Nous avons tous été lissés par le virus. Après la mise en place du passe sanitaire parce que d’aucuns refusaient de se faire vacciner, il est à craindre que nous acceptions tout désormais.
Au passe sanitaire, tous les Français réagissent : refus ou acceptation. Le débat entre les pros et les contre est faussé par la confusion entre le vaccin et le passe. Comme médecin, j’ai milité dès que possible pour la vaccination. Le problème du passe est différent. Après avoir mollement protesté, et pas très longtemps, j’ai accepté aussi le passe sanitaire, le traçage sur mon téléphone. C’était trop dur de refuser, bien malcommode : ne plus pouvoir entrer nulle part, être refoulé de partout comme antisocial, être privé de film, de théâtre et autres réjouissances ; risquer que des nervis sans éducation vous repoussent avec le droit pour eux et de se retrouver désapprouvé par sa femme. Et pire : se faire traiter d’égoïste, de mauvais citoyen, de diffuseur de virus, de causeur de morts prématurées, d’irresponsable, de complotiste ; une honte pour la civilisation. Oui j’ai accepté. Je reconnais qu’avoir le passe est plus confortable. Je n’en suis pas plus fier.
Le problème n’est pas le vaccin mais la puce électronique collée à nous sur notre portable. Il faut souligner une conséquence certaine de la pandémie : nous avons été lissés par le virus. Nous : tous les humains qui peuplent la terre. Lissés veut dire arasés, meulés, sablés, poncés. Énervés, lobotomisés, de cette vieille technique de neurochirurgiens américains des années cinquante qui coagulaient les zones de l’agacement et de la révolte chez les fous ou supposés tels, diagnostiqués tels. Les irrités, même. Nous avons été lissés : il est à craindre que nous acceptions tout désormais.
Le Sénat approuve le marquage des populations
Le pire est de savoir dès lors que lorsque les pouvoirs publics nous proposeront tôt ou tard la puce électronique entrelacée à nos neurones frontaux, au motif que c’est plus sûr, plus léger, très peu invasif, indolore, nous accepterons car la limite aura déjà été franchie avec le passe sanitaire : beyond this limit, there is no limit, au-delà de cette limite, il n’y a plus de limites. Cela nous sera proposé puisque c’est de l’ordre de la possibilité technique et surtout parce que nos tutelles, supposées les garants les plus sérieux de notre liberté collective, ne voient aucun obstacle philosophique à l’usage massif de l’intelligence artificielle pour le contrôle numérique des populations. Et des individus. Ainsi, un rapport récent du Sénat sur Crises sanitaires et outils numériques sous-titré répondre avec efficacité pour [sic sans rire] retrouver nos libertés soutient le marquage des populations, en avançant avec une naïveté confondante son efficacité sanitaire d’une part et sa réversibilité d’autre part grâce à la sagesse des dispositifs de contrôle. Toujours cette illusion sur notre capacité de modération… Je sais qu’alors notre liberté et notre humanité auront rendu l’âme mais ce sera bien trop tard pour refuser puisque la première injection aura été faite, ces jours-ci de 2021.
Aujourd’hui je suis encore capable de proférer cette vérité, d’anticiper ce qui va arriver. Mais alors, nous serons comme les agents retournés d’une bande dessinée de mon enfance, qui perdaient tout esprit critique et de résistance après avoir subi lavage de cerveau et rééducation ; nous aurons été tellement lissés qu’aucun refus, aucune révolte ne seront plus possibles, ni même compréhensibles. À petits pas, ils sont parvenus à franchir nos défenses. Ce n’est pas du complotisme, c’est de l’anthropologie.
Billes de verre
Nous étions déjà des êtres apeurés par le présent et par l’avenir, par ce qui est proche comme par ce qui est extérieur [1]. Nous nous méfions de l’État supposé nous protéger, mais qui en est de moins en moins capable, avec sa colonne vertébrale détruite et au milieu de ses frontières poreuses ; il nous resterait à nous réfugier dans notre village assiégé mais avec qui le faire en confiance ?
On peut se croire rebelles et intraitables en refusant en bloc vaccin et passe, mais c’est le refus du vaccin qui aura conduit avec le virus à la contrainte collective par le passe sanitaire ; nous sommes entrés bien profond dans la nasse pandémique ; le virus aura fait mettre à genoux la plupart devant les maîtres de demain, la corde au cou et muets. Dans l’espoir impossible en réalité de pouvoir regagner le confort renforcé du foyer et l’ultime intimité protectrice, ou d’acquérir son étanchéité face à l’hostilité généralisée du monde, nous avons dû choisir la confortable position des billes de verre dans leur sac. Bien lisses et bien autonomes, bien traçables et séparées, prêtes à rouler quand on les lancera.
[1] Zygmunt Bauman. Retrotopia [2017]. Trad française Frédéric Joly. Premier Parallèle, 2019
L’été a été étrange. Sous nos climats jadis tempérés, l’histoire décidait autrefois de s’y reposer un peu. On ne peut pas dire qu’il y ait eu cette espèce de suspension habituelle du temps en juillet et en août. Au contraire, le temps de cerveau disponible que nous laissent les vacances, derniers moments où l’on échappe au rythme imposé par le mode de production, n’a pas cessé d’être sollicité par des inquiétudes de tout ordre.
Bientôt Soleil Vert
Des épisodes climatiques meurtriers, totalement anormaux, viennent encore une fois nous indiquer qu’on est à une ou deux générations de Soleil vert. Bien sûr, il reste un carré de climatosceptiques qui seront dans le déni jusqu’au jour où ils se battront autour des derniers points d’eau en Île-de-France à disputer leur nourriture aux chiens des zones pavillonnaires.
Et encore, comme je ne connais pas de climatosceptiques jeunes car le jeune sait ce que cela signifiera pour lui et pour ses enfants une planète avec des températures à plus de 50°, ceux-là échapperont-ils à l’horreur, déjà morts dans une bienheureuse ignorance repue. Je suis assez heureux de voir que le candidat du PCF, Fabien Roussel, vient encore une fois de répéter que le nucléaire est la seule solution pour décarboner l’économie et pallier l’urgence du problème.
La folie antivax
Il y a aussi eu cette épidémie qui rôde toujours, jugulée par la vaccination et le passe sanitaire. Ah ce passe sanitaire qui aura été un nouveau clivage ! Les manifs inspirées par des complotistes antisémites rejoints par l’ultragauche libérale-libertaire, nous auront offert le plaisir de voir défiler les enfants de Cohn-Bendit aux côtés de ceux de Soral ou de Monseigneur Lefebvre.
C’est drôle, la France, parfois, c’est le seul pays où on se croit atteint dans ses libertés pour aller boire une bière et où on le déclare sur les réseaux sociaux qui sont le rêve des services de renseignement : une population qui se fiche elle-même. Le seul pays où l’on s’indigne de ne pas pouvoir aller au cinéma (ou d’ailleurs on ne va pas si souvent que ça) sans montrer un QR code mais où on ne s’indigne pas de l’envahissement de la vidéosurveillance « parce qu’on n’a rien à se reprocher. »
À mes amis de gauche qui se sont égarés dans ces défilés, je rappellerai que la colère contre Macron ne doit pas nous égarer et qu’un gouvernement de gauche soucieux de santé publique aurait pris la même mesure. Aux catholiques tradis, qui restent mes frères, je rappellerai que le pape François lui-même a déclaré « «Être vacciné est un acte d’amour» avant d’appeler à « un esprit de justice qui nous mobilise afin d’assurer un accès universel aux vaccins et la suspension temporaire des droits de propriété intellectuelle». Aux complotistes antisémites qui par ailleurs cumulent à la folie antivax, le déni climatique et autre visions délirantes sur le platisme ou le pédosatanisme, je n’ai évidemment rien à dire sinon de rester cantonnés à leur soue numérique.
La dernière défaite des néocons
L’image qui restera de la déroute occidentale, assez hussarde dans son genre, c’est celle du dernier général qui monte dans le dernier avion, le M16 à la main dans les lueurs d’un appareil photo thermique. On liquide et on s’en va. Elle ne cachera pas l’incroyable rapidité d’un effondrement américain en Afghanistan.
L’idéologie néoconservatrice, que l’on trouve également partagée chez les Républicains et les Démocrates, a prouvé encore une fois, après la deuxième guerre d’Irak, ou celle de Libye sous-traitée par le tandem Sarkozy-Cameron, qu’elle ne générait que des échecs sanglants.
Importer à coup de missiles une démocratie à l’occidentale au nom d’un universalisme marchand qui amènerait la paix avec « le doux commerce » cher à Montesquieu, ça ne marche pas. Au contraire, ça fait prospérer un islamisme radical qu’on a de plus en plus de mal à contenir depuis le 11 septembre 2001 où il nous a déclaré une guerre que nous somme en train de perdre, sauf peut-être au Mali où le redéploiement des forces françaises semble faire preuve d’un pragmatisme qui pourra éviter ce genre de catastrophe.
Bref, une guerre mondiale à bas bruit, le recul de la raison dans la nation de Descartes et l’attente de la prochaine catastrophe climatique, vous reconnaîtrez qu’il va être difficile de s’intéresser à la primaire de la droite ou à l’université d’été d’EELV…
Dans le manège fou où tournicotent nos prétendants à l’investiture présidentielle de la droite, mais qui va décrocher le pompon? Éparpillée façon puzzle et gênée par les ambitions prêtées au journaliste Eric Zemmour, la droite évitera-t-elle la foire d’empoigne? Pour l’instant, elle s’accorde déjà pour dire “non” à l’immigration.
La France doit-elle accueillir les migrants d’Afghanistan ? Eric Zemmour va-t-il se présenter à l’élection présidentielle de 2022 ? Depuis trois jours, telles sont les deux seules questions ayant ponctué nos émissions politiques et les débats sur les chaînes d’info en continu, à l’exception notable de « Face à l’info », l’émission de CNews où officie… Eric Zemmour justement.
Assurément, c’est donc à une bien curieuse rentrée médiatique que nous assistons. Tous nos éditorialistes fichent la paix au président Macron pendant ce temps, lequel a, grâce au tour de passe-passe du passeport sanitaire, atteint les objectifs de vaccination qu’il avait fixés au gouvernement (48.5 millions de Français ont reçu au moins une dose à la fin août).
Lundi à 19 heures, l’intellectuel favori de la droite faisait son retour à la télé. Celui que ses adversaires qualifient de « polémiste » semble avoir conclu un accord tacite avec l’animatrice Christine Kelly, pour que ses hypothétiques projets politiques ne soient pas abordés à l’antenne pour le moment. Résistant au chantage aux bons sentiments qui lui était fait, l’éditorialiste du Figaro a en revanche donné une réponse cinglante sur l’Afghanistan : « on ne doit pas accueillir le moindre Afghan. La France ne leur doit rien, ce sont eux qui nous doivent ! » Face à des interlocuteurs interdits devant tant de fermeté, il a précisé son point de vue :n’inversons pas les rôles, ce sont en réalité « 90 soldats français [qui] sont morts en allant se battre pour eux ».
Résumé des épisodes précédents
Mais résumons les épisodes précédents. À droite, le président de la région Hauts-de-France Xavier Bertrand est candidat à la présidentielle depuis mars, sans que grand monde ne soit franchement emballé. Depuis, cinq personnalités se sont déclarées candidates à une primaire organisée par LR, primaire à laquelle Bertrand refuse de participer.
Il y a la présidente de la région Ile-de-France Valérie Pécresse, favorite selon les sondeurs, l’ancien commissaire européen Michel Barnier, le député de Nice Eric Ciotti, l’entrepreneur Denis Payre, et le chef des urgences de l’hôpital Georges-Pompidou Philippe Juvin. Fortement pressenties pour se lancer à leurs côtés dans la course, deux hautes figures de LR s’abstiennent finalement : Laurent Wauquiez et Bruno Retailleau. À l’heure actuelle, il n’est même pas certain que le parti se résolve à organiser le fameux scrutin, même si cela reste l’hypothèse la plus probable si aucun candidat ne se détache fortement des autres dans un vaste sondage commandé par le parti et où le nom de Bertrand sera proposé.
Ce n’est pas la foire d’empoigne, c’est pire encore!
Reste que la multiplication de petites candidatures conjuguée à l’absence de tout enthousiasme fait déjà craindre que ce processus de sélection ne finisse par fragiliser grandement le candidat retenu. Après avoir indiqué qu’ils n’y allaient pas, Wauquiez et Retailleau, populaires auprès des militants, se sont même refusés à soutenir un prétendant à ce stade.
Alors que la France est plus à droite que jamais, LR pourrait paradoxalement voir s’échapper ses chances à l’élection présidentielle dans cette assez mauvaise dynamique. Rageant ! Et une misère, alors que le candidat de la droite républicaine aurait de fortes chances de l’emporter s’il était qualifié au second tour face au président Macron – dont la faiblesse sur les questions régaliennes est patente – ou face à Marine Le Pen – qui n’a jamais réussi à démontrer à l’opinion sa crédibilité sur les questions économiques, et dont le comportement actuel, si mesuré, est inhabituel pour un candidat de la droite nationale.
Zemmour refoulé au bal des prétendants à droite?
Impatients de découvrir le livre très attendu d’Eric Zemmour (un programme ?), tous les candidats de droite fustigent à présent l’immigration de concert, comme pour conjurer le sort. Eric Ciotti affirmait ainsi ce week-end que la droite devait “assumer ses idées pour que la France reste la France”. Le candidat souhaite revenir au droit du sang. Bertrand vient de proposer l’interdiction du salafisme, le très européiste Barnier propose un moratoire de cinq ans sur l’immigration, et la candidate la plus Macron-compatible Pécresse affirme désormais que le pays se disloque à cause de l’immigration incontrôlée et que la place d’un clandestin, “c’est dans un charter.” N’en jetez plus !
Ces points programmatiques des uns et des autres sur l’immigration étant rappelés, pourquoi dès lors Zemmour ne pourrait-il pas concourir à la primaire de la droite ? Pour Ciotti il n’en est évidemment pas question, car il craint vraisemblablement d’être écrasé. Selon Pécresse, naturellement, “un polémiste, n’est pas un politique”… Enfin, selon notre très fade président du Sénat Gérard Larcher, il n’en est pas question non plus, car Zemmour et les LR “ne partageons pas les mêmes valeurs”. Amusant, quand on sait que Bertrand et Pécresse avaient eux-mêmes quitté le parti à l’époque de Wauquiez sur des motifs assez similaires, et quand on observe qu’ils ont depuis repris plus ou moins attache avec leur parti d’origine… et toutes les marottes et analyses de l’éditorialiste !
De loin, le président Macron et Marine Le Pen observent ce petit manège. Le premier a évidemment intérêt à voir Eric Zemmour se présenter, ce qui lui faciliterait l’accès à une première place le soir du premier tour. Quant à la seconde, elle encaisse quand Eric Zemmour affirme que “tout le monde a compris au RN qu’elle ne gagnerait jamais”, mais n’en pense pas moins. Alors que le président veut reprendre l’avantage sur les questions sécuritaires en se rendant à Marseille ce mercredi, elle sait qu’elle peut compter sur des soutiens de poids dans la région et que, sans parti, Eric Zemmour n’est pas près d’avoir ses 500 signatures.
En évacuant les toxicomanes des Jardins d’Eole (18e arrondissement de Paris) au début de l’été, Anne Hidalgo a voulu invisibiliser un fiasco trop visible de sa politique. Mais les riverains demeurent en proie à une toxicomanie de rue inédite et éparse. Pierre Liscia fait le point.
Éole. Quel joli nom que celui d’Éole ! Un mot doux à l’oreille, qui fleure bon le grand air et qui évoque la légèreté de la feuille qui se laisse porter par le vent, papillonnante et tourbillonnante. Éole, c’est une promesse de sérénité, de quiétude et de liberté. Les jardins d’Éole, c’était ça : la promesse d’un grand parc pour les habitants du nord-est parisien qui aurait redonné une bouffée d’oxygène à un quartier enclavé, surdensifié et bétonnisé. Pourtant, ces derniers mois, Éole est devenu le symbole d’un cauchemar urbain au quotidien. Ce qu’Éole avait de doux s’est mue en une réalité dure et brutale. La bouffée d’oxygène est devenue suffocante. Quant à la promesse de liberté, elle s’est éteinte, asphyxiée sous une chape de crack.
Ceux qui se navrent aujourd’hui de voir les migrants plonger dans la toxicomanie sont les mêmes qui défendaient l’ouverture d’un centre d’accueil pour migrants au pied de la colline du crack…
Nul besoin de rappeler l’odieuse réalité de notre quotidien tant l’actualité des derniers mois a rapporté chaque jour son lot de témoignages épouvantables, d’agressions insupportables, de viols et un meurtre ignoble qui a suscité un vif émoi dans tout le quartier. Gare du Nord, porte de la Chapelle, porte d’Aubervilliers, Rosa Parks, Stalingrad, Éole… À chaque fois, les mêmes dénominateurs communs : la toxicomanie, le crack, l’insécurité. Derrière ces mots, des vies brisées par la drogue, des riverains abandonnés, des enfants terrorisés. Et des élus locaux aux abonnés absents, quand ils ne sont pas tout simplement méprisants.
L’indifférence d’Anne Hidalgo
Comment en est-on arrivé là ? Comment a-t-on pu laisser sombrer tant de quartiers de la Ville lumière dans les profondeurs de l’indignité, à la limite de l’inhumanité ? Comment la Maire de Paris – candidate putative à l’élection présidentielle – peut-elle être si indifférente à la détresse de ses propres administrés ? Comment la capitale de la cinquième puissance mondiale y a-t-elle perdu sa splendeur, son panache – et disons-le clairement – son âme, alors que cette triple catastrophe humanitaire, sanitaire et sécuritaire était largement prévisible, et donc évitable ?
Non seulement les pouvoirs publics ne se sont jamais donnés les moyens d’enrayer cette spirale mortifère du crack et de la toxicomanie de rue, mais pire, ils l’ont alimenté par leur inaction, leur attentisme, leurs improvisations permanentes et leur cynisme, avec au premier chef, la Ville de Paris.
Gesticulations politiques
Depuis trois ans, la crise du crack est la toile de fond d’une bataille politique et idéologique entre la Maire de Paris et le gouvernement, dont les figurants – ou plutôt devrais-je dire les premières victimes – sont les habitants oubliés du nord-est parisien. Pour eux, l’enjeu n’a jamais été d’apporter des solutions rapides et efficaces contre le crack ni de répondre aux attentes légitimes des riverains mais bien de s’engager dans des querelles aussi stériles qu’affligeantes : on s’emploie donc à se rejeter la responsabilité de ses propres échecs ; on se surpasse dans l’art de la joute, à la recherche de la formule qui fera mouche ; on en profite pour tenter de rassembler la gauche et l’extrême-gauche défenseuse des salles de shoot ou au contraire pour bomber le torse et rassurer son aile droite à grands renforts de gesticulations médiatiques et de discours martiaux qui ne seront jamais suivis d’effets.
Pierre Liscia est conseiller régional d’Ile-de-France, porte-parole de « Libres ! » et riverain du Jardin d’Eole
Et nous dans tout ça ? Rien. Ou plutôt si : pire ! Depuis les démantèlements successifs de la « colline du crack » à la porte de la Chapelle, les toxicomanes n’ont jamais cessés d’être déplacés de quartiers en quartiers, sans jamais qu’il ne leur soit proposé une solution durable et pérenne pour les sortir de la rue et les insérer dans un parcours de sevrage et de réinsertion sociale – une solution que nous proposons avec force depuis 2018 avec Valérie Pécresse, présidente de la Région Ile-de-France – pourtant la seule issue pour enfin sortir de l’ornière. Au lieu de ça, l’État évacue, encore et toujours, sachant pertinemment que sans structure de désintoxication avec prises en charge sanitaire et psychiatrique, les consommateurs n’ont aucune autre perspective que de se réinstaller quelques centaines de mètres plus loin, à la merci des dealers, des réseaux de prostitution et de traite d’êtres humains.
Le cocktail imbuvable de la Mairie
Cette crise du crack, c’est aussi une succession d’erreurs sciemment commises par la Maire de Paris, par excès d’orgueil et égo démesuré. La première est d’avoir précipité l’ouverture d’un centre d’accueil pour migrants à la porte de la Chapelle sans aucune concertation avec le gouvernement, et cela dans un quartier déjà très largement sinistré et surtout à quelques mètres à peine de la colline du crack qui préexistait déjà. Comment ne pas voir que la surconcentration de populations migrantes en situation d’extrême précarité sociale et de grande fragilité physique et psychique en proximité immédiate des toxicomanes et de leurs dealers était un cocktail dangereux qui allait dramatiquement aggraver la situation ? Alors qu’ils n’étaient que quelques dizaines de toxicomanes à la porte de la Chapelle en 2017, ils sont aujourd’hui plus d’un millier en errance dans le nord-est de Paris. Ceux qui se navrent aujourd’hui de voir les migrants plonger dans la toxicomanie sont les mêmes qui défendaient l’ouverture d’un centre d’accueil pour migrants au pied de la colline du crack.
La seconde erreur est de s’être entêtée à vouloir appréhender la question de la toxicomanie sous le prisme de la victimisation des consommateurs qui nécessiteraient d’être accompagnés dans leur addition plutôt que de les considérer pour ce qu’ils sont, à savoir des malades qui sont un danger pour eux-mêmes et pour autrui et qui nécessitent par conséquent d’être soignés. Aussi Anne Hidalgo s’est-elle longtemps gargarisé de son « plan crack » de 10 millions d’euros qui n’a servi qu’à créer des points de fixation de la consommation et du deal dans le nord-est et à accompagner dans leur dépendance les « usagers de drogues » comme il est désormais convenu de désigner les toxicomanes selon le jargon adopté par l’Hôtel de Ville, comme si la consommation de crack avait rang de service public. « Le plan crack est un fiasco ? Qu’à cela ne tienne ! Ouvrons donc des salles de shoot ! » s’exclame en chœur l’intelligentsia socialiste parisienne, faisant fi de l’expérience de la salle déjà ouverte depuis 2016 près de la Gare du Nord : explosion de la toxicomanie de rue dans le quartier au grand désespoir des riverains qui vivent au milieu du deal, des injections, des dégradations, des rixes, des cris et des agressions. L’ouverture de cette salle n’a pas non plus empêché́ la recrudescence du crack dans le nord-est de Paris, et pour cause, elle est réservée à la consommation de drogues par voie intraveineuse. Réclamer des salles d’injection pour lutter contre le crack qui s’administre par inhalation est une ineptie révélatrice de l’inquiétante méconnaissance de la Ville des enjeux du crack.
Le coup de balai électoraliste d’Hidalgo
Enfin, l’ultime erreur – et non des moindres ! – est d’avoir pris la décision unilatérale d’expulser les toxicomanes des jardins d’Éole en juin dernier, sans s’en être concertée avec les services de l’État et malgré l’inquiétante mise en garde du Préfet quant à une dissémination des consommateurs dans le quartier qui rendrait la situation pour les forces de sécurité comme pour les riverains encore plus compliquée qu’elle ne l’était précédemment. Qu’importe, il fallait à tout prix éviter que la crise à Éole ne vienne perturber le lancement du mouvement « Idées en Commun » début juillet, premier étage de la fusée destinée à propulser Anne Hidalgo dans la course à l’Élysée.
Aujourd’hui, les toxicomanes poursuivent leur errance le long des grilles des jardins d’Éole sous les yeux des habitants découragés, écœurés et méprisés. Les enfants reprennent le chemin de l’école, la boule au ventre. Le quartier s’enlise, doucement mais inéluctablement. Qui s’en soucie ? Il y a fort à parier qu’Éole reste encore un bout de temps le doux mot d’une dure réalité.
Toujours plus prompte à dénoncer une caricature de son prophète que des conversions forcées, des meurtres ou des viols commis au nom de l’islam, la communauté musulmane s’est fort peu exprimée sur la victoire des Talibans en Afghanistan.
Bien sûr, certaines pudeurs diplomatiques sont inévitables, et ne sauraient être reprochées à la LIM ni à l’OCI, et les déclarations officielles de telles institutions sont par définition des compromis complexes. Restent trois points saillants qui doivent être soulignés.
La victoire des Talibans entérinée
Le premier est l’appel à l’unité de l’Afghanistan et à la paix entre musulmans, autrement dit un rejet de tous les mouvements de résistance armée et des manifestations d’opposition au nouveau pouvoir, donc une reconnaissance de la victoire des Talibans et un soutien de fait à leur autorité. On peut n’y voir que le souci d’éviter de nouveaux affrontements et des massacres, on peut aussi se rappeler que le Pakistan joue un rôle important au sein de la LIM comme de l’OCI, et que le Pakistan est l’allié indéfectible des Talibans. Sans oublier, bien sûr, que nombre de pays musulmans préfèrent sans doute une théocratie islamique à une tentative de sécularisation de la société, qui plus est à la sauce américaine.
Le second est une absence, un silence assourdissant : on chercherait en vain, dans ces prises de position officielles, l’embryon du début du commencement d’une condamnation de l’idéologie des Talibans ou de l’oppression théocratique totalitaire qu’ils se sont d’ores et déjà attelés à mettre en œuvre. N’en seront surpris que ceux qui croient encore au slogan creux de l’islam « religion de paix et de tolérance ».
La défense de l’universalité de la religion islamique avant tout
Le troisième est l’emploi surabondant du langage du droit et des traités internationaux, et il mérite d’être soigneusement analysé. La LIM appelle « à respecter les droits et libertés légitimes » en se référant à la charte de la Mecque et à la charte de l’OCI, faisant donc siens ses principes, et l’OCI ne revient évidemment pas sur ce texte fondateur. Voilà qui en dit long sur ce que ces deux instances considèrent « légitime » en termes de droits et de libertés.
La charte de l’OCI, en effet, contient plusieurs éléments pour le moins problématiques. On note, par exemple, « défendre l’universalité de la religion islamique » (en clair : favoriser le prosélytisme avec pour but de convertir le monde entier à l’islam), « inculquer les valeurs islamiques au moyen de l’éducation » (là encore, le prosélytisme à destination des plus jeunes, naturellement plus influençables), « aider les minorités et communautés musulmanes vivant à l’extérieur des États membres à préserver leur dignité et leur identité culturelle et religieuse » (refus de toute assimilation des communautés musulmanes à des civilisations et cultures non islamiques, autrement dit : promotion active du séparatisme), « soutenir la lutte du peuple palestinien actuellement sous occupation étrangère » (voilà qui semble assez clair). On peut ajouter « lutter contre la diffamation de l’islam » (donc refus de la liberté d’expression et volonté d’instauration d’une censure mondiale), « veiller à la sauvegarde des valeurs inhérentes à la famille islamique », et ainsi de suite.
Cette charte, en somme, est similaire à la Déclaration du Caire d’août 1990 de la même OCI, plus explicite encore et ratifiée par ses 57 états membres, qui reprend le vocabulaire des droits de l’Homme mais en transforme radicalement le sens tout en se voulant de portée universelle.
Article 9 : « L’enseignement est un devoir de l’État et de la société (….) de sorte que l’homme puisse connaître la religion islamique. » Article 10 : « L’islam est la religion naturelle de l’homme. Il n’est pas permis de soumettre ce dernier à une quelconque forme de pression ou de profiter de sa pauvreté ou de son ignorance pour le convertir à une autre religion ou à l’athéisme. » Autrement dit : enseigner l’islam est obligatoire, enseigner l’athéisme, l’agnosticisme ou une autre religion est interdit – puisqu’un enfant étant naturellement ignorant, lui enseigner autre chose que l’islam sera nécessairement « profiter de son ignorance » pour l’écarter de son « état naturel », qui est d’être musulman.
La sinistre précision de Zabihullah Mujahid
Article 19 : « Pas de crime et pas de peine sinon conformément aux normes de la Loi islamique ». Article 22 : « Tout individu a le droit d’appeler au bien, d’ordonner le juste et d’interdire le mal conformément aux normes de la Loi islamique ». En clair : seule la loi islamique, la charia, est légitime, et tout individu a le droit d’appeler à suivre la charia plutôt que la loi du pays où il se trouve, y compris en « ordonnant » et en « interdisant », donc en imposant cette charia là où il se trouve.
Enfin, en conclusion, article 24 : « Tous les droits et libertés énoncés dans ce document sont subordonnés aux dispositions de la Loi islamique » et article 25 : « La Loi islamique est la seule source de référence pour interpréter ou clarifier tout article de cette déclaration. » Difficile de faire plus explicite : la charia comme loi universelle, voilà qui fait rêver….
Ce ne sera pas une surprise de constater que les Talibans usent désormais de la même rhétorique, par exemple lorsque leur porte-parole Zabihullah Mujahid déclare : « Les femmes vont être très actives dans la société mais dans le cadre de l’islam. » Tout est dans cette sinistre précision : « mais dans le cadre de l’islam. »
Inutile de multiplier davantage les citations ni les exemples. Le fanatisme théocratique des Talibans est un cas extrême dans sa mise en œuvre, mais il n’est en rien une rupture par rapport à la situation générale du monde musulman, et se situe dans une parfaite cohérence idéologique avec l’islam « normal ». Qu’on ne vienne pas nous dire que l’OCI et la LIM « ne sont pas l’islam », ou « ne représentent pas l’islam », ou sont induits en erreur par de mauvaises traductions du Coran et des hadiths !
Condamner l’obscurantisme qui triomphe en Afghanistan est une nécessité. Mais ces condamnations, si sincères soient-elles, seront inutiles si elles ne s’accompagnent pas de condamnations plus sévères encore de tout ce qui, dans l’islam, conduit à cet obscurantisme, et menace les fondements mêmes de l’humanité de l’Homme, dans les rues de Trappes comme dans celles de Kaboul.
Récemment, Pierre Cormary a publié dans Causeurun article particulièrement agressif contre les opposants au passe sanitaire, qu’il a évidemment amalgamé avec les « antivax » afin de mieux réussir son opération de dénigrement. Je suis moi-même un opposant au passe sanitaire, pas hostile au vaccin tant qu’il s’agit d’une décision individuelle, libre et éclairée, mais tout à fait sceptique quant à la politique de vaccination industrielle. Le texte qui suit est la réponse d’un citoyen français représentatif de quelques millions d’autres qui, lorsqu’ils sont insultés, méritent bien d’être ensuite défendus.
Dans la mesure où les opposants au passe sanitaire, à la vaccination comme thérapeutique de masse et même au vaccin lui-même ont été rangés dans le coin des obscurantistes, des illuminés et des arriérés, il convient de commencer par rétablir une vérité : une étude menée par le prestigieux MIT révèle « qu’une partie importante du scepticisme en matière de santé publique est très informée, scientifiquement instruite et sophistiquée dans l’utilisation des données. Les sceptiques ont utilisé les mêmes ensembles de données que ceux ayant des opinions orthodoxes sur la santé publique ». L’idée que seuls les amoureux du passe sanitaire et du vaccin lisent les études est un mythe répandu par ceux qui ont besoin de faire passer leurs adversaires pour des semi-fous incultes. À l’inverse, il faudrait plutôt faire une grande enquête pour savoir si les amoureux du passe et les vaccinolâtres sont, en nombre, plutôt des auditeurs de BFM ou des lecteurs du Lancet. Mon petit doigt me murmure que les résultats d’une telle enquête pourraient en surprendre plus d’un.
L’opposition au passe sanitaire n’est pas l’opposition au vaccin, encore moins aux vaccins en règle générale. Le passe sanitaire est un sujet politique et social, le vaccin est un sujet médical. Parmi les opposants au passe, il y a des vaccinés (j’en transporte moi-même deux ou trois par samedi dans ma voiture lorsque nous nous rendons aux manifestations) qui le sont pour raisons personnelles et médicales, mais qui refusent par principe de faire de leur état vaccinal une occasion de jouir de droits supplémentaires dont on priverait les autres. La vérité est qu’il est moralement très difficile de dire à des gens qu’ils ont tort de se plaindre que la liberté n’est plus la même entre tous les citoyens selon qu’ils sont ou non vaccinés. Voilà pourquoi certains malveillants font mine d’amalgamer ces citoyens à des « antivax », parce qu’il est bien évidemment plus facile d’attaquer et de ridiculiser un homme qui rejette la science plutôt qu’un homme qui rejette Olivier Véran. Cet amalgame volontaire est d’ailleurs un aveu involontaire des militants du QR-Code : s’ils pensaient sincèrement que notre opposition au passe suffisait à nous faire passer pour des déments, ils n’auraient pas besoin de rajouter le volet « antivax » pour nous discréditer.
« Antivax » ou citoyens inquiets ?
Et d’ailleurs, qu’est-ce qu’un « antivax » ? J’ai effectivement croisé quelques personnes qui considèrent de longue date que les vaccins sont un poison. Ceux-là n’ont pas abandonné cette idée à l’occasion du dernier vaccin en date. J’affirme cependant qu’ils sont une ultra minorité que je ne rencontre d’ailleurs jamais ni dans les manifestations ni dans mes nombreuses discussions avec toutes sortes de personnes sur les réseaux sociaux ou dans « la vraie vie ». Par contre je vois beaucoup de gens qui manifestent une crainte sincère et un doute honnête à l’endroit des nouveaux vaccins. Mais cette crainte est légitime ! Pour plusieurs raisons :
Nous nous souvenons des déclarations du professeur Éric Caumes (pas connu pour son complotisme) qui le 10 décembre 2020 s’inquiétait de la fréquence inhabituellement élevée des effets secondaires du vaccin Pfizer ; nous nous souvenons aussi des premières déclarations du professeur Alain Fischer qui, intervenant en direct le 3 décembre 2020 aux côtés de Jean Castex, admettait au moment de lancer la grande campagne de vaccination qu’il n’existait aucune étude scientifique sur les vaccins mais seulement des données du fabricant, et que nous n’avions pas de données réelles sur l’efficacité du vaccin en matière de protection et d’infection ; nous n’avons pas oublié la médiatisation des cas de paralysies faciales ou des cas de thromboses observés après des injections. Nous avons vu également, toujours en gros titres dans les médias, les annonces anxiogènes de ces multiples pays européens qui, les uns après les autres, suspendaient la vaccination avec AstraZeneca. Cerise sur la gâteau et couac ultime : le 14 mars 2021, le Premier ministre Jean Castex disait textuellement «il faut avoir confiance dans le vaccin AstraZenaca », or dès le lendemain 15 mars la France suspendait temporairement l’utilisation de ce vaccin… Et surtout, nous avons tous remarqué qu’après avoir longuement commenté ces cas de paralysies faciales et de thromboses, subitement ce sujet a disparu purement et simplement des médias. Alors que le nombre d’injections augmentait au fur et à mesure des semaines, ce qui aurait dû entraîner mécaniquement une augmentation des effets secondaires, les médias ont du jour au lendemain observé un mutisme déroutant qui a beaucoup contribué à nourrir la suspicion.
Ceux que l’on appelle trop légèrement des « antivax » sont avant tout, pour l’immense majorité d’entre eux, des citoyens qui ne savent plus sur quel pied danser face à tellement de retournements, d’informations contradictoires et d’opacité. Il suffit pourtant d’aller à leur rencontre pour s’en convaincre : le vaccin, ils ne demandent qu’à y croire comme ils croient à la chirurgie, aux antibiotiques, aux antalgiques et à l’alimentation équilibrée. Pourquoi ces Français qui ne rejettent rien de l’arsenal médical auraient subitement à l’endroit des vaccins en particulier une position irrationnelle et démente ? Les pourfendeurs « d’antivax » ne répondent jamais à cette question. Ils préfèrent constater qu’il existe des sceptiques et les insulter au lieu d’interroger les raisons du scepticisme. Il faudra bien un jour qu’ils nous expliquent pourquoi cette haine que je trouve, personnellement, bien plus irrationnelle que le scepticisme vaccinal.
Attaquer les fauteurs de scepticisme plutôt que les sceptiques
Comme a dit le professeur Raoult devant Laurence Ferrari le 23 août 2021 sur Cnews : « Ce qui a fait naître les « antivax » partout dans le monde, ce sont les erreurs politiques. Il y a toujours des gens qui étaient un peu contre la vaccination mais c’était marginal […]. Si on force les gens, plus on les force, plus ils se méfient et plus ils se demandent ce qu’il se passe ». Aux erreurs politiques, nous pouvons ajouter comme explication du scepticisme l’attitude des journalistes qui, en se taisant soudainement sur un sujet sensible qu’ils avaient commencé à aborder, ont forcément encouragé involontairement l’idée qu’une omerta avait été décidée par eux tous, ce qui n’est jamais fait pour rassurer l’opinion.
Pourquoi faire tous ces rappels ? Même pas pour dire que les vaccins contre le Covid sont nocifs, dangereux ou qu’ils vont provoquer une hécatombe car je ne le pense pas. Je fais ces rappels parce qu’ils justifient à mon avis le scepticisme, qu’ils l’expliquent et j’ose le dire : qu’ils le rationnalisent. Ce qui, je le dis encore, ne veut pas dire qu’il faut avoir peur du vaccin : je dis qu’il n’est pas étonnant et même qu’il est normal que des gens aient peur après qu’autant d’éléments soient venus leur apporter autant de raisons (fondées ou non) d’avoir peur. À cause des attentats, beaucoup de nos compatriotes ont peur lorsqu’ils croisent dans la rue ou dans le train un homme à longue barbe et djellaba. Dans l’immense majorité des cas, cet homme ne va pourtant pas les assassiner, néanmoins peut-on reprocher à un citoyen qui connaît la menace terroriste d’avoir peur lorsqu’il croise ce qui ressemble d’aussi près à un terroriste tel qu’il apparaît dans les médias depuis des années ? La gauche a pris l’habitude d’appeler « raciste » le citoyen français qui craint pour sa sécurité. Ne commettons pas l’erreur d’appeler bêtement « antivax » le citoyen qui craint lui aussi, et tout aussi légitimement, pour sa sécurité.
Qui plus est, depuis dix-huit mois nous assistons à une gestion de crise chaotique où erreurs, imprécisions, ratés et couacs se succèdent. Sur la seule partie dite de la « première vague », j’ai eu assez de matière dans ce domaine pour commettre tout un livre. Si j’avais poursuivi ce travail, j’en serais au quatrième tome tant il y a à dire. Ce que nos dirigeants paient aujourd’hui, ce n’est pas le prix d’une défiance populaire irrationnelle et incompréhensible, c’est la facture de toutes leurs erreurs. Et on ne peut décemment pas reprocher à la main qui s’est fait mordre plusieurs fois de ne plus vouloir s’approcher de la gueule du loup.
Finalement, la macronie a joué un coup politique bien habile en réussissant à créer dans la population les conditions d’un clivage autour du passe sanitaire : de cette manière, au lieu que tout le monde exige des comptes aux véritables responsables de ce désastre, voilà que la classe des privilégiés fabriqués par le passe sanitaire se retourne contre les gueux irréductibles, contre les manifestants pouilleux et les « antivax » incultes pour déverser sur eux une colère qui prend trop souvent la forme de la haine. Si j’observais la situation depuis la fenêtre d’un ministère, je me frotterais les mains. Divide et impera, toujours.
Le pronostic vital civilisationnel de la France est engagé, selon Jean Messiha. La campagne de promotion de la laïcité à l’école est révélatrice des menaces que fait peser une jeunesse immigrée volumineuse et non assimilée sur le pays.
Les atteintes inédites au principe de laïcité sont devenues telles dans notre société que le ministre de l’Éducation Nationale a dû se fendre d’une campagne très médiatique de promotion de ce principe cardinal dans nos écoles. Une initiative dont l’intensité ne m’inspire, je dois l’avouer, aucun souvenir. Ni en tant qu’élève, ni en tant qu’enseignant à mes heures, ni en tant que parent d’élèves. Ce pilier de la République semblait si solide ! Et pourtant…
Jean Michel Blanquer n’a pas eu tort. Mais il a tout de même fait violemment réagir les médias de gauche, de nombreux syndicats ainsi qu’une foultitude de commentateurs. En cause, les personnages des huit panneaux publicitaires vantant la laïcité. 19 écoliers, collégiens et lycéens censés représenter la jeunesse scolaire française.
Le ministère a peut-être grossi un peu le trait. Mais pas tant que cela
Des décennies pourtant qu’on reproche à l’« extrême-droite » de voir des « bronzés » partout. Mais cette fois, c’est la bien-pensance qui s’émeut d’en voir autant. Et de fait cette campagne, d’ailleurs plutôt réussie sur le plan photographique avec de jeunes hautement sympathiques, expose des visages et des prénoms majoritairement issus de ce qu’il est convenu d’appeler la diversité. Jugez-en.
D.R.
Milhan, Aliyah, Kellijah, Neissa, Malia, Imran Ismaïl, Elyjah : huit jeunes sur 19 incarnent la composante maghrébo-musulmane de la population française. Edene et Tidiane représentent l’Afrique sub-saharienne, tandis que Ava et Alex illustrent le métissage. Le jeune Lenny, lui, est à peine discernable. Axelle, quant à elle, porte les traits de la jeunesse indochinoise ou chinoise.
Surreprésentation des populations « non-blanches »
Quid des enfants du peuple historique de métropole, sachant que c’est à cette partie du pays que la campagne s’adresse puisque les Outre-Mer, très faiblement islamisés à l’exception de Mayotte, ne sont pas touchés par la contestation de ce ciment du vivre-ensemble ? Pour le dire crûment quid des « Blancs » ? De façon « visible » nous avons Eva, Erynn, Sacha, Paloma, Romane et Simon et peut-être Inès, soit sept sur 19. Clairement, et sans jeu de mots, moins de la moitié. Pourquoi cette composition, qui n’est évidemment pas le fruit du hasard tant la « com » publique et privée est aujourd’hui obsédée par la question de la « juste » représentativité ethnique ?
Les critiques du ministre y voient une surreprésentation des populations « non-blanches » car ce serait elles qui posent le plus de problèmes et à qui cette grande valeur républicaine pose le plus de problèmes. Un ami me disait à ce sujet : « tu sais quand on fait une campagne de vaccination contre la grippe on ne montre pas des jeunes en pleine forme en train de faire un footing, mais plutôt des personnes âgées ». Cette explication pourrait se tenir mais la question est plus complexe que cela. Se superposent deux réalités. La première est celle du lent et grand remplacement dans les établissements publics de la jeunesse du peuple européen des origines par la jeunesse de l’immigration arabo-afro-musulmane. Le ministère a peut-être grossi un peu le trait. Mais pas tant que cela.
La composition ethnique présentée dans cette campagne publicitaire est en dessous de la réalité dans de nombreux territoires où les jeunes blancs ne sont plus qu’une poignée par classe, soit parce que les parents ont fui ces zones soit, quand ils en ont les moyens, ils mettent leurs enfants dans le privé. C’est moins le cas dans les établissements publics des quartiers encore « corrects » ou « huppés » des centres-villes ou des rares banlieues « préservées ». Le prix au mètre carré agissant encore comme un rempart à l’invasion, on peut y mettre ses gosses à l’école, collège et lycée sans qu’ils ne risquent de se racailliser.
« Se racailliser » ? – Mais c’est horrible de parler comme ça ! », zinzinulera la mafia gaucho-macrono-progressiste. Bah, ce n’est effectivement pas le langage que cette mafia utilise dans ses dîners en ville pour expliquer ses propres stratégies d’évitement. Ses chantres parleront plus pudiquement de « problèmes de niveau et de discipline », etc. Ce n’est qu’après quelques verres qu’ils commencent à se lâcher… pour finir par avouer l’inavouable réalité : « Trop d’immigrés ! Et pas n’importe lesquels. Pas les enfants du maçon portugais, du restaurateur chinois, du pizzaiolo italien, etc. ». On se comprend à demi-mots chez « ces gens-là », comme disait Brel.
Ne parlez pas de mixité ethnique, dites “mixité sociale”!
Mais vous allez être rattrapés par la patrouille chers amis évasionnistes de la diversité scolaire, que vous prônez pour les classes populaires blanches. Macron, qui s’en fout car il n’a pas de gosses, et Brigitte qui a enseigné toute sa vie dans l’enseignement privé catholique, veulent « plus de mixité sociale ». Lisez : « plus de mixité ethnique » dans les coins encore à peu près français. Et c’est Emmanuelle Wargon, ministre du Logement habitant une belle villa dans la très chic banlieue est-parisienne de Saint-Mandé, qui est à la manœuvre. Avec France-Stratégie, think-tank gouvernemental, elle traque les zones encore trop blanches afin que l’on y transfère le maximum de non-blancs via le logement social. Du coup, les établissements scolaires seront plus « mixtes ». Au fond, Macron vous met face à vos responsabilités. Vous voulez plus d’immigration en votant pour lui ? Eh bien mettez vos pratiques en cohérence avec votre vote et vivez pleinement le changement de peuple en allant vous installer dans un de ces nombreux territoires où le peuple a déjà changé !
Passons à la deuxième réalité. La laïcité est effectivement menacée partout en France et pas seulement à l’école. L’explication est toujours la même : le grand remplacement dans sa composante principalement islamique, réalité que la campagne publicitaire de Jean-Michel Blanquer tait sciemment comme si la laïcité était seulement une affaire de couleur de peau. En effet, la République a accueilli les Arméniens (fervents chrétiens), les Italiens, les Polonais, les Portugais, les Espagnols, etc., autant d’immigrés qui venaient de pays profondément imprégnés de catholicisme ; la République a également accueilli les Juifs d’Afrique du Nord, souvent très croyants, et naturellement les Chrétiens d’Orient, eux aussi souvent assez dévots. À quel moment cette même République a-t-elle eu à défendre la laïcité face à ces immigrations-là ? Jamais ! C’est l’islam, religion anti-laïque par nature, qui se confronte à ce qui est pour elle une aberration. La preuve est qu’à part les ex-républiques soviétiques d’Asie Centrale soumises, comme la Russie blanche, à une vigoureuse épuration anti-religieuse, et une poignée d’ex-colonies françaises de populations musulmanes mais qui ont hérité de nos institutions, le monde musulman n’est pas laïc. Soit l’islam est religion d’État, soit il est reconnu officiellement comme religion majoritaire et dominante.
Prenons même la Tunisie dont on nous a tant vanté la quasi-laïcité. Comme le décrit très bien un article du Point du 24 janvier 2014, c’est un fantasme. Cet article affirme que « La Constitution est écrite « Au nom de Dieu le clément, le miséricordieux », le préambule exprime « l’attachement de notre peuple aux enseignements de l’islam » et l’article premier définit, comme dans la loi fondamentale de 1959, la Tunisie comme « un État libre, indépendant et souverain, l’islam est sa religion ».
Revenons à notre France. Face à la laïcité, la communauté musulmane se divise en trois catégories. La première catégorie est constituée d’une petite minorité de musulmans de culture qui a pleinement adopté la neutralité religieuse et la défend ardemment. Nous en voyons régulièrement des exemples admirables et courageux sur nos plateaux télé. La deuxième catégorie regroupe une part importante de la Oumma française qui « vit avec » la laïcité, tout en pestant à bas bruit contre cette manifestation de la mécréance qu’elle dénonce à la maison devant les enfants. Et enfin, troisième catégorie, il y a cette minorité qui, elle, est ouvertement contre. Sous prétexte de combat contre l’islamophobie, elle milite pour que notre société tolère la prolifération des signes de séparatisme islamique. Les premiers s’en inquiètent et ils ont raison, les seconds attendent la victoire des troisièmes pour vivre « normalement » c’est-à-dire comme des musulmans dans un pays musulman.
Le constat est sinistre car le pronostic vital civilisationnel de la France est engagé. Notre nation a été empoisonnée par des « belles âmes » et des « grandes voix » qui, au nom d’un humanisme et d’un « progressisme » totalement dévoyés, ont livré notre société occidentale de progrès à la conquête territoriale et culturelle de peuples, non seulement non-européens mais au mieux rétifs, au pire hostiles à notre mode de vie et à nos modes de pensée.
Trop tard?
Faut-il pour autant baisser les bras et se réfugier dans le fatalisme ? Il est tard. Très tard. Mais pas trop tard. Je partage l’opinion de mon ami Eric Zemmour. La France n’a pas dit son dernier mot. Ou plutôt, elle n’a pas exhalé son dernier souffle. À une autre époque et dans des circonstances beaucoup plus tragiques, les combattants de Stalingrad avaient toutes les raisons de désespérer, de croire que tout était fini, qu’ils ne pourraient jamais venir à bout des loups venus les dévorer. Et pourtant, en se battant rue par rue, maison par maison, en allant puiser au tréfonds de l’âme russe, ils ont trouvé la force de tenir puis, progressivement, de repousser l’invasion.
Les temps ont changé et heureusement notre combat est devenu plus idéologique, politique, médiatique, électoral, législatif et juridique. Pour sauver la France il ne sera pas nécessaire de mourir sous les bombes ou de faire face à la mitraille ennemie, mais de choisir, dans les urnes, ceux qui ont fait vœu de faire don d’eux-mêmes à la plus belle des causes. Celle de la France. Celle d’une République que nous entendons garder française.
Les fadaises progressistes et les délires radicaux de Bayou, Rousseau, Piolle et quelques autres ont réduit au silence leur seul espoir Yannick Jadot…
Les propos et les écrits de Julien Bayou et Sandrine Rousseau, prédicateurs exaltés de ce culte millénariste et apocalyptique, le prouvent. Ils veulent purifier la terre, abattre à jamais le carcan oppressant du vieux monde. Sur les ruines d’une civilisation occidentale désespérément coupable de tout, faire danser les sorcières délivrées, rejetant les oripeaux étouffants de la raison pour s’abandonner aux enchantements des sorts. Sous les noirs nuages des centrales à charbon et à gaz qui remplaceront les centrales nucléaires, bercée par le grincement lancinant des éoliennes qui auront pris la place des forêts, la France s’unira enfin « en vert et pour tou.tes » – mais dans des ateliers en non-mixité.
Les gauchistes ont éclipsé Jadot, le candidat le plus raisonnable
Rendons grâce àSandrine Rousseau de dire tout haut ce que son parti pense tout bas : par elle, nous savons enfin quel est l’avenir pour lequel les bobos des grandes villes ont voté aux dernières municipales. Ce sera « la fin d’une époque de souillure », le monde ne « crèvera » plus de « trop de rationalité », « les femmes qui jettent des sorts » auront la première place plutôt que « les hommes qui construisent des EPR », et les « potentiels terroristes » pourront tous venir en France, ce qui « permettra de les surveiller » – sans doute grâce aux sorts jetés par les femmes, puisque caméras, bracelets électroniques et autres portes blindées sont logiquement à rejeter car purs produits de cette rationalité dont le monde crève. Vade retro, vous qui pensiez que la baisse historique de la mortalité infantile et l’éradication de la peste étaient dues aux disciples d’Hippocrate et de la logique d’Aristote ! Louée soit EELV pour nous avoir fait connaître Sandrine Rousseau, louée soit l’université française pour avoir nommé vice-présidente cette exceptionnelle visionnaire.
Oui, EELV nous ouvrira les portes d’un avenir formidable (du latin formidabilis : affreux, redoutable). Un avenir où la laïcité interdira aux élus les célébrations catholiques traditionnelles mais les encouragera à poser les premières pierres de nouvelles mosquées, comme avec Grégory Doucet. Un avenir où les sapins de Noël seront interdits pour mettre fin à l’intolérable massacre de la flore, mais où l’égorgement sans étourdissement de centaines de milliers de moutons pour l’Aïd El Kébir ne posera aucun problème, comme avec Pierre Hurmic.
Du passé, ils font table rase
Et que résonne, à défaut de raisonner, la parole de Julien Bayou, qui avec une humilité de prophète nous transmet les propos de ceux qui l’inspirent, et les mets en exergue de son livre pour mieux nous délivrer son message : « nous n’avons pas peur des ruines, nous qui portons un monde nouveau dans notre cœur » de Buenaventura Durruti, et « il faut choisir entre le champagne pour quelques-uns et l’eau potable pour tous » de Thomas Sankara.
Du passé faisons table rase, les temps nouveaux sont venus, abolissons tout raffinement pour ne garder de l’Homme que ses besoins vitaux. Révolution, anarchie et ascétisme, éblouissante rencontre des débuts du communisme marchant vers les goulags, et d’un je-ne-sais-quoi qui évoque Savonarole et ses autodafés.
Réjouissez-vous ! Grâce à EELV, la France pourra participer sans retenue au saccage de la civilisation occidentale, transformer les jardins de Versailles en kolkhozes (pardon, en potagers participatifs auto-gérés), les vignobles de champagne qui assoiffent les pauvres en champs de capteurs solaires, et les bâtiments historiques en centres d’accueil de « potentiels terroristes ». Loin de cette rationalité dont le monde crève, nous aurons le niveau technologique et l’hygiène d’une ZAD mais les maîtres de la Chine trembleront devant la puissance de nos « femmes qui jettent des sorts », et la force de notre exemple les convaincra de ne plus polluer, de respecter les droits de l’Homme et par-dessus tout de faire pipi sous la douche pour économiser l’eau.
Quelle énergie !
Pour un peu, on serait tenté de croire qu’en réalité EELV est dirigée en sous-main par un complot de pollueurs sans scrupules, tant ils consacrent d’énergie et de créativité à décrédibiliser l’écologie. Or l’écologie, la vraie, est un sujet important et sérieux. Les inégalités sont un sujet important et sérieux, à l’heure où 26 personnes possèdent plus à elles seules que la moitié des habitants de la planète réunis. L’incomplétude de la raison humaine, la place de l’intuition, de l’inspiration, de l’enthousiasme, de la foi et des mystères, sont des sujets importants et sérieux. Le féminin sacré et la part féminine du Divin sont des sujets importants et sérieux. La question de savoir si nous devons transmettre quelque chose de ce que nous avons reçu, ou s’il faut anéantir la seule civilisation à avoir d’elle-même aboli l’esclavage et inventé la science expérimentale, est un sujet important et sérieux. L’avenir de la France est un sujet important et sérieux.
Ce sont même des sujets beaucoup trop importants et beaucoup trop sérieux pour qu’on permette aux apprentis sorciers d’EELV d’en faire un champ de ruines.
Les années 1970 auront été décisives pour l’École. Le collège unique, le regroupement familial, des programmes revus partout à la baisse, l’Histoire-Géographie devenue matière d’« éveil », et la baisse de l’horaire obligatoire, cela ne suffisait pas. On inventa la « massification », corollaire du collège unique. Et pour sanctifier ce melting pot pédagogique, on instaura un égalitarisme forcé…
Un phénomène parallèle se fit alors jour à l’université. Nombre d’enseignants qui savaient bien qu’ils ne brilleraient jamais dans leur discipline glissèrent vers la didactique de cette discipline. Vous êtes « philosophe » (ainsi appelle-t-on en France, très abusivement, les profs de philo), vous savez que vous n’êtes pas Kant et que vous ne serez jamais Alexis Philonenko, sans doute l’un de ses plus brillants commentateurs : il vous est encore possible de devenir didacticien de la philosophie — ou comment enseigner ce que vous ne maîtrisez que de façon médiocre. Il en fut de même en Lettres, en Maths, en Langues, en Histoire. On créa, pour satisfaire la demande, une foule de postes de pédagogie qui greva lourdement les capacités de renouvellement des autres disciplines.
À la source de ce mouvement réside une haine de l’élitisme. Les pédagogues sont, en très grande majorité, des gens qui ont échoué aux divers concours qui jalonnent la carrière — de l’entrée à l’ENS à l’Agrégation. Ils se sont rabattus sur des « recherches » parées d’une aura scientifique usurpée.
Nous avons tellement baissé la barre qu’elle est désormais au ras des pâquerettes — et nous persistons à distribuer des médailles en chocolat — le Brevet ou le Bac, par exemple — à des culs-de-jatte du cerveau, atrophiés par nos soins — et sur ordre…
Ils ont donc une grande méfiance pour les gens trop doués. La médiocrité — au sens de meden agan delphien : rien de trop — est leur tasse de thé.
Il fallait donc nécessairement baisser la barre, et cette métaphore empruntée au saut en hauteur fait pleinement sens. C’est par l’Éducation Physique et Sportive (EPS) que le pédagogisme est entré à l’école.
Tous ceux dont les dispositions à l’envie et à la jalousie l’emportent sur leur propension à admirer comprendront mon propos. Il y a, pour un sous-doué du muscle, quelque chose d’insultant dans la facilité avec laquelle un camarade de classe saute 1m80 en hauteur en Troisième ou court, à la même époque, le 80 m en 9 secondes. Les anciens classements de l’EPS se fondaient sur la performance — anti-égalitaire par essence. On changea cela en appréciant désormais la cohérence entre le projet de l’élève et sa réalisation : j’envisage de sauter 80cm en hauteur, et j’y parviens, j’ai 20. J’envisage de sauter 1m80 et je ne dépasse pas, ce jour-là, 1m75, je suis admonesté sérieusement. La médiocrité — au sens moderne cette fois — s’est ainsi mise en place.
J’écris ces lignes pendant que des athlètes magnifiques disputent les Jeux Olympiques au Japon. Un Italien remporte le 100m (et remportera le 4×100 avec son équipe), un autre est médaille d’or en hauteur. Et trois Suissesses se placent aux trois premières places du cyclisme de cross-country. Quant aux Allemands ou aux Anglais, ils opèrent leur rafle habituelle. La France, en athlétisme, est très loin. Elle est désormais impuissante — non seulement face aux grandes nations de la spécialité que sont les États-Unis ou la Jamaïque, mais face à ses voisins européens.Sans doute notre pays a-t-il un peu trop fait sienne la devise fameuse de Coubertin, « l’important c’est de participer. »
Non. L’important, c’est d’être le meilleur.D’aller tout au bout de ses forces. De se transcender. De dompter la souffrance. Et de passer la ligne le premier.
Rappelons que les athlètes français tutoyèrent longtemps l’excellence. Sans remonter à Jules Ladoumègue, on se rappelle avec émotion les performances de Michel Jazy, de Roger Bambuck, de Colette Besson ou de Marie-José Pérec. C’est du passé : la médiocrité a gagné l’élite. Ce n’est pas moi qui l’affirme, mais Kevin Mayer, qui malgré un lumbago tenace a remporté l’argent dans l’épreuve la plus belle et la plus inhumaine des Jeux, le décathlon — comme à Rio en 2016. Interviewé par Le Point.fr, il affirme : « Il faudrait ramener la notion de compétition sportive à l’école, la compétition dans son sens noble : dépassement de soi, fair-play, entraide, etc. Au lieu de ça, on fait tout pour éviter de trop mettre les enfants en compétition, je ne pense pas que ce soit la solution. » Et de prendre l’exemple américain.
Vive le sport collectif! 🤾♀️🏐⛹🏽♂️ Vive l’EPS! 🇫🇷🥇🥈🥉 Le succès de nos @EquipeFRA#BHV illustre la qualité de l’enseignement de ces sports à l’école. Saluons le travail des enseignants d’EPS et la bonne collaboration avec les fédérations @FranceOlympiquehttps://t.co/3M4xXkMiRN
Mayer n’est pas le seul à tacler le système scolaire français. Lorsque Jean-Michel Blanquer, au plus fort de l’été, a cru bon de tweeter — est-ce vraiment un mode de communication ministériel ? — « le succès de nos équipes illustre la qualité de l’enseignement de ces sports à l’école », il s’est fait reprendre de volée par Gérard Vincent, goal de hand, ou Vincent Poirier, basketteur des Bleus. Quant au rugbyman Maxime Mermoz, il a abandonné le registre ironique et a rugi : « Une honte, ils ne font rien pour le sport et à l’école c’est comme la musique… histoire de dire on fait… aucun moyen ! Ce mec n’a pas honte ». Et de reprendre : « Vous n’avez pas honte ??? Le sport à l’école ? On en fait au minimum à l’école ! Heureusement que des passionnés sont là en club !!!! Des bénévoles qui donnent tout pour nos jeunes !! Quels sont les moyens donnés au sport scolaire pour faire des champions de demain? »
Ce n’est pas juste une question de moyens (quoique… combien de piscines dans les lycées français, combien dans les lycées américains ?). C’est une question d’idéologie — et pour cette fois Blanquer n’y est pour rien, il a hérité d’un système pourri jusqu’au trognon : l’excellence est réprouvée, la médiocrité encouragée.
Ce qui est vrai du sport l’est aussi dans les autres matières. Le génie est proscrit, le talent est suspect. Et cette mentalité de médiocrité généralisée a fini par atteindre les élèves, dont l’insulte courante, pour désigner les forts en thème, consiste à les traiter d’« intellos ».
Singulier pays que le nôtre, où l’on a gardé la mémoire des intellectuels qui, depuis Zola (rappelons que le mot fut mis à la mode par les anti-dreyfusards) ont bâti avec talent une conscience à ce pays, mais où l’on dénigre volontiers ceux qui pensent citius, altius, fortius — plus vite, plus haut, plus fort.
Cette médiocrité inscrite dans les mœurs scolaires a fini par éclabousser le pays tout entier. N’importe quelle racaille, parce qu’elle hante un réseau social où l’anonymat lui est garanti, est prête à menacer de mort une jeune fille qui dit de l’islam ce qu’elle pense. Nombre d’élèves ont refusé de faire silence lors de la minute en mémoire des journalistes de Charlie-Hebdo massacrés par des fanatiques. Et il s’est trouvé trop d’enseignants pour condamner, dans leur barbe, celui d’entre eux qui, prenant le risque d’expliquer la liberté d’expression, a succombé sous le couteau d’un assassin.
« C’est votre avis, ce n’est pas le mien » : ce que la médiocrité recommandée a produit de plus affligeant, c’est cette phrase jetée cent fois à la tête d’un enseignant qui parle de Darwin, de Voltaire, de la guerre d’Algérie ou des conflits palestino-israéliens — liste non close. « C’est votre avis, ce n’est pas le mien », cela marque la perte de toute hiérarchie dans les savoirs. La loi Jospin, en recommandant de privilégier la parole de l’élève, désormais doué d’un droit à l’expression, alors qu’on lui demandait autrefois de se taire, a produit non seulement la première affaire de voiles islamiques, mais une contestation diffuse et confuse qui éclate en imprécations dès que l’on aborde un quelconque sujet qui ne fait pas l’unanimité.
À noter qu’il n’y a pas que sur des questions religieuses que des imbéciles croient utiles de ramener leur science. Les questions « sociétales », traitées désormais selon les convictions de quelques illuminés, leur ont emboité le pas. Un mien collègue, professeur de Sciences Économiques et Sociales, prévint ainsi les élèves que nous partagions, en début d’année scolaire 2020-2021, qu’ils avaient parfaitement le droit de se lever et de quitter mon cours si d’aventure je proférais quoi que ce soit qui heurtât leurs certitudes. Mais aussi provocateur que je puisse être en classe, personne n’est jamais parti se réfugier dans un safe space, comme on dit dans les universités américaines où les frileux de l’intellect, les adeptes de la pensée woke (et on mesure bien à quel point « intellect » et « pensée » sont des hyperboles en ce qui les concerne) courent se mettre à l’abri de toute pensée non conforme à leurs convictions, aussi illuminées ou déraisonnables soient-elles.
Le Bac — j’y reviendrai — avec 96% de réussite est l’une des meilleures illustrations de cette défaite de la pensée. Non seulement on donne la moyenne — sur ordre — à des élèves qui n’auraient pas mérité d’entrer en Seconde, mais on distribue des mentions TB à des malheureux qui sont arrivés à surnager un peu au-dessus des vagues.
Je dis « malheureux », car le réel leur revient au visage dès qu’ils entreprennent des cursus un peu exigeants. Mais c’est pour eux que l’on a inventé Uber, qui a besoin de jeunes gens pour pédaler — sur vélos électriques, c’est quand même moins fatiguant que de mépriser son mal de dos pour sauter 2m08 en hauteur, comme Kevin Mayer à Tokyo.
Parce que les valeurs d’effort, de travail et de dépassement de soi sont devenues obsolètes. Aux Jeux olympiques des pédagos, les concurrents partiraient en se donnant la main, et ils se hâteraient lentement, comme les escargots de Prévert allant à l’enterrement d’une feuille morte, afin de passer la ligne tous ensemble. Et chacun recevrait une médaille en chocolat.
Tous égaux, tous zéro. C’est le constat malheureux que l’on est bien obligé de poser quand on voit de quoi se contentent les élèves — et, partant, les profs qui les notent. L’égalitarisme a non seulement tué l’élitisme — tel que l’avait conçu Condorcet en 1792 —, il a encouragé la misère intellectuelle. La vraie baisse de niveau procède de cette baisse des exigences. On admire un élève qui ne fait plus de fautes — alors que ce devrait être une exigence de base. On célèbre un enfant qui lit couramment à six ans — alors que ce devrait être la règle, et que les défaillances précoces en lectures engendrent des échecs massifs quinze ans plus tard. On applaudit un gosse capable de faire une soustraction de tête sans recourir à la calculette de son portable — comme si son cerveau lui était fourni par Apple ou Samsung. Nous avons tellement baissé la barre qu’elle est désormais au ras des pâquerettes — et nous persistons à distribuer des médailles en chocolat — le Brevet ou le Bac, par exemple — à des culs-de-jatte du cerveau, atrophiés par nos soins — et sur ordre.
C’est d’autant plus sidérant que les enfants sont naturellement portés à la compétition. Il n’y a qu’à les voir jouer au foot pendant les récréations — une activité qui bientôt ne sera plus possible, quand les édiles, comme le maire de Grenoble, auront fait labourer les cours d’école afin d’empêcher ces jeux par trop virils. Les enfants veulent des héros, des idoles, des hommes illustres. Mais le pédagogisme, comme nous l’avons vu, est une anti-nature. Il hait La Fontaine et il hait les héros. Il hait les classes préparatoires qu’il n’a pas fréquentées, les grandes écoles où il n’est pas allé, les concours qu’il a échoués. Son égalitarisme repose sur la confusion entre équité et égalité. Et quand il arrive au pouvoir, il invente un Ministère de la réussite scolaire — la capacité de tous à sauter 80 centimètres. Et supprime la notation chiffrée, qui l’a certainement traumatisé, un jour. La médiocrité triomphante installe les siens au pouvoir — et la boucle est bouclée.
L’instauration du passe sanitaire a cristallisé le débat autour de la question de la liberté qui apparaît soudainement menacée. La technologie numérique rend désormais possible la surveillance de masse. Or, les enjeux de la soumission de nos vies à la technologie n’ont jamais fait l’objet d’une réflexion politique à même d’anticiper les décisions à prendre pour garantir la préservation de la liberté. Non seulement le politique est démuni mais pire, il reste muet sur ce grand défi de l’Intelligence Artificielle que révèle la crise sanitaire. Dans la perspective de l’élection présidentielle, le Mouvement Conservateur fait de ce sujet un critère de choix du candidat qu’il soutiendra.
Le passe sanitaire, un outil qui n’est pas neutre
La crise sanitaire et les mesures de restriction qui l’accompagnent voient s’affronter les tenants de la ligne gouvernementale et leurs opposants sur la question de la liberté. Si les uns s’enfoncent dans une argumentation spécieuse selon laquelle il faut restreindre la liberté aujourd’hui pour la retrouver demain, les autres passeraient à côté du véritable problème s’ils omettaient de prendre le mal à la racine. Toute démarche critique du dispositif doit aussi être une démarche technocritique. Le passe sanitaire n’est en effet possible que parce que la technologie permet sa mise en œuvre.
Or, les outils ne sont pas neutres ; ils portent leur propre finalité. C’est ce qu’a mis en lumière le philosophe et précurseur de l’écologie politique Ivan Illich. Dès qu’un outil s’impose comme «monopole radical», outil dont personne ne peut plus se passer, il peut détruire l’objectif qu’il était censé servir.
En 2014, lorsque la Chine a mis au point, grâce à l’IA, un système de surveillance des comportements, l’Occident a été saisi d’effroi mais a tenu la chose à distance. Autres lieux, autres mœurs. Aujourd’hui, cet instrument de contrôle de la société frappe à notre porte et l’a même déjà enfoncée. À cet égard, la lecture d’un récent rapport sénatorial intitulé « Crises sanitaires et outils numériques, répondre avec efficacité pour trouver nos libertés » fait l’effet d’une bombe à retardement alors même qu’il est passé inaperçu. C’est ce modèle chinois de contrôle et surveillance de la société qui y est dessiné. Dans le meilleur des cas, ce texte est descriptif. Dans le pire des scenarii, il est prescriptif. Cette dernière hypothèse n’est pas à exclure puisque se glisse, au paragraphe II-B de la première partie, un inquiétant jugement de valeur : « Il serait irresponsable de ne pas se saisir de telles possibilités. » Quelles sont-elles ? Contrôler le respect des mesures sanitaires à un niveau individuel et en temps réel, « en croisant des données d’identification, des données médicales et données de géolocalisation ». Boîtier connecté porté autour du cou ou smartphone qui sonnerait lorsque vous ne respectez pas les règles de distanciation ; bracelet électronique pour contrôler le respect de la quarantaine, détection automatique par des radars de la plaque d’immatriculation des personnes censées être confinées, contrôle des transactions bancaires pour imposer une amende automatique… La suite du texte, même si elle ne nie pas les dangers liés à ces outils, est seulement une recherche des modalités pouvant aboutir à un « consensus démocratique ». Bienvenue dans le pire des mondes !
Un grave silence politique
L’Europe s’est donnée bonne conscience. De la CNIL au RGPD, puisque le corollaire de toute réflexion est que les nouveautés scientifiques sont toujours bonnes, les mesures envisagées par le politique visent uniquement à encadrer un phénomène auquel on ne saurait se soustraire. Le focus se fait depuis lors à l’unanimité sur la préservation de notre intimité et la nécessité d’inscrire la protection des données personnelles dans la Constitution. Ces indispensables protections ne vont toutefois pas jusqu’à interroger le principe même de l’IA et son ingérence dans nos vies humaines.
Cinq ans après l’adoption de ce règlement européen, la grenouille a été plongée dans la marmite d’eau froide, le feu est allumé, le ramollissement est inéluctable. Quelle résistance trouvons-nous en face de « l’enthousiasme des masses amorphes » contre lequel nous alertait le sociologueÉmile Lederer au début du siècle dernier? Les capacités offertes par les technologies de contrôle et de surveillance vont bien au-delà de la crise actuelle dans laquelle elles se développent et laissent présager l’apparition d’une tendance lourde. Même avertissement d’Hannah Arendt, « car une société de masse n’est rien de plus que cette espèce de vie organisée qui s’établit automatiquement parmi les êtres humains quand ceux-ci conservent des rapports entre eux mais ont perdu le monde autrefois commun à tous. » La réalité chinoise nous permet d’anticiper la suite et fait écho au rapport sénatorial déjà mentionné. Le dispositif de «crédit social» établit des notations à partir des comportements et choix analysés et permet de réglementer le droit aux transports, aux logements sociaux, aux services d’État ou encore à l’accès internet, selon les bons points qui auront été attribués aux citoyens. La fiction de Black Mirror devient réalité: c’est l’avènement d’une société dans laquelle chacun est soumis à une notation continue déterminant la valeur de sa propre vie.
La société de masse, décrite par Arendt, s’est établie sur le socle communiste où l’individu n’est qu’une infime partie d’un grand tout, sous le regard d’un pouvoir autoritaire qui exerce la contrainte par la crainte qu’il suscite. Mais chez nous, en France, « pays de la liberté et des Droits de l’Homme », qu’avons-nous fait des principes qui nous fondent comme civilisation? Le préambule du Statut du Conseil de l’Europe fait pourtant référence «aux valeurs spirituelles et morales qui sont le patrimoine commun de leurs peuples et qui sont à l’origine des principes de liberté individuelle, de liberté politique et de prééminence du droit, sur lesquels se fonde toute démocratie véritable».
Un sujet crucial de l’élection présidentielle
Les prétendants de droite n’en ont pas pris la mesure ou préfèrent laisser au président sortant le soin de sortir seul de l’ornière qu’il a creusée. Sur l’IA, il faudra pourtant aller au-delà des incantations et des revendications ébahies devant l’innovation. Le nouveau, le neuf, ça ne fait pas un programme ! Dans ce monde instable qui danse sur un volcan, un projet politique innovant serait bien plutôt de savoir ce qui vaut la peine d’être conservé. La France seule ne fait pas le poids face aux deux superpuissances de l’IA que sont la Chine et les États Unis. Il y a là un défi qui se joue à l’échelle européenne et dont la France devrait être le moteur. Évidemment, notre réflexion sur l’IA n’est pas une invitation au retour dans les cavernes ; nous n’appelons pas à passer à côté de la troisième révolution industrielle mais à y prendre toute notre place.
La rentrée politique qui s’annonce sera marquée par le congrès LR du 25 septembre, la Journée du conservatisme le lendemain, et le choix par la droite de son candidat à l’élection présidentielle. Aussi, le Mouvement conservateur sera particulièrement attentif aux positions des candidats. Il n’apportera son soutien qu’à celui ou celle qui aura le courage d’affirmer son opposition aux mesures liberticides décidées par le gouvernement et de réaffirmer la liberté comme principe de notre société. Ironie de l’histoire, ce sont les conservateurs qui font aujourd’hui appel au libéral Hayek : « Aussi paradoxal que celui puisse paraître, il est sans doute vrai qu’une société libre qui réussit est toujours dans une large mesure une société attachée à ses traditions. »
Nous avons tous été lissés par le virus. Après la mise en place du passe sanitaire parce que d’aucuns refusaient de se faire vacciner, il est à craindre que nous acceptions tout désormais.
Au passe sanitaire, tous les Français réagissent : refus ou acceptation. Le débat entre les pros et les contre est faussé par la confusion entre le vaccin et le passe. Comme médecin, j’ai milité dès que possible pour la vaccination. Le problème du passe est différent. Après avoir mollement protesté, et pas très longtemps, j’ai accepté aussi le passe sanitaire, le traçage sur mon téléphone. C’était trop dur de refuser, bien malcommode : ne plus pouvoir entrer nulle part, être refoulé de partout comme antisocial, être privé de film, de théâtre et autres réjouissances ; risquer que des nervis sans éducation vous repoussent avec le droit pour eux et de se retrouver désapprouvé par sa femme. Et pire : se faire traiter d’égoïste, de mauvais citoyen, de diffuseur de virus, de causeur de morts prématurées, d’irresponsable, de complotiste ; une honte pour la civilisation. Oui j’ai accepté. Je reconnais qu’avoir le passe est plus confortable. Je n’en suis pas plus fier.
Le problème n’est pas le vaccin mais la puce électronique collée à nous sur notre portable. Il faut souligner une conséquence certaine de la pandémie : nous avons été lissés par le virus. Nous : tous les humains qui peuplent la terre. Lissés veut dire arasés, meulés, sablés, poncés. Énervés, lobotomisés, de cette vieille technique de neurochirurgiens américains des années cinquante qui coagulaient les zones de l’agacement et de la révolte chez les fous ou supposés tels, diagnostiqués tels. Les irrités, même. Nous avons été lissés : il est à craindre que nous acceptions tout désormais.
Le Sénat approuve le marquage des populations
Le pire est de savoir dès lors que lorsque les pouvoirs publics nous proposeront tôt ou tard la puce électronique entrelacée à nos neurones frontaux, au motif que c’est plus sûr, plus léger, très peu invasif, indolore, nous accepterons car la limite aura déjà été franchie avec le passe sanitaire : beyond this limit, there is no limit, au-delà de cette limite, il n’y a plus de limites. Cela nous sera proposé puisque c’est de l’ordre de la possibilité technique et surtout parce que nos tutelles, supposées les garants les plus sérieux de notre liberté collective, ne voient aucun obstacle philosophique à l’usage massif de l’intelligence artificielle pour le contrôle numérique des populations. Et des individus. Ainsi, un rapport récent du Sénat sur Crises sanitaires et outils numériques sous-titré répondre avec efficacité pour [sic sans rire] retrouver nos libertés soutient le marquage des populations, en avançant avec une naïveté confondante son efficacité sanitaire d’une part et sa réversibilité d’autre part grâce à la sagesse des dispositifs de contrôle. Toujours cette illusion sur notre capacité de modération… Je sais qu’alors notre liberté et notre humanité auront rendu l’âme mais ce sera bien trop tard pour refuser puisque la première injection aura été faite, ces jours-ci de 2021.
Aujourd’hui je suis encore capable de proférer cette vérité, d’anticiper ce qui va arriver. Mais alors, nous serons comme les agents retournés d’une bande dessinée de mon enfance, qui perdaient tout esprit critique et de résistance après avoir subi lavage de cerveau et rééducation ; nous aurons été tellement lissés qu’aucun refus, aucune révolte ne seront plus possibles, ni même compréhensibles. À petits pas, ils sont parvenus à franchir nos défenses. Ce n’est pas du complotisme, c’est de l’anthropologie.
Billes de verre
Nous étions déjà des êtres apeurés par le présent et par l’avenir, par ce qui est proche comme par ce qui est extérieur [1]. Nous nous méfions de l’État supposé nous protéger, mais qui en est de moins en moins capable, avec sa colonne vertébrale détruite et au milieu de ses frontières poreuses ; il nous resterait à nous réfugier dans notre village assiégé mais avec qui le faire en confiance ?
On peut se croire rebelles et intraitables en refusant en bloc vaccin et passe, mais c’est le refus du vaccin qui aura conduit avec le virus à la contrainte collective par le passe sanitaire ; nous sommes entrés bien profond dans la nasse pandémique ; le virus aura fait mettre à genoux la plupart devant les maîtres de demain, la corde au cou et muets. Dans l’espoir impossible en réalité de pouvoir regagner le confort renforcé du foyer et l’ultime intimité protectrice, ou d’acquérir son étanchéité face à l’hostilité généralisée du monde, nous avons dû choisir la confortable position des billes de verre dans leur sac. Bien lisses et bien autonomes, bien traçables et séparées, prêtes à rouler quand on les lancera.
[1] Zygmunt Bauman. Retrotopia [2017]. Trad française Frédéric Joly. Premier Parallèle, 2019
L’été a été étrange. Sous nos climats jadis tempérés, l’histoire décidait autrefois de s’y reposer un peu. On ne peut pas dire qu’il y ait eu cette espèce de suspension habituelle du temps en juillet et en août. Au contraire, le temps de cerveau disponible que nous laissent les vacances, derniers moments où l’on échappe au rythme imposé par le mode de production, n’a pas cessé d’être sollicité par des inquiétudes de tout ordre.
Bientôt Soleil Vert
Des épisodes climatiques meurtriers, totalement anormaux, viennent encore une fois nous indiquer qu’on est à une ou deux générations de Soleil vert. Bien sûr, il reste un carré de climatosceptiques qui seront dans le déni jusqu’au jour où ils se battront autour des derniers points d’eau en Île-de-France à disputer leur nourriture aux chiens des zones pavillonnaires.
Et encore, comme je ne connais pas de climatosceptiques jeunes car le jeune sait ce que cela signifiera pour lui et pour ses enfants une planète avec des températures à plus de 50°, ceux-là échapperont-ils à l’horreur, déjà morts dans une bienheureuse ignorance repue. Je suis assez heureux de voir que le candidat du PCF, Fabien Roussel, vient encore une fois de répéter que le nucléaire est la seule solution pour décarboner l’économie et pallier l’urgence du problème.
La folie antivax
Il y a aussi eu cette épidémie qui rôde toujours, jugulée par la vaccination et le passe sanitaire. Ah ce passe sanitaire qui aura été un nouveau clivage ! Les manifs inspirées par des complotistes antisémites rejoints par l’ultragauche libérale-libertaire, nous auront offert le plaisir de voir défiler les enfants de Cohn-Bendit aux côtés de ceux de Soral ou de Monseigneur Lefebvre.
C’est drôle, la France, parfois, c’est le seul pays où on se croit atteint dans ses libertés pour aller boire une bière et où on le déclare sur les réseaux sociaux qui sont le rêve des services de renseignement : une population qui se fiche elle-même. Le seul pays où l’on s’indigne de ne pas pouvoir aller au cinéma (ou d’ailleurs on ne va pas si souvent que ça) sans montrer un QR code mais où on ne s’indigne pas de l’envahissement de la vidéosurveillance « parce qu’on n’a rien à se reprocher. »
À mes amis de gauche qui se sont égarés dans ces défilés, je rappellerai que la colère contre Macron ne doit pas nous égarer et qu’un gouvernement de gauche soucieux de santé publique aurait pris la même mesure. Aux catholiques tradis, qui restent mes frères, je rappellerai que le pape François lui-même a déclaré « «Être vacciné est un acte d’amour» avant d’appeler à « un esprit de justice qui nous mobilise afin d’assurer un accès universel aux vaccins et la suspension temporaire des droits de propriété intellectuelle». Aux complotistes antisémites qui par ailleurs cumulent à la folie antivax, le déni climatique et autre visions délirantes sur le platisme ou le pédosatanisme, je n’ai évidemment rien à dire sinon de rester cantonnés à leur soue numérique.
La dernière défaite des néocons
L’image qui restera de la déroute occidentale, assez hussarde dans son genre, c’est celle du dernier général qui monte dans le dernier avion, le M16 à la main dans les lueurs d’un appareil photo thermique. On liquide et on s’en va. Elle ne cachera pas l’incroyable rapidité d’un effondrement américain en Afghanistan.
L’idéologie néoconservatrice, que l’on trouve également partagée chez les Républicains et les Démocrates, a prouvé encore une fois, après la deuxième guerre d’Irak, ou celle de Libye sous-traitée par le tandem Sarkozy-Cameron, qu’elle ne générait que des échecs sanglants.
Importer à coup de missiles une démocratie à l’occidentale au nom d’un universalisme marchand qui amènerait la paix avec « le doux commerce » cher à Montesquieu, ça ne marche pas. Au contraire, ça fait prospérer un islamisme radical qu’on a de plus en plus de mal à contenir depuis le 11 septembre 2001 où il nous a déclaré une guerre que nous somme en train de perdre, sauf peut-être au Mali où le redéploiement des forces françaises semble faire preuve d’un pragmatisme qui pourra éviter ce genre de catastrophe.
Bref, une guerre mondiale à bas bruit, le recul de la raison dans la nation de Descartes et l’attente de la prochaine catastrophe climatique, vous reconnaîtrez qu’il va être difficile de s’intéresser à la primaire de la droite ou à l’université d’été d’EELV…
Dans le manège fou où tournicotent nos prétendants à l’investiture présidentielle de la droite, mais qui va décrocher le pompon? Éparpillée façon puzzle et gênée par les ambitions prêtées au journaliste Eric Zemmour, la droite évitera-t-elle la foire d’empoigne? Pour l’instant, elle s’accorde déjà pour dire “non” à l’immigration.
La France doit-elle accueillir les migrants d’Afghanistan ? Eric Zemmour va-t-il se présenter à l’élection présidentielle de 2022 ? Depuis trois jours, telles sont les deux seules questions ayant ponctué nos émissions politiques et les débats sur les chaînes d’info en continu, à l’exception notable de « Face à l’info », l’émission de CNews où officie… Eric Zemmour justement.
Assurément, c’est donc à une bien curieuse rentrée médiatique que nous assistons. Tous nos éditorialistes fichent la paix au président Macron pendant ce temps, lequel a, grâce au tour de passe-passe du passeport sanitaire, atteint les objectifs de vaccination qu’il avait fixés au gouvernement (48.5 millions de Français ont reçu au moins une dose à la fin août).
Lundi à 19 heures, l’intellectuel favori de la droite faisait son retour à la télé. Celui que ses adversaires qualifient de « polémiste » semble avoir conclu un accord tacite avec l’animatrice Christine Kelly, pour que ses hypothétiques projets politiques ne soient pas abordés à l’antenne pour le moment. Résistant au chantage aux bons sentiments qui lui était fait, l’éditorialiste du Figaro a en revanche donné une réponse cinglante sur l’Afghanistan : « on ne doit pas accueillir le moindre Afghan. La France ne leur doit rien, ce sont eux qui nous doivent ! » Face à des interlocuteurs interdits devant tant de fermeté, il a précisé son point de vue :n’inversons pas les rôles, ce sont en réalité « 90 soldats français [qui] sont morts en allant se battre pour eux ».
Résumé des épisodes précédents
Mais résumons les épisodes précédents. À droite, le président de la région Hauts-de-France Xavier Bertrand est candidat à la présidentielle depuis mars, sans que grand monde ne soit franchement emballé. Depuis, cinq personnalités se sont déclarées candidates à une primaire organisée par LR, primaire à laquelle Bertrand refuse de participer.
Il y a la présidente de la région Ile-de-France Valérie Pécresse, favorite selon les sondeurs, l’ancien commissaire européen Michel Barnier, le député de Nice Eric Ciotti, l’entrepreneur Denis Payre, et le chef des urgences de l’hôpital Georges-Pompidou Philippe Juvin. Fortement pressenties pour se lancer à leurs côtés dans la course, deux hautes figures de LR s’abstiennent finalement : Laurent Wauquiez et Bruno Retailleau. À l’heure actuelle, il n’est même pas certain que le parti se résolve à organiser le fameux scrutin, même si cela reste l’hypothèse la plus probable si aucun candidat ne se détache fortement des autres dans un vaste sondage commandé par le parti et où le nom de Bertrand sera proposé.
Ce n’est pas la foire d’empoigne, c’est pire encore!
Reste que la multiplication de petites candidatures conjuguée à l’absence de tout enthousiasme fait déjà craindre que ce processus de sélection ne finisse par fragiliser grandement le candidat retenu. Après avoir indiqué qu’ils n’y allaient pas, Wauquiez et Retailleau, populaires auprès des militants, se sont même refusés à soutenir un prétendant à ce stade.
Alors que la France est plus à droite que jamais, LR pourrait paradoxalement voir s’échapper ses chances à l’élection présidentielle dans cette assez mauvaise dynamique. Rageant ! Et une misère, alors que le candidat de la droite républicaine aurait de fortes chances de l’emporter s’il était qualifié au second tour face au président Macron – dont la faiblesse sur les questions régaliennes est patente – ou face à Marine Le Pen – qui n’a jamais réussi à démontrer à l’opinion sa crédibilité sur les questions économiques, et dont le comportement actuel, si mesuré, est inhabituel pour un candidat de la droite nationale.
Zemmour refoulé au bal des prétendants à droite?
Impatients de découvrir le livre très attendu d’Eric Zemmour (un programme ?), tous les candidats de droite fustigent à présent l’immigration de concert, comme pour conjurer le sort. Eric Ciotti affirmait ainsi ce week-end que la droite devait “assumer ses idées pour que la France reste la France”. Le candidat souhaite revenir au droit du sang. Bertrand vient de proposer l’interdiction du salafisme, le très européiste Barnier propose un moratoire de cinq ans sur l’immigration, et la candidate la plus Macron-compatible Pécresse affirme désormais que le pays se disloque à cause de l’immigration incontrôlée et que la place d’un clandestin, “c’est dans un charter.” N’en jetez plus !
Ces points programmatiques des uns et des autres sur l’immigration étant rappelés, pourquoi dès lors Zemmour ne pourrait-il pas concourir à la primaire de la droite ? Pour Ciotti il n’en est évidemment pas question, car il craint vraisemblablement d’être écrasé. Selon Pécresse, naturellement, “un polémiste, n’est pas un politique”… Enfin, selon notre très fade président du Sénat Gérard Larcher, il n’en est pas question non plus, car Zemmour et les LR “ne partageons pas les mêmes valeurs”. Amusant, quand on sait que Bertrand et Pécresse avaient eux-mêmes quitté le parti à l’époque de Wauquiez sur des motifs assez similaires, et quand on observe qu’ils ont depuis repris plus ou moins attache avec leur parti d’origine… et toutes les marottes et analyses de l’éditorialiste !
De loin, le président Macron et Marine Le Pen observent ce petit manège. Le premier a évidemment intérêt à voir Eric Zemmour se présenter, ce qui lui faciliterait l’accès à une première place le soir du premier tour. Quant à la seconde, elle encaisse quand Eric Zemmour affirme que “tout le monde a compris au RN qu’elle ne gagnerait jamais”, mais n’en pense pas moins. Alors que le président veut reprendre l’avantage sur les questions sécuritaires en se rendant à Marseille ce mercredi, elle sait qu’elle peut compter sur des soutiens de poids dans la région et que, sans parti, Eric Zemmour n’est pas près d’avoir ses 500 signatures.
En évacuant les toxicomanes des Jardins d’Eole (18e arrondissement de Paris) au début de l’été, Anne Hidalgo a voulu invisibiliser un fiasco trop visible de sa politique. Mais les riverains demeurent en proie à une toxicomanie de rue inédite et éparse. Pierre Liscia fait le point.
Éole. Quel joli nom que celui d’Éole ! Un mot doux à l’oreille, qui fleure bon le grand air et qui évoque la légèreté de la feuille qui se laisse porter par le vent, papillonnante et tourbillonnante. Éole, c’est une promesse de sérénité, de quiétude et de liberté. Les jardins d’Éole, c’était ça : la promesse d’un grand parc pour les habitants du nord-est parisien qui aurait redonné une bouffée d’oxygène à un quartier enclavé, surdensifié et bétonnisé. Pourtant, ces derniers mois, Éole est devenu le symbole d’un cauchemar urbain au quotidien. Ce qu’Éole avait de doux s’est mue en une réalité dure et brutale. La bouffée d’oxygène est devenue suffocante. Quant à la promesse de liberté, elle s’est éteinte, asphyxiée sous une chape de crack.
Ceux qui se navrent aujourd’hui de voir les migrants plonger dans la toxicomanie sont les mêmes qui défendaient l’ouverture d’un centre d’accueil pour migrants au pied de la colline du crack…
Nul besoin de rappeler l’odieuse réalité de notre quotidien tant l’actualité des derniers mois a rapporté chaque jour son lot de témoignages épouvantables, d’agressions insupportables, de viols et un meurtre ignoble qui a suscité un vif émoi dans tout le quartier. Gare du Nord, porte de la Chapelle, porte d’Aubervilliers, Rosa Parks, Stalingrad, Éole… À chaque fois, les mêmes dénominateurs communs : la toxicomanie, le crack, l’insécurité. Derrière ces mots, des vies brisées par la drogue, des riverains abandonnés, des enfants terrorisés. Et des élus locaux aux abonnés absents, quand ils ne sont pas tout simplement méprisants.
L’indifférence d’Anne Hidalgo
Comment en est-on arrivé là ? Comment a-t-on pu laisser sombrer tant de quartiers de la Ville lumière dans les profondeurs de l’indignité, à la limite de l’inhumanité ? Comment la Maire de Paris – candidate putative à l’élection présidentielle – peut-elle être si indifférente à la détresse de ses propres administrés ? Comment la capitale de la cinquième puissance mondiale y a-t-elle perdu sa splendeur, son panache – et disons-le clairement – son âme, alors que cette triple catastrophe humanitaire, sanitaire et sécuritaire était largement prévisible, et donc évitable ?
Non seulement les pouvoirs publics ne se sont jamais donnés les moyens d’enrayer cette spirale mortifère du crack et de la toxicomanie de rue, mais pire, ils l’ont alimenté par leur inaction, leur attentisme, leurs improvisations permanentes et leur cynisme, avec au premier chef, la Ville de Paris.
Gesticulations politiques
Depuis trois ans, la crise du crack est la toile de fond d’une bataille politique et idéologique entre la Maire de Paris et le gouvernement, dont les figurants – ou plutôt devrais-je dire les premières victimes – sont les habitants oubliés du nord-est parisien. Pour eux, l’enjeu n’a jamais été d’apporter des solutions rapides et efficaces contre le crack ni de répondre aux attentes légitimes des riverains mais bien de s’engager dans des querelles aussi stériles qu’affligeantes : on s’emploie donc à se rejeter la responsabilité de ses propres échecs ; on se surpasse dans l’art de la joute, à la recherche de la formule qui fera mouche ; on en profite pour tenter de rassembler la gauche et l’extrême-gauche défenseuse des salles de shoot ou au contraire pour bomber le torse et rassurer son aile droite à grands renforts de gesticulations médiatiques et de discours martiaux qui ne seront jamais suivis d’effets.
Pierre Liscia est conseiller régional d’Ile-de-France, porte-parole de « Libres ! » et riverain du Jardin d’Eole
Et nous dans tout ça ? Rien. Ou plutôt si : pire ! Depuis les démantèlements successifs de la « colline du crack » à la porte de la Chapelle, les toxicomanes n’ont jamais cessés d’être déplacés de quartiers en quartiers, sans jamais qu’il ne leur soit proposé une solution durable et pérenne pour les sortir de la rue et les insérer dans un parcours de sevrage et de réinsertion sociale – une solution que nous proposons avec force depuis 2018 avec Valérie Pécresse, présidente de la Région Ile-de-France – pourtant la seule issue pour enfin sortir de l’ornière. Au lieu de ça, l’État évacue, encore et toujours, sachant pertinemment que sans structure de désintoxication avec prises en charge sanitaire et psychiatrique, les consommateurs n’ont aucune autre perspective que de se réinstaller quelques centaines de mètres plus loin, à la merci des dealers, des réseaux de prostitution et de traite d’êtres humains.
Le cocktail imbuvable de la Mairie
Cette crise du crack, c’est aussi une succession d’erreurs sciemment commises par la Maire de Paris, par excès d’orgueil et égo démesuré. La première est d’avoir précipité l’ouverture d’un centre d’accueil pour migrants à la porte de la Chapelle sans aucune concertation avec le gouvernement, et cela dans un quartier déjà très largement sinistré et surtout à quelques mètres à peine de la colline du crack qui préexistait déjà. Comment ne pas voir que la surconcentration de populations migrantes en situation d’extrême précarité sociale et de grande fragilité physique et psychique en proximité immédiate des toxicomanes et de leurs dealers était un cocktail dangereux qui allait dramatiquement aggraver la situation ? Alors qu’ils n’étaient que quelques dizaines de toxicomanes à la porte de la Chapelle en 2017, ils sont aujourd’hui plus d’un millier en errance dans le nord-est de Paris. Ceux qui se navrent aujourd’hui de voir les migrants plonger dans la toxicomanie sont les mêmes qui défendaient l’ouverture d’un centre d’accueil pour migrants au pied de la colline du crack.
La seconde erreur est de s’être entêtée à vouloir appréhender la question de la toxicomanie sous le prisme de la victimisation des consommateurs qui nécessiteraient d’être accompagnés dans leur addition plutôt que de les considérer pour ce qu’ils sont, à savoir des malades qui sont un danger pour eux-mêmes et pour autrui et qui nécessitent par conséquent d’être soignés. Aussi Anne Hidalgo s’est-elle longtemps gargarisé de son « plan crack » de 10 millions d’euros qui n’a servi qu’à créer des points de fixation de la consommation et du deal dans le nord-est et à accompagner dans leur dépendance les « usagers de drogues » comme il est désormais convenu de désigner les toxicomanes selon le jargon adopté par l’Hôtel de Ville, comme si la consommation de crack avait rang de service public. « Le plan crack est un fiasco ? Qu’à cela ne tienne ! Ouvrons donc des salles de shoot ! » s’exclame en chœur l’intelligentsia socialiste parisienne, faisant fi de l’expérience de la salle déjà ouverte depuis 2016 près de la Gare du Nord : explosion de la toxicomanie de rue dans le quartier au grand désespoir des riverains qui vivent au milieu du deal, des injections, des dégradations, des rixes, des cris et des agressions. L’ouverture de cette salle n’a pas non plus empêché́ la recrudescence du crack dans le nord-est de Paris, et pour cause, elle est réservée à la consommation de drogues par voie intraveineuse. Réclamer des salles d’injection pour lutter contre le crack qui s’administre par inhalation est une ineptie révélatrice de l’inquiétante méconnaissance de la Ville des enjeux du crack.
Le coup de balai électoraliste d’Hidalgo
Enfin, l’ultime erreur – et non des moindres ! – est d’avoir pris la décision unilatérale d’expulser les toxicomanes des jardins d’Éole en juin dernier, sans s’en être concertée avec les services de l’État et malgré l’inquiétante mise en garde du Préfet quant à une dissémination des consommateurs dans le quartier qui rendrait la situation pour les forces de sécurité comme pour les riverains encore plus compliquée qu’elle ne l’était précédemment. Qu’importe, il fallait à tout prix éviter que la crise à Éole ne vienne perturber le lancement du mouvement « Idées en Commun » début juillet, premier étage de la fusée destinée à propulser Anne Hidalgo dans la course à l’Élysée.
Aujourd’hui, les toxicomanes poursuivent leur errance le long des grilles des jardins d’Éole sous les yeux des habitants découragés, écœurés et méprisés. Les enfants reprennent le chemin de l’école, la boule au ventre. Le quartier s’enlise, doucement mais inéluctablement. Qui s’en soucie ? Il y a fort à parier qu’Éole reste encore un bout de temps le doux mot d’une dure réalité.
Toujours plus prompte à dénoncer une caricature de son prophète que des conversions forcées, des meurtres ou des viols commis au nom de l’islam, la communauté musulmane s’est fort peu exprimée sur la victoire des Talibans en Afghanistan.
Bien sûr, certaines pudeurs diplomatiques sont inévitables, et ne sauraient être reprochées à la LIM ni à l’OCI, et les déclarations officielles de telles institutions sont par définition des compromis complexes. Restent trois points saillants qui doivent être soulignés.
La victoire des Talibans entérinée
Le premier est l’appel à l’unité de l’Afghanistan et à la paix entre musulmans, autrement dit un rejet de tous les mouvements de résistance armée et des manifestations d’opposition au nouveau pouvoir, donc une reconnaissance de la victoire des Talibans et un soutien de fait à leur autorité. On peut n’y voir que le souci d’éviter de nouveaux affrontements et des massacres, on peut aussi se rappeler que le Pakistan joue un rôle important au sein de la LIM comme de l’OCI, et que le Pakistan est l’allié indéfectible des Talibans. Sans oublier, bien sûr, que nombre de pays musulmans préfèrent sans doute une théocratie islamique à une tentative de sécularisation de la société, qui plus est à la sauce américaine.
Le second est une absence, un silence assourdissant : on chercherait en vain, dans ces prises de position officielles, l’embryon du début du commencement d’une condamnation de l’idéologie des Talibans ou de l’oppression théocratique totalitaire qu’ils se sont d’ores et déjà attelés à mettre en œuvre. N’en seront surpris que ceux qui croient encore au slogan creux de l’islam « religion de paix et de tolérance ».
La défense de l’universalité de la religion islamique avant tout
Le troisième est l’emploi surabondant du langage du droit et des traités internationaux, et il mérite d’être soigneusement analysé. La LIM appelle « à respecter les droits et libertés légitimes » en se référant à la charte de la Mecque et à la charte de l’OCI, faisant donc siens ses principes, et l’OCI ne revient évidemment pas sur ce texte fondateur. Voilà qui en dit long sur ce que ces deux instances considèrent « légitime » en termes de droits et de libertés.
La charte de l’OCI, en effet, contient plusieurs éléments pour le moins problématiques. On note, par exemple, « défendre l’universalité de la religion islamique » (en clair : favoriser le prosélytisme avec pour but de convertir le monde entier à l’islam), « inculquer les valeurs islamiques au moyen de l’éducation » (là encore, le prosélytisme à destination des plus jeunes, naturellement plus influençables), « aider les minorités et communautés musulmanes vivant à l’extérieur des États membres à préserver leur dignité et leur identité culturelle et religieuse » (refus de toute assimilation des communautés musulmanes à des civilisations et cultures non islamiques, autrement dit : promotion active du séparatisme), « soutenir la lutte du peuple palestinien actuellement sous occupation étrangère » (voilà qui semble assez clair). On peut ajouter « lutter contre la diffamation de l’islam » (donc refus de la liberté d’expression et volonté d’instauration d’une censure mondiale), « veiller à la sauvegarde des valeurs inhérentes à la famille islamique », et ainsi de suite.
Cette charte, en somme, est similaire à la Déclaration du Caire d’août 1990 de la même OCI, plus explicite encore et ratifiée par ses 57 états membres, qui reprend le vocabulaire des droits de l’Homme mais en transforme radicalement le sens tout en se voulant de portée universelle.
Article 9 : « L’enseignement est un devoir de l’État et de la société (….) de sorte que l’homme puisse connaître la religion islamique. » Article 10 : « L’islam est la religion naturelle de l’homme. Il n’est pas permis de soumettre ce dernier à une quelconque forme de pression ou de profiter de sa pauvreté ou de son ignorance pour le convertir à une autre religion ou à l’athéisme. » Autrement dit : enseigner l’islam est obligatoire, enseigner l’athéisme, l’agnosticisme ou une autre religion est interdit – puisqu’un enfant étant naturellement ignorant, lui enseigner autre chose que l’islam sera nécessairement « profiter de son ignorance » pour l’écarter de son « état naturel », qui est d’être musulman.
La sinistre précision de Zabihullah Mujahid
Article 19 : « Pas de crime et pas de peine sinon conformément aux normes de la Loi islamique ». Article 22 : « Tout individu a le droit d’appeler au bien, d’ordonner le juste et d’interdire le mal conformément aux normes de la Loi islamique ». En clair : seule la loi islamique, la charia, est légitime, et tout individu a le droit d’appeler à suivre la charia plutôt que la loi du pays où il se trouve, y compris en « ordonnant » et en « interdisant », donc en imposant cette charia là où il se trouve.
Enfin, en conclusion, article 24 : « Tous les droits et libertés énoncés dans ce document sont subordonnés aux dispositions de la Loi islamique » et article 25 : « La Loi islamique est la seule source de référence pour interpréter ou clarifier tout article de cette déclaration. » Difficile de faire plus explicite : la charia comme loi universelle, voilà qui fait rêver….
Ce ne sera pas une surprise de constater que les Talibans usent désormais de la même rhétorique, par exemple lorsque leur porte-parole Zabihullah Mujahid déclare : « Les femmes vont être très actives dans la société mais dans le cadre de l’islam. » Tout est dans cette sinistre précision : « mais dans le cadre de l’islam. »
Inutile de multiplier davantage les citations ni les exemples. Le fanatisme théocratique des Talibans est un cas extrême dans sa mise en œuvre, mais il n’est en rien une rupture par rapport à la situation générale du monde musulman, et se situe dans une parfaite cohérence idéologique avec l’islam « normal ». Qu’on ne vienne pas nous dire que l’OCI et la LIM « ne sont pas l’islam », ou « ne représentent pas l’islam », ou sont induits en erreur par de mauvaises traductions du Coran et des hadiths !
Condamner l’obscurantisme qui triomphe en Afghanistan est une nécessité. Mais ces condamnations, si sincères soient-elles, seront inutiles si elles ne s’accompagnent pas de condamnations plus sévères encore de tout ce qui, dans l’islam, conduit à cet obscurantisme, et menace les fondements mêmes de l’humanité de l’Homme, dans les rues de Trappes comme dans celles de Kaboul.
Récemment, Pierre Cormary a publié dans Causeurun article particulièrement agressif contre les opposants au passe sanitaire, qu’il a évidemment amalgamé avec les « antivax » afin de mieux réussir son opération de dénigrement. Je suis moi-même un opposant au passe sanitaire, pas hostile au vaccin tant qu’il s’agit d’une décision individuelle, libre et éclairée, mais tout à fait sceptique quant à la politique de vaccination industrielle. Le texte qui suit est la réponse d’un citoyen français représentatif de quelques millions d’autres qui, lorsqu’ils sont insultés, méritent bien d’être ensuite défendus.
Dans la mesure où les opposants au passe sanitaire, à la vaccination comme thérapeutique de masse et même au vaccin lui-même ont été rangés dans le coin des obscurantistes, des illuminés et des arriérés, il convient de commencer par rétablir une vérité : une étude menée par le prestigieux MIT révèle « qu’une partie importante du scepticisme en matière de santé publique est très informée, scientifiquement instruite et sophistiquée dans l’utilisation des données. Les sceptiques ont utilisé les mêmes ensembles de données que ceux ayant des opinions orthodoxes sur la santé publique ». L’idée que seuls les amoureux du passe sanitaire et du vaccin lisent les études est un mythe répandu par ceux qui ont besoin de faire passer leurs adversaires pour des semi-fous incultes. À l’inverse, il faudrait plutôt faire une grande enquête pour savoir si les amoureux du passe et les vaccinolâtres sont, en nombre, plutôt des auditeurs de BFM ou des lecteurs du Lancet. Mon petit doigt me murmure que les résultats d’une telle enquête pourraient en surprendre plus d’un.
L’opposition au passe sanitaire n’est pas l’opposition au vaccin, encore moins aux vaccins en règle générale. Le passe sanitaire est un sujet politique et social, le vaccin est un sujet médical. Parmi les opposants au passe, il y a des vaccinés (j’en transporte moi-même deux ou trois par samedi dans ma voiture lorsque nous nous rendons aux manifestations) qui le sont pour raisons personnelles et médicales, mais qui refusent par principe de faire de leur état vaccinal une occasion de jouir de droits supplémentaires dont on priverait les autres. La vérité est qu’il est moralement très difficile de dire à des gens qu’ils ont tort de se plaindre que la liberté n’est plus la même entre tous les citoyens selon qu’ils sont ou non vaccinés. Voilà pourquoi certains malveillants font mine d’amalgamer ces citoyens à des « antivax », parce qu’il est bien évidemment plus facile d’attaquer et de ridiculiser un homme qui rejette la science plutôt qu’un homme qui rejette Olivier Véran. Cet amalgame volontaire est d’ailleurs un aveu involontaire des militants du QR-Code : s’ils pensaient sincèrement que notre opposition au passe suffisait à nous faire passer pour des déments, ils n’auraient pas besoin de rajouter le volet « antivax » pour nous discréditer.
« Antivax » ou citoyens inquiets ?
Et d’ailleurs, qu’est-ce qu’un « antivax » ? J’ai effectivement croisé quelques personnes qui considèrent de longue date que les vaccins sont un poison. Ceux-là n’ont pas abandonné cette idée à l’occasion du dernier vaccin en date. J’affirme cependant qu’ils sont une ultra minorité que je ne rencontre d’ailleurs jamais ni dans les manifestations ni dans mes nombreuses discussions avec toutes sortes de personnes sur les réseaux sociaux ou dans « la vraie vie ». Par contre je vois beaucoup de gens qui manifestent une crainte sincère et un doute honnête à l’endroit des nouveaux vaccins. Mais cette crainte est légitime ! Pour plusieurs raisons :
Nous nous souvenons des déclarations du professeur Éric Caumes (pas connu pour son complotisme) qui le 10 décembre 2020 s’inquiétait de la fréquence inhabituellement élevée des effets secondaires du vaccin Pfizer ; nous nous souvenons aussi des premières déclarations du professeur Alain Fischer qui, intervenant en direct le 3 décembre 2020 aux côtés de Jean Castex, admettait au moment de lancer la grande campagne de vaccination qu’il n’existait aucune étude scientifique sur les vaccins mais seulement des données du fabricant, et que nous n’avions pas de données réelles sur l’efficacité du vaccin en matière de protection et d’infection ; nous n’avons pas oublié la médiatisation des cas de paralysies faciales ou des cas de thromboses observés après des injections. Nous avons vu également, toujours en gros titres dans les médias, les annonces anxiogènes de ces multiples pays européens qui, les uns après les autres, suspendaient la vaccination avec AstraZeneca. Cerise sur la gâteau et couac ultime : le 14 mars 2021, le Premier ministre Jean Castex disait textuellement «il faut avoir confiance dans le vaccin AstraZenaca », or dès le lendemain 15 mars la France suspendait temporairement l’utilisation de ce vaccin… Et surtout, nous avons tous remarqué qu’après avoir longuement commenté ces cas de paralysies faciales et de thromboses, subitement ce sujet a disparu purement et simplement des médias. Alors que le nombre d’injections augmentait au fur et à mesure des semaines, ce qui aurait dû entraîner mécaniquement une augmentation des effets secondaires, les médias ont du jour au lendemain observé un mutisme déroutant qui a beaucoup contribué à nourrir la suspicion.
Ceux que l’on appelle trop légèrement des « antivax » sont avant tout, pour l’immense majorité d’entre eux, des citoyens qui ne savent plus sur quel pied danser face à tellement de retournements, d’informations contradictoires et d’opacité. Il suffit pourtant d’aller à leur rencontre pour s’en convaincre : le vaccin, ils ne demandent qu’à y croire comme ils croient à la chirurgie, aux antibiotiques, aux antalgiques et à l’alimentation équilibrée. Pourquoi ces Français qui ne rejettent rien de l’arsenal médical auraient subitement à l’endroit des vaccins en particulier une position irrationnelle et démente ? Les pourfendeurs « d’antivax » ne répondent jamais à cette question. Ils préfèrent constater qu’il existe des sceptiques et les insulter au lieu d’interroger les raisons du scepticisme. Il faudra bien un jour qu’ils nous expliquent pourquoi cette haine que je trouve, personnellement, bien plus irrationnelle que le scepticisme vaccinal.
Attaquer les fauteurs de scepticisme plutôt que les sceptiques
Comme a dit le professeur Raoult devant Laurence Ferrari le 23 août 2021 sur Cnews : « Ce qui a fait naître les « antivax » partout dans le monde, ce sont les erreurs politiques. Il y a toujours des gens qui étaient un peu contre la vaccination mais c’était marginal […]. Si on force les gens, plus on les force, plus ils se méfient et plus ils se demandent ce qu’il se passe ». Aux erreurs politiques, nous pouvons ajouter comme explication du scepticisme l’attitude des journalistes qui, en se taisant soudainement sur un sujet sensible qu’ils avaient commencé à aborder, ont forcément encouragé involontairement l’idée qu’une omerta avait été décidée par eux tous, ce qui n’est jamais fait pour rassurer l’opinion.
Pourquoi faire tous ces rappels ? Même pas pour dire que les vaccins contre le Covid sont nocifs, dangereux ou qu’ils vont provoquer une hécatombe car je ne le pense pas. Je fais ces rappels parce qu’ils justifient à mon avis le scepticisme, qu’ils l’expliquent et j’ose le dire : qu’ils le rationnalisent. Ce qui, je le dis encore, ne veut pas dire qu’il faut avoir peur du vaccin : je dis qu’il n’est pas étonnant et même qu’il est normal que des gens aient peur après qu’autant d’éléments soient venus leur apporter autant de raisons (fondées ou non) d’avoir peur. À cause des attentats, beaucoup de nos compatriotes ont peur lorsqu’ils croisent dans la rue ou dans le train un homme à longue barbe et djellaba. Dans l’immense majorité des cas, cet homme ne va pourtant pas les assassiner, néanmoins peut-on reprocher à un citoyen qui connaît la menace terroriste d’avoir peur lorsqu’il croise ce qui ressemble d’aussi près à un terroriste tel qu’il apparaît dans les médias depuis des années ? La gauche a pris l’habitude d’appeler « raciste » le citoyen français qui craint pour sa sécurité. Ne commettons pas l’erreur d’appeler bêtement « antivax » le citoyen qui craint lui aussi, et tout aussi légitimement, pour sa sécurité.
Qui plus est, depuis dix-huit mois nous assistons à une gestion de crise chaotique où erreurs, imprécisions, ratés et couacs se succèdent. Sur la seule partie dite de la « première vague », j’ai eu assez de matière dans ce domaine pour commettre tout un livre. Si j’avais poursuivi ce travail, j’en serais au quatrième tome tant il y a à dire. Ce que nos dirigeants paient aujourd’hui, ce n’est pas le prix d’une défiance populaire irrationnelle et incompréhensible, c’est la facture de toutes leurs erreurs. Et on ne peut décemment pas reprocher à la main qui s’est fait mordre plusieurs fois de ne plus vouloir s’approcher de la gueule du loup.
Finalement, la macronie a joué un coup politique bien habile en réussissant à créer dans la population les conditions d’un clivage autour du passe sanitaire : de cette manière, au lieu que tout le monde exige des comptes aux véritables responsables de ce désastre, voilà que la classe des privilégiés fabriqués par le passe sanitaire se retourne contre les gueux irréductibles, contre les manifestants pouilleux et les « antivax » incultes pour déverser sur eux une colère qui prend trop souvent la forme de la haine. Si j’observais la situation depuis la fenêtre d’un ministère, je me frotterais les mains. Divide et impera, toujours.
Le pronostic vital civilisationnel de la France est engagé, selon Jean Messiha. La campagne de promotion de la laïcité à l’école est révélatrice des menaces que fait peser une jeunesse immigrée volumineuse et non assimilée sur le pays.
Les atteintes inédites au principe de laïcité sont devenues telles dans notre société que le ministre de l’Éducation Nationale a dû se fendre d’une campagne très médiatique de promotion de ce principe cardinal dans nos écoles. Une initiative dont l’intensité ne m’inspire, je dois l’avouer, aucun souvenir. Ni en tant qu’élève, ni en tant qu’enseignant à mes heures, ni en tant que parent d’élèves. Ce pilier de la République semblait si solide ! Et pourtant…
Jean Michel Blanquer n’a pas eu tort. Mais il a tout de même fait violemment réagir les médias de gauche, de nombreux syndicats ainsi qu’une foultitude de commentateurs. En cause, les personnages des huit panneaux publicitaires vantant la laïcité. 19 écoliers, collégiens et lycéens censés représenter la jeunesse scolaire française.
Le ministère a peut-être grossi un peu le trait. Mais pas tant que cela
Des décennies pourtant qu’on reproche à l’« extrême-droite » de voir des « bronzés » partout. Mais cette fois, c’est la bien-pensance qui s’émeut d’en voir autant. Et de fait cette campagne, d’ailleurs plutôt réussie sur le plan photographique avec de jeunes hautement sympathiques, expose des visages et des prénoms majoritairement issus de ce qu’il est convenu d’appeler la diversité. Jugez-en.
D.R.
Milhan, Aliyah, Kellijah, Neissa, Malia, Imran Ismaïl, Elyjah : huit jeunes sur 19 incarnent la composante maghrébo-musulmane de la population française. Edene et Tidiane représentent l’Afrique sub-saharienne, tandis que Ava et Alex illustrent le métissage. Le jeune Lenny, lui, est à peine discernable. Axelle, quant à elle, porte les traits de la jeunesse indochinoise ou chinoise.
Surreprésentation des populations « non-blanches »
Quid des enfants du peuple historique de métropole, sachant que c’est à cette partie du pays que la campagne s’adresse puisque les Outre-Mer, très faiblement islamisés à l’exception de Mayotte, ne sont pas touchés par la contestation de ce ciment du vivre-ensemble ? Pour le dire crûment quid des « Blancs » ? De façon « visible » nous avons Eva, Erynn, Sacha, Paloma, Romane et Simon et peut-être Inès, soit sept sur 19. Clairement, et sans jeu de mots, moins de la moitié. Pourquoi cette composition, qui n’est évidemment pas le fruit du hasard tant la « com » publique et privée est aujourd’hui obsédée par la question de la « juste » représentativité ethnique ?
Les critiques du ministre y voient une surreprésentation des populations « non-blanches » car ce serait elles qui posent le plus de problèmes et à qui cette grande valeur républicaine pose le plus de problèmes. Un ami me disait à ce sujet : « tu sais quand on fait une campagne de vaccination contre la grippe on ne montre pas des jeunes en pleine forme en train de faire un footing, mais plutôt des personnes âgées ». Cette explication pourrait se tenir mais la question est plus complexe que cela. Se superposent deux réalités. La première est celle du lent et grand remplacement dans les établissements publics de la jeunesse du peuple européen des origines par la jeunesse de l’immigration arabo-afro-musulmane. Le ministère a peut-être grossi un peu le trait. Mais pas tant que cela.
La composition ethnique présentée dans cette campagne publicitaire est en dessous de la réalité dans de nombreux territoires où les jeunes blancs ne sont plus qu’une poignée par classe, soit parce que les parents ont fui ces zones soit, quand ils en ont les moyens, ils mettent leurs enfants dans le privé. C’est moins le cas dans les établissements publics des quartiers encore « corrects » ou « huppés » des centres-villes ou des rares banlieues « préservées ». Le prix au mètre carré agissant encore comme un rempart à l’invasion, on peut y mettre ses gosses à l’école, collège et lycée sans qu’ils ne risquent de se racailliser.
« Se racailliser » ? – Mais c’est horrible de parler comme ça ! », zinzinulera la mafia gaucho-macrono-progressiste. Bah, ce n’est effectivement pas le langage que cette mafia utilise dans ses dîners en ville pour expliquer ses propres stratégies d’évitement. Ses chantres parleront plus pudiquement de « problèmes de niveau et de discipline », etc. Ce n’est qu’après quelques verres qu’ils commencent à se lâcher… pour finir par avouer l’inavouable réalité : « Trop d’immigrés ! Et pas n’importe lesquels. Pas les enfants du maçon portugais, du restaurateur chinois, du pizzaiolo italien, etc. ». On se comprend à demi-mots chez « ces gens-là », comme disait Brel.
Ne parlez pas de mixité ethnique, dites “mixité sociale”!
Mais vous allez être rattrapés par la patrouille chers amis évasionnistes de la diversité scolaire, que vous prônez pour les classes populaires blanches. Macron, qui s’en fout car il n’a pas de gosses, et Brigitte qui a enseigné toute sa vie dans l’enseignement privé catholique, veulent « plus de mixité sociale ». Lisez : « plus de mixité ethnique » dans les coins encore à peu près français. Et c’est Emmanuelle Wargon, ministre du Logement habitant une belle villa dans la très chic banlieue est-parisienne de Saint-Mandé, qui est à la manœuvre. Avec France-Stratégie, think-tank gouvernemental, elle traque les zones encore trop blanches afin que l’on y transfère le maximum de non-blancs via le logement social. Du coup, les établissements scolaires seront plus « mixtes ». Au fond, Macron vous met face à vos responsabilités. Vous voulez plus d’immigration en votant pour lui ? Eh bien mettez vos pratiques en cohérence avec votre vote et vivez pleinement le changement de peuple en allant vous installer dans un de ces nombreux territoires où le peuple a déjà changé !
Passons à la deuxième réalité. La laïcité est effectivement menacée partout en France et pas seulement à l’école. L’explication est toujours la même : le grand remplacement dans sa composante principalement islamique, réalité que la campagne publicitaire de Jean-Michel Blanquer tait sciemment comme si la laïcité était seulement une affaire de couleur de peau. En effet, la République a accueilli les Arméniens (fervents chrétiens), les Italiens, les Polonais, les Portugais, les Espagnols, etc., autant d’immigrés qui venaient de pays profondément imprégnés de catholicisme ; la République a également accueilli les Juifs d’Afrique du Nord, souvent très croyants, et naturellement les Chrétiens d’Orient, eux aussi souvent assez dévots. À quel moment cette même République a-t-elle eu à défendre la laïcité face à ces immigrations-là ? Jamais ! C’est l’islam, religion anti-laïque par nature, qui se confronte à ce qui est pour elle une aberration. La preuve est qu’à part les ex-républiques soviétiques d’Asie Centrale soumises, comme la Russie blanche, à une vigoureuse épuration anti-religieuse, et une poignée d’ex-colonies françaises de populations musulmanes mais qui ont hérité de nos institutions, le monde musulman n’est pas laïc. Soit l’islam est religion d’État, soit il est reconnu officiellement comme religion majoritaire et dominante.
Prenons même la Tunisie dont on nous a tant vanté la quasi-laïcité. Comme le décrit très bien un article du Point du 24 janvier 2014, c’est un fantasme. Cet article affirme que « La Constitution est écrite « Au nom de Dieu le clément, le miséricordieux », le préambule exprime « l’attachement de notre peuple aux enseignements de l’islam » et l’article premier définit, comme dans la loi fondamentale de 1959, la Tunisie comme « un État libre, indépendant et souverain, l’islam est sa religion ».
Revenons à notre France. Face à la laïcité, la communauté musulmane se divise en trois catégories. La première catégorie est constituée d’une petite minorité de musulmans de culture qui a pleinement adopté la neutralité religieuse et la défend ardemment. Nous en voyons régulièrement des exemples admirables et courageux sur nos plateaux télé. La deuxième catégorie regroupe une part importante de la Oumma française qui « vit avec » la laïcité, tout en pestant à bas bruit contre cette manifestation de la mécréance qu’elle dénonce à la maison devant les enfants. Et enfin, troisième catégorie, il y a cette minorité qui, elle, est ouvertement contre. Sous prétexte de combat contre l’islamophobie, elle milite pour que notre société tolère la prolifération des signes de séparatisme islamique. Les premiers s’en inquiètent et ils ont raison, les seconds attendent la victoire des troisièmes pour vivre « normalement » c’est-à-dire comme des musulmans dans un pays musulman.
Le constat est sinistre car le pronostic vital civilisationnel de la France est engagé. Notre nation a été empoisonnée par des « belles âmes » et des « grandes voix » qui, au nom d’un humanisme et d’un « progressisme » totalement dévoyés, ont livré notre société occidentale de progrès à la conquête territoriale et culturelle de peuples, non seulement non-européens mais au mieux rétifs, au pire hostiles à notre mode de vie et à nos modes de pensée.
Trop tard?
Faut-il pour autant baisser les bras et se réfugier dans le fatalisme ? Il est tard. Très tard. Mais pas trop tard. Je partage l’opinion de mon ami Eric Zemmour. La France n’a pas dit son dernier mot. Ou plutôt, elle n’a pas exhalé son dernier souffle. À une autre époque et dans des circonstances beaucoup plus tragiques, les combattants de Stalingrad avaient toutes les raisons de désespérer, de croire que tout était fini, qu’ils ne pourraient jamais venir à bout des loups venus les dévorer. Et pourtant, en se battant rue par rue, maison par maison, en allant puiser au tréfonds de l’âme russe, ils ont trouvé la force de tenir puis, progressivement, de repousser l’invasion.
Les temps ont changé et heureusement notre combat est devenu plus idéologique, politique, médiatique, électoral, législatif et juridique. Pour sauver la France il ne sera pas nécessaire de mourir sous les bombes ou de faire face à la mitraille ennemie, mais de choisir, dans les urnes, ceux qui ont fait vœu de faire don d’eux-mêmes à la plus belle des causes. Celle de la France. Celle d’une République que nous entendons garder française.
Les fadaises progressistes et les délires radicaux de Bayou, Rousseau, Piolle et quelques autres ont réduit au silence leur seul espoir Yannick Jadot…
Les propos et les écrits de Julien Bayou et Sandrine Rousseau, prédicateurs exaltés de ce culte millénariste et apocalyptique, le prouvent. Ils veulent purifier la terre, abattre à jamais le carcan oppressant du vieux monde. Sur les ruines d’une civilisation occidentale désespérément coupable de tout, faire danser les sorcières délivrées, rejetant les oripeaux étouffants de la raison pour s’abandonner aux enchantements des sorts. Sous les noirs nuages des centrales à charbon et à gaz qui remplaceront les centrales nucléaires, bercée par le grincement lancinant des éoliennes qui auront pris la place des forêts, la France s’unira enfin « en vert et pour tou.tes » – mais dans des ateliers en non-mixité.
Les gauchistes ont éclipsé Jadot, le candidat le plus raisonnable
Rendons grâce àSandrine Rousseau de dire tout haut ce que son parti pense tout bas : par elle, nous savons enfin quel est l’avenir pour lequel les bobos des grandes villes ont voté aux dernières municipales. Ce sera « la fin d’une époque de souillure », le monde ne « crèvera » plus de « trop de rationalité », « les femmes qui jettent des sorts » auront la première place plutôt que « les hommes qui construisent des EPR », et les « potentiels terroristes » pourront tous venir en France, ce qui « permettra de les surveiller » – sans doute grâce aux sorts jetés par les femmes, puisque caméras, bracelets électroniques et autres portes blindées sont logiquement à rejeter car purs produits de cette rationalité dont le monde crève. Vade retro, vous qui pensiez que la baisse historique de la mortalité infantile et l’éradication de la peste étaient dues aux disciples d’Hippocrate et de la logique d’Aristote ! Louée soit EELV pour nous avoir fait connaître Sandrine Rousseau, louée soit l’université française pour avoir nommé vice-présidente cette exceptionnelle visionnaire.
Oui, EELV nous ouvrira les portes d’un avenir formidable (du latin formidabilis : affreux, redoutable). Un avenir où la laïcité interdira aux élus les célébrations catholiques traditionnelles mais les encouragera à poser les premières pierres de nouvelles mosquées, comme avec Grégory Doucet. Un avenir où les sapins de Noël seront interdits pour mettre fin à l’intolérable massacre de la flore, mais où l’égorgement sans étourdissement de centaines de milliers de moutons pour l’Aïd El Kébir ne posera aucun problème, comme avec Pierre Hurmic.
Du passé, ils font table rase
Et que résonne, à défaut de raisonner, la parole de Julien Bayou, qui avec une humilité de prophète nous transmet les propos de ceux qui l’inspirent, et les mets en exergue de son livre pour mieux nous délivrer son message : « nous n’avons pas peur des ruines, nous qui portons un monde nouveau dans notre cœur » de Buenaventura Durruti, et « il faut choisir entre le champagne pour quelques-uns et l’eau potable pour tous » de Thomas Sankara.
Du passé faisons table rase, les temps nouveaux sont venus, abolissons tout raffinement pour ne garder de l’Homme que ses besoins vitaux. Révolution, anarchie et ascétisme, éblouissante rencontre des débuts du communisme marchant vers les goulags, et d’un je-ne-sais-quoi qui évoque Savonarole et ses autodafés.
Réjouissez-vous ! Grâce à EELV, la France pourra participer sans retenue au saccage de la civilisation occidentale, transformer les jardins de Versailles en kolkhozes (pardon, en potagers participatifs auto-gérés), les vignobles de champagne qui assoiffent les pauvres en champs de capteurs solaires, et les bâtiments historiques en centres d’accueil de « potentiels terroristes ». Loin de cette rationalité dont le monde crève, nous aurons le niveau technologique et l’hygiène d’une ZAD mais les maîtres de la Chine trembleront devant la puissance de nos « femmes qui jettent des sorts », et la force de notre exemple les convaincra de ne plus polluer, de respecter les droits de l’Homme et par-dessus tout de faire pipi sous la douche pour économiser l’eau.
Quelle énergie !
Pour un peu, on serait tenté de croire qu’en réalité EELV est dirigée en sous-main par un complot de pollueurs sans scrupules, tant ils consacrent d’énergie et de créativité à décrédibiliser l’écologie. Or l’écologie, la vraie, est un sujet important et sérieux. Les inégalités sont un sujet important et sérieux, à l’heure où 26 personnes possèdent plus à elles seules que la moitié des habitants de la planète réunis. L’incomplétude de la raison humaine, la place de l’intuition, de l’inspiration, de l’enthousiasme, de la foi et des mystères, sont des sujets importants et sérieux. Le féminin sacré et la part féminine du Divin sont des sujets importants et sérieux. La question de savoir si nous devons transmettre quelque chose de ce que nous avons reçu, ou s’il faut anéantir la seule civilisation à avoir d’elle-même aboli l’esclavage et inventé la science expérimentale, est un sujet important et sérieux. L’avenir de la France est un sujet important et sérieux.
Ce sont même des sujets beaucoup trop importants et beaucoup trop sérieux pour qu’on permette aux apprentis sorciers d’EELV d’en faire un champ de ruines.
Les années 1970 auront été décisives pour l’École. Le collège unique, le regroupement familial, des programmes revus partout à la baisse, l’Histoire-Géographie devenue matière d’« éveil », et la baisse de l’horaire obligatoire, cela ne suffisait pas. On inventa la « massification », corollaire du collège unique. Et pour sanctifier ce melting pot pédagogique, on instaura un égalitarisme forcé…
Un phénomène parallèle se fit alors jour à l’université. Nombre d’enseignants qui savaient bien qu’ils ne brilleraient jamais dans leur discipline glissèrent vers la didactique de cette discipline. Vous êtes « philosophe » (ainsi appelle-t-on en France, très abusivement, les profs de philo), vous savez que vous n’êtes pas Kant et que vous ne serez jamais Alexis Philonenko, sans doute l’un de ses plus brillants commentateurs : il vous est encore possible de devenir didacticien de la philosophie — ou comment enseigner ce que vous ne maîtrisez que de façon médiocre. Il en fut de même en Lettres, en Maths, en Langues, en Histoire. On créa, pour satisfaire la demande, une foule de postes de pédagogie qui greva lourdement les capacités de renouvellement des autres disciplines.
À la source de ce mouvement réside une haine de l’élitisme. Les pédagogues sont, en très grande majorité, des gens qui ont échoué aux divers concours qui jalonnent la carrière — de l’entrée à l’ENS à l’Agrégation. Ils se sont rabattus sur des « recherches » parées d’une aura scientifique usurpée.
Nous avons tellement baissé la barre qu’elle est désormais au ras des pâquerettes — et nous persistons à distribuer des médailles en chocolat — le Brevet ou le Bac, par exemple — à des culs-de-jatte du cerveau, atrophiés par nos soins — et sur ordre…
Ils ont donc une grande méfiance pour les gens trop doués. La médiocrité — au sens de meden agan delphien : rien de trop — est leur tasse de thé.
Il fallait donc nécessairement baisser la barre, et cette métaphore empruntée au saut en hauteur fait pleinement sens. C’est par l’Éducation Physique et Sportive (EPS) que le pédagogisme est entré à l’école.
Tous ceux dont les dispositions à l’envie et à la jalousie l’emportent sur leur propension à admirer comprendront mon propos. Il y a, pour un sous-doué du muscle, quelque chose d’insultant dans la facilité avec laquelle un camarade de classe saute 1m80 en hauteur en Troisième ou court, à la même époque, le 80 m en 9 secondes. Les anciens classements de l’EPS se fondaient sur la performance — anti-égalitaire par essence. On changea cela en appréciant désormais la cohérence entre le projet de l’élève et sa réalisation : j’envisage de sauter 80cm en hauteur, et j’y parviens, j’ai 20. J’envisage de sauter 1m80 et je ne dépasse pas, ce jour-là, 1m75, je suis admonesté sérieusement. La médiocrité — au sens moderne cette fois — s’est ainsi mise en place.
J’écris ces lignes pendant que des athlètes magnifiques disputent les Jeux Olympiques au Japon. Un Italien remporte le 100m (et remportera le 4×100 avec son équipe), un autre est médaille d’or en hauteur. Et trois Suissesses se placent aux trois premières places du cyclisme de cross-country. Quant aux Allemands ou aux Anglais, ils opèrent leur rafle habituelle. La France, en athlétisme, est très loin. Elle est désormais impuissante — non seulement face aux grandes nations de la spécialité que sont les États-Unis ou la Jamaïque, mais face à ses voisins européens.Sans doute notre pays a-t-il un peu trop fait sienne la devise fameuse de Coubertin, « l’important c’est de participer. »
Non. L’important, c’est d’être le meilleur.D’aller tout au bout de ses forces. De se transcender. De dompter la souffrance. Et de passer la ligne le premier.
Rappelons que les athlètes français tutoyèrent longtemps l’excellence. Sans remonter à Jules Ladoumègue, on se rappelle avec émotion les performances de Michel Jazy, de Roger Bambuck, de Colette Besson ou de Marie-José Pérec. C’est du passé : la médiocrité a gagné l’élite. Ce n’est pas moi qui l’affirme, mais Kevin Mayer, qui malgré un lumbago tenace a remporté l’argent dans l’épreuve la plus belle et la plus inhumaine des Jeux, le décathlon — comme à Rio en 2016. Interviewé par Le Point.fr, il affirme : « Il faudrait ramener la notion de compétition sportive à l’école, la compétition dans son sens noble : dépassement de soi, fair-play, entraide, etc. Au lieu de ça, on fait tout pour éviter de trop mettre les enfants en compétition, je ne pense pas que ce soit la solution. » Et de prendre l’exemple américain.
Vive le sport collectif! 🤾♀️🏐⛹🏽♂️ Vive l’EPS! 🇫🇷🥇🥈🥉 Le succès de nos @EquipeFRA#BHV illustre la qualité de l’enseignement de ces sports à l’école. Saluons le travail des enseignants d’EPS et la bonne collaboration avec les fédérations @FranceOlympiquehttps://t.co/3M4xXkMiRN
Mayer n’est pas le seul à tacler le système scolaire français. Lorsque Jean-Michel Blanquer, au plus fort de l’été, a cru bon de tweeter — est-ce vraiment un mode de communication ministériel ? — « le succès de nos équipes illustre la qualité de l’enseignement de ces sports à l’école », il s’est fait reprendre de volée par Gérard Vincent, goal de hand, ou Vincent Poirier, basketteur des Bleus. Quant au rugbyman Maxime Mermoz, il a abandonné le registre ironique et a rugi : « Une honte, ils ne font rien pour le sport et à l’école c’est comme la musique… histoire de dire on fait… aucun moyen ! Ce mec n’a pas honte ». Et de reprendre : « Vous n’avez pas honte ??? Le sport à l’école ? On en fait au minimum à l’école ! Heureusement que des passionnés sont là en club !!!! Des bénévoles qui donnent tout pour nos jeunes !! Quels sont les moyens donnés au sport scolaire pour faire des champions de demain? »
Ce n’est pas juste une question de moyens (quoique… combien de piscines dans les lycées français, combien dans les lycées américains ?). C’est une question d’idéologie — et pour cette fois Blanquer n’y est pour rien, il a hérité d’un système pourri jusqu’au trognon : l’excellence est réprouvée, la médiocrité encouragée.
Ce qui est vrai du sport l’est aussi dans les autres matières. Le génie est proscrit, le talent est suspect. Et cette mentalité de médiocrité généralisée a fini par atteindre les élèves, dont l’insulte courante, pour désigner les forts en thème, consiste à les traiter d’« intellos ».
Singulier pays que le nôtre, où l’on a gardé la mémoire des intellectuels qui, depuis Zola (rappelons que le mot fut mis à la mode par les anti-dreyfusards) ont bâti avec talent une conscience à ce pays, mais où l’on dénigre volontiers ceux qui pensent citius, altius, fortius — plus vite, plus haut, plus fort.
Cette médiocrité inscrite dans les mœurs scolaires a fini par éclabousser le pays tout entier. N’importe quelle racaille, parce qu’elle hante un réseau social où l’anonymat lui est garanti, est prête à menacer de mort une jeune fille qui dit de l’islam ce qu’elle pense. Nombre d’élèves ont refusé de faire silence lors de la minute en mémoire des journalistes de Charlie-Hebdo massacrés par des fanatiques. Et il s’est trouvé trop d’enseignants pour condamner, dans leur barbe, celui d’entre eux qui, prenant le risque d’expliquer la liberté d’expression, a succombé sous le couteau d’un assassin.
« C’est votre avis, ce n’est pas le mien » : ce que la médiocrité recommandée a produit de plus affligeant, c’est cette phrase jetée cent fois à la tête d’un enseignant qui parle de Darwin, de Voltaire, de la guerre d’Algérie ou des conflits palestino-israéliens — liste non close. « C’est votre avis, ce n’est pas le mien », cela marque la perte de toute hiérarchie dans les savoirs. La loi Jospin, en recommandant de privilégier la parole de l’élève, désormais doué d’un droit à l’expression, alors qu’on lui demandait autrefois de se taire, a produit non seulement la première affaire de voiles islamiques, mais une contestation diffuse et confuse qui éclate en imprécations dès que l’on aborde un quelconque sujet qui ne fait pas l’unanimité.
À noter qu’il n’y a pas que sur des questions religieuses que des imbéciles croient utiles de ramener leur science. Les questions « sociétales », traitées désormais selon les convictions de quelques illuminés, leur ont emboité le pas. Un mien collègue, professeur de Sciences Économiques et Sociales, prévint ainsi les élèves que nous partagions, en début d’année scolaire 2020-2021, qu’ils avaient parfaitement le droit de se lever et de quitter mon cours si d’aventure je proférais quoi que ce soit qui heurtât leurs certitudes. Mais aussi provocateur que je puisse être en classe, personne n’est jamais parti se réfugier dans un safe space, comme on dit dans les universités américaines où les frileux de l’intellect, les adeptes de la pensée woke (et on mesure bien à quel point « intellect » et « pensée » sont des hyperboles en ce qui les concerne) courent se mettre à l’abri de toute pensée non conforme à leurs convictions, aussi illuminées ou déraisonnables soient-elles.
Le Bac — j’y reviendrai — avec 96% de réussite est l’une des meilleures illustrations de cette défaite de la pensée. Non seulement on donne la moyenne — sur ordre — à des élèves qui n’auraient pas mérité d’entrer en Seconde, mais on distribue des mentions TB à des malheureux qui sont arrivés à surnager un peu au-dessus des vagues.
Je dis « malheureux », car le réel leur revient au visage dès qu’ils entreprennent des cursus un peu exigeants. Mais c’est pour eux que l’on a inventé Uber, qui a besoin de jeunes gens pour pédaler — sur vélos électriques, c’est quand même moins fatiguant que de mépriser son mal de dos pour sauter 2m08 en hauteur, comme Kevin Mayer à Tokyo.
Parce que les valeurs d’effort, de travail et de dépassement de soi sont devenues obsolètes. Aux Jeux olympiques des pédagos, les concurrents partiraient en se donnant la main, et ils se hâteraient lentement, comme les escargots de Prévert allant à l’enterrement d’une feuille morte, afin de passer la ligne tous ensemble. Et chacun recevrait une médaille en chocolat.
Tous égaux, tous zéro. C’est le constat malheureux que l’on est bien obligé de poser quand on voit de quoi se contentent les élèves — et, partant, les profs qui les notent. L’égalitarisme a non seulement tué l’élitisme — tel que l’avait conçu Condorcet en 1792 —, il a encouragé la misère intellectuelle. La vraie baisse de niveau procède de cette baisse des exigences. On admire un élève qui ne fait plus de fautes — alors que ce devrait être une exigence de base. On célèbre un enfant qui lit couramment à six ans — alors que ce devrait être la règle, et que les défaillances précoces en lectures engendrent des échecs massifs quinze ans plus tard. On applaudit un gosse capable de faire une soustraction de tête sans recourir à la calculette de son portable — comme si son cerveau lui était fourni par Apple ou Samsung. Nous avons tellement baissé la barre qu’elle est désormais au ras des pâquerettes — et nous persistons à distribuer des médailles en chocolat — le Brevet ou le Bac, par exemple — à des culs-de-jatte du cerveau, atrophiés par nos soins — et sur ordre.
C’est d’autant plus sidérant que les enfants sont naturellement portés à la compétition. Il n’y a qu’à les voir jouer au foot pendant les récréations — une activité qui bientôt ne sera plus possible, quand les édiles, comme le maire de Grenoble, auront fait labourer les cours d’école afin d’empêcher ces jeux par trop virils. Les enfants veulent des héros, des idoles, des hommes illustres. Mais le pédagogisme, comme nous l’avons vu, est une anti-nature. Il hait La Fontaine et il hait les héros. Il hait les classes préparatoires qu’il n’a pas fréquentées, les grandes écoles où il n’est pas allé, les concours qu’il a échoués. Son égalitarisme repose sur la confusion entre équité et égalité. Et quand il arrive au pouvoir, il invente un Ministère de la réussite scolaire — la capacité de tous à sauter 80 centimètres. Et supprime la notation chiffrée, qui l’a certainement traumatisé, un jour. La médiocrité triomphante installe les siens au pouvoir — et la boucle est bouclée.
L’instauration du passe sanitaire a cristallisé le débat autour de la question de la liberté qui apparaît soudainement menacée. La technologie numérique rend désormais possible la surveillance de masse. Or, les enjeux de la soumission de nos vies à la technologie n’ont jamais fait l’objet d’une réflexion politique à même d’anticiper les décisions à prendre pour garantir la préservation de la liberté. Non seulement le politique est démuni mais pire, il reste muet sur ce grand défi de l’Intelligence Artificielle que révèle la crise sanitaire. Dans la perspective de l’élection présidentielle, le Mouvement Conservateur fait de ce sujet un critère de choix du candidat qu’il soutiendra.
Le passe sanitaire, un outil qui n’est pas neutre
La crise sanitaire et les mesures de restriction qui l’accompagnent voient s’affronter les tenants de la ligne gouvernementale et leurs opposants sur la question de la liberté. Si les uns s’enfoncent dans une argumentation spécieuse selon laquelle il faut restreindre la liberté aujourd’hui pour la retrouver demain, les autres passeraient à côté du véritable problème s’ils omettaient de prendre le mal à la racine. Toute démarche critique du dispositif doit aussi être une démarche technocritique. Le passe sanitaire n’est en effet possible que parce que la technologie permet sa mise en œuvre.
Or, les outils ne sont pas neutres ; ils portent leur propre finalité. C’est ce qu’a mis en lumière le philosophe et précurseur de l’écologie politique Ivan Illich. Dès qu’un outil s’impose comme «monopole radical», outil dont personne ne peut plus se passer, il peut détruire l’objectif qu’il était censé servir.
En 2014, lorsque la Chine a mis au point, grâce à l’IA, un système de surveillance des comportements, l’Occident a été saisi d’effroi mais a tenu la chose à distance. Autres lieux, autres mœurs. Aujourd’hui, cet instrument de contrôle de la société frappe à notre porte et l’a même déjà enfoncée. À cet égard, la lecture d’un récent rapport sénatorial intitulé « Crises sanitaires et outils numériques, répondre avec efficacité pour trouver nos libertés » fait l’effet d’une bombe à retardement alors même qu’il est passé inaperçu. C’est ce modèle chinois de contrôle et surveillance de la société qui y est dessiné. Dans le meilleur des cas, ce texte est descriptif. Dans le pire des scenarii, il est prescriptif. Cette dernière hypothèse n’est pas à exclure puisque se glisse, au paragraphe II-B de la première partie, un inquiétant jugement de valeur : « Il serait irresponsable de ne pas se saisir de telles possibilités. » Quelles sont-elles ? Contrôler le respect des mesures sanitaires à un niveau individuel et en temps réel, « en croisant des données d’identification, des données médicales et données de géolocalisation ». Boîtier connecté porté autour du cou ou smartphone qui sonnerait lorsque vous ne respectez pas les règles de distanciation ; bracelet électronique pour contrôler le respect de la quarantaine, détection automatique par des radars de la plaque d’immatriculation des personnes censées être confinées, contrôle des transactions bancaires pour imposer une amende automatique… La suite du texte, même si elle ne nie pas les dangers liés à ces outils, est seulement une recherche des modalités pouvant aboutir à un « consensus démocratique ». Bienvenue dans le pire des mondes !
Un grave silence politique
L’Europe s’est donnée bonne conscience. De la CNIL au RGPD, puisque le corollaire de toute réflexion est que les nouveautés scientifiques sont toujours bonnes, les mesures envisagées par le politique visent uniquement à encadrer un phénomène auquel on ne saurait se soustraire. Le focus se fait depuis lors à l’unanimité sur la préservation de notre intimité et la nécessité d’inscrire la protection des données personnelles dans la Constitution. Ces indispensables protections ne vont toutefois pas jusqu’à interroger le principe même de l’IA et son ingérence dans nos vies humaines.
Cinq ans après l’adoption de ce règlement européen, la grenouille a été plongée dans la marmite d’eau froide, le feu est allumé, le ramollissement est inéluctable. Quelle résistance trouvons-nous en face de « l’enthousiasme des masses amorphes » contre lequel nous alertait le sociologueÉmile Lederer au début du siècle dernier? Les capacités offertes par les technologies de contrôle et de surveillance vont bien au-delà de la crise actuelle dans laquelle elles se développent et laissent présager l’apparition d’une tendance lourde. Même avertissement d’Hannah Arendt, « car une société de masse n’est rien de plus que cette espèce de vie organisée qui s’établit automatiquement parmi les êtres humains quand ceux-ci conservent des rapports entre eux mais ont perdu le monde autrefois commun à tous. » La réalité chinoise nous permet d’anticiper la suite et fait écho au rapport sénatorial déjà mentionné. Le dispositif de «crédit social» établit des notations à partir des comportements et choix analysés et permet de réglementer le droit aux transports, aux logements sociaux, aux services d’État ou encore à l’accès internet, selon les bons points qui auront été attribués aux citoyens. La fiction de Black Mirror devient réalité: c’est l’avènement d’une société dans laquelle chacun est soumis à une notation continue déterminant la valeur de sa propre vie.
La société de masse, décrite par Arendt, s’est établie sur le socle communiste où l’individu n’est qu’une infime partie d’un grand tout, sous le regard d’un pouvoir autoritaire qui exerce la contrainte par la crainte qu’il suscite. Mais chez nous, en France, « pays de la liberté et des Droits de l’Homme », qu’avons-nous fait des principes qui nous fondent comme civilisation? Le préambule du Statut du Conseil de l’Europe fait pourtant référence «aux valeurs spirituelles et morales qui sont le patrimoine commun de leurs peuples et qui sont à l’origine des principes de liberté individuelle, de liberté politique et de prééminence du droit, sur lesquels se fonde toute démocratie véritable».
Un sujet crucial de l’élection présidentielle
Les prétendants de droite n’en ont pas pris la mesure ou préfèrent laisser au président sortant le soin de sortir seul de l’ornière qu’il a creusée. Sur l’IA, il faudra pourtant aller au-delà des incantations et des revendications ébahies devant l’innovation. Le nouveau, le neuf, ça ne fait pas un programme ! Dans ce monde instable qui danse sur un volcan, un projet politique innovant serait bien plutôt de savoir ce qui vaut la peine d’être conservé. La France seule ne fait pas le poids face aux deux superpuissances de l’IA que sont la Chine et les États Unis. Il y a là un défi qui se joue à l’échelle européenne et dont la France devrait être le moteur. Évidemment, notre réflexion sur l’IA n’est pas une invitation au retour dans les cavernes ; nous n’appelons pas à passer à côté de la troisième révolution industrielle mais à y prendre toute notre place.
La rentrée politique qui s’annonce sera marquée par le congrès LR du 25 septembre, la Journée du conservatisme le lendemain, et le choix par la droite de son candidat à l’élection présidentielle. Aussi, le Mouvement conservateur sera particulièrement attentif aux positions des candidats. Il n’apportera son soutien qu’à celui ou celle qui aura le courage d’affirmer son opposition aux mesures liberticides décidées par le gouvernement et de réaffirmer la liberté comme principe de notre société. Ironie de l’histoire, ce sont les conservateurs qui font aujourd’hui appel au libéral Hayek : « Aussi paradoxal que celui puisse paraître, il est sans doute vrai qu’une société libre qui réussit est toujours dans une large mesure une société attachée à ses traditions. »