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Projet de loi sur la fin de vie: une mort volée, l’inhumanité ultime


Ce jeudi est discuté à l’Assemblée nationale le projet de loi « donnant et garantissant le droit à une fin de vie libre et choisie ». S’inscrivant dans une prétendue volonté d’améliorer la loi Leonetti-Claeys de 2016, ce projet de loi veut établir le droit à l’euthanasie visant à donner la mort. Un texte de Laurence Trochu, présidente du Mouvement Conservateur


Fidèle à la doxa individualiste de notre époque, ce projet de loi traduit notre incapacité collective à penser la mort ; il constitue une rupture anthropologique et médicale majeure. L’élévation de l’euthanasie au rang de droit entrainera nécessairement un accaparement des ressources pour en garantir l’accès. Cela se fera indubitablement au détriment des soins palliatifs qui constituent pourtant une alternative efficace pour accompagner les patients en fin de vie. Il ne peut y avoir de « en même temps » : soit la France s’engage de toutes ses forces dans la culture des soins palliatifs, soit elle liquide le sujet de la fin de vie en validant l’euthanasie.

Une loi du renoncement

Ce projet de loi favorable à l’euthanasie s’inscrit parfaitement dans la zeitgeist du moment : la primauté de la liberté individuelle. Il souffre donc des mêmes travers et des mêmes limites que toute autre loi dite « progressiste » : l’impossibilité de penser le débat hors de l’autonomie de l’individu. C’est donc un projet de loi de renoncement : renoncement à penser « la vie bonne », l’éthique, la morale ou la mort en dehors du prisme de l’individualisme ; il sanctionne l’abandon de toute recherche éthique en la réduisant au critère du choix individuel. Or, la mort doit se penser sur un plan politique et éthique plus large, car ses implications vont au-delà du simple respect de l’autonomie de l’individu et du libre choix de définir sa propre mort.

L’impensé de la mort

L’euthanasie est une volonté d’évacuer la mort et le caractère profondément mystérieux qu’elle implique. Contrôler sa mort, c’est chercher à esquiver le tragique et l’inconnu qu’elle implique. Cette approche est caractéristique de nos sociétés modernes où la mort ne doit plus faire partie du réel ; elle doit être cachée, évacuée et pour cela maîtrisée et décidée. Choisir le moment de sa mort, c’est accorder la préséance à la peur qu’elle nous inspire plutôt que d’embrasser et assumer l’incertitude qui l’entoure.

Or, l’être humain est le seul animal qui doive vivre avec la conscience de sa propre mort. Accepter pleinement son incertitude, la fin naturelle de la vie, est donc un gage de notre humanité. Y renoncer en programmant sa mort revient à renier une part de ce qui nous caractérise comme humain.  C’est ce qu’explique le philosophe Louis-André Richard : « L’être humain n’est jamais aussi humain que lorsqu’il assume ce questionnement sur sa condition de mortel (…) à commencer par l’acceptation de l’impossibilité qui nous est faite de savoir quand nous allons mourir. Or, l’euthanasie, en tant qu’acte qui porte le risque d’une posture égocentrée, occulte en partie ce qui fait la condition humaine (…) et atténue par la même occasion toute possibilité de réflexion sur le sens de la vie. »

Une négation de notre anthropologie

Une société se fonde sur des interdits. La nôtre repose, entre autres, sur l’interdit de donner la mort. L’euthanasie nie notre rapport à cette limite qui nous caractérise comme civilisation. Il devient donc urgent de repenser notre société au regard des fondements sur lesquels elle s’est édifiée. A la lumière de cet héritage, c’est aujourd’hui le rôle de la médecine qui doit être contemplé. Il n’a jamais été de donner la mort, mais de soigner dans le cadre de ce que le philosophe Jacques Ricot nomme « le pacte de soin ». Le soignant fait la promesse d’apporter un soin à la mesure de ses compétences, et le patient s’engage à suivre le traitement. Le soignant n’est pas souverain dans son choix et doit obtenir l’approbation du patient ; ce dernier conserve son autonomie sans toutefois la faire valoir de manière absolue puisqu’il s’en remet à son médecin. Ainsi, le devoir de respecter l’autonomie du patient se trouve tempéré par l’obligation de lui procurer un bienfait par un soin. Or, contrairement à ce que la tyrannie des bons sentiments veut nous faire croire, l’euthanasie n’est pas un soin : « Faire mourir délibérément une personne n’est pas la même chose qu’en prendre soin jusqu’à son terme ».

Cette précieuse distinction, qui a inspiré les précédentes lois sur la fin de vie, est aujourd’hui balayée par le nouveau texte en discussion. Sous couvert de respect de la dignité humaine, il vient armer de la faux la main du médecin. L’expérience des pays ayant travesti le rôle de la médecine est éloquente. En Belgique, le nombre d’euthanasies a décuplé en quinze ans, il a quintuplé au Canada en seulement trois ans, et triplé aux Pays-Bas depuis 2002.

Progressisme contre progrès

Le progressisme de l’euthanasie n’est en rien synonyme de progrès. Les défenseurs du texte tiennent sur ce point un raisonnement fallacieux : s’opposer à l’euthanasie est contraire à la dignité humaine, car c’est condamner les patients à un acharnement thérapeutique qui les plonge dans d’atroces souffrances. Nous lui opposons le formidable progrès des soins palliatifs : la médecine n’a jamais été aussi performante pour contrôler et soulager la douleur physique. Reste la terrible détresse psychologique de se savoir et de se voir diminué et dépendant. C’est précisément là que l’humanité se révèle. L’humanité mise à nu du patient affaibli appelle un surcroît d’humanité des soignants et des proches en bonne santé. C’est dans leurs regards et la douceur de leurs gestes que le malade perçoit sa propre dignité et la valeur inconditionnelle de sa vie. Dans cette rencontre, l’un et les autres se découvrent plus hommes que jamais.

Assumés et affrontés, les questionnements qui rôdent autour de la mort sont paradoxalement sources d’une paix profonde. Lorsqu’on a aimé jusqu’à l’impensé, on a tout donné. Et tout reçu. Ce sont ces dernières étapes de la vie que les soins palliatifs permettent de vivre pour que la mort ne nous soit pas volée.

Les dangers d’une euthanasie érigée en droit

En revanche, un système de santé où coexisteraient une offre de soins palliatifs et l’euthanasie comme droit est la certitude de voir toutes les ressources financières et matérielles orientées vers l’euthanasie au détriment des soins palliatifs. Puisque seul un droit doit voir son accès garanti, point de « en même temps » possible ici. Cette analyse est d’autant plus vraie dans un contexte où les finances publiques sont limitées et que les soins palliatifs ont un coût. Quel vrai choix aurait alors un patient en fin de vie quand les soins palliatifs deviennent inéluctablement parents pauvres du système de santé ? Comment être certains que des pressions ne s’exerceront pas sur lui afin qu’il choisisse une euthanasie rentable? Les lieux où se pratique la médecine palliative deviendront plus que jamais des lieux de résistance politique.

 Le regard libre d’Élisabeth Lévy

« L’euthanasie : panoplie progressiste, refus de la condition humaine »

Retrouvez la chronique radio d’Elisabeth Lévy tous les jours à 8h15, dans la matinale de Sud Radio

Estonie: découverte d’un matriarcat oublié


Dans le golfe de Riga, l’île de Kihnu est un Disneyland pour féministes


En dépit de notre histoire sombre de domination patriarcale, vous serez heureux d’apprendre que l’Europe a quelque raison de relever la tête. Elle compte en effet, dans une petite île au large de l’Estonie, un matriarcat !

Le « dernier matriarcat d’Europe » – car nous savons qu’« avant », aux temps bienheureux de l’égalité primitive, il en existait beaucoup – subsiste à Kihnu, dans le golfe de Riga, sous la forme d’une société de vieilles dames pauvres arborant des jupes colorées et jouant du violon.

Remis au goût du jour par une photographe

C’est la photographe norvégienne, Anne Helene Gjelstad, qui a remis au goût du jour l’intérêt pour Kihnu, classée en 2008 au patrimoine immatériel de l’Unesco, en publiant un bel album sur la vie de l’île. L’originalité de la communauté de 600 habitants est que les hommes sont très souvent absents pour des périodes relativement longues, puisqu’ils consacrent la majeure partie de leur temps à la pêche et à la chasse au phoque sur la banquise. Résultat : les femmes s’occupent de la vie quotidienne. Entre agriculture, tissage traditionnel, chants folkloriques et cérémonies d’enterrement, de petites dames vieillissantes sont photographiées avec leur vache ou en train de danser. Point d’orgue de la démonstration allègre de Gjelstad, interrogée par la BBC : « Si le tracteur tombe en panne, les hommes ne sont pas là, donc les femmes doivent apprendre par elles-mêmes à réparer le tracteur. » Une femme qui répare un tracteur : une preuve imparable de matriarcat, non ? Hélas, cet enthousiasme politique nous semble quelque peu usurpé. Kihnu est une société où la répartition des tâches est très sexuée – et où, assez classiquement, oserions-nous dire, les femmes tiennent le village alors que les hommes partent à l’extérieur. Le décor folklorique, les broderies et la graisse de phoque, sur fond de « préservation de la culture locale », font toute la différence.

Qu’importe à nos militants : le matriarcat est désormais à portée de ferry.

Tariq Ramadan se relance avec… un slam indigéniste

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L’islamologue se dévoile enfin sans fard dans un slam sans âme, pour nous dire que le mal c’est l’occident…


« Cela fait des siècles que vous volez et mentez
Vous seriez venus dites-vous pour nous civiliser
Vous avez méprisé nos langues, nos cultures, nos religions
Humilié nos mémoires, souillé nos traditions »
(…)
Attendez ! attendez ! qu’est-ce que vous croyez?
Que l’on va rester là assis à vous regarder
Piller nos terres, nos richesses, nos minerais,
Vous laisser tranquillement écrire l’histoire et la coloniser,
Comme vous avez colonisé nos cultures, nos pays
Nos continents, nos paysages autant que nos esprits ? »

Voilà ce que chante Tariq Ramadan. L’ancien prédicateur star, mis en examen pour viols en France et en Suisse, n’a pas oublié ses classiques : pour semer la haine, il faut d’abord commencer par réécrire l’histoire, désigner un coupable, des victimes et lancer le grand mercato de la haine et de la vengeance. Avec un tel cocktail, on sème la violence politique en espérant obtenir en retour la guerre civile, tout en faisant semblant de tenir un discours de justice sociale. L’idée est de faire passer la haine pour de la saine révolte afin de culpabiliser ceux que l’on veut détruire, et de trouver des alliés jusqu’au cœur de la cible que l’on vise. Tariq Ramadan n’a jamais fait que cela en France, il y a même trouvé des compagnons prestigieux, Edwy Plenel, Michel Tubiana et la Ligue des Droits de l’Homme, Alain Gresh…


Sans aucun complexe

Aujourd’hui, le voilà donc qui se dévoile enfin sans fard dans un slam sans âme pour nous dire que le mal c’est l’occident, responsable de tout, en tout lieu, et en tout temps. Le degré zéro de la complexité et de la justesse, mais un positionnement efficace quand on veut transformer une jeunesse peu éduquée en chair à canon de l’idéologie des frères musulmans. D’ailleurs, en bon connaisseur des débats qui ont agité notre pays, Tariq Ramadan rameute tous les termes susceptibles de mettre le feu. Cela donne « Vous allez perdre vos privilèges et votre identité, la mixité serait donc votre perte et bientôt vous serez sauvagement remplacé ». Sauvagement, autrement dit dans le sang ?

À écouter en entier la chanson, on comprend vite qu’il ne s’agit pas d’un slam mais d’une marche nuptiale, qui révèle la profondeur des alliances nouées entre islamistes et racialistes sur l’autel de la culture « woke ». D’ailleurs notre nouveau barde n’a de cesse de parler de « Sud éveillé ». On est ici dans l’expression la plus frustre de l’organisation politique, celle qui ne peut se passer du sacrifice du bouc émissaire et qui demande que, régulièrement, un groupe social ou ethnique tienne le rôle du bouc. C’est ce que tente de faire Tariq Ramadan avec nous. Car dans ce texte, le mal personnifié c’est la culture occidentale, la France, l’Europe, les Blancs, nous finalement. En revanche, l’opprimé, celui que l’on noie, méprise, humilie, dépouille et vole, c’est lui, Tariq Ramadan soi-même, érigé en représentant de tous les persécutés. Sa situation personnelle est le miroir de celle de l’Afrique, le décalque de celle de toutes les victimes de racisme. La chanson est une pièce à verser au procès, elle rejoint la défense mise en place face aux accusations de viol : il n’aurait pas été inquiété s’il avait été Blanc… Ce texte a néanmoins un mérite, il expose crûment la logique de vengeance que charrie le projet d’islamisation des frères musulmans : justifier la conquête de l’occident au nom de la réparation de la colonisation.

Une provocation arrogante

En attendant, le discours de l’ancienne star des islamistes puise abondamment dans les éléments de langage du Parti des Indigènes de la République. À écouter la chanson de Tariq Ramadan, on entend les chœurs d’Houria Bouteldja. Colonisation, accusation de pillage, de spoliation, l’histoire du monde selon Tariq Ramadan se résume ainsi : Occident = Grand Satan. On se croirait revenu au temps de la révolution iranienne et de Khomeyni. En tout cas voilà l’expression qui résume la vision que l’ancien prédicateur se fait du monde et le degré de complexité de sa pensée.

Mais s’il manque de souffle, notre homme ne manque pas d’air : c’est en effet à un deuxième come-back que nous assistons. Sa première tentative de retrouver un peu d’influence en 2020 avait fait flop. Il faut dire qu’ouvrir un centre de formation sur l’éthique et le féminisme quand on est accusé de viol était pour le moins audacieux, on n’ose écrire « couillu ». Du coup, le fait de recruter dans la foulée, un autre théologien, Yacob Mahi reconnu coupable en novembre 2019, en Belgique, d’attentat à la pudeur, d’incitation à la débauche et de harcèlement à l’égard d’un mineur de moins de 16 ans, ainsi que de coups et blessures à l’égard d’un autre élève, n’a pas aidé. La tentative de rédemption a été vue pour ce qu’elle était, une énième provocation mâtinée d’arrogance. 

Autre provocation et travestissement de la réalité, se présenter comme le porte-parole des damnés de la terre quand on a su fructueusement se faire entretenir par le Qatar. Parce que si notre futur crooner ne recule jamais devant le pathos, invoquant les migrants, les êtres déracinés, les bateaux de la honte et du désespoir, la mort au quotidien, la misère… Lui, en revanche, ne s’est jamais oublié. Il a su servir sa cause sans jamais oublier ses intérêts. D’après les « Qatar Papers », de Christian Chesnot et Georges Malbrunot l’homme touchait 35 000 euros par mois en tant que consultant à la Qatar Fondation au temps où prédicateur ne rimait pas avec fornicateur !

Alors, en attendant que cette tentative de retour sur le devant de la scène se solde par un nouvel échec, je vais réécouter les paroles du « Chanteur » de Balavoine, j’aime particulièrement ce passage: « Et partout dans la rue, J’veux qu’on parle de moi, Que les filles soient nues, Qu’elles se jettent sur moi, Qu’elles m’admirent qu’elles me tuent, Qu’elles s’arrachent ma vertu ». Allez savoir si de telles strophes n’auraient pas nourri la vocation du Frank Sinatra islamiste ? Devant tant de ridicule et d’outrance de la part du frère musulman déchu, on aimerait éclater d’un rire franc et joyeux, si la profondeur des liens entre les islamistes, racialistes, décoloniaux et islamogauchistes ne nous promettait pas des aubes tristes et des matins chagrins.

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Quand la gauche s’éveillera


L’éditorial d’avril d’Elisabeth Lévy


Quand on ne veut pas voir la lune, on s’en prend au doigt. Anne Hidalgo est donc furieuse contre Sonia Mabrouk. Le 17 mars, sur Europe 1, dans un entretien mené comme toujours au canon dans un gant de soie, la journaliste a contraint la malheureuse Mélanie Luce, présidente de l’UNEF, à admettre en bafouillant que son syndicat organisait des réunions « en non-mixité raciale » – comprenez « interdites aux Blancs ». Ce fait était connu depuis longtemps et régulièrement dénoncé. L’aveu a pourtant déclenché une réaction en chaîne, faisant éclater au grand jour un autre secret de polichinelle, à savoir qu’une guerre fratricide divise la gauche. Entre les « laïcards » (pour parler comme Le Monde) et les « islamo-gauchistes » (pour faire simple), les ponts sont désormais coupés. Au grand dam de la maire de Paris qui se croyait capable de faire la synthèse, comme si ses proclamations creuses pour Charlie et la République avaient fait oublier qu’elle gouverne Paris avec l’islamo-écolo-gauche. Curieusement, Yannick Jadot a trouvé le moment opportun pour lancer un appel à l’union de toute la gauche. Au moins, il ne manque pas d’humour.

Audrey Pulvar et Anne Hidalgo, mars 2020 © BERTRAND GUAY / AFP
Audrey Pulvar et Anne Hidalgo, mars 2020 © BERTRAND GUAY / AFP

« Les Blancs feraient mieux de se taire » (en l’espèce, les Blancs qui assistent aux réunions fermées). Alors que les balles sifflent de toutes parts, le pas de côté calculé d’Audrey Pulvar est plus significatif que les dérisoires bisbilles municipales auxquelles nous sommes accoutumés. L’adjointe « en charge de l’alimentation durable, de l’agriculture et des circuits courts » (sic), également tête de liste du PS pour les régionales en Île-de-France, a pris le risque d’enrager sa patronne et de dévaster ce qui reste de son parti : pas seulement pour le bénéfice électoral qu’elle escompte d’une alliance avec les Insoumis et les Verts, mais parce qu’elle pense que l’avenir s’écrit là. Le pire, c’est qu’elle a probablement raison.

Cette déclaration ahurissante est peut-être l’acte de naissance de la gauche woke  – une gauche qui se réveillerait d’un long passé d’oppression pour demander des comptes. Elle n’a pas de nom, pas vraiment de parti, même si les boomers de la France insoumise s’emploient à lui complaire. C’est une nébuleuse en formation, une humeur idéologique tissée de ressentiments qui pénètre nombre de lieux où se fabrique l’opinion. Certes, elle n’est pas majoritaire dans son camp, à supposer que celui-ci existe encore, mais elle n’est plus groupusculaire. Et ce qui inquiète, c’est la facilité avec laquelle elle impose son langage et ses réflexes à une partie de la jeunesse, qui parle désormais de personnes racisées comme si ça allait de soi. Inutile d’insister sur l’obsession raciale, marqueur du nouvel esprit progressiste : le « non-Blanc » est exploité, le Blanc est exploiteur, le statut de victime comme celui de coupable se transmettant de génération en génération. Par le sang. Passons sur la complainte anti-discriminations et le chantage au sentiment érigé en méthode politique – « Je suis offensé ». Il faut s’arrêter un instant sur le retournement qui voit le « parti de l’Autre » devenir celui de l’entre-soi. Dans leur pathétique effort pour sauver le soldat Pulvar (qui y est allée un peu fort), les Insoumis et assimilés ont brandi l’argument des groupes de parole, comparant les réunions entre « racisés » à celles des alcooliques anonymes. Il est normal, disent-ils, que les victimes (passées ou futures, réelles ou imaginaires) de discriminations veuillent parler entre elles : les non-discriminés (les Blancs donc) ne peuvent pas comprendre. Cette assertion révèle une véritable reddition de l’esprit et du cœur. Chacun sa souffrance. Comment accepter que tout ce qui est humain – hormis moi-même – me soit étranger ? Que ni l’art, ni l’amour, ni la pensée ne permettent de transmettre une expérience ? Que le partage, l’empathie, la compassion n’aient cours qu’entre membres du même groupe ? Dans la logique de Pulvar, un Blanc ne peut pas comprendre Chester Himes, un homme ne peut pas comprendre (et encore moins écrire) Madame Bovary. Le salut passe par le rétrécissement du monde. C’est gai.

Face à cette force montante, victimiste et différentialiste, la vieille gauche n’a rien d’autre à opposer que des grands mots abstraits et creux. Quand les uns offrent la chaleur du groupe, le réconfort du malheur partagé et de la revanche annoncée, les autres convoquent l’universalisme et la laïcité. La préférence de cette gauche pour un registre idéologiquement inopérant s’explique largement par son obsession de se démarquer de la droite et de l’extrême droite dont elle partage pourtant nombre de points de vue. L’important, c’est de ne pas choisir entre les deux bras de la « tenaille identitaire ». Sauf que MacWorld versus Djihad, le combat est perdu d’avance. La seule chose qui puisse tenir tête aux identités particulières, c’est une identité collective. L’antidote au woke, ce n’est pas la République, c’est la France.

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Ecologistes et islamistes: l’alliance verte

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Lorsque l’on s’inquiète du péril de l’islamo-gauchisme, on aurait grand tort de ne regarder que du côté de la France Insoumise.


Ils partagent une couleur : le vert. Mais pas seulement. Ils partagent aussi une approche totalitaire de la société.  

Les uns veulent nous soumettre à la Nature. Les autres veulent nous soumettre à Allah et aux préceptes du Coran. 

Ils ont en commun un anti-occidentalisme marqué car à leurs yeux l’Occident, et en creux le Blanc, est responsable de tous les malheurs du monde. 

Les écolos nous accusent du saccage de la planète. Mais pas que. Ils ont, depuis des années, rejoint le camp de l’indigénisme et du communautarisme, épousant la cause de ceux qui accusent la France de racisme systémique, de discrimination globale anti-noire et arabe. À ce titre, ils vont plus loin que la gauche républicaine qui, elle, tente de maintenir un équilibre précaire entre dénonciation d’actes individuels de racisme et défense d’une république universaliste. 

La drôle d’alliance

Les islamistes eux s’en foutent royalement de la planète. Mais la lutte anti-occidentale et l’exploitation des frustrations de certaines minorités en proie à la rude compétition de la mobilité sociale en Europe çà leur parle, ça leur sert. Et c’est ainsi que s’est forgée une alliance informelle, tacite mais tangible. 

Prenons par exemple Esther Benbassa, sénatrice Europe Écologie-Les Verts, présente à la manifestation contre l’islamophobie du 10 novembre 2019, en compagnie d’une poignée de manifestants portant sur leurs manteaux une étoile jaune qui rappelle celle que devaient porter les Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale – bien qu’elle n’ait que cinq branches et non six comme l’étoile de David. Au centre de l’étoile, le mot « muslim ». Et, à côté, un croissant jaune. Elle n’en était pas à sa première provocation islamophile. En avril 2016, elle publiait une tribune dans Libération, dans laquelle elle affirme : « Le voile n’est pas plus aliénant que la minijupe ».

A lire aussi: Léonore Moncond’huy, la maire EELV de Poitiers, trie les déchets et les rêves des enfants

Tollé dans une grande partie de la classe politique. Mais soutien total de son parti qui n’y voit rien de choquant.

Mais les choses s’emballent ces derniers mois. 

En septembre 2020, Julien Bayou, secrétaire national d’EELV, défendait devant le conseil fédéral du parti le port du burkini dans les piscines municipales.

Autre date, autre exemple. Conseil de Paris le 17 novembre 2020. Anne Hidalgo, peu suspecte d’islamophobie, propose de rebaptiser une rue de notre capitale du nom d’un héros de la lutte pour la laïcité, décapité par un immigré tchétchène islamiste : Samuel Paty. 

Hidalgo demande à ce que les Verts sortent de l’ambiguïté

Qui s’y oppose « pour des raisons techniques » ? Le groupe « Les Verts » menés par Fatoumata Koné, une Ivoirienne d’origine, qui revendique son identité musulmane. Gros malaise dans la classe politique, y compris chez Anne Hidalgo, qui demande aux écolos qu’ils « sortent de leur ambiguïté ».

Mais restons à Paris. Qui se souvient que ce groupe « Les Verts » avait, en novembre 2018, formulé une proposition visant à faire adopter des créneaux non-mixtes dans les installations sportives de la capitale ?

Le 14 février dernier, Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur, demande une étude sur l’islamo-gauchisme à l’université. Un secret de polichinelle sur lequel un ministre consent enfin à jeter un regard furtif. Énorme bronca dans une partie du monde universitaire, gangréné depuis longtemps par le gauchisme et plus récemment par l’islamisme. D’où, d’ailleurs, la fusion de ces deux concepts dans le néologisme « islamo-gauchisme » qui met les gauchos en furie. Les appels à la démission de Madame Vidal fusent. Mais qui sont les plus virulents parmi les politiques ? Jean-Luc Mélenchon bien sûr car l’islamo-gauchisme des « Insoumis » n’est plus un mystère pour personne. Mais aussi Yannick Jadot, le très « propre sur lui » patron des Verts et candidat à la présidentielle de 2022.  

Et puis arrive la mère de tous les scandales islamo-gauchistes. Le principe d’une subvention de la mairie EELV de Strasbourg en faveur de la construction de la mosquée pro-Erdogan de l’association Millî Görüs qui a refusé de signer la « charte des principes pour l’islam de France » votée le 22 mars par la majorité verte-rose-rouge. Une nouvelle polémique encore plus énorme que les précédentes. Nouveau soutien inconditionnel de la direction des Verts en faveur de leur maire et qui va jusqu’à un dépôt de plainte en diffamation contre Gérald Darmanin et Marlène Schiappa, deux membres du gouvernement qui s’étaient légitimement émus de la complaisance des écolos avec l’islam politique.  

Drôles de cultures!

Mais ce que cette affaire a masqué, c’est la décision de la maire verte de refuser la définition de l’antisémitisme proposée par l’Alliance Internationale de la Mémoire de l’Holocauste et pourtant déjà adoptée par les mairies de Paris, Nice, l’Assemblée nationale, le Conseil de l’Europe, le Parlement européen.  

Pensez donc ! Cette définition considère comme antisémite le fait de nier au peuple juif son droit à l’autodétermination ou d’affirmer que l’existence d’un État d’Israël est une entreprise raciste ou encore le fait de comparer la politique israélienne contemporaine à celle des nazis. Définition qui percute le logiciel antisémite et antisioniste de toute une partie de l’électorat islamique et indigéniste que cultivent les verts, sans jeu de mots bien sûr.

A lire aussi: Islamo-gauchisme: comment la société française en est arrivée là

Mais gardons-nous de penser que ce phénomène est purement français. Chez nos voisins Belges, et plus particulièrement les Wallons francophones, c’est pareil. Et même pire. Le parti « Ecolo », alter-ego de notre parti EELV outre-Quievrain défend le port du voile par les agents publics. Il a mis ses actes en concordance avec ses paroles en élisant, pas plus tard que le 2 avril dernier, Farida Tahar, une belgo-marocaine voilée, comme présidente du groupe vert au parlement francophone de Bruxelles. 

Les Verts ont une image plus sympathique que Mélenchon

Mais l’islamo-gauchisme des Verts est bien plus grave que celui de l’extrême-gauche de la France Insoumise. Il associe, en effet, une cause sympathique, la défense de la nature, avec une cause mortifère pour la France et sa civilisation, à savoir l’islamisation de notre pays.

Mais ce qui précède ne signifie nullement que nous devons nous détourner de la protection de notre environnement et de la lutte contre le dérèglement climatique qui sont absolument cruciaux. Ne jetons pas avec l’eau du bain putride de l’islamo-gauchisme le beau bébé que nous ont légué des pionniers remarquables de l’écologie comme Brice Lalonde, Antoine Waechter, Corinne Lepage et, disons-le, un Nicolas Hulot qui est certes excessif, mais sincère et très éloigné des dérives délétères de ceux qui ont kidnappé l’écologie au profit du gauchisme et de l’islam politique. Le combat du camp de la France c’est aussi, bien sûr, le combat pour préserver et améliorer notre cadre de vie. C’est-à-dire de vivre Français en France.

Au menu du Français anxieux, «tout vaccin» et «bien mourir»


Une tribune libre de Jean-Frédéric Poisson, président de VIA la voie du peuple et candidat à la présidentielle 2022


Primum non nocere : d’abord, ne pas nuire. Dans le monde de la médecine, ce principe de prudence est fondamental. Il est hélas victime dans nos sociétés modernes d’une affection grave – mais sans doute pas incurable : le mépris. Entre la gestion dangereuse de la crise sanitaire, la pression en faveur d’une vaccination généralisée sans préoccupation des effets secondaires, et la nouvelle proposition de loi à l’initiative de parlementaires radicaux et LREM, examinée actuellement à l’Assemblée nationale, et visant à légaliser l’euthanasie, on ne voit plus ce qui lie la médecine moderne à cette précaution hippocratique.

Est-ce objectivement le meilleur moment pour faire adopter cette loi que celui de la saturation massive de notre système de santé ? Les inlassables et déterminés promoteurs de l’euthanasie font preuve d’un certain opportunisme, même si l’ordre du jour des séances ne dépend pas totalement d’eux. Maintenir l’examen parlementaire d’un pareil texte au moment même où les Français craignent qu’un tri soit effectué dans les hôpitaux pour l’entrée des patients en réanimation paraît déplacé. Et pourtant, la première étape sur la voie de la légalisation de l’euthanasie a bel et bien été franchie le 31 mars dernier à l’Assemblée nationale avec l’adoption en Commission des Affaires Sociales de cette proposition de loi « Droit à une fin de vie libre et choisie », ce qui ouvre la voie à la discussion en séance publique ce jeudi 8 avril 2021.

En 2016, la loi Claeys-Leonetti avait déjà légalisé la « sédation profonde et continue » jusqu’au décès. Cinq ans plus tard, il faudrait encore aller plus loin

Deux arguments principaux se dégagent des discussions. D’abord l’argument immanquable du progressisme : puisque c’est autorisé ailleurs, il faudrait absolument que ce le soit également en France pour rattraper notre retard. Sans cela, nous serions non seulement un pays d’arriérés mais aussi d’hypocrites, laissant à nos voisins belges et suisses la responsabilité de permettre cette « ultime liberté ».

A lire aussi, du même auteur: Non à cette société qui confine pour protéger d’une mort hypothétique…

Car tel est le second argument : l’accès à l’euthanasie laisserait à l’individu libre, la possibilité de rester maître de son destin jusqu’à la fin. Les promoteurs de l’euthanasie – et de la fausse bioéthique en générale – ne se posent pas la question de savoir si les barrières légales qui régissent encore la fin de vie ne présentent pas des vertus protectrices malgré leur aspect contraignant. Qui peut garantir que les personnes concernées, par principe déjà soumises à une grande détresse existentielle, ne subiront pas la pression de leur proches ou des établissements de santé, eux-mêmes soumis à des exigences de rentabilité ?

Depuis 2016, la loi Claeys-Leonetti avait déjà légalisé la « sédation profonde et continue » jusqu’au décès, pour les personnes dont le pronostic vital est engagé à court terme. Cinq ans plus tard, il faudrait encore aller plus loin au motif que cette procédure serait trop passive. Il faudrait permettre un droit « actif » à l’euthanasie avec, pour seule condition, la reconnaissance du caractère « grave et incurable » de l’affection subie. Le propre du progressisme étant de vouloir aller toujours plus loin, il faut s’interroger sur la suite, l’étape suivante, et celle d’après… Jusqu’où ? Dans quel but ? Là n’est pas la question semble-t-il. Et pourtant.

Cette proposition de loi appelle un double motif d’opposition. Opposition sur le fond comme évoqué précédemment, mais aussi opposition sur la forme. La situation sociale et politique de la France ne permet pas que cette question soit assortie du débat public qu’elle mérite. Les Français sont plongés dans un état d’anxiété patente depuis un an. Sans certitude d’en sortir prochainement, préoccupés de mille sujets, et privés des liens sociaux propices à l’information et à la délibération démocratique, ils ne sont actuellement pas armés pour prendre sereinement la mesure de ce sujet. La décence voudrait que ce débat soit, au minimum, reporté.

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La Commune selon Arte: copie à revoir


Célébrer la Commune, pourquoi pas? Mais pourquoi le faire à la manière d’Arte avec « Les Damnés de la Commune » de Raphaël Meyssan, un film au kitsch indigent?


La Commune ne réussit pas à Arte. Il y a 20 ans, Peter Watkins accouchait douloureusement d’un film de près de 5 heures à leur intention, sobrement intitulé La Commune (Paris, 1871). Conçu tout au long d’un processus démocratique et participatif, des amateurs recrutés pour leurs affinités avec les deux camps (communards et versaillais) y pratiquaient une sorte de jeu de rôle immersif dans un hangar, filmés en noir et blanc. On en a gardé le souvenir de deux blocs de didactisme s’affrontant de loin, avec ces fameux effets anachroniques de micros tendus aux interviewés qu’affectionne Watkins, quelque siècle où l’on se trouve. La Commune, c’était ici et maintenant.

Roman graphique pour prime-time

En 2021, la Commune, c’est toujours ici et maintenant, commémoration oblige, mais Arte ne coche plus la case du réalisateur art-et-essai/engagé/de prestige avec une diffusion à l’avenant (de multiples dissensions entre Watkins et la production avaient abouti à une programmation nocturne, condamnant le film à une audience réduite). La Commune se doit d’être une locomotive tous publics en prime-time, et quoi de mieux qu’un bédéaste en poupe pour adapter son propre roman-graphique ?

Les Damnés de la Commune – trois tomes aux éditions Delcourt – est exclusivement constitué de gravures d’époque (dont on doute qu’elles aient été créées dans un but révolutionnaire) découpées et pensées en bandes-dessinées par un graphiste de profession, Raphaël Meyssan qui va se livrer à une enquête-introspection sur l’insurrection populaire. Celle-ci débute comme une rêverie contemporaine, on y quête un communard lapin blanc, Lavalette, et on tombe sur une Alice qui a bien existé, Victorine Brocher, communarde rescapée des massacres qui écrira plus tard ses mémoires au très beau titre, Souvenirs d’une morte-vivante
Meyssan, qui a amassé une immense documentation, ne se cache pas d’avoir un point de vue partisan, et il est du côté des Communards, ce qui est fort louable.

Survol par un drone arthritique

Mais son adaptation en dessin animé pose des problèmes insolubles sur le fond et sur la forme. Prenons les gravures retenues dans la version filmique. D’un côté, des scènes de genre dramatiques avec harangues à la chaire, mouvement de foules, charges, blessés, massacres, dans un goût très second Empire. De l’autre, des vues de Paris, bâtiments, monuments, perspectives entrecoupées de cartes, un spectacle topographique avec lumières, effets de nuits, incendies, etc. La profondeur est toujours donnée par un élément mouvant : pluie, neige, flammes, balles traçantes, détonations au ralenti, alors qu’un zoom très lent pénètre ou se décale dans l’image. L’allure des mouvements de caméra est toujours la même, berçante, ronronnante. Les paysages urbains semblent ainsi survolés par un drone arthritique qui s’arrêterait net de fatigue.
La technique d’animation présentée comme un tour de force aboutit à un résultat vieillot et empesé, qui tient autant du diorama que du roman-photo et de la dramatique radio.
Il faut cinq minutes au film pour être en pilotage automatique, et dans l’incapacité de se dépasser plastiquement. Meyssan a bien la tentation peu probante d’énormes gros plans sur les hachures des visages aux moments les plus pathétiques mais, surprise, même grossi 50 fois, un réseau de hachures reste remarquablement peu expressif. Le rythme poussif qui en découle interdit toute progression, autrement que par l’incarnation vocale.

Vision simplificatrice et partiale

Projet porteur oblige, Meyssan a réuni de grands noms du cinéma et du théâtre, qui vont déterminer son axe : jouer l’identification du spectateur avec ce qu’il voit, par le biais d’une narratrice principale. Pour se faire, il se concentre sur Victorine dont on va suivre le destin tragique des débuts de la Commune jusqu’à la Semaine sanglante. Se produit un effet de loupe extrêmement simplificateur, parfois interrompu par des recadrages partiaux et sujets à caution. Adolphe Thiers est ainsi défini comme monarchiste, ce qui tendrait à le placer à l’extrême-droite politique, alors qu’il se situait en fait au centre-gauche de l’époque, quelque part dans le no man’s land qui va de François Hollande à Emmanuel Macron, si l’on convertit à nos réalités contemporaines.

Ce tour de passe-passe est signe d’une absence totale de mise en perspective historique, pour ne rien dire du nationalisme va-t-en-guerre des Communards à peine évoqué. Les insurgés sont plongés dans un présent resserré, sans perspective, à l’inverse des dégagements ouverts dans le Paris haussmannien. On a parfois l’impression d’être devant une sorte de Village d’Astérix pré-inclusif sans potion magique. Les passerelles avec notre époque sont lourdes, répétitives et volontiers synchrones avec le néo-féminisme atmosphérique (au sens que Kepel donne à cet adjectif pour qualifier le nouveau djihadisme). 

On retrouve ainsi les mantras ânonnés qu’on entend partout des informations radio et télévisuelles aux fictions subventionnées par le CNC, des publicités aux réseaux sociaux, une sorte de bruit blanc de l’époque qui ne veut plus rien dire, et ne provoque plus qu’une immense lassitude. Le mari de Victorine boit, il la bat, elle travaille pour deux, est payée deux fois moins que les gardes nationaux, etc. Ce dernier point s’explique très certainement par la probabilité bien plus forte qu’ils ont de mourir au combat, mais le commentaire préfère laisser planer l’aile de corbeau du patriarcat systémique.

Optique tire-larmes

Négligeant l’Histoire, Meyssan privilégie la trajectoire individuelle de Victorine qu’il traite en mélodrame gluant de pathos. Il va jusqu’à faire mourir son premier mari au combat, alors que dans les faits, Victorine et lui se sont quittés après la Commune. « On entre dans un mort comme dans un moulin », disait Sartre, mais quand même, évitons d’empoisonner la farine pour faire joli ! Cette optique tire-larmes est parfaitement rendue par l’interprète de Victorine, Yolande Moreau, qui délivre toutes ses répliques d’une voix de petite fille sénile. Au mépris du bon sens le plus élémentaire, Meyssan fait jouer sa mère, ancienne révolutionnaire de 1848, par… Fanny Ardant. Ce qui nous vaut entre elles des échanges croquignolets où la Duchesse d’Alice semble s’adresser à sa bonne geignarde. Particularité insupportable des dialogues souvent constitués de slogans, ce ne sont que des phrases courtes. 
Avec passage à la ligne.
A pratiquement chaque phrase.
Pour qu’on comprenne bien les trois mots qui se battent en duel.
Sans subordonnées.
(C’est trop compliqué)
La prime à l’émotion.
Avec viol et étripage à la fin.
Sous les yeux de Victorine, horrifiée.
(Parce qu’une femme violée, ça manquait)

Le bon goût bourgeois de notre époque

Autant dire qu’on ressort des Damnés de la Commune avec une féroce impression de kitsch indigent. On revoit même à la hausse le film de Watkins. Au moins, les deux camps y étaient envisagés, même si la dialectique grippait un peu. Ici, rien de tel, de l’embedded pataud sur fond d’images d’Epinal. Aucune ligne sur la Commune des écrivains de l’époque qui l’ont vécu de près ou de loin, aucune réflexion, aucune distance, du sentimentalisme, des violons et une manière de happy end. La faiblesse de la forme et du fond va jusqu’à contaminer l’image qu’on se fait de la Commune, très à la mode chez les Parisiens d’aujourd’hui qui ont chassé les pauvres, bien loin dans les banlieues.
On pourrait retourner à Meyssan la seconde moitié du compliment que Billy Wilder réservait au Journal d’Anne Frank (George Stevens, 1959) : « C’est bien, mais j’aurais aimé avoir le point de vue de l’adversaire. » Car Les Damnés de la Commune ne reflète au fond que le bon goût bourgeois de notre époque.
Nul.
Ou à peu près.

Les Damnés de la Commune de Raphaël Meyssan (sur Arte.TV)

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Coupe du Monde 2022: le Qatar paiera pour la Chine

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La Chine et le Qatar font face à des menaces de boycott. Mais seul le Qatar doit vraiment s’inquiéter.


Les deux plus grands événements sportifs mondiaux de l’année 2022, la Coupe du monde de football organisée par la FIFA à Doha et les JO d’hiver prévus à Pékin, sont confrontés à des menaces de boycott. Lors des matchs des qualifications pour la Coupe du monde qui ont débuté la semaine dernière, les joueurs de trois équipes européennes ont saisi l’occasion pour protester contre la tenue du tournoi au Qatar. Ainsi les joueurs néerlandais ont porté des maillots avec la mention « Le football soutient le changement », ceux de la Norvège ont enfilé des maillots portant la mention « Droits de l’homme sur le terrain et en dehors » et enfin sur les maillots des joueurs de la Manschaft d’Allemagne on pouvait lire « Droits de l’homme. »

Doha très sensible à ce qui se dit en Europe

Pour ce qui concerne le Qatar, il semble que la pression – qui n’a pas commencé avec ces matchs de qualifications – porte ses fruits. Ainsi le royaume du Golfe, qui s’est vu reprocher les mauvaises conditions dans lesquelles vivaient et travaillaient les migrants employés dans les multiples chantiers du tournoi, a introduit un certain nombre de réformes. Plus généralement, Doha donne des gages et se montre très sensible à ce qui est dit et écrit notamment en Europe. Au-delà des manifestations comme celles mentionnées plus haut, les menaces de boycott – essentiellement de la part de quelques clubs norvégiens – ne créent pas une dynamique dans ce sens, sans doute à cause de l’ouverture des Qataris à la critique et de leurs efforts pour améliorer leur bilan. 

A lire aussi: Le Paris-Dakar de MBS: on se tait et on profite du spectacle

Pour ce qui concerne les Jeux olympiques d’hiver de 2022, c’est une autre paire de manches. Des appels au boycott de l’événement à Pékin sont lancés essentiellement par des groupes de défense des droits de l’homme et des politiques, plutôt que par les athlètes eux-mêmes. C’est bien normal. Sociologiquement et économiquement, les sports d’hiver ne créent pas des stars jouissant de positions permettant une marge de manœuvre personnelle. Il faut de l’argent et de la notoriété pour prendre de tels risques. Et même pour ceux qui tiennent ces positions, ce n’est pas facile. C’est ce qu’a appris la star allemande du football Mesut Özil. En 2019, portant alors le maillot du club anglais d’Arsenal, il a publié un tweet condamnant la répression des musulmans ouïghours par la Chine. La réaction chinoise a été brutale : la télévision d’État chinoise a annulé la diffusion du prochain match d’Arsenal, et a ensuite refusé de mentionner le nom d’Özil à l’antenne. Résultat, avec ou sans lien avec cet incident, Özil ne fait plus partie des « Gunners ».

Puissance de feu chinoise

À peu près à la même période, Daryl Morey, le directeur général de l’équipe de basketball des Houston Rockets, a publié un tweet de soutien aux manifestants de Hong-Kong somme toute assez tiède : « Un message de soutien envers Hong Kong, pour une politique pro-démocratique ». La réaction chinoise a été là aussi dévastatrice. La CBA (ligue nationale de basket en Chine) a décidé de couper ses liens de coopération avec les Rockets, plusieurs marques de sport ont immédiatement cessé toute coopération avec la franchise et finalement Tencent, le diffuseur officiel de la NBA en Chine, a  suspendu toute diffusion de match des Rockets pour la saison à venir.

Face à la puissance de feu de la Chine et surtout à la mobilisation chinoise sans faille, les mouvements de boycott des JO de 2022 visent les partenaires, appelés à se retirer, et les grandes marques, appelées à s’abstenir de faire de la publicité pendant les jeux afin de priver les organisateurs de leurs recettes.

Ainsi, nous sommes aujourd’hui face à une situation ubuesque. Sans entrer dans le débat philosophique sur le boycott, nous avons d’un côté la Chine, imperméable à la critique, qui va probablement arriver à ses buts grâce à l’emploi de sa puissance économique et diplomatique, et de l’autre, le Qatar, plutôt coopératif et sensible aux reproches qui lui ont été adressées, qui risque de voir l’évènement qu’il organise gâché. Pire encore, Doha pourrait payer le prix de la frustration : ceux qui n’arrivent pas à faire bouger la Chine vont s’acharner sur le Qatar.

Et si c’était lui? Notre dossier Napoléon

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Découvrez le sommaire de notre numéro d’avril


Paradoxe désolant : à l’heure où la pandémie expose un manque de direction au sommet de l’État et que les candidats aux élections présidentielles de 2022 commencent à sortir du bois, la France hésite à célébrer le bicentenaire de celui qui fut son plus grand dirigeant et le créateur d’un État régalien sans pareil. Les accusateurs de Napoléon, adeptes de la cancel culture, tentent de réduire son extraordinaire aventure au rétablissement de l’esclavage. Emmanuel Macron sera apparemment au rendez-vous le 5 mai pour « commémorer » l’Empereur, mais aura-t-il l’audace de le célébrer ? Comme l’écrivent Elisabeth Lévy, Gil Mihaely et Jonathan Siksou, « la France va-t-elle abjurer son passé ou s’en faire gloire, se soumettre à une moralisation rétroactive annonçant la normalisation, ou assumer ses rêves de grandeur passée, voire renouer avec eux ? »

Notre dossier va plutôt dans le sens de la grandeur. Pour Eric Zemmour, admirateur de Napoléon depuis l’enfance, le Premier Empire est le moment où les Français étaient « sur le toit du monde. » Le long déclin de la nation a commencé en 1815 et, aujourd’hui, nous ne pouvons avoir qu’un projet défensif : refaire des Français par assimilation. Napoléon fournit l’inspiration pour ce retour de la puissance militaire et du régalien – et sans qu’on ait besoin cette fois d’envahir l’Italie ! Un homme comme Napoléon, nous rappelle l’historien Patrice Gueniffey, ne peut pas être jugé à l’aune de la morale commune. Thierry Lentz, directeur de la Fondation Napoléon, affirme que, contrairement aux accusations, Napoléon n’avait aucun projet raciste et que ses réalisations ont survécu parce qu’elles étaient fondées sur des consensus. L’historien britannique, Andrew Roberts, nous révèle combien un certain Premier ministre qui résista au nazisme s’est, tout au long de sa vie, inspiré de Napoléon. Décisif, sûr de lui, entreprenant, ne comptant que sur l’effort collectif, Napoléon incarne, selon Franck Ferrand, tout ce que les Français ne sont plus. Décidément, 2022 nous fera regretter l’Empereur…

Lire le magazine

La nouvelle gauche qui naît aujourd’hui, la gauche woke, est aux antipodes de Napoléon, qu’elle souhaite bien entendu « annuler ». Dans son éditorial, Elisabeth Lévy pointe les contradictions profondes de ces groupes de parole, promus par Audrey Pulvar et d’autres, qui sont réservés aux « racisés » ou qui interdisent aux Blancs de parler. « Comment accepter que tout ce qui est humain me soit étranger ? Que le partage, l’empathie, la compassion n’aient cours qu’entre membres du même groupe ? » Notre nouvelle rubrique, « A qui le tour », tenue par Erwan Barillot, dresse la liste des dernières victimes de la cancel culture, tandis que Didier Lemaire pose une question fondamentale : Qui a tué Samuel Paty ?  En plus des douze personnes qui sont pénalement comptables de ce crime, de l’assassin à la collégienne affabulatrice et son père le diffamateur, la responsabilité morale se partage entre ses collègues, sa hiérarchie, des décennies de politiques clientélistes – et finalement nous tous qui refusons d’être ce que nous sommes. Cyril Bennasar, se souvenant de ses années de collège à Saint-Chéron, se demande comment, quarante ans plus tard, devant ce même établissement, une collégienne de 14 ans a pu être poignardée à mort. L’enquête d’Erwan Seznec dans certains « quartiers » montre que la surenchère indigéno-racialiste chez de nombreux politiciens est motivée par leur supposition hâtive qu’elle sera électoralement payante. Gilles Kepel, se confiant à Causeur, met en lumière l’influence jusque dans ces quartiers français du projet islamiste du président turc qui se présente comme un nouveau calife. Enfin, triste constat que celui de Pierre Vermeren : à la faveur de la pandémie, les peine-à- jouir, l’esprit de prohibition et l’austérité l’ont emporté sur les valeurs de la jeunesse : l’amour, la vaillance, l’intrépidité et la liberté des trompe-la-mort. Pourquoi ? Parce que nos dirigeants font la politique de leurs électeurs vieillissants.

Lire le magazine

Une note d’espoir est apportée par Eugénie Bastié qui se confie à Elisabeth Lévy. Dans son livre, La Guerre des idées, la journaliste et essayiste observe avec finesse le champ de bataille intellectuel français. Sa conclusion ? Malgré les sectarismes qui veulent interdire la contradiction, les idées retrouvent le pouvoir. Jérôme Leroy nous rassure aussi : le monde est certes une source de ce que Freud appelait « l’inquiétante étrangeté », mais deux maîtres de la littérature fantastique, Stephen King et Olga Tokarczuk, nous aident à y faire face. Justement, pour Françoise Bonardel, nous pouvons regretter la conquête actuelle de la planète Mars : si c’est une victoire pour la science, c’est une perte pour l’imagination humaine. Emmanuel Tresmontant nous raconte le succès grandissant du saucisson à l’heure du Covid. Cette gloire de la charcuterie française tire profit de notre besoin de confinés de résister à l’ambiance glauque par des apéros soignés. Et puisque certains des meilleurs saucissons sont corses, crions ensemble : « Vive l’Empereur ! »

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Chauve qui peut!

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La victimisation tourne au grotesque. Le média ultra-progressiste Brut vient de découvrir une nouvelle discrimination. Selon l’écrivain Julien Dufresne-Lamy, l’homme chauve serait, lui aussi, une victime.


Vous redoutez un grand déclassement de la France de l’après Covid? Vous aimeriez que l’on festoie dignement le bicentenaire de la mort de Napoléon Ier? Ou encore, votre cœur saigne à chaque manifestant froidement assassiné par la junte birmane? Éteignez-tout, le vrai problème est ailleurs…

Dans une interview pour Brut, Julien Dufresne-Lamy, ancien étudiant à l’École normale supérieure de Lyon, revient sur son « traumatisme », et déplore que « les gens aujourd’hui ne considèrent pas ça comme une violence, comme une blessure ». Il y aurait donc plusieurs dizaines de millions de « traumatisés » en France, il faudrait demander aux rescapés du Bataclan ce qu’ils en pensent. Car la calvitie n’a rien de marginal: un quart des hommes de France était concerné par cette « violence » en 2015, selon l’IFOP, un tiers chez ceux de plus de 65 ans. Pis que ça: trois Français sur quatre non atteints de calvitie déclarent perdre leurs cheveux, un taux qui a grimpé en flèche par rapport à 1990 (44%)

Je ne me baigne plus pendant dix ans

Bientôt une épidémie de chauves? Ce sera sans Julien: « le chauve reste toujours un sous-homme, en tous cas il ne représente pas la puissance masculine », assure notre Caliméro blessé dans son égo depuis ses 22 ans. Ce jour-là, il réalise « cette vérité-là avant d’aller à la fac »: son caillou se clairsème. « Une conséquence des excès de jeunesse ou de la conception de grandes pensées », analysa Flaubert, qui déplora son alopécie précoce à trente ans auprès de son ami de jeunesse, le magistrat Ernest Chevalier en ces termes: « tu me dis que tes cheveux blanchissent, les miens s’en vont. Tu retrouveras ton ami à peu près chauve. La chaleur, le turban, l’âge, les soucis peuvent bien être la cause de cette sénilité précoce du plus bel ornement de ma tête ». Il publia Madame Bovary quelques années plus tard.

A lire aussi: Drôle de mec!

Pour sa part, Julien Dufresne-Lamy a décidé de prendre les devants dès sa jeunesse normalienne: il passe alors 30 à 45 minutes tous les matins à se mettre du gel, il évite les stations de métro ventées et, plus étrange, il ne se « baigne plus pendant dix ans »! Si vous vous attendez à voir un Michel Blanc, un Louis de Funès ou, Mesdames, un Bruce Willis ou même un Sean Connery -lequel portait une perruque pour incarner James Bond- vous serez déçu. Julien n’est pas chauve du tout, il s’est fait faire des implants capillaires. « En fait, j’ai remédié à ce problème », admet-il un peu gêné, « pour ne plus avoir la silhouette du chauve désigné », argue-t-il.

Une victimisation qui défrise!

Rappelons à notre grand écorché que chaque année, plus de 150 000 personnes meurent d’un cancer en France, et que pour cela il n’y a pas de « remède ». Ce qui ne l’a pas empêché de relater ses malheurs dans Antichute, un récit que vient de publier Flammarion. Alors qu’il peut se prévaloir d’avoir déjà dix romans à son actif, l’écrivain nombriliste risque-t-il de laisser des plumes dans cette sortie médiatique? Après une avalanche de commentaires pour le moins sans empathie, et pour certains franchement hostiles à son égard sur la page Twitter de Brut, le magazine a fait disparaître le tweet relayant l’entretien. Julien Dufresne-Lamy semble envier les cheveux crépus d’Alexandre Dumas, la crinière de Samson -peut-être même se rêve-t-il en chevalier bellâtre aux cheveux longs courtisant dames de bonne famille avec des poèmes au Moyen-Âge. Qu’il nous ponde donc un roman sur ce sujet! Les sanglots narcissico-victimaires en public ne sont qu’un symptôme de plus de l’affaissement de notre société. Il ne manquait plus que les chauves s’y mettent…

Projet de loi sur la fin de vie: une mort volée, l’inhumanité ultime

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Débat sous haute tension ! Les députés étudient ce 8 avril le projet de loi d'Olivier Falorni (centre gauche) pour une «fin de vie libre et choisie» © Jacques Witt/SIPA Numéro de reportage : 00906654_000020

Ce jeudi est discuté à l’Assemblée nationale le projet de loi « donnant et garantissant le droit à une fin de vie libre et choisie ». S’inscrivant dans une prétendue volonté d’améliorer la loi Leonetti-Claeys de 2016, ce projet de loi veut établir le droit à l’euthanasie visant à donner la mort. Un texte de Laurence Trochu, présidente du Mouvement Conservateur


Fidèle à la doxa individualiste de notre époque, ce projet de loi traduit notre incapacité collective à penser la mort ; il constitue une rupture anthropologique et médicale majeure. L’élévation de l’euthanasie au rang de droit entrainera nécessairement un accaparement des ressources pour en garantir l’accès. Cela se fera indubitablement au détriment des soins palliatifs qui constituent pourtant une alternative efficace pour accompagner les patients en fin de vie. Il ne peut y avoir de « en même temps » : soit la France s’engage de toutes ses forces dans la culture des soins palliatifs, soit elle liquide le sujet de la fin de vie en validant l’euthanasie.

Une loi du renoncement

Ce projet de loi favorable à l’euthanasie s’inscrit parfaitement dans la zeitgeist du moment : la primauté de la liberté individuelle. Il souffre donc des mêmes travers et des mêmes limites que toute autre loi dite « progressiste » : l’impossibilité de penser le débat hors de l’autonomie de l’individu. C’est donc un projet de loi de renoncement : renoncement à penser « la vie bonne », l’éthique, la morale ou la mort en dehors du prisme de l’individualisme ; il sanctionne l’abandon de toute recherche éthique en la réduisant au critère du choix individuel. Or, la mort doit se penser sur un plan politique et éthique plus large, car ses implications vont au-delà du simple respect de l’autonomie de l’individu et du libre choix de définir sa propre mort.

L’impensé de la mort

L’euthanasie est une volonté d’évacuer la mort et le caractère profondément mystérieux qu’elle implique. Contrôler sa mort, c’est chercher à esquiver le tragique et l’inconnu qu’elle implique. Cette approche est caractéristique de nos sociétés modernes où la mort ne doit plus faire partie du réel ; elle doit être cachée, évacuée et pour cela maîtrisée et décidée. Choisir le moment de sa mort, c’est accorder la préséance à la peur qu’elle nous inspire plutôt que d’embrasser et assumer l’incertitude qui l’entoure.

Or, l’être humain est le seul animal qui doive vivre avec la conscience de sa propre mort. Accepter pleinement son incertitude, la fin naturelle de la vie, est donc un gage de notre humanité. Y renoncer en programmant sa mort revient à renier une part de ce qui nous caractérise comme humain.  C’est ce qu’explique le philosophe Louis-André Richard : « L’être humain n’est jamais aussi humain que lorsqu’il assume ce questionnement sur sa condition de mortel (…) à commencer par l’acceptation de l’impossibilité qui nous est faite de savoir quand nous allons mourir. Or, l’euthanasie, en tant qu’acte qui porte le risque d’une posture égocentrée, occulte en partie ce qui fait la condition humaine (…) et atténue par la même occasion toute possibilité de réflexion sur le sens de la vie. »

Une négation de notre anthropologie

Une société se fonde sur des interdits. La nôtre repose, entre autres, sur l’interdit de donner la mort. L’euthanasie nie notre rapport à cette limite qui nous caractérise comme civilisation. Il devient donc urgent de repenser notre société au regard des fondements sur lesquels elle s’est édifiée. A la lumière de cet héritage, c’est aujourd’hui le rôle de la médecine qui doit être contemplé. Il n’a jamais été de donner la mort, mais de soigner dans le cadre de ce que le philosophe Jacques Ricot nomme « le pacte de soin ». Le soignant fait la promesse d’apporter un soin à la mesure de ses compétences, et le patient s’engage à suivre le traitement. Le soignant n’est pas souverain dans son choix et doit obtenir l’approbation du patient ; ce dernier conserve son autonomie sans toutefois la faire valoir de manière absolue puisqu’il s’en remet à son médecin. Ainsi, le devoir de respecter l’autonomie du patient se trouve tempéré par l’obligation de lui procurer un bienfait par un soin. Or, contrairement à ce que la tyrannie des bons sentiments veut nous faire croire, l’euthanasie n’est pas un soin : « Faire mourir délibérément une personne n’est pas la même chose qu’en prendre soin jusqu’à son terme ».

Cette précieuse distinction, qui a inspiré les précédentes lois sur la fin de vie, est aujourd’hui balayée par le nouveau texte en discussion. Sous couvert de respect de la dignité humaine, il vient armer de la faux la main du médecin. L’expérience des pays ayant travesti le rôle de la médecine est éloquente. En Belgique, le nombre d’euthanasies a décuplé en quinze ans, il a quintuplé au Canada en seulement trois ans, et triplé aux Pays-Bas depuis 2002.

Progressisme contre progrès

Le progressisme de l’euthanasie n’est en rien synonyme de progrès. Les défenseurs du texte tiennent sur ce point un raisonnement fallacieux : s’opposer à l’euthanasie est contraire à la dignité humaine, car c’est condamner les patients à un acharnement thérapeutique qui les plonge dans d’atroces souffrances. Nous lui opposons le formidable progrès des soins palliatifs : la médecine n’a jamais été aussi performante pour contrôler et soulager la douleur physique. Reste la terrible détresse psychologique de se savoir et de se voir diminué et dépendant. C’est précisément là que l’humanité se révèle. L’humanité mise à nu du patient affaibli appelle un surcroît d’humanité des soignants et des proches en bonne santé. C’est dans leurs regards et la douceur de leurs gestes que le malade perçoit sa propre dignité et la valeur inconditionnelle de sa vie. Dans cette rencontre, l’un et les autres se découvrent plus hommes que jamais.

Assumés et affrontés, les questionnements qui rôdent autour de la mort sont paradoxalement sources d’une paix profonde. Lorsqu’on a aimé jusqu’à l’impensé, on a tout donné. Et tout reçu. Ce sont ces dernières étapes de la vie que les soins palliatifs permettent de vivre pour que la mort ne nous soit pas volée.

Les dangers d’une euthanasie érigée en droit

En revanche, un système de santé où coexisteraient une offre de soins palliatifs et l’euthanasie comme droit est la certitude de voir toutes les ressources financières et matérielles orientées vers l’euthanasie au détriment des soins palliatifs. Puisque seul un droit doit voir son accès garanti, point de « en même temps » possible ici. Cette analyse est d’autant plus vraie dans un contexte où les finances publiques sont limitées et que les soins palliatifs ont un coût. Quel vrai choix aurait alors un patient en fin de vie quand les soins palliatifs deviennent inéluctablement parents pauvres du système de santé ? Comment être certains que des pressions ne s’exerceront pas sur lui afin qu’il choisisse une euthanasie rentable? Les lieux où se pratique la médecine palliative deviendront plus que jamais des lieux de résistance politique.

 Le regard libre d’Élisabeth Lévy

« L’euthanasie : panoplie progressiste, refus de la condition humaine »

Retrouvez la chronique radio d’Elisabeth Lévy tous les jours à 8h15, dans la matinale de Sud Radio

Estonie: découverte d’un matriarcat oublié

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© Geoff Moore/REX Shutterstock/SIPA

Dans le golfe de Riga, l’île de Kihnu est un Disneyland pour féministes


En dépit de notre histoire sombre de domination patriarcale, vous serez heureux d’apprendre que l’Europe a quelque raison de relever la tête. Elle compte en effet, dans une petite île au large de l’Estonie, un matriarcat !

Le « dernier matriarcat d’Europe » – car nous savons qu’« avant », aux temps bienheureux de l’égalité primitive, il en existait beaucoup – subsiste à Kihnu, dans le golfe de Riga, sous la forme d’une société de vieilles dames pauvres arborant des jupes colorées et jouant du violon.

Remis au goût du jour par une photographe

C’est la photographe norvégienne, Anne Helene Gjelstad, qui a remis au goût du jour l’intérêt pour Kihnu, classée en 2008 au patrimoine immatériel de l’Unesco, en publiant un bel album sur la vie de l’île. L’originalité de la communauté de 600 habitants est que les hommes sont très souvent absents pour des périodes relativement longues, puisqu’ils consacrent la majeure partie de leur temps à la pêche et à la chasse au phoque sur la banquise. Résultat : les femmes s’occupent de la vie quotidienne. Entre agriculture, tissage traditionnel, chants folkloriques et cérémonies d’enterrement, de petites dames vieillissantes sont photographiées avec leur vache ou en train de danser. Point d’orgue de la démonstration allègre de Gjelstad, interrogée par la BBC : « Si le tracteur tombe en panne, les hommes ne sont pas là, donc les femmes doivent apprendre par elles-mêmes à réparer le tracteur. » Une femme qui répare un tracteur : une preuve imparable de matriarcat, non ? Hélas, cet enthousiasme politique nous semble quelque peu usurpé. Kihnu est une société où la répartition des tâches est très sexuée – et où, assez classiquement, oserions-nous dire, les femmes tiennent le village alors que les hommes partent à l’extérieur. Le décor folklorique, les broderies et la graisse de phoque, sur fond de « préservation de la culture locale », font toute la différence.

Qu’importe à nos militants : le matriarcat est désormais à portée de ferry.

Tariq Ramadan se relance avec… un slam indigéniste

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Tariq Ramadan, Lille, 2016 © Michel Spingler/AP/SIPA Numéro de reportage : AP21855092_000006

L’islamologue se dévoile enfin sans fard dans un slam sans âme, pour nous dire que le mal c’est l’occident…


« Cela fait des siècles que vous volez et mentez
Vous seriez venus dites-vous pour nous civiliser
Vous avez méprisé nos langues, nos cultures, nos religions
Humilié nos mémoires, souillé nos traditions »
(…)
Attendez ! attendez ! qu’est-ce que vous croyez?
Que l’on va rester là assis à vous regarder
Piller nos terres, nos richesses, nos minerais,
Vous laisser tranquillement écrire l’histoire et la coloniser,
Comme vous avez colonisé nos cultures, nos pays
Nos continents, nos paysages autant que nos esprits ? »

Voilà ce que chante Tariq Ramadan. L’ancien prédicateur star, mis en examen pour viols en France et en Suisse, n’a pas oublié ses classiques : pour semer la haine, il faut d’abord commencer par réécrire l’histoire, désigner un coupable, des victimes et lancer le grand mercato de la haine et de la vengeance. Avec un tel cocktail, on sème la violence politique en espérant obtenir en retour la guerre civile, tout en faisant semblant de tenir un discours de justice sociale. L’idée est de faire passer la haine pour de la saine révolte afin de culpabiliser ceux que l’on veut détruire, et de trouver des alliés jusqu’au cœur de la cible que l’on vise. Tariq Ramadan n’a jamais fait que cela en France, il y a même trouvé des compagnons prestigieux, Edwy Plenel, Michel Tubiana et la Ligue des Droits de l’Homme, Alain Gresh…


Sans aucun complexe

Aujourd’hui, le voilà donc qui se dévoile enfin sans fard dans un slam sans âme pour nous dire que le mal c’est l’occident, responsable de tout, en tout lieu, et en tout temps. Le degré zéro de la complexité et de la justesse, mais un positionnement efficace quand on veut transformer une jeunesse peu éduquée en chair à canon de l’idéologie des frères musulmans. D’ailleurs, en bon connaisseur des débats qui ont agité notre pays, Tariq Ramadan rameute tous les termes susceptibles de mettre le feu. Cela donne « Vous allez perdre vos privilèges et votre identité, la mixité serait donc votre perte et bientôt vous serez sauvagement remplacé ». Sauvagement, autrement dit dans le sang ?

À écouter en entier la chanson, on comprend vite qu’il ne s’agit pas d’un slam mais d’une marche nuptiale, qui révèle la profondeur des alliances nouées entre islamistes et racialistes sur l’autel de la culture « woke ». D’ailleurs notre nouveau barde n’a de cesse de parler de « Sud éveillé ». On est ici dans l’expression la plus frustre de l’organisation politique, celle qui ne peut se passer du sacrifice du bouc émissaire et qui demande que, régulièrement, un groupe social ou ethnique tienne le rôle du bouc. C’est ce que tente de faire Tariq Ramadan avec nous. Car dans ce texte, le mal personnifié c’est la culture occidentale, la France, l’Europe, les Blancs, nous finalement. En revanche, l’opprimé, celui que l’on noie, méprise, humilie, dépouille et vole, c’est lui, Tariq Ramadan soi-même, érigé en représentant de tous les persécutés. Sa situation personnelle est le miroir de celle de l’Afrique, le décalque de celle de toutes les victimes de racisme. La chanson est une pièce à verser au procès, elle rejoint la défense mise en place face aux accusations de viol : il n’aurait pas été inquiété s’il avait été Blanc… Ce texte a néanmoins un mérite, il expose crûment la logique de vengeance que charrie le projet d’islamisation des frères musulmans : justifier la conquête de l’occident au nom de la réparation de la colonisation.

Une provocation arrogante

En attendant, le discours de l’ancienne star des islamistes puise abondamment dans les éléments de langage du Parti des Indigènes de la République. À écouter la chanson de Tariq Ramadan, on entend les chœurs d’Houria Bouteldja. Colonisation, accusation de pillage, de spoliation, l’histoire du monde selon Tariq Ramadan se résume ainsi : Occident = Grand Satan. On se croirait revenu au temps de la révolution iranienne et de Khomeyni. En tout cas voilà l’expression qui résume la vision que l’ancien prédicateur se fait du monde et le degré de complexité de sa pensée.

Mais s’il manque de souffle, notre homme ne manque pas d’air : c’est en effet à un deuxième come-back que nous assistons. Sa première tentative de retrouver un peu d’influence en 2020 avait fait flop. Il faut dire qu’ouvrir un centre de formation sur l’éthique et le féminisme quand on est accusé de viol était pour le moins audacieux, on n’ose écrire « couillu ». Du coup, le fait de recruter dans la foulée, un autre théologien, Yacob Mahi reconnu coupable en novembre 2019, en Belgique, d’attentat à la pudeur, d’incitation à la débauche et de harcèlement à l’égard d’un mineur de moins de 16 ans, ainsi que de coups et blessures à l’égard d’un autre élève, n’a pas aidé. La tentative de rédemption a été vue pour ce qu’elle était, une énième provocation mâtinée d’arrogance. 

Autre provocation et travestissement de la réalité, se présenter comme le porte-parole des damnés de la terre quand on a su fructueusement se faire entretenir par le Qatar. Parce que si notre futur crooner ne recule jamais devant le pathos, invoquant les migrants, les êtres déracinés, les bateaux de la honte et du désespoir, la mort au quotidien, la misère… Lui, en revanche, ne s’est jamais oublié. Il a su servir sa cause sans jamais oublier ses intérêts. D’après les « Qatar Papers », de Christian Chesnot et Georges Malbrunot l’homme touchait 35 000 euros par mois en tant que consultant à la Qatar Fondation au temps où prédicateur ne rimait pas avec fornicateur !

Alors, en attendant que cette tentative de retour sur le devant de la scène se solde par un nouvel échec, je vais réécouter les paroles du « Chanteur » de Balavoine, j’aime particulièrement ce passage: « Et partout dans la rue, J’veux qu’on parle de moi, Que les filles soient nues, Qu’elles se jettent sur moi, Qu’elles m’admirent qu’elles me tuent, Qu’elles s’arrachent ma vertu ». Allez savoir si de telles strophes n’auraient pas nourri la vocation du Frank Sinatra islamiste ? Devant tant de ridicule et d’outrance de la part du frère musulman déchu, on aimerait éclater d’un rire franc et joyeux, si la profondeur des liens entre les islamistes, racialistes, décoloniaux et islamogauchistes ne nous promettait pas des aubes tristes et des matins chagrins.

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Quand la gauche s’éveillera

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La journaliste Elisabeth Lévy © Photo : Pierre Olivier

L’éditorial d’avril d’Elisabeth Lévy


Quand on ne veut pas voir la lune, on s’en prend au doigt. Anne Hidalgo est donc furieuse contre Sonia Mabrouk. Le 17 mars, sur Europe 1, dans un entretien mené comme toujours au canon dans un gant de soie, la journaliste a contraint la malheureuse Mélanie Luce, présidente de l’UNEF, à admettre en bafouillant que son syndicat organisait des réunions « en non-mixité raciale » – comprenez « interdites aux Blancs ». Ce fait était connu depuis longtemps et régulièrement dénoncé. L’aveu a pourtant déclenché une réaction en chaîne, faisant éclater au grand jour un autre secret de polichinelle, à savoir qu’une guerre fratricide divise la gauche. Entre les « laïcards » (pour parler comme Le Monde) et les « islamo-gauchistes » (pour faire simple), les ponts sont désormais coupés. Au grand dam de la maire de Paris qui se croyait capable de faire la synthèse, comme si ses proclamations creuses pour Charlie et la République avaient fait oublier qu’elle gouverne Paris avec l’islamo-écolo-gauche. Curieusement, Yannick Jadot a trouvé le moment opportun pour lancer un appel à l’union de toute la gauche. Au moins, il ne manque pas d’humour.

Audrey Pulvar et Anne Hidalgo, mars 2020 © BERTRAND GUAY / AFP
Audrey Pulvar et Anne Hidalgo, mars 2020 © BERTRAND GUAY / AFP

« Les Blancs feraient mieux de se taire » (en l’espèce, les Blancs qui assistent aux réunions fermées). Alors que les balles sifflent de toutes parts, le pas de côté calculé d’Audrey Pulvar est plus significatif que les dérisoires bisbilles municipales auxquelles nous sommes accoutumés. L’adjointe « en charge de l’alimentation durable, de l’agriculture et des circuits courts » (sic), également tête de liste du PS pour les régionales en Île-de-France, a pris le risque d’enrager sa patronne et de dévaster ce qui reste de son parti : pas seulement pour le bénéfice électoral qu’elle escompte d’une alliance avec les Insoumis et les Verts, mais parce qu’elle pense que l’avenir s’écrit là. Le pire, c’est qu’elle a probablement raison.

Cette déclaration ahurissante est peut-être l’acte de naissance de la gauche woke  – une gauche qui se réveillerait d’un long passé d’oppression pour demander des comptes. Elle n’a pas de nom, pas vraiment de parti, même si les boomers de la France insoumise s’emploient à lui complaire. C’est une nébuleuse en formation, une humeur idéologique tissée de ressentiments qui pénètre nombre de lieux où se fabrique l’opinion. Certes, elle n’est pas majoritaire dans son camp, à supposer que celui-ci existe encore, mais elle n’est plus groupusculaire. Et ce qui inquiète, c’est la facilité avec laquelle elle impose son langage et ses réflexes à une partie de la jeunesse, qui parle désormais de personnes racisées comme si ça allait de soi. Inutile d’insister sur l’obsession raciale, marqueur du nouvel esprit progressiste : le « non-Blanc » est exploité, le Blanc est exploiteur, le statut de victime comme celui de coupable se transmettant de génération en génération. Par le sang. Passons sur la complainte anti-discriminations et le chantage au sentiment érigé en méthode politique – « Je suis offensé ». Il faut s’arrêter un instant sur le retournement qui voit le « parti de l’Autre » devenir celui de l’entre-soi. Dans leur pathétique effort pour sauver le soldat Pulvar (qui y est allée un peu fort), les Insoumis et assimilés ont brandi l’argument des groupes de parole, comparant les réunions entre « racisés » à celles des alcooliques anonymes. Il est normal, disent-ils, que les victimes (passées ou futures, réelles ou imaginaires) de discriminations veuillent parler entre elles : les non-discriminés (les Blancs donc) ne peuvent pas comprendre. Cette assertion révèle une véritable reddition de l’esprit et du cœur. Chacun sa souffrance. Comment accepter que tout ce qui est humain – hormis moi-même – me soit étranger ? Que ni l’art, ni l’amour, ni la pensée ne permettent de transmettre une expérience ? Que le partage, l’empathie, la compassion n’aient cours qu’entre membres du même groupe ? Dans la logique de Pulvar, un Blanc ne peut pas comprendre Chester Himes, un homme ne peut pas comprendre (et encore moins écrire) Madame Bovary. Le salut passe par le rétrécissement du monde. C’est gai.

Face à cette force montante, victimiste et différentialiste, la vieille gauche n’a rien d’autre à opposer que des grands mots abstraits et creux. Quand les uns offrent la chaleur du groupe, le réconfort du malheur partagé et de la revanche annoncée, les autres convoquent l’universalisme et la laïcité. La préférence de cette gauche pour un registre idéologiquement inopérant s’explique largement par son obsession de se démarquer de la droite et de l’extrême droite dont elle partage pourtant nombre de points de vue. L’important, c’est de ne pas choisir entre les deux bras de la « tenaille identitaire ». Sauf que MacWorld versus Djihad, le combat est perdu d’avance. La seule chose qui puisse tenir tête aux identités particulières, c’est une identité collective. L’antidote au woke, ce n’est pas la République, c’est la France.

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Ecologistes et islamistes: l’alliance verte

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Présidente du Groupe EELV au Conseil de Paris, Fatoumata Koné (notre photo) s'était attirée les foudres d'Anne Hidalgo en contestant l'opportunité de renommer un lieu de la capitale en hommage à Samuel Paty © CELINE BREGAND/SIPA Numéro de reportage : 00943745_000031

Lorsque l’on s’inquiète du péril de l’islamo-gauchisme, on aurait grand tort de ne regarder que du côté de la France Insoumise.


Ils partagent une couleur : le vert. Mais pas seulement. Ils partagent aussi une approche totalitaire de la société.  

Les uns veulent nous soumettre à la Nature. Les autres veulent nous soumettre à Allah et aux préceptes du Coran. 

Ils ont en commun un anti-occidentalisme marqué car à leurs yeux l’Occident, et en creux le Blanc, est responsable de tous les malheurs du monde. 

Les écolos nous accusent du saccage de la planète. Mais pas que. Ils ont, depuis des années, rejoint le camp de l’indigénisme et du communautarisme, épousant la cause de ceux qui accusent la France de racisme systémique, de discrimination globale anti-noire et arabe. À ce titre, ils vont plus loin que la gauche républicaine qui, elle, tente de maintenir un équilibre précaire entre dénonciation d’actes individuels de racisme et défense d’une république universaliste. 

La drôle d’alliance

Les islamistes eux s’en foutent royalement de la planète. Mais la lutte anti-occidentale et l’exploitation des frustrations de certaines minorités en proie à la rude compétition de la mobilité sociale en Europe çà leur parle, ça leur sert. Et c’est ainsi que s’est forgée une alliance informelle, tacite mais tangible. 

Prenons par exemple Esther Benbassa, sénatrice Europe Écologie-Les Verts, présente à la manifestation contre l’islamophobie du 10 novembre 2019, en compagnie d’une poignée de manifestants portant sur leurs manteaux une étoile jaune qui rappelle celle que devaient porter les Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale – bien qu’elle n’ait que cinq branches et non six comme l’étoile de David. Au centre de l’étoile, le mot « muslim ». Et, à côté, un croissant jaune. Elle n’en était pas à sa première provocation islamophile. En avril 2016, elle publiait une tribune dans Libération, dans laquelle elle affirme : « Le voile n’est pas plus aliénant que la minijupe ».

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Tollé dans une grande partie de la classe politique. Mais soutien total de son parti qui n’y voit rien de choquant.

Mais les choses s’emballent ces derniers mois. 

En septembre 2020, Julien Bayou, secrétaire national d’EELV, défendait devant le conseil fédéral du parti le port du burkini dans les piscines municipales.

Autre date, autre exemple. Conseil de Paris le 17 novembre 2020. Anne Hidalgo, peu suspecte d’islamophobie, propose de rebaptiser une rue de notre capitale du nom d’un héros de la lutte pour la laïcité, décapité par un immigré tchétchène islamiste : Samuel Paty. 

Hidalgo demande à ce que les Verts sortent de l’ambiguïté

Qui s’y oppose « pour des raisons techniques » ? Le groupe « Les Verts » menés par Fatoumata Koné, une Ivoirienne d’origine, qui revendique son identité musulmane. Gros malaise dans la classe politique, y compris chez Anne Hidalgo, qui demande aux écolos qu’ils « sortent de leur ambiguïté ».

Mais restons à Paris. Qui se souvient que ce groupe « Les Verts » avait, en novembre 2018, formulé une proposition visant à faire adopter des créneaux non-mixtes dans les installations sportives de la capitale ?

Le 14 février dernier, Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur, demande une étude sur l’islamo-gauchisme à l’université. Un secret de polichinelle sur lequel un ministre consent enfin à jeter un regard furtif. Énorme bronca dans une partie du monde universitaire, gangréné depuis longtemps par le gauchisme et plus récemment par l’islamisme. D’où, d’ailleurs, la fusion de ces deux concepts dans le néologisme « islamo-gauchisme » qui met les gauchos en furie. Les appels à la démission de Madame Vidal fusent. Mais qui sont les plus virulents parmi les politiques ? Jean-Luc Mélenchon bien sûr car l’islamo-gauchisme des « Insoumis » n’est plus un mystère pour personne. Mais aussi Yannick Jadot, le très « propre sur lui » patron des Verts et candidat à la présidentielle de 2022.  

Et puis arrive la mère de tous les scandales islamo-gauchistes. Le principe d’une subvention de la mairie EELV de Strasbourg en faveur de la construction de la mosquée pro-Erdogan de l’association Millî Görüs qui a refusé de signer la « charte des principes pour l’islam de France » votée le 22 mars par la majorité verte-rose-rouge. Une nouvelle polémique encore plus énorme que les précédentes. Nouveau soutien inconditionnel de la direction des Verts en faveur de leur maire et qui va jusqu’à un dépôt de plainte en diffamation contre Gérald Darmanin et Marlène Schiappa, deux membres du gouvernement qui s’étaient légitimement émus de la complaisance des écolos avec l’islam politique.  

Drôles de cultures!

Mais ce que cette affaire a masqué, c’est la décision de la maire verte de refuser la définition de l’antisémitisme proposée par l’Alliance Internationale de la Mémoire de l’Holocauste et pourtant déjà adoptée par les mairies de Paris, Nice, l’Assemblée nationale, le Conseil de l’Europe, le Parlement européen.  

Pensez donc ! Cette définition considère comme antisémite le fait de nier au peuple juif son droit à l’autodétermination ou d’affirmer que l’existence d’un État d’Israël est une entreprise raciste ou encore le fait de comparer la politique israélienne contemporaine à celle des nazis. Définition qui percute le logiciel antisémite et antisioniste de toute une partie de l’électorat islamique et indigéniste que cultivent les verts, sans jeu de mots bien sûr.

A lire aussi: Islamo-gauchisme: comment la société française en est arrivée là

Mais gardons-nous de penser que ce phénomène est purement français. Chez nos voisins Belges, et plus particulièrement les Wallons francophones, c’est pareil. Et même pire. Le parti « Ecolo », alter-ego de notre parti EELV outre-Quievrain défend le port du voile par les agents publics. Il a mis ses actes en concordance avec ses paroles en élisant, pas plus tard que le 2 avril dernier, Farida Tahar, une belgo-marocaine voilée, comme présidente du groupe vert au parlement francophone de Bruxelles. 

Les Verts ont une image plus sympathique que Mélenchon

Mais l’islamo-gauchisme des Verts est bien plus grave que celui de l’extrême-gauche de la France Insoumise. Il associe, en effet, une cause sympathique, la défense de la nature, avec une cause mortifère pour la France et sa civilisation, à savoir l’islamisation de notre pays.

Mais ce qui précède ne signifie nullement que nous devons nous détourner de la protection de notre environnement et de la lutte contre le dérèglement climatique qui sont absolument cruciaux. Ne jetons pas avec l’eau du bain putride de l’islamo-gauchisme le beau bébé que nous ont légué des pionniers remarquables de l’écologie comme Brice Lalonde, Antoine Waechter, Corinne Lepage et, disons-le, un Nicolas Hulot qui est certes excessif, mais sincère et très éloigné des dérives délétères de ceux qui ont kidnappé l’écologie au profit du gauchisme et de l’islam politique. Le combat du camp de la France c’est aussi, bien sûr, le combat pour préserver et améliorer notre cadre de vie. C’est-à-dire de vivre Français en France.

Au menu du Français anxieux, «tout vaccin» et «bien mourir»

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Image d'illustration Unsplash

Une tribune libre de Jean-Frédéric Poisson, président de VIA la voie du peuple et candidat à la présidentielle 2022


Primum non nocere : d’abord, ne pas nuire. Dans le monde de la médecine, ce principe de prudence est fondamental. Il est hélas victime dans nos sociétés modernes d’une affection grave – mais sans doute pas incurable : le mépris. Entre la gestion dangereuse de la crise sanitaire, la pression en faveur d’une vaccination généralisée sans préoccupation des effets secondaires, et la nouvelle proposition de loi à l’initiative de parlementaires radicaux et LREM, examinée actuellement à l’Assemblée nationale, et visant à légaliser l’euthanasie, on ne voit plus ce qui lie la médecine moderne à cette précaution hippocratique.

Est-ce objectivement le meilleur moment pour faire adopter cette loi que celui de la saturation massive de notre système de santé ? Les inlassables et déterminés promoteurs de l’euthanasie font preuve d’un certain opportunisme, même si l’ordre du jour des séances ne dépend pas totalement d’eux. Maintenir l’examen parlementaire d’un pareil texte au moment même où les Français craignent qu’un tri soit effectué dans les hôpitaux pour l’entrée des patients en réanimation paraît déplacé. Et pourtant, la première étape sur la voie de la légalisation de l’euthanasie a bel et bien été franchie le 31 mars dernier à l’Assemblée nationale avec l’adoption en Commission des Affaires Sociales de cette proposition de loi « Droit à une fin de vie libre et choisie », ce qui ouvre la voie à la discussion en séance publique ce jeudi 8 avril 2021.

En 2016, la loi Claeys-Leonetti avait déjà légalisé la « sédation profonde et continue » jusqu’au décès. Cinq ans plus tard, il faudrait encore aller plus loin

Deux arguments principaux se dégagent des discussions. D’abord l’argument immanquable du progressisme : puisque c’est autorisé ailleurs, il faudrait absolument que ce le soit également en France pour rattraper notre retard. Sans cela, nous serions non seulement un pays d’arriérés mais aussi d’hypocrites, laissant à nos voisins belges et suisses la responsabilité de permettre cette « ultime liberté ».

A lire aussi, du même auteur: Non à cette société qui confine pour protéger d’une mort hypothétique…

Car tel est le second argument : l’accès à l’euthanasie laisserait à l’individu libre, la possibilité de rester maître de son destin jusqu’à la fin. Les promoteurs de l’euthanasie – et de la fausse bioéthique en générale – ne se posent pas la question de savoir si les barrières légales qui régissent encore la fin de vie ne présentent pas des vertus protectrices malgré leur aspect contraignant. Qui peut garantir que les personnes concernées, par principe déjà soumises à une grande détresse existentielle, ne subiront pas la pression de leur proches ou des établissements de santé, eux-mêmes soumis à des exigences de rentabilité ?

Depuis 2016, la loi Claeys-Leonetti avait déjà légalisé la « sédation profonde et continue » jusqu’au décès, pour les personnes dont le pronostic vital est engagé à court terme. Cinq ans plus tard, il faudrait encore aller plus loin au motif que cette procédure serait trop passive. Il faudrait permettre un droit « actif » à l’euthanasie avec, pour seule condition, la reconnaissance du caractère « grave et incurable » de l’affection subie. Le propre du progressisme étant de vouloir aller toujours plus loin, il faut s’interroger sur la suite, l’étape suivante, et celle d’après… Jusqu’où ? Dans quel but ? Là n’est pas la question semble-t-il. Et pourtant.

Cette proposition de loi appelle un double motif d’opposition. Opposition sur le fond comme évoqué précédemment, mais aussi opposition sur la forme. La situation sociale et politique de la France ne permet pas que cette question soit assortie du débat public qu’elle mérite. Les Français sont plongés dans un état d’anxiété patente depuis un an. Sans certitude d’en sortir prochainement, préoccupés de mille sujets, et privés des liens sociaux propices à l’information et à la délibération démocratique, ils ne sont actuellement pas armés pour prendre sereinement la mesure de ce sujet. La décence voudrait que ce débat soit, au minimum, reporté.

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La Commune selon Arte: copie à revoir

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Capture d'écran Arte.tv

Célébrer la Commune, pourquoi pas? Mais pourquoi le faire à la manière d’Arte avec « Les Damnés de la Commune » de Raphaël Meyssan, un film au kitsch indigent?


La Commune ne réussit pas à Arte. Il y a 20 ans, Peter Watkins accouchait douloureusement d’un film de près de 5 heures à leur intention, sobrement intitulé La Commune (Paris, 1871). Conçu tout au long d’un processus démocratique et participatif, des amateurs recrutés pour leurs affinités avec les deux camps (communards et versaillais) y pratiquaient une sorte de jeu de rôle immersif dans un hangar, filmés en noir et blanc. On en a gardé le souvenir de deux blocs de didactisme s’affrontant de loin, avec ces fameux effets anachroniques de micros tendus aux interviewés qu’affectionne Watkins, quelque siècle où l’on se trouve. La Commune, c’était ici et maintenant.

Roman graphique pour prime-time

En 2021, la Commune, c’est toujours ici et maintenant, commémoration oblige, mais Arte ne coche plus la case du réalisateur art-et-essai/engagé/de prestige avec une diffusion à l’avenant (de multiples dissensions entre Watkins et la production avaient abouti à une programmation nocturne, condamnant le film à une audience réduite). La Commune se doit d’être une locomotive tous publics en prime-time, et quoi de mieux qu’un bédéaste en poupe pour adapter son propre roman-graphique ?

Les Damnés de la Commune – trois tomes aux éditions Delcourt – est exclusivement constitué de gravures d’époque (dont on doute qu’elles aient été créées dans un but révolutionnaire) découpées et pensées en bandes-dessinées par un graphiste de profession, Raphaël Meyssan qui va se livrer à une enquête-introspection sur l’insurrection populaire. Celle-ci débute comme une rêverie contemporaine, on y quête un communard lapin blanc, Lavalette, et on tombe sur une Alice qui a bien existé, Victorine Brocher, communarde rescapée des massacres qui écrira plus tard ses mémoires au très beau titre, Souvenirs d’une morte-vivante
Meyssan, qui a amassé une immense documentation, ne se cache pas d’avoir un point de vue partisan, et il est du côté des Communards, ce qui est fort louable.

Survol par un drone arthritique

Mais son adaptation en dessin animé pose des problèmes insolubles sur le fond et sur la forme. Prenons les gravures retenues dans la version filmique. D’un côté, des scènes de genre dramatiques avec harangues à la chaire, mouvement de foules, charges, blessés, massacres, dans un goût très second Empire. De l’autre, des vues de Paris, bâtiments, monuments, perspectives entrecoupées de cartes, un spectacle topographique avec lumières, effets de nuits, incendies, etc. La profondeur est toujours donnée par un élément mouvant : pluie, neige, flammes, balles traçantes, détonations au ralenti, alors qu’un zoom très lent pénètre ou se décale dans l’image. L’allure des mouvements de caméra est toujours la même, berçante, ronronnante. Les paysages urbains semblent ainsi survolés par un drone arthritique qui s’arrêterait net de fatigue.
La technique d’animation présentée comme un tour de force aboutit à un résultat vieillot et empesé, qui tient autant du diorama que du roman-photo et de la dramatique radio.
Il faut cinq minutes au film pour être en pilotage automatique, et dans l’incapacité de se dépasser plastiquement. Meyssan a bien la tentation peu probante d’énormes gros plans sur les hachures des visages aux moments les plus pathétiques mais, surprise, même grossi 50 fois, un réseau de hachures reste remarquablement peu expressif. Le rythme poussif qui en découle interdit toute progression, autrement que par l’incarnation vocale.

Vision simplificatrice et partiale

Projet porteur oblige, Meyssan a réuni de grands noms du cinéma et du théâtre, qui vont déterminer son axe : jouer l’identification du spectateur avec ce qu’il voit, par le biais d’une narratrice principale. Pour se faire, il se concentre sur Victorine dont on va suivre le destin tragique des débuts de la Commune jusqu’à la Semaine sanglante. Se produit un effet de loupe extrêmement simplificateur, parfois interrompu par des recadrages partiaux et sujets à caution. Adolphe Thiers est ainsi défini comme monarchiste, ce qui tendrait à le placer à l’extrême-droite politique, alors qu’il se situait en fait au centre-gauche de l’époque, quelque part dans le no man’s land qui va de François Hollande à Emmanuel Macron, si l’on convertit à nos réalités contemporaines.

Ce tour de passe-passe est signe d’une absence totale de mise en perspective historique, pour ne rien dire du nationalisme va-t-en-guerre des Communards à peine évoqué. Les insurgés sont plongés dans un présent resserré, sans perspective, à l’inverse des dégagements ouverts dans le Paris haussmannien. On a parfois l’impression d’être devant une sorte de Village d’Astérix pré-inclusif sans potion magique. Les passerelles avec notre époque sont lourdes, répétitives et volontiers synchrones avec le néo-féminisme atmosphérique (au sens que Kepel donne à cet adjectif pour qualifier le nouveau djihadisme). 

On retrouve ainsi les mantras ânonnés qu’on entend partout des informations radio et télévisuelles aux fictions subventionnées par le CNC, des publicités aux réseaux sociaux, une sorte de bruit blanc de l’époque qui ne veut plus rien dire, et ne provoque plus qu’une immense lassitude. Le mari de Victorine boit, il la bat, elle travaille pour deux, est payée deux fois moins que les gardes nationaux, etc. Ce dernier point s’explique très certainement par la probabilité bien plus forte qu’ils ont de mourir au combat, mais le commentaire préfère laisser planer l’aile de corbeau du patriarcat systémique.

Optique tire-larmes

Négligeant l’Histoire, Meyssan privilégie la trajectoire individuelle de Victorine qu’il traite en mélodrame gluant de pathos. Il va jusqu’à faire mourir son premier mari au combat, alors que dans les faits, Victorine et lui se sont quittés après la Commune. « On entre dans un mort comme dans un moulin », disait Sartre, mais quand même, évitons d’empoisonner la farine pour faire joli ! Cette optique tire-larmes est parfaitement rendue par l’interprète de Victorine, Yolande Moreau, qui délivre toutes ses répliques d’une voix de petite fille sénile. Au mépris du bon sens le plus élémentaire, Meyssan fait jouer sa mère, ancienne révolutionnaire de 1848, par… Fanny Ardant. Ce qui nous vaut entre elles des échanges croquignolets où la Duchesse d’Alice semble s’adresser à sa bonne geignarde. Particularité insupportable des dialogues souvent constitués de slogans, ce ne sont que des phrases courtes. 
Avec passage à la ligne.
A pratiquement chaque phrase.
Pour qu’on comprenne bien les trois mots qui se battent en duel.
Sans subordonnées.
(C’est trop compliqué)
La prime à l’émotion.
Avec viol et étripage à la fin.
Sous les yeux de Victorine, horrifiée.
(Parce qu’une femme violée, ça manquait)

Le bon goût bourgeois de notre époque

Autant dire qu’on ressort des Damnés de la Commune avec une féroce impression de kitsch indigent. On revoit même à la hausse le film de Watkins. Au moins, les deux camps y étaient envisagés, même si la dialectique grippait un peu. Ici, rien de tel, de l’embedded pataud sur fond d’images d’Epinal. Aucune ligne sur la Commune des écrivains de l’époque qui l’ont vécu de près ou de loin, aucune réflexion, aucune distance, du sentimentalisme, des violons et une manière de happy end. La faiblesse de la forme et du fond va jusqu’à contaminer l’image qu’on se fait de la Commune, très à la mode chez les Parisiens d’aujourd’hui qui ont chassé les pauvres, bien loin dans les banlieues.
On pourrait retourner à Meyssan la seconde moitié du compliment que Billy Wilder réservait au Journal d’Anne Frank (George Stevens, 1959) : « C’est bien, mais j’aurais aimé avoir le point de vue de l’adversaire. » Car Les Damnés de la Commune ne reflète au fond que le bon goût bourgeois de notre époque.
Nul.
Ou à peu près.

Les Damnés de la Commune de Raphaël Meyssan (sur Arte.TV)

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Coupe du Monde 2022: le Qatar paiera pour la Chine

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Le footballeur norvégien Erling Haaland, Malaga, 27 mars 2021 © Fermin Rodriguez/AP/SIPA Numéro de reportage : AP22552867_000004

La Chine et le Qatar font face à des menaces de boycott. Mais seul le Qatar doit vraiment s’inquiéter.


Les deux plus grands événements sportifs mondiaux de l’année 2022, la Coupe du monde de football organisée par la FIFA à Doha et les JO d’hiver prévus à Pékin, sont confrontés à des menaces de boycott. Lors des matchs des qualifications pour la Coupe du monde qui ont débuté la semaine dernière, les joueurs de trois équipes européennes ont saisi l’occasion pour protester contre la tenue du tournoi au Qatar. Ainsi les joueurs néerlandais ont porté des maillots avec la mention « Le football soutient le changement », ceux de la Norvège ont enfilé des maillots portant la mention « Droits de l’homme sur le terrain et en dehors » et enfin sur les maillots des joueurs de la Manschaft d’Allemagne on pouvait lire « Droits de l’homme. »

Doha très sensible à ce qui se dit en Europe

Pour ce qui concerne le Qatar, il semble que la pression – qui n’a pas commencé avec ces matchs de qualifications – porte ses fruits. Ainsi le royaume du Golfe, qui s’est vu reprocher les mauvaises conditions dans lesquelles vivaient et travaillaient les migrants employés dans les multiples chantiers du tournoi, a introduit un certain nombre de réformes. Plus généralement, Doha donne des gages et se montre très sensible à ce qui est dit et écrit notamment en Europe. Au-delà des manifestations comme celles mentionnées plus haut, les menaces de boycott – essentiellement de la part de quelques clubs norvégiens – ne créent pas une dynamique dans ce sens, sans doute à cause de l’ouverture des Qataris à la critique et de leurs efforts pour améliorer leur bilan. 

A lire aussi: Le Paris-Dakar de MBS: on se tait et on profite du spectacle

Pour ce qui concerne les Jeux olympiques d’hiver de 2022, c’est une autre paire de manches. Des appels au boycott de l’événement à Pékin sont lancés essentiellement par des groupes de défense des droits de l’homme et des politiques, plutôt que par les athlètes eux-mêmes. C’est bien normal. Sociologiquement et économiquement, les sports d’hiver ne créent pas des stars jouissant de positions permettant une marge de manœuvre personnelle. Il faut de l’argent et de la notoriété pour prendre de tels risques. Et même pour ceux qui tiennent ces positions, ce n’est pas facile. C’est ce qu’a appris la star allemande du football Mesut Özil. En 2019, portant alors le maillot du club anglais d’Arsenal, il a publié un tweet condamnant la répression des musulmans ouïghours par la Chine. La réaction chinoise a été brutale : la télévision d’État chinoise a annulé la diffusion du prochain match d’Arsenal, et a ensuite refusé de mentionner le nom d’Özil à l’antenne. Résultat, avec ou sans lien avec cet incident, Özil ne fait plus partie des « Gunners ».

Puissance de feu chinoise

À peu près à la même période, Daryl Morey, le directeur général de l’équipe de basketball des Houston Rockets, a publié un tweet de soutien aux manifestants de Hong-Kong somme toute assez tiède : « Un message de soutien envers Hong Kong, pour une politique pro-démocratique ». La réaction chinoise a été là aussi dévastatrice. La CBA (ligue nationale de basket en Chine) a décidé de couper ses liens de coopération avec les Rockets, plusieurs marques de sport ont immédiatement cessé toute coopération avec la franchise et finalement Tencent, le diffuseur officiel de la NBA en Chine, a  suspendu toute diffusion de match des Rockets pour la saison à venir.

Face à la puissance de feu de la Chine et surtout à la mobilisation chinoise sans faille, les mouvements de boycott des JO de 2022 visent les partenaires, appelés à se retirer, et les grandes marques, appelées à s’abstenir de faire de la publicité pendant les jeux afin de priver les organisateurs de leurs recettes.

Ainsi, nous sommes aujourd’hui face à une situation ubuesque. Sans entrer dans le débat philosophique sur le boycott, nous avons d’un côté la Chine, imperméable à la critique, qui va probablement arriver à ses buts grâce à l’emploi de sa puissance économique et diplomatique, et de l’autre, le Qatar, plutôt coopératif et sensible aux reproches qui lui ont été adressées, qui risque de voir l’évènement qu’il organise gâché. Pire encore, Doha pourrait payer le prix de la frustration : ceux qui n’arrivent pas à faire bouger la Chine vont s’acharner sur le Qatar.

Et si c’était lui? Notre dossier Napoléon

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© Causeur

 


Découvrez le sommaire de notre numéro d’avril


Paradoxe désolant : à l’heure où la pandémie expose un manque de direction au sommet de l’État et que les candidats aux élections présidentielles de 2022 commencent à sortir du bois, la France hésite à célébrer le bicentenaire de celui qui fut son plus grand dirigeant et le créateur d’un État régalien sans pareil. Les accusateurs de Napoléon, adeptes de la cancel culture, tentent de réduire son extraordinaire aventure au rétablissement de l’esclavage. Emmanuel Macron sera apparemment au rendez-vous le 5 mai pour « commémorer » l’Empereur, mais aura-t-il l’audace de le célébrer ? Comme l’écrivent Elisabeth Lévy, Gil Mihaely et Jonathan Siksou, « la France va-t-elle abjurer son passé ou s’en faire gloire, se soumettre à une moralisation rétroactive annonçant la normalisation, ou assumer ses rêves de grandeur passée, voire renouer avec eux ? »

Notre dossier va plutôt dans le sens de la grandeur. Pour Eric Zemmour, admirateur de Napoléon depuis l’enfance, le Premier Empire est le moment où les Français étaient « sur le toit du monde. » Le long déclin de la nation a commencé en 1815 et, aujourd’hui, nous ne pouvons avoir qu’un projet défensif : refaire des Français par assimilation. Napoléon fournit l’inspiration pour ce retour de la puissance militaire et du régalien – et sans qu’on ait besoin cette fois d’envahir l’Italie ! Un homme comme Napoléon, nous rappelle l’historien Patrice Gueniffey, ne peut pas être jugé à l’aune de la morale commune. Thierry Lentz, directeur de la Fondation Napoléon, affirme que, contrairement aux accusations, Napoléon n’avait aucun projet raciste et que ses réalisations ont survécu parce qu’elles étaient fondées sur des consensus. L’historien britannique, Andrew Roberts, nous révèle combien un certain Premier ministre qui résista au nazisme s’est, tout au long de sa vie, inspiré de Napoléon. Décisif, sûr de lui, entreprenant, ne comptant que sur l’effort collectif, Napoléon incarne, selon Franck Ferrand, tout ce que les Français ne sont plus. Décidément, 2022 nous fera regretter l’Empereur…

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La nouvelle gauche qui naît aujourd’hui, la gauche woke, est aux antipodes de Napoléon, qu’elle souhaite bien entendu « annuler ». Dans son éditorial, Elisabeth Lévy pointe les contradictions profondes de ces groupes de parole, promus par Audrey Pulvar et d’autres, qui sont réservés aux « racisés » ou qui interdisent aux Blancs de parler. « Comment accepter que tout ce qui est humain me soit étranger ? Que le partage, l’empathie, la compassion n’aient cours qu’entre membres du même groupe ? » Notre nouvelle rubrique, « A qui le tour », tenue par Erwan Barillot, dresse la liste des dernières victimes de la cancel culture, tandis que Didier Lemaire pose une question fondamentale : Qui a tué Samuel Paty ?  En plus des douze personnes qui sont pénalement comptables de ce crime, de l’assassin à la collégienne affabulatrice et son père le diffamateur, la responsabilité morale se partage entre ses collègues, sa hiérarchie, des décennies de politiques clientélistes – et finalement nous tous qui refusons d’être ce que nous sommes. Cyril Bennasar, se souvenant de ses années de collège à Saint-Chéron, se demande comment, quarante ans plus tard, devant ce même établissement, une collégienne de 14 ans a pu être poignardée à mort. L’enquête d’Erwan Seznec dans certains « quartiers » montre que la surenchère indigéno-racialiste chez de nombreux politiciens est motivée par leur supposition hâtive qu’elle sera électoralement payante. Gilles Kepel, se confiant à Causeur, met en lumière l’influence jusque dans ces quartiers français du projet islamiste du président turc qui se présente comme un nouveau calife. Enfin, triste constat que celui de Pierre Vermeren : à la faveur de la pandémie, les peine-à- jouir, l’esprit de prohibition et l’austérité l’ont emporté sur les valeurs de la jeunesse : l’amour, la vaillance, l’intrépidité et la liberté des trompe-la-mort. Pourquoi ? Parce que nos dirigeants font la politique de leurs électeurs vieillissants.

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Une note d’espoir est apportée par Eugénie Bastié qui se confie à Elisabeth Lévy. Dans son livre, La Guerre des idées, la journaliste et essayiste observe avec finesse le champ de bataille intellectuel français. Sa conclusion ? Malgré les sectarismes qui veulent interdire la contradiction, les idées retrouvent le pouvoir. Jérôme Leroy nous rassure aussi : le monde est certes une source de ce que Freud appelait « l’inquiétante étrangeté », mais deux maîtres de la littérature fantastique, Stephen King et Olga Tokarczuk, nous aident à y faire face. Justement, pour Françoise Bonardel, nous pouvons regretter la conquête actuelle de la planète Mars : si c’est une victoire pour la science, c’est une perte pour l’imagination humaine. Emmanuel Tresmontant nous raconte le succès grandissant du saucisson à l’heure du Covid. Cette gloire de la charcuterie française tire profit de notre besoin de confinés de résister à l’ambiance glauque par des apéros soignés. Et puisque certains des meilleurs saucissons sont corses, crions ensemble : « Vive l’Empereur ! »

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Chauve qui peut!

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Bruce Willis © SB2/ZOB/WENN.COM/SIPA SIPAUSA31203821_000003

La victimisation tourne au grotesque. Le média ultra-progressiste Brut vient de découvrir une nouvelle discrimination. Selon l’écrivain Julien Dufresne-Lamy, l’homme chauve serait, lui aussi, une victime.


Vous redoutez un grand déclassement de la France de l’après Covid? Vous aimeriez que l’on festoie dignement le bicentenaire de la mort de Napoléon Ier? Ou encore, votre cœur saigne à chaque manifestant froidement assassiné par la junte birmane? Éteignez-tout, le vrai problème est ailleurs…

Dans une interview pour Brut, Julien Dufresne-Lamy, ancien étudiant à l’École normale supérieure de Lyon, revient sur son « traumatisme », et déplore que « les gens aujourd’hui ne considèrent pas ça comme une violence, comme une blessure ». Il y aurait donc plusieurs dizaines de millions de « traumatisés » en France, il faudrait demander aux rescapés du Bataclan ce qu’ils en pensent. Car la calvitie n’a rien de marginal: un quart des hommes de France était concerné par cette « violence » en 2015, selon l’IFOP, un tiers chez ceux de plus de 65 ans. Pis que ça: trois Français sur quatre non atteints de calvitie déclarent perdre leurs cheveux, un taux qui a grimpé en flèche par rapport à 1990 (44%)

Je ne me baigne plus pendant dix ans

Bientôt une épidémie de chauves? Ce sera sans Julien: « le chauve reste toujours un sous-homme, en tous cas il ne représente pas la puissance masculine », assure notre Caliméro blessé dans son égo depuis ses 22 ans. Ce jour-là, il réalise « cette vérité-là avant d’aller à la fac »: son caillou se clairsème. « Une conséquence des excès de jeunesse ou de la conception de grandes pensées », analysa Flaubert, qui déplora son alopécie précoce à trente ans auprès de son ami de jeunesse, le magistrat Ernest Chevalier en ces termes: « tu me dis que tes cheveux blanchissent, les miens s’en vont. Tu retrouveras ton ami à peu près chauve. La chaleur, le turban, l’âge, les soucis peuvent bien être la cause de cette sénilité précoce du plus bel ornement de ma tête ». Il publia Madame Bovary quelques années plus tard.

A lire aussi: Drôle de mec!

Pour sa part, Julien Dufresne-Lamy a décidé de prendre les devants dès sa jeunesse normalienne: il passe alors 30 à 45 minutes tous les matins à se mettre du gel, il évite les stations de métro ventées et, plus étrange, il ne se « baigne plus pendant dix ans »! Si vous vous attendez à voir un Michel Blanc, un Louis de Funès ou, Mesdames, un Bruce Willis ou même un Sean Connery -lequel portait une perruque pour incarner James Bond- vous serez déçu. Julien n’est pas chauve du tout, il s’est fait faire des implants capillaires. « En fait, j’ai remédié à ce problème », admet-il un peu gêné, « pour ne plus avoir la silhouette du chauve désigné », argue-t-il.

Une victimisation qui défrise!

Rappelons à notre grand écorché que chaque année, plus de 150 000 personnes meurent d’un cancer en France, et que pour cela il n’y a pas de « remède ». Ce qui ne l’a pas empêché de relater ses malheurs dans Antichute, un récit que vient de publier Flammarion. Alors qu’il peut se prévaloir d’avoir déjà dix romans à son actif, l’écrivain nombriliste risque-t-il de laisser des plumes dans cette sortie médiatique? Après une avalanche de commentaires pour le moins sans empathie, et pour certains franchement hostiles à son égard sur la page Twitter de Brut, le magazine a fait disparaître le tweet relayant l’entretien. Julien Dufresne-Lamy semble envier les cheveux crépus d’Alexandre Dumas, la crinière de Samson -peut-être même se rêve-t-il en chevalier bellâtre aux cheveux longs courtisant dames de bonne famille avec des poèmes au Moyen-Âge. Qu’il nous ponde donc un roman sur ce sujet! Les sanglots narcissico-victimaires en public ne sont qu’un symptôme de plus de l’affaissement de notre société. Il ne manquait plus que les chauves s’y mettent…