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Abandon de poste: légal mais pas moral!

À force de vouloir protéger les salariés, ce qui part non seulement d’un bon sentiment mais d’une nécessité, on a introduit un laxisme volontaire qui les éloigne de plus en plus souvent de l’éthique et de leur responsabilité par rapport au travail.


Trop cool : « j’ai fait le tour de mon boulot et j’ai envie de changer », qu’à cela ne tienne, la législation compréhensive a inventé « l’abandon de poste », il suffit de ne pas se présenter à son travail et surtout ne pas céder à la tentation, au cas où vous auriez envie un jour d’ennui d’y retourner ! À la deuxième lettre recommandée de votre patron, pas de problème vous êtes viré automatiquement et au chômage direct… Alors évidemment il y a la majorité de salariés qui n’utiliseraient pas cet avantage. Mais il y a aussi toutes les professions en tension, les petits salaires ou les jeunes qui étrennent leurs premiers emplois qui consomment cette prise en charge en toute sécurité… L’avantage certes, c’est que cela ne coûte rien à l’employeur (quand même !), ce qui rend le procédé doublement pervers, car si vous ne voulez pas supporter le coût d’un licenciement, la technique est avantageuse avec l’accord des deux partis. 

Avons-nous les moyens de jouer ce jeu pervers ? Les moyens financiers de l’UNEDIC bien sûr, et les moyens psychologiques de laisser s’installer ce type de pratique ? C’est de la malhonnête intellectuelle, ni plus ni moins, mais c’est être malhonnête aussi vis-à-vis de la collectivité. Sous un autre angle, c’est de l’abus de bien social, même s’il ne trouble plus grand monde. Légal, mais pas moral !

Le travail c’est la santé !

Et pendant ce temps-là on se met en quatre pour trouver des salariés, pour les inciter à revenir dans les entreprises, pour les motiver, leur créer des conditions de travail où le bien être est le mot d’ordre. Les stages sur « la promotion des comportements bienveillants au sein des organisations » et les ouvrages en la matière pullulent sur le thème de la bienveillance au travail, du développement personnel pour se protéger d’un « travail qui procure une forte source de stress dont l’impact peut être ravageur… » etc.  

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Le mieux est l’ennemi du bien : nous construisons une société de guimauves ! Plus nous dénonçons les dangers du travail, sinon imaginaires du moins médiatisés à outrance, plus nous incitons nos congénères à en demander plus. Nous n’apprenons plus aux enfants, aux femmes, aux salariés, aux Français en général à se défendre seuls, à relativiser, à faire preuve de responsabilité individuelle, nous les fragilisons de plus en plus. Et nous n’avons apparemment aucune intention d’entraver les actes répréhensibles de ceux qui abusent dans tous les domaines. 

Ainsi, la démission n’existe pratiquement plus, car elle nécessite une prise de risque. La prise de risque serait à éviter à tout prix… ce qui est absolument contre-productif avec la vie elle-même. Choisir c’est renoncer, renoncer est un risque. 

De la même façon, la « rupture conventionnelle », qui est une avancée certaine dans la séparation entre un employeur et un salarié, n’a-t-elle pas été également détournée pour un confort salarial répréhensible ? Rappelons que cette forme de départ permet de ne pas faire peser des menaces prudhommales sur le chef d’entreprise qui se met d’accord sur une transaction financière… sauf que le salarié qui veut partir impose cette rupture à son employeur qui lui n’a aucune envie de s’en séparer ! Et le salarié de bénéficier du chômage pour chercher autre chose ou prendre un peu de vacances… Il suffit de refuser, objecterez-vous ? Pas du tout, car les habitudes professionnelles ont évolué de telle façon que vous êtes assuré en cas de refus de subir non seulement la désimplication de l’intéressé mais une série d’arrêts maladie qui, dans les PME en particulier, empoisonnent le quotidien et le climat social. Rappelons tout de même que 425 000 ruptures conventionnelles ont été signées et que cette tendance ne cesse d’augmenter depuis 2008… Chantage légal et admis ! 

Droits et devoirs de la nouvelle génération de travailleurs

Les jeunes en particulier, élevés avec la méfiance de l’entreprise au sein de laquelle ils seront forcément exploités, arrivent forts de leurs droits, du niveau de salaire auquel ils ont « droit », et avec un sens extrêmement limité de leurs « devoirs ». Dérive d’une société de droit ? L’abus de droit ne concerne que les chefs d’entreprise, jamais les salariés, est-ce normal ?

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Dans ces circonstances, on ne peut passer sous silence la complicité du corps médical qui distribue les arrêts maladie sans vergogne, sans mesure, sans vérification (les exceptions confirment la règle). On remarque d’ailleurs une hausse générale des arrêts maladies, surtout les arrêts longs avec une moyenne de 94 jours. Il faut dire que se plaindre de burn-out est devenu aussi courant qu’un rhume… Comment vérifier ? Et encore ce n’est rien à côté de « l’inaptitude professionnelle » qui elle, dispense de tout travail la personne concernée.

Il est très important de dénoncer ces dérives en une période où on trouve d’immenses difficultés à recruter alors que le chômage demeure. Il est vrai que le gouvernement dans sa grande sagesse a su préserver au mieux les entreprises de la pandémie actuelle, y compris grâce au chômage partiel, télétravail, etc. Mais cela fait d’autant plus ressortir des abus auxquels personne n’a l’intention de mettre fin. Certains ne reprennent pas leur poste car leur situation a finalement été très confortable et ils continuent d’en profiter.

Nous ne dirons jamais assez que ces cas, même s’ils sont très nombreux, n’enlèvent rien au fait que d’autres travaillent dur et ont des difficultés graves à trouver des emplois. C’est justement en leur nom qu’il faut réagir. On nous annonce une réforme du chômage, c’est le moment !

“On ne peut pas se dire républicain et organiser des réunions non-mixtes !”

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Le Regard Libre arrive pour la première fois dans les kiosques de la Suisse romande. Le jeune rédacteur en chef de la revue mensuelle entend peser dans le débat d’idées et protéger son pays de la tentation des opinions convenues. Entretien.


Causeur. Vous présentez en couverture de votre magazine et dans un entretien de huit pages le Québecois Mathieu Bock-Côté, dont les analyses sont appréciées et bien connues chez nous. Il met en garde contre les dangers que l’idéologie diversitaire fait planer sur nos démocraties occidentales. La tranquille confédération helvétique serait-elle aussi touchée par le wokisme, comme toute une partie de nos progressistes hexagonaux et de la société française ? 
Jonas Follonier. Oui. Le cas du néoféminisme est édifiant. Le 13 avril, le quotidien fribourgeois La Liberté, qu’on ne peut accuser d’être dans les marges ou insensible aux thèmes à la mode, a publié une lettre de lecteur dont l’auteur s’extasiait du retour du printemps à travers les tenues légères d’adolescentes. Des activistes féministes ont crié au scandale. Leur campagne d’indignation sur les réseaux sociaux a conduit La Liberté à retirer ce texte de son site internet (texte qu’on peut d’ailleurs tout à fait trouver de mauvais goût), et son rédacteur en chef à en « regretter » la publication, tout en rappelant l’importance de la liberté d’expression. Mais les militantes ne se sont pas arrêtées là, estimant ce « regret » non seulement insuffisant, mais aussi provocateur. Manifestant devant les locaux du journal, elles ont accusé La Liberté de « participer à la culture du viol » et appelé son responsable à des excuses publiques. En plus de cela, des voitures de la rédaction ont été endommagées. Le pouvoir obtenu dans une relative indifférence par ces minorités qui utilisent l’arme de l’intimidation pour exiger une forme de repentance, comme l’a décrit notre rédacteur Antoine Bernhard, est préoccupant.

En Suisse, l’identité du pays est purement politique, institutionnelle

Plus récemment, le silence assourdissant des principales associations féministes de Suisse romande après les événements tragiques de Kaboul l’a été aussi. J’ai vérifié: le 20 août, aucune « grève des femmes », que ce soit du canton de Genève, Lausanne ou encore Neuchâtel, n’avait encore exprimé publiquement sa solidarité avec les Afghanes victimes de l’islamisme. D’habitude, ces groupes ne manquent pas une occasion de rappeler leur « sororité » avec les femmes victimes de la « culture du viol » ou du « patriarcat », sur lesquels seraient prétendument construites nos sociétés occidentales. Le fait qu’un anti-féminisme sévisse au nom de l’islam ne doit guère les arranger dans leur idée de convergence des victimes – dont les victimes de ce qu’elles appellent « islamophobie ».

Le Regard Libre arrive en kiosque avec ce 77e numéro. Combien de lecteurs comptez-vous déjà et savez-vous qui sont-ils ?
Il est difficile d’évaluer le nombre exact de nos lecteurs, notre magazine étant présent dans des bibliothèques, des bistrots et autres cabinets de médecin. Ce qui est sûr, c’est que nous comptabilisons entre 10 000 et 15 000 lecteurs par mois sur notre site internet. Pour ce qui est du magazine papier, nous tirons très modestement à 250 exemplaires. Cela dit, depuis le lancement du média en 2014, le nombre d’abonnés ne cesse de croître, lentement, mais sûrement. Un rythme suisse, en somme ! Avec notre arrivée en kiosque ce mercredi 1er septembre, nous sommes passés à un tirage de quelque 1000 exemplaires. Le fait que nous soyons bénévoles nous offre une liberté immense – c’est une des raisons du choix de ce nom : « Le Regard Libre ». Nul salaire à assurer ; les abonnés paient pour l’impression, la diffusion du magazine et l’entretien du site internet (il est aussi possible de souscrire un abonnement numérique).

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En France, lancer un magazine sur la vie des idées en kiosques relèverait de l’exploit. Alors, dans la “petite” Suisse romande, et à 25 ans… Comment vous y êtes-vous pris économiquement et quels sont vos objectifs ?
Nous avons obtenu ces derniers mois la contribution de mécènes ainsi que celle de deux fondations : la Fondation pour la diversité des médias, basée en Suisse allemande, et la Fondation Aventinus, nouveau propriétaire du quotidien romand Le Temps, récemment créée pour soutenir des médias en Suisse romande. Notre envie de contribuer à la vie démocratique les a convaincus. Ces fonds nous offrent suffisamment de réserve pour assurer la diffusion en kiosque pendant une année, quoi qu’il arrive. L’objectif est clair : doubler le nombre de nos lecteurs et gagner en visibilité pendant douze mois. Cette arrivée en kiosque est l’étape la plus importante que nous ayons connue. Le magazine a déjà tenu sept ans, nous le portons par passion à côté de nos activités. Je vois l’avenir de cette publication d’un œil très positif. Les gens de tous les jours que je rencontre sont très nombreux à me dire à quel point ils en ont marre du flux d’informations brutes. La réflexion, c’est notre plus-value et il s’avérera que c’est un bon investissement, j’en suis persuadé.

Vous évoquez dans votre éditorial une bataille faisant rage entre républicains et clanistes. Pensez-vous que ce conflit idéologique trouvera une fin dans le monde intellectuel ou plutôt dans le monde politique ?
Ces deux mondes s’interpénètrent, mais la politique finit toujours par trancher. L’analyse que je propose est le constat d’un nouveau clivage, au moins aussi important que l’opposition gauche-droite ou mondialisme-souverainisme. Selon moi, c’est un débat intrinsèquement « binaire » : on peut être un peu de gauche et un peu de droite, progressiste tout en étant réac’ sur certains sujets ou conservateur sur d’autres, mais on ne peut pas se dire républicain et en même temps organiser des réunions non-mixtes et être favorable à l’idée de « communautés » ayant des « droits à » la reconnaissance, à des faveurs ou que sais-je. Entre le clanisme, qui est le fait d’une certaine gauche actuelle, et le libéralisme classique, ne reconnaissant pour seule communauté que l’Etat-nation protégeant les individus, il faut choisir. 
En Suisse, l’identité du pays est purement politique, institutionnelle ; c’est ce qui nous permet de vivre ensemble tout en ayant des langues, religions et cultures différentes. Le fédéralisme, la démocratie directe, l’esprit de milice sont notre pain commun. Or, certains intellectuels ou militants voient désormais du politique dans des caractéristiques comme le genre, l’orientation sexuelle ou l’origine. C’est un grand bouleversement. Cet enjeu aurait dû être discuté dans les médias helvétiques depuis belle lurette ; Le Regard Libre le traite dès le début et continuera à le traiter, avec des débats, des interviews, des analyses aspirant à aller au fond des choses.

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Dans ce numéro également, un vaste dossier sur les artistes dans la Russie contemporaine. Qu’avez-vous appris sur leur situation, et pourquoi ce tropisme russe quelque peu inattendu ?
L’un des intérêts d’une plongée chez les artistes russes, mais cela peut bien sûr valoir pour d’autres pays et époques, c’est qu’elle en dit long sur les différences notables, quoique parfois subtiles, qui existent entre notre regard et le leur. Les catégories politiques standard que nous utilisons perdent un peu de leur pertinence quand on s’intéresse à un auteur comme Zakhar Prilepine. Il peut nous sembler tout à fait impossible d’être à la fois nationaliste, d’extrême gauche et partisan des libertés publiques. Pourtant, le temps de s’intéresser de près à cet écrivain et nous autres, Suisses ou Français, comprenons mieux sa position par rapport à Poutine, par exemple. Cela nous amène alors à revoir nos jugements à l’emporte-pièce sur ce régime et ses opposants. L’expertise de Georges Nivat, que nous avons interviewé, nous donne également une idée de la spécificité de la langue pratiquée par les Russes – et donc de leur vision du monde, de leur rapport au sacré, au transcendant. Un tel dossier – piloté en l’occurrence par notre collaborateur Ivan Garcia – est enfin un prétexte pour aborder, toujours et encore, les riches rives de la réflexion sur ce qu’est la culture, l’art, la littérature. Ce recul est plus que jamais nécessaire.

À côté de quel papier le lecteur aurait-il tort de passer dans ce numéro ?
Outre bien sûr l’interview de Mathieu Bock-Côté, aussi dense que passionnante, je vous répondrai en faisant un pas de côté. Régulièrement, des lecteurs me disent commencer la lecture de nos numéros par la sélection de citations proposée à la dernière page. Cette anecdote me plaît car elle illustre bien notre magazine : un espace pluraliste de réflexion, où l’on peut se balader picorant tel ou tel article, telle ou telle idée. Ces citations sont tirées de lectures et écoutes actuelles de notre équipe hétéroclite, qui se retrouve toutefois dans sa défense commune d’une valeur qui se perd : le pluralisme intellectuel. Il urge d’en rappeler l’importance en agissant sous sa lumière.

Il est possible de s’abonner à la revue pour le prix de 125 francs suisses / an sur son site Internet. Il existe également des formules numériques économiques.

Un message du ministre de l’Éducation nationale aux enfants et jeunes gens de France

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Nos marmots sont retournés dans les écoles hier. Que disait le prédécesseur de Jean-Michel Blanquer à la rentrée 1944 ?


En cette période de rentrée scolaire, qu’il serait bon qu’un ministre de l’Éducation Nationale s’adresse aux enfants de France avec des paroles fortes ! Mais ne rêvons pas, notre ministre n’a pas les épaules, il n’a que des communicants. Quant aux actuels enfants de France, ils savent de moins en moins lire. Pour la rentrée 1944, René Capitant (notre photo), ministre de l’époque, était d’une autre carrure. Certes les temps étaient différents et les souffrances de la guerre imprègnent son message. 

Mais tout de même, on trouve dans ce message un souffle dont on ne peut aujourd’hui que ressentir cruellement combien il nous manque. Il y a là un amour vibrant pour la patrie, une fierté d’être français, qui s’expriment et se transmettent comme une évidence naturellement partagée. Il y a là une exaltation des maîtres, et une tranquille confiance en ces élèves « qui viennent … animés de la volonté de travail et pour s’instruire ».

Si « l’espace-temps » de 44 n’est donc pas le nôtre, ce texte éclaire et met dans une perspective saisissante les temps que nous vivons.


MESSAGE
De Monsieur le Ministre de l’Education Nationale
Aux Enfants et Jeunes Gens de France


Paris, le 2 octobre 1944.

 Enfants et Jeunes Gens de France,
 
En reprenant aujourd’hui le chemin de vos écoles, vous pourrez marcher la tête haute et le regard droit ; car vous êtes les enfants d’un pays libre et fier de s’être battu pour reconquérir sa liberté.

La France porte encore les blessures que lui ont causées les chaînes de l’oppression ou les destructions de la bataille. Vos pères et vos frères sont encore dans les camps et dans les chantiers où l’ennemi les retient prisonniers, ou bien ils servent dans ces divisions et ces bataillons de marche qui encerclent l’ennemi sur notre territoire ou le repoussent vers nos frontières. Dans certaines régions vos écoles sont détruites ou endommagées. Vous-même êtes dispersés et beaucoup d’entre vous sont retenus au loin par l’absence de communications.

Mais tous ceux qui le peuvent reprennent aujourd’hui le chemin de l’école. Ils y retrouvent leurs maîtres qui, au temps de l’oppression, n’ont point cessé de leur enseigner en secret l’amour de la vérité et de la Patrie. Ils y viennent animés de la volonté de travail et pour s’instruire.

Apprenez de vos maîtres ce que vos pères ont su et compris qui, dans les siècles, a fait la grandeur de votre pays. Mais apprenez d’eux aussi comment la France a pu remonter de l’abîme où elle est tombée il y a quatre ans. Sachez par eux que de l’union fraternelle des Français, de leur fidélité au devoir et aux principes de la justice, doit surgir une ère de grandeur et de bonheur pour notre nation.
Élevez vos pensées vers ceux qui ont donné leur vie pour la Patrie. Gardez l’exemple de vos ainés et de vos maîtres morts au Champ d’Honneur. Recueillez la flamme de la résistance qui les animait et prononcez avec ardeur les deux invocations sacrées qui les ont inspirés dans leur lutte : Vive la République. Vive la France

René Capitant

Sexe, Instagram et califat: une influenceuse turque poursuivie en justice

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Une influenceuse turque est poursuivie par la justice de son pays, après avoir publié des photographies prises lors d’une visite d’un musée érotique.


Une influenceuse turque risque d’être poursuivie par les autorités de son pays pour avoir posté en ligne des photographies prises lors d’une visite au Musée érotique d’Amsterdam en janvier 2020. Selon la loi turque, il est interdit de publier du matériel obscène, une infraction passible d’une amende ou d’une peine de prison allant jusqu’à trois ans. 

#Instagramdown

Âgée aujourd’hui de 23 ans et suivie par 600 000 followers sur Instagram, Merve Taskin, faisant un voyage aux Pays-Bas pour son anniversaire, avait trouvé drôle de prendre en photo certains des objets exposés, parmi lesquels des pâtes en forme de pénis et un décapsuleur érotique. 

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La plaisanterie n’a pas été appréciée par tout le monde, du moins dans les rangs de la magistrature turque. Merve Taskin prétend avoir été arrêtée, interrogée et relâchée deux fois dans les mois qui ont suivi le voyage. Elle viendrait de recevoir un SMS la sommant de comparaître devant un tribunal le 26 octobre.

Le musée la soutient

Le musée hollandais, qui se présente surtout comme une institution pédagogique, lui a envoyé un message de soutien. Depuis longtemps, les spécialistes des droits de l’homme s’inquiètent des entraves à la liberté d’expression imposées par le régime d’Erdogan. Très belle, les images que Merve Taskin poste d’elle-même, en minijupe ou bikini, ne correspondent pas à l’image de la femme que prône ce calife des temps modernes : voilée, soumise, et incapable d’exercer la moindre influence sur le monde.

Dans la tête de Recep Tayyip Erdogan

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Potemkine!


Tout le monde connaît l’histoire. Quand Catherine II manifestait le désir d’aller voir sur place comment vivait son peuple, son Premier ministre et amant, Potemkine, prenait date et balisait soigneusement l’itinéraire de la tsarine de villages artificiels d’une propreté suspecte, que l’on emplissait pour l’occasion de paysans en vêtements de fête. Aux arbres plantés pour la journée on attachait avec des fils de soie des rossignols qui chanteraient la gloire de la souveraine — et en avant la moujik !

Emmanuel Macron visitait ce matin 2 septembre la cité Bassens, à Marseille. Quelques heures avant, des dizaines d’employés de sociétés privées sont venus nettoyer ces lieux voués d’ordinaire à l’abandon et à la crasse, témoigne BFM. « Si vous aviez vu l’état de la cité hier (mardi) soir… il y avait vraiment un décalage, il y avait visiblement des ordures, des poubelles qui n’avaient pas été ramassées depuis plusieurs jours », a confié une habitante à l’envoyé spécial, Igor Sahiri.

Potemkine ! 

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Qu’aura vu Macron ? Un site HLM propre et pas plus désespérant qu’un autre. On lui a fait pour trois jours un décor d’opérette. Macron « au pays du soleil », comme aurait dit Vincent Scotto.

Tout le monde sait que Marseille est — merci FO ! — une ville d’une saleté repoussante, et particulièrement dans les Quartiers Nord : ceux du Sud, en revanche, sont propres, selon une partition que j’ai observée jadis à… Casablanca. Ici, c’est le Tiers-monde tous les jours, sans avoir à prendre l’avion.

Il y a sept ans, Manuel Valls et Najat Vallaud-Belkacem sont venus, la main dans la main, visiter à Marseille le lycée Victor-Hugo, classé ZEP. On a, pour l’occasion, instauré une safe zone de cent mètres autour de l’établissement, confiné les enseignants dans la salle des professeurs, habillé les lieux de plantes vertes, rempli les extincteurs d’incendie, qui sont toujours vides, et réquisitionné d’ex-élèves passés en fac ou en prépas — c’est ainsi que je fus mis au courant — pour jouer aux lycéens de Terminale et discuter doctement avec les deux éminences. Potemkine ! Potemkine !

Rien de ce que l’on montre aux dirigeants n’est vrai. La réalité va se rhabiller avant leur venue — et se remet à poil après leur passage. Je suspecte d’ailleurs qu’il en est de même lorsqu’un patron se déplace dans une usine lointaine. 

Le calife Haroun-al-Rachid, à ce que racontent les 1001 nuits, se déguisait parfois en marchand, et accompagné de son poète favori (homosexuel, mais c’est un détail), descendait dans les rues de Bagdad voir comment vivait vraiment son peuple. Et le lendemain, il faisait voler les têtes.

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C’est aujourd’hui impossible. Un ministre de l’Éducation auquel je voulais du bien, il y a quinze ans, et à qui je proposai un jour de venir avec moi, en catimini, visiter un collège de la petite ceinture à l’improviste, m’expliqua que la Sécurité exigeait d’être avertie quinze jours avant. Que sa cellule « Communications » prévenait à son tour les médias. Et que pour intelligent qu’il fût, il devait se contenter de fariboles et de réalités truquées.

Marseille est une ville en déshérence. La dette publique est colossale, l’immobilier s’écroule, les écoles sont à refaire, le centre-ville est extrêmement périphérique, et comme l’a suggéré Manuel Valls, redevenu chroniqueur, il faudrait raser la ville et la repeupler « autrement ». Il n’y a guère que la Vélodrome qui brille — oui, mais il est privé.

Alors, à, part lancer sa campagne… Macron promettra de l’argent, Paris fera semblant de visiter le grand cadavre marseillais, comme d’habitude, et le mettra sous tutelle comme on met les mourants sous assistance respiratoire, et la misère continuera. 

Ah si, les hommes de Darmanin, dans une descente-éclair spectaculaire, ont arrêté deux dealers (sans doute déjà libérés à l’heure où j’écris) et saisi un kilo de shit — la consommation de quelques heures. Potemkine n’aurait pas fait mieux.


Le regard libre d’Élisabeth Lévy
Le dialogue entre Emmanuel Macron et un jeune marseillais sur le chômage…

Revenons sur un échange entre Emmanuel Macron et un habitant de la cité Brassens à Marseille. Il affirme avoir été victime de racisme dans son internat où on le traitait de sale arabe puis avoir arrêté de travailler à cause du racisme. C’est peut-être injuste, mais j’ai du mal à le croire. Marseille est une ville très mélangée. Par qui a-t-il été traité de sale arabe, par des Comoriens, des Gitans ou des Pierre dont on déplore l’absence dans les cités des quartiers Nord ?

Visionnez la chronique d’Elisabeth Lévy en vidéo ci-dessous. Retrouvez notre directrice de la rédaction chaque matin dans la matinale de Sud Radio à 8h15.

Tomber de Charybde-Piolle en Scylla-Rousseau

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Pendant qu’Eric Piolle tente de se dominer, pour la racialiste Sandrine Rousseau, noirs et musulmans sont “résistants de fait”.


Les occasions de rire se faisant rares, j’attendais avec impatience les premières rencontres des futurs candidats à la primaire EELV. Je pensais surtout me réjouir des embardées d’Éric Piolle, sa verve aride, ses balbutiements dès qu’il s’agit de défendre sans le défendre le burkini, son assurance sèche quant à la potentielle construction d’un arc humaniste qui lui sert de sésame pour répondre à toutes les questions qui lui sont posées. L’homme qui pense que les thèses racialistes relèvent « de la liberté d’expression » ou que le mois décolonial qui s’est tenu dans sa ville est « légitime » me semblait être une sorte de champion du monde de l’inintelligence politique, pour ne pas dire pire. Survint alors Sandrine Rousseau.

Sur la tribune, Rousseau enchante Poitiers

Là où Éric Piolle se contente de reprendre le mantra anti-nucléaire historico-romantique des Verts, Sandrine Rousseau a déclaré préférer « des femmes qui jettent des sorts plutôt que des hommes qui construisent des EPR. » S’inscrivant dans la mouvance intersectionnelle, elle s’est lancée, en transe, dans une réjouissante tirade opportuniste lors des journées EELV de Poitiers : « Nous prenons et nous jetons le corps des femmes, […] nous prenons et nous jetons le corps des racisés. » Plus tard, elle précisera que les femmes, les Noirs, les musulmans sont des « résistants de fait » ; qu’ « on ne peut pas émanciper en interdisant un vêtement », à propos du voile islamique ; que « l’écologie politique, c’est pas des hommes blancs à vélo dans les villes », pour tacler ses concurrents masculins à la primaire verte. Sur son compte Twitter, elle révise Marx à l’aune des thèses racialistes et écoféministes : « Le système capitaliste s’est nourri de trois prédations majeures, à savoir celles du corps des personnes noires, des femmes et de la nature. » Bref, après avoir récupéré sans les trier tous les déchets des mouvements « woke », islamo-gauchiste et néo-féministe, Sandrine Rousseau, la mine réjouie de la ravie de la crèche écolo, les jette sans discernement sur la scène médiatique.

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Éric Piolle, aussi ubuesque puisse-t-il parfois paraître, semble avoir préservé un peu de ce filtre que les freudiens appellent surmoi et qui permet une sorte d’autocontrôle évitant la rupture totale des attaches de protection psychique. Sandrine Rousseau, non. Pour le dire trivialement, elle a déboulonné. Sa présence aux universités d’été de la France Insoumise lui a permis de comparer sa radicalité verdâtre à la radicalité rougeâtre d’un autre acteur politique parti en vrille, Jean-Luc Mélenchon. Elle en est sortie rassérénée. Mélenchon imaginait il y a peu un complot à venir sous forme d’attentat avant les prochaines élections. De son côté, Rousseau ne se contente pas de signer une tribune – avec ces phares de la pensée humaniste que sont Virginie Despentes, Cécile Duflot et Giulia Foïs – pour appeler à l’accueil inconditionnel des femmes afghanes et « de leurs proches », elle préconise également d’accepter sur notre sol les potentiels terroristes afin de « mieux les surveiller. » 

Le Maire de Grenoble Eric Piolle © JEAN PIERRE CLATOT / AFP

Les ateliers des Journées d’été EELV

Lors de ces Journées d’été des écologistes, Sandrine Rousseau a sans doute beaucoup apprécié de voir certains thèmes qui lui tiennent à cœur abordés dans différents ateliers :

Un “Boot camp écoféministe” proposait de travailler sur “l’empouvoirement” des femmes. Le mot empouvoirement n’existe pas dans la langue française. Dérivé de l’anglais, il montre l’incapacité de certains à dire naturellement les choses les plus simples et la réalité d’une tournure d’esprit adaptée au techno-monde. Ceux qui devraient préserver la langue française au même titre qu’ils prétendent préserver nos paysages, réussissent paradoxalement à détruire l’une et les autres ; la novlangue globishisée, l’écriture dite inclusive et les éoliennes sont là pour en témoigner. 

Un atelier co-animé par l’inénarrable Alice Coffin, soutien déclaré de Sandrine Rousseau, tentait de démonter les stratégies des vilains adversaires de l’écologie politique qui useraient de termes stigmatisants comme « décolonialisme », « racialisme » ou « indigénisme » – en omettant de rappeler que tous ces mots et concepts ont été adoptés par la sphère gauchiste (écologiste ou insoumise), afin de flatter les représentants d’associations migrationnistes et faussement antiracistes qui ont su en profiter pour faire leur pelote idéologique.

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Les raisons d’espérer

Passons rapidement sur “l’école de la compétition” qu’il faut remplacer par “l’école de la coopération” ; sur « l’occupation israélienne qui ne cesse d’aggraver les discriminations » et qui oblige à « parler d’apartheid » sous prétexte que cette même « occupation israélienne […] accroît considérablement la vulnérabilité des Palestiniens aux effets du changement climatique » ; sur la nécessité d’ajouter au droit d’asile la case « réfugié.e.s climatiques » ; sur celle d’apprendre à « parler épicène et lutter contre la domination patriarcale par le langage » ; enfin, sur l’importance de « déconstruire la colonisation patriarcale des imaginaires », lors d’un débat que nous imaginons avoir été riche de références à Butler, Vergès, Delphy, Soumahoro, De Haas et autres éminentes personnalités intellectuelles.

Deux raisons pour espérer l’élection de Sandrine Rousseau lors des primaires EELV : 

1) Vu le nombre de sottises qu’elle a été capable de proférer en seulement quelques jours, je n’ose imaginer – mais m’en réjouis d’avance – le nombre et la teneur de celles qu’elle pourrait balancer durant les sept mois qui nous séparent de l’élection présidentielle. 2) La surenchère étant le ressort de la compétition Verts versus Insoumis, les débats colorés entre Rousseau-Pastèque et Mélenchon-Fruit de la passion pourraient nous permettre de passer de belles soirées. Ceci dit, je suis certain qu’Éric Piolle ne démériterait pas. Un homme politique qui est capable de Twitter « Je veux vous parler d’espoir » puis, immédiatement après, « On peut accueillir tous les Afghans qui demandent l’asile », doit continuer de retenir toute notre attention. 

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Ex-champion du Covid-19 cherche vaccin désespérément

En l’absence de vaccin, la population vietnamienne doit se terrer chez elle. Ho Chi Minh Ville fait appel à l’armée pour ravitailler la population.


Les choses changent vite en période Covid. Fin janvier 2021, le Vietnam était considéré après la Nouvelle-Zélande comme le pays au monde qui luttait le plus efficacement contre le Covid-19, selon le classement établi par l’Institut Lowy de Sidney. Six mois plus tard, la chute au classement est vertigineuse, le variant Delta a mis le pays au tapis en moins de trois mois. Dans les deux cas, notez bien, l’information est restée totalement ignorée des médias. En France, pour parler de la situation en Asie, on évoque Taïwan, la Corée du sud voire le Japon, mais jamais le Vietnam malgré notre passé commun et l’importante diaspora vietnamienne de France. Trop communiste, trop peu développé, trop lointain probablement pour nos chroniqueurs sanitaires. Les enseignements ne manquent pas même si les méthodes utilisées sont difficilement transposables en France. Jusqu’à fin avril de cette année, les Vietnamiens (97 millions d’habitants), voisins de la Chine épicentre de la maladie, réalisaient des miracles face au Covid-19. Une fermeture hermétique du pays, un contrôle social étroit et une discipline de fer pleinement acceptée par toute la population compensaient à merveille des capacités hospitalières modestes.

Résultat, moins de 3000 personnes positives au Covid-19 et moins de quarante morts en l’espace de 15 mois. Chiffres crédibles, conformes à la réalité du quotidien, et non pas bidonnés par le régime, comme on veut trop systématiquement le croire en France dès qu’il s’agit d’un régime communiste. Passé un premier confinement au mois de mars 2020 pour étouffer les premiers foyers de contamination, la vie avait repris son cours normal. En 2020, le Vietnam fut avec la Chine et la Nouvelle-Zélande l’un des trois uniques pays d’Asie à engranger une croissance positive du PIB (2,9%). Le premier trimestre 2021 laissait présager une croissance annuelle encore plus vigoureuse.

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Pour réussir leur politique de « Zéro Covid », les autorités vietnamiennes s’en tenaient depuis le début à une stratégie basique mais efficace : fermeture précoce de tous les points d’entrée sur le territoire ; contrôle étroit tout le long de la frontière pour prévenir toute immigration clandestine ; isolement de tous les cas positifs et de tous leurs cas contacts ; quarantaine obligatoire d’un mois (15 jours en camp suivis de 15 jours chez soi) pour tous les Vietnamiens et les rares étrangers autorisés à rentrer au Vietnam. Méthode contraignante mais efficace. Bien protégée par une stratégie qu’elle croyait sans faille, la population vivait quasi normalement et était fière de ses résultats. Le virus ne rentrait pas mais les biens d’exportation continuaient de partir pour le monde entier et c’était bien là l’essentiel.

Ça, c’était avant. Il y a quatre mois. Une autre époque

20 août 2021. L’armée vietnamienne est arrivée au petit matin dans Saigon désert. Véhicules blindés et camions de transport de troupe ont pris possession des grands axes. Les soldats ont installé des barbelés pour empêcher quiconque d’entrer ou de sortir de la ville. Ho Chi Minh Ville, déjà confinée depuis un mois en raison d’un taux de contamination reparti en flèche, se réveillait quadrillée par 10 000 soldats. Avec un mot d’ordre : « Ne bougez plus, restez où vous êtes ! » Interdiction totale de sortir de chez soi, même pour faire ses courses. L’armée ravitaillera les dix millions de Saïgonnais durant les quinze prochains jours, a annoncé le gouvernement.

Revoir les camions militaires en plein cœur de Saigon fait un drôle d’effet. Ironie de l’histoire, cet événement survenait quelques jours après que les journalistes du monde entier ont fait le parallèle entre la chute de Kaboul le 15 août 2021 et la chute de Saigon le 30 avril 1975. Mais derrière les images choc, la réalité est amère pour les Vietnamiens. Le virus a réussi à rentrer dans le pays fortifié et, après une lutte féroce, la mise en quarantaine de centaines de foyers, immeubles, rues et villes entières durant plusieurs semaines, le gouvernement vietnamien a reconnu sans détour et sans langue de bois que, cette fois-ci, contrairement aux trois attaques précédentes du virus, celui-ci lui avait échappé, s’était propagé dans le pays et qu’il était désormais impossible de le juguler. Exit donc la politique du « zéro Covid ».

Le variant delta a réussi à se frayer un chemin au Vietnam tout début mai, passager incognito de quelques Chinois entrés clandestinement dans le pays pour échapper à la quarantaine. Le virus est ensuite entré dans les zones urbaines du nord puis du sud du pays et a pénétré les zones industrielles autour d’Ho Chi Minh Ville où des centaines de milliers d’ouvriers travaillant en deux-huit se croisent chaque jour. Un petit retard à l’allumage de la mairie de Saigon a fait le reste. Quand les mesures de confinement ont été prises, il était trop tard. Le virus était déjà incontrôlable. 

Ces trois derniers mois, le virus s’est répandu à une vitesse qui a surpris tout le monde. Il faut dire qu’il n’y avait aucun obstacle pour l’arrêter. Le variant Delta est arrivé sur un terrain quasiment vierge de toute contamination. Avec juste 3000 cas positifs fin avril 2021, la population n’avait développé aucune immunité individuelle ou collective (si tant est que cela soit utile à quelque chose). Surtout, trop confiant dans sa capacité à maintenir le virus à l’extérieur de ses frontières, le Vietnam avait tardé avant de définir sa politique vaccinale, espérait produire son propre vaccin et n’avait encore passé aucune commande. Le 1er mai 2021, au début de la course victorieuse du variant delta, seul 0,5% de la population avait reçu une première dose de vaccin, provenant du programme d’assistance internationale Covax. 

L’objectif de « Zéro Covid » appartenant au passé, le gouvernement s’est tourné vers la seule alternative disponible, le vaccin, dans l’espoir de freiner la propagation du variant, augmenter la résistance au virus et réduire le nombre de morts. Un « Vaccinton » télévisé a été organisé afin de collecter des fonds auprès des grandes entreprises du pays. Tous les grands patrons y sont allés de leur gros chèque. Une fois l’argent collecté, le plus dur restait à faire : trouver des vaccins immédiatement disponibles. Toutes les pistes ont été explorées. Hélas, trois fois hélas, les miracles n’existent pas dans l’industrie et les fournisseurs ne peuvent fournir que ce qu’ils ont en magasin. Après une phase de vaccination rapide (14 millions de personnes ont reçu une première dose de vaccin entre la fin juillet et la fin août, dont 35% de la population de Saigon), les réserves de vaccins se sont épuisées et les livraisons se sont interrompues. Le vice-Premier ministre Vu Duc Dam en charge de la lutte contre le virus depuis 18 mois est venu courageusement devant les caméras à la mi-août présenter la dure réalité des chiffres. Le Vietnam avait bien commandé des dizaines de millions de doses pour d’ici à la fin de l’année. Mais, petit problème, seules trois millions de doses (au mieux) seraient livrées d’ici la mi-septembre. Insuffisant pour compléter la vaccination de la population d’Ho Chi Minh Ville (environ dix millions d’habitants) et encore moins pour répondre aux besoins des provinces limitrophes qui regroupent les zones industrielles où le virus se répand comme une trainée de poudre. 

En l’absence de vaccination suffisante, le vice Premier-ministre a confirmé ce que chacun avait déjà compris : la mise à l’arrêt du pays, la distanciation sociale, les confinements draconiens et le ballet des ambulances dans des villes désertes allaient continuer encore de nombreuses semaines. Dès le lendemain de cette intervention, l’armée investissait les rues d’Ho Chi Minh Ville.

La situation sanitaire a également pris un tour catastrophique dans la mégapole du sud du pays. Les hôpitaux de la ville sont débordés par le nombre de malades. Les nouveaux arrivants sont installés sur des brancards en métal, avec une bouteille et un masque à oxygène, dans les cours de l’hôpital hâtivement bâchées pour se protéger des pluies diluviennes de l’été. Le nombre de cas positifs croit depuis deux mois et tourne désormais autour des 12 à 13 000 par jour, dont 80% de contamination au sein de la population, alors que jusqu’en avril la quasi-totalité des cas positifs étaient découverts dans les centres de quarantaine hermétiquement fermés. Le nombre de morts dépasse désormais les 300 par jour. Si l’on s’en tient aux chiffres officiels, le taux de mortalité serait proche des 3%. Et rien ne dit que le pic de la vague soit atteint.

Les premiers seront les derniers

Pragmatique et lucide, le Vietnam s’est donc rallié à la politique des pays occidentaux et place désormais tous ses espoirs dans la vaccination. Malheureusement celle-ci intervient avec six mois de retard par rapport aux pays européens. En attendant l’arrivée des cargaisons officielles de vaccins, chacun tente de trouver un moyen de se faire vacciner avant les autres. La communauté française qui a reçu ses doses de vaccins grâce à l’ambassade de France et au ministère de l’Europe et des Affaires étrangères a fait de nombreux envieux. En attendant leur tour, les Vietnamiens des grandes villes sont condamnés à se terrer chez eux et à regarder à la télévision les matchs de foot anglais (dont ils raffolent) où des centaines de milliers de supporters britanniques vaccinés postillonnent l’amour de leur équipe durant deux heures dans des stades de plus de 50 000 personnes.

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Le succès est par définition fragile. Le Vietnam, pays de près de cent millions d’habitants en est un nouvel exemple. Hier premier de la classe, il est tombé en l’espace d’un trimestre dans la catégorie des pays en grande difficulté sanitaire, pour ne pas avoir acheté assez tôt les doses de vaccins qui auraient permis d’atténuer le choc des attaques du dernier variant en date, comme cela semble être bien le cas en France et en Europe. 

Les Vietnamiens, peuple courageux, débrouillard et travailleur, se relèveront. Ils reprendront leur marche en avant, dans le sillon de la Corée du sud et de Taïwan. Mais pour l’heure, de manière totalement contracyclique par rapport à nous, ils vivent leurs pires heures de cette épidémie de Covid-19 et attendent impuissants l’arrivée des vaccins et la fin de leur cauchemar. Seule consolation, ils ne sont pas les seuls dans la région à avoir été débordés par le variant Delta. L’Indonésie, la Thaïlande, la Malaisie vivent également un été 2021 meurtrier.

Michel Onfray revient sur quelques crimes de la pensée

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Le philosophe publie Autodafés : l’art de détruire les livres (Presses de la Cité), qui rassemble ses analyses publiées dans le Point sur Simon Leys, Alexandre Soljenitsyne, Samuel Huntington et quelques autres penseurs hétérodoxes récents.


Il paraît que des abonnés se seraient retirés de cette excellente revue qu’est Front Populaire au prétexte de la position très lucide et humainement irréfutable de Michel Onfray en faveur de la vaccination.

Je n’ai pas la prétention de les faire revenir mais j’aimerais au moins tenter ma chance parce que Michel Onfray vient de publier aux Presses de la Cité un étincelant essai, qui est aussi un pamphlet dévastateur, dont le titre Autodafés, et le sous-titre : L’art de détruire les livres, révèlent bien la substance.

Celle-ci consiste à dénoncer la manière dont des ouvrages capitaux pour la compréhension de la société et du monde, géniaux à cause de l’anticipation des dangers, salubres pour la révélation des horreurs ignorées ou occultées par l’idéologie, ont été longtemps interdits, censurés, étouffés pour la simple et triste raison qu’ils disaient tous la vérité.

Qu’on en juge : Simon Leys pour les Habits neufs du président Mao, Soljenitsyne et l’Archipel du Goulag, Paul Yonnet contre un certain antiracisme dans Voyage au centre du malaise français, Samuel Huntington prophétisant Le Choc des civilisations, la mise à bas du mythe d’un islam civilisateur de l’Occident dans Aristote au mont Saint-Michel de Sylvain Gouguenheim et enfin, sous la direction de Catherine Meyer, Le Livre noir de la psychanalyse la ridiculisant.

Exercices de démolition

Michel Onfray ne se contente pas de décrire brillamment le bienfaisant scandale que ces bombes ont créé lors de leur publication mais, avec une cruauté jouissive, accable le milieu germanopratin, un mélange prétendument progressiste de philosophes égarés, d’écrivains énamourés, de journalistes perdus, de sociologues confus et d’idéologues aveugles parce qu’ils souhaitaient plus que tout être aveuglés. Pour qui est familier de l’univers de Michel Onfray et de son style qui s’adapte au genre que son infinie curiosité aborde, on devine avec quelle talentueuse et acerbe impétuosité il s’est livré dans ces exercices de démolition qui sont un régal.

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Lorsqu’il regrette qu’il n’y ait jamais eu « le Nuremberg du marxisme-léninisme », il déplore, selon une magnifique formule, que « les atrocités léninistes, trotskistes, staliniennes, bénéficient d’une extraterritorialité morale » avec la jurisprudence qui s’ensuit : on peut avoir pensé, voulu et validé le pire dans l’extrême gauche sous toutes ses latitudes et avec les honteuses complaisances qu’il est facile d’imaginer, ce ne sera jamais « un obstacle dirimant pour faire carrière »! Contrairement à ceux de l’autre bord extrême, nazis, fascistes, pétainistes, franquistes et autres, soutiens de régimes autoritaires, qui, et « c’est heureux », seront stigmatisés à vie.

Ce qu’énonce Michel Onfray est une évidence mais son expression fait tellement peur qu’il faut lui savoir gré de la proclamer. De même d’ailleurs qu’il ne faut pas manquer d’un vrai courage intellectuel pour affirmer le délétère et malfaisant compagnonnage, malgré les apparences cherchant à sauver la mise de tel ou tel, entre Marx, Lénine, Staline et Trotski.

Michel Onfray blacklisté par France Inter

À lire Autodafés, il ne faut plus que Michel Onfray s’indigne, ou même s’étonne, de ne pas être convié sur certaines radios, par exemple France Inter où le vrai pluralisme et l’authentique liberté intellectuelle sont aussi absents que l’esprit de ses humoristes. Comment l’espace médiatique incriminé, qui n’aura aucun mal à se reconnaître, pourrait-il, avec une tolérance qui serait proche du masochisme, accueillir à bras ouverts, à intelligence curieuse, Michel Onfray qui a dressé un fulgurant acte d’accusation contre les turpitudes d’une époque où de manière indigne on vilipendait des héros de la vérité pour lesquels la littérature était un moyen de se sauver et de nous protéger.

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J’aime aussi particulièrement que Autodafés batte en brèche la réputation de narcissisme et d’autarcie que des malintentionnés, des ignorants lui ont faite alors que son livre démontre le contraire. Puisqu’il le consacre à défendre des causes détachées de l’actualité, fondamentales parce qu’elles ont eu des enjeux de haute portée historique, philosophique et politique, et des personnalités qui ont honoré la pensée, le courage, la liberté et la vérité. Je n’imagine pas BHL – et de fait je ne l’ai jamais vu adopter une telle posture – se dépenser dans tous les sens du terme pour de tels combats ne rapportant rien médiatiquement et politiquement, seulement destinés à réparer des injustices anciennes, à promouvoir d’autres écrivains que lui, à rappeler leurs audaces qui n’étaient pas celles (à couvert) des champs de bataille mais infiniment plus périlleuses puisqu’elles avaient pour ennemi essentiel l’immense et étouffante chape d’idéologies que la bienséance interdisait de questionner.

Pourtant ces auteurs, que Michel Onfray a mis à l’honneur, l’ont fait et il convenait qu’avec superbe ils soient sublimés et leurs adversaires dégradés.

J’entends déjà le reproche : encore Michel Onfray, toujours Michel Onfray ! Ce n’est pas ma faute s’il a écrit Autodafés. Je ne pouvais pas me passer de lui rendre cet hommage, lui qui a su si bien se mettre au service du génie intrépide de quelques autres.

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La langue française menacée d’écroulement

Molière speaking? La langue française n’est pas uniquement menacée par la globalisation. Elle est rongée ici, de l’intérieur, par une novlangue que chérissent publicités, médias et administrations… Quant à l’État, il oscille entre défense molle et laisser-faire.


En mars 2022, au terme d’un retard dû à la pandémie de Covid, doit ouvrir la Cité internationale de la langue française, à Villers-Cotterêts. C’est le grand chantier du quinquennat d’Emmanuel Macron, voulu et porté par lui, doté d’un budget d’environ 185 millions d’euros. Cette petite cité de l’Aisne a été ornée en 1535 d’un château magnifique, remanié ensuite par le grand Philibert Delorme, mais laissé à l’abandon durant des décennies. C’est là, en août 1539, que François Ier a rendu sa fameuse « ordonnance royale » en moyen français, le plus ancien texte juridique dans notre langue, laquelle remplaçait désormais le latin dans tous les actes officiels. Depuis 1992, il est inscrit dans notre Constitution, à l’article 2 : « La langue de la République est le français. » On ne saurait être plus clair. Et le symbole choisi par le président est puissant.

La langue française est un chef-d’œuvre en péril

En théorie, on ne peut que se réjouir de cette initiative, même si nous inquiète un tantinet la définition de la mission de ladite Cité : « Stimuler la recherche et le débat d’idées sur la langue française. » On craint encore une de ces usines à gaz technocratiques dont la France a le secret. Quant au « débat d’idées » actuel sur la langue, on en connaît les composantes : postcolonial et gender studies

Choose France

Stimuler c’est bien, illustrer notre langue à travers le monde (à travers la fameuse « francophonie », souvent synonyme de cacophonie), c’est encore mieux. Mais il faudrait commencer par la défendre. Faute de quoi, le Château de Villers-Cotterêts demeurera un chef-d’œuvre en péril, et la Cité pourrait ressembler à un Ehpad.

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Jamais le français n’a été aussi menacé dans son existence même. D’abord, et depuis des décennies, par un sabir anglo-saxon qui n’est même plus le sympathique « franglais », mais le dégénéré et globalisé « amerloque ». Un seul exemple : on n’estime plus nécessaire aujourd’hui de traduire les titres de films américains, de doubler les publicités, écrites et audiovisuelles, même en tout petit et dans un coin. Rappelons à nos pouvoirs publics l’existence de la loi 94-665 du 4 août 1994, dite « loi Toubon », laquelle rend « l’usage obligatoire du français dans la présentation des biens publics, les produits et services, les publicités, les inscriptions dans les lieux publics, le droit du travail, les colloques, l’audiovisuel ». Qu’attend-on pour la remettre en vigueur ? De même que celle sur les quotas de chanson française à la radio et à la télé. C’est elle qui a sauvé notre variété nationale, alors que tant d’artistes ailleurs renoncent de plus en plus à chanter dans leur propre langue : voir le calamiteux concours de l’Eurovision, qui touche tout de même des dizaines de millions de téléspectateurs européens.

Mais notre langue est également attaquée de l’intérieur. D’abord par les zélateurs du bilinguisme tout anglais : grandes écoles, enseignement, et même nos futures cartes d’identité. Dans les instances européennes, nos ministres discutent en anglais avec leurs collègues, alors que le français est la langue officielle de l’UE, au même titre que l’anglais, devenu d’ailleurs très minoritaire depuis le Brexit. Alors pourquoi ne pas ajouter l’allemand, parlé également en Autriche, au Luxembourg, dans une partie de la Belgique et pas mal en Europe de l’Est ? C’est une question de pur bon sens, de rappel aux règles et de volonté politique. Et, sur ce point, le président lui-même oscille : bravo pour promouvoir le « fait en France » (et non le « made in »), mais haro sur « Choose France » et autre « soft power » à destination des investisseurs étrangers. Ils achètent aussi notre culture, notre spécificité, notre fameuse « exception ».

Un devoir

C’est également une question de patriotisme. Rappelons-nous l’article 2 de la Constitution. Or, il y a quelques mois, plus d’une centaine de députés de la République ont tenté de faire passer une réforme communautariste de cet article, plaçant sur un pied d’égalité la langue officielle du pays et ses diverses langues régionales, et exigeant le bilinguisme dans l’enseignement. Le basque, l’alsacien, le catalan, le breton et les autres langues font partie de notre culture, de notre patrimoine commun, elles n’ont pas vocation à diviser, ni à imposer aux générations à venir des diktats réducteurs. Rien n’empêche des spécialisations, mais le cœur doit demeurer français. Là aussi, politique oblige (2022, annus electilis), la position du locataire de l’Élysée a paru fluctuante et ses déclarations parfois contradictoires. Le « en même temps » ne marche pas à tous les coups.

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Dans le même registre de la « déconstruction », on relèvera la navrante langue « inclusive », pénible à l’œil et illisible à haute voix – or, la langue écrite est aussi orale. Quant à la novlangue techno, son envahissement n’a d’égal que son ridicule. Non, une décision n’est pas « actée », mais adoptée, approuvée, prise, appliquée. Non, nous ne sommes pas « impactés » par toutes ces sottises, mais touchés, concernés, ciblés, voire choqués, victimes. Notre langue est précise, son vocabulaire d’une richesse inégalée, et l’on n’utilise qu’une infime partie de ses ressources.

Enfin, rappelons un point fondamental : comme notre terre, notre langue ne nous appartient pas. Chacun d’entre nous n’en est que le dépositaire provisoire, qui devra transmettre et rendre des comptes à ses successeurs. Le français n’appartient pas non plus aux seuls Français, mais à tous ceux qui, selon la belle formule de l’académicien Maurice Druon, « l’ont en partage ». Des millions, partout dans le monde, en Afrique surtout. Nous n’avons pas le droit de l’abîmer, de le faire souffrir, de le négliger. Mais le devoir de le servir de notre mieux et de le développer. Avec 185 millions d’euros, combien paierait-on de professeurs détachés dans les alliances françaises, les instituts français, de pavillons dans les salons du livre du monde entier ? Cependant, cela ne nous empêchera pas d’aller en pèlerinage à Villers-Cotterêts.

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Mort d’un voyou à Marseille, la belle affaire

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Marseille, où se rend le médecin urgentiste Emmanuel Macron pendant trois jours, n’est pas Chicago. Et question insécurité, Paris connait en réalité une situation plus périlleuse encore.


En ce moment, Marseille est une sorte de gilet jaune ! Tout un tas d’improbables, à cravate ou à talons, se succèdent sur les plateaux en expliquant avoir trouvé dans cette ville la confirmation de leurs certitudes. Mais contrairement à l’époque des gilets jaunes, où chacun assurait en avoir rencontré au moins un et se permettait d’en déduire ce que pensaient tous les autres, ici, la plupart se prononcent sans même faire semblant de connaître la ville.

Marseille a un côté insupportable, même pour les gens qui l’aiment. Bruyante, sale, bordélique. Le stationnement est quasi-officiellement en double-file, manger dans beaucoup de ses gargotes relève de la mithridatisation, les plages sont hantées par des hordes de crétins (et tous ne sont pas issus des quartiers nord). On pourrait faire une longue liste.

Plus belle la vie

Mais la liste des bons côtés de Marseille est bien plus longue, et moi qui ai (sur)vécu dix ans à Paris, et travaillé dans les plus grandes villes du pays, je n’ai strictement aucun doute quant à savoir où il est le plus sympathique de vivre.

Dans la deuxième ville de France, on peut passer sa vie dans des zones semi-rurales, parcourant des chemins où deux voitures ne passent pas de front, sans croiser l’un de ces nouveaux barbares qui, si on en croit les journaleux parisiens, seraient devenus maîtres de la ville. Ici, suivant le quartier où on habite (quartiers qui constituent, je le rappelle ou vous l’apprend, la plus grande ville bâtie de France) on peut ne jamais croiser que des bourgeois, vivants entre eux en villas et en résidences de standing, au milieu de jardins, de parcs et par endroits de forêts. Un Parisien qu’on perdrait au cœur des accates mourrait sans doute de faim avant de réussir à en sortir, et ne trouverait d’autre issue au vallon des Auffes que de partir à la nage.

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Quant à ceux qui s’imaginent avoir tout vu et compris de la ville parce qu’ils ont pris le promène-couillons pour sillonner le Panier, faire le tour du vieux port et monter à Notre-Dame de la Garde, ils ont vu autant de la ville qu’un touriste à Paris qui aurait fait le tour du marché aux fleurs sur l’île de la Cité. D’autant que l’hypercentre (oui, ici, on distingue le centre de l’hypercentre, ce n’est pas une petite ville genre Paris ou Lyon) n’est plus guère fréquenté que par les barbares, à l’exception d’une paire de rues commerçantes où l’on ne vient qu’en journée. Le reste du temps, les gens normaux vivent dans leurs quartiers, à des kilomètres des contrées sauvages.

Deux mondes parallèles

Car Marseille n’est pas une ville, mais un assemblage de villages rebaptisés quartiers. Il y a une Marseille des gens tranquilles et une Marseille des barbares, et si ni l’une ni l’autre ne sont d’un seul tenant, les barbares vivent tous dans des endroits où il n’y a plus, ou guère, de gens normaux. Les 1er, 2, 3, 13e 14e et 15e arrondissements leur ont été dans leur plus grande partie abandonnés. Ils y vivent, et y meurent sous les balles, dans la plus totale indifférence des autres Marseillais.

Certes, les habitants sont tous marseillais, mais ils sont aussi de Mazargues ou de Saint Banabé, d’Endoume ou de Saint Victor, des Camoins ou des cinq avenues, quand ils sont normaux. Et quand ils sont d’Airbel, de la Busserine ou de la Castellane, ils sont des cités barbares. Ce sont deux mondes parallèles, que la distance physique achève de séparer. Et ce n’est pas la présence de l’un ou l’autre brave type dans ce genre d’endroits, celui qu’on s’empresse de mettre en avant pour affirmer qu’il ne faut pas généraliser, qui y changera quoi que ce soit.

C’est ainsi que tout le secteur où Pagnol situe les vacances de son enfance fait à présent partie intégrante de la ville, mais vit à un rythme complètement différent de celui du vieux port. Le 11ᵉ arrondissement, dont il fait partie, fait près de 3000 hectares. Il y existe quelques cités barbares, mais géographiquement aussi éloignés des anciens villages de Pagnol que la Seine-Saint-Denis du 7ᵉ arrondissement de Paris, et sans transports en commun pour relier les deux. Tout ce que l’habitant moyen de la cité de la Valbarelle connaît du quartier des Accates, c’est la colline qu’il voit à l’horizon.

On a coutume de dire que l’absence de violences urbaines à Marseille serait entre autres due au fait que les cités sont dans la ville. C’est vrai et faux à la fois. Si le partage de l’identité marseillaise peut en effet aider, la distance qui sépare les zones barbares de la normalité n’est pas moins importante que l’équivalent en région parisienne. Les panneaux d’entrée et de sortie d’une ville ne sont qu’une convention. Qu’on rapproche le nombre de morts violentes en Île-de-France de celui des Bouches-du-Rhône, et on aura déjà une idée plus précise de la dangerosité de chacune de ces zones.

Pas partout à feu et à sang

L’autre légende entretenue par la sociologie en chambre est que Marseille serait un melting-pot. C’est on ne peut plus faux. Marseille a une densité de 3609 h/km² pour 240.6 km², Paris intra-muros de 20745 h/km² pour 105.4 km². Sauf exceptions, les habitants de Marseille n’ont ni besoin ni envie de se croiser. Les gens ne vivent pas les uns avec les autres, mais les uns à côté des autres, et même loin des autres. Un habitant de Saint Julien n’a pas plus de lien géographique ou culturel avec un individu de la cité du parc Kallisté qu’un bourgeois de Saint-Germain-des-prés avec un habitant de Gonesse.

Alors quand on entend l’un ou l’autre idiot expliquer que Marseille serait à feu et à sang parce qu’un quarteron de voyous se sont flingués les uns et les autres – phénomène dont à Marseille chacun se félicite tant nul, à part ceux qui y vivent ou en vivent (associatif frelaté, politiques clientélistes, etc…), ne se sent concerné par le sort des quartiers Nord- , le Marseillais moyen se demande s’il existe quelque part ailleurs en France, une autre ville de ce nom.

Car cette vision ne correspond en aucun cas à la délinquance telle que les Marseillais la vivent au quotidien. Non seulement Marseille n’est pas Chicago, mais elle est même moins touchée par les violences crapuleuses que les autres grandes villes françaises. Un sac à main ou une chaîne en or y ont plutôt moins de chances d’être arraché qu’ailleurs, et encore cela se produira-t-il dans le centre de la ville, où se croisent en journée gens normaux et barbares. Quant aux plans de stups, ils tournent dans les zones peuplées par les barbares, et fournissent de la drogue à des toxicomanes. C’est dire si les gens des quartiers préservés s’en contrefichent, sauf à faire partie des drogués, auxquels cas ils prennent leurs propres risques.

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Mais il est vrai qu’il vaut mieux, vu de Paris, mettre l’accent sur la mort pourtant insignifiante d’une poignée de voyous, plutôt que de se poser la question dérangeante de savoir pourquoi partout ailleurs, et bien plus qu’à Marseille, les voyous préfèrent attaquer les forces de l’Ordre et plus généralement les représentants de l’État plutôt que de s’entretuer.

Des précurseurs du séparatisme

J’ai pourtant tendance à penser que dans le reste de la France, les gens font comme les Marseillais : ils se fichent de la mort de voyous, peu importe leur âge, quand ils ne s’en félicitent pas. Alors plutôt que s’émouvoir de cette forme particulière de saturnisme qu’est la mort par balles quand elle touche des criminels, que les journalistes se préoccupent de la seule vraie insécurité, celle que connaissent les vrais gens, dont ils sont si éloignés.

Je sais ce que tout ceci semble plaider pour le séparatisme, plutôt que pour le maintien de l’unité nationale. Ce n’est en aucun cas mon souhait : je fais simplement le constat que le renoncement, depuis près d’un demi-siècle, à appliquer les lois qui fondent la République au faible prétexte qu’elles sont sans pitié avec les voyous, a fait que le séparatisme est déjà une réalité à Marseille, et qu’à l’instar de ce qu’on pouvait voir jadis en Afrique du Sud, certains peuvent parfaitement vivre avec. Ce n’est qu’une question d’argent.

Marseille est ici précurseur, ce qui ne lui arrive pas souvent. Ce n’est hélas pas pour le meilleur, et la façon dont les Marseillais vivent dans leur ville sera bientôt celle adoptée par le reste des Français, quand ils pourront se le permettre. C’est juste un choix de société, une autre que celle proposée par la République française. J’ai la chance d’avoir les moyens de faire avec. Et vous ?

Abandon de poste: légal mais pas moral!

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Image d'illustration Unsplash

À force de vouloir protéger les salariés, ce qui part non seulement d’un bon sentiment mais d’une nécessité, on a introduit un laxisme volontaire qui les éloigne de plus en plus souvent de l’éthique et de leur responsabilité par rapport au travail.


Trop cool : « j’ai fait le tour de mon boulot et j’ai envie de changer », qu’à cela ne tienne, la législation compréhensive a inventé « l’abandon de poste », il suffit de ne pas se présenter à son travail et surtout ne pas céder à la tentation, au cas où vous auriez envie un jour d’ennui d’y retourner ! À la deuxième lettre recommandée de votre patron, pas de problème vous êtes viré automatiquement et au chômage direct… Alors évidemment il y a la majorité de salariés qui n’utiliseraient pas cet avantage. Mais il y a aussi toutes les professions en tension, les petits salaires ou les jeunes qui étrennent leurs premiers emplois qui consomment cette prise en charge en toute sécurité… L’avantage certes, c’est que cela ne coûte rien à l’employeur (quand même !), ce qui rend le procédé doublement pervers, car si vous ne voulez pas supporter le coût d’un licenciement, la technique est avantageuse avec l’accord des deux partis. 

Avons-nous les moyens de jouer ce jeu pervers ? Les moyens financiers de l’UNEDIC bien sûr, et les moyens psychologiques de laisser s’installer ce type de pratique ? C’est de la malhonnête intellectuelle, ni plus ni moins, mais c’est être malhonnête aussi vis-à-vis de la collectivité. Sous un autre angle, c’est de l’abus de bien social, même s’il ne trouble plus grand monde. Légal, mais pas moral !

Le travail c’est la santé !

Et pendant ce temps-là on se met en quatre pour trouver des salariés, pour les inciter à revenir dans les entreprises, pour les motiver, leur créer des conditions de travail où le bien être est le mot d’ordre. Les stages sur « la promotion des comportements bienveillants au sein des organisations » et les ouvrages en la matière pullulent sur le thème de la bienveillance au travail, du développement personnel pour se protéger d’un « travail qui procure une forte source de stress dont l’impact peut être ravageur… » etc.  

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Le mieux est l’ennemi du bien : nous construisons une société de guimauves ! Plus nous dénonçons les dangers du travail, sinon imaginaires du moins médiatisés à outrance, plus nous incitons nos congénères à en demander plus. Nous n’apprenons plus aux enfants, aux femmes, aux salariés, aux Français en général à se défendre seuls, à relativiser, à faire preuve de responsabilité individuelle, nous les fragilisons de plus en plus. Et nous n’avons apparemment aucune intention d’entraver les actes répréhensibles de ceux qui abusent dans tous les domaines. 

Ainsi, la démission n’existe pratiquement plus, car elle nécessite une prise de risque. La prise de risque serait à éviter à tout prix… ce qui est absolument contre-productif avec la vie elle-même. Choisir c’est renoncer, renoncer est un risque. 

De la même façon, la « rupture conventionnelle », qui est une avancée certaine dans la séparation entre un employeur et un salarié, n’a-t-elle pas été également détournée pour un confort salarial répréhensible ? Rappelons que cette forme de départ permet de ne pas faire peser des menaces prudhommales sur le chef d’entreprise qui se met d’accord sur une transaction financière… sauf que le salarié qui veut partir impose cette rupture à son employeur qui lui n’a aucune envie de s’en séparer ! Et le salarié de bénéficier du chômage pour chercher autre chose ou prendre un peu de vacances… Il suffit de refuser, objecterez-vous ? Pas du tout, car les habitudes professionnelles ont évolué de telle façon que vous êtes assuré en cas de refus de subir non seulement la désimplication de l’intéressé mais une série d’arrêts maladie qui, dans les PME en particulier, empoisonnent le quotidien et le climat social. Rappelons tout de même que 425 000 ruptures conventionnelles ont été signées et que cette tendance ne cesse d’augmenter depuis 2008… Chantage légal et admis ! 

Droits et devoirs de la nouvelle génération de travailleurs

Les jeunes en particulier, élevés avec la méfiance de l’entreprise au sein de laquelle ils seront forcément exploités, arrivent forts de leurs droits, du niveau de salaire auquel ils ont « droit », et avec un sens extrêmement limité de leurs « devoirs ». Dérive d’une société de droit ? L’abus de droit ne concerne que les chefs d’entreprise, jamais les salariés, est-ce normal ?

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Dans ces circonstances, on ne peut passer sous silence la complicité du corps médical qui distribue les arrêts maladie sans vergogne, sans mesure, sans vérification (les exceptions confirment la règle). On remarque d’ailleurs une hausse générale des arrêts maladies, surtout les arrêts longs avec une moyenne de 94 jours. Il faut dire que se plaindre de burn-out est devenu aussi courant qu’un rhume… Comment vérifier ? Et encore ce n’est rien à côté de « l’inaptitude professionnelle » qui elle, dispense de tout travail la personne concernée.

Il est très important de dénoncer ces dérives en une période où on trouve d’immenses difficultés à recruter alors que le chômage demeure. Il est vrai que le gouvernement dans sa grande sagesse a su préserver au mieux les entreprises de la pandémie actuelle, y compris grâce au chômage partiel, télétravail, etc. Mais cela fait d’autant plus ressortir des abus auxquels personne n’a l’intention de mettre fin. Certains ne reprennent pas leur poste car leur situation a finalement été très confortable et ils continuent d’en profiter.

Nous ne dirons jamais assez que ces cas, même s’ils sont très nombreux, n’enlèvent rien au fait que d’autres travaillent dur et ont des difficultés graves à trouver des emplois. C’est justement en leur nom qu’il faut réagir. On nous annonce une réforme du chômage, c’est le moment !

“On ne peut pas se dire républicain et organiser des réunions non-mixtes !”

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Le journaliste Jonas Follonier © Daniel Wittmer

Le Regard Libre arrive pour la première fois dans les kiosques de la Suisse romande. Le jeune rédacteur en chef de la revue mensuelle entend peser dans le débat d’idées et protéger son pays de la tentation des opinions convenues. Entretien.


Causeur. Vous présentez en couverture de votre magazine et dans un entretien de huit pages le Québecois Mathieu Bock-Côté, dont les analyses sont appréciées et bien connues chez nous. Il met en garde contre les dangers que l’idéologie diversitaire fait planer sur nos démocraties occidentales. La tranquille confédération helvétique serait-elle aussi touchée par le wokisme, comme toute une partie de nos progressistes hexagonaux et de la société française ? 
Jonas Follonier. Oui. Le cas du néoféminisme est édifiant. Le 13 avril, le quotidien fribourgeois La Liberté, qu’on ne peut accuser d’être dans les marges ou insensible aux thèmes à la mode, a publié une lettre de lecteur dont l’auteur s’extasiait du retour du printemps à travers les tenues légères d’adolescentes. Des activistes féministes ont crié au scandale. Leur campagne d’indignation sur les réseaux sociaux a conduit La Liberté à retirer ce texte de son site internet (texte qu’on peut d’ailleurs tout à fait trouver de mauvais goût), et son rédacteur en chef à en « regretter » la publication, tout en rappelant l’importance de la liberté d’expression. Mais les militantes ne se sont pas arrêtées là, estimant ce « regret » non seulement insuffisant, mais aussi provocateur. Manifestant devant les locaux du journal, elles ont accusé La Liberté de « participer à la culture du viol » et appelé son responsable à des excuses publiques. En plus de cela, des voitures de la rédaction ont été endommagées. Le pouvoir obtenu dans une relative indifférence par ces minorités qui utilisent l’arme de l’intimidation pour exiger une forme de repentance, comme l’a décrit notre rédacteur Antoine Bernhard, est préoccupant.

En Suisse, l’identité du pays est purement politique, institutionnelle

Plus récemment, le silence assourdissant des principales associations féministes de Suisse romande après les événements tragiques de Kaboul l’a été aussi. J’ai vérifié: le 20 août, aucune « grève des femmes », que ce soit du canton de Genève, Lausanne ou encore Neuchâtel, n’avait encore exprimé publiquement sa solidarité avec les Afghanes victimes de l’islamisme. D’habitude, ces groupes ne manquent pas une occasion de rappeler leur « sororité » avec les femmes victimes de la « culture du viol » ou du « patriarcat », sur lesquels seraient prétendument construites nos sociétés occidentales. Le fait qu’un anti-féminisme sévisse au nom de l’islam ne doit guère les arranger dans leur idée de convergence des victimes – dont les victimes de ce qu’elles appellent « islamophobie ».

Le Regard Libre arrive en kiosque avec ce 77e numéro. Combien de lecteurs comptez-vous déjà et savez-vous qui sont-ils ?
Il est difficile d’évaluer le nombre exact de nos lecteurs, notre magazine étant présent dans des bibliothèques, des bistrots et autres cabinets de médecin. Ce qui est sûr, c’est que nous comptabilisons entre 10 000 et 15 000 lecteurs par mois sur notre site internet. Pour ce qui est du magazine papier, nous tirons très modestement à 250 exemplaires. Cela dit, depuis le lancement du média en 2014, le nombre d’abonnés ne cesse de croître, lentement, mais sûrement. Un rythme suisse, en somme ! Avec notre arrivée en kiosque ce mercredi 1er septembre, nous sommes passés à un tirage de quelque 1000 exemplaires. Le fait que nous soyons bénévoles nous offre une liberté immense – c’est une des raisons du choix de ce nom : « Le Regard Libre ». Nul salaire à assurer ; les abonnés paient pour l’impression, la diffusion du magazine et l’entretien du site internet (il est aussi possible de souscrire un abonnement numérique).

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En France, lancer un magazine sur la vie des idées en kiosques relèverait de l’exploit. Alors, dans la “petite” Suisse romande, et à 25 ans… Comment vous y êtes-vous pris économiquement et quels sont vos objectifs ?
Nous avons obtenu ces derniers mois la contribution de mécènes ainsi que celle de deux fondations : la Fondation pour la diversité des médias, basée en Suisse allemande, et la Fondation Aventinus, nouveau propriétaire du quotidien romand Le Temps, récemment créée pour soutenir des médias en Suisse romande. Notre envie de contribuer à la vie démocratique les a convaincus. Ces fonds nous offrent suffisamment de réserve pour assurer la diffusion en kiosque pendant une année, quoi qu’il arrive. L’objectif est clair : doubler le nombre de nos lecteurs et gagner en visibilité pendant douze mois. Cette arrivée en kiosque est l’étape la plus importante que nous ayons connue. Le magazine a déjà tenu sept ans, nous le portons par passion à côté de nos activités. Je vois l’avenir de cette publication d’un œil très positif. Les gens de tous les jours que je rencontre sont très nombreux à me dire à quel point ils en ont marre du flux d’informations brutes. La réflexion, c’est notre plus-value et il s’avérera que c’est un bon investissement, j’en suis persuadé.

Vous évoquez dans votre éditorial une bataille faisant rage entre républicains et clanistes. Pensez-vous que ce conflit idéologique trouvera une fin dans le monde intellectuel ou plutôt dans le monde politique ?
Ces deux mondes s’interpénètrent, mais la politique finit toujours par trancher. L’analyse que je propose est le constat d’un nouveau clivage, au moins aussi important que l’opposition gauche-droite ou mondialisme-souverainisme. Selon moi, c’est un débat intrinsèquement « binaire » : on peut être un peu de gauche et un peu de droite, progressiste tout en étant réac’ sur certains sujets ou conservateur sur d’autres, mais on ne peut pas se dire républicain et en même temps organiser des réunions non-mixtes et être favorable à l’idée de « communautés » ayant des « droits à » la reconnaissance, à des faveurs ou que sais-je. Entre le clanisme, qui est le fait d’une certaine gauche actuelle, et le libéralisme classique, ne reconnaissant pour seule communauté que l’Etat-nation protégeant les individus, il faut choisir. 
En Suisse, l’identité du pays est purement politique, institutionnelle ; c’est ce qui nous permet de vivre ensemble tout en ayant des langues, religions et cultures différentes. Le fédéralisme, la démocratie directe, l’esprit de milice sont notre pain commun. Or, certains intellectuels ou militants voient désormais du politique dans des caractéristiques comme le genre, l’orientation sexuelle ou l’origine. C’est un grand bouleversement. Cet enjeu aurait dû être discuté dans les médias helvétiques depuis belle lurette ; Le Regard Libre le traite dès le début et continuera à le traiter, avec des débats, des interviews, des analyses aspirant à aller au fond des choses.

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Dans ce numéro également, un vaste dossier sur les artistes dans la Russie contemporaine. Qu’avez-vous appris sur leur situation, et pourquoi ce tropisme russe quelque peu inattendu ?
L’un des intérêts d’une plongée chez les artistes russes, mais cela peut bien sûr valoir pour d’autres pays et époques, c’est qu’elle en dit long sur les différences notables, quoique parfois subtiles, qui existent entre notre regard et le leur. Les catégories politiques standard que nous utilisons perdent un peu de leur pertinence quand on s’intéresse à un auteur comme Zakhar Prilepine. Il peut nous sembler tout à fait impossible d’être à la fois nationaliste, d’extrême gauche et partisan des libertés publiques. Pourtant, le temps de s’intéresser de près à cet écrivain et nous autres, Suisses ou Français, comprenons mieux sa position par rapport à Poutine, par exemple. Cela nous amène alors à revoir nos jugements à l’emporte-pièce sur ce régime et ses opposants. L’expertise de Georges Nivat, que nous avons interviewé, nous donne également une idée de la spécificité de la langue pratiquée par les Russes – et donc de leur vision du monde, de leur rapport au sacré, au transcendant. Un tel dossier – piloté en l’occurrence par notre collaborateur Ivan Garcia – est enfin un prétexte pour aborder, toujours et encore, les riches rives de la réflexion sur ce qu’est la culture, l’art, la littérature. Ce recul est plus que jamais nécessaire.

À côté de quel papier le lecteur aurait-il tort de passer dans ce numéro ?
Outre bien sûr l’interview de Mathieu Bock-Côté, aussi dense que passionnante, je vous répondrai en faisant un pas de côté. Régulièrement, des lecteurs me disent commencer la lecture de nos numéros par la sélection de citations proposée à la dernière page. Cette anecdote me plaît car elle illustre bien notre magazine : un espace pluraliste de réflexion, où l’on peut se balader picorant tel ou tel article, telle ou telle idée. Ces citations sont tirées de lectures et écoutes actuelles de notre équipe hétéroclite, qui se retrouve toutefois dans sa défense commune d’une valeur qui se perd : le pluralisme intellectuel. Il urge d’en rappeler l’importance en agissant sous sa lumière.

Il est possible de s’abonner à la revue pour le prix de 125 francs suisses / an sur son site Internet. Il existe également des formules numériques économiques.

Un message du ministre de l’Éducation nationale aux enfants et jeunes gens de France

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Nos marmots sont retournés dans les écoles hier. Que disait le prédécesseur de Jean-Michel Blanquer à la rentrée 1944 ?


En cette période de rentrée scolaire, qu’il serait bon qu’un ministre de l’Éducation Nationale s’adresse aux enfants de France avec des paroles fortes ! Mais ne rêvons pas, notre ministre n’a pas les épaules, il n’a que des communicants. Quant aux actuels enfants de France, ils savent de moins en moins lire. Pour la rentrée 1944, René Capitant (notre photo), ministre de l’époque, était d’une autre carrure. Certes les temps étaient différents et les souffrances de la guerre imprègnent son message. 

Mais tout de même, on trouve dans ce message un souffle dont on ne peut aujourd’hui que ressentir cruellement combien il nous manque. Il y a là un amour vibrant pour la patrie, une fierté d’être français, qui s’expriment et se transmettent comme une évidence naturellement partagée. Il y a là une exaltation des maîtres, et une tranquille confiance en ces élèves « qui viennent … animés de la volonté de travail et pour s’instruire ».

Si « l’espace-temps » de 44 n’est donc pas le nôtre, ce texte éclaire et met dans une perspective saisissante les temps que nous vivons.


MESSAGE
De Monsieur le Ministre de l’Education Nationale
Aux Enfants et Jeunes Gens de France


Paris, le 2 octobre 1944.

 Enfants et Jeunes Gens de France,
 
En reprenant aujourd’hui le chemin de vos écoles, vous pourrez marcher la tête haute et le regard droit ; car vous êtes les enfants d’un pays libre et fier de s’être battu pour reconquérir sa liberté.

La France porte encore les blessures que lui ont causées les chaînes de l’oppression ou les destructions de la bataille. Vos pères et vos frères sont encore dans les camps et dans les chantiers où l’ennemi les retient prisonniers, ou bien ils servent dans ces divisions et ces bataillons de marche qui encerclent l’ennemi sur notre territoire ou le repoussent vers nos frontières. Dans certaines régions vos écoles sont détruites ou endommagées. Vous-même êtes dispersés et beaucoup d’entre vous sont retenus au loin par l’absence de communications.

Mais tous ceux qui le peuvent reprennent aujourd’hui le chemin de l’école. Ils y retrouvent leurs maîtres qui, au temps de l’oppression, n’ont point cessé de leur enseigner en secret l’amour de la vérité et de la Patrie. Ils y viennent animés de la volonté de travail et pour s’instruire.

Apprenez de vos maîtres ce que vos pères ont su et compris qui, dans les siècles, a fait la grandeur de votre pays. Mais apprenez d’eux aussi comment la France a pu remonter de l’abîme où elle est tombée il y a quatre ans. Sachez par eux que de l’union fraternelle des Français, de leur fidélité au devoir et aux principes de la justice, doit surgir une ère de grandeur et de bonheur pour notre nation.
Élevez vos pensées vers ceux qui ont donné leur vie pour la Patrie. Gardez l’exemple de vos ainés et de vos maîtres morts au Champ d’Honneur. Recueillez la flamme de la résistance qui les animait et prononcez avec ardeur les deux invocations sacrées qui les ont inspirés dans leur lutte : Vive la République. Vive la France

René Capitant

Sexe, Instagram et califat: une influenceuse turque poursuivie en justice

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Merve Taskin / Instagram

Une influenceuse turque est poursuivie par la justice de son pays, après avoir publié des photographies prises lors d’une visite d’un musée érotique.


Une influenceuse turque risque d’être poursuivie par les autorités de son pays pour avoir posté en ligne des photographies prises lors d’une visite au Musée érotique d’Amsterdam en janvier 2020. Selon la loi turque, il est interdit de publier du matériel obscène, une infraction passible d’une amende ou d’une peine de prison allant jusqu’à trois ans. 

#Instagramdown

Âgée aujourd’hui de 23 ans et suivie par 600 000 followers sur Instagram, Merve Taskin, faisant un voyage aux Pays-Bas pour son anniversaire, avait trouvé drôle de prendre en photo certains des objets exposés, parmi lesquels des pâtes en forme de pénis et un décapsuleur érotique. 

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La plaisanterie n’a pas été appréciée par tout le monde, du moins dans les rangs de la magistrature turque. Merve Taskin prétend avoir été arrêtée, interrogée et relâchée deux fois dans les mois qui ont suivi le voyage. Elle viendrait de recevoir un SMS la sommant de comparaître devant un tribunal le 26 octobre.

Le musée la soutient

Le musée hollandais, qui se présente surtout comme une institution pédagogique, lui a envoyé un message de soutien. Depuis longtemps, les spécialistes des droits de l’homme s’inquiètent des entraves à la liberté d’expression imposées par le régime d’Erdogan. Très belle, les images que Merve Taskin poste d’elle-même, en minijupe ou bikini, ne correspondent pas à l’image de la femme que prône ce calife des temps modernes : voilée, soumise, et incapable d’exercer la moindre influence sur le monde.

Dans la tête de Recep Tayyip Erdogan

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Potemkine!

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Tout le monde connaît l’histoire. Quand Catherine II manifestait le désir d’aller voir sur place comment vivait son peuple, son Premier ministre et amant, Potemkine, prenait date et balisait soigneusement l’itinéraire de la tsarine de villages artificiels d’une propreté suspecte, que l’on emplissait pour l’occasion de paysans en vêtements de fête. Aux arbres plantés pour la journée on attachait avec des fils de soie des rossignols qui chanteraient la gloire de la souveraine — et en avant la moujik !

Emmanuel Macron visitait ce matin 2 septembre la cité Bassens, à Marseille. Quelques heures avant, des dizaines d’employés de sociétés privées sont venus nettoyer ces lieux voués d’ordinaire à l’abandon et à la crasse, témoigne BFM. « Si vous aviez vu l’état de la cité hier (mardi) soir… il y avait vraiment un décalage, il y avait visiblement des ordures, des poubelles qui n’avaient pas été ramassées depuis plusieurs jours », a confié une habitante à l’envoyé spécial, Igor Sahiri.

Potemkine ! 

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Qu’aura vu Macron ? Un site HLM propre et pas plus désespérant qu’un autre. On lui a fait pour trois jours un décor d’opérette. Macron « au pays du soleil », comme aurait dit Vincent Scotto.

Tout le monde sait que Marseille est — merci FO ! — une ville d’une saleté repoussante, et particulièrement dans les Quartiers Nord : ceux du Sud, en revanche, sont propres, selon une partition que j’ai observée jadis à… Casablanca. Ici, c’est le Tiers-monde tous les jours, sans avoir à prendre l’avion.

Il y a sept ans, Manuel Valls et Najat Vallaud-Belkacem sont venus, la main dans la main, visiter à Marseille le lycée Victor-Hugo, classé ZEP. On a, pour l’occasion, instauré une safe zone de cent mètres autour de l’établissement, confiné les enseignants dans la salle des professeurs, habillé les lieux de plantes vertes, rempli les extincteurs d’incendie, qui sont toujours vides, et réquisitionné d’ex-élèves passés en fac ou en prépas — c’est ainsi que je fus mis au courant — pour jouer aux lycéens de Terminale et discuter doctement avec les deux éminences. Potemkine ! Potemkine !

Rien de ce que l’on montre aux dirigeants n’est vrai. La réalité va se rhabiller avant leur venue — et se remet à poil après leur passage. Je suspecte d’ailleurs qu’il en est de même lorsqu’un patron se déplace dans une usine lointaine. 

Le calife Haroun-al-Rachid, à ce que racontent les 1001 nuits, se déguisait parfois en marchand, et accompagné de son poète favori (homosexuel, mais c’est un détail), descendait dans les rues de Bagdad voir comment vivait vraiment son peuple. Et le lendemain, il faisait voler les têtes.

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C’est aujourd’hui impossible. Un ministre de l’Éducation auquel je voulais du bien, il y a quinze ans, et à qui je proposai un jour de venir avec moi, en catimini, visiter un collège de la petite ceinture à l’improviste, m’expliqua que la Sécurité exigeait d’être avertie quinze jours avant. Que sa cellule « Communications » prévenait à son tour les médias. Et que pour intelligent qu’il fût, il devait se contenter de fariboles et de réalités truquées.

Marseille est une ville en déshérence. La dette publique est colossale, l’immobilier s’écroule, les écoles sont à refaire, le centre-ville est extrêmement périphérique, et comme l’a suggéré Manuel Valls, redevenu chroniqueur, il faudrait raser la ville et la repeupler « autrement ». Il n’y a guère que la Vélodrome qui brille — oui, mais il est privé.

Alors, à, part lancer sa campagne… Macron promettra de l’argent, Paris fera semblant de visiter le grand cadavre marseillais, comme d’habitude, et le mettra sous tutelle comme on met les mourants sous assistance respiratoire, et la misère continuera. 

Ah si, les hommes de Darmanin, dans une descente-éclair spectaculaire, ont arrêté deux dealers (sans doute déjà libérés à l’heure où j’écris) et saisi un kilo de shit — la consommation de quelques heures. Potemkine n’aurait pas fait mieux.


Le regard libre d’Élisabeth Lévy
Le dialogue entre Emmanuel Macron et un jeune marseillais sur le chômage…

Revenons sur un échange entre Emmanuel Macron et un habitant de la cité Brassens à Marseille. Il affirme avoir été victime de racisme dans son internat où on le traitait de sale arabe puis avoir arrêté de travailler à cause du racisme. C’est peut-être injuste, mais j’ai du mal à le croire. Marseille est une ville très mélangée. Par qui a-t-il été traité de sale arabe, par des Comoriens, des Gitans ou des Pierre dont on déplore l’absence dans les cités des quartiers Nord ?

Visionnez la chronique d’Elisabeth Lévy en vidéo ci-dessous. Retrouvez notre directrice de la rédaction chaque matin dans la matinale de Sud Radio à 8h15.

Tomber de Charybde-Piolle en Scylla-Rousseau

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La candidate à la primaire écolo Sandrine Rousseau, le 20 août à Poitiers © NOSSANT/HARSIN ISABELLE/SIPA 01034394_000049

Pendant qu’Eric Piolle tente de se dominer, pour la racialiste Sandrine Rousseau, noirs et musulmans sont “résistants de fait”.


Les occasions de rire se faisant rares, j’attendais avec impatience les premières rencontres des futurs candidats à la primaire EELV. Je pensais surtout me réjouir des embardées d’Éric Piolle, sa verve aride, ses balbutiements dès qu’il s’agit de défendre sans le défendre le burkini, son assurance sèche quant à la potentielle construction d’un arc humaniste qui lui sert de sésame pour répondre à toutes les questions qui lui sont posées. L’homme qui pense que les thèses racialistes relèvent « de la liberté d’expression » ou que le mois décolonial qui s’est tenu dans sa ville est « légitime » me semblait être une sorte de champion du monde de l’inintelligence politique, pour ne pas dire pire. Survint alors Sandrine Rousseau.

Sur la tribune, Rousseau enchante Poitiers

Là où Éric Piolle se contente de reprendre le mantra anti-nucléaire historico-romantique des Verts, Sandrine Rousseau a déclaré préférer « des femmes qui jettent des sorts plutôt que des hommes qui construisent des EPR. » S’inscrivant dans la mouvance intersectionnelle, elle s’est lancée, en transe, dans une réjouissante tirade opportuniste lors des journées EELV de Poitiers : « Nous prenons et nous jetons le corps des femmes, […] nous prenons et nous jetons le corps des racisés. » Plus tard, elle précisera que les femmes, les Noirs, les musulmans sont des « résistants de fait » ; qu’ « on ne peut pas émanciper en interdisant un vêtement », à propos du voile islamique ; que « l’écologie politique, c’est pas des hommes blancs à vélo dans les villes », pour tacler ses concurrents masculins à la primaire verte. Sur son compte Twitter, elle révise Marx à l’aune des thèses racialistes et écoféministes : « Le système capitaliste s’est nourri de trois prédations majeures, à savoir celles du corps des personnes noires, des femmes et de la nature. » Bref, après avoir récupéré sans les trier tous les déchets des mouvements « woke », islamo-gauchiste et néo-féministe, Sandrine Rousseau, la mine réjouie de la ravie de la crèche écolo, les jette sans discernement sur la scène médiatique.

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Éric Piolle, aussi ubuesque puisse-t-il parfois paraître, semble avoir préservé un peu de ce filtre que les freudiens appellent surmoi et qui permet une sorte d’autocontrôle évitant la rupture totale des attaches de protection psychique. Sandrine Rousseau, non. Pour le dire trivialement, elle a déboulonné. Sa présence aux universités d’été de la France Insoumise lui a permis de comparer sa radicalité verdâtre à la radicalité rougeâtre d’un autre acteur politique parti en vrille, Jean-Luc Mélenchon. Elle en est sortie rassérénée. Mélenchon imaginait il y a peu un complot à venir sous forme d’attentat avant les prochaines élections. De son côté, Rousseau ne se contente pas de signer une tribune – avec ces phares de la pensée humaniste que sont Virginie Despentes, Cécile Duflot et Giulia Foïs – pour appeler à l’accueil inconditionnel des femmes afghanes et « de leurs proches », elle préconise également d’accepter sur notre sol les potentiels terroristes afin de « mieux les surveiller. » 

Le Maire de Grenoble Eric Piolle © JEAN PIERRE CLATOT / AFP

Les ateliers des Journées d’été EELV

Lors de ces Journées d’été des écologistes, Sandrine Rousseau a sans doute beaucoup apprécié de voir certains thèmes qui lui tiennent à cœur abordés dans différents ateliers :

Un “Boot camp écoféministe” proposait de travailler sur “l’empouvoirement” des femmes. Le mot empouvoirement n’existe pas dans la langue française. Dérivé de l’anglais, il montre l’incapacité de certains à dire naturellement les choses les plus simples et la réalité d’une tournure d’esprit adaptée au techno-monde. Ceux qui devraient préserver la langue française au même titre qu’ils prétendent préserver nos paysages, réussissent paradoxalement à détruire l’une et les autres ; la novlangue globishisée, l’écriture dite inclusive et les éoliennes sont là pour en témoigner. 

Un atelier co-animé par l’inénarrable Alice Coffin, soutien déclaré de Sandrine Rousseau, tentait de démonter les stratégies des vilains adversaires de l’écologie politique qui useraient de termes stigmatisants comme « décolonialisme », « racialisme » ou « indigénisme » – en omettant de rappeler que tous ces mots et concepts ont été adoptés par la sphère gauchiste (écologiste ou insoumise), afin de flatter les représentants d’associations migrationnistes et faussement antiracistes qui ont su en profiter pour faire leur pelote idéologique.

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Les raisons d’espérer

Passons rapidement sur “l’école de la compétition” qu’il faut remplacer par “l’école de la coopération” ; sur « l’occupation israélienne qui ne cesse d’aggraver les discriminations » et qui oblige à « parler d’apartheid » sous prétexte que cette même « occupation israélienne […] accroît considérablement la vulnérabilité des Palestiniens aux effets du changement climatique » ; sur la nécessité d’ajouter au droit d’asile la case « réfugié.e.s climatiques » ; sur celle d’apprendre à « parler épicène et lutter contre la domination patriarcale par le langage » ; enfin, sur l’importance de « déconstruire la colonisation patriarcale des imaginaires », lors d’un débat que nous imaginons avoir été riche de références à Butler, Vergès, Delphy, Soumahoro, De Haas et autres éminentes personnalités intellectuelles.

Deux raisons pour espérer l’élection de Sandrine Rousseau lors des primaires EELV : 

1) Vu le nombre de sottises qu’elle a été capable de proférer en seulement quelques jours, je n’ose imaginer – mais m’en réjouis d’avance – le nombre et la teneur de celles qu’elle pourrait balancer durant les sept mois qui nous séparent de l’élection présidentielle. 2) La surenchère étant le ressort de la compétition Verts versus Insoumis, les débats colorés entre Rousseau-Pastèque et Mélenchon-Fruit de la passion pourraient nous permettre de passer de belles soirées. Ceci dit, je suis certain qu’Éric Piolle ne démériterait pas. Un homme politique qui est capable de Twitter « Je veux vous parler d’espoir » puis, immédiatement après, « On peut accueillir tous les Afghans qui demandent l’asile », doit continuer de retenir toute notre attention. 

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Ex-champion du Covid-19 cherche vaccin désespérément

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En l’absence de vaccin, la population vietnamienne doit se terrer chez elle. Ho Chi Minh Ville fait appel à l’armée pour ravitailler la population.


Les choses changent vite en période Covid. Fin janvier 2021, le Vietnam était considéré après la Nouvelle-Zélande comme le pays au monde qui luttait le plus efficacement contre le Covid-19, selon le classement établi par l’Institut Lowy de Sidney. Six mois plus tard, la chute au classement est vertigineuse, le variant Delta a mis le pays au tapis en moins de trois mois. Dans les deux cas, notez bien, l’information est restée totalement ignorée des médias. En France, pour parler de la situation en Asie, on évoque Taïwan, la Corée du sud voire le Japon, mais jamais le Vietnam malgré notre passé commun et l’importante diaspora vietnamienne de France. Trop communiste, trop peu développé, trop lointain probablement pour nos chroniqueurs sanitaires. Les enseignements ne manquent pas même si les méthodes utilisées sont difficilement transposables en France. Jusqu’à fin avril de cette année, les Vietnamiens (97 millions d’habitants), voisins de la Chine épicentre de la maladie, réalisaient des miracles face au Covid-19. Une fermeture hermétique du pays, un contrôle social étroit et une discipline de fer pleinement acceptée par toute la population compensaient à merveille des capacités hospitalières modestes.

Résultat, moins de 3000 personnes positives au Covid-19 et moins de quarante morts en l’espace de 15 mois. Chiffres crédibles, conformes à la réalité du quotidien, et non pas bidonnés par le régime, comme on veut trop systématiquement le croire en France dès qu’il s’agit d’un régime communiste. Passé un premier confinement au mois de mars 2020 pour étouffer les premiers foyers de contamination, la vie avait repris son cours normal. En 2020, le Vietnam fut avec la Chine et la Nouvelle-Zélande l’un des trois uniques pays d’Asie à engranger une croissance positive du PIB (2,9%). Le premier trimestre 2021 laissait présager une croissance annuelle encore plus vigoureuse.

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Pour réussir leur politique de « Zéro Covid », les autorités vietnamiennes s’en tenaient depuis le début à une stratégie basique mais efficace : fermeture précoce de tous les points d’entrée sur le territoire ; contrôle étroit tout le long de la frontière pour prévenir toute immigration clandestine ; isolement de tous les cas positifs et de tous leurs cas contacts ; quarantaine obligatoire d’un mois (15 jours en camp suivis de 15 jours chez soi) pour tous les Vietnamiens et les rares étrangers autorisés à rentrer au Vietnam. Méthode contraignante mais efficace. Bien protégée par une stratégie qu’elle croyait sans faille, la population vivait quasi normalement et était fière de ses résultats. Le virus ne rentrait pas mais les biens d’exportation continuaient de partir pour le monde entier et c’était bien là l’essentiel.

Ça, c’était avant. Il y a quatre mois. Une autre époque

20 août 2021. L’armée vietnamienne est arrivée au petit matin dans Saigon désert. Véhicules blindés et camions de transport de troupe ont pris possession des grands axes. Les soldats ont installé des barbelés pour empêcher quiconque d’entrer ou de sortir de la ville. Ho Chi Minh Ville, déjà confinée depuis un mois en raison d’un taux de contamination reparti en flèche, se réveillait quadrillée par 10 000 soldats. Avec un mot d’ordre : « Ne bougez plus, restez où vous êtes ! » Interdiction totale de sortir de chez soi, même pour faire ses courses. L’armée ravitaillera les dix millions de Saïgonnais durant les quinze prochains jours, a annoncé le gouvernement.

Revoir les camions militaires en plein cœur de Saigon fait un drôle d’effet. Ironie de l’histoire, cet événement survenait quelques jours après que les journalistes du monde entier ont fait le parallèle entre la chute de Kaboul le 15 août 2021 et la chute de Saigon le 30 avril 1975. Mais derrière les images choc, la réalité est amère pour les Vietnamiens. Le virus a réussi à rentrer dans le pays fortifié et, après une lutte féroce, la mise en quarantaine de centaines de foyers, immeubles, rues et villes entières durant plusieurs semaines, le gouvernement vietnamien a reconnu sans détour et sans langue de bois que, cette fois-ci, contrairement aux trois attaques précédentes du virus, celui-ci lui avait échappé, s’était propagé dans le pays et qu’il était désormais impossible de le juguler. Exit donc la politique du « zéro Covid ».

Le variant delta a réussi à se frayer un chemin au Vietnam tout début mai, passager incognito de quelques Chinois entrés clandestinement dans le pays pour échapper à la quarantaine. Le virus est ensuite entré dans les zones urbaines du nord puis du sud du pays et a pénétré les zones industrielles autour d’Ho Chi Minh Ville où des centaines de milliers d’ouvriers travaillant en deux-huit se croisent chaque jour. Un petit retard à l’allumage de la mairie de Saigon a fait le reste. Quand les mesures de confinement ont été prises, il était trop tard. Le virus était déjà incontrôlable. 

Ces trois derniers mois, le virus s’est répandu à une vitesse qui a surpris tout le monde. Il faut dire qu’il n’y avait aucun obstacle pour l’arrêter. Le variant Delta est arrivé sur un terrain quasiment vierge de toute contamination. Avec juste 3000 cas positifs fin avril 2021, la population n’avait développé aucune immunité individuelle ou collective (si tant est que cela soit utile à quelque chose). Surtout, trop confiant dans sa capacité à maintenir le virus à l’extérieur de ses frontières, le Vietnam avait tardé avant de définir sa politique vaccinale, espérait produire son propre vaccin et n’avait encore passé aucune commande. Le 1er mai 2021, au début de la course victorieuse du variant delta, seul 0,5% de la population avait reçu une première dose de vaccin, provenant du programme d’assistance internationale Covax. 

L’objectif de « Zéro Covid » appartenant au passé, le gouvernement s’est tourné vers la seule alternative disponible, le vaccin, dans l’espoir de freiner la propagation du variant, augmenter la résistance au virus et réduire le nombre de morts. Un « Vaccinton » télévisé a été organisé afin de collecter des fonds auprès des grandes entreprises du pays. Tous les grands patrons y sont allés de leur gros chèque. Une fois l’argent collecté, le plus dur restait à faire : trouver des vaccins immédiatement disponibles. Toutes les pistes ont été explorées. Hélas, trois fois hélas, les miracles n’existent pas dans l’industrie et les fournisseurs ne peuvent fournir que ce qu’ils ont en magasin. Après une phase de vaccination rapide (14 millions de personnes ont reçu une première dose de vaccin entre la fin juillet et la fin août, dont 35% de la population de Saigon), les réserves de vaccins se sont épuisées et les livraisons se sont interrompues. Le vice-Premier ministre Vu Duc Dam en charge de la lutte contre le virus depuis 18 mois est venu courageusement devant les caméras à la mi-août présenter la dure réalité des chiffres. Le Vietnam avait bien commandé des dizaines de millions de doses pour d’ici à la fin de l’année. Mais, petit problème, seules trois millions de doses (au mieux) seraient livrées d’ici la mi-septembre. Insuffisant pour compléter la vaccination de la population d’Ho Chi Minh Ville (environ dix millions d’habitants) et encore moins pour répondre aux besoins des provinces limitrophes qui regroupent les zones industrielles où le virus se répand comme une trainée de poudre. 

En l’absence de vaccination suffisante, le vice Premier-ministre a confirmé ce que chacun avait déjà compris : la mise à l’arrêt du pays, la distanciation sociale, les confinements draconiens et le ballet des ambulances dans des villes désertes allaient continuer encore de nombreuses semaines. Dès le lendemain de cette intervention, l’armée investissait les rues d’Ho Chi Minh Ville.

La situation sanitaire a également pris un tour catastrophique dans la mégapole du sud du pays. Les hôpitaux de la ville sont débordés par le nombre de malades. Les nouveaux arrivants sont installés sur des brancards en métal, avec une bouteille et un masque à oxygène, dans les cours de l’hôpital hâtivement bâchées pour se protéger des pluies diluviennes de l’été. Le nombre de cas positifs croit depuis deux mois et tourne désormais autour des 12 à 13 000 par jour, dont 80% de contamination au sein de la population, alors que jusqu’en avril la quasi-totalité des cas positifs étaient découverts dans les centres de quarantaine hermétiquement fermés. Le nombre de morts dépasse désormais les 300 par jour. Si l’on s’en tient aux chiffres officiels, le taux de mortalité serait proche des 3%. Et rien ne dit que le pic de la vague soit atteint.

Les premiers seront les derniers

Pragmatique et lucide, le Vietnam s’est donc rallié à la politique des pays occidentaux et place désormais tous ses espoirs dans la vaccination. Malheureusement celle-ci intervient avec six mois de retard par rapport aux pays européens. En attendant l’arrivée des cargaisons officielles de vaccins, chacun tente de trouver un moyen de se faire vacciner avant les autres. La communauté française qui a reçu ses doses de vaccins grâce à l’ambassade de France et au ministère de l’Europe et des Affaires étrangères a fait de nombreux envieux. En attendant leur tour, les Vietnamiens des grandes villes sont condamnés à se terrer chez eux et à regarder à la télévision les matchs de foot anglais (dont ils raffolent) où des centaines de milliers de supporters britanniques vaccinés postillonnent l’amour de leur équipe durant deux heures dans des stades de plus de 50 000 personnes.

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Le succès est par définition fragile. Le Vietnam, pays de près de cent millions d’habitants en est un nouvel exemple. Hier premier de la classe, il est tombé en l’espace d’un trimestre dans la catégorie des pays en grande difficulté sanitaire, pour ne pas avoir acheté assez tôt les doses de vaccins qui auraient permis d’atténuer le choc des attaques du dernier variant en date, comme cela semble être bien le cas en France et en Europe. 

Les Vietnamiens, peuple courageux, débrouillard et travailleur, se relèveront. Ils reprendront leur marche en avant, dans le sillon de la Corée du sud et de Taïwan. Mais pour l’heure, de manière totalement contracyclique par rapport à nous, ils vivent leurs pires heures de cette épidémie de Covid-19 et attendent impuissants l’arrivée des vaccins et la fin de leur cauchemar. Seule consolation, ils ne sont pas les seuls dans la région à avoir été débordés par le variant Delta. L’Indonésie, la Thaïlande, la Malaisie vivent également un été 2021 meurtrier.

Michel Onfray revient sur quelques crimes de la pensée

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Michel Onfray © Hannah Assouline

Le philosophe publie Autodafés : l’art de détruire les livres (Presses de la Cité), qui rassemble ses analyses publiées dans le Point sur Simon Leys, Alexandre Soljenitsyne, Samuel Huntington et quelques autres penseurs hétérodoxes récents.


Il paraît que des abonnés se seraient retirés de cette excellente revue qu’est Front Populaire au prétexte de la position très lucide et humainement irréfutable de Michel Onfray en faveur de la vaccination.

Je n’ai pas la prétention de les faire revenir mais j’aimerais au moins tenter ma chance parce que Michel Onfray vient de publier aux Presses de la Cité un étincelant essai, qui est aussi un pamphlet dévastateur, dont le titre Autodafés, et le sous-titre : L’art de détruire les livres, révèlent bien la substance.

Celle-ci consiste à dénoncer la manière dont des ouvrages capitaux pour la compréhension de la société et du monde, géniaux à cause de l’anticipation des dangers, salubres pour la révélation des horreurs ignorées ou occultées par l’idéologie, ont été longtemps interdits, censurés, étouffés pour la simple et triste raison qu’ils disaient tous la vérité.

Qu’on en juge : Simon Leys pour les Habits neufs du président Mao, Soljenitsyne et l’Archipel du Goulag, Paul Yonnet contre un certain antiracisme dans Voyage au centre du malaise français, Samuel Huntington prophétisant Le Choc des civilisations, la mise à bas du mythe d’un islam civilisateur de l’Occident dans Aristote au mont Saint-Michel de Sylvain Gouguenheim et enfin, sous la direction de Catherine Meyer, Le Livre noir de la psychanalyse la ridiculisant.

Exercices de démolition

Michel Onfray ne se contente pas de décrire brillamment le bienfaisant scandale que ces bombes ont créé lors de leur publication mais, avec une cruauté jouissive, accable le milieu germanopratin, un mélange prétendument progressiste de philosophes égarés, d’écrivains énamourés, de journalistes perdus, de sociologues confus et d’idéologues aveugles parce qu’ils souhaitaient plus que tout être aveuglés. Pour qui est familier de l’univers de Michel Onfray et de son style qui s’adapte au genre que son infinie curiosité aborde, on devine avec quelle talentueuse et acerbe impétuosité il s’est livré dans ces exercices de démolition qui sont un régal.

A lire aussi: Michel Onfray: «Le gauchisme rend possible tous les délires»

Lorsqu’il regrette qu’il n’y ait jamais eu « le Nuremberg du marxisme-léninisme », il déplore, selon une magnifique formule, que « les atrocités léninistes, trotskistes, staliniennes, bénéficient d’une extraterritorialité morale » avec la jurisprudence qui s’ensuit : on peut avoir pensé, voulu et validé le pire dans l’extrême gauche sous toutes ses latitudes et avec les honteuses complaisances qu’il est facile d’imaginer, ce ne sera jamais « un obstacle dirimant pour faire carrière »! Contrairement à ceux de l’autre bord extrême, nazis, fascistes, pétainistes, franquistes et autres, soutiens de régimes autoritaires, qui, et « c’est heureux », seront stigmatisés à vie.

Ce qu’énonce Michel Onfray est une évidence mais son expression fait tellement peur qu’il faut lui savoir gré de la proclamer. De même d’ailleurs qu’il ne faut pas manquer d’un vrai courage intellectuel pour affirmer le délétère et malfaisant compagnonnage, malgré les apparences cherchant à sauver la mise de tel ou tel, entre Marx, Lénine, Staline et Trotski.

Michel Onfray blacklisté par France Inter

À lire Autodafés, il ne faut plus que Michel Onfray s’indigne, ou même s’étonne, de ne pas être convié sur certaines radios, par exemple France Inter où le vrai pluralisme et l’authentique liberté intellectuelle sont aussi absents que l’esprit de ses humoristes. Comment l’espace médiatique incriminé, qui n’aura aucun mal à se reconnaître, pourrait-il, avec une tolérance qui serait proche du masochisme, accueillir à bras ouverts, à intelligence curieuse, Michel Onfray qui a dressé un fulgurant acte d’accusation contre les turpitudes d’une époque où de manière indigne on vilipendait des héros de la vérité pour lesquels la littérature était un moyen de se sauver et de nous protéger.

A lire aussi: La décadence au quotidien vue par Michel Onfray

J’aime aussi particulièrement que Autodafés batte en brèche la réputation de narcissisme et d’autarcie que des malintentionnés, des ignorants lui ont faite alors que son livre démontre le contraire. Puisqu’il le consacre à défendre des causes détachées de l’actualité, fondamentales parce qu’elles ont eu des enjeux de haute portée historique, philosophique et politique, et des personnalités qui ont honoré la pensée, le courage, la liberté et la vérité. Je n’imagine pas BHL – et de fait je ne l’ai jamais vu adopter une telle posture – se dépenser dans tous les sens du terme pour de tels combats ne rapportant rien médiatiquement et politiquement, seulement destinés à réparer des injustices anciennes, à promouvoir d’autres écrivains que lui, à rappeler leurs audaces qui n’étaient pas celles (à couvert) des champs de bataille mais infiniment plus périlleuses puisqu’elles avaient pour ennemi essentiel l’immense et étouffante chape d’idéologies que la bienséance interdisait de questionner.

Pourtant ces auteurs, que Michel Onfray a mis à l’honneur, l’ont fait et il convenait qu’avec superbe ils soient sublimés et leurs adversaires dégradés.

J’entends déjà le reproche : encore Michel Onfray, toujours Michel Onfray ! Ce n’est pas ma faute s’il a écrit Autodafés. Je ne pouvais pas me passer de lui rendre cet hommage, lui qui a su si bien se mettre au service du génie intrépide de quelques autres.

Autodafés

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La langue française menacée d’écroulement

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Emmanuel Macron et son épouse Brigitte visitent les travaux de rénovation du château de Villers-Cotterets, 17 juin 2021 © ELIOT BLONDET-POOL/SIPA Numéro de reportage : 01024416_000096

Molière speaking? La langue française n’est pas uniquement menacée par la globalisation. Elle est rongée ici, de l’intérieur, par une novlangue que chérissent publicités, médias et administrations… Quant à l’État, il oscille entre défense molle et laisser-faire.


En mars 2022, au terme d’un retard dû à la pandémie de Covid, doit ouvrir la Cité internationale de la langue française, à Villers-Cotterêts. C’est le grand chantier du quinquennat d’Emmanuel Macron, voulu et porté par lui, doté d’un budget d’environ 185 millions d’euros. Cette petite cité de l’Aisne a été ornée en 1535 d’un château magnifique, remanié ensuite par le grand Philibert Delorme, mais laissé à l’abandon durant des décennies. C’est là, en août 1539, que François Ier a rendu sa fameuse « ordonnance royale » en moyen français, le plus ancien texte juridique dans notre langue, laquelle remplaçait désormais le latin dans tous les actes officiels. Depuis 1992, il est inscrit dans notre Constitution, à l’article 2 : « La langue de la République est le français. » On ne saurait être plus clair. Et le symbole choisi par le président est puissant.

La langue française est un chef-d’œuvre en péril

En théorie, on ne peut que se réjouir de cette initiative, même si nous inquiète un tantinet la définition de la mission de ladite Cité : « Stimuler la recherche et le débat d’idées sur la langue française. » On craint encore une de ces usines à gaz technocratiques dont la France a le secret. Quant au « débat d’idées » actuel sur la langue, on en connaît les composantes : postcolonial et gender studies

Choose France

Stimuler c’est bien, illustrer notre langue à travers le monde (à travers la fameuse « francophonie », souvent synonyme de cacophonie), c’est encore mieux. Mais il faudrait commencer par la défendre. Faute de quoi, le Château de Villers-Cotterêts demeurera un chef-d’œuvre en péril, et la Cité pourrait ressembler à un Ehpad.

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Jamais le français n’a été aussi menacé dans son existence même. D’abord, et depuis des décennies, par un sabir anglo-saxon qui n’est même plus le sympathique « franglais », mais le dégénéré et globalisé « amerloque ». Un seul exemple : on n’estime plus nécessaire aujourd’hui de traduire les titres de films américains, de doubler les publicités, écrites et audiovisuelles, même en tout petit et dans un coin. Rappelons à nos pouvoirs publics l’existence de la loi 94-665 du 4 août 1994, dite « loi Toubon », laquelle rend « l’usage obligatoire du français dans la présentation des biens publics, les produits et services, les publicités, les inscriptions dans les lieux publics, le droit du travail, les colloques, l’audiovisuel ». Qu’attend-on pour la remettre en vigueur ? De même que celle sur les quotas de chanson française à la radio et à la télé. C’est elle qui a sauvé notre variété nationale, alors que tant d’artistes ailleurs renoncent de plus en plus à chanter dans leur propre langue : voir le calamiteux concours de l’Eurovision, qui touche tout de même des dizaines de millions de téléspectateurs européens.

Mais notre langue est également attaquée de l’intérieur. D’abord par les zélateurs du bilinguisme tout anglais : grandes écoles, enseignement, et même nos futures cartes d’identité. Dans les instances européennes, nos ministres discutent en anglais avec leurs collègues, alors que le français est la langue officielle de l’UE, au même titre que l’anglais, devenu d’ailleurs très minoritaire depuis le Brexit. Alors pourquoi ne pas ajouter l’allemand, parlé également en Autriche, au Luxembourg, dans une partie de la Belgique et pas mal en Europe de l’Est ? C’est une question de pur bon sens, de rappel aux règles et de volonté politique. Et, sur ce point, le président lui-même oscille : bravo pour promouvoir le « fait en France » (et non le « made in »), mais haro sur « Choose France » et autre « soft power » à destination des investisseurs étrangers. Ils achètent aussi notre culture, notre spécificité, notre fameuse « exception ».

Un devoir

C’est également une question de patriotisme. Rappelons-nous l’article 2 de la Constitution. Or, il y a quelques mois, plus d’une centaine de députés de la République ont tenté de faire passer une réforme communautariste de cet article, plaçant sur un pied d’égalité la langue officielle du pays et ses diverses langues régionales, et exigeant le bilinguisme dans l’enseignement. Le basque, l’alsacien, le catalan, le breton et les autres langues font partie de notre culture, de notre patrimoine commun, elles n’ont pas vocation à diviser, ni à imposer aux générations à venir des diktats réducteurs. Rien n’empêche des spécialisations, mais le cœur doit demeurer français. Là aussi, politique oblige (2022, annus electilis), la position du locataire de l’Élysée a paru fluctuante et ses déclarations parfois contradictoires. Le « en même temps » ne marche pas à tous les coups.

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Dans le même registre de la « déconstruction », on relèvera la navrante langue « inclusive », pénible à l’œil et illisible à haute voix – or, la langue écrite est aussi orale. Quant à la novlangue techno, son envahissement n’a d’égal que son ridicule. Non, une décision n’est pas « actée », mais adoptée, approuvée, prise, appliquée. Non, nous ne sommes pas « impactés » par toutes ces sottises, mais touchés, concernés, ciblés, voire choqués, victimes. Notre langue est précise, son vocabulaire d’une richesse inégalée, et l’on n’utilise qu’une infime partie de ses ressources.

Enfin, rappelons un point fondamental : comme notre terre, notre langue ne nous appartient pas. Chacun d’entre nous n’en est que le dépositaire provisoire, qui devra transmettre et rendre des comptes à ses successeurs. Le français n’appartient pas non plus aux seuls Français, mais à tous ceux qui, selon la belle formule de l’académicien Maurice Druon, « l’ont en partage ». Des millions, partout dans le monde, en Afrique surtout. Nous n’avons pas le droit de l’abîmer, de le faire souffrir, de le négliger. Mais le devoir de le servir de notre mieux et de le développer. Avec 185 millions d’euros, combien paierait-on de professeurs détachés dans les alliances françaises, les instituts français, de pavillons dans les salons du livre du monde entier ? Cependant, cela ne nous empêchera pas d’aller en pèlerinage à Villers-Cotterêts.

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Mort d’un voyou à Marseille, la belle affaire

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Marseille, où se rend le médecin urgentiste Emmanuel Macron pendant trois jours, n’est pas Chicago. Et question insécurité, Paris connait en réalité une situation plus périlleuse encore.


En ce moment, Marseille est une sorte de gilet jaune ! Tout un tas d’improbables, à cravate ou à talons, se succèdent sur les plateaux en expliquant avoir trouvé dans cette ville la confirmation de leurs certitudes. Mais contrairement à l’époque des gilets jaunes, où chacun assurait en avoir rencontré au moins un et se permettait d’en déduire ce que pensaient tous les autres, ici, la plupart se prononcent sans même faire semblant de connaître la ville.

Marseille a un côté insupportable, même pour les gens qui l’aiment. Bruyante, sale, bordélique. Le stationnement est quasi-officiellement en double-file, manger dans beaucoup de ses gargotes relève de la mithridatisation, les plages sont hantées par des hordes de crétins (et tous ne sont pas issus des quartiers nord). On pourrait faire une longue liste.

Plus belle la vie

Mais la liste des bons côtés de Marseille est bien plus longue, et moi qui ai (sur)vécu dix ans à Paris, et travaillé dans les plus grandes villes du pays, je n’ai strictement aucun doute quant à savoir où il est le plus sympathique de vivre.

Dans la deuxième ville de France, on peut passer sa vie dans des zones semi-rurales, parcourant des chemins où deux voitures ne passent pas de front, sans croiser l’un de ces nouveaux barbares qui, si on en croit les journaleux parisiens, seraient devenus maîtres de la ville. Ici, suivant le quartier où on habite (quartiers qui constituent, je le rappelle ou vous l’apprend, la plus grande ville bâtie de France) on peut ne jamais croiser que des bourgeois, vivants entre eux en villas et en résidences de standing, au milieu de jardins, de parcs et par endroits de forêts. Un Parisien qu’on perdrait au cœur des accates mourrait sans doute de faim avant de réussir à en sortir, et ne trouverait d’autre issue au vallon des Auffes que de partir à la nage.

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Quant à ceux qui s’imaginent avoir tout vu et compris de la ville parce qu’ils ont pris le promène-couillons pour sillonner le Panier, faire le tour du vieux port et monter à Notre-Dame de la Garde, ils ont vu autant de la ville qu’un touriste à Paris qui aurait fait le tour du marché aux fleurs sur l’île de la Cité. D’autant que l’hypercentre (oui, ici, on distingue le centre de l’hypercentre, ce n’est pas une petite ville genre Paris ou Lyon) n’est plus guère fréquenté que par les barbares, à l’exception d’une paire de rues commerçantes où l’on ne vient qu’en journée. Le reste du temps, les gens normaux vivent dans leurs quartiers, à des kilomètres des contrées sauvages.

Deux mondes parallèles

Car Marseille n’est pas une ville, mais un assemblage de villages rebaptisés quartiers. Il y a une Marseille des gens tranquilles et une Marseille des barbares, et si ni l’une ni l’autre ne sont d’un seul tenant, les barbares vivent tous dans des endroits où il n’y a plus, ou guère, de gens normaux. Les 1er, 2, 3, 13e 14e et 15e arrondissements leur ont été dans leur plus grande partie abandonnés. Ils y vivent, et y meurent sous les balles, dans la plus totale indifférence des autres Marseillais.

Certes, les habitants sont tous marseillais, mais ils sont aussi de Mazargues ou de Saint Banabé, d’Endoume ou de Saint Victor, des Camoins ou des cinq avenues, quand ils sont normaux. Et quand ils sont d’Airbel, de la Busserine ou de la Castellane, ils sont des cités barbares. Ce sont deux mondes parallèles, que la distance physique achève de séparer. Et ce n’est pas la présence de l’un ou l’autre brave type dans ce genre d’endroits, celui qu’on s’empresse de mettre en avant pour affirmer qu’il ne faut pas généraliser, qui y changera quoi que ce soit.

C’est ainsi que tout le secteur où Pagnol situe les vacances de son enfance fait à présent partie intégrante de la ville, mais vit à un rythme complètement différent de celui du vieux port. Le 11ᵉ arrondissement, dont il fait partie, fait près de 3000 hectares. Il y existe quelques cités barbares, mais géographiquement aussi éloignés des anciens villages de Pagnol que la Seine-Saint-Denis du 7ᵉ arrondissement de Paris, et sans transports en commun pour relier les deux. Tout ce que l’habitant moyen de la cité de la Valbarelle connaît du quartier des Accates, c’est la colline qu’il voit à l’horizon.

On a coutume de dire que l’absence de violences urbaines à Marseille serait entre autres due au fait que les cités sont dans la ville. C’est vrai et faux à la fois. Si le partage de l’identité marseillaise peut en effet aider, la distance qui sépare les zones barbares de la normalité n’est pas moins importante que l’équivalent en région parisienne. Les panneaux d’entrée et de sortie d’une ville ne sont qu’une convention. Qu’on rapproche le nombre de morts violentes en Île-de-France de celui des Bouches-du-Rhône, et on aura déjà une idée plus précise de la dangerosité de chacune de ces zones.

Pas partout à feu et à sang

L’autre légende entretenue par la sociologie en chambre est que Marseille serait un melting-pot. C’est on ne peut plus faux. Marseille a une densité de 3609 h/km² pour 240.6 km², Paris intra-muros de 20745 h/km² pour 105.4 km². Sauf exceptions, les habitants de Marseille n’ont ni besoin ni envie de se croiser. Les gens ne vivent pas les uns avec les autres, mais les uns à côté des autres, et même loin des autres. Un habitant de Saint Julien n’a pas plus de lien géographique ou culturel avec un individu de la cité du parc Kallisté qu’un bourgeois de Saint-Germain-des-prés avec un habitant de Gonesse.

Alors quand on entend l’un ou l’autre idiot expliquer que Marseille serait à feu et à sang parce qu’un quarteron de voyous se sont flingués les uns et les autres – phénomène dont à Marseille chacun se félicite tant nul, à part ceux qui y vivent ou en vivent (associatif frelaté, politiques clientélistes, etc…), ne se sent concerné par le sort des quartiers Nord- , le Marseillais moyen se demande s’il existe quelque part ailleurs en France, une autre ville de ce nom.

Car cette vision ne correspond en aucun cas à la délinquance telle que les Marseillais la vivent au quotidien. Non seulement Marseille n’est pas Chicago, mais elle est même moins touchée par les violences crapuleuses que les autres grandes villes françaises. Un sac à main ou une chaîne en or y ont plutôt moins de chances d’être arraché qu’ailleurs, et encore cela se produira-t-il dans le centre de la ville, où se croisent en journée gens normaux et barbares. Quant aux plans de stups, ils tournent dans les zones peuplées par les barbares, et fournissent de la drogue à des toxicomanes. C’est dire si les gens des quartiers préservés s’en contrefichent, sauf à faire partie des drogués, auxquels cas ils prennent leurs propres risques.

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Mais il est vrai qu’il vaut mieux, vu de Paris, mettre l’accent sur la mort pourtant insignifiante d’une poignée de voyous, plutôt que de se poser la question dérangeante de savoir pourquoi partout ailleurs, et bien plus qu’à Marseille, les voyous préfèrent attaquer les forces de l’Ordre et plus généralement les représentants de l’État plutôt que de s’entretuer.

Des précurseurs du séparatisme

J’ai pourtant tendance à penser que dans le reste de la France, les gens font comme les Marseillais : ils se fichent de la mort de voyous, peu importe leur âge, quand ils ne s’en félicitent pas. Alors plutôt que s’émouvoir de cette forme particulière de saturnisme qu’est la mort par balles quand elle touche des criminels, que les journalistes se préoccupent de la seule vraie insécurité, celle que connaissent les vrais gens, dont ils sont si éloignés.

Je sais ce que tout ceci semble plaider pour le séparatisme, plutôt que pour le maintien de l’unité nationale. Ce n’est en aucun cas mon souhait : je fais simplement le constat que le renoncement, depuis près d’un demi-siècle, à appliquer les lois qui fondent la République au faible prétexte qu’elles sont sans pitié avec les voyous, a fait que le séparatisme est déjà une réalité à Marseille, et qu’à l’instar de ce qu’on pouvait voir jadis en Afrique du Sud, certains peuvent parfaitement vivre avec. Ce n’est qu’une question d’argent.

Marseille est ici précurseur, ce qui ne lui arrive pas souvent. Ce n’est hélas pas pour le meilleur, et la façon dont les Marseillais vivent dans leur ville sera bientôt celle adoptée par le reste des Français, quand ils pourront se le permettre. C’est juste un choix de société, une autre que celle proposée par la République française. J’ai la chance d’avoir les moyens de faire avec. Et vous ?