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Fainéantise chinoise

Découvrez l'histoire de Vladislav Ivanov


Fainéantise chinoise
Vladislav Ivanov © D.R.

Un mannequin russe a rencontré un succès fulgurant auprès de la jeune génération chinoise. La cause ? Son comportement indolent et ses airs pessimistes.


Quel est le lien entre l’éthique du travail des Chinois et une vedette de téléréalité russe ?

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Au début de cette année, Vladislav Ivanov, connu sous le nom de Lelush, un mannequin de 27 ans ayant vécu en Chine et parlant le mandarin couramment, a été invité à participer à une émission destinée à sélectionner les membres d’un nouveau « boys band ». Se trouvant séquestré sur une île où il est contraint de répéter inlassablement des chansons et des chorégraphies, il fait tout pour être éliminé. Contrairement à ce qu’il souhaite, ses airs boudeurs et ennuyés, son humeur ronchonne et râleuse, son refus de jouer le jeu, font de lui une icône pour de nombreux jeunes Chinois qui votent pour le garder dans l’émission pendant trois mois. Car, à leurs yeux, Lelush incarne la culture « Sang Wenhua », une attitude caractérisée par le pessimisme et l’autodépréciation, par un sentiment d’impuissance et de démoralisation, qui s’oppose à la culture du travail prônée par l’État chinois.

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En 2019, Jack Ma, le patron milliardaire d’Alibaba, dénonçant la fainéantise, avait qualifié de « bénédiction » le système dit « 996 », selon lequel un bon salarié travaille de 9 heures du matin à 9 heures du soir six jours par semaine. Pourtant, après les années de croissance accélérée qui ont inspiré à leurs parents un optimisme à toute épreuve, les quelque 380 millions de milléniaux se trouvent aujourd’hui face à un monde très différent, avec un marché de l’emploi de plus en plus concurrentiel, des difficultés croissantes à se procurer un logement et une pression intense pour réussir. Un des maîtres mots de la propagande du régime de Xi Jinping est l’« énergie positive ». La nouvelle génération, incapable de se révolter politiquement, exprime sa rébellion sur les réseaux sociaux par une posture apathique et défaitiste. Et se contente de boire des thés mis sur le marché sous des noms adaptés comme « Je n’ai absolument rien foutu » ou « On reste assis en attendant la mort ».

Juin 2021 – Causeur #91

Article extrait du Magazine Causeur




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est directeur adjoint de la rédaction de Causeur.

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