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Contre le terrorisme intellectuel à la Sorbonne

La Sorbonne fait parler d’elle un peu plus chaque année. Championne du woke, sa décadence est de plus en plus décriée.


Il est des noms mythiques. Il est des noms que nul ne peut ignorer. Il est des noms vis-à-vis desquels l’Histoire elle-même se montre reconnaissante. Il est des noms reconnaissables entre tous. La Sorbonne en fait incontestablement partie tant celle-ci rayonne en France et à travers le monde. La Sorbonne, hélas, n’est plus uniquement célébrée pour sa grandeur. Elle est de plus en plus décriée pour son intolérance vis-à-vis de ceux qui n’adhérent pas à la vulgate prêchée dans ses locaux. Vulgate non plus biblique, tant s’en faut, mais progressiste, bien-pensante, laquelle est, bien entendu, dans l’ère du temps.

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Les victoires du camp du bien

Première victoire du camp du bien. Le lundi 25 mars 2019, la pièce d’Eschyle, célèbre dramaturge grec, Les Suppliantes, ne peut être jouée dans l’amphithéâtre Richelieu de la Sorbonne. Les comédiens sont empêchés de rentrer pour se préparer et le public est maintenu dehors par des individus sinistres accusant la mise en scène de racisme. Est en cause le fait que les personnages, conformément aux pratiques du théâtre antique, arborent des masques. Certains sont noirs. Il n’en faut pas plus pour que les militants zélés d’associations communautaires se révoltent contre ce qu’ils perçoivent comme de la ségrégation raciale. Que des déguisements, prétendument raciaux, soient arborés par des Européens constitue pour ces vaillants soldats de l’antiracisme des attaques, des moqueries vis-à-vis des Noirs. Cet incident, en plus de témoigner d’un manque criant de culture classique, démontre l’influence croissante des thèses racialistes visant à faire des Européens les grands méchants de l’Histoire au sein de ce qui constituait jadis le creuset de l’élite intellectuelle française. Quelle décadence !

Deuxième victoire du camp du bien. Le 21 octobre 2019, le président de l’Université Paris I Panthéon Sorbonne, Georges Haddad, suspend le séminaire intitulé « Prévention de la radicalisation : compréhension des phénomènes et détection des signaux faibles » que devait dispenser son établissement. Face à la levée de boucliers d’une partie de la communauté universitaire, la Sorbonne s’est donc soumise. Raison invoquée ? « Une offensive islamophobe ! » tel que l’assène le syndicat d’extrême-gauche le Poing Levé. Une telle formation servirait de « fondement à la stigmatisation et à la répression des populations musulmanes. » En conséquence, évoquer l’islam, dans un cadre critique est immédiatement considéré comme une attaque vis-à-vis des musulmans. Quand bien même l’un des principaux intervenants, Mohamed Sifaoui, appartient à cette communauté, cet évènement n’en demeure pas moins haineux, discriminant et même raciste ! Qu’est-ce que cela illustre ? La présence, inquiétante par sa puissance, d’une frange islamo-gauchiste au sein de la communauté universitaire qui peut assez aisément déprogrammer un colloque prévu de longue date.

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Troisième victoire du camp du bien. Le mardi 29 septembre 2020, des étudiants s’excitent, Twitter s’indigne, des vidéos circulent, des bien-pensants s’offusquent. Pourquoi ? Aram Mardirossian, professeur d’histoire du droit et des institutions à Paris I Panthéon Sorbonne aurait tenu des propos homophobes et « transphobes » – un terme qui n’existe pas dans la langue de Molière – devant ses étudiants. Qu’a donc dit l’outrecuidant ? En évoquant l’émancipation de l’homme de la tradition, notamment religieuse, le professeur expliquait à ses ouailles que la société repousse sans cesse les limites sociales et juridiques autrefois établies par les différents dogmes abrahamiques lesquels ont fondé la civilisation européenne. Il citait donc, tout naturellement, la légalisation du mariage entre les personnes de même sexe, en poursuivant ensuite sa démonstration par une prospective que d’aucuns jugeraient polémique sur le mariage inter-espèce, lequel participe lui aussi à la logique d’émancipation de l’homme vis-à-vis des carcans traditionnels. Ce troisième cas illustre le recul criant, face à la pression des associations représentant la communauté LGBT, de la liberté académique laquelle est pourtant garantie constitutionnellement depuis la décision « Enseignement supérieur » rendue par le Conseil Constitutionnel le 20 janvier 1984.

La liberté d’expression en déclin

Ces trois affaires, prises cumulativement, démontrent la soumission de la Sorbonne, la meilleure université française, au racialisme, à l’islamo-gauchisme et aux thèses des LGBT ou du genre. Elles affirment également le déclin de la liberté d’expression. Celle-ci ne s’éprouvant que lorsqu’elle protège des propos que d’aucuns qualifieraient d’indésirables comme l’a jugé la Cour européenne des Droits de l’Homme dans son célèbre arrêt « Handyside c. Royaume-Uni » du 7 décembre 1976 : « lexpression protégée ne vise pas seulement les informations accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi celles qui heurtent, choquent, ou inquiètent lÉtat ou une fraction quelconque de la population. Ainsi le veulent le pluralisme, la tolérance et lesprit douverture sans lesquels, il nest pas de société démocratique ».

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Le 8 juin 1978, Alexandre Soljénitsyne, mettait déjà en garde les occidentaux contre la tyrannie de la bien-pensance au sein des universités : « Sans quil y ait besoin de censure, les courants de pensée, didées à la mode sont séparés avec soin de ceux qui ne le sont pas, et ces derniers, sans être à proprement parler interdits, nont que peu de chances de percer au milieu des autres ouvrages et périodiques, ou d’être relayés dans le supérieur. Vos étudiants sont libres au sens légal du terme, mais ils sont prisonniers des idoles portées aux nues par lengouement à la mode. Sans quil y ait, comme à lEst, de violence ouverte, cette sélection opérée par la mode, ce besoin de tout conformer à des modèles standards, empêchent les penseurs les plus originaux dapporter leur contribution à la vie publique et provoquent lapparition dun dangereux esprit grégaire qui fait obstacle à un développement digne de ce nom. »

Enfin, il est à souligner que ces trois exemples sont loin d’être exhaustifs et qu’ils ne sont en définitive que la face visible de l’iceberg tant la réelle censure règne déjà depuis longtemps parmi les étudiants de la Sorbonne où sont bien vite mis au ban de la communauté étudiante les « mal-pensants ». Forçant ainsi les étudiants récalcitrants à la prostitution intellectuelle, ou au regroupement au sein d’associations pour pouvoir résister au terrorisme intellectuel victimaire dont la gauche s’est faite la maîtresse.

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Lettre ouverte de Jean-Paul Garraud aux élus et aux électeurs d’Occitanie

Causeur publie la tribune libre du candidat RN en Occitanie que Le Midi Libre a refusée.


Dans plusieurs communications médiatiques, Carole Delga a jugé qu’il y avait « le feu à la République ». Elle a raison : la République et la France sont menacées. Mais, les dangers qui pèsent sur elles ne sont pas liées à l’arrivée au pouvoir du Rassemblement national dans des exécutifs régionaux le 27 juin prochain. Les exemples en Occitanie de Perpignan, Béziers, Beaucaire et Moissac en témoignent. Ces mairies sont bien gérées, respectueuses des lois de la République et des valeurs de la démocratie libérale. Aucun d’entre les maires qui les dirigent n’a d’ailleurs été condamné en son nom personnel pour discrimination à caractère politique, contrairement à Madame Carole Delga. Une condamnation qui vaut d’ailleurs, dans le droit positif en vigueur, une inéligibilité, peine complémentaire automatique depuis la loi du 15 septembre 2017. Par chance, Madame Delga a commis ce délit avant l’entrée en vigueur de cette loi…

Dans l’accomplissement de mes fonctions de magistrat, j’ai pratiqué l’exigeante éthique de l’impartialité, ce qui ne m’empêchait pas d’avoir des convictions fortes.

Raison pour laquelle j’ai été choqué par les écarts de langage de Carole Delga qui a récemment déclaré que les « détracteurs du front républicain » étaient des « meurtriers ».

Les mots ont un sens. En s’engageant de la sorte, Carole Delga désigne à la vindicte, non seulement des élus et des candidats à des fonctions électives, mais aussi les électeurs, de simples citoyens. De tels propos sont inacceptables à quiconque croit en la démocratie, en la République, en la France.

J’adresse cette lettre ouverte à tous ceux qui veulent abattre les murs dressés par des élus sectaires, soucieux d’éviter de perdre le pouvoir et les prérogatives qui y sont attachées.

Toute ma vie professionnelle et personnelle montre mon attachement viscéral au bien commun. Je n’ai jamais cessé de croire que les bonnes volontés peuvent abolir les clivages artificiels qui divisent les Français, qu’ils soient politiciens ou médiatiques. Il est temps d’en finir avec le chantage socialiste des années 1980 qui a terrorisé des millions d’électeurs sincères. Nous pouvons, en Occitanie, rassembler largement nos concitoyens désireux d’un changement, d’une alternance salutaire.

Ma présidence s’opposera frontalement aux pratiques clientélistes. Aucune commune ne se sentira oubliée ou négligée ; aucun département n’aura le monopole du dynamisme, de l’attractivité ou du développement. Dans la chaîne des solidarités que constitue notre organisation territoriale, les maires sont un maillon essentiel, en première ligne sur le terrain. La région Occitanie doit désormais jouer pleinement son rôle d’interface privilégiée pour le dialogue nécessaire entre l’Etat et les collectivités, sans aucun sectarisme ou esprit partisan. Nous voulons rompre avec des logiques claniques ou féodales d’un autre âge, pour rassembler toutes les forces vives de nos territoires au service de nos concitoyens.

Notre région a d’ailleurs de formidables atouts à mettre en avant, pour rayonner dans la France entière et en Europe. Elle a aussi des handicaps qu’elle peut surmonter. Ce sont ces atouts que nous entendons mettre en valeur et ces handicaps que nous voulons éliminer; avec la future majorité régionale, une majorité neuve pour incarner le changement et se projeter dans l’avenir. L’Occitanie est diverse, riche de cultures et d’identités différentes mais complémentaires. Nous serons à l’écoute de toutes les communes, sans regarder la couleur politique des maires qui sont à leur tête : l’intérêt général prime. Nous avons à cœur le bien commun de tous, et non le seul bien de quelques-uns.

Nous sommes confrontés à des problématiques fondamentales, la crise provoquée par la pandémie de coronavirus ayant rendu plus fragiles encore ceux qui l’étaient déjà… mais aussi ceux qui s’en sortaient mieux. L’industrie aéronautique, notre cœur industriel et technologique, en a particulièrement souffert, et, avec elle, par effet de domino, l’ensemble de notre écosystème. La casse financière, économique et sociale est sans précédent.

Je refuse que ce débat essentiel soit préempté par Carole Delga. Je refuse ses injonctions moralisatrices, ses postures sclérosantes et sa volonté de rabaisser la vie politique à des débats dépassés. Les « meurtriers » ne sont pas là où elle le montre. Ce sont ceux qui, par lâchetés successives, ont cédé à l’idéologie dominante de cette gauche moralisatrice et ont entraîné la France et nos régions dans cette décrépitude dont il faut absolument se relever.

Le front républicain est mort et le système Delga aussi. Rendez-vous le 27 juin pour le début d’une nouvelle ère en phase avec le peuple, enfin!

« Si la violence prend le dessus en Colombie, cela va encore favoriser les extrêmes »

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En Colombie, des rafales de mesures sanitaires ont frappé de plein fouet les classes basses et moyennes, livrées à elles-mêmes pour remplir leur frigo et payer leurs factures (1). Depuis plus d’un mois, des vagues de manifestations secouent Cali, Bogotá, Medellín et autres grandes villes du pays. Suite à une réponse du gouvernement pour le moins musclée, le bilan des morts et des blessés par balles, arrestations arbitraires, abus sexuels de policiers sur des jeunes femmes, disparitions de manifestants s’alourdit de jour en jour. Dans le même temps, les négociations entre le gouvernement d’Ivan Duque et le « comité de grève » n’avancent pas. Y’a-t-il un espoir au bout du tunnel ? Pour y voir plus clair, Fidel Cano, directeur du remarquable El Espectador, le plus ancien journal colombien, répond à nos questions. À vous Bogotá!


Causeur. Les manifestations ont commencé le 28 avril. D’où viennent-elles ? 

Fidel Cano Correa. Il y a une accumulation de désespoir qui a été masquée par la pandémie. Les commerces ont été très affectés par les mesures sanitaires. Le secteur du travail informel étant très important en Colombie, les gens ayant des commerces ambulants ont été très touchés car il n’y avait presque plus personne dehors avec qui commercer. Le système d’aide économique mis en place par le gouvernement n’a pas été très ambitieux. En comparaison du reste du monde, cette aide a été réduite au minimum! La situation économique et sociale a donc très fortement empiré pendant la pandémie. Des commerçants ayant perdu leur commerce ont commencé à souffrir littéralement de famine. Et le 15 avril, le gouvernement a présenté en plus une réforme fiscale taxant fortement ceux qui gagnent à peine plus que le salaire minimum et les classes moyennes. Cette réforme a donc été le grand déclencheur des manifestations qui durent depuis plus d’un mois. Il faut souligner qu’elle n’a été faite sur consultation de personne, qu’il n’y a eu aucune négociation avant qu’elle soit présentée au Congrès pour être adoptée. Voilà d’où vient ce mouvement, qui est beaucoup porté par les jeunes mais aussi par les femmes. Suite au confinement des restaurants et aux fermetures des écoles, elles ont été encore plus touchées que les hommes par le chômage, et plus frappées par la crise alimentaire
qui s’ensuit.

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Quelle a été la réaction du gouvernement d’Ivan Duque suite aux premières manifestations ? 

Il a retiré sa réforme mais ça n’a pas suffit à calmer les manifestations, qui étaient, il faut le souligner, réellement massives et réellement pacifiques. Autour, des groupes ont ensuite tenté de créer du chaos à travers du vandalisme. Le gouvernement s’est donc concentré sur ces actes de violence, sa réaction a été de traiter les manifestations comme un problème d’ordre public et non pas comme un mouvement de protestation sociale. Il a eu une réaction quasiment militaire, ce qui a conduit à des abus policiers, l’ambiance s’est détériorée. En face, il y a des forces telles que des activistes plus ou moins liés aux FARC ou à l’ENL (2) qui essayent de générer du chaos pour profiter de la situation, ce qui a encore plus encouragé le gouvernement dans sa réponse militaire. Désormais, il a déployé l’armée dans Cali et dans d’autres grandes villes. Tandis que les manifestations pacifiques continuent le jour, il y a de la violence la nuit. 

Les revendications des manifestants portent sur l’éducation, la santé, l’emploi évidemment, les inégalités, la corruption etc. Le gouvernement en a-t-il pris conscience ? 

Il a entamé des négociations avec le comité de grève, mais elles viennent d’être suspendues. Tandis que le gouvernement exige qu’il n’y ait plus de blocages pour négocier, le comité souhaite la fin des violences policières. Il y a aussi un problème de représentativité de ce comité car les revendications des manifestations sont beaucoup plus larges que celles du comité. Par exemple, beaucoup de manifestants souhaitent la réouverture des collèges, fermés par le gouvernement depuis des mois en raison de la pandémie. Par ailleurs, une partie des manifestants souhaite la fin des blocages car il y a désormais d’autres moyens de se faire entendre. Le secteur des transports par exemple, qui est très affecté par les blocages, souhaite qu’ils soient levés. En revanche, les indigènes de la région du Cauca par exemple, utilisent les blocages pour demander la levée de la militarisation de leurs terres. Mais d’une façon générale, le gouvernement donne l’impression de vouloir gagner du temps et de miser sur l’usure du mouvement. Cela rappelle un peu la tactique du même gouvernement d’Ivan Duque face au mouvement social de 2019. Il a ouvert un « grand dialogue national » qui s’est concrétisé par une quantité de réunions au Palais Nariño (3) où il a évacué les sujets les uns après les autres. Il a fait des annonces pour calmer le mouvement qui n’ont pas été suivies d’effets. C’est par exemple le cas au sujet de la gratuité de l’éducation publique ou de l’université publique, qui a été annoncée par le gouvernement sans que rien ne s’ensuive. De plus, ce gouvernement donne l’impression de ne pas négocier mais de faire ce dont il a envie.

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Il y a cinq ans, les Colombiens étaient assez divisés au sujet de la paix avec les Farc, notamment un peu avant le référendum d’octobre 2016. Aujourd’hui, ils semblent unis dans ce mouvement social…

Oh non, nous sommes tout aussi divisés (rires)! Le traité de paix avec les Farc ne fait pas partie des revendications mais il fait partie du débat. Dans les manifestations on en parle, on aimerait qu’il avance pour en terminer avec les violences qui continuent dans certaines zones rurales. Le gouvernement d’Ivan Duque n’avance pas dans la mise en œuvre de l’accord de paix qui a été trouvé à l’époque. Il estime que celui-ci est trop favorable aux Farc et a donc mis des bâtons dans les roues au système de « justice transitionnelle » (4). Dans l’accord de paix avec les Farc, des sièges avaient été réservés aux représentants de la paix à la chambre des représentants (5). Le gouvernement actuel les a supprimés, la Cour constitutionnelle vient de les rétablir. Si l’accord de paix n’est pas tombé à l’eau, le moins que l’on puisse dire est que le gouvernement souhaite que sa mise en œuvre n’avance pas. Mais non, nous ne sommes pas unis autour de ce mouvement social. Une partie des Colombiens en souhaite la fin en raison des blocages et de la violence de certains groupes qui tentent de le récupérer. Nous sommes donc aussi divisés que lors du référendum pour l’accord de paix.

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Cette grogne paraît cependant sans précédent en Colombie. Ne serait-elle pas une réaction à des problèmes structurels que vous connaissez depuis les années 1950, notamment suite à l’assassinat du très populaire homme politique Jorge Gaitan 

Du point de vue de n’importe quel indicateur, nous sommes un des pays les plus inégalitaires au monde. Et cet épisode de notre histoire est à l’origine de l’essentiel de nos problèmes actuels, c’est évident. Le pouvoir actuel est secoué par les manifestations, le message a été très fort. Mais ce qui me préoccupe, c’est que la violence pourrait sortir gagnante de ces événements. Dans l’histoire de la Colombie, la violence a très souvent écrasé les tentatives de diminuer les inégalités et d’en finir avec les privilèges, pour le dire clairement, des plus puissants. Il y a un risque qu’une fois encore, la solution de la force finisse par mettre ces problèmes sous le tapis. Vous dites que ces manifestations paraissent sans précédent. Cela n’est pas sans rapport avec le processus de paix entamé avec les Farc. Quand nous étions en guerre civile, n’importe quel type de manifestation était, d’une façon ou d’une autre, lié aux guérillas. Ceci est terminé. Le problème des gens n’est pas d’être d’accord ou non avec la guérilla ou d’être contre les institutions ! Depuis qu’est arrivé l’accord de paix, tous les problèmes soulevés par les manifestations sont apparus au grand jour, il y a eu une sorte de bouffée d’air frais qui a fait surgir toutes ces revendications, essentiellement sociales.

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L’opposition semble assez désunie. Y a-t-il un personnage réellement capable d’incarner une alternative au gouvernement actuel ? 

Il y a la même division que nous venons d’évoquer, la Colombie est prise en tenaille par deux extrêmes. D’un côté, il y a une extrême droite représentée par l’ancien président Alvaro Uribe et ses partisans. De l’autre côté, il y a une gauche radicale représentée par Gustavo Petro. Ceci est la grande tragédie, encore une fois, de la Colombie ! Aux dernières élections présidentielles, en 2018, le deuxième tour a opposé Ivan Duque, représentant de l’extrême droite d’Alvaro Uribe à Gustavo Petro. Et nous avons finalement choisi Ivan Duque, le représentant de notre extrême « préféré », pourrait-on dire, ou du moins habituel. Il semble qu’il y ait une certaine saturation du pays face à cette polarisation du champ politique. Mais le centre est très désorganisé, il n’y pas de figure forte au centre qui semble capable d’incarner une alternative à ces deux pôles. On en revient donc à la violence. Si la violence prend le dessus, cela va favoriser les extrêmes, une fois de plus !


(1) Salué par l’OMS, le premier confinement a notamment duré 159 jours (!)
(2) Ejército de Liberación Nacional : deuxième groupe de guérilla du pays, qui avait entamé des négociations de paix avec le gouvernement, actuellement au point mort.
(3) Situé à Bogotá, le Palais Narino est l’équivalent de notre Élysée.
(4) Série de décrets permettant de faire la lumière sur les atteintes aux Droits de l’homme durant la guerre, et pouvant donner lieu à des condamnations.
(5) Plus ou moins l’équivalent de notre Assemblée Nationale.

Carlos Olsina, le taureau dans les tripes

Biberonné à la corrida dès son plus jeune âge, Charles Pasquier entre à l’école taurine de Béziers à 9 ans, puis approfondit sa formation à Séville. Devenu Carlos Olsina, son nom de lumière, il est aujourd’hui, à 25 ans, l’un des jeunes espoirs de la tauromachie française.


Depuis Casas et les frères Montcouquiol, la voie est ouverte aux toreros français. Il n’y en a jamais eu autant qu’aujourd’hui, et certains sont de grandes figures comme Sébastien Castella et Juan Bautista (oui, les toreros français prennent des noms espagnols ! Serait-ce ce que l’on nomme « assimilation » ?). La France compte six écoles taurines destinées à les former dès leur jeune âge. L’un d’entre eux se nomme Charles Pasquier, nom de torero Carlos Olsina, 24 ans, natif de Béziers. Dès l’âge de 3 ans, ses parents l’emmènent aux arènes. Il est rapidement fasciné par ce qui se joue sur le sable. « Je voyais des super-héros en costume. Je voyais un homme faire des choses presque surhumaines et se faire applaudir par la foule. C’est cela qui m’attirait le plus, ce n’était pas le taureau car il m’impressionnait trop, il me faisait peur. » La bête l’effraie tellement qu’il est impensable pour lui de devenir torero. Mais la fascination et l’attirance pour l’héroïsme grandissent en lui, et à 9 ans il entre à l’école taurine biterroise. Il subit sa première blessure à 12 ans. Le veau l’attrape et le propulse en l’air. En retombant, il se casse les deux os de l’avant-bras. « Je me retrouve à 12 ans à l’hôpital et je dois faire le choix de continuer ou d’arrêter. Mais je n’avais qu’une envie, retourner affronter le taureau. »

À 25 ans, outre de nombreux hématomes et entorses, Olsina a eu par deux fois le bras gauche cassé et un sacré coup de corne de 20 centimètres qui lui a déchiré la fémorale et traversé la jambe

Il poursuit donc son apprentissage. Contrairement à beaucoup de jeunes toreros il continue parallèlement ses études, bac scientifique puis prépa HEC. La tauromachie prend de plus en plus de place dans ses pensées. En rentrant le soir, il s’isole dans le parking de son immeuble et, muleta en main, s’entraîne inlassablement. En sortant avec ses amis en discothèque, il se met à l’écart, et tandis que les autres dansent, lui regarde des vidéos de corrida sur son téléphone et répète des figures en imaginant le taureau s’engouffrant dans l’étoffe.

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Un jour d’entraînement avec l’école dans l’élevage de taureaux de Robert Margé (à l’époque également directeur des arènes de Béziers), ce dernier le remarque et lui dit : « Es-tu prêt à arrêter tes études et à partir en Espagne ? Si oui, fais-le, et je te donnerai des contacts. » Quelque temps après il claque la porte de la fac, prend le train en direction de la péninsule ibérique avec en poche le numéro de téléphone du torero espagnol Manuel Escribano. Le torero espagnol le rencontre et le prend sous son aile, l’entraîne à toréer, l’emmène avec lui au campo. « Ce n’était pas facile car j’étais le petit Français. Une fois là-bas, je me suis fait avoir par un mauvais manager. Mais à force de travail et de sacrifices, j’ai réussi à m’imposer et à devenir un des jeunes espoirs de la tauromachie. Avec mon nouveau manager, j’ai trouvé un premier contrat pour une corrida, j’en ai trouvé 11 l’année d’après, dont une corrida au Mexique où j’ai d’ailleurs gracié un taureau, et l’année dernière j’ai rencontré des succès à Madrid, à Arles et à Béziers. ».

Carlos Olsina © Mélanie Huertas

Sébastien Castella, qui est un exemple pour les jeunes toreros français, lui propose de lui donner l’alternative, c’est-à-dire le grade suprême, celui de Matador de toro, lors d’une cérémonie dans les arènes et en pleine corrida, comme cela se fait d’ordinaire. « J’ai été très touché de sa proposition, mais j’ai refusé. Je pensais que ce n’était pas le moment. Je ne voulais pas être dans la lumière pour quelques jours et qu’il ne se passe pas grand-chose après. Je veux devenir un torero important, et pour cela, il faut savoir dire non, prendre les bonnes décisions au bon moment. Lorsque j’aurai semé tout ce que j’ai à semer et qu’il sera le moment d’en récolter les fruits, à ce moment j’accepterai de prendre l’alternative et de devenir Matador de toro. Je veux être certain de réussir à décrocher un certain nombre de corridas derrière, dans lesquelles je pourrai donner la preuve que je mérite ce titre. Et si je ne sens pas ce moment venir, alors je me refuserai de prendre l’alternative, tant pis. La tauromachie est un art sérieux et très difficile qui demande du travail, beaucoup de travail, et une grande patience. » Son père, malgré l’angoisse des accidents et l’extrême dureté du métier qu’a choisi son fils, l’accompagne dans son chemin avec la plus grande des fiertés. « Vous savez, la peur que mon fils se fasse encorner, je vis avec, j’y pense tout le temps, mais je suis obligé de l’accepter car il se fera attraper par le taureau, forcément, ça fait partie de ce métier. » Mais une autre crainte prend le dessus sur celle-ci. Cette crainte, c’est que Carlos passe à côté d’un bon taureau : « C’est ma plus grande appréhension lorsque mon fils entre dans l’arène : qu’il ne triomphe pas. »

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À 25 ans, outre de nombreux hématomes et entorses, Olsina a eu par deux fois le bras gauche cassé et un sacré coup de corne de 20 centimètres qui lui a déchiré la fémorale et traversé la jambe. Il sait que le chemin est difficile, parfois long, mais il torée la vie comme il torée la bête : avec stoïcisme, passion et courage.

Comment demeurer le grand éditorialiste de France inter par temps politique agité?

Thomas Legrand n’a rien à craindre: l’eurodéputé LREM Stéphane Séjourné ne veut faire la chasse qu’aux « éditorialistes les plus engagés ». Alors que les intervenants réacs de C News ont bien mauvaise presse ces derniers jours, l’éditorialiste politique de France inter diffuse chaque matin sa bonne parole progressiste, à un auditoire cinq fois plus important que celui d’Eric Zemmour. Théorie du genre, Manif pour tous, droite nationale, éolien: payé par vos impôts, il tire à vue sur les conservateurs. Florilège.


Bonne humeur “anti-réac”, évitement de certains sujets, progressisme militant, épanchement moralisateur, cirage de pompes des invités de gauche et dénonciation des vilains de droite sont les traits caractéristiques des éditos et des billets d’humeur ou d’humour de la radio publique en général et de France inter en particulier.

La manif pour tous: une idée qui meurt?

L’éditorialiste Thomas Legrand parvient à la synthèse france-intériste absolue en trois minutes top chrono. Autour de lui, ça sourit, ça connivence, ça ricane, ça sournoise. On se comprend à demi-mot, on se sous-entend, on opine du micro parce qu’on partage les mêmes opinions que l’éditorialiste. Florilège :

Le 18 mai. Père d’un jeune rugbyman, l’inclusif Thomas Legrand est heureux de nous apprendre que les dirigeants de la Fédération Française de Rugby « ont validé l’inclusion des transidentitaires de genre au sein des compétitions. » « Le mouvement de la société est très progressiste », s’extasie l’éditorialiste ; et, – voilà où il voulait en venir – cela contrebalance le « bruit de la Manif pour Tous [qui] n’était pas celui d’une force montante mais le cri d’une idée qui meurt. » De mon côté, j’attends d’entendre le cri des futures adversaires de Kevin – futur pilier international de 135 kilos qui, après avoir “transitionné”, se fera appeler Angélique et aura obtenu l’autorisation de jouer dans une équipe de rugby féminin – pour me demander d’où il vient : sera-ce celui d’une idée qui meurt, celui d’une transphobie décomplexée, ou bien celui de la frêle Isabelle (85 kilos quand même) massacrée sous la mêlée par la très rude Angélique ? Affaire à suivre…

Le 20 mai. La veille, des élus, dont certains du RN, ont accompagné les policiers qui manifestaient devant l’Assemblée nationale. « C’est une journée d’affaissement démocratique. » Heureusement, « Jean-Luc Mélenchon, Julien Bayou et Éric Dupond-Moretti ont fait preuve d’assez de sang-froid, de profondeur historique et juridique pour oser s’inquiéter de ce qui se disait devant l’Assemblée nationale. » Rien à ajouter.

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Le 21 mai. Mein Kampf annoté, expliqué, “contextualisé”, sort chez Fayard. Thomas Legrand en est convaincu : « La mise à plat des mensonges péremptoires et pseudo évidences, de l’horrible bon sens, peut nous être utile pour sous-titrer bien des propos d’aujourd’hui ! » Pour être certain d’avoir été bien compris, plus lourdingue qu’un char Panzer, Thomas Legrand conclut ainsi sa chronique: « Dans les mois qui viennent, l’exercice de déconstruction de Mein Kampf, summum de la pensée brutale et démagogique, nous sera certainement utile. » Rien à ajouter derechef.

Un duo chic avec Sophia Aram

Le 31 mai. De la même manière qu’elle goûte difficilement les génuflexions repentantes de la France vis-à-vis du gouvernement algérien, Marine Le Pen digère difficilement les allégations du président Macron à propos du Rwanda. Pour Thomas Legrand, le président Macron a choisi « la vérité », Marine Le Pen « le mensonge ». Étrangement, l’éditorialiste ne dit pas un mot de Hubert Védrine qui considère pourtant, comme Le Pen, que « ce débat empoisonné (autour du Rwanda) est un bon révélateur du degré de masochisme atteint dans notre pays ». En réalité, Legrand n’a pas voulu griller la politesse à la géo-politicienne-humoriste-toujours-du-bon-côté Sophia Aram qui, une heure plus tard, dénoncera le « révisionnisme » de l’ancien ministre des Affaires étrangères à qui elle reprochera surtout d’avoir eu un entretien avec la revue Éléments. Voilà ce qu’on appelle un excellent travail d’équipe.

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Le 2 juin. Sujet : les éoliennes. Thomas Legrand est pour. Soit, l’implantation est anarchique, les projets mal fagotés, les ruraux mécontents… mais les « anti-éoliens idéologiques » profitent de ces menus détails pour se soulever contre des « objets écologiques majestueux, élégants, sources d’énergie douce. » Stéphane Bern « affirme hâtivement, ou spécieusement, que l’éolien n’est pas écologique. » « Beaucoup de bêtises circulent » à propos d’une soi-disant « menace sur notre identité (nos paysages) », et « tous ces fantasmes, dont se repaît le conservatisme à la mode » font le jeu du… RN ! Osons conseiller à Thomas Legrand de regarder l’excellentissime documentaire Éoliennes : du rêve aux réalités. En parlant de bêtises, ça lui évitera d’en dire pas mal sur un sujet qu’il ne connaît visiblement pas.

Sud Radio, audience riquiqui, C News chaîne naine

Le 4 juin. Ce jour-là, on entend des frémissements de sourire, des éclats de rire difficilement étouffés, et Ali Baddou froufroute des babines : Legrand va faire un blot et se payer… tous ceux qui ne pensent pas comme France Inter. Bien qu’ayant deux fois moins de téléspectateurs sur C News que Fabienne Sintes d’auditeurs sur France Inter à la même heure, Éric Zemmour pense peut-être à se présenter aux prochaines présidentielles, ricane Legrand. Et puis il y a « Sud Radio, audience riquiqui. C News, grosse audience de niche (sic) mais chaîne naine comparée à TF1 ou France Télé. Valeurs Actuelles, qui tire bien moins que Le Point ou L’Obs. […] L’ex-philosophe Michel Onfray, et son site de rencontre des extrêmes. Cette extrême-droite réactionnaire, anti-moderne, n’est qu’une composante, bavarde et infatuée, de la sphère du RN » (encore !?). Concurrençant Sophia Aram dans le registre de l’humour (involontaire), Thomas Legrand conclut : « L’écosystème médiatique de la droite hors les murs se moque des canons de validation de l’info qui prévalent au sein du monde médiatique dit mainstream.» Ce matin-là, Thomas Legrand aurait bien aimé compléter sa liste ou peut-être, comme sa consœur Sonia Devillers, demandé explicitement l’éviction de certains confrères un peu trop « engagés ». Ce sera pour plus tard. Il a le temps. Il n’a pas à craindre, lui, de se voir marqué au fer rouge ou d’être poussé dans les oubliettes de la Maison Ronde. La menace de Stéphane Séjourné ne concerne que les « éditorialistes les plus engagés »…

Le Hamas, premier parti israélien?

En 2005, le retrait de Gaza et l’espoir d’un règlement pacifique du conflit israélo-palestinien qu’il a suscité ont permis pour la dernière fois à une majorité modérée d’arriver au pouvoir en Israël. Mais la prise du pouvoir par le parti islamiste à Gaza a transformé ce territoire en usine de violence dont l’unique objectif est de perpétuer la guerre. Conséquence : la radicalisation de la société israélienne et l’exceptionnelle longévité politique de Benyamin Netanyahou.


Le 28 mars 2006, les Israéliens étaient appelés aux urnes pour élire la 17e Knesset. Ariel Sharon, Premier ministre depuis 2001, était tombé dans le coma début janvier mais Kadima, la formation politique qu’il a créée en quittant le Likoud en novembre 2005, l’a emporté et son leader, Ehud Olmert, est devenu chef de gouvernement. Le Likoud, dirigé par Benyamin Netanyahou, a quant à lui subi la pire défaite de son histoire avec 10 % des suffrages. Ce résultat s’explique simplement : en 2005, Ariel Sharon avait pu mener à bien le « désengagement », le retrait total de toute présence israélienne de la bande de Gaza ainsi que d’un secteur au nord de la Cisjordanie. Plus de 8 000 civils avaient été évacués – souvent de force – après une bataille longue et difficile qui a fait éclater le paysage politique israélien. Mais en ce début de printemps 2006, le pari semblait avoir été gagné par Sharon et ses héritiers.

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Pourtant, en janvier 2006, deux mois avant les élections israéliennes, la victoire du Hamas aux élections palestiniennes (les dernières à ce jour) a été perçue par Netanyahou comme une divine surprise. Le Likoud a immédiatement changé de slogan : « Fort contre le Hamas : Benyamin Netanyahou ». Pour le chef du Likoud, la victoire du Hamas n’a pas été uniquement un échec de la majorité (et de Sharon) qui, se fondant sur des rapports erronés des services de renseignement, tablait sur la victoire du Fatah et de Mahmoud Abbas. Cette victoire allait à l’encontre de la logique du désengagement : créer les conditions d’une dynamique positive par le développement économique en transformant la bande de Gaza en zone prospère intégrée à l’économie israélienne.

L’échec du désengagement

Netanyahou a eu raison. Le Hamas avait l’intention de transformer la bande de Gaza en plate-forme de guerre contre Israël. Et ses dirigeants n’ont pas perdu du temps. Trois mois après les élections israéliennes, le 25 juin au matin, un commando du Hamas a pénétré en territoire israélien par un tunnel et, après avoir surpris l’équipage d’un char, a fait deux morts, un blessé et un prisonnier : Guilad Shalit. Cette réussite du Hamas avait déclenché l’opération « Pluies d’été », le premier des cycles de violence « post-désengagement ». Le 12 juillet, le Hezbollah décide d’imiter le Hamas et enlève deux soldats israéliens (il s’avéra plus tard qu’ils ont été tués pendant l’opération). La poursuite israélienne devenue riposte a duré cinq semaines. Ce fut la deuxième guerre du Liban.

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L’opération du Hamas a eu lieu cinq mois après sa victoire électorale. La décision n’a pas été prise par le gouvernement palestinien. Comme le Hezbollah, le Hamas voulait profiter des institutions étatiques sans en payer le prix ni en assumer la responsabilité. Cet été sanglant a condamné le projet politique d’Ariel Sharon. Quand la guerre du Liban prend fin, à peine cinq mois après les élections israéliennes, c’en est fini du camp de la paix. L’autorité palestinienne est elle aussi K.-O., désavouée par les électeurs essentiellement à cause de sa corruption : 40 % de ceux qui ont voté Hamas l’ont fait pour protester contre le Fatah plutôt que par adhésion à ses idées et sa stratégie). Pour les héritiers politiques de Sharon (Ehud Olmert, Tzipi Livni et Amir Peretz), la suite a été une longue descente aux enfers que même la destruction du réacteur nucléaire syrien un an plus tard n’a pas pu arrêter.

Affiche de campagne de Benyamin Netanyahou à Tel Aviv (Israël), mars 2019. ©Oded Balilty/AP/SIPA / AP22318752_000002

Le succès de Netanyahou

En février 2009, moins de trois ans après les élections pour la 17e Knesset, les Israéliens sont de nouveau appelés aux urnes. Et cette fois, ils votent pour ceux qui se sont opposés au désengagement. Un bloc de droite dirigé par Netanyahou à la tête d’un Likoud triomphant (27 députés contre 12 en 2006) s’installe au pouvoir en Israël, tandis qu’à Gaza, le Hamas ne cesse de renforcer son emprise. Entre les deux, l’Autorité palestinienne, évincée de Gaza manu militari par le Hamas en juin 2007, n’a pas retrouvé sa place. Unique représentant officiel du peuple palestinien reconnu par la communauté internationale, elle souffre toujours d’un déficit de légitimité aux yeux de ses propres citoyens, raison pour laquelle Mahmoud Abbas a décidé quelques semaines auparavant de reporter sine die les élections législatives palestiniennes. Il n’est pas prêt à refaire l’erreur de janvier 2006.

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Quant à Netanyahou, si on ne sait pas encore comment se terminera le cycle de violence déclenché le 10 mai, une chose semble être acquise : le « bloc du changement », véritable alternative à l’actuelle majorité, est la première victime des roquettes du Hamas. Bibi, déjà résigné à sa défaite fin avril, a de nouveau une marge de manœuvre politique. 

Tout s’est joué entre la fin du désengagement israélien de la bande de Gaza, le 11 septembre 2005, et la fin de la deuxième guerre du Liban le 14 août 2006. En clair, le Hamas a sciemment tué le maigre espoir généré par la politique de Sharon. Cette stratégie du mouvement islamiste et terroriste est largement responsable de l’impasse dans lequel se trouve le conflit israélo-palestinien ainsi que de l’exceptionnelle longévité de Netanyahou au pouvoir : il fait désormais mieux que Ben Gourion.

États généraux de la Justice: Macron tente de combler le grand vide régalien de son quinquennat

Nous avons eu le Beauvau de la sécurité, lancé en février. Nous aurons désormais les États généraux de la Justice! Emmanuel Macron les a annoncés le 4 juin.


Le président de la République, après avoir reçu les deux plus hauts magistrats français, a annoncé des États généraux de la Justice et l’engagement que le garde des Sceaux dorénavant aurait à rendre compte chaque année du bilan de la politique pénale devant l’Assemblée nationale.

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Mon premier mouvement a été de me dire « enfin » parce que, depuis 1972, j’écris notamment sur la Justice et il n’y a pas eu un seul livre où je n’aie pas évoqué, comme une opportunité radicale de réflexion collective et de changement, la réunion d’États généraux de la Justice. Cette obsession qui ne m’a jamais quitté, s’est toujours accompagnée, sur un mode mineur, de la certitude que la multiplication de « journées portes ouvertes » dans les Palais de justice permettrait aux citoyens de mieux comprendre, et donc de moins blâmer l’institution judiciaire.

Un second quinquennat?

Même si cette idée présidentielle a surgi en dernière extrémité parce qu’il n’était plus possible de tenir pour rien le profond malaise déploré par Chantal Arens et François Molins, il m’était agréable de saluer, pour une fois, cette initiative et cette future obligation parlementaire. Pourtant à peine m’étais-je réjoui avec « enfin » que je m’assombrissais avec « trop tard ». D’abord, comment ne pas percevoir ces promesses tardives comme une contrainte pour nous persuader de la nécessité d’un second quinquennat afin de pallier les échecs du premier, de combler les grands vides régaliens de ce mandat presque terminé ?

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Par ailleurs, j’aurais bien voulu voir cette annonce inespérée comme la prise de conscience que le choix de ce garde des Sceaux avait relevé d’un mauvais casting, qui tenait plus à une appétence pour l’éclat qu’à la considération d’une authentique compétence. Mais à l’évidence ç’aurait été m’illusionner puisque c’est à Éric Dupond-Moretti que cette mission va être confiée. Il devra la mener en même temps qu’il s’en tiendra, pour les régionales et la campagne présidentielle, au rôle que le président lui a offert : être l’accusateur permanent de Marine Le Pen et du Rassemblement national. Au point d’ailleurs de sous-estimer l’attente et l’inquiétude légitimes des Français en matière de sécurité et de justice.

Faire durer des débats inutiles

Ensuite, ces États généraux, dans le meilleur des cas, n’auront lieu qu’au mois de septembre ou d’octobre et dureraient environ trois mois. Je ne garantis pas que ces échéances, si elles sont respectées, auront des conséquences plus utiles que le Beauvau de la sécurité. Il me semble en effet que rien que sur le plan de leur programmation, ces États généraux auraient été forcément plus percutants dans un délai et avec un rythme plus soutenus, plus rapides, qui auraient mobilisé l’ensemble des acteurs et partenaires de justice. Faire s’étirer les débats serait le moyen le plus efficacement pervers pour les rendre inutiles.

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Même si a priori aucune exclusive n’interdira la participation de quelque profession touchant de près ou de loin l’univers judiciaire (il ne faudra surtout pas oublier les journalistes qui ont une responsabilité éclatante dans la diffusion d’une image systématiquement dégradée, partielle et partiale de la Justice), on a le droit de s’interroger sur les matières dont cette grande messe collective sera saisie. Pour l’Union Syndicale des Magistrats, toutes les justices, et pas seulement la pénale, devront être passées au crible. Je rejoins plutôt la présidente du Syndicat de la Magistrature, qui aspire à l’arrêt de la frénésie législative, avec l’octroi de plus de moyens.

Cette concertation va-t-elle apporter des solutions ?

Cet immense défouloir, s’il joue son rôle, permettra-t-il de mettre en question les ressorts profonds de l’insatisfaction du citoyen ? De revendiquer une constante augmentation du budget, au-delà de la gloriole abusive et d’un rattrapage nécessaire ? De s’inquiéter d’une idéologie qui dénature l’impartialité ? De dénoncer le laxisme des magistrats quand il existe ? De stigmatiser la faillite de l’exécution des peines ? De condamner la lenteur des réponses judiciaires ? D’exiger la construction rapide de nouvelles prisons ? De globalement imposer la mise en œuvre d’un processus judiciaire digne de l’humanisme vigoureux qu’appelle une nation comme la nôtre ?

Davantage, ce moment qui pourrait être unique sera-t-il l’occasion d’aborder le terrain politique et, dépassant le problème des crédits dont on n’imagine jamais que les magistrats et leurs syndicats pourront s’en satisfaire, de faire valoir l’instauration d’une volonté s’assignant un double impératif : défendre l’institution et les juges, comme le garde des Sceaux n’a jamais su le faire (et pour cause : songeons aux diatribes de l’avocat contre les magistrats) et comme Robert Badinter l’a magnifiquement assumé lors de l’émission C l’Hebdo sur France 5 à laquelle il était invité le 5 juin ; et faire tenir son rang éminent, pour le futur, à ce formidable service public et à celui ou celle qui aura l’honneur d’en être le garant, l’aiguillon et le protecteur.

Enfin. Je n’ai plus envie de rêver, d’espérer pour rien. Je ne supporte plus la peur, le désespoir de mes concitoyens. Je préfère compatir avec le peuple que feindre une adhésion politicienne.

Mais trop tard.

Fainéantise chinoise

Un mannequin russe a rencontré un succès fulgurant auprès de la jeune génération chinoise. La cause ? Son comportement indolent et ses airs pessimistes.


Quel est le lien entre l’éthique du travail des Chinois et une vedette de téléréalité russe ?

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Au début de cette année, Vladislav Ivanov, connu sous le nom de Lelush, un mannequin de 27 ans ayant vécu en Chine et parlant le mandarin couramment, a été invité à participer à une émission destinée à sélectionner les membres d’un nouveau « boys band ». Se trouvant séquestré sur une île où il est contraint de répéter inlassablement des chansons et des chorégraphies, il fait tout pour être éliminé. Contrairement à ce qu’il souhaite, ses airs boudeurs et ennuyés, son humeur ronchonne et râleuse, son refus de jouer le jeu, font de lui une icône pour de nombreux jeunes Chinois qui votent pour le garder dans l’émission pendant trois mois. Car, à leurs yeux, Lelush incarne la culture « Sang Wenhua », une attitude caractérisée par le pessimisme et l’autodépréciation, par un sentiment d’impuissance et de démoralisation, qui s’oppose à la culture du travail prônée par l’État chinois.

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En 2019, Jack Ma, le patron milliardaire d’Alibaba, dénonçant la fainéantise, avait qualifié de « bénédiction » le système dit « 996 », selon lequel un bon salarié travaille de 9 heures du matin à 9 heures du soir six jours par semaine. Pourtant, après les années de croissance accélérée qui ont inspiré à leurs parents un optimisme à toute épreuve, les quelque 380 millions de milléniaux se trouvent aujourd’hui face à un monde très différent, avec un marché de l’emploi de plus en plus concurrentiel, des difficultés croissantes à se procurer un logement et une pression intense pour réussir. Un des maîtres mots de la propagande du régime de Xi Jinping est l’« énergie positive ». La nouvelle génération, incapable de se révolter politiquement, exprime sa rébellion sur les réseaux sociaux par une posture apathique et défaitiste. Et se contente de boire des thés mis sur le marché sous des noms adaptés comme « Je n’ai absolument rien foutu » ou « On reste assis en attendant la mort ».

Zara, Anthropologie et Patowl: le Mexique accuse (encore) des marques d’appropriation culturelle

Avec le Mexique, les questions d’appropriations culturelles deviennent une affaire d’État ! Dans une lettre officielle, le gouvernement accuse trois marques de prêt-à-porter internationales d’appropriation culturelle, tout en réclamant un dédommagement financier.


Appropriation culturelle ? Ce terme bien “woke” désigne le fait qu’une personne ou un groupe de personnes appartenant à un groupe dit « dominant » utilisent des éléments culturels issus d’un groupe dit « dominé. » Attention, il ne s’agit pas « d’emprunt », puisque celui-ci se fait dans un cadre de « domination. »

Par ailleurs, on parle d’appropriation culturelle lorsque ces éléments sont utilisés dans un but commercial ou d’une manière qui est jugée offensante, abusive ou inappropriée. Cette notion peut même impliquer l’utilisation d’idées, de symboles, d’artefacts ou d’autres aspects de la culture visuelle ou non visuelle.

En d’autres termes : si vous êtes blanc, par conséquent dominant, chaque fois que vous faites référence ou utilisez des éléments, soit matériels ou immatériels, d’une autre culture que la vôtre, vous pratiquez l’appropriation culturelle. Et c’est très mal, car vous spoliez l’identité de la culture en question, pillez ses richesses pour votre seul profit, ou la réduisez à une poignée de stéréotypes en renforçant la suprématie blanche. Pire, vous l’utilisez comme faire-valoir !

Genèse d’un concept douteux

Le concept remonterait au milieu des années 70, lorsque l’historien de l’art Kenneth Coutts-Smith l’évoquait dans une thèse pour mettre en avant le lien entre production artistique, exploitation de classe et colonialisme en Occident (1).

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Au début des années 1990, la critique Bell Hooks, figure importante du Black feminism, développe et théorise le concept d’appropriation culturelle, le résumant en une métaphore : « manger l’Autre. » Avec l’essor des études dites post-coloniales, l’expression quitte les milieux universitaires et les cercles initiés à partir des années 2010, et commence se répandre dans le langage courant anglophone, si bien qu’Oxford l’ajoute à son dictionnaire en 2017.

Image d’illustration Unsplash

Si l’expression de ce phénomène reste pour l’instant marginalisée en France, depuis une décennie, les scandales liés à l’appropriation culturelle ne cessent de fleurir outre-Atlantique ; cela va de la simple coiffure au costume Halloween, en passant par le droit des auteurs à mettre en scène des personnages qui ne leur ressemblent pas.

Quelques affaires

L’une des premières salves est donnée en 2012 ; lorsque la marque de lingerie Victoria Secret fait défiler ses mannequins couronnées de fausses coiffes indiennes, des voix outrées s’élèvent aussitôt, Ruth Hopkins, éditorialiste à l’Indian Country, un site d’information dédié aux Amérindiens, déclare alors être « furieuse » contre la marque, dénonçant une « dévalorisation mal intentionnée, irrespectueuse » de ses « ancêtres .» (2) La marque de lingerie présente ses excuses, mais trop tard, le mal est fait.

Cet incident est loin d’être le seul impliquant la culture amérindienne. Deux ans plus tard, Pharrell Williams, l’interprète du fameux tube mondial “Happy”, se retrouve sous les feux de la controverse pour avoir posé en couverture du magazine Elle britannique, arborant une coiffe traditionnelle indienne. Bien que le chanteur soit noir, et déclare à qui veut l’entendre que du sang amérindien coule dans ses veines, cela n’a pas empêché les critiques de fuser : « les coiffes ne sont pas des costumes ! »

D.R.

En 2017, des associations amérindiennes s’adressent à l’ONU, pour faire interdire « ce pillage culturel. » (3). Une commission spéciale travaille sur une proposition de loi dont le but serait d’étendre les règles de la propriété intellectuelle aux danses, musiques, médecines, arts traditionnels d’une ethnie ou population.

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La boîte de Pandore est désormais béante, à partir de là, les affaires d’appropriations culturelles vont croître à une allure vertigineuse, les doléances des offenses vont aussi se démultiplier. Automne 2015, alors que les débats sur les déguisements d’Halloween et l’appropriation culturelle font rage, une enseignante à l’Université de Yale fut contrainte de démissionner, après le tollé provoqué par un e-mail dans lequel elle défendait le droit des étudiants à se déguiser comme ils le voulaient pour Halloween, se demandant pourquoi il n’était plus possible d’être «un peu inapproprié, provocateur». Des étudiants la prennent à partie, puis poussent son mari et elle à quitter le campus. Au cours de la même année, la fédération étudiante de l’université d’Ottawa bannit la pratique du yoga au sein de son établissement, arguant que le yoga était originaire d’une culture « ayant vécu l’oppression, un génocide culturel causés par le colonialisme et la suprématie occidentale. » (4).

Deux ans plus tard, Hal Niedzviecki, rédacteur du magazine The Writers’ Union of Canada est forcé de démissionner pour hérésie (5). En ayant signé une tribune dans laquelle il déclarait ne « pas croire en l’appropriation culturelle », l’homme commet le délit de « mécréance ». Bien que rapidement supprimée, cette tribune déclenche une polémique d’une ampleur telle que le magazine présente des excuses publiques et prend ses distances avec le rédacteur en question.

Mexique : champion de la chasse à l’appropriation culturelle

L’année 2019 est celle qui voit l’appropriation culturelle devenir une affaire d’État.

En effet, dans une lettre adressée à la créatrice de mode Carolina Herrera, le gouvernement mexicain, par la voix d’Alejandra Frausto, ministre de la Culture, lui demande de s’expliquer sur l’utilisation abusive de dessins indigènes. Une année plus tard, la même ministre de la Culture publie une nouvelle lettre comportant des griefs identiques, sauf qu’elle est cette fois-ci destinée à la créatrice Isabel Marant. La maison de couture française publie immédiatement un communiqué de contrition : « Si la maison Isabel Marant, et avec elle la créatrice, ont manqué de respect à la communauté Purepecha et au Mexique (…) elles vous implorent, Madame la ministre, et le pays que vous représentez, d’accepter leurs plus sincères excuses. »

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Le mois dernier, toujours par le truchement d’Alejandra Frausto, le Mexique recommence avec les courriers de réclamations, à la différence qu’en 2021, cela frôle la frénésie épistolaire, ce n’est pas une seule marque qui est visée, mais trois : Zara, Anthropologie et Patowl (6). Celles-ci sont sommées de s’expliquer sur leur utilisation abusive des motifs de communautés indigènes, le gouvernement mexicain réclame un dédommagement pour les communautés indigènes de l’État d’Oaxaca, à l’origine des motifs ayant inspiré les marques. 

Le concept d’appropriation culturelle est une formidable avancée sociale qui va rendre le monde meilleur : imaginez un monde où on criminaliserait ceux qui s’aventurent hors de leurs propres expériences culturelles, où la littérature serait condamnée à l’autofiction, où tout un chacun serait enfermé dans la prison de l’identique et de l’identitaire… Oui, l’idée est magnifiquement effroyable, mais pas invraisemblable !


(1) https://www.archivesdelacritiquedart.org/wp-content/uploads/2016/04/AICA76-Com-Kenneth-Coutts-Smith.pdf
(2) https://indiancountrytoday.com/archive/victorias-secret-is-asking-to-be-boycotted-2
(3) https://www.cbc.ca/news/canada/north/cultural-appropriation-make-it-illegal-worldwide-indigenous-advocates-say-1.4157943
(4) https://www.smh.com.au/lifestyle/health-and-wellness/university-of-ottawa-bans-yoga-classes-over-cultural-genocide-concerns-20151124-gl693i.html
(5) https://www.thestar.com/entertainment/books/2017/05/10/editor-quits-amid-outrage-after-call-for-appropriation-prize-in-writers-magazine.html
(6) https://www.gob.mx/cultura/prensa/la-secretaria-de-cultura-pide-explicacion-a-las-marcas-zara-anthropologie-y-patowl-por-apropiacion-cultural-en-diversos-disenos-textiles

Insoumis et Rassemblement national, la lente convergence

Les états-majors se déchirent, mais les enquêtes d’opinion montrent une très nette porosité entre les électeurs de Jean-Luc Mélenchon et ceux de Marine Le Pen. Le discours indigéniste et antiflic du leader de LFI y est pour quelque chose.


27 avril 2021. Jean-Luc Mélenchon et son état-major écrivent au procureur de la République de Paris pour lui demander « d’engager des poursuites » contre les auteurs de la tribune des militaires dénonçant le « délitement » de la Francediffusée une semaine plus tôt par Valeurs actuelles.

Les Insoumis ne le savent pas encore, mais l’institut Harris Interactive se prépare au même moment à sonder 1 613 Français sur ce qu’ils ont pensé de cette tribune. Les résultats tombent le 29 avril et font l’effet d’une douche froide chez les cadres mélenchonistes. 70 % des sympathisants LFI ont entendu parler de la lettre ouverte des militaires. 43 % la soutiennent en bloc. C’est nettement moins que la moyenne des sondés (58 %), mais c’est tout de même très significatif. Et dans le détail, les résultats sont encore plus éloquents. 77 % des électeurs mélenchonistes sont d’accord avec l’idée contenue dans la lettre qu’il existe en France des quartiers et des villes « où les lois de la République ne s’appliquent pas ». Pire encore, 74 % sont d’accord avec la proposition selon laquelle « en France, il existe une forme d’antiracisme qui produit une haine entre les communautés ».

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Bien entendu, cette enquête fait apparaître des divergences flagrantes entre les électorats LFI et RN. Par exemple, 83 % des sympathisants RN seraient favorables à un coup d’État des militaires visant à rétablir l’ordre, contre 38 % seulement des Insoumis. Le vrai enseignement de l’enquête est plutôt dans les convergences, que souligne HarrisInteractive : comme les frontistes, les sympathisants LFI sont beaucoup plus nombreux que les autres à penser que la France connaîtra bientôt une guerre civile : 78 % et 61 % respectivement, contre moins de 40 % pour la moyenne des autres sondés. Des deux côtés, la crise des Gilets jaunes a laissé un goût amer : huit frontistes sur dix et près de neuf Insoumis sur dix pensent qu’elle a « provoqué une perte de confiance des Français dans les forces de l’ordre ». Des scores deux fois plus élevés que chez les électeurs macronistes…

Le RN, une valeur qui monte chez les Insoumis

Un sondage, c’est un sondage. Mais plusieurs sondages cohérents, c’est un mouvement d’opinion. L’enquête d’avril n’est pas la première à mettre en évidence un rapprochement des deux électorats. Il est net et rapide. En 2015, on pouvait parler de franche hostilité. Seulement 18 % des Insoumis pensaient que le Front national était « un parti comme les autres » et un sur vingt (5 %) en avait une bonne opinion. Un revirement spectaculaire s’est opéré en quatre ans. Dans une enquête Odoxa de mai 2019, les Insoumis étaient trois fois plus nombreux qu’en 2015 (58 %) à considérer le Rassemblement national comme aussi légitime que toute autre formation politique. Quant à la part de ceux qui en ont une bonne opinion, elle a été multipliée par sept, pour s’établir à 36 % ! À tout prendre, désormais, un électeur insoumis sur trois voterait plus facilement RN que LR ou LREM, voire PS.

L’évolution est d’autant plus surprenante que dans l’intervalle, Jean-Luc Mélenchon a multiplié les appels du pied aux communautaristes et à l’électorat des cités. « Je conteste le terme d’islamophobie […], je défends l’idée qu’on a le droit de ne pas aimer l’islam », lançait-il une semaine après les attentats du 13 novembre 2015. Quatre ans plus tard, presque au jour près, il marchait dans les rues de Paris « contre l’islamophobie », avec des sympathisants des Frères musulmans, partisans avérés de l’islam politique, qui scandaient « Allah akbar » à portée de fusil-mitrailleur du Bataclan.

Encore quelques mois et il faisait acte de présence, en juin 2020, à une manifestation amalgamant délibérément les protestations contre leracisme et les violences policières. Même si le député de Marseille évite de parler de « racisme d’État », le message passe ! Il ne peut pas lui faire perdre des voix de gendarmes et de policiers, elles n’existent pas : 2,3 % seulement des représentants des forces de l’ordre avaient l’intention de voter Mélenchon au premier tour de la présidentielle de 2017. Le problème est qu’il ne lui en fait pas gagner d’autres, semble-t-il. Entre avril 2017 et septembre 2020, le nombre de Français pensant que Jean-Luc Mélenchon a la stature d’un homme d’État s’est effondré, de 46 % à 22 % (enquête IFOP). 

Fraternisation sur un rond-point, en gilet jaune

« La garde rapprochée emmenée par Éric Coquerel et Danièle Obono qui a vendu à Jean-Luc l’idée que le vote des “racisés” existait et était mobilisable s’est complètement plantée, analyse un ancien Insoumis. Leur discours antiflic est un truc de bobo. Ils se font intoxiquer par des diplômés de Sciences-Po qui prétendent parler au nom des quartiers parce qu’ils ont le teint mat. Des musulmans de gauche qui en ont marre du deal et veulent plus de patrouilles au pied de leur tour, je vous en trouve autant que vous voulez. Ils ratent le vrai phénomène de fond, qui est la porosité croissante entre leur électorat et celui du RN, indépendamment de la couleur de peauet de la religion. »

Ce n’est pas faute d’avoir été prévenu. En janvier 2021, le premier secrétaire du PS, Olivier Faure, avouait sur BFM TV sa crainte d’une « fusion des électorats, à force de laisser penser que l’adversaire, ce serait principalement le social-démocrate ». Il n’allait pas, toutefois, jusqu’à imaginer que « les Insoumis soient en volonté et en situation un jour de rejoindre Marine Le Pen », etinversement. Pour le moment, il y a effectivement eu très peu de transfuges, en dehors d’Andréa Kotarac, ancien candidat insoumis aux législatives, conseiller régional, devenu tête de liste RN aux régionales en Auvergne-Rhône-Alpes. Un passage d’une rive à l’autre qui lui a valu des bordées d’injures, mais plus de la part des cadres que de celles des électeurs. Le jeune homme mène campagne sans se faire traiter de traître dans la rue. 

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« Il s’est passé quelque chose au début du mouvement des Gilets jaunes, analyse un élu RN. Des électeurs de gauche ont rencontré des électeurs frontistes. Ils ont vu qu’ils n’avaient pas de croix gammée tatouée sur le front. Et ils se sont retrouvés avec eux, pris en tenaille entre la police et les black blocks ! Ça n’a pas duré longtemps, mais la glace était rompue. » Plutôt au bénéfice du Rassemblement national, à en croire les enquêtes d’opinion.

Devant l’érosion de leur base électorale, l’inquiétude monte chez les Insoumis. À l’image de François Ruffin, de nombreux élus sont embarrassés depuis des années par les appels du pied aux islamistes. Ils ne rejoindront jamais le RN, mais pour eux, il devient urgent de corriger le tir. À Roubaix, début mai 2021, les Insoumis ont rompu l’union de la gauche en négociation depuis des mois, dans la perspective des départementales. Motif, le candidat que voulait imposer EELV, Ali Rahni, était trop connoté islamiste (il n’a effectivement jamais caché son admiration et sa proximité intellectuelle avec Tariq Ramadan). Précision importante, la cellule insoumise roubaisienne a pris l’avis du national avant de rompre les ponts. Ce n’est qu’un canton, certes, mais le département du Nord comme la région Hauts-de-France auraient été à la portée de la gauche unie. Les divisions là-bas portent plus à conséquence qu’en PACA, où tout se jouera entre LR et le RN.

Les précédents grec et italien de l’impossible alliance

L’état-major de la France insoumise s’est mis lui-même dans une position singulière. Son programme de 2017, toujours d’actualité, n’est ni particulièrement laxiste en termes de sécurité ni promigration. Il entend au contraire réduire les flux, en agissant sur les causes dans les pays d’origine. Si jamais les élus insoumis renonçaient à leurs sorties démagogiques à destination des cités, que resterait-il de la ligne rouge qui le sépare du rassemblement national ? Deux formations souverainistes, eurocritiques et anti-élites…

Beppe Grillo, cofondateur du Mouvement 5 étoiles (M5S), Rome, 23 mai 2014 Andreas Solaro / AFP.

Le scénario d’un rapprochement paraît irréaliste. Il s’est pourtant concrétisé en Italie en mai 2018, avec l’alliance inattendue du Mouvement 5 étoiles de Beppe Grillo et de la Ligue de Matteo Salvini, dans le cadre du gouvernement Giuseppe Conte I. Grillo était comparé à Mélenchon par Libération, alors que Salvini s’était affiché en maintes occasions avec Marine Le Pen (1). Les deux se sont retrouvés partenaires. Leur mariage de raison a duré plus d’un an, ce qui n’est pas rien en Italie. La vie politique est tellement complexe à l’ombre du palais Chigi qu’il serait imprudent d’en tirer le moindre enseignement, si c’était un événement isolé. En réalité, le gouvernement Conte I n’était pas une première en Europe. En 2015, le parti Syriza d’Alexis Tsipras s’est allié avec une formation de droite souverainiste et eurocritique, les Grecs indépendants, pour former une majorité de gouvernement.À l’époque, Tsipras était le héros de Jean-Luc Mélenchon (ils se sont violemment disputés par la suite). Quant au leader des Grecs indépendants, Panos Kamménos, il était en très bons termes avec Nicolas Dupont-Aignan, intervenant – dans un français remarquable – au congrès de Debout la France à Paris, en octobre 2013.

La France n’est ni l’Italie, ni la Grèce, ni une autre planète. Les coalitions peuvent survenir chez nous. Marine Le Pen, si elle était élue, n’aurait probablement pas une majorité de députés RN à l’Assemblée nationale. Pour nommer un Premier ministre et constituer un gouvernement, elle devrait former une coalition.

Il est très facile aujourd’hui de dire quelle personnalité LFI pourrait rejoindre le Rassemblement national : pratiquement aucune. Dans un an, la question sera sensiblement différente. Quelle personnalité LFI refuserait de devenir ministre d’ouverture dans un gouvernement souverainiste et eurocritique ? La réponse est nettement moins évidente.

(1) « Mélenchon, le Beppe Grillo français » avait précisément titré Libération le 27 avril 2017. La comparaison revenait souvent avant l’alliance avec la Ligue. Par la suite, beaucoup moins : « il est inapproprié de considérer le Mouvement 5 étoiles comme le cousin italien de La France insoumise », expliquait France Info le 24 mai 2018…

Contre le terrorisme intellectuel à la Sorbonne

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Emmanuel Macron lors du Pacte mondial pour l'environnement en juin 2017 dans le grand amphithéâtre de La Sorbonne © Yann Bohac/SIPA Numéro de reportage : 00812461_000007

La Sorbonne fait parler d’elle un peu plus chaque année. Championne du woke, sa décadence est de plus en plus décriée.


Il est des noms mythiques. Il est des noms que nul ne peut ignorer. Il est des noms vis-à-vis desquels l’Histoire elle-même se montre reconnaissante. Il est des noms reconnaissables entre tous. La Sorbonne en fait incontestablement partie tant celle-ci rayonne en France et à travers le monde. La Sorbonne, hélas, n’est plus uniquement célébrée pour sa grandeur. Elle est de plus en plus décriée pour son intolérance vis-à-vis de ceux qui n’adhérent pas à la vulgate prêchée dans ses locaux. Vulgate non plus biblique, tant s’en faut, mais progressiste, bien-pensante, laquelle est, bien entendu, dans l’ère du temps.

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Les victoires du camp du bien

Première victoire du camp du bien. Le lundi 25 mars 2019, la pièce d’Eschyle, célèbre dramaturge grec, Les Suppliantes, ne peut être jouée dans l’amphithéâtre Richelieu de la Sorbonne. Les comédiens sont empêchés de rentrer pour se préparer et le public est maintenu dehors par des individus sinistres accusant la mise en scène de racisme. Est en cause le fait que les personnages, conformément aux pratiques du théâtre antique, arborent des masques. Certains sont noirs. Il n’en faut pas plus pour que les militants zélés d’associations communautaires se révoltent contre ce qu’ils perçoivent comme de la ségrégation raciale. Que des déguisements, prétendument raciaux, soient arborés par des Européens constitue pour ces vaillants soldats de l’antiracisme des attaques, des moqueries vis-à-vis des Noirs. Cet incident, en plus de témoigner d’un manque criant de culture classique, démontre l’influence croissante des thèses racialistes visant à faire des Européens les grands méchants de l’Histoire au sein de ce qui constituait jadis le creuset de l’élite intellectuelle française. Quelle décadence !

Deuxième victoire du camp du bien. Le 21 octobre 2019, le président de l’Université Paris I Panthéon Sorbonne, Georges Haddad, suspend le séminaire intitulé « Prévention de la radicalisation : compréhension des phénomènes et détection des signaux faibles » que devait dispenser son établissement. Face à la levée de boucliers d’une partie de la communauté universitaire, la Sorbonne s’est donc soumise. Raison invoquée ? « Une offensive islamophobe ! » tel que l’assène le syndicat d’extrême-gauche le Poing Levé. Une telle formation servirait de « fondement à la stigmatisation et à la répression des populations musulmanes. » En conséquence, évoquer l’islam, dans un cadre critique est immédiatement considéré comme une attaque vis-à-vis des musulmans. Quand bien même l’un des principaux intervenants, Mohamed Sifaoui, appartient à cette communauté, cet évènement n’en demeure pas moins haineux, discriminant et même raciste ! Qu’est-ce que cela illustre ? La présence, inquiétante par sa puissance, d’une frange islamo-gauchiste au sein de la communauté universitaire qui peut assez aisément déprogrammer un colloque prévu de longue date.

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Troisième victoire du camp du bien. Le mardi 29 septembre 2020, des étudiants s’excitent, Twitter s’indigne, des vidéos circulent, des bien-pensants s’offusquent. Pourquoi ? Aram Mardirossian, professeur d’histoire du droit et des institutions à Paris I Panthéon Sorbonne aurait tenu des propos homophobes et « transphobes » – un terme qui n’existe pas dans la langue de Molière – devant ses étudiants. Qu’a donc dit l’outrecuidant ? En évoquant l’émancipation de l’homme de la tradition, notamment religieuse, le professeur expliquait à ses ouailles que la société repousse sans cesse les limites sociales et juridiques autrefois établies par les différents dogmes abrahamiques lesquels ont fondé la civilisation européenne. Il citait donc, tout naturellement, la légalisation du mariage entre les personnes de même sexe, en poursuivant ensuite sa démonstration par une prospective que d’aucuns jugeraient polémique sur le mariage inter-espèce, lequel participe lui aussi à la logique d’émancipation de l’homme vis-à-vis des carcans traditionnels. Ce troisième cas illustre le recul criant, face à la pression des associations représentant la communauté LGBT, de la liberté académique laquelle est pourtant garantie constitutionnellement depuis la décision « Enseignement supérieur » rendue par le Conseil Constitutionnel le 20 janvier 1984.

La liberté d’expression en déclin

Ces trois affaires, prises cumulativement, démontrent la soumission de la Sorbonne, la meilleure université française, au racialisme, à l’islamo-gauchisme et aux thèses des LGBT ou du genre. Elles affirment également le déclin de la liberté d’expression. Celle-ci ne s’éprouvant que lorsqu’elle protège des propos que d’aucuns qualifieraient d’indésirables comme l’a jugé la Cour européenne des Droits de l’Homme dans son célèbre arrêt « Handyside c. Royaume-Uni » du 7 décembre 1976 : « lexpression protégée ne vise pas seulement les informations accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi celles qui heurtent, choquent, ou inquiètent lÉtat ou une fraction quelconque de la population. Ainsi le veulent le pluralisme, la tolérance et lesprit douverture sans lesquels, il nest pas de société démocratique ».

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Le 8 juin 1978, Alexandre Soljénitsyne, mettait déjà en garde les occidentaux contre la tyrannie de la bien-pensance au sein des universités : « Sans quil y ait besoin de censure, les courants de pensée, didées à la mode sont séparés avec soin de ceux qui ne le sont pas, et ces derniers, sans être à proprement parler interdits, nont que peu de chances de percer au milieu des autres ouvrages et périodiques, ou d’être relayés dans le supérieur. Vos étudiants sont libres au sens légal du terme, mais ils sont prisonniers des idoles portées aux nues par lengouement à la mode. Sans quil y ait, comme à lEst, de violence ouverte, cette sélection opérée par la mode, ce besoin de tout conformer à des modèles standards, empêchent les penseurs les plus originaux dapporter leur contribution à la vie publique et provoquent lapparition dun dangereux esprit grégaire qui fait obstacle à un développement digne de ce nom. »

Enfin, il est à souligner que ces trois exemples sont loin d’être exhaustifs et qu’ils ne sont en définitive que la face visible de l’iceberg tant la réelle censure règne déjà depuis longtemps parmi les étudiants de la Sorbonne où sont bien vite mis au ban de la communauté étudiante les « mal-pensants ». Forçant ainsi les étudiants récalcitrants à la prostitution intellectuelle, ou au regroupement au sein d’associations pour pouvoir résister au terrorisme intellectuel victimaire dont la gauche s’est faite la maîtresse.

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Lettre ouverte de Jean-Paul Garraud aux élus et aux électeurs d’Occitanie

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La Présidente du conseil régional d'Occitanie Carole Delga (PS) dans son bureau à Toulouse, le 31 mai 2021 © Alain ROBERT/SIPA Numéro de reportage : 01021960_000013

Causeur publie la tribune libre du candidat RN en Occitanie que Le Midi Libre a refusée.


Dans plusieurs communications médiatiques, Carole Delga a jugé qu’il y avait « le feu à la République ». Elle a raison : la République et la France sont menacées. Mais, les dangers qui pèsent sur elles ne sont pas liées à l’arrivée au pouvoir du Rassemblement national dans des exécutifs régionaux le 27 juin prochain. Les exemples en Occitanie de Perpignan, Béziers, Beaucaire et Moissac en témoignent. Ces mairies sont bien gérées, respectueuses des lois de la République et des valeurs de la démocratie libérale. Aucun d’entre les maires qui les dirigent n’a d’ailleurs été condamné en son nom personnel pour discrimination à caractère politique, contrairement à Madame Carole Delga. Une condamnation qui vaut d’ailleurs, dans le droit positif en vigueur, une inéligibilité, peine complémentaire automatique depuis la loi du 15 septembre 2017. Par chance, Madame Delga a commis ce délit avant l’entrée en vigueur de cette loi…

Dans l’accomplissement de mes fonctions de magistrat, j’ai pratiqué l’exigeante éthique de l’impartialité, ce qui ne m’empêchait pas d’avoir des convictions fortes.

Raison pour laquelle j’ai été choqué par les écarts de langage de Carole Delga qui a récemment déclaré que les « détracteurs du front républicain » étaient des « meurtriers ».

Les mots ont un sens. En s’engageant de la sorte, Carole Delga désigne à la vindicte, non seulement des élus et des candidats à des fonctions électives, mais aussi les électeurs, de simples citoyens. De tels propos sont inacceptables à quiconque croit en la démocratie, en la République, en la France.

J’adresse cette lettre ouverte à tous ceux qui veulent abattre les murs dressés par des élus sectaires, soucieux d’éviter de perdre le pouvoir et les prérogatives qui y sont attachées.

Toute ma vie professionnelle et personnelle montre mon attachement viscéral au bien commun. Je n’ai jamais cessé de croire que les bonnes volontés peuvent abolir les clivages artificiels qui divisent les Français, qu’ils soient politiciens ou médiatiques. Il est temps d’en finir avec le chantage socialiste des années 1980 qui a terrorisé des millions d’électeurs sincères. Nous pouvons, en Occitanie, rassembler largement nos concitoyens désireux d’un changement, d’une alternance salutaire.

Ma présidence s’opposera frontalement aux pratiques clientélistes. Aucune commune ne se sentira oubliée ou négligée ; aucun département n’aura le monopole du dynamisme, de l’attractivité ou du développement. Dans la chaîne des solidarités que constitue notre organisation territoriale, les maires sont un maillon essentiel, en première ligne sur le terrain. La région Occitanie doit désormais jouer pleinement son rôle d’interface privilégiée pour le dialogue nécessaire entre l’Etat et les collectivités, sans aucun sectarisme ou esprit partisan. Nous voulons rompre avec des logiques claniques ou féodales d’un autre âge, pour rassembler toutes les forces vives de nos territoires au service de nos concitoyens.

Notre région a d’ailleurs de formidables atouts à mettre en avant, pour rayonner dans la France entière et en Europe. Elle a aussi des handicaps qu’elle peut surmonter. Ce sont ces atouts que nous entendons mettre en valeur et ces handicaps que nous voulons éliminer; avec la future majorité régionale, une majorité neuve pour incarner le changement et se projeter dans l’avenir. L’Occitanie est diverse, riche de cultures et d’identités différentes mais complémentaires. Nous serons à l’écoute de toutes les communes, sans regarder la couleur politique des maires qui sont à leur tête : l’intérêt général prime. Nous avons à cœur le bien commun de tous, et non le seul bien de quelques-uns.

Nous sommes confrontés à des problématiques fondamentales, la crise provoquée par la pandémie de coronavirus ayant rendu plus fragiles encore ceux qui l’étaient déjà… mais aussi ceux qui s’en sortaient mieux. L’industrie aéronautique, notre cœur industriel et technologique, en a particulièrement souffert, et, avec elle, par effet de domino, l’ensemble de notre écosystème. La casse financière, économique et sociale est sans précédent.

Je refuse que ce débat essentiel soit préempté par Carole Delga. Je refuse ses injonctions moralisatrices, ses postures sclérosantes et sa volonté de rabaisser la vie politique à des débats dépassés. Les « meurtriers » ne sont pas là où elle le montre. Ce sont ceux qui, par lâchetés successives, ont cédé à l’idéologie dominante de cette gauche moralisatrice et ont entraîné la France et nos régions dans cette décrépitude dont il faut absolument se relever.

Le front républicain est mort et le système Delga aussi. Rendez-vous le 27 juin pour le début d’une nouvelle ère en phase avec le peuple, enfin!

« Si la violence prend le dessus en Colombie, cela va encore favoriser les extrêmes »

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Une manifestante prenant part aux grandes manifestations contre le gouvernement colombien, à Bogota, Colombie, le 2 juin 2021 © Fernando Vergara/AP/SIPA Numéro de reportage : AP22572552_000009

En Colombie, des rafales de mesures sanitaires ont frappé de plein fouet les classes basses et moyennes, livrées à elles-mêmes pour remplir leur frigo et payer leurs factures (1). Depuis plus d’un mois, des vagues de manifestations secouent Cali, Bogotá, Medellín et autres grandes villes du pays. Suite à une réponse du gouvernement pour le moins musclée, le bilan des morts et des blessés par balles, arrestations arbitraires, abus sexuels de policiers sur des jeunes femmes, disparitions de manifestants s’alourdit de jour en jour. Dans le même temps, les négociations entre le gouvernement d’Ivan Duque et le « comité de grève » n’avancent pas. Y’a-t-il un espoir au bout du tunnel ? Pour y voir plus clair, Fidel Cano, directeur du remarquable El Espectador, le plus ancien journal colombien, répond à nos questions. À vous Bogotá!


Causeur. Les manifestations ont commencé le 28 avril. D’où viennent-elles ? 

Fidel Cano Correa. Il y a une accumulation de désespoir qui a été masquée par la pandémie. Les commerces ont été très affectés par les mesures sanitaires. Le secteur du travail informel étant très important en Colombie, les gens ayant des commerces ambulants ont été très touchés car il n’y avait presque plus personne dehors avec qui commercer. Le système d’aide économique mis en place par le gouvernement n’a pas été très ambitieux. En comparaison du reste du monde, cette aide a été réduite au minimum! La situation économique et sociale a donc très fortement empiré pendant la pandémie. Des commerçants ayant perdu leur commerce ont commencé à souffrir littéralement de famine. Et le 15 avril, le gouvernement a présenté en plus une réforme fiscale taxant fortement ceux qui gagnent à peine plus que le salaire minimum et les classes moyennes. Cette réforme a donc été le grand déclencheur des manifestations qui durent depuis plus d’un mois. Il faut souligner qu’elle n’a été faite sur consultation de personne, qu’il n’y a eu aucune négociation avant qu’elle soit présentée au Congrès pour être adoptée. Voilà d’où vient ce mouvement, qui est beaucoup porté par les jeunes mais aussi par les femmes. Suite au confinement des restaurants et aux fermetures des écoles, elles ont été encore plus touchées que les hommes par le chômage, et plus frappées par la crise alimentaire
qui s’ensuit.

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Quelle a été la réaction du gouvernement d’Ivan Duque suite aux premières manifestations ? 

Il a retiré sa réforme mais ça n’a pas suffit à calmer les manifestations, qui étaient, il faut le souligner, réellement massives et réellement pacifiques. Autour, des groupes ont ensuite tenté de créer du chaos à travers du vandalisme. Le gouvernement s’est donc concentré sur ces actes de violence, sa réaction a été de traiter les manifestations comme un problème d’ordre public et non pas comme un mouvement de protestation sociale. Il a eu une réaction quasiment militaire, ce qui a conduit à des abus policiers, l’ambiance s’est détériorée. En face, il y a des forces telles que des activistes plus ou moins liés aux FARC ou à l’ENL (2) qui essayent de générer du chaos pour profiter de la situation, ce qui a encore plus encouragé le gouvernement dans sa réponse militaire. Désormais, il a déployé l’armée dans Cali et dans d’autres grandes villes. Tandis que les manifestations pacifiques continuent le jour, il y a de la violence la nuit. 

Les revendications des manifestants portent sur l’éducation, la santé, l’emploi évidemment, les inégalités, la corruption etc. Le gouvernement en a-t-il pris conscience ? 

Il a entamé des négociations avec le comité de grève, mais elles viennent d’être suspendues. Tandis que le gouvernement exige qu’il n’y ait plus de blocages pour négocier, le comité souhaite la fin des violences policières. Il y a aussi un problème de représentativité de ce comité car les revendications des manifestations sont beaucoup plus larges que celles du comité. Par exemple, beaucoup de manifestants souhaitent la réouverture des collèges, fermés par le gouvernement depuis des mois en raison de la pandémie. Par ailleurs, une partie des manifestants souhaite la fin des blocages car il y a désormais d’autres moyens de se faire entendre. Le secteur des transports par exemple, qui est très affecté par les blocages, souhaite qu’ils soient levés. En revanche, les indigènes de la région du Cauca par exemple, utilisent les blocages pour demander la levée de la militarisation de leurs terres. Mais d’une façon générale, le gouvernement donne l’impression de vouloir gagner du temps et de miser sur l’usure du mouvement. Cela rappelle un peu la tactique du même gouvernement d’Ivan Duque face au mouvement social de 2019. Il a ouvert un « grand dialogue national » qui s’est concrétisé par une quantité de réunions au Palais Nariño (3) où il a évacué les sujets les uns après les autres. Il a fait des annonces pour calmer le mouvement qui n’ont pas été suivies d’effets. C’est par exemple le cas au sujet de la gratuité de l’éducation publique ou de l’université publique, qui a été annoncée par le gouvernement sans que rien ne s’ensuive. De plus, ce gouvernement donne l’impression de ne pas négocier mais de faire ce dont il a envie.

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Il y a cinq ans, les Colombiens étaient assez divisés au sujet de la paix avec les Farc, notamment un peu avant le référendum d’octobre 2016. Aujourd’hui, ils semblent unis dans ce mouvement social…

Oh non, nous sommes tout aussi divisés (rires)! Le traité de paix avec les Farc ne fait pas partie des revendications mais il fait partie du débat. Dans les manifestations on en parle, on aimerait qu’il avance pour en terminer avec les violences qui continuent dans certaines zones rurales. Le gouvernement d’Ivan Duque n’avance pas dans la mise en œuvre de l’accord de paix qui a été trouvé à l’époque. Il estime que celui-ci est trop favorable aux Farc et a donc mis des bâtons dans les roues au système de « justice transitionnelle » (4). Dans l’accord de paix avec les Farc, des sièges avaient été réservés aux représentants de la paix à la chambre des représentants (5). Le gouvernement actuel les a supprimés, la Cour constitutionnelle vient de les rétablir. Si l’accord de paix n’est pas tombé à l’eau, le moins que l’on puisse dire est que le gouvernement souhaite que sa mise en œuvre n’avance pas. Mais non, nous ne sommes pas unis autour de ce mouvement social. Une partie des Colombiens en souhaite la fin en raison des blocages et de la violence de certains groupes qui tentent de le récupérer. Nous sommes donc aussi divisés que lors du référendum pour l’accord de paix.

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Cette grogne paraît cependant sans précédent en Colombie. Ne serait-elle pas une réaction à des problèmes structurels que vous connaissez depuis les années 1950, notamment suite à l’assassinat du très populaire homme politique Jorge Gaitan 

Du point de vue de n’importe quel indicateur, nous sommes un des pays les plus inégalitaires au monde. Et cet épisode de notre histoire est à l’origine de l’essentiel de nos problèmes actuels, c’est évident. Le pouvoir actuel est secoué par les manifestations, le message a été très fort. Mais ce qui me préoccupe, c’est que la violence pourrait sortir gagnante de ces événements. Dans l’histoire de la Colombie, la violence a très souvent écrasé les tentatives de diminuer les inégalités et d’en finir avec les privilèges, pour le dire clairement, des plus puissants. Il y a un risque qu’une fois encore, la solution de la force finisse par mettre ces problèmes sous le tapis. Vous dites que ces manifestations paraissent sans précédent. Cela n’est pas sans rapport avec le processus de paix entamé avec les Farc. Quand nous étions en guerre civile, n’importe quel type de manifestation était, d’une façon ou d’une autre, lié aux guérillas. Ceci est terminé. Le problème des gens n’est pas d’être d’accord ou non avec la guérilla ou d’être contre les institutions ! Depuis qu’est arrivé l’accord de paix, tous les problèmes soulevés par les manifestations sont apparus au grand jour, il y a eu une sorte de bouffée d’air frais qui a fait surgir toutes ces revendications, essentiellement sociales.

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L’opposition semble assez désunie. Y a-t-il un personnage réellement capable d’incarner une alternative au gouvernement actuel ? 

Il y a la même division que nous venons d’évoquer, la Colombie est prise en tenaille par deux extrêmes. D’un côté, il y a une extrême droite représentée par l’ancien président Alvaro Uribe et ses partisans. De l’autre côté, il y a une gauche radicale représentée par Gustavo Petro. Ceci est la grande tragédie, encore une fois, de la Colombie ! Aux dernières élections présidentielles, en 2018, le deuxième tour a opposé Ivan Duque, représentant de l’extrême droite d’Alvaro Uribe à Gustavo Petro. Et nous avons finalement choisi Ivan Duque, le représentant de notre extrême « préféré », pourrait-on dire, ou du moins habituel. Il semble qu’il y ait une certaine saturation du pays face à cette polarisation du champ politique. Mais le centre est très désorganisé, il n’y pas de figure forte au centre qui semble capable d’incarner une alternative à ces deux pôles. On en revient donc à la violence. Si la violence prend le dessus, cela va favoriser les extrêmes, une fois de plus !


(1) Salué par l’OMS, le premier confinement a notamment duré 159 jours (!)
(2) Ejército de Liberación Nacional : deuxième groupe de guérilla du pays, qui avait entamé des négociations de paix avec le gouvernement, actuellement au point mort.
(3) Situé à Bogotá, le Palais Narino est l’équivalent de notre Élysée.
(4) Série de décrets permettant de faire la lumière sur les atteintes aux Droits de l’homme durant la guerre, et pouvant donner lieu à des condamnations.
(5) Plus ou moins l’équivalent de notre Assemblée Nationale.

Carlos Olsina, le taureau dans les tripes

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Carlos Olsina © Mélanie Huertas

Biberonné à la corrida dès son plus jeune âge, Charles Pasquier entre à l’école taurine de Béziers à 9 ans, puis approfondit sa formation à Séville. Devenu Carlos Olsina, son nom de lumière, il est aujourd’hui, à 25 ans, l’un des jeunes espoirs de la tauromachie française.


Depuis Casas et les frères Montcouquiol, la voie est ouverte aux toreros français. Il n’y en a jamais eu autant qu’aujourd’hui, et certains sont de grandes figures comme Sébastien Castella et Juan Bautista (oui, les toreros français prennent des noms espagnols ! Serait-ce ce que l’on nomme « assimilation » ?). La France compte six écoles taurines destinées à les former dès leur jeune âge. L’un d’entre eux se nomme Charles Pasquier, nom de torero Carlos Olsina, 24 ans, natif de Béziers. Dès l’âge de 3 ans, ses parents l’emmènent aux arènes. Il est rapidement fasciné par ce qui se joue sur le sable. « Je voyais des super-héros en costume. Je voyais un homme faire des choses presque surhumaines et se faire applaudir par la foule. C’est cela qui m’attirait le plus, ce n’était pas le taureau car il m’impressionnait trop, il me faisait peur. » La bête l’effraie tellement qu’il est impensable pour lui de devenir torero. Mais la fascination et l’attirance pour l’héroïsme grandissent en lui, et à 9 ans il entre à l’école taurine biterroise. Il subit sa première blessure à 12 ans. Le veau l’attrape et le propulse en l’air. En retombant, il se casse les deux os de l’avant-bras. « Je me retrouve à 12 ans à l’hôpital et je dois faire le choix de continuer ou d’arrêter. Mais je n’avais qu’une envie, retourner affronter le taureau. »

À 25 ans, outre de nombreux hématomes et entorses, Olsina a eu par deux fois le bras gauche cassé et un sacré coup de corne de 20 centimètres qui lui a déchiré la fémorale et traversé la jambe

Il poursuit donc son apprentissage. Contrairement à beaucoup de jeunes toreros il continue parallèlement ses études, bac scientifique puis prépa HEC. La tauromachie prend de plus en plus de place dans ses pensées. En rentrant le soir, il s’isole dans le parking de son immeuble et, muleta en main, s’entraîne inlassablement. En sortant avec ses amis en discothèque, il se met à l’écart, et tandis que les autres dansent, lui regarde des vidéos de corrida sur son téléphone et répète des figures en imaginant le taureau s’engouffrant dans l’étoffe.

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Un jour d’entraînement avec l’école dans l’élevage de taureaux de Robert Margé (à l’époque également directeur des arènes de Béziers), ce dernier le remarque et lui dit : « Es-tu prêt à arrêter tes études et à partir en Espagne ? Si oui, fais-le, et je te donnerai des contacts. » Quelque temps après il claque la porte de la fac, prend le train en direction de la péninsule ibérique avec en poche le numéro de téléphone du torero espagnol Manuel Escribano. Le torero espagnol le rencontre et le prend sous son aile, l’entraîne à toréer, l’emmène avec lui au campo. « Ce n’était pas facile car j’étais le petit Français. Une fois là-bas, je me suis fait avoir par un mauvais manager. Mais à force de travail et de sacrifices, j’ai réussi à m’imposer et à devenir un des jeunes espoirs de la tauromachie. Avec mon nouveau manager, j’ai trouvé un premier contrat pour une corrida, j’en ai trouvé 11 l’année d’après, dont une corrida au Mexique où j’ai d’ailleurs gracié un taureau, et l’année dernière j’ai rencontré des succès à Madrid, à Arles et à Béziers. ».

Carlos Olsina © Mélanie Huertas

Sébastien Castella, qui est un exemple pour les jeunes toreros français, lui propose de lui donner l’alternative, c’est-à-dire le grade suprême, celui de Matador de toro, lors d’une cérémonie dans les arènes et en pleine corrida, comme cela se fait d’ordinaire. « J’ai été très touché de sa proposition, mais j’ai refusé. Je pensais que ce n’était pas le moment. Je ne voulais pas être dans la lumière pour quelques jours et qu’il ne se passe pas grand-chose après. Je veux devenir un torero important, et pour cela, il faut savoir dire non, prendre les bonnes décisions au bon moment. Lorsque j’aurai semé tout ce que j’ai à semer et qu’il sera le moment d’en récolter les fruits, à ce moment j’accepterai de prendre l’alternative et de devenir Matador de toro. Je veux être certain de réussir à décrocher un certain nombre de corridas derrière, dans lesquelles je pourrai donner la preuve que je mérite ce titre. Et si je ne sens pas ce moment venir, alors je me refuserai de prendre l’alternative, tant pis. La tauromachie est un art sérieux et très difficile qui demande du travail, beaucoup de travail, et une grande patience. » Son père, malgré l’angoisse des accidents et l’extrême dureté du métier qu’a choisi son fils, l’accompagne dans son chemin avec la plus grande des fiertés. « Vous savez, la peur que mon fils se fasse encorner, je vis avec, j’y pense tout le temps, mais je suis obligé de l’accepter car il se fera attraper par le taureau, forcément, ça fait partie de ce métier. » Mais une autre crainte prend le dessus sur celle-ci. Cette crainte, c’est que Carlos passe à côté d’un bon taureau : « C’est ma plus grande appréhension lorsque mon fils entre dans l’arène : qu’il ne triomphe pas. »

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À 25 ans, outre de nombreux hématomes et entorses, Olsina a eu par deux fois le bras gauche cassé et un sacré coup de corne de 20 centimètres qui lui a déchiré la fémorale et traversé la jambe. Il sait que le chemin est difficile, parfois long, mais il torée la vie comme il torée la bête : avec stoïcisme, passion et courage.

Comment demeurer le grand éditorialiste de France inter par temps politique agité?

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Le journaliste Thomas Legrand Image: capture d'écran YouTube.

Thomas Legrand n’a rien à craindre: l’eurodéputé LREM Stéphane Séjourné ne veut faire la chasse qu’aux « éditorialistes les plus engagés ». Alors que les intervenants réacs de C News ont bien mauvaise presse ces derniers jours, l’éditorialiste politique de France inter diffuse chaque matin sa bonne parole progressiste, à un auditoire cinq fois plus important que celui d’Eric Zemmour. Théorie du genre, Manif pour tous, droite nationale, éolien: payé par vos impôts, il tire à vue sur les conservateurs. Florilège.


Bonne humeur “anti-réac”, évitement de certains sujets, progressisme militant, épanchement moralisateur, cirage de pompes des invités de gauche et dénonciation des vilains de droite sont les traits caractéristiques des éditos et des billets d’humeur ou d’humour de la radio publique en général et de France inter en particulier.

La manif pour tous: une idée qui meurt?

L’éditorialiste Thomas Legrand parvient à la synthèse france-intériste absolue en trois minutes top chrono. Autour de lui, ça sourit, ça connivence, ça ricane, ça sournoise. On se comprend à demi-mot, on se sous-entend, on opine du micro parce qu’on partage les mêmes opinions que l’éditorialiste. Florilège :

Le 18 mai. Père d’un jeune rugbyman, l’inclusif Thomas Legrand est heureux de nous apprendre que les dirigeants de la Fédération Française de Rugby « ont validé l’inclusion des transidentitaires de genre au sein des compétitions. » « Le mouvement de la société est très progressiste », s’extasie l’éditorialiste ; et, – voilà où il voulait en venir – cela contrebalance le « bruit de la Manif pour Tous [qui] n’était pas celui d’une force montante mais le cri d’une idée qui meurt. » De mon côté, j’attends d’entendre le cri des futures adversaires de Kevin – futur pilier international de 135 kilos qui, après avoir “transitionné”, se fera appeler Angélique et aura obtenu l’autorisation de jouer dans une équipe de rugby féminin – pour me demander d’où il vient : sera-ce celui d’une idée qui meurt, celui d’une transphobie décomplexée, ou bien celui de la frêle Isabelle (85 kilos quand même) massacrée sous la mêlée par la très rude Angélique ? Affaire à suivre…

Le 20 mai. La veille, des élus, dont certains du RN, ont accompagné les policiers qui manifestaient devant l’Assemblée nationale. « C’est une journée d’affaissement démocratique. » Heureusement, « Jean-Luc Mélenchon, Julien Bayou et Éric Dupond-Moretti ont fait preuve d’assez de sang-froid, de profondeur historique et juridique pour oser s’inquiéter de ce qui se disait devant l’Assemblée nationale. » Rien à ajouter.

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Le 21 mai. Mein Kampf annoté, expliqué, “contextualisé”, sort chez Fayard. Thomas Legrand en est convaincu : « La mise à plat des mensonges péremptoires et pseudo évidences, de l’horrible bon sens, peut nous être utile pour sous-titrer bien des propos d’aujourd’hui ! » Pour être certain d’avoir été bien compris, plus lourdingue qu’un char Panzer, Thomas Legrand conclut ainsi sa chronique: « Dans les mois qui viennent, l’exercice de déconstruction de Mein Kampf, summum de la pensée brutale et démagogique, nous sera certainement utile. » Rien à ajouter derechef.

Un duo chic avec Sophia Aram

Le 31 mai. De la même manière qu’elle goûte difficilement les génuflexions repentantes de la France vis-à-vis du gouvernement algérien, Marine Le Pen digère difficilement les allégations du président Macron à propos du Rwanda. Pour Thomas Legrand, le président Macron a choisi « la vérité », Marine Le Pen « le mensonge ». Étrangement, l’éditorialiste ne dit pas un mot de Hubert Védrine qui considère pourtant, comme Le Pen, que « ce débat empoisonné (autour du Rwanda) est un bon révélateur du degré de masochisme atteint dans notre pays ». En réalité, Legrand n’a pas voulu griller la politesse à la géo-politicienne-humoriste-toujours-du-bon-côté Sophia Aram qui, une heure plus tard, dénoncera le « révisionnisme » de l’ancien ministre des Affaires étrangères à qui elle reprochera surtout d’avoir eu un entretien avec la revue Éléments. Voilà ce qu’on appelle un excellent travail d’équipe.

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Le 2 juin. Sujet : les éoliennes. Thomas Legrand est pour. Soit, l’implantation est anarchique, les projets mal fagotés, les ruraux mécontents… mais les « anti-éoliens idéologiques » profitent de ces menus détails pour se soulever contre des « objets écologiques majestueux, élégants, sources d’énergie douce. » Stéphane Bern « affirme hâtivement, ou spécieusement, que l’éolien n’est pas écologique. » « Beaucoup de bêtises circulent » à propos d’une soi-disant « menace sur notre identité (nos paysages) », et « tous ces fantasmes, dont se repaît le conservatisme à la mode » font le jeu du… RN ! Osons conseiller à Thomas Legrand de regarder l’excellentissime documentaire Éoliennes : du rêve aux réalités. En parlant de bêtises, ça lui évitera d’en dire pas mal sur un sujet qu’il ne connaît visiblement pas.

Sud Radio, audience riquiqui, C News chaîne naine

Le 4 juin. Ce jour-là, on entend des frémissements de sourire, des éclats de rire difficilement étouffés, et Ali Baddou froufroute des babines : Legrand va faire un blot et se payer… tous ceux qui ne pensent pas comme France Inter. Bien qu’ayant deux fois moins de téléspectateurs sur C News que Fabienne Sintes d’auditeurs sur France Inter à la même heure, Éric Zemmour pense peut-être à se présenter aux prochaines présidentielles, ricane Legrand. Et puis il y a « Sud Radio, audience riquiqui. C News, grosse audience de niche (sic) mais chaîne naine comparée à TF1 ou France Télé. Valeurs Actuelles, qui tire bien moins que Le Point ou L’Obs. […] L’ex-philosophe Michel Onfray, et son site de rencontre des extrêmes. Cette extrême-droite réactionnaire, anti-moderne, n’est qu’une composante, bavarde et infatuée, de la sphère du RN » (encore !?). Concurrençant Sophia Aram dans le registre de l’humour (involontaire), Thomas Legrand conclut : « L’écosystème médiatique de la droite hors les murs se moque des canons de validation de l’info qui prévalent au sein du monde médiatique dit mainstream.» Ce matin-là, Thomas Legrand aurait bien aimé compléter sa liste ou peut-être, comme sa consœur Sonia Devillers, demandé explicitement l’éviction de certains confrères un peu trop « engagés ». Ce sera pour plus tard. Il a le temps. Il n’a pas à craindre, lui, de se voir marqué au fer rouge ou d’être poussé dans les oubliettes de la Maison Ronde. La menace de Stéphane Séjourné ne concerne que les « éditorialistes les plus engagés »…

Le Hamas, premier parti israélien?

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Yahya Sinwar, chef du Hamas, porte l'enfant d'un combattant des brigades Izz al-Din al-Qassam, mort dans les récents affrontements avec Israël, Gaza, 24 mai 2021 © MAHMUD HAMS / AFP)

En 2005, le retrait de Gaza et l’espoir d’un règlement pacifique du conflit israélo-palestinien qu’il a suscité ont permis pour la dernière fois à une majorité modérée d’arriver au pouvoir en Israël. Mais la prise du pouvoir par le parti islamiste à Gaza a transformé ce territoire en usine de violence dont l’unique objectif est de perpétuer la guerre. Conséquence : la radicalisation de la société israélienne et l’exceptionnelle longévité politique de Benyamin Netanyahou.


Le 28 mars 2006, les Israéliens étaient appelés aux urnes pour élire la 17e Knesset. Ariel Sharon, Premier ministre depuis 2001, était tombé dans le coma début janvier mais Kadima, la formation politique qu’il a créée en quittant le Likoud en novembre 2005, l’a emporté et son leader, Ehud Olmert, est devenu chef de gouvernement. Le Likoud, dirigé par Benyamin Netanyahou, a quant à lui subi la pire défaite de son histoire avec 10 % des suffrages. Ce résultat s’explique simplement : en 2005, Ariel Sharon avait pu mener à bien le « désengagement », le retrait total de toute présence israélienne de la bande de Gaza ainsi que d’un secteur au nord de la Cisjordanie. Plus de 8 000 civils avaient été évacués – souvent de force – après une bataille longue et difficile qui a fait éclater le paysage politique israélien. Mais en ce début de printemps 2006, le pari semblait avoir été gagné par Sharon et ses héritiers.

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Pourtant, en janvier 2006, deux mois avant les élections israéliennes, la victoire du Hamas aux élections palestiniennes (les dernières à ce jour) a été perçue par Netanyahou comme une divine surprise. Le Likoud a immédiatement changé de slogan : « Fort contre le Hamas : Benyamin Netanyahou ». Pour le chef du Likoud, la victoire du Hamas n’a pas été uniquement un échec de la majorité (et de Sharon) qui, se fondant sur des rapports erronés des services de renseignement, tablait sur la victoire du Fatah et de Mahmoud Abbas. Cette victoire allait à l’encontre de la logique du désengagement : créer les conditions d’une dynamique positive par le développement économique en transformant la bande de Gaza en zone prospère intégrée à l’économie israélienne.

L’échec du désengagement

Netanyahou a eu raison. Le Hamas avait l’intention de transformer la bande de Gaza en plate-forme de guerre contre Israël. Et ses dirigeants n’ont pas perdu du temps. Trois mois après les élections israéliennes, le 25 juin au matin, un commando du Hamas a pénétré en territoire israélien par un tunnel et, après avoir surpris l’équipage d’un char, a fait deux morts, un blessé et un prisonnier : Guilad Shalit. Cette réussite du Hamas avait déclenché l’opération « Pluies d’été », le premier des cycles de violence « post-désengagement ». Le 12 juillet, le Hezbollah décide d’imiter le Hamas et enlève deux soldats israéliens (il s’avéra plus tard qu’ils ont été tués pendant l’opération). La poursuite israélienne devenue riposte a duré cinq semaines. Ce fut la deuxième guerre du Liban.

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L’opération du Hamas a eu lieu cinq mois après sa victoire électorale. La décision n’a pas été prise par le gouvernement palestinien. Comme le Hezbollah, le Hamas voulait profiter des institutions étatiques sans en payer le prix ni en assumer la responsabilité. Cet été sanglant a condamné le projet politique d’Ariel Sharon. Quand la guerre du Liban prend fin, à peine cinq mois après les élections israéliennes, c’en est fini du camp de la paix. L’autorité palestinienne est elle aussi K.-O., désavouée par les électeurs essentiellement à cause de sa corruption : 40 % de ceux qui ont voté Hamas l’ont fait pour protester contre le Fatah plutôt que par adhésion à ses idées et sa stratégie). Pour les héritiers politiques de Sharon (Ehud Olmert, Tzipi Livni et Amir Peretz), la suite a été une longue descente aux enfers que même la destruction du réacteur nucléaire syrien un an plus tard n’a pas pu arrêter.

Affiche de campagne de Benyamin Netanyahou à Tel Aviv (Israël), mars 2019. ©Oded Balilty/AP/SIPA / AP22318752_000002

Le succès de Netanyahou

En février 2009, moins de trois ans après les élections pour la 17e Knesset, les Israéliens sont de nouveau appelés aux urnes. Et cette fois, ils votent pour ceux qui se sont opposés au désengagement. Un bloc de droite dirigé par Netanyahou à la tête d’un Likoud triomphant (27 députés contre 12 en 2006) s’installe au pouvoir en Israël, tandis qu’à Gaza, le Hamas ne cesse de renforcer son emprise. Entre les deux, l’Autorité palestinienne, évincée de Gaza manu militari par le Hamas en juin 2007, n’a pas retrouvé sa place. Unique représentant officiel du peuple palestinien reconnu par la communauté internationale, elle souffre toujours d’un déficit de légitimité aux yeux de ses propres citoyens, raison pour laquelle Mahmoud Abbas a décidé quelques semaines auparavant de reporter sine die les élections législatives palestiniennes. Il n’est pas prêt à refaire l’erreur de janvier 2006.

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Quant à Netanyahou, si on ne sait pas encore comment se terminera le cycle de violence déclenché le 10 mai, une chose semble être acquise : le « bloc du changement », véritable alternative à l’actuelle majorité, est la première victime des roquettes du Hamas. Bibi, déjà résigné à sa défaite fin avril, a de nouveau une marge de manœuvre politique. 

Tout s’est joué entre la fin du désengagement israélien de la bande de Gaza, le 11 septembre 2005, et la fin de la deuxième guerre du Liban le 14 août 2006. En clair, le Hamas a sciemment tué le maigre espoir généré par la politique de Sharon. Cette stratégie du mouvement islamiste et terroriste est largement responsable de l’impasse dans lequel se trouve le conflit israélo-palestinien ainsi que de l’exceptionnelle longévité de Netanyahou au pouvoir : il fait désormais mieux que Ben Gourion.

États généraux de la Justice: Macron tente de combler le grand vide régalien de son quinquennat

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Francois Molins et Chantal Arens, présidents du Conseil supérieur de la magistrature, organe garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire, septembre 2019 © Jacques Witt/SIPA Numéro de reportage : 00922491_000041

Nous avons eu le Beauvau de la sécurité, lancé en février. Nous aurons désormais les États généraux de la Justice! Emmanuel Macron les a annoncés le 4 juin.


Le président de la République, après avoir reçu les deux plus hauts magistrats français, a annoncé des États généraux de la Justice et l’engagement que le garde des Sceaux dorénavant aurait à rendre compte chaque année du bilan de la politique pénale devant l’Assemblée nationale.

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Mon premier mouvement a été de me dire « enfin » parce que, depuis 1972, j’écris notamment sur la Justice et il n’y a pas eu un seul livre où je n’aie pas évoqué, comme une opportunité radicale de réflexion collective et de changement, la réunion d’États généraux de la Justice. Cette obsession qui ne m’a jamais quitté, s’est toujours accompagnée, sur un mode mineur, de la certitude que la multiplication de « journées portes ouvertes » dans les Palais de justice permettrait aux citoyens de mieux comprendre, et donc de moins blâmer l’institution judiciaire.

Un second quinquennat?

Même si cette idée présidentielle a surgi en dernière extrémité parce qu’il n’était plus possible de tenir pour rien le profond malaise déploré par Chantal Arens et François Molins, il m’était agréable de saluer, pour une fois, cette initiative et cette future obligation parlementaire. Pourtant à peine m’étais-je réjoui avec « enfin » que je m’assombrissais avec « trop tard ». D’abord, comment ne pas percevoir ces promesses tardives comme une contrainte pour nous persuader de la nécessité d’un second quinquennat afin de pallier les échecs du premier, de combler les grands vides régaliens de ce mandat presque terminé ?

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Par ailleurs, j’aurais bien voulu voir cette annonce inespérée comme la prise de conscience que le choix de ce garde des Sceaux avait relevé d’un mauvais casting, qui tenait plus à une appétence pour l’éclat qu’à la considération d’une authentique compétence. Mais à l’évidence ç’aurait été m’illusionner puisque c’est à Éric Dupond-Moretti que cette mission va être confiée. Il devra la mener en même temps qu’il s’en tiendra, pour les régionales et la campagne présidentielle, au rôle que le président lui a offert : être l’accusateur permanent de Marine Le Pen et du Rassemblement national. Au point d’ailleurs de sous-estimer l’attente et l’inquiétude légitimes des Français en matière de sécurité et de justice.

Faire durer des débats inutiles

Ensuite, ces États généraux, dans le meilleur des cas, n’auront lieu qu’au mois de septembre ou d’octobre et dureraient environ trois mois. Je ne garantis pas que ces échéances, si elles sont respectées, auront des conséquences plus utiles que le Beauvau de la sécurité. Il me semble en effet que rien que sur le plan de leur programmation, ces États généraux auraient été forcément plus percutants dans un délai et avec un rythme plus soutenus, plus rapides, qui auraient mobilisé l’ensemble des acteurs et partenaires de justice. Faire s’étirer les débats serait le moyen le plus efficacement pervers pour les rendre inutiles.

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Même si a priori aucune exclusive n’interdira la participation de quelque profession touchant de près ou de loin l’univers judiciaire (il ne faudra surtout pas oublier les journalistes qui ont une responsabilité éclatante dans la diffusion d’une image systématiquement dégradée, partielle et partiale de la Justice), on a le droit de s’interroger sur les matières dont cette grande messe collective sera saisie. Pour l’Union Syndicale des Magistrats, toutes les justices, et pas seulement la pénale, devront être passées au crible. Je rejoins plutôt la présidente du Syndicat de la Magistrature, qui aspire à l’arrêt de la frénésie législative, avec l’octroi de plus de moyens.

Cette concertation va-t-elle apporter des solutions ?

Cet immense défouloir, s’il joue son rôle, permettra-t-il de mettre en question les ressorts profonds de l’insatisfaction du citoyen ? De revendiquer une constante augmentation du budget, au-delà de la gloriole abusive et d’un rattrapage nécessaire ? De s’inquiéter d’une idéologie qui dénature l’impartialité ? De dénoncer le laxisme des magistrats quand il existe ? De stigmatiser la faillite de l’exécution des peines ? De condamner la lenteur des réponses judiciaires ? D’exiger la construction rapide de nouvelles prisons ? De globalement imposer la mise en œuvre d’un processus judiciaire digne de l’humanisme vigoureux qu’appelle une nation comme la nôtre ?

Davantage, ce moment qui pourrait être unique sera-t-il l’occasion d’aborder le terrain politique et, dépassant le problème des crédits dont on n’imagine jamais que les magistrats et leurs syndicats pourront s’en satisfaire, de faire valoir l’instauration d’une volonté s’assignant un double impératif : défendre l’institution et les juges, comme le garde des Sceaux n’a jamais su le faire (et pour cause : songeons aux diatribes de l’avocat contre les magistrats) et comme Robert Badinter l’a magnifiquement assumé lors de l’émission C l’Hebdo sur France 5 à laquelle il était invité le 5 juin ; et faire tenir son rang éminent, pour le futur, à ce formidable service public et à celui ou celle qui aura l’honneur d’en être le garant, l’aiguillon et le protecteur.

Enfin. Je n’ai plus envie de rêver, d’espérer pour rien. Je ne supporte plus la peur, le désespoir de mes concitoyens. Je préfère compatir avec le peuple que feindre une adhésion politicienne.

Mais trop tard.

Fainéantise chinoise

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Vladislav Ivanov © D.R.

Un mannequin russe a rencontré un succès fulgurant auprès de la jeune génération chinoise. La cause ? Son comportement indolent et ses airs pessimistes.


Quel est le lien entre l’éthique du travail des Chinois et une vedette de téléréalité russe ?

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Au début de cette année, Vladislav Ivanov, connu sous le nom de Lelush, un mannequin de 27 ans ayant vécu en Chine et parlant le mandarin couramment, a été invité à participer à une émission destinée à sélectionner les membres d’un nouveau « boys band ». Se trouvant séquestré sur une île où il est contraint de répéter inlassablement des chansons et des chorégraphies, il fait tout pour être éliminé. Contrairement à ce qu’il souhaite, ses airs boudeurs et ennuyés, son humeur ronchonne et râleuse, son refus de jouer le jeu, font de lui une icône pour de nombreux jeunes Chinois qui votent pour le garder dans l’émission pendant trois mois. Car, à leurs yeux, Lelush incarne la culture « Sang Wenhua », une attitude caractérisée par le pessimisme et l’autodépréciation, par un sentiment d’impuissance et de démoralisation, qui s’oppose à la culture du travail prônée par l’État chinois.

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En 2019, Jack Ma, le patron milliardaire d’Alibaba, dénonçant la fainéantise, avait qualifié de « bénédiction » le système dit « 996 », selon lequel un bon salarié travaille de 9 heures du matin à 9 heures du soir six jours par semaine. Pourtant, après les années de croissance accélérée qui ont inspiré à leurs parents un optimisme à toute épreuve, les quelque 380 millions de milléniaux se trouvent aujourd’hui face à un monde très différent, avec un marché de l’emploi de plus en plus concurrentiel, des difficultés croissantes à se procurer un logement et une pression intense pour réussir. Un des maîtres mots de la propagande du régime de Xi Jinping est l’« énergie positive ». La nouvelle génération, incapable de se révolter politiquement, exprime sa rébellion sur les réseaux sociaux par une posture apathique et défaitiste. Et se contente de boire des thés mis sur le marché sous des noms adaptés comme « Je n’ai absolument rien foutu » ou « On reste assis en attendant la mort ».

Zara, Anthropologie et Patowl: le Mexique accuse (encore) des marques d’appropriation culturelle

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Le président mexicain Andres Manuel Lopez Obrador et la secrétaire à la Culture Alejandra Frausto Guerrero, à la conférence de presse quotidienne, au Palais national, le 3 septembre 2019 © /AP/SIPA, Numéro de reportage : AP22392295_000001

Avec le Mexique, les questions d’appropriations culturelles deviennent une affaire d’État ! Dans une lettre officielle, le gouvernement accuse trois marques de prêt-à-porter internationales d’appropriation culturelle, tout en réclamant un dédommagement financier.


Appropriation culturelle ? Ce terme bien “woke” désigne le fait qu’une personne ou un groupe de personnes appartenant à un groupe dit « dominant » utilisent des éléments culturels issus d’un groupe dit « dominé. » Attention, il ne s’agit pas « d’emprunt », puisque celui-ci se fait dans un cadre de « domination. »

Par ailleurs, on parle d’appropriation culturelle lorsque ces éléments sont utilisés dans un but commercial ou d’une manière qui est jugée offensante, abusive ou inappropriée. Cette notion peut même impliquer l’utilisation d’idées, de symboles, d’artefacts ou d’autres aspects de la culture visuelle ou non visuelle.

En d’autres termes : si vous êtes blanc, par conséquent dominant, chaque fois que vous faites référence ou utilisez des éléments, soit matériels ou immatériels, d’une autre culture que la vôtre, vous pratiquez l’appropriation culturelle. Et c’est très mal, car vous spoliez l’identité de la culture en question, pillez ses richesses pour votre seul profit, ou la réduisez à une poignée de stéréotypes en renforçant la suprématie blanche. Pire, vous l’utilisez comme faire-valoir !

Genèse d’un concept douteux

Le concept remonterait au milieu des années 70, lorsque l’historien de l’art Kenneth Coutts-Smith l’évoquait dans une thèse pour mettre en avant le lien entre production artistique, exploitation de classe et colonialisme en Occident (1).

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Au début des années 1990, la critique Bell Hooks, figure importante du Black feminism, développe et théorise le concept d’appropriation culturelle, le résumant en une métaphore : « manger l’Autre. » Avec l’essor des études dites post-coloniales, l’expression quitte les milieux universitaires et les cercles initiés à partir des années 2010, et commence se répandre dans le langage courant anglophone, si bien qu’Oxford l’ajoute à son dictionnaire en 2017.

Image d’illustration Unsplash

Si l’expression de ce phénomène reste pour l’instant marginalisée en France, depuis une décennie, les scandales liés à l’appropriation culturelle ne cessent de fleurir outre-Atlantique ; cela va de la simple coiffure au costume Halloween, en passant par le droit des auteurs à mettre en scène des personnages qui ne leur ressemblent pas.

Quelques affaires

L’une des premières salves est donnée en 2012 ; lorsque la marque de lingerie Victoria Secret fait défiler ses mannequins couronnées de fausses coiffes indiennes, des voix outrées s’élèvent aussitôt, Ruth Hopkins, éditorialiste à l’Indian Country, un site d’information dédié aux Amérindiens, déclare alors être « furieuse » contre la marque, dénonçant une « dévalorisation mal intentionnée, irrespectueuse » de ses « ancêtres .» (2) La marque de lingerie présente ses excuses, mais trop tard, le mal est fait.

Cet incident est loin d’être le seul impliquant la culture amérindienne. Deux ans plus tard, Pharrell Williams, l’interprète du fameux tube mondial “Happy”, se retrouve sous les feux de la controverse pour avoir posé en couverture du magazine Elle britannique, arborant une coiffe traditionnelle indienne. Bien que le chanteur soit noir, et déclare à qui veut l’entendre que du sang amérindien coule dans ses veines, cela n’a pas empêché les critiques de fuser : « les coiffes ne sont pas des costumes ! »

D.R.

En 2017, des associations amérindiennes s’adressent à l’ONU, pour faire interdire « ce pillage culturel. » (3). Une commission spéciale travaille sur une proposition de loi dont le but serait d’étendre les règles de la propriété intellectuelle aux danses, musiques, médecines, arts traditionnels d’une ethnie ou population.

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La boîte de Pandore est désormais béante, à partir de là, les affaires d’appropriations culturelles vont croître à une allure vertigineuse, les doléances des offenses vont aussi se démultiplier. Automne 2015, alors que les débats sur les déguisements d’Halloween et l’appropriation culturelle font rage, une enseignante à l’Université de Yale fut contrainte de démissionner, après le tollé provoqué par un e-mail dans lequel elle défendait le droit des étudiants à se déguiser comme ils le voulaient pour Halloween, se demandant pourquoi il n’était plus possible d’être «un peu inapproprié, provocateur». Des étudiants la prennent à partie, puis poussent son mari et elle à quitter le campus. Au cours de la même année, la fédération étudiante de l’université d’Ottawa bannit la pratique du yoga au sein de son établissement, arguant que le yoga était originaire d’une culture « ayant vécu l’oppression, un génocide culturel causés par le colonialisme et la suprématie occidentale. » (4).

Deux ans plus tard, Hal Niedzviecki, rédacteur du magazine The Writers’ Union of Canada est forcé de démissionner pour hérésie (5). En ayant signé une tribune dans laquelle il déclarait ne « pas croire en l’appropriation culturelle », l’homme commet le délit de « mécréance ». Bien que rapidement supprimée, cette tribune déclenche une polémique d’une ampleur telle que le magazine présente des excuses publiques et prend ses distances avec le rédacteur en question.

Mexique : champion de la chasse à l’appropriation culturelle

L’année 2019 est celle qui voit l’appropriation culturelle devenir une affaire d’État.

En effet, dans une lettre adressée à la créatrice de mode Carolina Herrera, le gouvernement mexicain, par la voix d’Alejandra Frausto, ministre de la Culture, lui demande de s’expliquer sur l’utilisation abusive de dessins indigènes. Une année plus tard, la même ministre de la Culture publie une nouvelle lettre comportant des griefs identiques, sauf qu’elle est cette fois-ci destinée à la créatrice Isabel Marant. La maison de couture française publie immédiatement un communiqué de contrition : « Si la maison Isabel Marant, et avec elle la créatrice, ont manqué de respect à la communauté Purepecha et au Mexique (…) elles vous implorent, Madame la ministre, et le pays que vous représentez, d’accepter leurs plus sincères excuses. »

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Le mois dernier, toujours par le truchement d’Alejandra Frausto, le Mexique recommence avec les courriers de réclamations, à la différence qu’en 2021, cela frôle la frénésie épistolaire, ce n’est pas une seule marque qui est visée, mais trois : Zara, Anthropologie et Patowl (6). Celles-ci sont sommées de s’expliquer sur leur utilisation abusive des motifs de communautés indigènes, le gouvernement mexicain réclame un dédommagement pour les communautés indigènes de l’État d’Oaxaca, à l’origine des motifs ayant inspiré les marques. 

Le concept d’appropriation culturelle est une formidable avancée sociale qui va rendre le monde meilleur : imaginez un monde où on criminaliserait ceux qui s’aventurent hors de leurs propres expériences culturelles, où la littérature serait condamnée à l’autofiction, où tout un chacun serait enfermé dans la prison de l’identique et de l’identitaire… Oui, l’idée est magnifiquement effroyable, mais pas invraisemblable !


(1) https://www.archivesdelacritiquedart.org/wp-content/uploads/2016/04/AICA76-Com-Kenneth-Coutts-Smith.pdf
(2) https://indiancountrytoday.com/archive/victorias-secret-is-asking-to-be-boycotted-2
(3) https://www.cbc.ca/news/canada/north/cultural-appropriation-make-it-illegal-worldwide-indigenous-advocates-say-1.4157943
(4) https://www.smh.com.au/lifestyle/health-and-wellness/university-of-ottawa-bans-yoga-classes-over-cultural-genocide-concerns-20151124-gl693i.html
(5) https://www.thestar.com/entertainment/books/2017/05/10/editor-quits-amid-outrage-after-call-for-appropriation-prize-in-writers-magazine.html
(6) https://www.gob.mx/cultura/prensa/la-secretaria-de-cultura-pide-explicacion-a-las-marcas-zara-anthropologie-y-patowl-por-apropiacion-cultural-en-diversos-disenos-textiles

Insoumis et Rassemblement national, la lente convergence

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Les états-majors se déchirent, mais les enquêtes d’opinion montrent une très nette porosité entre les électeurs de Jean-Luc Mélenchon et ceux de Marine Le Pen. Le discours indigéniste et antiflic du leader de LFI y est pour quelque chose.


27 avril 2021. Jean-Luc Mélenchon et son état-major écrivent au procureur de la République de Paris pour lui demander « d’engager des poursuites » contre les auteurs de la tribune des militaires dénonçant le « délitement » de la Francediffusée une semaine plus tôt par Valeurs actuelles.

Les Insoumis ne le savent pas encore, mais l’institut Harris Interactive se prépare au même moment à sonder 1 613 Français sur ce qu’ils ont pensé de cette tribune. Les résultats tombent le 29 avril et font l’effet d’une douche froide chez les cadres mélenchonistes. 70 % des sympathisants LFI ont entendu parler de la lettre ouverte des militaires. 43 % la soutiennent en bloc. C’est nettement moins que la moyenne des sondés (58 %), mais c’est tout de même très significatif. Et dans le détail, les résultats sont encore plus éloquents. 77 % des électeurs mélenchonistes sont d’accord avec l’idée contenue dans la lettre qu’il existe en France des quartiers et des villes « où les lois de la République ne s’appliquent pas ». Pire encore, 74 % sont d’accord avec la proposition selon laquelle « en France, il existe une forme d’antiracisme qui produit une haine entre les communautés ».

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Bien entendu, cette enquête fait apparaître des divergences flagrantes entre les électorats LFI et RN. Par exemple, 83 % des sympathisants RN seraient favorables à un coup d’État des militaires visant à rétablir l’ordre, contre 38 % seulement des Insoumis. Le vrai enseignement de l’enquête est plutôt dans les convergences, que souligne HarrisInteractive : comme les frontistes, les sympathisants LFI sont beaucoup plus nombreux que les autres à penser que la France connaîtra bientôt une guerre civile : 78 % et 61 % respectivement, contre moins de 40 % pour la moyenne des autres sondés. Des deux côtés, la crise des Gilets jaunes a laissé un goût amer : huit frontistes sur dix et près de neuf Insoumis sur dix pensent qu’elle a « provoqué une perte de confiance des Français dans les forces de l’ordre ». Des scores deux fois plus élevés que chez les électeurs macronistes…

Le RN, une valeur qui monte chez les Insoumis

Un sondage, c’est un sondage. Mais plusieurs sondages cohérents, c’est un mouvement d’opinion. L’enquête d’avril n’est pas la première à mettre en évidence un rapprochement des deux électorats. Il est net et rapide. En 2015, on pouvait parler de franche hostilité. Seulement 18 % des Insoumis pensaient que le Front national était « un parti comme les autres » et un sur vingt (5 %) en avait une bonne opinion. Un revirement spectaculaire s’est opéré en quatre ans. Dans une enquête Odoxa de mai 2019, les Insoumis étaient trois fois plus nombreux qu’en 2015 (58 %) à considérer le Rassemblement national comme aussi légitime que toute autre formation politique. Quant à la part de ceux qui en ont une bonne opinion, elle a été multipliée par sept, pour s’établir à 36 % ! À tout prendre, désormais, un électeur insoumis sur trois voterait plus facilement RN que LR ou LREM, voire PS.

L’évolution est d’autant plus surprenante que dans l’intervalle, Jean-Luc Mélenchon a multiplié les appels du pied aux communautaristes et à l’électorat des cités. « Je conteste le terme d’islamophobie […], je défends l’idée qu’on a le droit de ne pas aimer l’islam », lançait-il une semaine après les attentats du 13 novembre 2015. Quatre ans plus tard, presque au jour près, il marchait dans les rues de Paris « contre l’islamophobie », avec des sympathisants des Frères musulmans, partisans avérés de l’islam politique, qui scandaient « Allah akbar » à portée de fusil-mitrailleur du Bataclan.

Encore quelques mois et il faisait acte de présence, en juin 2020, à une manifestation amalgamant délibérément les protestations contre leracisme et les violences policières. Même si le député de Marseille évite de parler de « racisme d’État », le message passe ! Il ne peut pas lui faire perdre des voix de gendarmes et de policiers, elles n’existent pas : 2,3 % seulement des représentants des forces de l’ordre avaient l’intention de voter Mélenchon au premier tour de la présidentielle de 2017. Le problème est qu’il ne lui en fait pas gagner d’autres, semble-t-il. Entre avril 2017 et septembre 2020, le nombre de Français pensant que Jean-Luc Mélenchon a la stature d’un homme d’État s’est effondré, de 46 % à 22 % (enquête IFOP). 

Fraternisation sur un rond-point, en gilet jaune

« La garde rapprochée emmenée par Éric Coquerel et Danièle Obono qui a vendu à Jean-Luc l’idée que le vote des “racisés” existait et était mobilisable s’est complètement plantée, analyse un ancien Insoumis. Leur discours antiflic est un truc de bobo. Ils se font intoxiquer par des diplômés de Sciences-Po qui prétendent parler au nom des quartiers parce qu’ils ont le teint mat. Des musulmans de gauche qui en ont marre du deal et veulent plus de patrouilles au pied de leur tour, je vous en trouve autant que vous voulez. Ils ratent le vrai phénomène de fond, qui est la porosité croissante entre leur électorat et celui du RN, indépendamment de la couleur de peauet de la religion. »

Ce n’est pas faute d’avoir été prévenu. En janvier 2021, le premier secrétaire du PS, Olivier Faure, avouait sur BFM TV sa crainte d’une « fusion des électorats, à force de laisser penser que l’adversaire, ce serait principalement le social-démocrate ». Il n’allait pas, toutefois, jusqu’à imaginer que « les Insoumis soient en volonté et en situation un jour de rejoindre Marine Le Pen », etinversement. Pour le moment, il y a effectivement eu très peu de transfuges, en dehors d’Andréa Kotarac, ancien candidat insoumis aux législatives, conseiller régional, devenu tête de liste RN aux régionales en Auvergne-Rhône-Alpes. Un passage d’une rive à l’autre qui lui a valu des bordées d’injures, mais plus de la part des cadres que de celles des électeurs. Le jeune homme mène campagne sans se faire traiter de traître dans la rue. 

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« Il s’est passé quelque chose au début du mouvement des Gilets jaunes, analyse un élu RN. Des électeurs de gauche ont rencontré des électeurs frontistes. Ils ont vu qu’ils n’avaient pas de croix gammée tatouée sur le front. Et ils se sont retrouvés avec eux, pris en tenaille entre la police et les black blocks ! Ça n’a pas duré longtemps, mais la glace était rompue. » Plutôt au bénéfice du Rassemblement national, à en croire les enquêtes d’opinion.

Devant l’érosion de leur base électorale, l’inquiétude monte chez les Insoumis. À l’image de François Ruffin, de nombreux élus sont embarrassés depuis des années par les appels du pied aux islamistes. Ils ne rejoindront jamais le RN, mais pour eux, il devient urgent de corriger le tir. À Roubaix, début mai 2021, les Insoumis ont rompu l’union de la gauche en négociation depuis des mois, dans la perspective des départementales. Motif, le candidat que voulait imposer EELV, Ali Rahni, était trop connoté islamiste (il n’a effectivement jamais caché son admiration et sa proximité intellectuelle avec Tariq Ramadan). Précision importante, la cellule insoumise roubaisienne a pris l’avis du national avant de rompre les ponts. Ce n’est qu’un canton, certes, mais le département du Nord comme la région Hauts-de-France auraient été à la portée de la gauche unie. Les divisions là-bas portent plus à conséquence qu’en PACA, où tout se jouera entre LR et le RN.

Les précédents grec et italien de l’impossible alliance

L’état-major de la France insoumise s’est mis lui-même dans une position singulière. Son programme de 2017, toujours d’actualité, n’est ni particulièrement laxiste en termes de sécurité ni promigration. Il entend au contraire réduire les flux, en agissant sur les causes dans les pays d’origine. Si jamais les élus insoumis renonçaient à leurs sorties démagogiques à destination des cités, que resterait-il de la ligne rouge qui le sépare du rassemblement national ? Deux formations souverainistes, eurocritiques et anti-élites…

Beppe Grillo, cofondateur du Mouvement 5 étoiles (M5S), Rome, 23 mai 2014 Andreas Solaro / AFP.

Le scénario d’un rapprochement paraît irréaliste. Il s’est pourtant concrétisé en Italie en mai 2018, avec l’alliance inattendue du Mouvement 5 étoiles de Beppe Grillo et de la Ligue de Matteo Salvini, dans le cadre du gouvernement Giuseppe Conte I. Grillo était comparé à Mélenchon par Libération, alors que Salvini s’était affiché en maintes occasions avec Marine Le Pen (1). Les deux se sont retrouvés partenaires. Leur mariage de raison a duré plus d’un an, ce qui n’est pas rien en Italie. La vie politique est tellement complexe à l’ombre du palais Chigi qu’il serait imprudent d’en tirer le moindre enseignement, si c’était un événement isolé. En réalité, le gouvernement Conte I n’était pas une première en Europe. En 2015, le parti Syriza d’Alexis Tsipras s’est allié avec une formation de droite souverainiste et eurocritique, les Grecs indépendants, pour former une majorité de gouvernement.À l’époque, Tsipras était le héros de Jean-Luc Mélenchon (ils se sont violemment disputés par la suite). Quant au leader des Grecs indépendants, Panos Kamménos, il était en très bons termes avec Nicolas Dupont-Aignan, intervenant – dans un français remarquable – au congrès de Debout la France à Paris, en octobre 2013.

La France n’est ni l’Italie, ni la Grèce, ni une autre planète. Les coalitions peuvent survenir chez nous. Marine Le Pen, si elle était élue, n’aurait probablement pas une majorité de députés RN à l’Assemblée nationale. Pour nommer un Premier ministre et constituer un gouvernement, elle devrait former une coalition.

Il est très facile aujourd’hui de dire quelle personnalité LFI pourrait rejoindre le Rassemblement national : pratiquement aucune. Dans un an, la question sera sensiblement différente. Quelle personnalité LFI refuserait de devenir ministre d’ouverture dans un gouvernement souverainiste et eurocritique ? La réponse est nettement moins évidente.

(1) « Mélenchon, le Beppe Grillo français » avait précisément titré Libération le 27 avril 2017. La comparaison revenait souvent avant l’alliance avec la Ligue. Par la suite, beaucoup moins : « il est inapproprié de considérer le Mouvement 5 étoiles comme le cousin italien de La France insoumise », expliquait France Info le 24 mai 2018…