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Immigration: plus à droite que moi, tu meurs!

Dans les discours tenus par la droite, Zemmour a déjà gagné


Immigration: plus à droite que moi, tu meurs!
Affiches du collectif "Les amis d'Eric Zemmour", région parisienne, été 2021 © NICOLAS MESSYASZ/SIPA Numéro de reportage : 01026568_000001

Dans le manège fou où tournicotent nos prétendants à l’investiture présidentielle de la droite, mais qui va décrocher le pompon? Éparpillée façon puzzle et gênée par les ambitions prêtées au journaliste Eric Zemmour, la droite évitera-t-elle la foire d’empoigne? Pour l’instant, elle s’accorde déjà pour dire “non” à l’immigration.


La France doit-elle accueillir les migrants d’Afghanistan ? Eric Zemmour va-t-il se présenter à l’élection présidentielle de 2022 ? Depuis trois jours, telles sont les deux seules questions ayant ponctué nos émissions politiques et les débats sur les chaînes d’info en continu, à l’exception notable de « Face à l’info », l’émission de CNews où officie… Eric Zemmour justement. 

Assurément, c’est donc à une bien curieuse rentrée médiatique que nous assistons. Tous nos éditorialistes fichent la paix au président Macron pendant ce temps, lequel a, grâce au tour de passe-passe du passeport sanitaire, atteint les objectifs de vaccination qu’il avait fixés au gouvernement (48.5 millions de Français ont reçu au moins une dose à la fin août).

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Lundi à 19 heures, l’intellectuel favori de la droite faisait son retour à la télé. Celui que ses adversaires qualifient de « polémiste » semble avoir conclu un accord tacite avec l’animatrice Christine Kelly, pour que ses hypothétiques projets politiques ne soient pas abordés à l’antenne pour le moment. Résistant au chantage aux bons sentiments qui lui était fait, l’éditorialiste du Figaro a en revanche donné une réponse cinglante sur l’Afghanistan : « on ne doit pas accueillir le moindre Afghan. La France ne leur doit rien, ce sont eux qui nous doivent ! » Face à des interlocuteurs interdits devant tant de fermeté, il a précisé son point de vue : n’inversons pas les rôles, ce sont en réalité « 90 soldats français [qui] sont morts en allant se battre pour eux ».

Résumé des épisodes précédents

Mais résumons les épisodes précédents. À droite, le président de la région Hauts-de-France Xavier Bertrand est candidat à la présidentielle depuis mars, sans que grand monde ne soit franchement emballé. Depuis, cinq personnalités se sont déclarées candidates à une primaire organisée par LR, primaire à laquelle Bertrand refuse de participer. 

Il y a la présidente de la région Ile-de-France Valérie Pécresse, favorite selon les sondeurs, l’ancien commissaire européen Michel Barnier, le député de Nice Eric Ciotti, l’entrepreneur Denis Payre, et le chef des urgences de l’hôpital Georges-Pompidou Philippe Juvin. Fortement pressenties pour se lancer à leurs côtés dans la course, deux hautes figures de LR s’abstiennent finalement : Laurent Wauquiez et Bruno Retailleau. À l’heure actuelle, il n’est même pas certain que le parti se résolve à organiser le fameux scrutin, même si cela reste l’hypothèse la plus probable si aucun candidat ne se détache fortement des autres dans un vaste sondage commandé par le parti et où le nom de Bertrand sera proposé. 

Ce n’est pas la foire d’empoigne, c’est pire encore!

Reste que la multiplication de petites candidatures conjuguée à l’absence de tout enthousiasme fait déjà craindre que ce processus de sélection ne finisse par fragiliser grandement le candidat retenu. Après avoir indiqué qu’ils n’y allaient pas, Wauquiez et Retailleau, populaires auprès des militants, se sont même refusés à soutenir un prétendant à ce stade.

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Alors que la France est plus à droite que jamais, LR pourrait paradoxalement voir s’échapper ses chances à l’élection présidentielle dans cette assez mauvaise dynamique. Rageant ! Et une misère, alors que le candidat de la droite républicaine aurait de fortes chances de l’emporter s’il était qualifié au second tour face au président Macron – dont la faiblesse sur les questions régaliennes est patente – ou face à Marine Le Pen – qui n’a jamais réussi à démontrer à l’opinion sa crédibilité sur les questions économiques, et dont le comportement actuel, si mesuré, est inhabituel pour un candidat de la droite nationale. 

Zemmour refoulé au bal des prétendants à droite?

Impatients de découvrir le livre très attendu d’Eric Zemmour (un programme ?), tous les candidats de droite fustigent à présent l’immigration de concert, comme pour conjurer le sort. Eric Ciotti affirmait ainsi ce week-end que la droite devait “assumer ses idées pour que la France reste la France”. Le candidat souhaite revenir au droit du sang. Bertrand vient de proposer l’interdiction du salafisme, le très européiste Barnier propose un moratoire de cinq ans sur l’immigration, et la candidate la plus Macron-compatible Pécresse affirme désormais que le pays se disloque à cause de l’immigration incontrôlée et que la place d’un clandestin, “c’est dans un charter.” N’en jetez plus !

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Ces points programmatiques des uns et des autres sur l’immigration étant rappelés, pourquoi dès lors Zemmour ne pourrait-il pas concourir à la primaire de la droite ? Pour Ciotti il n’en est évidemment pas question, car il craint vraisemblablement d’être écrasé. Selon Pécresse, naturellement, “un polémiste, n’est pas un politique”… Enfin, selon notre très fade président du Sénat Gérard Larcher, il n’en est pas question non plus, car Zemmour et les LR “ne partageons pas les mêmes valeurs”. Amusant, quand on sait que Bertrand et Pécresse avaient eux-mêmes quitté le parti à l’époque de Wauquiez sur des motifs assez similaires, et quand on observe qu’ils ont depuis repris plus ou moins attache avec leur parti d’origine… et toutes les marottes et analyses de l’éditorialiste !

De loin, le président Macron et Marine Le Pen observent ce petit manège. Le premier a évidemment intérêt à voir Eric Zemmour se présenter, ce qui lui faciliterait l’accès à une première place le soir du premier tour. Quant à la seconde, elle encaisse quand Eric Zemmour affirme que “tout le monde a compris au RN qu’elle ne gagnerait jamais”, mais n’en pense pas moins. Alors que le président veut reprendre l’avantage sur les questions sécuritaires en se rendant à Marseille ce mercredi, elle sait qu’elle peut compter sur des soutiens de poids dans la région et que, sans parti, Eric Zemmour n’est pas près d’avoir ses 500 signatures.




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Rédacteur en chef du site Causeur.fr

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