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La décadence au quotidien vue par Michel Onfray

Chroniques des folies ordinaires


La décadence au quotidien vue par Michel Onfray
Michel Onfray © Hannah Assouline

Dans La nef des fous, le philosophe dresse un inventaire des petits délires qui ont rythmé l’année 2020. Causeur l’a lu.


C’est l’histoire d’une maison qui s’effondre, l’histoire d’une civilisation qui s’enfonce non sans plaisir dans l’absurde en se drapant des habits du progrès. Sous la forme d’un journal, Michel Onfray relate des absurdités que Kafka, Jarry et Orwell réunis auraient eu peine à imaginer. D’antispécistes interdisant l’usage de chiens aveugles aux racialistes qui déboulonnent Christophe Colomb de même que les talibans détruisirent les Bouddhas de la vallée de Bamiyan, l’année 2020 a été riche en égarements – certains imputables à de la niaiserie, d’autres à de la folie, beaucoup aux deux à la fois. À l’image de ces derniers, certaines chroniques sont peintes avec une fausse légèreté, d’autres transpirent une consternation que Michel Onfray est bien en peine de dissimuler. 

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Castaner: “l’émotion dépasse les règles juridiques”

Souvent ironique, la plume d’Onfray a le bon goût d’être limpide et sans fioritures. On croise une dramaturge qui interdit aux critiques blancs d’écrire sur sa pièce de théâtre, un ancien ministre de l’Intérieur justifier les passe-droits des manifestations Black Lives Matter en pleine épidémie au motif que « l’émotion dépasse les règles juridiques », un imam salafiste interdisant qu’on appelle le coronavirus par son nom, car celui-ci contient « coran », une journaliste féministe proposant dans L’Obs de « profiter du confinement pour réfléchir vraiment à l’autofellation », un glacier danois rebaptisant son eskimo pour ne pas froisser les Inuits, un autre sur la Côte d’Azur débaptisant sa glace l’Africaine suite à la vindicte d’une militante sur Twitter, et une profusion d’autres loufoqueries qui ont rythmé notre année 2020. 

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Onfray ne tient pas Macron dans son cœur -on le savait-, ni Mélenchon d’ailleurs -on le savait aussi-, ni Laurent Joffrin, ni Assa Traoré, ni France-Inter, ni Dupond-Moretti. En revanche, qu’il règle ses comptes avec son confrère André Comte-Sponville à deux reprises dans ce bouquin pourra sembler hors-sujet au lecteur. Certaines personnalités ne sont pas compatibles, c’est malheureux sans doute, mais c’est ainsi. Bien qu’on ne puisse le soupçonner d’accointances avec Laurent Wauquiez ou avec Marine Le Pen, il réserve ses piques les plus tranchantes à la gauche et à la « Bien pensance ». « Pas besoin d’être grand clerc pour prédire à la France du sang et des larmes », écrit-il aussi. Ne craint-il pas d’être amalgamé au camp des prophètes de malheur incarné par Éric Zemmour ? À l’évidence non, il s’en moque. Onfray est philosophe, pas éditorialiste, ni politique. Trop prolifique, trop médiatique pour les profs de philo, trop intellectuel pour la classe politico-médiatique, Onfray est inclassable. Longtemps porté aux nues par les progressistes, il a ensuite été étiqueté infréquentable réactionnaire par ces derniers, et ce n’est pas La nef des fous qui va lui accorder de nouveau leurs faveurs…

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La France telle qu’elle est devenue

Tout amateur de Voltaire -c’est-à-dire en principe tout Français normalement constitué jusqu’il y a quelques années- ne peut qu’apprécier l’impertinence de ces chroniques. Sans tomber dans l’indignation parfois lourde (voire contre-productive) de certains chroniqueurs de droite, ni dans celle encore plus lourde, que déroulent Twitter ou autres réseaux sociaux nuit et jour, Onfray narre l’antiracisme tel qu’il est, l’écologisme tel qu’il est, la soumission à l’islamisme telle qu’elle est, la France telle qu’elle est. Onfray appelle un chat un chat, Onfray égrène des faits, Onfray a mesuré l’ampleur de la banqueroute qui nous guette si nous restons assis à attendre. Ni optimiste, ni fataliste, Onfray nous met en garde à travers ses chroniques. L’année 2020 fut un très bon crû, il est à craindre que 2021 le soit aussi. 

La nef des fous, Michel Onfray, Bouquins.

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Enseignant, auteur du roman "Grossophobie" (Éditions Ovadia, 2022).

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