œuf, huile d’olive, tabasco, sauce Worcestershire, câpres… pas de persil ni de cornichons !
À l’origine, en Russie, le tartare était fait avec du cheval et on y ajoutait du caviar. Les frites et la purée qui accompagnent ce chef-d’œuvre traditionnel sont exquises, mais, évidemment, réchauffées à la maison, ce sera moins bien…
Concluons par un avis aux amateurs : sa tête de veau est une merveille ! C’est une révélation, une œuvre d’art nous ramenant à une époque révolue, quand ce plat de légende typiquement parisien (« Parigot, tête de veau ! ») réconciliait les prolétaires et les bourgeois. Au Severo, William la reçoit entière, issue de veaux fermiers élevés sous la mère, avec les yeux, la cervelle, les oreilles et la langue, avant de la désosser en la coupant en deux, de l’épiler, de la nettoyer, de la blanchir, de l’étaler, de la saler, de l’enrouler dans un torchon et de la cuire six heures dans un bouillon de pieds de veau avec de l’oignon et un peu de sucre. Après une nuit de repos, la tête est découpée en tronçons de trois ou quatre centimètres. Il n’y a plus qu’à la poêler à feu vif avec de l’huile d’olive pour lui donner du croustillant et de l’accompagner, « une bonne vinaigrette (type sauce ravigote) avec des échalotes hachées, des câpres et des cornichons suffit (la sauce gribiche, elle, est une mayonnaise à base de jaunes d’œufs durs pilés, donc, un peu lourde) ». La tête de veau de William fascine par sa tendreté et son fondant, ses saveurs délicates, le croquant de son cartilage, la mâche de son cuir. « L’homme est bon, disait Brecht, mais le veau est succulent. » On s’étonne qu’un plat aussi surréaliste n’ait pas plus inspiré André Breton et Man Ray, alors que Marco Ferreri l’a immortalisé dans La Grande Bouffe avec Michel Piccoli (tête-à-tête jubilatoire).
Pour notre part, nous l’accompagnerons d’un Gamay étincelant, un morgon de Jean Foillard, cuvée Corcelette, par exemple.
De son propre aveu, Bruno Lafourcade est un fanatique, un jaloux qui règle ses comptes avec ses contemporains…
Chaque mois des tombereaux de livres sont versés sur les étals des libraires. Ils forment des tas desquels émergent le plus souvent des livres médiocres promus par des publicités consanguines et complaisantes. Le style régulièrement bâclé de ces pensums reflète la pauvreté récurrente des thèmes abordés.
Notre littérature actuelle résonne de la charge éléphantesque des belles âmes
L’actualité racoleuse (migratoire, solidaire, féministe, incestueuse ou “sociétale”) se glisse entre les réflexions nombrilistes. Certains auteurs surpassent tous les autres: parlant de rien dans le style commercial qui contente l’étudiant manquant de culture ou la cadre dynamique pressée, ils écrivent régulièrement des livres-bibelots qu’on pose sur la table basse à côté du Télérama qui les a consacrés. Des journalistes accouchent, dans le style journalistique qui a fait leur succès médiatique, de romans manifestement destinés aux journalistes et lectrices de Elle. Des politiques « communiquent des messages » à travers des personnages grotesques dans des livres ridicules. Enfin, en utilisant l’autofiction, d’autres littérateurs se libèrent du carcan des écrivains d’antan – décrire le monde dans toute sa splendeur et dans toute sa crasserie, et sa galerie de personnages possibles – puisqu’ils ne parlent que d’eux. À peine né, l’ensemble de ces œuvres sent déjà le renfermé.
Il fallait une pointe acérée pour décrire les productions des plus éminents représentants de ces catastrophes littéraires. Bruno Lafourcade a par conséquent transformé son stylo en arme de destruction massive des écrivassiers qui encombrent les rayons des librairies et des supermarchés. Dans sa Littérature à balles réelles, il n’y a pas de faux-fuyants ni d’attaques en biais. « J’ai du meurtrier en moi », écrit-il. Par chance il est un meurtrier qui prend le temps d’enluminer les balles qu’il destine à tel ou tel de ces gribouilleurs. Ces derniers transparaissent alors sur la feuille, grotesques, suffisants, drôles malgré eux, gonflés comme des outres pleines de vent, prêtes à éclater. Alternant les coups de pelle et de fusil, Lafourcade vise juste et décime avec appétit : « Il n’y a pas que de l’aigreur en moi, il y a aussi du fanatisme. »
Livres faisandés…
Le premier que Bruno Lafourcade colle au peloton d’exécution s’appelle Olivier Adam : « Il n’est pas fade, il est la fadeur ; comme il est la tristesse, et comme il est l’ennui. Pour le dire autrement, il affadirait la fadeur elle-même si on le laissait faire, comme il ennuierait l’ennui, comme il ferait pleurer de tristesse la bruine des dimanches après-midi que l’on regarde tomber, impuissant, derrière sa fenêtre. » Quand ça commence comme ça, on n’a plus qu’une envie, poursuivre la lecture ; on sent que le bourreau, à l’inverse de l’exécuté, est de la race des écrivains : il zigouille avec style, il trucide avec élégance, il enterre avec raffinement. Rien ni personne ne retient ses coups. Il y a du Léon Bloy sous Lafourcade – une « irrévocable volonté de manquer essentiellement de modération » et de « dire la vérité à tout le monde, sur toutes choses et quelles qu’en puissent être les conséquences. » (Le Pal, Mercure de France)
Selon l’ampleur imbécile de l’œuvre incriminée, Bruno Lafourcade assassine l’auteur d’un coup de pelle expéditif ou de mille petits coups de stylet vifs. Christine Angot a droit à plusieurs dizaines de lignes avant le coup de grâce ; David Foenkinos à quelques lignes, et je ne résiste pas à l’envie de rapporter la dernière: « Foenkinos est traduit dans le monde entier ; dans un monde juste, il le serait devant les tribunaux. » De Frédéric Beigbeder Lafourcade dit que « son insignifiance croisa celle de l’époque », rappelant au passage que la littérature « qui se vend » ne pouvait pas échapper à la médiocrité putassière de ce temps. Il note que Philippe Sollers a constamment adapté son style à la mode en cours « entre deux cabotages d’avant-garde, stérilement formalistes, écrits dans un style de fiche technique pour robots ménagers », et que Julia Kristeva, « spécialiste du “substrat infrasignifiant de la langue”», a écrit une des quatrièmes de couverture les plus désopilantes de l’histoire du livre (Thérèse mon amour, Fayard). Il faut lire ça pour y croire, et comprendre ainsi qu’il existe des maisons d’éditions qui ne savent plus distinguer ce qui relève de la littérature de ce qui relève de l’outrecuidance bouffonne.
« Un lecteur expérimenté hume dès le premier adjectif le livre faisandé », écrivait Nicolás Gómez Dávila. Bruno Lafourcade avoue n’avoir pas toujours lu entièrement les livres critiqués: « Il en va des livres comme des bananes: la peau dit tout – je ne mange pas de fruits blets, et je ne lis pas de livres intitulés “Les lendemains avaient un goût de miel” ». La quatrième de couverture et le visage de l’auteur peuvent être des indicateurs supplémentaires; l’absence de points-virgules finit de ranger dans la case des malfaisants et des illettrés qui écrivent (les pires) l’auteur qui fait l’économie de cette ponctuation « si essentielle à la construction du raisonnement ». De son propre aveu, Lafourcade est un fanatique, un meurtrier, un jaloux qui règle ses comptes. Il va d’ailleurs jusqu’à les régler avec lui-même puisqu’il consacre dans son abécédaire destructeur un chapitre à… Bruno Lafourcade, écrivain aigre « qui s’est improvisé puriste », à la « phrase lourde d’archaïsmes, d’affèteries et de pronoms relatifs. »
Comme il est impossible de vivre constamment l’estomac retourné et le fusil chargé, Lafourcade n’oublie pas de citer quelques auteurs qui valent la peine d’être lus: il a un faible, et on le comprend, pour Patrice Jean, le « romancier le plus lucide du temps »; il aime bien Pierre Jourde (lui-même auteur d’une Littérature sans estomac réjouissante) mais lui reproche de « ne pas se couper assez » et d’être un peu trop humaniste à son goût; il admire, comme beaucoup d’entre nous, Alain Finkielkraut, « notre conscience inquiète et douloureuse », notre maître à penser par nous-mêmes, dirait Cyril Bennasar, pour « sa lucidité et son courage » ; il apprécie à sa très juste valeur Benoît Duteurtre, « notre Marcel Aymé », le pessimisme et la férocité en moins ; il dit son admiration pour Renaud Camus qui lui a fait prendre conscience « que la beauté est avant tout une forme et la laideur une idéologie. » Ces auteurs et leurs livres sont nos bouées de sauvetage au milieu de la Mer d’Immondices des rentrées littéraires. Merci à Bruno Lafourcade d’avoir rappelé leur salvatrice présence entre deux salves meurtrières.
Bruno Lafourcade propose également son excellente revue « à parution aléatoire », L’Irrégulière, pour la modique somme de 4,50 euros. Il suffit d’en faire la demande via cette adresse: jeandezert.editeur@gmail.com. Toutes les âneries de l’époque y sont répertoriées avec la même verve que celle de son dernier livre.
La surprenante passivité de l’opposition interroge. De plus, Nicolas Sarkozy laisse entendre qu’il pourrait soutenir Emmanuel Macron à la prochaine présidentielle. Philippe Bilger fait le point sur les rumeurs, chuchotements et coups fourrés à droite…
Le RN n’obsède pas que le pouvoir. J’ai eu beau parler et écrire, depuis des années, sur mon inaltérable distance politique d’avec le FN puis le RN, rien n’y fait. Des commentateurs ou des intervenants sur Twitter continuent à m’accuser du contraire et montrent à quel point on préfère ses préjugés à la vérité.
La vérité est que je suis beaucoup plus intéressé par le sort du président Macron et la destinée de LR.
Ce dernier parti ne cesse de m’inquiéter, je trouve que ses desseins sont obscurs et impénétrables et qu’il y a un certain nombre d’éléments qui pourraient nous laisser penser qu’il y a anguille sous roche, dissimulation sous l’apparence.
LR est tétanisé au point qu’on est conduit à se demander si un tel niveau d’impuissance ne résulte pas d’un dessein.
Comme si on cherchait à démontrer que le RN est le seul parti d’opposition au pouvoir macroniste. Il n’est pas concevable que, derrière les contradictions classiques et répétitives, il n’y ait pas eu une authentique mise en pièces de cette prétendue politique de droite astucieusement exhibée pour faire oublier tout ce qu’il y a encore de gauche dans l’appréhension des problématiques les plus préoccupantes pour les Français : immigration, sécurité et Justice.
Bizarre de constater avec quelle résignation la hiérarchie opératoire de LR accueille les annonces répétées de la mort du parti, en tout cas de sa longue agonie. Comme si le mourant avait peur de se retrouver bien-portant !
Sous la présidence de Christian Jacob, le combat d’opposition, de résistance et de proposition qui aurait dû être essentiel a été stérilisé par celui-ci et ses soutiens, à cause de la focalisation entêtée sur la candidature de François Baroin ou le retour, plus que jamais improbable, de Nicolas Sarkozy. Ce qui, durant des mois, a néantisé toute perspective de pugnacité politique. À se demander si la droite savait encore qu’elle existait.
Surprenante passivité.
Si Nicolas Sarkozy à plusieurs reprises a coupé court au désir de certains de le voir revenir, l’attitude de François Baroin est plus étrange. On nous a dit qu’il avait décidé de ne pas se présenter malgré le forcing de son ami Christian Jacob. Mais restant silencieux, il n’a lui-même jamais confirmé explicitement son abandon. Donc il y a du flou.
Par ailleurs je n’ai cessé de m’étonner de la course de lenteur à l’évidence organisée et voulue par la nomenklatura LR. On a reculé le plus possible la date de ce qui devra bien être une opération de départage, ou une primaire si j’ose ce terme – qui a été dégradé seulement dans les suites de la victoire éclatante de François Fillon.
Cette sélection par les militants et les sympathisants sera inévitable puisqu’il est peu probable qu’un candidat ait tellement le vent en poupe qu’il devienne une évidence. Même Xavier Bertrand ancré dans sa résolution et tactiquement proche, tout proche de LR !
Comment ne pas relier cette mauvaise volonté de l’appareil officiel LR à l’obsession de freiner autant que possible Bruno Retailleau, ce « catholique vendéen » qu’on traite avec d’autant plus de condescendance qu’il est clairement de droite, ne s’en repent pas et de plus est placé en tête largement dans tous les sondages officieux internes ? À son égard tout semble permis, même la critique de son apparence ! On vole bas pour l’empêcher de voler haut !
Il est difficile, face à une telle configuration manifestant le peu d’empressement de LR à se battre sous un pavillon clair et net, de ne pas relever au sein de ce parti une singulière dérive vers le social – dans le débat par exemple entre Aurélien Pradié (qui ne supporte pas Retailleau) et Jean-Louis Thiériot. Que la droite n’oublie pas la veine sociale est souhaitable mais pas au point d’en faire un ersatz de gauche comme le premier semble le vouloir, sauf à dissoudre encore davantage son identité et les exigences de liberté et de responsabilité qui devraient la caractériser.
Peut-on ignorer aussi que la date des élections départementales et régionales prévue en juin pourrait être reportée à l’initiative d’un président qui pourra ainsi jouer sur une large palette opportuniste pour entraver des adversaires affichés (Bertrand) ou possibles (Valérie Pécresse) ?
L’ensemble des considérations que je viens de développer montre pour le moins que la stratégie de LR n’est pas limpide, qu’elle oscille, qu’elle est poussée d’un côté ou de d’autre et qu’elle désespère ceux qui attendent une opposition intelligente, univoque, cohérente et fière de ce qu’elle représente. On en est loin.
Dans le dos des citoyens se déroulent, j’en suis sûr, des manoeuvres et se mettent en place des combinaisons qui, les unes et les autres, ne seraient pas à l’honneur de la droite.
On n’a pas assez relevé cette interrogation du JDD, toujours si bien informé dans et sur la mouvance sarkozyste, laissant entendre que l’ancien président, dont la complicité avec Emmanuel Macron, même avec des failles, est certaine et exploitée par ce dernier, pourrait voter en 2022 en faveur de celui-ci. Ce serait certes un coup de tonnerre mais serait-il si surprenant au regard de l’étrange rapport que LR entretient avec le pouvoir actuel, qu’au fond il conteste en le ménageant ?
Des bruits plausibles me reviennent – Luc Ferry les a entendus aussi – qui concerneraient le soutien qu’apporterait LR au président de la République en échange d’un poste de Premier ministre, et le nom de François Baroin réapparaît. Ou celui d’autres compatibles.
Ce n’est pas une fantasmagorie puisque l’homme d’influence qu’est demeuré Nicolas Sarkozy avec ses dilections, sympathies et répugnances ne serait vraisemblablement pas hostile à une telle évolution constituant la droite telle une annexe du macronisme.
Sur le plan démocratique, si un tel futur se confirmait, nul doute alors que le RN en profiterait, ou la gauche si elle s’unit, parce que rien ne serait plus insupportable que sortir d’un quinquennat n’ayant rien « dépassé », en poussant au comble la confusion politique.
LR aurait à rendre des comptes à ceux qu’elle aurait trahis.
Plus que le critique, le comédien, le musicien et le danseur, c’est l’ouvreuse qui passe sa vie dans les salles de spectacle. Laissons donc sa petite lampe éclairer notre lanterne!
Quelle est la différence entre Confinement I (mars-mai 2020) et Confinement II (novembre-décembre plus couvre-feu) ? Le I avait tout éteint. Le II a vidé la salle sans interdire la scène. Pas de public, mais si vous voulez, répétez ! Ça vous fera des heures, et à la fin vous pourrez streamer.
Mieux que streamer. Live-streamer. Diffuser en direct sur nos écrans le résultat de vos efforts. C’est comme ça que vous avez pu voir le premier Wagner de Roberto Alagna live aus Berlin, l’éternelle jeunesse de Pelléas et Mélisande sauvé à Rouen, La Voix humaine de Cocteau & Poulenc par Patricia Petibon & Olivier Py à Paris… Restez en ligne ! Le 8 mars, Michel Fau et sa tribu remplacent leur Belle Hélène à l’Opéra-Comique par un « Concert de gala pour salle vide » bientôt sur France Télé. À partir du 18, le Centre de musique de chambre de Paris filme son nouveau concert-spectacle, Staline/Chostakovitch. Si l’État paie, pourquoi s’en faire ? Ne reste au fond à régler que deux détails. 1) Comment on vit ? 2) Pourquoi, pour qui ?
1) Comment vivront les artistes qui occupent le plateau depuis trente siècles ? On les enregistrera, mais justement. Jusqu’à peu, quand une technique remplaçait une technique, un marché remplaçait un marché. Le cylindre a remplacé le piano pneumatique, le disque a remplacé le cylindre, le vinyle la bakélite, le CD le 33 tours… À chaque coup, recommencer, par ici la monnaie. Et pan ! Internet est arrivé. Pour la première fois le technique a tué l’économique. YouTube s’arrange avec la pub et l’espionnage, mais le consommateur se prend pour un usager, s’habitue au tout gratis, et les auteurs protégés depuis Beaumarchais ne touchent plus rien. On se raccorde à des « plates-formes » qui ne profitent qu’aux molosses. On se rémunère en nombre de tracks (autrefois « plages »), dont le seul effet a été de réduire les chansons à deux minutes – moins de temps, plus de tracks. Une enquête du nouveau Centre national de la musique (CNM) « met en évidence que les contours du format livestream sont encore flous ». C’est qu’un gigaoctet passe les frontières encore plus facilement qu’une tomate ou un virus. Même les traders de pop se lamentent. Alors pensez, le jazz, le classique, la world. Un musicien normal ne vit plus que grâce aux institutions subventionnées, elles-mêmes menacées par le subventionneur. Changez de ministre ou de maire, et hop ! tout doit disparaître.
2) Vases communicants : plus nos écoles accouchent de petits génies (tous tons et sexes confondus, je ne précise pas, ça saute aux yeux), moins le public se renouvelle. Vrai pour la comédie, encore plus vrai pour le chant. Cyrille Dubois, l’un de nos jeunes ténors en or qui ne se compte pas au nombre des victimes, lâche mi-février sur les réseaux : « J’ai le sentiment que nous vivons l’agonie de la culture dans l’indifférence d’un silence absolu. » Et son aîné la star Jonas Kaufmann, interrogé par Radio Classique peu avant Aïda dans le vaisseau désert de l’Opéra Bastille : « Les spectacles sans public, ça ne marche pas.» Le métier ? « Seuls trente à quarante chanteurs travaillent encore, les autres sont sans production. » Beaucoup ont déjà cédé. À New York, les ténors livrent des pizzas. À Milan…
… Une seconde, on m’appelle. Allo, t’es où ? Madrid ? Tu fais quoi à Madrid ? Restau à midi ! Tu sors du Prado ! Ce soir Siegfried ! Sur ton écran. Non ? Au Teatro Real ! Présent ciel, tu blagues ? Ah… ah… ah bon. O.K., je vous laisse. M’en vais déchirer les tickets en Espagne.
La psychiatre est entourée de militants qui sacralisent la parole de l’enfant, les mêmes qui estimaient dans l’affaire d’Outreau, à la fin des années 1990, que plus le témoignage d’un enfant est contradictoire, plus il est fiable…
« Une héroïne, qui alerte depuis vingt ans sur les conséquences psycho-traumatiques des violences sexuelles, mais aussi l’amnésie traumatique, particulièrement prégnante chez les victimes d’inceste. » Voilà comment le quotidien suisse Le Temps présente Muriel Salmona dans un article publié le 22 février.
Vingt ans, c’est exactement l’âge de l’affaire d’Outreau. En 2001, Fabrice Burgaud, un juge d’instruction à peine sorti de l’école, tombe sur une affaire sordide d’inceste et d’abus sexuels dans cette commune proche de Boulogne-sur-Mer. Plusieurs enfants accusent leurs parents, puis leurs voisins, puis des voisins de voisins, puis le curé, décrivant des orgies et un assassinat. Le juge Burgaud croit être tombé sur un réseau. Il ordonne 18 incarcérations. Trois années passent, le réseau reste introuvable. Il y a eu inceste, prêts sordides d’enfant à un couple de voisins, mais pas de ballets roses filmés au caméscope et encore moins de meurtre de petite fille. Aux assises, en 2004, l’évidence s’impose : les enfants n’ont pas dit la vérité. Quatre accusés sur 18 plaident coupables (les parents et le couple de voisins), 13 nient. Le dernier est mort en prison. L’institution judiciaire achève de se discréditer en prononçant sept acquittements, mais en infligeant à six accusés des peines couvrant exactement leur détention provisoire ! Ils seront définitivement blanchis lors d’un second procès d’assises, en 2005.
« On ne saurait méconnaître la complexité de l’exercice qui consiste à entendre un enfant très jeune sur des faits d’abus sexuels dont il aurait été victime »
Jacques Chirac écrit personnellement à chaque innocent, déplorant « une catastrophe judiciaire ». Une commission d’enquête parlementaire dresse un tableau accablant de l’enquête, réservant ses charges les plus violentes aux experts qui ont poussé le juge Burgaud à la faute, et en particulier à Marie-Christine Gryson-Dejehansart. Sa ligne de défense est inattendue : tous les enfants ont « été reconnus victimes par le verdict des assises ». Peu importe que les personnes qu’ils ont accusées lors de la « reviviscence des viols en réunion » ne fussent pas coupables. « La question n’est pas là », les enfants sont des victimes, leur parole est sacrée. Marie-Christine Gryson-Dejehansart expliquera par ailleurs aux députés que plus un témoignage d’enfant est flou et contradictoire, plus il est fiable, car c’est le signe qu’il y a mémoire traumatique, donc traumatisme.
Muriel Salmona est invitée par tous les plus grands médias, où elle peut diffuser sa propagande sans contradiction. Photo: capture d’écran France 5.
Mme Gryson-Dejehansart n’a jamais dévié de cette ligne. Si elle n’a jamais eu un mot pour les 14 innocents qu’elle a contribué à envoyer en prison, Causeur n’en a pas trouvé trace. Comme elle nous l’a expliqué, « la mystification d’Outreau, c’est de dire que les enfants ont menti ». Elle se réfère souvent au livre de Jacques Thomet, ancien rédacteur en chef à l’AFP, Retour à Outreau : contre-enquête sur une manipulation pédocriminelle ; 337 pages de complotisme paru chez Kontre Kulture, la maison d’édition d’Alain Soral.
Et ce n’est pas tout.
L’experte d’Outreau et Muriel Salmona, même combat
En 2015, l’ex-experte d’Outreau a cosigné chez Dunod un ouvrage intitulé Danger en protection de l’enfance avec… Muriel Salmona. Les deux femmes se connaissent et s’apprécient. Le livre met en forme les actes d’un colloque, où était aussi intervenu Édouard Durand, magistrat au tribunal des enfants de Bobigny. Celui-ci était également coordonnateur de formation à l’École nationale de la magistrature, à l’époque où Muriel Salmona et Marie-Christine Gryson-Dejehansart ont été appelées à y donner des conférences.
S’il n’a jamais commenté publiquement le désastre d’Outreau, le juge Durand n’en fait pas mystère, pour lui la parole de l’enfant est sacrée, donc incontestable. « Mon principe est d’auditionner tous les enfants de 0 à 18 ans, expliquait-il lors d’un colloque à Angers en octobre 2013. Il m’est donc arrivé d’expliquer à un enfant de six mois les raisons de son placement. »
Début février 2021, Édouard Durand a été nommé à la coprésidence de la commission sur l’inceste. Muriel Salmona (qui n’a pas trouvé le temps de répondre à nos questions) a applaudi dans Le Monde du 6 février : « La nomination d’Édouard Durand est très consensuelle : il s’est toujours positionné contre la culture du viol et la propagande anti-victimaire. »
De quelle propagande anti-victimaire s’agit-il ? Exactement à la même époque que l’affaire d’Outreau (1999-2001), la police a démantelé un vaste réseau de pédophile à Angers : 45 enfants victimes, 66 accusés, 63 condamnés en mars 2005. Le tout dans la discrétion et avec des expertises qui ont passé le cap de l’audience aux assises, contrairement à celles de Marie-Christine Gryson-Dejehansart. Comme le disait Christian Raysseguier, inspecteur général des services judiciaires, en remettant son rapport sur Outreau au garde des Sceaux en juin 2006 : « On ne saurait […] méconnaître la complexité de l’exercice qui consiste à entendre un enfant très jeune sur des faits d’abus sexuels dont il aurait été victime, a fortiori si les faits ne sont pas récents. » Un propos d’expert, à mettre en parallèle avec la proposition phare de Muriel Salmona, l’imprescriptibilité des crimes sexuels. Le 27 janvier 2021, Édouard Durand se déclarait « favorable à ce qu’on y réfléchisse » sur BFM-TV. Des propos détonants de la part d’un professionnel du droit, la plupart considérant que la prescription a moins à voir avec la gravité des faits qu’avec la possibilité de rassembler des preuves[tooltips content= »Jusqu’à une réforme de 2017, le banal abus de bien social était quasiment imprescriptible, car les juges considéraient qu’il était à la fois facile à dissimuler et à reconstituer, car il laisse des traces en comptabilité. »](1)[/tooltips]. « Il est génial, Édouard Durand ! s’exclame Marie-Christine Gryson-Dejehansart, interrogée par Causeur. Il est extrêmement compétent, on l’invite à tous nos colloques, c’est lui qui aurait dû être ministre de la Justice, il est dans l’air du temps. »
Un air du temps qui rafraîchit singulièrement la psychologue d’Outreau, toujours en activité. « On peut vraiment progresser en ce moment parce que les jeunes journalistes n’ont pas ou plus en mémoire la doxa d’Outreau. L’affaire a mis un frein majeur à la prise en compte de la parole de l’enfant. On pourra avancer quand les tribunaux, les magistrats et les policiers n’y feront plus référence, en disant : on va mettre des innocents en prison. » Nous voici tous prévenus, sans jeu de mots.
Lettre ouverte à Jean-Michel Blanquer, à propos de l’UNEF
Monsieur le ministre,
Après les aveux télévisés de la dirigeante de l’UNEF, qui organise bien des stages « racisés » — un mot innommable, du point de vue de la langue française, que nous pourrions aussi bien remplacer par « racistes » —, je m’interroge. Un homme de culture comme vous, un juriste sensible au respect de la Constitution, peut-il tolérer que ce « syndicat » qui ne représente plus que lui-même siège encore dans des instances représentatives, le CNESER ou le CNOUS ? Comment admettre qu’il touche des subventions ? Vous l’avez souligné vous-même jeudi 18 mars, en notant que de tels comportements étaient « inacceptables », et que « nous sommes les enfants de la République, nous voyons d’abord des personnes humaines, des citoyens avant de voir les gens en fonction de leur couleur de peau, de leur religion ou de quoi que ce soit d’autre. » Alors, si nous passions aux actes ?
Mélanie Luce, présidente de l’UNEF, confirme que ce syndicat organise des réunions interdites aux Blancs. Qui stoppera ce délire ? pic.twitter.com/NdCjJLXTqE
Il fut un temps où l’UNEF témoignait d’une sensibilité de gauche largement répandue à l’université. Mais ce n’est plus le cas : elle ne représente plus qu’une addition de communautarismes. Vous êtes trop fin politique pour ignorer que c’est une nébuleuse, et que l’UNEF n’est qu’un relais du Parti des Indigènes de la République (dont personne en France ne comprend qu’il n’ait pas été interdit), faux nez de cette organisation identitaire dont la surenchère et la violence verbale sont les seuls modes d’expression.
Je vous demande donc instamment de proposer au gouvernement des mesures, qui seraient fort populaires, afin d’empêcher définitivement l’UNEF de nuire en lui donnant une plate-forme d’expression légale.
On regarde avec horreur l’entrisme d’organisations fanatisées dans ce qui fut le fer de lance de la contestation étudiante
Ce n’est pas toucher au droit syndical : l’UNEF est une association, non un syndicat. Elle a fini par ne plus représenter qu’elle-même. La jeune femme voilée qu’elle a envoyée récemment, en cheval de Troie, à l’Assemblée nationale, n’a aucune audience réelle auprès des millions d’étudiants aujourd’hui concernés prioritairement par leurs études, que le distanciel rend souvent aléatoires, et leur pain quotidien, qui se fait terriblement hebdomadaire. Et les universités sont désertées par ces mêmes étudiants qui souvent n’ont pas cru nécessaire de prolonger le paiement de loyers inutiles : aucun risque sérieux de manifestation, quelque manipulateurs que soient les agitateurs professionnels qui ont pris le contrôle de l’organisation que dirigeait Jacques Sauvageot en 1968: croyez-moi, les ex-gauchistes regardent avec horreur l’entrisme d’organisations fanatisées dans ce qui fut le fer de lance de la contestation étudiante.
Le 17 septembre 2020, la représentante de l’UNEF Maryam Pougetoux a été autorisée à parler à l’Assemblée nationale dans un accoutrement islamiste. Image: Assemblée nationale.
Vous savez par ailleurs que les élections dans les universités sont une mascarade, et que l’UNEF ne représente au mieux que 4 ou 5% des étudiants — dont on ne sait trop s’ils sont réellement en poursuite d’études, ou s’ils cherchent une couverture sociale et un parapluie pour abriter leur militantisme.
Vous vous honoreriez en suggérant à votre collègue Gérald Darmanin la dissolution de cette organisation — et de toutes celles qui prétendent faire des différences fondées sur la couleur de la peau, les origines ethniques, ou l’orientation sexuelle. Ce qui est explicitement interdit par notre République, à laquelle je sais que vous êtes attaché.
Des députés LR, Eric Ciotti ou Bruno Retailleau, demandent déjà cette dissolution. Autant leur couper l’herbe sous le pied, en les empêchant de polémiquer sur une prétendue complaisance du gouvernement dont vous êtes membre envers des organisations qui visent à fracturer la société française. Le ministre de l’Intérieur a commencé à faire le ménage dans les organisations islamistes. Par effet de balancier, il en a profité pour dissoudre également Génération identitaire — comme le gouvernement de Georges Pompidou, en octobre 1968, avait dissous Occident après avoir interdit, en juin, la JCR d’Alain Krivine ou le PCMLF. Il serait tout à l’honneur du gouvernement de montrer de la fermeté face à tous les ferments de fracturation de la société française.
L’UNEF doit être dissoute, parce que son comportement est un comportement raciste, et parce que ce sera un signal fort envoyé à toutes les associations qui se font un paravent de la loi de 1901 en affichant des buts « culturels », alors qu’elles sont pleinement religieuses. Il ne s’agit pas de censure, comme les plus exaltés des islamo-gauchistes le suggèreront, mais de sauvegarde des libertés françaises — en particulier celle de s’associer sans considération du sexe ou de la couleur de peau.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le ministre, l’expression de mon respect attentif…
Philippe Sollers sort un roman et une autobiographie. Qu’on l’adore ou qu’on le déteste, il est de toute évidence un des grands écrivains de l’époque…
Deux livres de Sollers sinon rien. Agent secret, autobiographique et illustré de photos touchantes et inédites ; Légende, roman diablement enlevé avec ligne balistique, de nox vers lux, cible Victor Hugo, la voix lyrique en alexandrins inspirés de la littérature face à l’entreprise planétaire yankee de destruction massive de notre culture. Un combat de titans, probablement le dernier de notre très basse époque.
Un dîner à Venise
Sollers, je le connais depuis longtemps. Je me souviens d’un diner léger à Venise, sur les Zattere. Après avoir évoqué Ezra Pound et Céline, Sollers me dit, main baguée vers le ciel : « J’ai la durée pour moi. » Je le revois encore disparaître dans son imper crème, col relevé, fume-cigarette au bec. Il faisait doux, c’était en juin. Peut-être allait-il retrouver l’une des femmes de sa vie, la romancière Dominique Rolin. Sollers avait l’habitude de se rendre dans la Sérénissime deux fois par an, en juin et en septembre. L’incipit de La fête à Venise est un véritable petit poème en prose. « Cette petite planète, par plaques, a son intérêt. » Surtout quand les hordes de touristes ont déserté la ville et que le silence règne sur les canaux. Venise, la nuit, pas mieux. Dominique Rolin meurt en mai 2012. Sollers, appelé Jim dans les romans de Dominique, ne retournera plus à Venise.
Bureau de Philippe Sollers à Paris Photo: Hannah Assouline
Sollers écrit face au Redentore, ou dans l’île de Ré, sa retirance sur les marais salants. Là, il regarde les variations du ciel, le vol des mouettes, la versatilité du vent, l’acacia en fleur. Il se lève à quatre heures du matin, relit la page de la veille, écoute Haydn, Bach, Mozart, quand le ciel reste bas dans sa tête. Du Jazz également. Sollers : « Cette musique est la liberté même, ma liberté. »
C’est le maître mot des confessions de l’agent secret : liberté. Il faut maîtriser l’art de la guerre, c’est-à-dire renforcer ses points forts, avoir du souffle, donc pratiquer la natation dans l’Atlantique, rester clandestin, prendre les chemins de traverse, être contradictoire, mais en apparence seulement, se défier de la foule et des honneurs. Tout petit, sous les fenêtres de l’usine de son père à Talence, il entend : « Joyau au poteau ! » Joyau c’est son nom, ça ne s’invente pas. Il est né en plein front populaire, un 28 novembre. Et puis c’est la débâcle française, si cruellement décrite dans Les beaux draps, pamphlet de Céline, l’exode et la Collaboration avec l’Allemagne nazie. Un passé qui ne passe pas. Et pour cause, la France a perdu le goût de la vérité, par lâcheté. Les parents Joyau sont anglophiles fanatiques. Les caves permettent de se cacher et d’échapper aux Allemands. Aveu de l’écrivain : « C’est depuis ce temps que j’ai appris à me méfier du genre humain. » Et puis le petit garçon très éveillé entend les cris dans la synagogue de Bordeaux. Papon dirige la préfecture. Il ne sera jugé qu’en 1997, condamné et remis en liberté pour raisons médicales. Tout se met en place. La guerre, la défiance, la méchanceté des hommes, l’indispensable brouillage de pistes. Ces mémoires sont très politiques, l’époque l’exige puisque l’amnésie est devenue générale. Sollers revient sur la guerre d’Algérie. Sa réforme pour ne pas la faire. « C’est Malraux qui m’a sauvé la vie », rappelle l’agent secret du temps. Les maladies durant l’enfance l’ont sauvé. L’asthme, les otites à répétition, l’opération de la mastoïdite à douze ans. Sauvé, de l’école, de l’armée, de la société. Apprendre par soi-même, loin des discours officiels des profs, regarder, écouter, voir, humer. Le luxe. Sentir le parfum des femmes. D’abord celui de sa mère, « très belle et son parfum sent très bon », ses tantes, ses sœurs, puis l’Espagnole, « basque réfractaire », Eugenia San Miguel, surnommée Concha dans son premier roman Une curieuse solitude (il faut le lire, tout Sollers est dedans, en gestation révélée), puis sa femme Julia Kristeva, et enfin Dominique. « Voilà pour les plus avouables, écrit Sollers, puisqu’elles sont connues, mais maintenant je laisse la liste ouverte aux biographes éventuels. » C’est noté.
Précis de survie par temps de destruction généralisée
Sollers évoque ses rencontres décisives avec les écrivains et artistes, ceux qu’on croit morts mais qui sont plus vivants que les vivants actuels. Citons Jacques Lacan, Georges Bataille, Pierre Guyotat, Roland Barthes (émouvant hommage), mais également Rimbaud, Montaigne, Stendhal, Nietzsche, Shakespeare, Picasso, Bacon, Mozart, Vivant Denon, Casanova et tant d’autres, dans les couloirs du temps et séances médiumniques spectaculaires. Résultat : il convient de lire ce livre comme un précis de survie sur la scène incommensurable de la destruction généralisée. Avec ce mot d’ordre inscrit dans l’un des plus beaux romans de Sollers, Portrait du joueur : « Attaquez à découvert, mais soyez vainqueur en secret… Le grand jour et les ténèbres, l’apparent et le caché ; voilà tout l’art. » Imparable. Comme la volonté de résister aux hochets de la société mortifère : l’Académie française, la Pléiade de son vivant, etc. Sollers : « Ce n’est pas mon genre. Donc je suis pour les contradictions et la guerre. D’où ma mauvaise réputation en général, très brouillée. »
Photo: Hannah Assouline
Quand j’ai écrit Sollers mode d’emploi[tooltips content= »1996, Editions du Rocher »](1)[/tooltips], j’ai à peine évoqué David, le fils unique de Sollers et Julia Kristeva. Je savais qu’il était malade et que Sollers faisait tout pour que cela ne se sache pas. Dans ce livre, Sollers lève le secret. Il évoque sa maladie qui « s’est déclarée très vite ». Il raconte les cierges allumés tous les deux dans les églises de Paris. C’est un garçon hypermnésique, très intelligent, utilisant son ordinateur bien mieux que son père. Il est sensible à la musique, joue un peu de piano. Sollers : « Je crois qu’il est heureux, sauf lorsqu’il a des problèmes de santé. La fréquence de ses crises est indéterminée, ça ressemble à des crises d’épilepsie mais ça n’est pas ça… » Parfois il doit être hospitalisé. « Je connais par cœur la Salpêtrière, confie l’écrivain, je connais très bien les hôpitaux, qui sont, comme vous le savez, dans un état souvent lamentable (…) C’est la misère, la pleine misère, il faut en être conscient. La misère est là. » Sollers le pudique montre même une photo de David enfant. Le père regarde le fils qui regarde le père. C’est au-delà des mots. Quand il écrit, Philippe Sollers ne veut être dérangé sous aucun prétexte. Alors David dit à Julia : « Papa est comme Dieu, il existe mais il ne répond pas. »
On retrouve la même phrase dans son nouveau roman Légende. Mais avant d’en parler, il convient de recommander au lecteur le passage consacré à Alfred Hitchcock. Sollers analyse de manière originale Le rideau déchiré, film de 1966. Il dit en substance que le réalisateur a montré ce qu’est une société totalitaire. Il précise : « Voilà ce que c’est d’être tout le temps en état d’urgence et de se sentir clandestin dans le monde où l’on a été jeté. Non seulement clandestin, parce que qu’on est innocent dans un monde coupable, mais parce que tout est mensonger, et on ne sait pas du tout pourquoi on devrait payer ce mensonge social, sexuel, financier. » L’écrivain conclut : « Une attitude qui demande une certaine façon de vivre pour continuer à être libre. » Sollers résumé par lui-même.
Regard voltairien
Légende donc. On retrouve la recette sollersienne, pertinence, érudition, ellipses, virtuosité, grandes enjambées dans le temps et l’espace, l’ensemble servi par un style maigre, c’est-à-dire sans gras. Petite surprise, une intrusion dans le XIXe siècle pourtant peu prisé par l’auteur de Femmes. Il trouve du talent à Hugo, malgré ses boursouflures lyriques et ses pleurnicheries romantiques, il s’attarde sur celui qui faisait tourner les tables et recevait les rares confidences de Dieu. Il cite même l’auteur des Misérables : « Ce qu’on attaque en moi, c’est mon temps, et je l’aime. »
Sollers pose un regard voltairien sur l’époque comme il le fait dans chacun de ses romans. Il y a, malgré les attaques violentes de la société contre les rares esprits libres, le triomphe de la joie, des fleurs et des amours clandestines. Mais il constate que la situation est critique, et pour la première fois, sa dernière page annonce un tsunami shakespearien : « Les Banques, le Sexe, la Drogue et la Technique règnent, la robotisation s’accélère, le climat explose, les virus poursuivent leurs ravages mortels, et la planète sera invivable pour l’humanité dans trente ans. »
Philippe Sollers, Agent secret (Mercure de France) et Légende (Gallimard)
Sophie de Menthon écrit à Causeur. Le troisième confinement qui débute ce soir à minuit dans 16 départements (dont la capitale) la met de fort méchante humeur!
Personne ne nie la difficulté de gérer une situation sanitaire comme celle que nous vivons! Mais l’accumulation de contradictions, de promesses jamais tenues, de décisions contradictoires, de blocages administratifs pour n’importe quoi et de privations de libertés met les individus au bord de la crise de nerfs.
Alors nous voilà re-confinés mais pas vraiment re-confinés.
Le vaccin AstraZeneca a été arrêté brutalement pour faire comme l’Allemagne, afin de se couvrir face à d’éventuels procès; le politique aujourd’hui a comme motivation prioritaire le fait de se couvrir. L’AstraZeneca est louche depuis le début, le président nous l’a dit lui-même, puis on nous a dit le contraire. Dangereux? mais comment ça ?… pas du tout ! D’ailleurs il est ré-autorisé par une autorité de plus, quatre jours après. Il devient tellement meilleur que le Premier ministre se fera vacciner devant nous. Il n’a ni facteur aggravant ni l’âge l’y autorisant, mais c’est pour l’exemple. Beaucoup d’autres Français seraient ravis de se faire vacciner aussi tout de suite pour l’exemple… On pourrait se réjouir de ce retour de l’AstraZeneca si ce n’est que – forcément – on a interrompu les livraisons, et que pour les reprendre avec la célérité administrative que l’on connaît, cela devrait prendre huit jours, sans compter les retards de livraison. On n’est pas près de reprendre nos rendez-vous annulés. Et ceux qui avaient eu leur première dose sont un peu échaudés… Au fait, dernière nouvelle: l’Astra Zeneca c’est pour les plus de 55 ans uniquement, parce que « le jeune » pourrait être à risque non mesuré ce jour (?!?) contrairement à ce que dit l’Agence Européenne du médicament.
À la guerre comme à la guerre
Nous Français ne sommes pas un peuple bassement mercantile comme ces vulgaires étrangers. Nous ne sommes pas pressés d’enchérir pour acheter des vaccins (ni pour le reste d’ailleurs) et rafler la mise comme d’autres. Mais pour les annonces et la com: imbattables. Pour se faire vacciner on annonce des vaccinodromes (sans vaccins). Les médecins peuvent vacciner aussi. Mais doivent commander les vaccins à la pharmacie, qui pourra vacciner aussi… mais toujours sans vaccins.
Alors on se bat ou on s’entraide. On est en guerre! « Tu n’as un petit facteur de comorbidité ? » « Tu n’aurais pas un peu de diabète ? Et l’asthme ? Ça marche ? ». Il y a la débrouille: on connait quelqu’un qui connait quelqu’un… on entend parler de pistons, de restes de doses oubliés quelque part, de tuyaux… Quasiment un marché noir!
Il faut arrêter tout cela: que ceux qui veulent se faire vacciner puissent le faire sans autres facteurs spécifiques, au lieu de convaincre ceux qui ne veulent pas! Et puis vaccinons le personnel soignant avec le vaccin de leur choix, au lieu de l’applaudir bêtement.
En revanche, bravo à l’Institut Pasteur! Après un an de réflexion, sans succès dans le domaine de la recherche d’un vaccin, il a enfin compris que le danger de contracter le virus ne venait pas de l’extérieur et que le grand air était plutôt protecteur. Les amendes pour non-port de masque sur plage déserte seront-elles remboursées?
C’est reparti les certifs bidons!
À partir de demain, on peut donc sortir sans limitation de temps, mais avec un justificatif de déplacement (c’est beau !). À vos marques, c’est reparti pour les certifs bidons comme avant, sauf pour faire du sport. Il convient donc de ne pas mettre le nez dehors sans baskets aux pieds ou un ballon à la main. Pour sortir le chien, c’est toujours valable aussi. C’est nouveau: c’est chez soi que c’est dangereux, c’est pour ça qu’on nous fait sortir, mais avec PV à l’appui. Réjouissez-vous braves gens, le couvre-feu est reculé d’une heure.
On peut travailler, mais un jour par semaine. Lequel? Qui décide? Et comment se nourrit-on ce jour-là? Un décret est certes paru au Journal officiel le 14 février pour nous autoriser temporairement à manger un sandwich, seul devant notre ordinateur. On apprend que tout va bien dans les transports en commun, super bien même! On est serrés les uns contre les autres dans les métros, mais sans danger, vraiment? La logique imperturbable de la RATP a pourtant consisté à diminuer le nombre de rames à des heures dites creuses, mais à ne surtout pas les multiplier aux heures de pointe. Pas grave on vous dit, tout le monde respecte les gestes barrières, collé à son voisin. Avez-vous remarqué que dans le métro le masque se portait sur la bouche, nez bien dégagé?
Le plus grave va être évité puisqu’on ferme les petits commerces, probablement grâce à l’Institut Pasteur qui aura remarqué que lorsqu’on achète un pullover, à trois maximum dans la boutique, le virus était tapi derrière le comptoir… En revanche chez le coiffeur ça va, il a peur du séchoir. C’est grave d’acheter un bouquet chez le fleuriste, alors que chez le boulanger, il n’y a pas de problème, le pain au chocolat n’est pas contaminant…
Vous avez dit pas essentiel? Mais pour moi ce sont les fleurs qui sont essentielles à mon moral désastreux.
Comment ne pas être séduit par la rêverie macabre de Huysmans qui suggère dans En Rade de conserver l’être décédé dans une fiole dont on ne perdrait ainsi jamais le parfum? Pour la première fois, le cher disparu sentirait bon. Peut-être même en viendrait-on à le regretter.
Huysmans encore. Comme Baudelaire, il célèbre « la froide majesté de la femme stérile », admirable d’être indemne du cycle de la reproduction. Louise Brooks était fière qu’on l’appelle « Brooksie la stérile ».
Sont-ils nombreux à penser qu’il vaut mieux éviter a priori la vie pour n’avoir pas à préférer la mort a posteriori? Les enfants que nous n’avons pas eus ne sauront jamais le bonheur qu’ils nous doivent.
Les hommes se paient le corps des femmes et ces dernières se paient la tête des hommes. C’est ce que j’appelle un échange de bons procédés.
Se marier, c’est choisir la personne que l’on haïra après trois ans. Cette règle souffre des exceptions, ce qui est fort injuste et incompréhensible de surcroît.
C’est un conseil que j’ai retenu de Cioran: si un écrivain ne nous irritait pas à tout moment, aurions-nous encore la patience de le lire?
Sommes-nous capables d’aimer vraiment les êtres avant qu’ils n’aient l’élégance de mourir?
Il m’est arrivé qu’on me mette en garde contre la tentation de faire du Cioran. Quand je lui en avais parlé, il avait éclaté de rire tant il trouvait ce reproche de mimétisme absurde. Entre amis, m’avait-il dit, on s’imite, on se pille, sans que cela n’ait aucune importance. C’est même cela l’amitié, avait-il ajouté.
Ce conseil d’un ami: pour ton suicide, choisis ta date d’anniversaire afin de faire un compte rond.
Si j’y réfléchis, j’aurai passé ma vie à cultiver le genre à la fois futile et funèbre.
Et pour conclure cette anecdote qui n’est pas dans l’air du temps. À Job qui n’arrête pas de poser des questions à Dieu, lui demandant pourquoi il le fait tant souffrir, Dieu un jour a daigné répondre, et la réponse fut brève: « Parce que tu m’emmerdes ». C’était le temps béni où Dieu pouvait encore dire ce qu’il pensait….
Henri Calet, préfacé par Joseph Ponthus, montre que les écrivains non-alignés résistent mieux au temps…
En littérature comme en sport, je n’aime que les perdants. Heureux soient les oubliés des manuels d’école ! Ceux que l’Histoire fait mine de ne pas reconnaître sur le moment et qui pourtant, longtemps après, continuent à sédimenter nos bibliothèques. Sans eux, nos étagères seraient bien bancales. Nous avons appris à mal vivre dans leurs livres. Il y a un signe qui ne trompe pas pour justement reconnaître ces indispensables invisibles des lettres. Un signe infaillible, une boussole qui ne perd jamais le nord, moins l’université s’intéresse à eux, plus leur aura se propagera chez les lecteurs sincères et désordonnés.
S’ils ne font l’objet d’aucun colloque scientifique ou études paritaires, leur dissidence est le gage d’une qualité supérieure. Comment expliquer ce mauvais goût qui se répète à chaque génération pour les penseurs pesants et les romanciers plâtriers ? Une constante pour le consternant et le lourdaud, l’explicatif et le glaiseux, l’éthéré et le fadasse. Face à la légèreté, l’ironie douce et le désengagement, les bons élèves perdent tous leurs repères. Ils ont l’équilibre fragile.
La littérature n’est pas un médicament ni un tuteur
Pour ces esprits compacts, enclins à enfoncer toujours les mêmes portes, il faut du solide, du nobelisé, du statutaire, du sérieux qui en impose. Du validé par les institutions et les médias complices. Ces pauvres enfants veulent lire pour comprendre le monde, se raccrocher aux branches de la connaissance, se reposer sur des diplômes et des concours administratifs. Il n’y a rien à comprendre, chers escholiers. La littérature n’est pas un médicament ou un tuteur. Elle ne devrait pas s’enseigner, elle a trop à perdre à s’allonger sur le divan des facultés. Ce n’est pas un module pour étudiants zoomers ou une patine de culture générale pour boomers, c’est un cri qui vient de l’intérieur.
De ces choses inutiles et fondatrices qui ne servent à rien. On les conserve pieusement auprès de soi. On a parfois du mal à les avouer en public. Il y a une forme d’indécence à parler de ses écrivains fétiches comme de ses relations amoureuses. L’exclusivité du lien qui unit le lecteur et l’auteur ne se découpe pas en fiches synthétiques. Le cadavre de la littérature peut se passer des soins palliatifs des professeurs-légistes, qu’on le laisse reposer en paix. C’est pourquoi je ne me considère pas comme un critique classique car j’ai toujours une très forte réticence à partager mes goûts comme s’il y avait violation de mon espace intime. J’aime l’idée, un peu romantique et aristocratique, d’entretenir le secret des livres. Le danger de cette posture-là est de laisser la littérature dans les mains des maîtres et/ou des marchands, ils vont de pair. Ce sont les deux faces d’une même pièce, celle d’une nation qui se vautre dans les fausses gloires et le style poussif. Alors, je prends ma plume pour défendre, une fois encore, les réfractaires de l’édition, ceux qui n’ont droit qu’aux miettes de la célébrité et dont la mémoire est entretenue par une poignée de fidèles.
Flibustiers et orpailleurs
En lisant la préface de Je ne sais écrire que ma vie de Henri Calet qui vient de paraître aux Presses universitaires de Lyon, je suis tombé sur cette phrase posthume de Joseph Ponthus mort à 42 ans le 24 février dernier et qui a connu un immense succès avec A la ligne, traduit en une vingtaine de langues : « Je dois avoir une vingtaine d’années et commence à m’aventurer un peu plus loin que mes grands classiques. Je découvre Guilloux, Fallet, Blondin, Nimier, Dabit ou d’autres, autant de « petits maîtres » de la littérature française du XXe siècle qu’on oublie un peu trop, hélas, qu’on ne lit et dont on ne parle plus guère, sinon entre initiés, confidents ou amis ». Ces quelques mots, les derniers peut-être, d’un écrivain prometteur qui nous a quittés si jeune, m’ont ému. Sans le connaître, nous étions de cette famille élargie qui aime les flibustiers et les orpailleurs. Ces « petits maîtres » sont des guides indisciplinés, des noyauteurs de bonheur, de grands fauves du pavé. De ces écrivains en marge qui ont payé, soit leur passé politique, leur mauvais caractère, leur absence de pathos, leur côté Clochemerle ou leur haine des meutes, il n’y avait pas de règles communes. On les lit sans capote anglaise ou mode d’emploi. Quand on cherchait à savoir dans quelle case ranger Tout sur le tout, Calet répondait : « En vérité, mon livre n’est ni tout à fait une autobiographie ni tout à fait un roman, mais d’un genre hybride. Je vous confesse que j’ai longuement cherché une étiquette qui lui convînt… Je n’ai rien trouvé. J’avais songé quelque temps à « livre fourre-tout ». Mais cette formule eût pu paraître quelque peu désinvolte. En définitive, j’ai renoncé à tout classement ».
Chacun peut compléter à sa guise la liste des « petits maîtres ». J’ose affirmer que les romans de Paul Guimard, Jacques Perret, Pascal Jardin, Kléber Haedens ou Jean Freustié ont plus compté pour moi que des dizaines d’auteurs consacrés et dorés sur tranches.
Je ne sais écrire que ma vie de Henri Calet – édition établie par Michel P. Schmitt, préface de Joseph Ponthus – PUL
William Bernet mérite sa couronne. Pionnier en la matière, ce boucher-cuisinier s’est depuis longtemps mué en cuisinier-boucher pour servir au mieux la noblesse de la viande française, la meilleure du monde.
Dans La Traversée de Paris, Gabin et Bourvil transportaient un cochon entier découpé dans leurs valises, de la rue Poliveau à Montmartre. Lors du premier confinement, en avril 2020, on a vu des types faire à peu près le même trajet, mais en sens inverse, de la rive droite jusqu’à la rue des Plantes, dans le 14e arrondissement. Que portaient-ils ? Des entrecôtes sublimes, pesant jusqu’à 80 kilos, pour les stocker au congélateur, au cas où Macron et ses médecins auraient décidé de nous cloîtrer ad vitam aeternam. Car au coin de cette fameuse rue des Plantes, il y a un aristocrate du bifteck, pionnier des bouchers-restaurateurs et dernier cuisinier parisien à trancher lui-même ses trains de côte : William Bernet ! Quand ce Vosgien passait son CAP de boucherie en 1969, l’auteur de ces lignes, âgé d’un an, tétait encore sa mère en regardant « Bonne nuit les petits » à la télé. Dans les années 1970, Bernet fait son apprentissage chez les plus grands : les Boucheries Nivernaises, créées sous Napoléon III. C’est en 1987 que ce boucher à l’ancienne décide de changer de vie en reprenant un minuscule bistrot oublié du 14e, Le Severo, avec son zinc, son lustre Art déco, son sol carrelé, ses banquettes en moleskine et sa petite cuisine ouverte. Son idée est simple : se mettre aux fourneaux et servir simplement les meilleures viandes de bœuf possible, à une époque où, déjà, trouver une côte de Salers succulente est un exploit. En 1998, il va plus loin et devient le premier cuistot de Paris à créer, dans sa cave, un laboratoire lui permettant de faire mûrir ses carcasses à 2 °C (de vingt à soixante jours pour les faux-filets). En maturant ainsi sur l’os, la viande perd 20 % d’eau, s’attendrit et concentre ses goûts de noisette et d’herbes fraîches. Aujourd’hui, William se flatte d’être encore le seul à trancher ses grosses carcasses de 300 kilos avec ses beaux couteaux Perceval fabriqués spécialement pour lui, à Thiers. « Même les plus grands chefs ne savent pas couper la viande, ils laissent le meilleur… », regrette-t-il.
Au début des années 2000, c’est la reconnaissance internationale : une journaliste gastronomique japonaise (au Japon, ce sont les femmes qui écrivent sur la cuisine, dans des revues de luxe) affirme que « le meilleur tartare de Paris est celui du Severo ». Invité au pays du saké, William est reçu avec les honneurs et ouvre à Tokyo deux restaurants de viande où il propose les mêmes recettes qu’à Paris, comme son délicieux tataki de bœuf : un rosbif saisi à la poêle, bloqué dans le froid avec des glaçons, tranché minute, et servi froid avec des anchois de Galice à l’huile d’olive, du parmesan et des câpres. « L’amour des Japonais pour mes viandes vient du fait que, chez eux, les bœufs sont très gras, c’est du beurre ! Leur nourriture est hors-sol (paille de riz et soja), ce qui leur donne un arrière-goût désagréable, alors que mes blondes d’Aquitaine, mes normandes et mes limousines sont nourries à l’herbe fraîche : leur viande est plus maigre et plus acide, plus goûteuse, plus digeste. »
Le meilleur tartare de Paris, haché épais et assaisonné délicatement, se déguste au Severo, le bistrot du boucher William Bernet, dernier restaurateur à trancher lui-même ses carcasses de boeuf affinées à la perfection.
Nous avons donc testé son divin tartare qu’il prépare à emporter et qui doit être consommé dans les deux heures. William utilise de la bavette de flanchet (appelée aussi petite poitrine, car composée de muscles de l’abdomen), un morceau très plat, sans os, avec des fibres longues et une mâche un peu ferme : « C’est le secret du tartare, il faut de la mâche, je déteste les tartares des palaces qui ressemblent à de la bouillie ! » William hache donc la viande au hachoir réfrigéré à 7 °C en réglant la taille à huit millimètres. L’assaisonnement est très simple pour ne pas couvrir le goût de la chair crue : échalotes, sel, poivre du moulin, jaune d’œuf, huile d’olive, tabasco, sauce Worcestershire, câpres… pas de persil ni de cornichons !
À l’origine, en Russie, le tartare était fait avec du cheval et on y ajoutait du caviar. Les frites et la purée qui accompagnent ce chef-d’œuvre traditionnel sont exquises, mais, évidemment, réchauffées à la maison, ce sera moins bien…
Concluons par un avis aux amateurs : sa tête de veau est une merveille ! C’est une révélation, une œuvre d’art nous ramenant à une époque révolue, quand ce plat de légende typiquement parisien (« Parigot, tête de veau ! ») réconciliait les prolétaires et les bourgeois. Au Severo, William la reçoit entière, issue de veaux fermiers élevés sous la mère, avec les yeux, la cervelle, les oreilles et la langue, avant de la désosser en la coupant en deux, de l’épiler, de la nettoyer, de la blanchir, de l’étaler, de la saler, de l’enrouler dans un torchon et de la cuire six heures dans un bouillon de pieds de veau avec de l’oignon et un peu de sucre. Après une nuit de repos, la tête est découpée en tronçons de trois ou quatre centimètres. Il n’y a plus qu’à la poêler à feu vif avec de l’huile d’olive pour lui donner du croustillant et de l’accompagner, « une bonne vinaigrette (type sauce ravigote) avec des échalotes hachées, des câpres et des cornichons suffit (la sauce gribiche, elle, est une mayonnaise à base de jaunes d’œufs durs pilés, donc, un peu lourde) ». La tête de veau de William fascine par sa tendreté et son fondant, ses saveurs délicates, le croquant de son cartilage, la mâche de son cuir. « L’homme est bon, disait Brecht, mais le veau est succulent. » On s’étonne qu’un plat aussi surréaliste n’ait pas plus inspiré André Breton et Man Ray, alors que Marco Ferreri l’a immortalisé dans La Grande Bouffe avec Michel Piccoli (tête-à-tête jubilatoire).
Pour notre part, nous l’accompagnerons d’un Gamay étincelant, un morgon de Jean Foillard, cuvée Corcelette, par exemple.
De son propre aveu, Bruno Lafourcade est un fanatique, un jaloux qui règle ses comptes avec ses contemporains…
Chaque mois des tombereaux de livres sont versés sur les étals des libraires. Ils forment des tas desquels émergent le plus souvent des livres médiocres promus par des publicités consanguines et complaisantes. Le style régulièrement bâclé de ces pensums reflète la pauvreté récurrente des thèmes abordés.
Notre littérature actuelle résonne de la charge éléphantesque des belles âmes
L’actualité racoleuse (migratoire, solidaire, féministe, incestueuse ou “sociétale”) se glisse entre les réflexions nombrilistes. Certains auteurs surpassent tous les autres: parlant de rien dans le style commercial qui contente l’étudiant manquant de culture ou la cadre dynamique pressée, ils écrivent régulièrement des livres-bibelots qu’on pose sur la table basse à côté du Télérama qui les a consacrés. Des journalistes accouchent, dans le style journalistique qui a fait leur succès médiatique, de romans manifestement destinés aux journalistes et lectrices de Elle. Des politiques « communiquent des messages » à travers des personnages grotesques dans des livres ridicules. Enfin, en utilisant l’autofiction, d’autres littérateurs se libèrent du carcan des écrivains d’antan – décrire le monde dans toute sa splendeur et dans toute sa crasserie, et sa galerie de personnages possibles – puisqu’ils ne parlent que d’eux. À peine né, l’ensemble de ces œuvres sent déjà le renfermé.
Il fallait une pointe acérée pour décrire les productions des plus éminents représentants de ces catastrophes littéraires. Bruno Lafourcade a par conséquent transformé son stylo en arme de destruction massive des écrivassiers qui encombrent les rayons des librairies et des supermarchés. Dans sa Littérature à balles réelles, il n’y a pas de faux-fuyants ni d’attaques en biais. « J’ai du meurtrier en moi », écrit-il. Par chance il est un meurtrier qui prend le temps d’enluminer les balles qu’il destine à tel ou tel de ces gribouilleurs. Ces derniers transparaissent alors sur la feuille, grotesques, suffisants, drôles malgré eux, gonflés comme des outres pleines de vent, prêtes à éclater. Alternant les coups de pelle et de fusil, Lafourcade vise juste et décime avec appétit : « Il n’y a pas que de l’aigreur en moi, il y a aussi du fanatisme. »
Livres faisandés…
Le premier que Bruno Lafourcade colle au peloton d’exécution s’appelle Olivier Adam : « Il n’est pas fade, il est la fadeur ; comme il est la tristesse, et comme il est l’ennui. Pour le dire autrement, il affadirait la fadeur elle-même si on le laissait faire, comme il ennuierait l’ennui, comme il ferait pleurer de tristesse la bruine des dimanches après-midi que l’on regarde tomber, impuissant, derrière sa fenêtre. » Quand ça commence comme ça, on n’a plus qu’une envie, poursuivre la lecture ; on sent que le bourreau, à l’inverse de l’exécuté, est de la race des écrivains : il zigouille avec style, il trucide avec élégance, il enterre avec raffinement. Rien ni personne ne retient ses coups. Il y a du Léon Bloy sous Lafourcade – une « irrévocable volonté de manquer essentiellement de modération » et de « dire la vérité à tout le monde, sur toutes choses et quelles qu’en puissent être les conséquences. » (Le Pal, Mercure de France)
Selon l’ampleur imbécile de l’œuvre incriminée, Bruno Lafourcade assassine l’auteur d’un coup de pelle expéditif ou de mille petits coups de stylet vifs. Christine Angot a droit à plusieurs dizaines de lignes avant le coup de grâce ; David Foenkinos à quelques lignes, et je ne résiste pas à l’envie de rapporter la dernière: « Foenkinos est traduit dans le monde entier ; dans un monde juste, il le serait devant les tribunaux. » De Frédéric Beigbeder Lafourcade dit que « son insignifiance croisa celle de l’époque », rappelant au passage que la littérature « qui se vend » ne pouvait pas échapper à la médiocrité putassière de ce temps. Il note que Philippe Sollers a constamment adapté son style à la mode en cours « entre deux cabotages d’avant-garde, stérilement formalistes, écrits dans un style de fiche technique pour robots ménagers », et que Julia Kristeva, « spécialiste du “substrat infrasignifiant de la langue”», a écrit une des quatrièmes de couverture les plus désopilantes de l’histoire du livre (Thérèse mon amour, Fayard). Il faut lire ça pour y croire, et comprendre ainsi qu’il existe des maisons d’éditions qui ne savent plus distinguer ce qui relève de la littérature de ce qui relève de l’outrecuidance bouffonne.
« Un lecteur expérimenté hume dès le premier adjectif le livre faisandé », écrivait Nicolás Gómez Dávila. Bruno Lafourcade avoue n’avoir pas toujours lu entièrement les livres critiqués: « Il en va des livres comme des bananes: la peau dit tout – je ne mange pas de fruits blets, et je ne lis pas de livres intitulés “Les lendemains avaient un goût de miel” ». La quatrième de couverture et le visage de l’auteur peuvent être des indicateurs supplémentaires; l’absence de points-virgules finit de ranger dans la case des malfaisants et des illettrés qui écrivent (les pires) l’auteur qui fait l’économie de cette ponctuation « si essentielle à la construction du raisonnement ». De son propre aveu, Lafourcade est un fanatique, un meurtrier, un jaloux qui règle ses comptes. Il va d’ailleurs jusqu’à les régler avec lui-même puisqu’il consacre dans son abécédaire destructeur un chapitre à… Bruno Lafourcade, écrivain aigre « qui s’est improvisé puriste », à la « phrase lourde d’archaïsmes, d’affèteries et de pronoms relatifs. »
Comme il est impossible de vivre constamment l’estomac retourné et le fusil chargé, Lafourcade n’oublie pas de citer quelques auteurs qui valent la peine d’être lus: il a un faible, et on le comprend, pour Patrice Jean, le « romancier le plus lucide du temps »; il aime bien Pierre Jourde (lui-même auteur d’une Littérature sans estomac réjouissante) mais lui reproche de « ne pas se couper assez » et d’être un peu trop humaniste à son goût; il admire, comme beaucoup d’entre nous, Alain Finkielkraut, « notre conscience inquiète et douloureuse », notre maître à penser par nous-mêmes, dirait Cyril Bennasar, pour « sa lucidité et son courage » ; il apprécie à sa très juste valeur Benoît Duteurtre, « notre Marcel Aymé », le pessimisme et la férocité en moins ; il dit son admiration pour Renaud Camus qui lui a fait prendre conscience « que la beauté est avant tout une forme et la laideur une idéologie. » Ces auteurs et leurs livres sont nos bouées de sauvetage au milieu de la Mer d’Immondices des rentrées littéraires. Merci à Bruno Lafourcade d’avoir rappelé leur salvatrice présence entre deux salves meurtrières.
Bruno Lafourcade propose également son excellente revue « à parution aléatoire », L’Irrégulière, pour la modique somme de 4,50 euros. Il suffit d’en faire la demande via cette adresse: jeandezert.editeur@gmail.com. Toutes les âneries de l’époque y sont répertoriées avec la même verve que celle de son dernier livre.
La surprenante passivité de l’opposition interroge. De plus, Nicolas Sarkozy laisse entendre qu’il pourrait soutenir Emmanuel Macron à la prochaine présidentielle. Philippe Bilger fait le point sur les rumeurs, chuchotements et coups fourrés à droite…
Le RN n’obsède pas que le pouvoir. J’ai eu beau parler et écrire, depuis des années, sur mon inaltérable distance politique d’avec le FN puis le RN, rien n’y fait. Des commentateurs ou des intervenants sur Twitter continuent à m’accuser du contraire et montrent à quel point on préfère ses préjugés à la vérité.
La vérité est que je suis beaucoup plus intéressé par le sort du président Macron et la destinée de LR.
Ce dernier parti ne cesse de m’inquiéter, je trouve que ses desseins sont obscurs et impénétrables et qu’il y a un certain nombre d’éléments qui pourraient nous laisser penser qu’il y a anguille sous roche, dissimulation sous l’apparence.
LR est tétanisé au point qu’on est conduit à se demander si un tel niveau d’impuissance ne résulte pas d’un dessein.
Comme si on cherchait à démontrer que le RN est le seul parti d’opposition au pouvoir macroniste. Il n’est pas concevable que, derrière les contradictions classiques et répétitives, il n’y ait pas eu une authentique mise en pièces de cette prétendue politique de droite astucieusement exhibée pour faire oublier tout ce qu’il y a encore de gauche dans l’appréhension des problématiques les plus préoccupantes pour les Français : immigration, sécurité et Justice.
Bizarre de constater avec quelle résignation la hiérarchie opératoire de LR accueille les annonces répétées de la mort du parti, en tout cas de sa longue agonie. Comme si le mourant avait peur de se retrouver bien-portant !
Sous la présidence de Christian Jacob, le combat d’opposition, de résistance et de proposition qui aurait dû être essentiel a été stérilisé par celui-ci et ses soutiens, à cause de la focalisation entêtée sur la candidature de François Baroin ou le retour, plus que jamais improbable, de Nicolas Sarkozy. Ce qui, durant des mois, a néantisé toute perspective de pugnacité politique. À se demander si la droite savait encore qu’elle existait.
Surprenante passivité.
Si Nicolas Sarkozy à plusieurs reprises a coupé court au désir de certains de le voir revenir, l’attitude de François Baroin est plus étrange. On nous a dit qu’il avait décidé de ne pas se présenter malgré le forcing de son ami Christian Jacob. Mais restant silencieux, il n’a lui-même jamais confirmé explicitement son abandon. Donc il y a du flou.
Par ailleurs je n’ai cessé de m’étonner de la course de lenteur à l’évidence organisée et voulue par la nomenklatura LR. On a reculé le plus possible la date de ce qui devra bien être une opération de départage, ou une primaire si j’ose ce terme – qui a été dégradé seulement dans les suites de la victoire éclatante de François Fillon.
Cette sélection par les militants et les sympathisants sera inévitable puisqu’il est peu probable qu’un candidat ait tellement le vent en poupe qu’il devienne une évidence. Même Xavier Bertrand ancré dans sa résolution et tactiquement proche, tout proche de LR !
Comment ne pas relier cette mauvaise volonté de l’appareil officiel LR à l’obsession de freiner autant que possible Bruno Retailleau, ce « catholique vendéen » qu’on traite avec d’autant plus de condescendance qu’il est clairement de droite, ne s’en repent pas et de plus est placé en tête largement dans tous les sondages officieux internes ? À son égard tout semble permis, même la critique de son apparence ! On vole bas pour l’empêcher de voler haut !
Il est difficile, face à une telle configuration manifestant le peu d’empressement de LR à se battre sous un pavillon clair et net, de ne pas relever au sein de ce parti une singulière dérive vers le social – dans le débat par exemple entre Aurélien Pradié (qui ne supporte pas Retailleau) et Jean-Louis Thiériot. Que la droite n’oublie pas la veine sociale est souhaitable mais pas au point d’en faire un ersatz de gauche comme le premier semble le vouloir, sauf à dissoudre encore davantage son identité et les exigences de liberté et de responsabilité qui devraient la caractériser.
Peut-on ignorer aussi que la date des élections départementales et régionales prévue en juin pourrait être reportée à l’initiative d’un président qui pourra ainsi jouer sur une large palette opportuniste pour entraver des adversaires affichés (Bertrand) ou possibles (Valérie Pécresse) ?
L’ensemble des considérations que je viens de développer montre pour le moins que la stratégie de LR n’est pas limpide, qu’elle oscille, qu’elle est poussée d’un côté ou de d’autre et qu’elle désespère ceux qui attendent une opposition intelligente, univoque, cohérente et fière de ce qu’elle représente. On en est loin.
Dans le dos des citoyens se déroulent, j’en suis sûr, des manoeuvres et se mettent en place des combinaisons qui, les unes et les autres, ne seraient pas à l’honneur de la droite.
On n’a pas assez relevé cette interrogation du JDD, toujours si bien informé dans et sur la mouvance sarkozyste, laissant entendre que l’ancien président, dont la complicité avec Emmanuel Macron, même avec des failles, est certaine et exploitée par ce dernier, pourrait voter en 2022 en faveur de celui-ci. Ce serait certes un coup de tonnerre mais serait-il si surprenant au regard de l’étrange rapport que LR entretient avec le pouvoir actuel, qu’au fond il conteste en le ménageant ?
Des bruits plausibles me reviennent – Luc Ferry les a entendus aussi – qui concerneraient le soutien qu’apporterait LR au président de la République en échange d’un poste de Premier ministre, et le nom de François Baroin réapparaît. Ou celui d’autres compatibles.
Ce n’est pas une fantasmagorie puisque l’homme d’influence qu’est demeuré Nicolas Sarkozy avec ses dilections, sympathies et répugnances ne serait vraisemblablement pas hostile à une telle évolution constituant la droite telle une annexe du macronisme.
Sur le plan démocratique, si un tel futur se confirmait, nul doute alors que le RN en profiterait, ou la gauche si elle s’unit, parce que rien ne serait plus insupportable que sortir d’un quinquennat n’ayant rien « dépassé », en poussant au comble la confusion politique.
LR aurait à rendre des comptes à ceux qu’elle aurait trahis.
Plus que le critique, le comédien, le musicien et le danseur, c’est l’ouvreuse qui passe sa vie dans les salles de spectacle. Laissons donc sa petite lampe éclairer notre lanterne!
Quelle est la différence entre Confinement I (mars-mai 2020) et Confinement II (novembre-décembre plus couvre-feu) ? Le I avait tout éteint. Le II a vidé la salle sans interdire la scène. Pas de public, mais si vous voulez, répétez ! Ça vous fera des heures, et à la fin vous pourrez streamer.
Mieux que streamer. Live-streamer. Diffuser en direct sur nos écrans le résultat de vos efforts. C’est comme ça que vous avez pu voir le premier Wagner de Roberto Alagna live aus Berlin, l’éternelle jeunesse de Pelléas et Mélisande sauvé à Rouen, La Voix humaine de Cocteau & Poulenc par Patricia Petibon & Olivier Py à Paris… Restez en ligne ! Le 8 mars, Michel Fau et sa tribu remplacent leur Belle Hélène à l’Opéra-Comique par un « Concert de gala pour salle vide » bientôt sur France Télé. À partir du 18, le Centre de musique de chambre de Paris filme son nouveau concert-spectacle, Staline/Chostakovitch. Si l’État paie, pourquoi s’en faire ? Ne reste au fond à régler que deux détails. 1) Comment on vit ? 2) Pourquoi, pour qui ?
1) Comment vivront les artistes qui occupent le plateau depuis trente siècles ? On les enregistrera, mais justement. Jusqu’à peu, quand une technique remplaçait une technique, un marché remplaçait un marché. Le cylindre a remplacé le piano pneumatique, le disque a remplacé le cylindre, le vinyle la bakélite, le CD le 33 tours… À chaque coup, recommencer, par ici la monnaie. Et pan ! Internet est arrivé. Pour la première fois le technique a tué l’économique. YouTube s’arrange avec la pub et l’espionnage, mais le consommateur se prend pour un usager, s’habitue au tout gratis, et les auteurs protégés depuis Beaumarchais ne touchent plus rien. On se raccorde à des « plates-formes » qui ne profitent qu’aux molosses. On se rémunère en nombre de tracks (autrefois « plages »), dont le seul effet a été de réduire les chansons à deux minutes – moins de temps, plus de tracks. Une enquête du nouveau Centre national de la musique (CNM) « met en évidence que les contours du format livestream sont encore flous ». C’est qu’un gigaoctet passe les frontières encore plus facilement qu’une tomate ou un virus. Même les traders de pop se lamentent. Alors pensez, le jazz, le classique, la world. Un musicien normal ne vit plus que grâce aux institutions subventionnées, elles-mêmes menacées par le subventionneur. Changez de ministre ou de maire, et hop ! tout doit disparaître.
2) Vases communicants : plus nos écoles accouchent de petits génies (tous tons et sexes confondus, je ne précise pas, ça saute aux yeux), moins le public se renouvelle. Vrai pour la comédie, encore plus vrai pour le chant. Cyrille Dubois, l’un de nos jeunes ténors en or qui ne se compte pas au nombre des victimes, lâche mi-février sur les réseaux : « J’ai le sentiment que nous vivons l’agonie de la culture dans l’indifférence d’un silence absolu. » Et son aîné la star Jonas Kaufmann, interrogé par Radio Classique peu avant Aïda dans le vaisseau désert de l’Opéra Bastille : « Les spectacles sans public, ça ne marche pas.» Le métier ? « Seuls trente à quarante chanteurs travaillent encore, les autres sont sans production. » Beaucoup ont déjà cédé. À New York, les ténors livrent des pizzas. À Milan…
… Une seconde, on m’appelle. Allo, t’es où ? Madrid ? Tu fais quoi à Madrid ? Restau à midi ! Tu sors du Prado ! Ce soir Siegfried ! Sur ton écran. Non ? Au Teatro Real ! Présent ciel, tu blagues ? Ah… ah… ah bon. O.K., je vous laisse. M’en vais déchirer les tickets en Espagne.
Muriel Salmona aux côtés des actrices Nadège
Beausson-Diagne et Adèle Haenel participent à une
manifestation pour la Journée internationale des femmes, Paris, 8 mars 2020. D.R.
La psychiatre est entourée de militants qui sacralisent la parole de l’enfant, les mêmes qui estimaient dans l’affaire d’Outreau, à la fin des années 1990, que plus le témoignage d’un enfant est contradictoire, plus il est fiable…
« Une héroïne, qui alerte depuis vingt ans sur les conséquences psycho-traumatiques des violences sexuelles, mais aussi l’amnésie traumatique, particulièrement prégnante chez les victimes d’inceste. » Voilà comment le quotidien suisse Le Temps présente Muriel Salmona dans un article publié le 22 février.
Vingt ans, c’est exactement l’âge de l’affaire d’Outreau. En 2001, Fabrice Burgaud, un juge d’instruction à peine sorti de l’école, tombe sur une affaire sordide d’inceste et d’abus sexuels dans cette commune proche de Boulogne-sur-Mer. Plusieurs enfants accusent leurs parents, puis leurs voisins, puis des voisins de voisins, puis le curé, décrivant des orgies et un assassinat. Le juge Burgaud croit être tombé sur un réseau. Il ordonne 18 incarcérations. Trois années passent, le réseau reste introuvable. Il y a eu inceste, prêts sordides d’enfant à un couple de voisins, mais pas de ballets roses filmés au caméscope et encore moins de meurtre de petite fille. Aux assises, en 2004, l’évidence s’impose : les enfants n’ont pas dit la vérité. Quatre accusés sur 18 plaident coupables (les parents et le couple de voisins), 13 nient. Le dernier est mort en prison. L’institution judiciaire achève de se discréditer en prononçant sept acquittements, mais en infligeant à six accusés des peines couvrant exactement leur détention provisoire ! Ils seront définitivement blanchis lors d’un second procès d’assises, en 2005.
« On ne saurait méconnaître la complexité de l’exercice qui consiste à entendre un enfant très jeune sur des faits d’abus sexuels dont il aurait été victime »
Jacques Chirac écrit personnellement à chaque innocent, déplorant « une catastrophe judiciaire ». Une commission d’enquête parlementaire dresse un tableau accablant de l’enquête, réservant ses charges les plus violentes aux experts qui ont poussé le juge Burgaud à la faute, et en particulier à Marie-Christine Gryson-Dejehansart. Sa ligne de défense est inattendue : tous les enfants ont « été reconnus victimes par le verdict des assises ». Peu importe que les personnes qu’ils ont accusées lors de la « reviviscence des viols en réunion » ne fussent pas coupables. « La question n’est pas là », les enfants sont des victimes, leur parole est sacrée. Marie-Christine Gryson-Dejehansart expliquera par ailleurs aux députés que plus un témoignage d’enfant est flou et contradictoire, plus il est fiable, car c’est le signe qu’il y a mémoire traumatique, donc traumatisme.
Muriel Salmona est invitée par tous les plus grands médias, où elle peut diffuser sa propagande sans contradiction. Photo: capture d’écran France 5.
Mme Gryson-Dejehansart n’a jamais dévié de cette ligne. Si elle n’a jamais eu un mot pour les 14 innocents qu’elle a contribué à envoyer en prison, Causeur n’en a pas trouvé trace. Comme elle nous l’a expliqué, « la mystification d’Outreau, c’est de dire que les enfants ont menti ». Elle se réfère souvent au livre de Jacques Thomet, ancien rédacteur en chef à l’AFP, Retour à Outreau : contre-enquête sur une manipulation pédocriminelle ; 337 pages de complotisme paru chez Kontre Kulture, la maison d’édition d’Alain Soral.
Et ce n’est pas tout.
L’experte d’Outreau et Muriel Salmona, même combat
En 2015, l’ex-experte d’Outreau a cosigné chez Dunod un ouvrage intitulé Danger en protection de l’enfance avec… Muriel Salmona. Les deux femmes se connaissent et s’apprécient. Le livre met en forme les actes d’un colloque, où était aussi intervenu Édouard Durand, magistrat au tribunal des enfants de Bobigny. Celui-ci était également coordonnateur de formation à l’École nationale de la magistrature, à l’époque où Muriel Salmona et Marie-Christine Gryson-Dejehansart ont été appelées à y donner des conférences.
S’il n’a jamais commenté publiquement le désastre d’Outreau, le juge Durand n’en fait pas mystère, pour lui la parole de l’enfant est sacrée, donc incontestable. « Mon principe est d’auditionner tous les enfants de 0 à 18 ans, expliquait-il lors d’un colloque à Angers en octobre 2013. Il m’est donc arrivé d’expliquer à un enfant de six mois les raisons de son placement. »
Début février 2021, Édouard Durand a été nommé à la coprésidence de la commission sur l’inceste. Muriel Salmona (qui n’a pas trouvé le temps de répondre à nos questions) a applaudi dans Le Monde du 6 février : « La nomination d’Édouard Durand est très consensuelle : il s’est toujours positionné contre la culture du viol et la propagande anti-victimaire. »
De quelle propagande anti-victimaire s’agit-il ? Exactement à la même époque que l’affaire d’Outreau (1999-2001), la police a démantelé un vaste réseau de pédophile à Angers : 45 enfants victimes, 66 accusés, 63 condamnés en mars 2005. Le tout dans la discrétion et avec des expertises qui ont passé le cap de l’audience aux assises, contrairement à celles de Marie-Christine Gryson-Dejehansart. Comme le disait Christian Raysseguier, inspecteur général des services judiciaires, en remettant son rapport sur Outreau au garde des Sceaux en juin 2006 : « On ne saurait […] méconnaître la complexité de l’exercice qui consiste à entendre un enfant très jeune sur des faits d’abus sexuels dont il aurait été victime, a fortiori si les faits ne sont pas récents. » Un propos d’expert, à mettre en parallèle avec la proposition phare de Muriel Salmona, l’imprescriptibilité des crimes sexuels. Le 27 janvier 2021, Édouard Durand se déclarait « favorable à ce qu’on y réfléchisse » sur BFM-TV. Des propos détonants de la part d’un professionnel du droit, la plupart considérant que la prescription a moins à voir avec la gravité des faits qu’avec la possibilité de rassembler des preuves[tooltips content= »Jusqu’à une réforme de 2017, le banal abus de bien social était quasiment imprescriptible, car les juges considéraient qu’il était à la fois facile à dissimuler et à reconstituer, car il laisse des traces en comptabilité. »](1)[/tooltips]. « Il est génial, Édouard Durand ! s’exclame Marie-Christine Gryson-Dejehansart, interrogée par Causeur. Il est extrêmement compétent, on l’invite à tous nos colloques, c’est lui qui aurait dû être ministre de la Justice, il est dans l’air du temps. »
Un air du temps qui rafraîchit singulièrement la psychologue d’Outreau, toujours en activité. « On peut vraiment progresser en ce moment parce que les jeunes journalistes n’ont pas ou plus en mémoire la doxa d’Outreau. L’affaire a mis un frein majeur à la prise en compte de la parole de l’enfant. On pourra avancer quand les tribunaux, les magistrats et les policiers n’y feront plus référence, en disant : on va mettre des innocents en prison. » Nous voici tous prévenus, sans jeu de mots.
Lettre ouverte à Jean-Michel Blanquer, à propos de l’UNEF
Monsieur le ministre,
Après les aveux télévisés de la dirigeante de l’UNEF, qui organise bien des stages « racisés » — un mot innommable, du point de vue de la langue française, que nous pourrions aussi bien remplacer par « racistes » —, je m’interroge. Un homme de culture comme vous, un juriste sensible au respect de la Constitution, peut-il tolérer que ce « syndicat » qui ne représente plus que lui-même siège encore dans des instances représentatives, le CNESER ou le CNOUS ? Comment admettre qu’il touche des subventions ? Vous l’avez souligné vous-même jeudi 18 mars, en notant que de tels comportements étaient « inacceptables », et que « nous sommes les enfants de la République, nous voyons d’abord des personnes humaines, des citoyens avant de voir les gens en fonction de leur couleur de peau, de leur religion ou de quoi que ce soit d’autre. » Alors, si nous passions aux actes ?
Mélanie Luce, présidente de l’UNEF, confirme que ce syndicat organise des réunions interdites aux Blancs. Qui stoppera ce délire ? pic.twitter.com/NdCjJLXTqE
Il fut un temps où l’UNEF témoignait d’une sensibilité de gauche largement répandue à l’université. Mais ce n’est plus le cas : elle ne représente plus qu’une addition de communautarismes. Vous êtes trop fin politique pour ignorer que c’est une nébuleuse, et que l’UNEF n’est qu’un relais du Parti des Indigènes de la République (dont personne en France ne comprend qu’il n’ait pas été interdit), faux nez de cette organisation identitaire dont la surenchère et la violence verbale sont les seuls modes d’expression.
Je vous demande donc instamment de proposer au gouvernement des mesures, qui seraient fort populaires, afin d’empêcher définitivement l’UNEF de nuire en lui donnant une plate-forme d’expression légale.
On regarde avec horreur l’entrisme d’organisations fanatisées dans ce qui fut le fer de lance de la contestation étudiante
Ce n’est pas toucher au droit syndical : l’UNEF est une association, non un syndicat. Elle a fini par ne plus représenter qu’elle-même. La jeune femme voilée qu’elle a envoyée récemment, en cheval de Troie, à l’Assemblée nationale, n’a aucune audience réelle auprès des millions d’étudiants aujourd’hui concernés prioritairement par leurs études, que le distanciel rend souvent aléatoires, et leur pain quotidien, qui se fait terriblement hebdomadaire. Et les universités sont désertées par ces mêmes étudiants qui souvent n’ont pas cru nécessaire de prolonger le paiement de loyers inutiles : aucun risque sérieux de manifestation, quelque manipulateurs que soient les agitateurs professionnels qui ont pris le contrôle de l’organisation que dirigeait Jacques Sauvageot en 1968: croyez-moi, les ex-gauchistes regardent avec horreur l’entrisme d’organisations fanatisées dans ce qui fut le fer de lance de la contestation étudiante.
Le 17 septembre 2020, la représentante de l’UNEF Maryam Pougetoux a été autorisée à parler à l’Assemblée nationale dans un accoutrement islamiste. Image: Assemblée nationale.
Vous savez par ailleurs que les élections dans les universités sont une mascarade, et que l’UNEF ne représente au mieux que 4 ou 5% des étudiants — dont on ne sait trop s’ils sont réellement en poursuite d’études, ou s’ils cherchent une couverture sociale et un parapluie pour abriter leur militantisme.
Vous vous honoreriez en suggérant à votre collègue Gérald Darmanin la dissolution de cette organisation — et de toutes celles qui prétendent faire des différences fondées sur la couleur de la peau, les origines ethniques, ou l’orientation sexuelle. Ce qui est explicitement interdit par notre République, à laquelle je sais que vous êtes attaché.
Des députés LR, Eric Ciotti ou Bruno Retailleau, demandent déjà cette dissolution. Autant leur couper l’herbe sous le pied, en les empêchant de polémiquer sur une prétendue complaisance du gouvernement dont vous êtes membre envers des organisations qui visent à fracturer la société française. Le ministre de l’Intérieur a commencé à faire le ménage dans les organisations islamistes. Par effet de balancier, il en a profité pour dissoudre également Génération identitaire — comme le gouvernement de Georges Pompidou, en octobre 1968, avait dissous Occident après avoir interdit, en juin, la JCR d’Alain Krivine ou le PCMLF. Il serait tout à l’honneur du gouvernement de montrer de la fermeté face à tous les ferments de fracturation de la société française.
L’UNEF doit être dissoute, parce que son comportement est un comportement raciste, et parce que ce sera un signal fort envoyé à toutes les associations qui se font un paravent de la loi de 1901 en affichant des buts « culturels », alors qu’elles sont pleinement religieuses. Il ne s’agit pas de censure, comme les plus exaltés des islamo-gauchistes le suggèreront, mais de sauvegarde des libertés françaises — en particulier celle de s’associer sans considération du sexe ou de la couleur de peau.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le ministre, l’expression de mon respect attentif…
Philippe Sollers sort un roman et une autobiographie. Qu’on l’adore ou qu’on le déteste, il est de toute évidence un des grands écrivains de l’époque…
Deux livres de Sollers sinon rien. Agent secret, autobiographique et illustré de photos touchantes et inédites ; Légende, roman diablement enlevé avec ligne balistique, de nox vers lux, cible Victor Hugo, la voix lyrique en alexandrins inspirés de la littérature face à l’entreprise planétaire yankee de destruction massive de notre culture. Un combat de titans, probablement le dernier de notre très basse époque.
Un dîner à Venise
Sollers, je le connais depuis longtemps. Je me souviens d’un diner léger à Venise, sur les Zattere. Après avoir évoqué Ezra Pound et Céline, Sollers me dit, main baguée vers le ciel : « J’ai la durée pour moi. » Je le revois encore disparaître dans son imper crème, col relevé, fume-cigarette au bec. Il faisait doux, c’était en juin. Peut-être allait-il retrouver l’une des femmes de sa vie, la romancière Dominique Rolin. Sollers avait l’habitude de se rendre dans la Sérénissime deux fois par an, en juin et en septembre. L’incipit de La fête à Venise est un véritable petit poème en prose. « Cette petite planète, par plaques, a son intérêt. » Surtout quand les hordes de touristes ont déserté la ville et que le silence règne sur les canaux. Venise, la nuit, pas mieux. Dominique Rolin meurt en mai 2012. Sollers, appelé Jim dans les romans de Dominique, ne retournera plus à Venise.
Bureau de Philippe Sollers à Paris Photo: Hannah Assouline
Sollers écrit face au Redentore, ou dans l’île de Ré, sa retirance sur les marais salants. Là, il regarde les variations du ciel, le vol des mouettes, la versatilité du vent, l’acacia en fleur. Il se lève à quatre heures du matin, relit la page de la veille, écoute Haydn, Bach, Mozart, quand le ciel reste bas dans sa tête. Du Jazz également. Sollers : « Cette musique est la liberté même, ma liberté. »
C’est le maître mot des confessions de l’agent secret : liberté. Il faut maîtriser l’art de la guerre, c’est-à-dire renforcer ses points forts, avoir du souffle, donc pratiquer la natation dans l’Atlantique, rester clandestin, prendre les chemins de traverse, être contradictoire, mais en apparence seulement, se défier de la foule et des honneurs. Tout petit, sous les fenêtres de l’usine de son père à Talence, il entend : « Joyau au poteau ! » Joyau c’est son nom, ça ne s’invente pas. Il est né en plein front populaire, un 28 novembre. Et puis c’est la débâcle française, si cruellement décrite dans Les beaux draps, pamphlet de Céline, l’exode et la Collaboration avec l’Allemagne nazie. Un passé qui ne passe pas. Et pour cause, la France a perdu le goût de la vérité, par lâcheté. Les parents Joyau sont anglophiles fanatiques. Les caves permettent de se cacher et d’échapper aux Allemands. Aveu de l’écrivain : « C’est depuis ce temps que j’ai appris à me méfier du genre humain. » Et puis le petit garçon très éveillé entend les cris dans la synagogue de Bordeaux. Papon dirige la préfecture. Il ne sera jugé qu’en 1997, condamné et remis en liberté pour raisons médicales. Tout se met en place. La guerre, la défiance, la méchanceté des hommes, l’indispensable brouillage de pistes. Ces mémoires sont très politiques, l’époque l’exige puisque l’amnésie est devenue générale. Sollers revient sur la guerre d’Algérie. Sa réforme pour ne pas la faire. « C’est Malraux qui m’a sauvé la vie », rappelle l’agent secret du temps. Les maladies durant l’enfance l’ont sauvé. L’asthme, les otites à répétition, l’opération de la mastoïdite à douze ans. Sauvé, de l’école, de l’armée, de la société. Apprendre par soi-même, loin des discours officiels des profs, regarder, écouter, voir, humer. Le luxe. Sentir le parfum des femmes. D’abord celui de sa mère, « très belle et son parfum sent très bon », ses tantes, ses sœurs, puis l’Espagnole, « basque réfractaire », Eugenia San Miguel, surnommée Concha dans son premier roman Une curieuse solitude (il faut le lire, tout Sollers est dedans, en gestation révélée), puis sa femme Julia Kristeva, et enfin Dominique. « Voilà pour les plus avouables, écrit Sollers, puisqu’elles sont connues, mais maintenant je laisse la liste ouverte aux biographes éventuels. » C’est noté.
Précis de survie par temps de destruction généralisée
Sollers évoque ses rencontres décisives avec les écrivains et artistes, ceux qu’on croit morts mais qui sont plus vivants que les vivants actuels. Citons Jacques Lacan, Georges Bataille, Pierre Guyotat, Roland Barthes (émouvant hommage), mais également Rimbaud, Montaigne, Stendhal, Nietzsche, Shakespeare, Picasso, Bacon, Mozart, Vivant Denon, Casanova et tant d’autres, dans les couloirs du temps et séances médiumniques spectaculaires. Résultat : il convient de lire ce livre comme un précis de survie sur la scène incommensurable de la destruction généralisée. Avec ce mot d’ordre inscrit dans l’un des plus beaux romans de Sollers, Portrait du joueur : « Attaquez à découvert, mais soyez vainqueur en secret… Le grand jour et les ténèbres, l’apparent et le caché ; voilà tout l’art. » Imparable. Comme la volonté de résister aux hochets de la société mortifère : l’Académie française, la Pléiade de son vivant, etc. Sollers : « Ce n’est pas mon genre. Donc je suis pour les contradictions et la guerre. D’où ma mauvaise réputation en général, très brouillée. »
Photo: Hannah Assouline
Quand j’ai écrit Sollers mode d’emploi[tooltips content= »1996, Editions du Rocher »](1)[/tooltips], j’ai à peine évoqué David, le fils unique de Sollers et Julia Kristeva. Je savais qu’il était malade et que Sollers faisait tout pour que cela ne se sache pas. Dans ce livre, Sollers lève le secret. Il évoque sa maladie qui « s’est déclarée très vite ». Il raconte les cierges allumés tous les deux dans les églises de Paris. C’est un garçon hypermnésique, très intelligent, utilisant son ordinateur bien mieux que son père. Il est sensible à la musique, joue un peu de piano. Sollers : « Je crois qu’il est heureux, sauf lorsqu’il a des problèmes de santé. La fréquence de ses crises est indéterminée, ça ressemble à des crises d’épilepsie mais ça n’est pas ça… » Parfois il doit être hospitalisé. « Je connais par cœur la Salpêtrière, confie l’écrivain, je connais très bien les hôpitaux, qui sont, comme vous le savez, dans un état souvent lamentable (…) C’est la misère, la pleine misère, il faut en être conscient. La misère est là. » Sollers le pudique montre même une photo de David enfant. Le père regarde le fils qui regarde le père. C’est au-delà des mots. Quand il écrit, Philippe Sollers ne veut être dérangé sous aucun prétexte. Alors David dit à Julia : « Papa est comme Dieu, il existe mais il ne répond pas. »
On retrouve la même phrase dans son nouveau roman Légende. Mais avant d’en parler, il convient de recommander au lecteur le passage consacré à Alfred Hitchcock. Sollers analyse de manière originale Le rideau déchiré, film de 1966. Il dit en substance que le réalisateur a montré ce qu’est une société totalitaire. Il précise : « Voilà ce que c’est d’être tout le temps en état d’urgence et de se sentir clandestin dans le monde où l’on a été jeté. Non seulement clandestin, parce que qu’on est innocent dans un monde coupable, mais parce que tout est mensonger, et on ne sait pas du tout pourquoi on devrait payer ce mensonge social, sexuel, financier. » L’écrivain conclut : « Une attitude qui demande une certaine façon de vivre pour continuer à être libre. » Sollers résumé par lui-même.
Regard voltairien
Légende donc. On retrouve la recette sollersienne, pertinence, érudition, ellipses, virtuosité, grandes enjambées dans le temps et l’espace, l’ensemble servi par un style maigre, c’est-à-dire sans gras. Petite surprise, une intrusion dans le XIXe siècle pourtant peu prisé par l’auteur de Femmes. Il trouve du talent à Hugo, malgré ses boursouflures lyriques et ses pleurnicheries romantiques, il s’attarde sur celui qui faisait tourner les tables et recevait les rares confidences de Dieu. Il cite même l’auteur des Misérables : « Ce qu’on attaque en moi, c’est mon temps, et je l’aime. »
Sollers pose un regard voltairien sur l’époque comme il le fait dans chacun de ses romans. Il y a, malgré les attaques violentes de la société contre les rares esprits libres, le triomphe de la joie, des fleurs et des amours clandestines. Mais il constate que la situation est critique, et pour la première fois, sa dernière page annonce un tsunami shakespearien : « Les Banques, le Sexe, la Drogue et la Technique règnent, la robotisation s’accélère, le climat explose, les virus poursuivent leurs ravages mortels, et la planète sera invivable pour l’humanité dans trente ans. »
Philippe Sollers, Agent secret (Mercure de France) et Légende (Gallimard)
Sophie de Menthon écrit à Causeur. Le troisième confinement qui débute ce soir à minuit dans 16 départements (dont la capitale) la met de fort méchante humeur!
Personne ne nie la difficulté de gérer une situation sanitaire comme celle que nous vivons! Mais l’accumulation de contradictions, de promesses jamais tenues, de décisions contradictoires, de blocages administratifs pour n’importe quoi et de privations de libertés met les individus au bord de la crise de nerfs.
Alors nous voilà re-confinés mais pas vraiment re-confinés.
Le vaccin AstraZeneca a été arrêté brutalement pour faire comme l’Allemagne, afin de se couvrir face à d’éventuels procès; le politique aujourd’hui a comme motivation prioritaire le fait de se couvrir. L’AstraZeneca est louche depuis le début, le président nous l’a dit lui-même, puis on nous a dit le contraire. Dangereux? mais comment ça ?… pas du tout ! D’ailleurs il est ré-autorisé par une autorité de plus, quatre jours après. Il devient tellement meilleur que le Premier ministre se fera vacciner devant nous. Il n’a ni facteur aggravant ni l’âge l’y autorisant, mais c’est pour l’exemple. Beaucoup d’autres Français seraient ravis de se faire vacciner aussi tout de suite pour l’exemple… On pourrait se réjouir de ce retour de l’AstraZeneca si ce n’est que – forcément – on a interrompu les livraisons, et que pour les reprendre avec la célérité administrative que l’on connaît, cela devrait prendre huit jours, sans compter les retards de livraison. On n’est pas près de reprendre nos rendez-vous annulés. Et ceux qui avaient eu leur première dose sont un peu échaudés… Au fait, dernière nouvelle: l’Astra Zeneca c’est pour les plus de 55 ans uniquement, parce que « le jeune » pourrait être à risque non mesuré ce jour (?!?) contrairement à ce que dit l’Agence Européenne du médicament.
À la guerre comme à la guerre
Nous Français ne sommes pas un peuple bassement mercantile comme ces vulgaires étrangers. Nous ne sommes pas pressés d’enchérir pour acheter des vaccins (ni pour le reste d’ailleurs) et rafler la mise comme d’autres. Mais pour les annonces et la com: imbattables. Pour se faire vacciner on annonce des vaccinodromes (sans vaccins). Les médecins peuvent vacciner aussi. Mais doivent commander les vaccins à la pharmacie, qui pourra vacciner aussi… mais toujours sans vaccins.
Alors on se bat ou on s’entraide. On est en guerre! « Tu n’as un petit facteur de comorbidité ? » « Tu n’aurais pas un peu de diabète ? Et l’asthme ? Ça marche ? ». Il y a la débrouille: on connait quelqu’un qui connait quelqu’un… on entend parler de pistons, de restes de doses oubliés quelque part, de tuyaux… Quasiment un marché noir!
Il faut arrêter tout cela: que ceux qui veulent se faire vacciner puissent le faire sans autres facteurs spécifiques, au lieu de convaincre ceux qui ne veulent pas! Et puis vaccinons le personnel soignant avec le vaccin de leur choix, au lieu de l’applaudir bêtement.
En revanche, bravo à l’Institut Pasteur! Après un an de réflexion, sans succès dans le domaine de la recherche d’un vaccin, il a enfin compris que le danger de contracter le virus ne venait pas de l’extérieur et que le grand air était plutôt protecteur. Les amendes pour non-port de masque sur plage déserte seront-elles remboursées?
C’est reparti les certifs bidons!
À partir de demain, on peut donc sortir sans limitation de temps, mais avec un justificatif de déplacement (c’est beau !). À vos marques, c’est reparti pour les certifs bidons comme avant, sauf pour faire du sport. Il convient donc de ne pas mettre le nez dehors sans baskets aux pieds ou un ballon à la main. Pour sortir le chien, c’est toujours valable aussi. C’est nouveau: c’est chez soi que c’est dangereux, c’est pour ça qu’on nous fait sortir, mais avec PV à l’appui. Réjouissez-vous braves gens, le couvre-feu est reculé d’une heure.
On peut travailler, mais un jour par semaine. Lequel? Qui décide? Et comment se nourrit-on ce jour-là? Un décret est certes paru au Journal officiel le 14 février pour nous autoriser temporairement à manger un sandwich, seul devant notre ordinateur. On apprend que tout va bien dans les transports en commun, super bien même! On est serrés les uns contre les autres dans les métros, mais sans danger, vraiment? La logique imperturbable de la RATP a pourtant consisté à diminuer le nombre de rames à des heures dites creuses, mais à ne surtout pas les multiplier aux heures de pointe. Pas grave on vous dit, tout le monde respecte les gestes barrières, collé à son voisin. Avez-vous remarqué que dans le métro le masque se portait sur la bouche, nez bien dégagé?
Le plus grave va être évité puisqu’on ferme les petits commerces, probablement grâce à l’Institut Pasteur qui aura remarqué que lorsqu’on achète un pullover, à trois maximum dans la boutique, le virus était tapi derrière le comptoir… En revanche chez le coiffeur ça va, il a peur du séchoir. C’est grave d’acheter un bouquet chez le fleuriste, alors que chez le boulanger, il n’y a pas de problème, le pain au chocolat n’est pas contaminant…
Vous avez dit pas essentiel? Mais pour moi ce sont les fleurs qui sont essentielles à mon moral désastreux.