Emmanuel Macron est actuellement favori dans les sondages. Mais son bilan sur le plan de la sécurité est au cœur de toutes les oppositions, et ses clins d’œil à la frange progressiste ou « woke » de l’électorat sont si appuyés, que le bloc de droite est plus puissant que jamais en France. Au point qu’une future cohabitation semble inéluctable à notre chroniqueuse…
Il est très étonnant que personne n’évoque ce qui est plus qu’une probabilité.
Alors que les médias commentent jour et nuit les « punchlines » de nos hommes politiques (en bon français : vacherie qui fait mouche), les critiques permanentes des oppositions entre elles (ce qui jusqu’à maintenant leur sert de programme, notez bien), les chances ou non d’avoir les 500 signatures pour pouvoir se présenter, la balançoire des sondages, on ne tire pas de conclusion à moyen terme de cette pléthore de candidats à droite qui, extrêmes ou pas, crédibles ou non, font que la France est très clairement… à droite !
Équilibres politiques incertains
Par ailleurs, tous les jours ou presque on suit le feuilleton de l’Assemblée nationale, son va-et-vient avec le Sénat et les votes qui n’ont plus de cohérence de parti. Ce qui est certain c’est que les « godillots » qui votaient comme un seul homme au début du quinquennat, ont repris leur indépendance jusqu’à ne pas être capables de se mettre d’accord sur un passe vaccinal, ni sur grand-chose. Les transfuges accentuent le phénomène : « je te soutiens », « je t’ai soutenu », « je ne te soutiens plus », « je quitte le parti » etc.
Les équilibres politiques sont tellement incertains que le comble c’est que les ennemis acharnés d’un candidat vont se battre pour que celui-ci ait ses signatures pour pouvoir se présenter ! On dit ainsi qu’au parti Les Républicains on aiderait Zemmour à obtenir ses signatures, car si Marine Le Pen était seule elle passerait devant Valérie Pécresse pour affronter Macron. Cette cuisine discrédite un peu la politique telle qu’on la voudrait, et ce à cause d’un décret récent qui rend publiques les signatures données par les maires, ce qui est contraire au principe du vote secret, et de surcroît constitue une véritable atteinte à la démocratie : des élus seraient « empêchés » par la peur de représailles locales ! Mais qu’a-t-on fait pour mériter tant d’incohérences nuisibles ?
La politique fiction de Sophie de Menthon
Imaginons à présent les duels de second tour tels que programmés par les sondeurs: Macron / Le Pen, ou Macron / Pécresse ou Macron/Zemmour… On ne nous propose rien d’autre au menu ? Dans tous les cas, il semblerait aujourd’hui que l’ancien président l’emporterait, récoltant les voix perdues de la gauche disparue et bénéficiant d’un tout sauf « l’extrême droite ».
Ce qui me semble assez certain, c’est que les législatives qui suivront immédiatement un tel second tour n’ont pratiquement aucune chance de donner une majorité claire au parti « En Marche », à moins d’un retournement de situation que l’on imagine mal pour l’instant. Donc le président élu sur sa seule personnalité et non sur le socle de son parti politique sera, de fait, dans l’obligation d’instaurer une cohabitation avec le chef du parti qui s’imposera aux législatives, une droite au sens large…
Il aura alors pour Premier ministre à choisir entre Marine Le Pen, Valérie Pécresse ou Éric Zemmour (pardon pour les autres mais je ne vois rien venir !) C’est la règle institutionnelle… Les Français auront beau jeu d’en vouloir à celui qui cédant à l’attrait de Matignon et à l’avenir de la France ira quand même à Canossa, car le chef reste le président. Comment gouverner ? Comment se remettre alors de toutes les attaques sanglantes prodiguées pendant la campagne par le candidat devenu Premier ministre à l’encontre du président de la République ? Vous me direz que nous avons déjà vu cela certes, mais pas dans un laps de temps aussi rapide et pas dans un pays sens dessus dessous. Et si Emmanuel Macron refusait une cohabitation ? C’est tout à fait possible d’imaginer qu’il refuse de mener une politique avec des adversaires d’hier haineux à son encontre. Et s’il démissionnait ? Un scénario crédible auquel personne n’a fait allusion non plus jusqu’à maintenant. On n’est pas sorti de l’auberge !
Le propre des crimes de haine est de provoquer de la haine – contre les présumés coupables. Un cas d’école est celui de l’acteur et chanteur afro-américain, Jussie Smollett, ex-vedette d’une série télévisée à succès, Empire.
En janvier 2019, il prétend avoir été victime d’une agression nocturne à Chicago. Il aurait été tabassé par deux hommes masqués à la peau « pâle » qui, le couvrant d’insultes racistes et homophobes, l’auraient arrosé d’eau de Javel avant de lui attacher un nœud coulant autour du cou. Ils seraient partis aux cris de « Ici, c’est le territoire MAGA ! » – le mot de ralliement des supporteurs de Donald Trump. L’agression provoque un tollé : le gratin hollywoodien dénonce la violence raciste des Blancs et des trumpistes, tandis que les politiques démocrates, la future vice-présidente Kamala Harris en tête, s’indignent d’un véritable « lynchage moderne ». L’enquête policière découvre rapidement que Smollett aurait versé 3 500 dollars à deux frères nigériens rencontrés dans une salle de sport pour faire semblant de l’attaquer.
Sa motivation ? Attirer la sympathie générale et se venger d’un studio de tournage qui n’aurait pas pris au sérieux des menaces contre lui. L’organisation Black Lives Matter le défend : « Nous ne pouvons jamais croire la police » contre la parole d’« un Noir courageux ». Finalement, le 9 décembre 2021, un tribunal reconnaît Smollett coupable d’avoir manigancé sa propre agression. Le comble de l’absurdité est atteint lorsque le comédien est interrogé par le procureur. Celui-ci, blanc, lui lit à haute voix les messages privés sur Instagram envoyés par Smollett à un des frères. Ces messages contiennent le « mot en n », que le procureur est obligé de prononcer, avant que Smollett ne lui demande de cesser pour ne pas « offenser chaque Afro-américain dans cette salle ».
Tout au long de cette supercherie, la star a cherché à exploiter les préjugés anti-Blancs : seuls des Blancs auraient pu l’agresser ; seule la police au service des Blancs aurait pu douter de sa parole ; seul un Blanc peut chercher à offenser en prononçant le mot tabou. En voulant exploiter ces préjugés, il a certainement réussi à les renforcer.
Mais par ses mensonges, il sape les efforts de vraies victimes pour obtenir justice.
Jean-Michel Blanquer, jadis au faîte de la faveur royale, est lâché par les siens, conspué par les syndicats, accablé par les médias. Une unanimité suspecte. Peut-être se trompe-t-on de cible.
Il y a plusieurs façons de le dire. Si vous choisissez le mode cultivé, n’hésitez pas : « La roche tarpéienne est près du Capitole » — afin de souligner que la chute infâmante côtoie l’apogée. Ou le mode fabuliste : « À ces mots on cria haro sur l’animal / Ce pelé, ce galeux, d’où venait tout le mal » — c’est dans Les Animaux malades de la peste. Ou la version journalistique, empruntée sans le dire au hard rock de Trust: « On lèche, on lâche, on lynche ». Une belle paronomase pour dire combien la faveur des princes est chose fugitive, et combien la foule des courtisans applaudit la disgrâce de Fouquet, incarcéré vingt ans par Louis XIV qui trouvait que Vaux-le-Vicomte brillait de trop de feux.
Jean-Michel Blanquer a été le chouchou de Macron et de son épouse. « Vice-président », disait de lui le Point en février 2018. Il est aujourd’hui livré aux chiens, pour des errements de protocole sanitaire qui ne sont même pas de son fait. Lorsque le ministre de l’Éducation a appelé le vrai responsable de cet immense bordel, Olivier Véran, à prendre sa part de responsabilité, celui-ci lui a lancé : « Il faut que tu te calmes ». Que craignait-il ? Le coup de boule sur le nez ?
D.R.
Le ballet des faux-culs s’est alors déchaîné, comme en témoigne le Figaro. « Erreurs de communication », lance un macroniste : c’est vrai que présenter le nouveau protocole sanitaire, la veille de la rentrée, via un article « réservé aux abonnés » du Parisien n’était pas follement habile. Et Macron de souligner qu’il aurait fallu « plus d’anticipation » avant de communiquer. « Jean-Michel Blanquer a déconné, on doit faire le service après-vente derrière, mais c’est compliqué », concède un conseiller de son ministère. Être payé plus de 10 000 euros par mois pour dire ça, c’est à vous dégoûter de la politique. D’après le Figaro, qui a rassemblé toutes ces critiques diffuses sur Blanquer, un membre du gouvernement en rajoute dans le lèche-cultisme des uns et l’écrasement des autres : « J’ai trouvé Jean Castex très empathique sur France 2. C’est moins la personnalité de Jean-Michel Blanquer, qui est plus froid et plus techno. Ça crée une distance avec les Français. » Castex empathique ? Et ta grand-mère, elle fait du skate-board ?
Du côté de l’opposition, Olivier Faure et Yannick Jadot, « messieurs 5% », réclament la tête du ministre. Najat Vallaud-Belkacem, que sa nullité a toujours portée auprès des syndicats enseignants, a osé parler dans le JDD d’un « ministre isolé et impuissant, qui préfère les symboles et les polémiques politiciennes plutôt que traiter les véritables enjeux éducatifs ».
C’est le coup de pied de l’âne. Je serais Blanquer, je me réciterais une autre fable de La Fontaine, « Le Lion devenu vieux », emblématique de ce qui arrive lorsqu’on cesse d’être tout-puissant, dans ce milieu de petits esprits, d’appétits féroces et de compétences nulles qu’on appelle la politique :
« Le Lion, terreur des forêts, Chargé d’ans, et pleurant son antique prouesse, Fut enfin attaqué par ses propres sujets devenus forts par sa faiblesse. Le Cheval s’approchant lui donne un coup de pied, Le Loup, un coup de dent ; le Bœuf, un coup de corne. Le malheureux Lion, languissant, triste, et morne, Peut à peine rugir, par l’âge estropié. Il attend son destin, sans faire aucunes plaintes, Quand, voyant l’Âne même à son antre accourir : Ah ! c’est trop, lui dit-il, je voulais bien mourir ; Mais c’est mourir deux fois que souffrir tes atteintes. »
Blanquer n’est pas du genre à sortir la machine à gifles. On lui prête l’intention de se présenter aux législatives en région parisienne — il s’était sagement retiré de la course aux régionales, pourquoi s’aventurerait-il dans une aventure électorale où les Marcheurs vont se faire décimer, même si Macron gagne la présidentielle ?
A-t-il pensé à démissionner ? Ce serait donner raison à ses détracteurs. Il a deux mois devant lui pour passer quelques décrets sur lesquels il sera difficile de revenir : instaurer une forte prime pour les enseignants volontaires pour entrer, sur des postes à profil, dans les académies déficitaires, ou dissoudre définitivement le Bac — une proposition de bon sens que j’ai faite dès juin 2014. Tous ces politicards se réfugient derrière Omicron pour baver sur leurs collègues ? Eh bien, prenez le même prétexte, annulez les épreuves anticipées, décrétez que désormais 100% des élèves de Terminale seront les heureux détenteurs d’un Certificat de fin d’études — et laissez Parcoursup opérer la répartition. De toute façon, 40% des élèves sont choisis dans les cursus d’excellence dès le mois de mai, en fonction de leur parcours — et pas de l’obtention d’un Bac qui n’est qu’une formalité.
Ce sont deux idées parmi dix autres, applicables sans vote du Parlement, et qui seraient fort populaires — sans compter qu’elles ne coûtent rien, la première serait financée par les économies (près de 800 millions d’euros) réalisées par la seconde. Et foutez la paix à un ministre qui a fait de son mieux pour que les élèves continuent à apprendre — les petits Français sont ceux qui ont raté le moins de jours de classe pendant les divers confinements —, ce qui lui vaut la haine des syndicats, qui comme les politiques, ne parlent plus que du Covid, faute de s’intéresser à l’Éducation, à la baisse catastrophique du niveau depuis trente ans, et au recrutement impossible de profs de moins en moins compétents.
PS. L’Éducation devrait être l’un des sujets-phares de la campagne à venir. Peut-être ne le sera-t-elle pas, tant les médias adorent parler épidémie et éviter d’évoquer les sujets qui fâchent. Mais elle sera au cœur de l’essai que je publierai au tout début mars, la Fabrique du crétin, Vers l’apocalypse scolaire. Le deuxième et dernier volet de l’analyse, commencée il y a plus de quinze ans, des tares de notre système éducatif.
Quand un jeune est jugé devant la cour d’assises du Gard pour avoir tué une femme de 39 ans, au seul motif de voir la sensation que cela donnait – il a été « déçu », dit-il -, j’ai bien conscience que nous sommes là dans un comble de l’horreur, incommensurable au sens propre.
Pourtant, à constater chaque jour, dans la lumière comme dans l’ombre, que ce qui constituait notre société comme civilisée se délite, s’efface, se laisse remplacer, avec une sorte de masochisme qui ne se bat même plus, par le vulgaire, le grossier, le mépris d’autrui, la violence verbale ou physique et, signe beaucoup plus inquiétant ces derniers temps, la dévastation de l’innocence et plus particulièrement de l’enfance qui n’est plus un bouclier contre les ignominies, on se dit que le pire a essaimé partout.
Notre descente aux enfers
S’il est infiniment divers dans sa matérialité et ses conséquences, il révèle l’appétence non plus seulement d’une minorité mais d’une majorité peu à peu gangrenée, stimulée et excitée pour ce qui est le contraire d’un art de vivre ensemble, de relations qui, à défaut de pouvoir toujours être apaisées, pouvaient au moins échapper à la brutalité, à la pauvreté du fond et à l’indécence de la forme. Pour qui scrute les symptômes de cette descente aux enfers, il y a mille preuves de cette défaite sans rémission, mille exemples de la disparition d’un passé qui imparfait certes offrait au moins la garantie d’une tenue, d’une allure homogènes. En effet, je serais naïf si je déniais qu’hier des transgressions ponctuelles graves pouvaient aussi se produire mais la politesse et la culture interdisaient qu’elles soient tellement répandues que personne n’était à l’abri. Comme c’est le cas aujourd’hui.
Il y a bien sûr la responsabilité des réseaux sociaux qui enregistrent, filment, transmettent et diffusent souvent l’ignoble mais avant il y a la création de celui-ci. Il y a aussi l’autonomie d’une malfaisance qui sévirait même si elle n’était pas montrée à beaucoup. Je songe à cette petite fille de huit ans atteinte par une maladie rare qui a fait l’objet d’attaques indignes parce qu’elle avait demandé à Kylian Mbappé, qui la défend et la soutient, de rester au PSG.
Camille la courageuse petite guerrière à juste voulue déclarer son amour à @KMbappe Jamais nous n'aurions pu imaginé tant de haine Camille se bat chaque jour pour distribuer des sourires La tristesse que nous ressentons ce soir est a la hauteur de cette violence Stop🙏🏻#TeamPSGhttps://t.co/riHO2E7A45pic.twitter.com/MYsHqtWxGD
— Association Un Sourire Pour Camille (@1SourireCamille) January 9, 2022
J’ai dans la tête les propos orduriers de Booba contre Stromae dont la chanson magnifique sur TF1 – sur ses pensées suicidaires – a ému et été plébiscitée. J’intègre aussi que sur les blogs, sur Twitter, et moins sur TikTok, il est souvent plus porteur de démolir humainement que de contredire intellectuellement. Je ne néglige pas le fait que sur trop de médias le progressisme est de salir le langage pour exprimer une pensée ou une dénonciation généralement squelettiques. Je fais le compte des multiples incidents qui voient l’élève frapper le maître, les parents du premier insulter le second, l’irrespect se substituer à la déférence et l’accessoire périphérique remplacer le savoir central. Je ne passe pas sous silence la dégradation des débats politiques où la justification par un prétendu parler-vrai n’est qu’un prétexte pour se concéder le droit à des offenses personnelles et à des insultes. Le verbe n’est plus une contradiction maîtrisée mais une vulgarité assumée. Je ne fais pas l’impasse sur la pauvreté fréquente des questionnements médiatiques qui n’ont pour but que d’afficher une conviction et non pas celui de faire connaître celle des invités.
Il serait malhonnête de ne pas attirer à nouveau l’attention sur le « j’emmerde » présidentiel qui, au-delà des non-vaccinés, montre sans fard que l’Élysée n’hésite pas à se délier de tout et d’abord de l’exemple qu’il doit donner. Peu ou prou, chacune à sa manière, ces extrémités sont violence, culte de soi illimité et baisse du niveau.
Tout se tient mais tout ne se vaut pas.
Le plus grand obstacle à la restauration d’une forme même minimaliste de civilité est le refus précisément d’admettre que tout se tient, du dérisoire au gravissime. Rien n’est neutre, indifférent ou bénin. Les vulgarités sont connectées, le pouvoir transgressant gangrène la base, les médias incorrects influencent mal, le langage dévoyé fait école et la société s’abandonne peu ou prou à un cloaque. Le comble est de voir dans cette libération de mauvais aloi un progrès.
Aux États-Unis, une prise d’otages s’est bien terminée pour les otages, pas pour le ravisseur. En France, il y a quelque temps, on a malheureusement préféré l’inverse…
L’histoire en V.O. américaine
Cela commence avec une neuroscientifique pakistanaise, Aafia Siddiqui, diplômée de prestigieuses universités, repérée par les services de renseignement de son pays d’accueil, après le 11 septembre, et décrite, en 2004, comme une militante d’Al-Qaïda. Soupçon probablement justifié car, en 2008, c’est en Afghanistan qu’elle a été arrêtée, en possession de notes suspectes : mode d’emploi de bombe « sale », liste de lieux propices à une « attaque faisant de nombreuses victimes » sur le sol des États-Unis… Soupçon confirmé quand la douce créature, au cours de son interrogatoire, s’est emparée du fusil d’un soldat et a ouvert le feu sur l’équipe d’interrogateurs américains.
Le deuxième épisode a tenu la presse américaine en alerte ce weekend (entre samedi 16 et dimanche 17 janvier 2022). Un individu armé a pris en otages quatre fidèles en prière dans une synagogue de Colleyville, Texas. Sa revendication était la libération de Aafia Siddiqui, qui purge une peine de 86 ans dans un pénitencier de cet État, célèbre pour ses paysages de western.
L’assaut qui a été donné par le FBI relevait d’ailleurs du western. Une soixantaine de membres de l’équipe de sauvetage des otages du FBI a été mobilisée pendant 11 heures de négociations et de recherche des charges d’explosifs que le ravisseur prétendait avoir disséminées sur place.
L’assaut a été donné à 21 heures, heure locale (4 heures du matin heure française). Tous les otages ont été libérés. Le ravisseur, qui s’est avéré être le frère d’Aafia, a été abattu.
En France, dans une situation moins difficile, l’issue a été beaucoup plus dramatique
Le 4 avril 2017 vers 5h du matin, Sarah Halimi, médecin juive retraitée de 65 ans, a été jetée par la fenêtre de son appartement, au troisième étage d’un immeuble parisien. Son assassin l’avait torturée pendant près de trois quarts d’heure en récitant des sourates du Coran, avant de la défenestrer au cri de « Allahou Akbar » et « J’ai tué le sheitan » (diable en arabe). La police était sur les lieux, avertie de la « prise d’otage » par des voisins que les hurlements de la victime avaient réveillés. Mais nul n’est intervenu.
Le 19 décembre 2019, la Chambre de l’instruction de la Cour d’appel a admis que Kobili Traoré était bien auteur d’un homicide commis avec la circonstance aggravante d’antisémitisme. Mais elle l’a exonéré de sa responsabilité et l’a déclaré pénalement irresponsable au motif d’une circonstance, toujours jugée aggravante jusqu’alors, la consommation de cannabis : « aucun élément du dossier d’information n’indique que la consommation de cannabis par l’intéressé ait été effectuée avec la conscience que cet usage de stupéfiants puisse entraîner une bouffée délirante aiguë ».
La prise d’otage s’est donc terminée par la mort de l’otage et l’internement du coupable qui, aujourd’hui est considéré comme guéri. Pas de western à l’américaine : du surréalisme à la française.
Longtemps synonyme de filière pour cancres « dont il faut bien faire quelque chose », l’apprentissage séduit de plus en plus de jeunes dans tous les secteurs, et certains, comme la coiffure, en font même une formation d’excellence.
Dans Chacun pour toi, film réalisé par Jean-Michel Ribes en 1994, un vieux coiffeur (Jean Yanne) sauve du suicide un jeune type déphasé (Albert Dupontel). Ce dernier découvre que son bienfaiteur a été autrefois un virtuose de la coiffure et l’encourage à retrouver sa splendeur passée en participant à un concours international. Dire qu’il le remporte en exécutant une incroyable coiffure « Renaissance » inspirée d’un tableau qu’ils ont vu au Louvre n’est pas divulgâcher une histoire qui puise son intérêt dans le rapport qui unit ces deux hommes, une relation basée sur la transmission, celle du savoir et du regard.
Cette transmission est le fondement d’un savoir-faire « à la française » réputé dans le monde entier mais qui n’a pas, au contraire de la gastronomie, hystérisé les médias : la coiffure. Pourtant, il en va dans l’univers du cheveu comme dans celui de la restauration, il y a les bons et les mauvais, les hauts de gamme et les low cost. Et puis, un brushing réussi est nettement plus glamour qu’une toque.
La maison Maniatis incarne depuis 1974 une certaine idée de la haute coiffure française. Inventeur d’une technique absolument novatrice, celle de la coupe sur cheveux secs, Jean-Marc Maniatis comprend rapidement l’intérêt qu’il a à former ses propres coiffeurs. Outre un enseignement précis, ses apprentis s’approprient une part de l’aura du maître et gagnent en confiance. Celle-ci alimente leur passion du métier et la fierté de représenter l’excellence de la profession.
Le succès est au rendez-vous et cette formation-transmission est devenue une marque de fabrique de la maison.
Aujourd’hui, le directeur opérationnel des salons et de la marque Maniatis Paris, Alexandre Protti, mise plus que jamais sur ces jeunes apprentis qui sont « passionnés, motivés et pleins d’énergie ». Et pour dynamiser davantage ses troupes, il a mis sur pied des séances de « training ». Une fois par mois environ, coiffeurs confirmés et apprentis en formation dans ses différents salons se retrouvent durant plusieurs heures, à l’issue de leur journée de travail, pour approfondir davantage la transmission de leur passion commune. Transmettre un savoir-faire, c’est ici aiguiser la mémoire du geste et du coup de ciseau, développer le sens artistique des futures recrues, leur capacité d’initiative mais aussi d’écoute, afin de comprendre au mieux le désir des clientes. Autour de chaque modèle venu se prêter au jeu – et bénéficier d’une coupe gratis ! – un apprenti et un « formateur ». Sous la lumière crue des spots, malgré un fond musical de rigueur et le vrombissement continu des sèche-cheveux, la concentration est totale, et la bonne humeur aussi. Les conseils s’échangent, les gestes sont repris, décomposés et détaillés pour maîtriser le fameux « mèche à mèche » ou les secrets d’une bonne coloration « qui change tout ». Alexandre Protti passe de l’un à l’autre, prodigue lui-même des conseils, manie le peigne, et s’émeut de cette complicité intergénérationnelle. « Certains ont vingt, trente, voire quarante ans de maison, dit-il avant de nous présenter Laura, elle est arrivée à 15 ans en tant qu’apprentie, a passé son brevet professionnel puis a été embauchée comme coiffeuse. À 30 ans, elle est aujourd’hui formatrice et transmet à son tour à des plus jeunes. » Ces trainings sont aussi une sorte de formation continue, une remise à niveau permanente : « Je suis coiffeur depuis cinq ans mais j’apprends toujours », lâche Jonas, appliqué à suivre la coupe qu’exécute son apprenti du jour. Pour Hector, 21 ans, en alternance chez Maniatis dans le cadre de son brevet professionnel, ces échanges entre coiffeurs de tous âges constituent un avantage qu’on ne trouverait pas ailleurs : « Ici, on apprend tout mais en mieux, on prend vraiment une avance que n’ont pas les autres, on gagne plein d’astuces. En plus, on arrive à se projeter dans l’avenir, on se sent concerné par la boîte. »
De fait, quand on entre chez Maniatis, on y fait sa carrière. Rares sont les grandes enseignes de coiffure à pouvoir fidéliser aussi bien leurs clients que leurs employés. Même les fameux modèles de ces trainings du soir sont des habitués. « On les fidélise, s’en amuse Alexandre, elles viennent chez nous lorsqu’elles sont étudiantes en tant que modèles, et nous les retrouvons clientes lorsqu’elles entrent dans la vie professionnelle ! »
L’apprentissage en plein boom
Longtemps considéré comme une filière de seconde zone, l’apprentissage acquiert progressivement ses lettres de noblesse par le sérieux de la formation en alternance qu’il permet, et la motivation des jeunes qui en bénéficient. Les employeurs ont saisi le filon, et 2020 a battu un record historique avec plus de 500 000 contrats signés, dont 495 000 dans le secteur privé (principalement des TPE). Malgré la crise, l’apprentissage a ainsi connu une hausse de 40 % en un an. Un accroissement qui témoigne d’une réelle mobilisation des entreprises, encouragées il est vrai par l’État à recruter des apprentis dans le cadre du plan « 1 jeune, 1 solution ». Celui-ci prévoit notamment comme avantage une prime de 5 000 euros pour l’embauche d’un mineur et de 8 000 euros pour celle d’un majeur.
La nouveauté est aussi le profil de ces jeunes recrues, car elles sont de plus en plus nombreuses à avoir un niveau d’études supérieures : en 2020, elles étaient 22 % à avoir un niveau bac+2. Les chiffres publiés par le ministère du Travail révèlent une autre surprise : malgré les vagues de Covid et les conséquences que l’on connaît, l’embauche d’apprentis dans l’hôtellerie-restauration a progressé de 6 %.
Quand des activistes tentent d’assécher les recettes publicitaires des médias de droite en intimidant les annonceurs sur Twitter, ils trouvent sur leur route les Corsaires. Rencontre avec Pierre, leur « amiral ».
C’est une véritable guerre ouverte qui s’orchestre depuis quelques mois maintenant entre deux groupes opposés de cyber activistes : les « Sleepings Giants » et les « Corsaires ».
L’existence des Sleeping Giants remonte à 2016 aux Etats-Unis. Ils ont fait plier la chaîne « Breitbart news » en s’adressant à ses annonceurs sur les réseaux sociaux et en les accusant de financer un média « pro-Trump ». Ils arrivent en France en 2017 avec une action coup de poing à l’encontre de « Boulevard Voltaire » et se font remarquer à nouveau deux ans plus tard en incitant le groupe Ferrero à retirer les publicités Nutella de l’émission « Zemmour et Naulleau » avant de s’attaquer depuis plusieurs mois à Valeurs Actuelles, à Cnews ou encore au site « France-Soir ».
Logo des « Sleeping giants »
Logo des « Corsaires »
Les Corsaires contre-attaquent
La méthode est toujours identique : interpeller les marques. D’un ton doucereux, les Sleeping Giants font mine de s’interroger : pourquoi financer des médias « à la ligne éditoriale intolérante et haineuse » ? Ainsi en va-t-il en ce moment pour la marque Intersport épinglée sur Twitter pour son achat d’espaces publicitaires chez Cnews. Si de nombreuses marques préfèrent adopter la stratégie du silence, d’autres n’hésitent pas à s’excuser avant d’assurer, grâce à des community managers zélés, qu’elles ne recommenceront plus : BNP Paribas, BMW, Décathlon ou encore les magasins Leclerc ont tous retiré leurs publicités de CNews. Bilan en un an, la publicité sur CNews a chuté de 40%[1] suite aux actions des Sleeping Giants.
Mais peu après la rentrée 2021, une mystérieuse flotte dénommée « Corsaires » a émergé sur les réseaux sociaux. Se revendiquant « cyber-militants » et inspirés des fameux « Anonymous », les Corsaires ont choisi d’affronter les Sleeping-Giants sur leur propre terrain : les réseaux sociaux.
Pierre (le prénom a été modifié à sa demande), surnommé « l’amiral », a accepté de revenir auprès de nous sur la création du cyber collectif corsaire et les différentes batailles menées depuis quelques mois : « On est des gens de la publicité, du digital et du marketing donc on est concernés par les placements de publicité et on était horrifiés que les Sleeping-Giants disent qu’une marque qui fait de la pub dans un média cautionne forcément la ligne éditoriale de ce média. »
Stratégie novatrice
Ils utilisent donc une stratégie novatrice pour les contrer : « Programmer des bots, ça ne marche plus, il fallait de vrais comptes de vrais gens avec de vrais historiques pour réagir massivement à chaque annonce des Sleeping-Giants. Car ils sont malins et tirent leur force de leur anonymat. Seuls les services marketing ou com des boîtes qu’ils visent les connaissent et prennent à cœur de leur répondre » explique Pierre, lucide.
Sur le site des Corsaires, le message est clair : « Les Sleeping Giants menacent le débat d’opinion en France. Découvrez comment mettre fin au chantage des Sleeping Giants ». Bien conçue, l’ interface du site permet de découvrir les exemples de « batailles » en cours et celles déjà remportées en cliquant simplement sur un bouton permettant d’ « accéder à chaque mission ».
« Nous avons évidemment un environnement numérique surprotégé. Les Corsaires qui ont donné leur contact reçoivent un message d’alerte dès qu’une nouvelle mission se présente à nous, et ils ont juste à appuyer sur un bouton pour obtenir le message type qu’ils peuvent poster sur leurs réseaux sociaux ». Le dernier combat en date oppose les Sleeping Giants et les Corsaires autour de la marque de biscuits apéros « Vico ». Les Sleepings Giants ont ouvert le feu : « Bonjour @Vico_Officiel, vos spots pub pour #Curly sont diffusés sur #Cnews. Cette chaîne est devenue une chaîne d’opinion nauséabonde dédiée à la promotion d’un candidat condamné pour racisme. Est-ce vraiment ce que vous désirez soutenir avec votre budget ? » Mais ils ont eu la désagréable surprise de voir une riposte des Corsaires : « @Vico_Officiel_ le contrat qui vous lie à vos clients est simple : vos produits doivent les satisfaire. Cela n’a rien à voir avec le fait de diffuser vos pubs sur @CNEWS. Nous voulons de la qualité, pas de la morale. Ne cédez pas aux Sleeping Giants ! ».
Accompagnés de graphistes improvisant des visuels truculents pour chaque marque, les Corsaires agissent vite et leur nombre grandit : « On est bientôt 4000 et on espère être à 10 000 avant l’été » raconte Pierre. Mais pour lui, le nombre d’adhérents n’est pas forcément ce qui fera la différence : « C’est le principe de guérilla de base, le nombre ne fait pas forcément la loi. Il faut faire comprendre à la société française, quel que soit son bord, que les Sleeping Giants ne dialoguent pas avec les médias, ils veulent démolir sans assumer les pertes d’emplois de journalistes derrière ! ».
S’exprimer sans se censurer
On pourrait croire que ce sont des zemmouriens convaincus qui se cachent derrière les têtes pensantes des Corsaires. Mais, chez ces cyber activistes, il n’est pas question un seul instant de se revendiquer d’un bord politique : « On a une estime pour les médias quels que soient leurs bords. On lutte contre les Sleeping Giants qui ciblent des médias de droite donc on est forcément assimilés à la droite, mais militons simplement pour que tous les journalistes puissent s’exprimer sans avoir à se censurer ». Prendraient-ils pour autant les armes pour tous les médias sans exception ? « Bien sûr, d’ailleurs on rêve que ça tombe un jour sur un média de gauche pour prouver qu’on veut juste une liberté journalistique ! On se battrait pour Libé évidemment. Un journal est une unité morale certes, mais il y a des gens derrière et on ne peut décemment pas attaquer tout un média ou détruire des emplois par pure vengeance » s’exclame Pierre. Et si certains community managers apeurés agissent avec un peu trop d’empressement, les Corsaires n’hésitent pas à contacter directement leurs supérieurs afin de s’assurer que les marques ont vraiment fait le choix de boycotter un média. Et cela porte ses fruits : suite à ce type d’action, la marque « Loué » a choisi de maintenir ses annonces auprès de Cnews pas plus tard qu’en décembre.
Le 29 septembre 2021, le ministère de l’Éducation nationale a produit une circulaire destinée à définir la conduite à adopter par les professeurs et autres personnels face à des « élèves transgenres » ou « en questionnement de genre ». « La transidentité est un fait qui concerne l’institution scolaire », lit-on ; l’objectif annoncé est d’accueillir au mieux ces élèves en acceptant le changement vers le genre « ressenti », éventuellement en cachant les revendications des élèves à leurs parents, et au besoin en donnant accès à des toilettes différentes ou en modifiant le prénom des enfants sur les cartes scolaires. L’association SOS Éducation, à l’origine d’une note documentée sur le caractère alarmant et dangereux des transitions pédiatriques en plein essor, voit dans cette circulaire l’institutionnalisation de l’idéologie dite « transaffirmative » dans l’école, et a lancé une pétition qui rassemble plus de 13 000 signataires. Entretien avec la déléguée générale de l’association Sophie Audugé.
Causeur. Que contestez-vous dans la circulaire de Jean-Michel Blanquer sur « l’identité de genre en milieu scolaire » ?
Sophie Audugé. La première chose qu’on conteste, c’est que la transidentité soit un fait : en réalité, c’est une idéologie, pas un fait. L’idée affichée de la circulaire, c’est qu’il ne faut pas stigmatiser les enfants qui se poseraient des questions sur leur genre. Mais c’est dans la nature même de l’école de ne pas stigmatiser les enfants, on n’avait pas besoin de faire une circulaire de 11 pages pour un objectif aussi simple. En réalité, cette circulaire n’est pas une circulaire mais un manifeste qui reprend tout le corpus argumentatif de ce qu’on appelle l’idéologie transaffirmative. Il ne s’agit pas seulement de reconnaître les droits des personnes transsexuelles, mais surtout de prendre fait et cause pour le principe d’autodétermination du genre ressenti pour chaque personne – quel que soit son âge. Le genre ressenti est envisagé comme quelque chose qui serait un sentiment profond, presque transcendantal et donc non discutable, où la biologie n’a pas sa place, ni l’état émotionnel ou la période de vie de la personne qui l’exprime ; exit également les bouleversements identitaires de l’adolescence, les situations personnelles, les relations intrafamiliales… Et c’est à ce titre-là que la transidentité n’est pas un fait, mais une idéologie diffusée par des militants qui cherchent à convertir un maximum de personnes. Ce n’est pas un fait biologique, pas un fait scientifique, et à ce titre-là elle n’a pas à rentrer dans l’école.
Sophie Audugé
De plus, en France, cette idéologie n’a pas fait l’objet d’un débat public. Dans d’autres pays, comme c’est le cas au Canada par exemple, Justin Trudeau et ses ministres vous disent que la transidentité, c’est le nouveau monde, c’est la nouvelle norme sociale qu’on souhaite appliquer. Ils disent clairement aux parents qui ne sont pas d’accord avec la transidentité que c’est eux le problème, que s’ils ne l’acceptent pas, ils seront responsables des souffrances de leur enfant, et ils leur disent : « mieux vaut avoir un fils transgenre qu’une fille morte », à vous de choisir… Si vous êtes parent au Canada, vous savez que ça se passe comme ça dans l’école et dans la loi. Mais en France, à aucun moment le pouvoir en place n’a dit que la transidentité pouvait être une nouvelle norme sociale et qu’il fallait la reconnaître comme un fait social à l’école. En réalité, cette idéologie s’est infiltrée de manière totalement insidieuse. Quand vous confiez vos enfants à l’école de la République, vous vous attendez à ce qu’elle vous garantisse la protection de vos enfants, dans un cadre dédié à l’enseignement et à la transmission de savoirs. Pas à ce qu’elle fasse passer de tels messages à vos enfants.
Comment en est-on arrivés à institutionnaliser cette idéologie ?
La circulaire institutionnalise effectivement un mouvement qui était déjà entré dans l’école depuis longtemps. Pour être tout à fait honnête, nous aurions tous dû intervenir bien avant, parce que toute la sémantique transaffirmative était déjà en place, déjà relayée par un certain nombre d’interventions faites aux enfants par diverses associations LGBTQ+ ou le Planning familial. Elles diffusent auprès des enfants tout le vocable transaffirmatif, elles distribuent des questionnaires dans les classes en demandant aux élèves s’ils se sentent fille ou garçon, binaire ou non-binaire… on leur dit : si tes parents te « genrent » ou te « mégenrent », c’est un acte de violence que tu peux dénoncer. Ces propos existaient déjà, on le savait, mais pour une raison qu’on ne s’explique pas, l’ensemble de la communauté éducative a considéré que ce n’était pas suffisamment grave pour s’y opposer avec fermeté. Personne, sans doute, n’avait envisagé que le ministre de l’Éducation nationale prendrait fait et cause pour cette idéologie transaffirmative.
On parle de contagion sociale, de « clusters » dans certains établissements scolaires…
La circulaire fait référence à plusieurs associations de cette mouvance, notamment l’association Le MAG Jeunes LGBT. Or cette association fait partie de la fédération européenne d’associations transaffirmatives IGLYO, qui a produit en novembre 2019 un rapport qui détaille un protocole de lobbying pour infiltrer les politiques publiques et faire passer l’affirmation du genre ressenti dans la loi, avec une volonté affichée de toucher les jeunes. C’est quand même invraisemblable que le ministre de l’Education se fasse le relais des arguments d’une telle association dans sa circulaire. Cette association est agréée par l’Education nationale, elle touche des subventions pour aller dans les écoles servir la bonne parole… Elle a par ailleurs un partenariat avec une marque de cosmétiques plébiscitée par les jeunes, et pas des moindres, Sephora, qui a fait une campagne de communication pour le lancement d’une palette de fards spécifiquement destinée aux personnes transgenres avec un influenceur très suivi sur les réseaux sociaux. N’y a-t-il pas de conflit d’intérêt ? Tout ça pose des questions fondamentales qui n’ont plus rien à voir avec la cause du respect des droits des homosexuels et transsexuels, et encore moins avec l’école. Ce qui se joue là est une modification de norme sociale et un énorme business ! Cela s’est infiltré dans l’école par le biais des associations, et Jean-Michel Blanquer vient d’institutionnaliser cette nouvelle norme à l’école. Il y aura un avant et un après.
Abordons les choses de manière un peu concrète : quelles sont les conséquences de la transition de genre chez les jeunes ? Quelles sont les trois étapes de cette transition que vous décrivez dans votre rapport, et où est-ce qu’on en est en France, sur le plan légal, vis-à-vis de toutes ces démarches ?
Effectivement, c’est le deuxième point de notre opposition : la première chose, c’est que l’idéologie ne doit pas rentrer dans l’école, et la deuxième chose, c’est qu’elle est contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant. Notre démarche à SOS Éducation a été de nous documenter très sérieusement afin d’évaluer l’enjeu et les risques du point de vue de l’intérêt supérieur de l’enfant. Les transactivistes n’hésitent pas à faire du chantage au suicide comme on l’a vu avec l’exemple du Canada. Évidemment c’est une question très sérieuse qui nécessite toute notre vigilance. On s’est documentés pour démêler le vrai du faux et avoir un avis le plus objectif possible.
Ce qui nous permet d’avoir cet avis objectif, c’est qu’un certain nombre de pays – malheureusement pour eux et heureusement pour la France – ont engagé des processus de transition pédiatrique depuis déjà dix ans. Les premiers à engager un tel processus ont été les Pays-Bas, avec un protocole assez pointu, qui partait d’un accompagnement pédopsychiatrique exploratoire assez important. Ce protocole permettait d’accompagner les enfants concernés sur le long terme : l’enjeu était d’évacuer toute autre origine du mal-être qui n’aurait pas été liée à l’incongruence entre son genre ressenti et son sexe de naissance.
La dysphorie de genre, c’est un trouble qui est documenté depuis près de 100 ans, avec un profil des personnes concernées bien connu : très majoritairement des garçons, à 66%, et puis, en termes de prévalence, c’était en moyenne un garçon sur 10 000. Ce qui caractérise ce trouble, c’est qu’il intervient très tôt, souvent entre deux et quatre ans, d’où son nom de « dysphorie de genre à déclenchement précoce ». Cela a été étudié sur le long terme, et on voit que les enfants accompagnés se réconcilient avec leur sexe de naissance après l’adolescence dans 70% des cas. Ils vont vivre leur vie de manière assez classique, en étant hétérosexuels ou homosexuels – et d’ailleurs il n’y a pas forcément de relation de l’un à l’autre. Pour ceux dont la dysphorie de genre perdure après la puberté, la question de la balance bénéfices/risques doit être posée, et ceux dont la souffrance est trop forte démarrent un programme de transition par la prise d’hormones.
Et puis il y a dix ans, ces pays ont commencé à engager plus rapidement des processus de transition chez les enfants. A la suite des campagnes des mouvements transaffirmatifs, la dysphorie de genre a été dépathologisée, avec pour conséquence de mettre fin à l’accompagnement psychopathologique exploratoire qui permettait une attente vigilante et notamment chez les enfants. A partir de là, les enfants ont été rapidement engagés dans la voie de la prise de médicaments, puisque plus personne n’interrogeait leur ressenti de genre. Il s’agissait d’affirmer le genre auto-déclaré et de passer directement à la prise de bloqueurs de puberté, quel que soit l’âge. Mais les médecins et les psychothérapeutes se sont rendu compte que la population des candidats à la transition avait changé et qu’il y avait un emballement des courbes. Des personnalités du monde médical ont commencé à se poser des questions sérieuses. Un certain nombre de lanceurs d’alerte se sont fait entendre par l’intermédiaire de documentaires qui ont fait l’effet d’une bombe en dénonçant le principe de la transition pédiatrique. Il y a plusieurs raisons à leur cri d’alerte : il s’avère que la population n’est plus du tout la même puisqu’il y a aujourd’hui une très grosse majorité de filles (70 à 80%), qui expriment le sentiment d’« être nées dans le mauvais corps » bien plus tard et de manière soudaine, sans aucun antécédent dans l’enfance. On parle de « dysphorie de genre à déclenchement rapide et soudain ». Et dans la très grosse majorité des cas, de 70% à 90% en fonction des médecins, l’origine de la souffrance est d’une toute autre nature, c’est-à-dire que ce qui prime, ce n’est pas le sentiment d’être d’une certaine manière en désaccord avec son sexe de naissance, mais plutôt soit que la jeune fille a un vrai dégoût de son corps, ce qui peut arriver à l’adolescence, on le sait bien, soit qu’elle souffre de troubles psychopathologiques d’une autre nature. Les retours d’expérience de ces pays montrent une surreprésentation de jeunes présentant des troubles autistiques, des troubles post-traumatiques consécutifs à des sévices sexuels, des troubles du développement cognitif, un haut potentiel, des troubles alimentaires… Donc des profils d’enfants qui peuvent avoir tendance à faire des « focus » sur des thèmes, et le thème en question, c’est l’identité de genre, qui devient obsessionnel chez eux.
Un certain nombre de médecins ont en outre affirmé publiquement que les traitements n’avaient jamais été conçus pour des enfants, qu’ils n’avaient aucune mesure à long terme des effets pour une prise à cet âge-là, puisqu’on intervient sur des enfants pour lesquels le développement du cerveau, mais également tout ce qui est lié au rôle des hormones dans la maturité émotionnelle… n’est pas terminé. Tout ça n’a pas fait l’objet d’études sérieuses, et ils ont déclaré avoir de très gros doutes sur l’absence d’effets secondaires d’ampleur sur le développement cérébral et émotionnel. Il y a aussi des effets avérés sur la masse osseuse, et tout un ensemble d’autres conséquences, notamment évidemment la perte de la fertilité. Le caractère éclairé du consentement de l’enfant à de tels traitements, alors même qu’il n’a pas la maturité nécessaire pour prendre des décisions engageant sa vie future – sa volonté peut-être de créer un foyer, d’avoir des enfants… n’est pas recevable. Le collège des pédiatres américains s’est positionné clairement sur l’impossibilité des parents et des enfants à donner un consentement éclairé du fait des incertitudes médicales des traitements.
On s’est intéressé aussi à la façon dont les enfants entraient dans ce processus mental de conviction de ne pas être nés dans le bon corps. La première étape, c’est celle de la transition sociale. Souvent par le biais des réseaux sociaux, un enfant va commencer à regarder des vidéos, à être lié avec des groupes de personnes qui sont transgenres, et il va limiter son cercle de communication à ces groupes. Il va y trouver tout un ensemble d’arguments en faveur du changement de sexe – on est sur un phénomène très analogue à celui des sectes, c’est ce que disent notamment toutes les détransitionneuses, qui sont plusieurs dizaines de milliers maintenant : elles disent que le discours, globalement, c’est : si tu ne te sens pas bien, c’est sûr que tu n’es pas née dans le bon corps, fais comme moi, tu verras, tu vas pouvoir te découvrir pleinement, choisir qui tu es, il n’y a que toi qui peux le faire et moi qui peux te comprendre. Si ta famille ne te suit pas, c’est qu’elle ne te comprend pas et qu’elle ne t’aime pas. A partir de là déjà, c’est une forme d’enfermement. Et ensuite on va les pousser à engager des actes : d’abord, une adaptation physique et vestimentaire de base, éventuellement les cheveux coupés ou portés longs… Tout ce qui est hyper stéréotypé, en réalité – alors qu’ils prétendent lutter contre les stéréotypes de genre. Après cette première phase, arrive assez vite la question du prénom, puis du pronom, et ensuite de leur utilisation dans le cercle familial et à l’école. Souvent, les jeunes vont commencer à en parler à leurs amis, et ne vont conserver dans leur cercle que les amis qui sont a priori favorables, voire également engagés dans la même démarche – c’est pour cela qu’on parle de contagion sociale, et notamment de « clusters » dans certains établissements scolaires. Les enfants vont donc se rassembler, pratiquer entre eux les prénoms choisis. Potentiellement ensuite l’école va les adopter aussi, en accord ou pas avec le cercle familial. C’est l’étape 1 de la transition, la transition sociale. Une fois que l’enfant est en transition socialement, il est engagé dans un processus qui est difficile à interrompre, comme embarqué dans un train – c’est la formule qui a fait mouche du premier documentaire suédois qui a eu un gros impact, The Trans Train, qui explique que la transition est un train : le premier wagon est la transition sociale, mais une fois qu’on est monté dedans, il est très difficile d’en sortir, puisque les gens autour de vous, mobilisés uniquement sur cette question, vous motivent et vous enferment… C’est un système assez basique sur le plan psychanalytique d’action-récompense.
Rapidement va intervenir la deuxième étape, c’est-à-dire la prise de médicaments : d’abord les bloqueurs de puberté pour les plus jeunes, puis à partir de 14-16 ans on va passer directement aux hormones croisées. Viendra ensuite la troisième étape, celle de la chirurgie.
Au niveau du cas spécifique de la France, on en est où de l’autorisation de tous ces médicaments-là ?
Pour les médicaments, il faut que les parents soient d’accord et que le médecin considère que le consentement de l’enfant et des parents est éclairé, c’est-à-dire qu’ils ont bien pris conscience des risques et de l’irréversibilité du traitement. Il n’y a rien dans la loi en France qui fixe un âge limite. Il suffit que le mineur ait consulté un psy qui considère que le ressenti de l’enfant n’a pas à être questionné, alors l’endocrinologue va commencer par prescrire des médicaments : c’est le cas du fameux documentaire Petite fille, diffusé sur Arte il y a quelques mois, où le médecin prescrit des bloqueurs de puberté à l’enfant alors qu’il a 6-7 ans. Aujourd’hui il y a des cliniques du genre en France, il faut être clair. Mais la France est arrivée sur tous ces sujets-là plus tard que d’autres pays. Aux Etats-Unis il y en a déjà plus de 100. Ça explose et c’est un véritable marché : il y a d’un côté l’industrie pharmaceutique, les labos qui produisent les hormones etc, et également un énorme marché de chirurgie, du « haut » et du « bas » avec d’énormes enjeux, mais aussi toute la chirurgie esthétique pour féminiser ou masculiniser le visage, notamment le front et le menton.
Tout ça est extrêmement lourd à tout point de vue, coûteux financièrement (même si les frais sont pris en charge en France par la sécurité sociale au titre des ALD – Affection de Longue Durée…) et avec des effets secondaires sur la santé physique et mentale importants. Et en totale contradiction avec ce que font croire les militants transactivistes aux jeunes, car ils s’attachent à démédicaliser le processus. Toute la stratégie, c’est de ne jamais parler des médicaments, des détails des opérations, et surtout de leurs effets délétères et irréversibles. Sur le document qui est distribué dans les écoles à Marseille par une association transactiviste, par exemple, avec le logo de l’Etat et l’argent des contribuables, il est clairement écrit que vous pouvez faire votre transition, que vous pouvez l’arrêter quand vous voulez, qu’il n’y a aucun effet irréversible… C’est absolument faux. Une jeune fille qui veut devenir un garçon, comme c’est la majorité des cas aujourd’hui, prendra des hormones au moment où les cartilages de son larynx sont en train de se constituer, et elle aura une voix de garçon toute sa vie… Et pour la pilosité c’est pareil. C’est pour cela que dans le documentaire The Trans Train, un médecin dit : « Qui prendra la responsabilité de créer des femmes à barbe ? ». C’est bien tout le sujet. Il y a une volonté de ne pas parler de ces choses-là, mais c’est ça la réalité.
La troisième étape de la transition, c’est la chirurgie. Normalement en France, il y a un consensus pour ne pas en faire avant 18 ans. Dans la réalité des faits, on sait – mais personne ne veut l’assumer – qu’il y a des jeunes filles qui ont eu des mastectomies avant 18 ans. Il y a des jeunes filles qui se sont fait amputer de leur poitrine à 14 ans. Comment cela peut-il être possible ? Eh bien les filles portent des bandages (qu’on appelle des binders) trop serrés, ça leur fait des escarres, ou elles se scarifient la poitrine, ce qui fait que le médecin est légitime à faire une ordonnance qui leur donne accès à la chirurgie. Parce qu’elles mettent leur santé en danger, il devient légitime d’intervenir. Mais il faut bien savoir que tout ça, ce sont des conseils qu’on trouve sur les réseaux sociaux et sur Internet : des groupes sur les réseaux sociaux, des transgenres qui racontent et détaillent leur propre processus, fournissent des listes de médecins qui donnent facilement des hormones, des argumentaires clé en main (« il faut dire qu’à tel âge tu faisais tels cauchemars », etc)… C’est comme ça qu’ils obtiennent l’accès à des traitements sans un véritable accompagnement psychothérapeutique pour s’assurer de l’origine de leur souffrance.
A votre avis, quel devrait plutôt être le rôle des pouvoirs publics et de l’Education nationale ? Qu’est-ce qu’il faudrait faire aujourd’hui pour avertir sur ces dérives ?
Il faudrait déjà revenir sur la proposition de loi 4785 qui vient d’être validée par la commission paritaire du 14 décembre dernier et ne pas voter la loi avec la mention de la transidentité. Il faut savoir que c’était normalement un projet de loi qui visait à interdire les thérapies de conversion, des pratiques dégradantes et violentes destinées à changer l’orientation sexuelle des personnes homosexuelles. Et les transactivistes ont quand même réussi à ajouter à cette loi les « pratiques visant à modifier l’identité de genre d’une personne ». C’est surréaliste, en plus d’être complètement contradictoire. Pour de nombreux professionnels de santé, la transition de genre peut être considérée comme une « thérapie de conversion ultime », puisqu’un certain nombre de jeunes homosexuels vont préférer être transgenres pour se remettre d’une certaine manière dans la norme… C’est-à-dire qu’on se prépare à voter une loi en France, en procédure accélérée – alors qu’on se demande vraiment bien pourquoi – qui va faire que toute personne qui estime qu’on ne respecte pas son identité de genre pourra éventuellement porter plainte. Les parlementaires ont ajouté que l’interdiction concernant le questionnement du genre ne s’appliquerait pas à un médecin qui conseillerait un patient ou aux parents qui conseilleraient un enfant, mais ça ne vaut rien du tout. Encore une loi floue qui ouvre une boîte de Pandore juridique, et qui surtout rendra plus difficile la protection des enfants sous influence du transactivisme actuel. On n’avait aucune raison d’ajouter ça dans la loi, et c’est encore une preuve de la puissance du lobby transactiviste qui crée des liens personnels avec les parlementaires pour parvenir à changer le droit en faveur de leurs idées. Comme le protocole publié dans le rapport IGLYO le prévoit, il faut s’appuyer sur une cause populaire, acceptée par le grand public, pour faire passer l’idéologie transaffirmative. C’est exactement ce qui a été fait dans cette proposition de loi.
Au sujet de l’école, il faudrait déjà faire sortir toutes les associations qui diffusent de telles idéologies, et s’en tenir aux faits. Pour les adolescents, éventuellement présenter ce qu’on sait sur la situation aujourd’hui de contagion sociale qui leur fait croire que la transidentité est un fait et qu’on peut changer de sexe d’un coup de baguette magique sans conséquences graves sur sa santé et sur sa vie. Montrer des documentaires avec les témoignages des médecins, des pédopsychiatres spécialistes du genre, des jeunes qui ont détransitionné et qui regrettent… Il faut apprendre ce que la science a démontré et pas les discours idéologiques. Il faut leur expliquer le bouleversement identitaire qui se produit à l’adolescence et les difficultés que peuvent ressentir beaucoup de jeunes face à ces chamboulements. Ce n’est pas un trouble, c’est un questionnement normal à l’adolescence qui nécessite de se donner du temps. Pour les plus jeunes, il faut juste leur ficher la paix – il faut les laisser grandir, les laisser s’amuser, et arrêter de leur mettre dans la tête des trucs comme ça. Arrêter de genrer et dégenrer l’espace scolaire, les cours de récréation et je ne sais quelles autres bêtises. Mais laissez les vivre ! A-t-on encore le droit en France d’être une fille garçon manqué ou un garçon qui aime davantage les activités qu’on associe bêtement aux filles ?
Il faut, comme le demande SOS Éducation dans sa pétition, retirer cette circulaire. Et faire un rappel à l’ordre formel et strict : l’accord des deux parents est obligatoire avant de permettre tout changement de prénom à l’école. Les idéologies n’ont pas leur place à l’école et l’idéologie d’affirmation du genre à l’école, sauf à ce que le ministre en apporte la preuve irréfutable, est contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant. C’est d’ailleurs pour cela qu’elle plonge les enseignants dans un stress éthique. Que fait l’enseignant qui sait que ce n’est pas bon pour l’enfant ? Il peut tout à fait s’y opposer au motif justement que la circulaire ne fournit pas la preuve qu’affirmer le genre ressenti à l’école est l’intérêt supérieur de l’enfant. Or c’est bien le rôle de l’école édicté dans le code de l’éducation. En tout cas, il faut bien savoir que tout ça crée des tensions à l’école, ça crée des clivages au sein même des équipes. Et le ministre de l’Éducation, en étant complaisant avec des idéologies comme celle-là, contribue à renforcer ces clivages. Et franchement on n’avait pas besoin de ça !
Le cas de Louis-Ferdinand Céline n’est certes pas unique. Il reste toutefois emblématique de la confusion intellectuelle et morale qui gagne, de façon plus ou moins subreptice, tous les domaines de notre civilisation.
Toutes les époques ont, certes, connu et célébré des créateurs dont l’éthique personnelle était loin de correspondre à leur vision esthétique. Ainsi le compositeur italien Carlo Gesualdo de Venosa, prince et meurtrier, reste le célèbre auteur de madrigaux toujours interprétés. À la même époque, mais en peinture, un autre Italien, le Caravage, exerça une grande influence en dépit de ses mœurs sulfureuses. Quant au réalisateur de cinéma Roman Polanski, il défraya récemment la chronique par ses frasques amoureuses, au point de porter ombrage à sa réputation pourtant bien établie. Ce ne sont que quelques exemples, puisés à travers les siècles, de ce divorce, somme toute plus fréquent qu’on ne croit, entre l’homme et l’œuvre.
Le cas Céline
Pour s’en tenir à la seule littérature, Villon n’était pas un enfant de chœur – mais quel poète admirable ! Rousseau, auteur d’EmileouDe l’éducation, plaçait ses enfants à l’Assistance publique. Le marquis de Sade avait des comportements pour le moins répugnants. Plus près de nous, Verlaine et Rimbaud, Jean Genet, voire Aragon, qui « conchiait l’armée française dans sa totalité», n’auraient pu prétendre à un prix de vertu. Autant dire que le talent ne saurait être subordonné à un certificat de bonnes vie et mœurs. Le Contre Sainte-Beuve de Proust aurait, du reste, pu clore la question : l’auteur de la Recherche y soutient que la vie et l’œuvre d’un auteur sont indépendantes l’une de l’autre. Elles ne sauraient donc être jugées à la même aune. Voilà qui semble relever du simple bon sens. User des mêmes critères pour évaluer les deux, condamner l’œuvre au nom de l’inconduite de son créateur, c’est faire preuve de confusion mentale – ou, pour parler vulgairement, jeter le bébé avec l’eau du bain. Comme écrivait à juste titre le critique Pol Vandromme, « ce serait le plus vain du plus accablant des travaux d’Hercule que de vouloir faire coïncider le génie littéraire et la noblesse humaine ».
Le cas Céline est pourtant venu brouiller les cartes de manière significative. Plus question de pondération. De nuance. En un mot, de discernement. Céline, c’est le Diable. Le mal absolu. Son seul nom suscite l’horreur – y compris chez ceux qui n’ont jamais lu une ligne de lui. Il est normal de le vouer aux gémonies : une telle sentence coule de source et n’a nul besoin d’être motivée. À l’inverse, soutenir que son génie a renouvelé le roman, qu’il figure parmi les plus grands écrivains français, voilà qui est inadmissible et même inconcevable.
Le parti-pris de Marc Laudelout
Entendons-nous bien : si l’auteur du Voyage peut, à bon droit, être qualifié de génial, pas question, pour autant, d’occulter qu’il fut aussi l’auteur d’ignobles pamphlets pronazis et antisémites. Que sa conduite durant l’Occupation ainsi que certaines facettes de sa personnalité étaient rien moins que sympathiques et suscitent à bon droit dégoût et réprobation. Pourtant, la simple honnêteté oblige à se rendre à l’évidence : pas trace, dans ses romans, d’idéologie politique nauséabonde. D’apologie de génocide. En revanche, quels que soient les écrits et jusque dans la correspondance, une maîtrise de la langue dans tous ses registres qui force l’admiration.
Le cas, on le voit bien, n’est pas facile à démêler, surtout lorsqu’il suscite des passions exacerbées et tout à fait irrationnelles. Or, s’il est un homme qui, depuis des décennies, s’efforce de conserver la tête froide, d’observer, avec un parti-pris de rigueur et d’impartialité, les remous qui entourent l’écrivain et son œuvre, c’est bien Marc Laudelout. Ce journaliste, éditeur et critique littéraire belge est, à juste titre, considéré comme le meilleur spécialiste de Céline et de ses entours. Il a créé en 1981, un mensuel qu’il dirige et édite toujours, Le Bulletin célinien, consacré à tout ce qui fait, encore aujourd’hui, l’actualité de l’écrivain. La diversité des participants à la revue et la variété des éclairages constituent le gage d’objectivité le meilleur qui soit.
La preuve en est fournie par Céline à hue et à dia. Un florilège de quelque quarante ans de Bulletin célinien, qui retient tant par la richesse du contenu que par l’équilibre respecté entre le pour et le contre, la droite et la gauche, le hue et le dia. Aucune exclusive, aucune réfutation qui ne soit justifiée et étayée. À travers portraits et témoignages, analyses d’essais et d’articles, comptes rendus de la réception de l’œuvre au fil des ans, c’est tout un univers qui est évoqué. Le monde des inconditionnels « historiques » de l’écrivain y côtoie celui de ses adversaires les plus farouches. Ces derniers ne sont certes pas épargnés, mais la rigueur intellectuelle est ici de mise. C’est ce qui rend irremplaçable cette anthologie, fruit d’un travail titanesque. Elle passionnera quiconque ne saurait se satisfaire du manichéisme malsain en vigueur dès lors que le nom de Céline est brandi, telle la muleta du matador sous les naseaux du taureau.
Céline à hue et à dia, de Marc Laudelout, La Nouvelle Librairie.
Eric Zemmour a été condamné à 10 000 euros d’amende pour provocation à la haine raciale par le tribunal correctionnel de Paris, lundi 17 janvier, pour avoir qualifié sur CNews les migrants mineurs isolés de « voleurs », d’« assassins » et de « violeurs » en septembre 2020. Suite à cette condamnation, notre chroniqueur Charles Rojzman estime que le candidat de « Reconquête » doit désormais apprendre à parler à tous ceux issus de l’immigration qu’il peut légitimement effrayer.
Le 29 septembre 2020, lors d’un débat dans l’émission « Face à l’info » sur CNews après un attentat devant les ex-locaux de Charlie Hebdo, Eric Zemmour affirmait : « Ils n’ont rien à faire ici, ils sont voleurs, ils sont assassins, ils sont violeurs, c’est tout ce qu’ils sont, il faut les renvoyer et il ne faut même pas qu’ils viennent. »
Une maladresse qui coûte cher
« C’est une invasion permanente », « c’est un problème de politique d’immigration », avait-il ensuite vociféré dans cette émission dont il était alors chroniqueur. Des « propos méprisants, outrageants », qui montrent « un rejet violent » et une « détestation » de la population immigrée et qui ont franchi « les limites de la liberté d’expression », a estimé la représentante du ministère public.
Eric Zemmour se prête facilement à la caricature qui le montre en esprit mauvais comme le Gargamel des Schtroumpfs qui se frotte les mains à la pensée des tours diaboliques qu’il s’apprête à jouer. Ce personnage raciste, antisémite, islamophobe, sexiste ou homophobe a été fabriqué par les media mainstream et ses détracteurs des réseaux sociaux. Mais qu’en est-il de sa propre responsabilité et de celle de beaucoup de ses partisans ? Maladresse de communication ? Besoin de provoquer pour faire bouger une société française apparemment endormie dans sa soumission au monde tel qu’il va ? Zemmour parle cru d’une réalité que d’autres, plus protégés certainement (ou alors partisans d’une créolisation de la société), minimisent, nient ou même considèrent comme un progrès vers une société plus tolérante et inclusive.
Ce qui manque à Eric Zemmour, c’est de pas avoir pas l’audace de faire comme Donald Trump lorsqu’il a affirmé avec force à la communauté africaine-américaine qu’ils étaient des Américains comme les autres, aussi capables de réussir dans la société américaine que d’autres, mais qu’ils devaient aussi regarder en face les vices et les fautes au sein de leur communauté. Ce qui manque à Eric Zemmmour, c’est de parler droit dans les yeux aux musulmans de ce pays, à la jeunesse des quartiers, à leurs parents, à tous ceux qui se sentent plus Algériens, Maliens, ou Sénégalais que Français, à tous les immigrés du Maghreb et d’Afrique noire, à toutes les générations nées sur le sol français et qui possèdent la nationalité française. Parler à tous, droit dans les yeux, à ceux qui travaillent et à ceux qui ne travaillent pas, aux gens honnêtes et aux délinquants, à ceux qui veulent réussir et à ceux qui sont assistés, aux femmes, aux hommes, leur parler et leur dire la réalité crue de ce qu’ils font ou ne font pas pour être des Français comme les autres, leurs responsabilités et leurs fautes, leurs vices et bien sûr leurs vertus – car elles existent.
Ce qui manque à Eric Zemmour, c’est de leur dire qu’il les accueillera volontiers avec amour s’ils acceptent de se fondre dans ce pays, avec gratitude et bonheur, s’ils renoncent à la victimisation que certains encouragent pour les utiliser dans leur combat politique, s’ils chassent de leur sein les brebis galeuses, qu’ils connaissent bien, qu’ils cessent enfin d’écouter les voix qui tentent de les arracher à la communauté nationale. Il faudra aussi qu’il considère leur bonne volonté qui n’est pas toujours reconnue parce qu’ils sont essentialisés de part et d’autre, et qu’il leur demande de l’aider dans son combat contre l’immigration de masse, illégale ou clandestine sans qu’il ne soit plus taxé de racisme et en y voyant leur propre intérêt.
Ne pas choquer inutilement
Ce qui manque à Zemmour, c’est une certaine finesse de langage qui lui fait dire quand il parle de grand remplacement qu’il ne voit dans la rue que des Noirs et des Arabes, choquant inutilement ceux-là même des Français antillais ou d’origine africaine ou maghrébine qui sont en accord avec ses idées sur l’assimilation, alimentant ainsi les préjugés de racistes véritables, et éloignant de lui des esprits lucides et généreux alors enclins à accepter les caricatures qu’on fait de lui dans la presse.
Ce qui manque à Zemmour, c’est de ne pas voir qu’il ne suffira pas d’arrêter l’immigration de masse légale ou illégale et de changer la façon de gouverner le pays pour retrouver une société saine et indemne de toutes les maladies des sociétés modernes, et qu’il faudra mettre en place une nouvelle éducation civique et populaire des adultes, adaptée à l’époque, et qui aide chacun à retrouver le goût de se projeter dans l’avenir et de vivre le présent avec moins de violences dans les familles et les organisations. La tentation totalitaire ne se limite pas à l’islamisation. Elle est la réponse inévitable à l’addition de tous les malaises sociaux provoqués par la crise multiple du sens, de l’autorité, du travail, du lien que vit la civilisation occidentale.
L’essence d’une nation
Ce qui manque à Eric Zemmour dans son combat pour l’école, c’est de parler aux enseignants, de leur dire qu’ils ne sont pas seulement des « pédagogistes » qui refusent de transmettre le savoir et la belle histoire de France. Leur dire qu’ils ne peuvent pas le faire dans les conditions qui leur sont imposées et qu’il faudra changer. Il faudra faire une pédagogie de l’autorité et de la responsabilité, et il faudra qu’Eric Zemmour reconnaisse qu’ils font déjà ce qu’ils peuvent pour susciter l’intérêt de gamins malmenés dans leurs familles, dans leur quartiers, soumis à des propagandes diverses, écrasés par la folie du monde adulte. Ce qui manque à Eric Zemmour, c’est d’avoir l’audace de dire aux juifs de France que leurs institutions ne les représentent pas et qu’elles vivent sur les bénéfices que leur assurent leur adhésion aux pouvoirs en place tout comme les dignitaires musulmans le font avec les pays d’origine, leur rappeler tout ce que la France a fait pour les juifs, depuis la Révolution française et Napoléon et même un peu avant au temps de la royauté finissante, qu’elle en a fait des citoyens pour la première fois dans l’histoire et que malgré les antisémitismes, le peuple français a dans sa majorité courageusement aidé les juifs à rester indemnes de l’horrible persécution de l’Occupation, qu’il leur dise aussi qu’il n’est pas maurassien ou pétainiste mais qu’il cherche à rétablir le réel pour ne pas mariner dans toutes les repentances, qu’il s’excuse enfin s’il a été maladroit et blessant, comme il l’a fait dans sa conversation au téléphone avec les Sandler.
Il faudra donc qu’Eric Zemmour ne se contente pas de dire qu’il sera le président de tous les Français sans exclusive s’il est élu, mais qu’il le démontre dès aujourd’hui, dans sa campagne pour l’accession au pouvoir suprême en allant voir des publics qui ne l’aiment pas peut-être, qui n’aiment pas en tout cas cet avatar de lui qui a été fabriqué par ses adversaires, qu’il ne se contente plus de parler à ses seuls partisans, à ces foules enthousiastes et honnêtes auxquelles se sont mêlés des groupes qui ne rêvent que d’exclusion et d’intolérance ; qu’il refuse, malgré ou en raison de ses convictions profondes, de faire ce que font tous les politiques qui ne s’adressent qu’à leur clientèle privilégiée et négligent trop souvent ce qui fait l’âme d’une nation. Car, il le sait bien, comme le disait Renan qu’il admire, « l’essence d’une nation est que tous les individus aient beaucoup de choses en commun, et que tous aient oublié bien des choses « …
Emmanuel Macron est actuellement favori dans les sondages. Mais son bilan sur le plan de la sécurité est au cœur de toutes les oppositions, et ses clins d’œil à la frange progressiste ou « woke » de l’électorat sont si appuyés, que le bloc de droite est plus puissant que jamais en France. Au point qu’une future cohabitation semble inéluctable à notre chroniqueuse…
Il est très étonnant que personne n’évoque ce qui est plus qu’une probabilité.
Alors que les médias commentent jour et nuit les « punchlines » de nos hommes politiques (en bon français : vacherie qui fait mouche), les critiques permanentes des oppositions entre elles (ce qui jusqu’à maintenant leur sert de programme, notez bien), les chances ou non d’avoir les 500 signatures pour pouvoir se présenter, la balançoire des sondages, on ne tire pas de conclusion à moyen terme de cette pléthore de candidats à droite qui, extrêmes ou pas, crédibles ou non, font que la France est très clairement… à droite !
Équilibres politiques incertains
Par ailleurs, tous les jours ou presque on suit le feuilleton de l’Assemblée nationale, son va-et-vient avec le Sénat et les votes qui n’ont plus de cohérence de parti. Ce qui est certain c’est que les « godillots » qui votaient comme un seul homme au début du quinquennat, ont repris leur indépendance jusqu’à ne pas être capables de se mettre d’accord sur un passe vaccinal, ni sur grand-chose. Les transfuges accentuent le phénomène : « je te soutiens », « je t’ai soutenu », « je ne te soutiens plus », « je quitte le parti » etc.
Les équilibres politiques sont tellement incertains que le comble c’est que les ennemis acharnés d’un candidat vont se battre pour que celui-ci ait ses signatures pour pouvoir se présenter ! On dit ainsi qu’au parti Les Républicains on aiderait Zemmour à obtenir ses signatures, car si Marine Le Pen était seule elle passerait devant Valérie Pécresse pour affronter Macron. Cette cuisine discrédite un peu la politique telle qu’on la voudrait, et ce à cause d’un décret récent qui rend publiques les signatures données par les maires, ce qui est contraire au principe du vote secret, et de surcroît constitue une véritable atteinte à la démocratie : des élus seraient « empêchés » par la peur de représailles locales ! Mais qu’a-t-on fait pour mériter tant d’incohérences nuisibles ?
La politique fiction de Sophie de Menthon
Imaginons à présent les duels de second tour tels que programmés par les sondeurs: Macron / Le Pen, ou Macron / Pécresse ou Macron/Zemmour… On ne nous propose rien d’autre au menu ? Dans tous les cas, il semblerait aujourd’hui que l’ancien président l’emporterait, récoltant les voix perdues de la gauche disparue et bénéficiant d’un tout sauf « l’extrême droite ».
Ce qui me semble assez certain, c’est que les législatives qui suivront immédiatement un tel second tour n’ont pratiquement aucune chance de donner une majorité claire au parti « En Marche », à moins d’un retournement de situation que l’on imagine mal pour l’instant. Donc le président élu sur sa seule personnalité et non sur le socle de son parti politique sera, de fait, dans l’obligation d’instaurer une cohabitation avec le chef du parti qui s’imposera aux législatives, une droite au sens large…
Il aura alors pour Premier ministre à choisir entre Marine Le Pen, Valérie Pécresse ou Éric Zemmour (pardon pour les autres mais je ne vois rien venir !) C’est la règle institutionnelle… Les Français auront beau jeu d’en vouloir à celui qui cédant à l’attrait de Matignon et à l’avenir de la France ira quand même à Canossa, car le chef reste le président. Comment gouverner ? Comment se remettre alors de toutes les attaques sanglantes prodiguées pendant la campagne par le candidat devenu Premier ministre à l’encontre du président de la République ? Vous me direz que nous avons déjà vu cela certes, mais pas dans un laps de temps aussi rapide et pas dans un pays sens dessus dessous. Et si Emmanuel Macron refusait une cohabitation ? C’est tout à fait possible d’imaginer qu’il refuse de mener une politique avec des adversaires d’hier haineux à son encontre. Et s’il démissionnait ? Un scénario crédible auquel personne n’a fait allusion non plus jusqu’à maintenant. On n’est pas sorti de l’auberge !
Le propre des crimes de haine est de provoquer de la haine – contre les présumés coupables. Un cas d’école est celui de l’acteur et chanteur afro-américain, Jussie Smollett, ex-vedette d’une série télévisée à succès, Empire.
En janvier 2019, il prétend avoir été victime d’une agression nocturne à Chicago. Il aurait été tabassé par deux hommes masqués à la peau « pâle » qui, le couvrant d’insultes racistes et homophobes, l’auraient arrosé d’eau de Javel avant de lui attacher un nœud coulant autour du cou. Ils seraient partis aux cris de « Ici, c’est le territoire MAGA ! » – le mot de ralliement des supporteurs de Donald Trump. L’agression provoque un tollé : le gratin hollywoodien dénonce la violence raciste des Blancs et des trumpistes, tandis que les politiques démocrates, la future vice-présidente Kamala Harris en tête, s’indignent d’un véritable « lynchage moderne ». L’enquête policière découvre rapidement que Smollett aurait versé 3 500 dollars à deux frères nigériens rencontrés dans une salle de sport pour faire semblant de l’attaquer.
Sa motivation ? Attirer la sympathie générale et se venger d’un studio de tournage qui n’aurait pas pris au sérieux des menaces contre lui. L’organisation Black Lives Matter le défend : « Nous ne pouvons jamais croire la police » contre la parole d’« un Noir courageux ». Finalement, le 9 décembre 2021, un tribunal reconnaît Smollett coupable d’avoir manigancé sa propre agression. Le comble de l’absurdité est atteint lorsque le comédien est interrogé par le procureur. Celui-ci, blanc, lui lit à haute voix les messages privés sur Instagram envoyés par Smollett à un des frères. Ces messages contiennent le « mot en n », que le procureur est obligé de prononcer, avant que Smollett ne lui demande de cesser pour ne pas « offenser chaque Afro-américain dans cette salle ».
Tout au long de cette supercherie, la star a cherché à exploiter les préjugés anti-Blancs : seuls des Blancs auraient pu l’agresser ; seule la police au service des Blancs aurait pu douter de sa parole ; seul un Blanc peut chercher à offenser en prononçant le mot tabou. En voulant exploiter ces préjugés, il a certainement réussi à les renforcer.
Mais par ses mensonges, il sape les efforts de vraies victimes pour obtenir justice.
Jean-Michel Blanquer, jadis au faîte de la faveur royale, est lâché par les siens, conspué par les syndicats, accablé par les médias. Une unanimité suspecte. Peut-être se trompe-t-on de cible.
Il y a plusieurs façons de le dire. Si vous choisissez le mode cultivé, n’hésitez pas : « La roche tarpéienne est près du Capitole » — afin de souligner que la chute infâmante côtoie l’apogée. Ou le mode fabuliste : « À ces mots on cria haro sur l’animal / Ce pelé, ce galeux, d’où venait tout le mal » — c’est dans Les Animaux malades de la peste. Ou la version journalistique, empruntée sans le dire au hard rock de Trust: « On lèche, on lâche, on lynche ». Une belle paronomase pour dire combien la faveur des princes est chose fugitive, et combien la foule des courtisans applaudit la disgrâce de Fouquet, incarcéré vingt ans par Louis XIV qui trouvait que Vaux-le-Vicomte brillait de trop de feux.
Jean-Michel Blanquer a été le chouchou de Macron et de son épouse. « Vice-président », disait de lui le Point en février 2018. Il est aujourd’hui livré aux chiens, pour des errements de protocole sanitaire qui ne sont même pas de son fait. Lorsque le ministre de l’Éducation a appelé le vrai responsable de cet immense bordel, Olivier Véran, à prendre sa part de responsabilité, celui-ci lui a lancé : « Il faut que tu te calmes ». Que craignait-il ? Le coup de boule sur le nez ?
D.R.
Le ballet des faux-culs s’est alors déchaîné, comme en témoigne le Figaro. « Erreurs de communication », lance un macroniste : c’est vrai que présenter le nouveau protocole sanitaire, la veille de la rentrée, via un article « réservé aux abonnés » du Parisien n’était pas follement habile. Et Macron de souligner qu’il aurait fallu « plus d’anticipation » avant de communiquer. « Jean-Michel Blanquer a déconné, on doit faire le service après-vente derrière, mais c’est compliqué », concède un conseiller de son ministère. Être payé plus de 10 000 euros par mois pour dire ça, c’est à vous dégoûter de la politique. D’après le Figaro, qui a rassemblé toutes ces critiques diffuses sur Blanquer, un membre du gouvernement en rajoute dans le lèche-cultisme des uns et l’écrasement des autres : « J’ai trouvé Jean Castex très empathique sur France 2. C’est moins la personnalité de Jean-Michel Blanquer, qui est plus froid et plus techno. Ça crée une distance avec les Français. » Castex empathique ? Et ta grand-mère, elle fait du skate-board ?
Du côté de l’opposition, Olivier Faure et Yannick Jadot, « messieurs 5% », réclament la tête du ministre. Najat Vallaud-Belkacem, que sa nullité a toujours portée auprès des syndicats enseignants, a osé parler dans le JDD d’un « ministre isolé et impuissant, qui préfère les symboles et les polémiques politiciennes plutôt que traiter les véritables enjeux éducatifs ».
C’est le coup de pied de l’âne. Je serais Blanquer, je me réciterais une autre fable de La Fontaine, « Le Lion devenu vieux », emblématique de ce qui arrive lorsqu’on cesse d’être tout-puissant, dans ce milieu de petits esprits, d’appétits féroces et de compétences nulles qu’on appelle la politique :
« Le Lion, terreur des forêts, Chargé d’ans, et pleurant son antique prouesse, Fut enfin attaqué par ses propres sujets devenus forts par sa faiblesse. Le Cheval s’approchant lui donne un coup de pied, Le Loup, un coup de dent ; le Bœuf, un coup de corne. Le malheureux Lion, languissant, triste, et morne, Peut à peine rugir, par l’âge estropié. Il attend son destin, sans faire aucunes plaintes, Quand, voyant l’Âne même à son antre accourir : Ah ! c’est trop, lui dit-il, je voulais bien mourir ; Mais c’est mourir deux fois que souffrir tes atteintes. »
Blanquer n’est pas du genre à sortir la machine à gifles. On lui prête l’intention de se présenter aux législatives en région parisienne — il s’était sagement retiré de la course aux régionales, pourquoi s’aventurerait-il dans une aventure électorale où les Marcheurs vont se faire décimer, même si Macron gagne la présidentielle ?
A-t-il pensé à démissionner ? Ce serait donner raison à ses détracteurs. Il a deux mois devant lui pour passer quelques décrets sur lesquels il sera difficile de revenir : instaurer une forte prime pour les enseignants volontaires pour entrer, sur des postes à profil, dans les académies déficitaires, ou dissoudre définitivement le Bac — une proposition de bon sens que j’ai faite dès juin 2014. Tous ces politicards se réfugient derrière Omicron pour baver sur leurs collègues ? Eh bien, prenez le même prétexte, annulez les épreuves anticipées, décrétez que désormais 100% des élèves de Terminale seront les heureux détenteurs d’un Certificat de fin d’études — et laissez Parcoursup opérer la répartition. De toute façon, 40% des élèves sont choisis dans les cursus d’excellence dès le mois de mai, en fonction de leur parcours — et pas de l’obtention d’un Bac qui n’est qu’une formalité.
Ce sont deux idées parmi dix autres, applicables sans vote du Parlement, et qui seraient fort populaires — sans compter qu’elles ne coûtent rien, la première serait financée par les économies (près de 800 millions d’euros) réalisées par la seconde. Et foutez la paix à un ministre qui a fait de son mieux pour que les élèves continuent à apprendre — les petits Français sont ceux qui ont raté le moins de jours de classe pendant les divers confinements —, ce qui lui vaut la haine des syndicats, qui comme les politiques, ne parlent plus que du Covid, faute de s’intéresser à l’Éducation, à la baisse catastrophique du niveau depuis trente ans, et au recrutement impossible de profs de moins en moins compétents.
PS. L’Éducation devrait être l’un des sujets-phares de la campagne à venir. Peut-être ne le sera-t-elle pas, tant les médias adorent parler épidémie et éviter d’évoquer les sujets qui fâchent. Mais elle sera au cœur de l’essai que je publierai au tout début mars, la Fabrique du crétin, Vers l’apocalypse scolaire. Le deuxième et dernier volet de l’analyse, commencée il y a plus de quinze ans, des tares de notre système éducatif.
Quand un jeune est jugé devant la cour d’assises du Gard pour avoir tué une femme de 39 ans, au seul motif de voir la sensation que cela donnait – il a été « déçu », dit-il -, j’ai bien conscience que nous sommes là dans un comble de l’horreur, incommensurable au sens propre.
Pourtant, à constater chaque jour, dans la lumière comme dans l’ombre, que ce qui constituait notre société comme civilisée se délite, s’efface, se laisse remplacer, avec une sorte de masochisme qui ne se bat même plus, par le vulgaire, le grossier, le mépris d’autrui, la violence verbale ou physique et, signe beaucoup plus inquiétant ces derniers temps, la dévastation de l’innocence et plus particulièrement de l’enfance qui n’est plus un bouclier contre les ignominies, on se dit que le pire a essaimé partout.
Notre descente aux enfers
S’il est infiniment divers dans sa matérialité et ses conséquences, il révèle l’appétence non plus seulement d’une minorité mais d’une majorité peu à peu gangrenée, stimulée et excitée pour ce qui est le contraire d’un art de vivre ensemble, de relations qui, à défaut de pouvoir toujours être apaisées, pouvaient au moins échapper à la brutalité, à la pauvreté du fond et à l’indécence de la forme. Pour qui scrute les symptômes de cette descente aux enfers, il y a mille preuves de cette défaite sans rémission, mille exemples de la disparition d’un passé qui imparfait certes offrait au moins la garantie d’une tenue, d’une allure homogènes. En effet, je serais naïf si je déniais qu’hier des transgressions ponctuelles graves pouvaient aussi se produire mais la politesse et la culture interdisaient qu’elles soient tellement répandues que personne n’était à l’abri. Comme c’est le cas aujourd’hui.
Il y a bien sûr la responsabilité des réseaux sociaux qui enregistrent, filment, transmettent et diffusent souvent l’ignoble mais avant il y a la création de celui-ci. Il y a aussi l’autonomie d’une malfaisance qui sévirait même si elle n’était pas montrée à beaucoup. Je songe à cette petite fille de huit ans atteinte par une maladie rare qui a fait l’objet d’attaques indignes parce qu’elle avait demandé à Kylian Mbappé, qui la défend et la soutient, de rester au PSG.
Camille la courageuse petite guerrière à juste voulue déclarer son amour à @KMbappe Jamais nous n'aurions pu imaginé tant de haine Camille se bat chaque jour pour distribuer des sourires La tristesse que nous ressentons ce soir est a la hauteur de cette violence Stop🙏🏻#TeamPSGhttps://t.co/riHO2E7A45pic.twitter.com/MYsHqtWxGD
— Association Un Sourire Pour Camille (@1SourireCamille) January 9, 2022
J’ai dans la tête les propos orduriers de Booba contre Stromae dont la chanson magnifique sur TF1 – sur ses pensées suicidaires – a ému et été plébiscitée. J’intègre aussi que sur les blogs, sur Twitter, et moins sur TikTok, il est souvent plus porteur de démolir humainement que de contredire intellectuellement. Je ne néglige pas le fait que sur trop de médias le progressisme est de salir le langage pour exprimer une pensée ou une dénonciation généralement squelettiques. Je fais le compte des multiples incidents qui voient l’élève frapper le maître, les parents du premier insulter le second, l’irrespect se substituer à la déférence et l’accessoire périphérique remplacer le savoir central. Je ne passe pas sous silence la dégradation des débats politiques où la justification par un prétendu parler-vrai n’est qu’un prétexte pour se concéder le droit à des offenses personnelles et à des insultes. Le verbe n’est plus une contradiction maîtrisée mais une vulgarité assumée. Je ne fais pas l’impasse sur la pauvreté fréquente des questionnements médiatiques qui n’ont pour but que d’afficher une conviction et non pas celui de faire connaître celle des invités.
Il serait malhonnête de ne pas attirer à nouveau l’attention sur le « j’emmerde » présidentiel qui, au-delà des non-vaccinés, montre sans fard que l’Élysée n’hésite pas à se délier de tout et d’abord de l’exemple qu’il doit donner. Peu ou prou, chacune à sa manière, ces extrémités sont violence, culte de soi illimité et baisse du niveau.
Tout se tient mais tout ne se vaut pas.
Le plus grand obstacle à la restauration d’une forme même minimaliste de civilité est le refus précisément d’admettre que tout se tient, du dérisoire au gravissime. Rien n’est neutre, indifférent ou bénin. Les vulgarités sont connectées, le pouvoir transgressant gangrène la base, les médias incorrects influencent mal, le langage dévoyé fait école et la société s’abandonne peu ou prou à un cloaque. Le comble est de voir dans cette libération de mauvais aloi un progrès.
Aux États-Unis, une prise d’otages s’est bien terminée pour les otages, pas pour le ravisseur. En France, il y a quelque temps, on a malheureusement préféré l’inverse…
L’histoire en V.O. américaine
Cela commence avec une neuroscientifique pakistanaise, Aafia Siddiqui, diplômée de prestigieuses universités, repérée par les services de renseignement de son pays d’accueil, après le 11 septembre, et décrite, en 2004, comme une militante d’Al-Qaïda. Soupçon probablement justifié car, en 2008, c’est en Afghanistan qu’elle a été arrêtée, en possession de notes suspectes : mode d’emploi de bombe « sale », liste de lieux propices à une « attaque faisant de nombreuses victimes » sur le sol des États-Unis… Soupçon confirmé quand la douce créature, au cours de son interrogatoire, s’est emparée du fusil d’un soldat et a ouvert le feu sur l’équipe d’interrogateurs américains.
Le deuxième épisode a tenu la presse américaine en alerte ce weekend (entre samedi 16 et dimanche 17 janvier 2022). Un individu armé a pris en otages quatre fidèles en prière dans une synagogue de Colleyville, Texas. Sa revendication était la libération de Aafia Siddiqui, qui purge une peine de 86 ans dans un pénitencier de cet État, célèbre pour ses paysages de western.
L’assaut qui a été donné par le FBI relevait d’ailleurs du western. Une soixantaine de membres de l’équipe de sauvetage des otages du FBI a été mobilisée pendant 11 heures de négociations et de recherche des charges d’explosifs que le ravisseur prétendait avoir disséminées sur place.
L’assaut a été donné à 21 heures, heure locale (4 heures du matin heure française). Tous les otages ont été libérés. Le ravisseur, qui s’est avéré être le frère d’Aafia, a été abattu.
En France, dans une situation moins difficile, l’issue a été beaucoup plus dramatique
Le 4 avril 2017 vers 5h du matin, Sarah Halimi, médecin juive retraitée de 65 ans, a été jetée par la fenêtre de son appartement, au troisième étage d’un immeuble parisien. Son assassin l’avait torturée pendant près de trois quarts d’heure en récitant des sourates du Coran, avant de la défenestrer au cri de « Allahou Akbar » et « J’ai tué le sheitan » (diable en arabe). La police était sur les lieux, avertie de la « prise d’otage » par des voisins que les hurlements de la victime avaient réveillés. Mais nul n’est intervenu.
Le 19 décembre 2019, la Chambre de l’instruction de la Cour d’appel a admis que Kobili Traoré était bien auteur d’un homicide commis avec la circonstance aggravante d’antisémitisme. Mais elle l’a exonéré de sa responsabilité et l’a déclaré pénalement irresponsable au motif d’une circonstance, toujours jugée aggravante jusqu’alors, la consommation de cannabis : « aucun élément du dossier d’information n’indique que la consommation de cannabis par l’intéressé ait été effectuée avec la conscience que cet usage de stupéfiants puisse entraîner une bouffée délirante aiguë ».
La prise d’otage s’est donc terminée par la mort de l’otage et l’internement du coupable qui, aujourd’hui est considéré comme guéri. Pas de western à l’américaine : du surréalisme à la française.
Longtemps synonyme de filière pour cancres « dont il faut bien faire quelque chose », l’apprentissage séduit de plus en plus de jeunes dans tous les secteurs, et certains, comme la coiffure, en font même une formation d’excellence.
Dans Chacun pour toi, film réalisé par Jean-Michel Ribes en 1994, un vieux coiffeur (Jean Yanne) sauve du suicide un jeune type déphasé (Albert Dupontel). Ce dernier découvre que son bienfaiteur a été autrefois un virtuose de la coiffure et l’encourage à retrouver sa splendeur passée en participant à un concours international. Dire qu’il le remporte en exécutant une incroyable coiffure « Renaissance » inspirée d’un tableau qu’ils ont vu au Louvre n’est pas divulgâcher une histoire qui puise son intérêt dans le rapport qui unit ces deux hommes, une relation basée sur la transmission, celle du savoir et du regard.
Cette transmission est le fondement d’un savoir-faire « à la française » réputé dans le monde entier mais qui n’a pas, au contraire de la gastronomie, hystérisé les médias : la coiffure. Pourtant, il en va dans l’univers du cheveu comme dans celui de la restauration, il y a les bons et les mauvais, les hauts de gamme et les low cost. Et puis, un brushing réussi est nettement plus glamour qu’une toque.
La maison Maniatis incarne depuis 1974 une certaine idée de la haute coiffure française. Inventeur d’une technique absolument novatrice, celle de la coupe sur cheveux secs, Jean-Marc Maniatis comprend rapidement l’intérêt qu’il a à former ses propres coiffeurs. Outre un enseignement précis, ses apprentis s’approprient une part de l’aura du maître et gagnent en confiance. Celle-ci alimente leur passion du métier et la fierté de représenter l’excellence de la profession.
Le succès est au rendez-vous et cette formation-transmission est devenue une marque de fabrique de la maison.
Aujourd’hui, le directeur opérationnel des salons et de la marque Maniatis Paris, Alexandre Protti, mise plus que jamais sur ces jeunes apprentis qui sont « passionnés, motivés et pleins d’énergie ». Et pour dynamiser davantage ses troupes, il a mis sur pied des séances de « training ». Une fois par mois environ, coiffeurs confirmés et apprentis en formation dans ses différents salons se retrouvent durant plusieurs heures, à l’issue de leur journée de travail, pour approfondir davantage la transmission de leur passion commune. Transmettre un savoir-faire, c’est ici aiguiser la mémoire du geste et du coup de ciseau, développer le sens artistique des futures recrues, leur capacité d’initiative mais aussi d’écoute, afin de comprendre au mieux le désir des clientes. Autour de chaque modèle venu se prêter au jeu – et bénéficier d’une coupe gratis ! – un apprenti et un « formateur ». Sous la lumière crue des spots, malgré un fond musical de rigueur et le vrombissement continu des sèche-cheveux, la concentration est totale, et la bonne humeur aussi. Les conseils s’échangent, les gestes sont repris, décomposés et détaillés pour maîtriser le fameux « mèche à mèche » ou les secrets d’une bonne coloration « qui change tout ». Alexandre Protti passe de l’un à l’autre, prodigue lui-même des conseils, manie le peigne, et s’émeut de cette complicité intergénérationnelle. « Certains ont vingt, trente, voire quarante ans de maison, dit-il avant de nous présenter Laura, elle est arrivée à 15 ans en tant qu’apprentie, a passé son brevet professionnel puis a été embauchée comme coiffeuse. À 30 ans, elle est aujourd’hui formatrice et transmet à son tour à des plus jeunes. » Ces trainings sont aussi une sorte de formation continue, une remise à niveau permanente : « Je suis coiffeur depuis cinq ans mais j’apprends toujours », lâche Jonas, appliqué à suivre la coupe qu’exécute son apprenti du jour. Pour Hector, 21 ans, en alternance chez Maniatis dans le cadre de son brevet professionnel, ces échanges entre coiffeurs de tous âges constituent un avantage qu’on ne trouverait pas ailleurs : « Ici, on apprend tout mais en mieux, on prend vraiment une avance que n’ont pas les autres, on gagne plein d’astuces. En plus, on arrive à se projeter dans l’avenir, on se sent concerné par la boîte. »
De fait, quand on entre chez Maniatis, on y fait sa carrière. Rares sont les grandes enseignes de coiffure à pouvoir fidéliser aussi bien leurs clients que leurs employés. Même les fameux modèles de ces trainings du soir sont des habitués. « On les fidélise, s’en amuse Alexandre, elles viennent chez nous lorsqu’elles sont étudiantes en tant que modèles, et nous les retrouvons clientes lorsqu’elles entrent dans la vie professionnelle ! »
L’apprentissage en plein boom
Longtemps considéré comme une filière de seconde zone, l’apprentissage acquiert progressivement ses lettres de noblesse par le sérieux de la formation en alternance qu’il permet, et la motivation des jeunes qui en bénéficient. Les employeurs ont saisi le filon, et 2020 a battu un record historique avec plus de 500 000 contrats signés, dont 495 000 dans le secteur privé (principalement des TPE). Malgré la crise, l’apprentissage a ainsi connu une hausse de 40 % en un an. Un accroissement qui témoigne d’une réelle mobilisation des entreprises, encouragées il est vrai par l’État à recruter des apprentis dans le cadre du plan « 1 jeune, 1 solution ». Celui-ci prévoit notamment comme avantage une prime de 5 000 euros pour l’embauche d’un mineur et de 8 000 euros pour celle d’un majeur.
La nouveauté est aussi le profil de ces jeunes recrues, car elles sont de plus en plus nombreuses à avoir un niveau d’études supérieures : en 2020, elles étaient 22 % à avoir un niveau bac+2. Les chiffres publiés par le ministère du Travail révèlent une autre surprise : malgré les vagues de Covid et les conséquences que l’on connaît, l’embauche d’apprentis dans l’hôtellerie-restauration a progressé de 6 %.
Quand des activistes tentent d’assécher les recettes publicitaires des médias de droite en intimidant les annonceurs sur Twitter, ils trouvent sur leur route les Corsaires. Rencontre avec Pierre, leur « amiral ».
C’est une véritable guerre ouverte qui s’orchestre depuis quelques mois maintenant entre deux groupes opposés de cyber activistes : les « Sleepings Giants » et les « Corsaires ».
L’existence des Sleeping Giants remonte à 2016 aux Etats-Unis. Ils ont fait plier la chaîne « Breitbart news » en s’adressant à ses annonceurs sur les réseaux sociaux et en les accusant de financer un média « pro-Trump ». Ils arrivent en France en 2017 avec une action coup de poing à l’encontre de « Boulevard Voltaire » et se font remarquer à nouveau deux ans plus tard en incitant le groupe Ferrero à retirer les publicités Nutella de l’émission « Zemmour et Naulleau » avant de s’attaquer depuis plusieurs mois à Valeurs Actuelles, à Cnews ou encore au site « France-Soir ».
Logo des « Sleeping giants »
Logo des « Corsaires »
Les Corsaires contre-attaquent
La méthode est toujours identique : interpeller les marques. D’un ton doucereux, les Sleeping Giants font mine de s’interroger : pourquoi financer des médias « à la ligne éditoriale intolérante et haineuse » ? Ainsi en va-t-il en ce moment pour la marque Intersport épinglée sur Twitter pour son achat d’espaces publicitaires chez Cnews. Si de nombreuses marques préfèrent adopter la stratégie du silence, d’autres n’hésitent pas à s’excuser avant d’assurer, grâce à des community managers zélés, qu’elles ne recommenceront plus : BNP Paribas, BMW, Décathlon ou encore les magasins Leclerc ont tous retiré leurs publicités de CNews. Bilan en un an, la publicité sur CNews a chuté de 40%[1] suite aux actions des Sleeping Giants.
Mais peu après la rentrée 2021, une mystérieuse flotte dénommée « Corsaires » a émergé sur les réseaux sociaux. Se revendiquant « cyber-militants » et inspirés des fameux « Anonymous », les Corsaires ont choisi d’affronter les Sleeping-Giants sur leur propre terrain : les réseaux sociaux.
Pierre (le prénom a été modifié à sa demande), surnommé « l’amiral », a accepté de revenir auprès de nous sur la création du cyber collectif corsaire et les différentes batailles menées depuis quelques mois : « On est des gens de la publicité, du digital et du marketing donc on est concernés par les placements de publicité et on était horrifiés que les Sleeping-Giants disent qu’une marque qui fait de la pub dans un média cautionne forcément la ligne éditoriale de ce média. »
Stratégie novatrice
Ils utilisent donc une stratégie novatrice pour les contrer : « Programmer des bots, ça ne marche plus, il fallait de vrais comptes de vrais gens avec de vrais historiques pour réagir massivement à chaque annonce des Sleeping-Giants. Car ils sont malins et tirent leur force de leur anonymat. Seuls les services marketing ou com des boîtes qu’ils visent les connaissent et prennent à cœur de leur répondre » explique Pierre, lucide.
Sur le site des Corsaires, le message est clair : « Les Sleeping Giants menacent le débat d’opinion en France. Découvrez comment mettre fin au chantage des Sleeping Giants ». Bien conçue, l’ interface du site permet de découvrir les exemples de « batailles » en cours et celles déjà remportées en cliquant simplement sur un bouton permettant d’ « accéder à chaque mission ».
« Nous avons évidemment un environnement numérique surprotégé. Les Corsaires qui ont donné leur contact reçoivent un message d’alerte dès qu’une nouvelle mission se présente à nous, et ils ont juste à appuyer sur un bouton pour obtenir le message type qu’ils peuvent poster sur leurs réseaux sociaux ». Le dernier combat en date oppose les Sleeping Giants et les Corsaires autour de la marque de biscuits apéros « Vico ». Les Sleepings Giants ont ouvert le feu : « Bonjour @Vico_Officiel, vos spots pub pour #Curly sont diffusés sur #Cnews. Cette chaîne est devenue une chaîne d’opinion nauséabonde dédiée à la promotion d’un candidat condamné pour racisme. Est-ce vraiment ce que vous désirez soutenir avec votre budget ? » Mais ils ont eu la désagréable surprise de voir une riposte des Corsaires : « @Vico_Officiel_ le contrat qui vous lie à vos clients est simple : vos produits doivent les satisfaire. Cela n’a rien à voir avec le fait de diffuser vos pubs sur @CNEWS. Nous voulons de la qualité, pas de la morale. Ne cédez pas aux Sleeping Giants ! ».
Accompagnés de graphistes improvisant des visuels truculents pour chaque marque, les Corsaires agissent vite et leur nombre grandit : « On est bientôt 4000 et on espère être à 10 000 avant l’été » raconte Pierre. Mais pour lui, le nombre d’adhérents n’est pas forcément ce qui fera la différence : « C’est le principe de guérilla de base, le nombre ne fait pas forcément la loi. Il faut faire comprendre à la société française, quel que soit son bord, que les Sleeping Giants ne dialoguent pas avec les médias, ils veulent démolir sans assumer les pertes d’emplois de journalistes derrière ! ».
S’exprimer sans se censurer
On pourrait croire que ce sont des zemmouriens convaincus qui se cachent derrière les têtes pensantes des Corsaires. Mais, chez ces cyber activistes, il n’est pas question un seul instant de se revendiquer d’un bord politique : « On a une estime pour les médias quels que soient leurs bords. On lutte contre les Sleeping Giants qui ciblent des médias de droite donc on est forcément assimilés à la droite, mais militons simplement pour que tous les journalistes puissent s’exprimer sans avoir à se censurer ». Prendraient-ils pour autant les armes pour tous les médias sans exception ? « Bien sûr, d’ailleurs on rêve que ça tombe un jour sur un média de gauche pour prouver qu’on veut juste une liberté journalistique ! On se battrait pour Libé évidemment. Un journal est une unité morale certes, mais il y a des gens derrière et on ne peut décemment pas attaquer tout un média ou détruire des emplois par pure vengeance » s’exclame Pierre. Et si certains community managers apeurés agissent avec un peu trop d’empressement, les Corsaires n’hésitent pas à contacter directement leurs supérieurs afin de s’assurer que les marques ont vraiment fait le choix de boycotter un média. Et cela porte ses fruits : suite à ce type d’action, la marque « Loué » a choisi de maintenir ses annonces auprès de Cnews pas plus tard qu’en décembre.
Le 29 septembre 2021, le ministère de l’Éducation nationale a produit une circulaire destinée à définir la conduite à adopter par les professeurs et autres personnels face à des « élèves transgenres » ou « en questionnement de genre ». « La transidentité est un fait qui concerne l’institution scolaire », lit-on ; l’objectif annoncé est d’accueillir au mieux ces élèves en acceptant le changement vers le genre « ressenti », éventuellement en cachant les revendications des élèves à leurs parents, et au besoin en donnant accès à des toilettes différentes ou en modifiant le prénom des enfants sur les cartes scolaires. L’association SOS Éducation, à l’origine d’une note documentée sur le caractère alarmant et dangereux des transitions pédiatriques en plein essor, voit dans cette circulaire l’institutionnalisation de l’idéologie dite « transaffirmative » dans l’école, et a lancé une pétition qui rassemble plus de 13 000 signataires. Entretien avec la déléguée générale de l’association Sophie Audugé.
Causeur. Que contestez-vous dans la circulaire de Jean-Michel Blanquer sur « l’identité de genre en milieu scolaire » ?
Sophie Audugé. La première chose qu’on conteste, c’est que la transidentité soit un fait : en réalité, c’est une idéologie, pas un fait. L’idée affichée de la circulaire, c’est qu’il ne faut pas stigmatiser les enfants qui se poseraient des questions sur leur genre. Mais c’est dans la nature même de l’école de ne pas stigmatiser les enfants, on n’avait pas besoin de faire une circulaire de 11 pages pour un objectif aussi simple. En réalité, cette circulaire n’est pas une circulaire mais un manifeste qui reprend tout le corpus argumentatif de ce qu’on appelle l’idéologie transaffirmative. Il ne s’agit pas seulement de reconnaître les droits des personnes transsexuelles, mais surtout de prendre fait et cause pour le principe d’autodétermination du genre ressenti pour chaque personne – quel que soit son âge. Le genre ressenti est envisagé comme quelque chose qui serait un sentiment profond, presque transcendantal et donc non discutable, où la biologie n’a pas sa place, ni l’état émotionnel ou la période de vie de la personne qui l’exprime ; exit également les bouleversements identitaires de l’adolescence, les situations personnelles, les relations intrafamiliales… Et c’est à ce titre-là que la transidentité n’est pas un fait, mais une idéologie diffusée par des militants qui cherchent à convertir un maximum de personnes. Ce n’est pas un fait biologique, pas un fait scientifique, et à ce titre-là elle n’a pas à rentrer dans l’école.
Sophie Audugé
De plus, en France, cette idéologie n’a pas fait l’objet d’un débat public. Dans d’autres pays, comme c’est le cas au Canada par exemple, Justin Trudeau et ses ministres vous disent que la transidentité, c’est le nouveau monde, c’est la nouvelle norme sociale qu’on souhaite appliquer. Ils disent clairement aux parents qui ne sont pas d’accord avec la transidentité que c’est eux le problème, que s’ils ne l’acceptent pas, ils seront responsables des souffrances de leur enfant, et ils leur disent : « mieux vaut avoir un fils transgenre qu’une fille morte », à vous de choisir… Si vous êtes parent au Canada, vous savez que ça se passe comme ça dans l’école et dans la loi. Mais en France, à aucun moment le pouvoir en place n’a dit que la transidentité pouvait être une nouvelle norme sociale et qu’il fallait la reconnaître comme un fait social à l’école. En réalité, cette idéologie s’est infiltrée de manière totalement insidieuse. Quand vous confiez vos enfants à l’école de la République, vous vous attendez à ce qu’elle vous garantisse la protection de vos enfants, dans un cadre dédié à l’enseignement et à la transmission de savoirs. Pas à ce qu’elle fasse passer de tels messages à vos enfants.
Comment en est-on arrivés à institutionnaliser cette idéologie ?
La circulaire institutionnalise effectivement un mouvement qui était déjà entré dans l’école depuis longtemps. Pour être tout à fait honnête, nous aurions tous dû intervenir bien avant, parce que toute la sémantique transaffirmative était déjà en place, déjà relayée par un certain nombre d’interventions faites aux enfants par diverses associations LGBTQ+ ou le Planning familial. Elles diffusent auprès des enfants tout le vocable transaffirmatif, elles distribuent des questionnaires dans les classes en demandant aux élèves s’ils se sentent fille ou garçon, binaire ou non-binaire… on leur dit : si tes parents te « genrent » ou te « mégenrent », c’est un acte de violence que tu peux dénoncer. Ces propos existaient déjà, on le savait, mais pour une raison qu’on ne s’explique pas, l’ensemble de la communauté éducative a considéré que ce n’était pas suffisamment grave pour s’y opposer avec fermeté. Personne, sans doute, n’avait envisagé que le ministre de l’Éducation nationale prendrait fait et cause pour cette idéologie transaffirmative.
On parle de contagion sociale, de « clusters » dans certains établissements scolaires…
La circulaire fait référence à plusieurs associations de cette mouvance, notamment l’association Le MAG Jeunes LGBT. Or cette association fait partie de la fédération européenne d’associations transaffirmatives IGLYO, qui a produit en novembre 2019 un rapport qui détaille un protocole de lobbying pour infiltrer les politiques publiques et faire passer l’affirmation du genre ressenti dans la loi, avec une volonté affichée de toucher les jeunes. C’est quand même invraisemblable que le ministre de l’Education se fasse le relais des arguments d’une telle association dans sa circulaire. Cette association est agréée par l’Education nationale, elle touche des subventions pour aller dans les écoles servir la bonne parole… Elle a par ailleurs un partenariat avec une marque de cosmétiques plébiscitée par les jeunes, et pas des moindres, Sephora, qui a fait une campagne de communication pour le lancement d’une palette de fards spécifiquement destinée aux personnes transgenres avec un influenceur très suivi sur les réseaux sociaux. N’y a-t-il pas de conflit d’intérêt ? Tout ça pose des questions fondamentales qui n’ont plus rien à voir avec la cause du respect des droits des homosexuels et transsexuels, et encore moins avec l’école. Ce qui se joue là est une modification de norme sociale et un énorme business ! Cela s’est infiltré dans l’école par le biais des associations, et Jean-Michel Blanquer vient d’institutionnaliser cette nouvelle norme à l’école. Il y aura un avant et un après.
Abordons les choses de manière un peu concrète : quelles sont les conséquences de la transition de genre chez les jeunes ? Quelles sont les trois étapes de cette transition que vous décrivez dans votre rapport, et où est-ce qu’on en est en France, sur le plan légal, vis-à-vis de toutes ces démarches ?
Effectivement, c’est le deuxième point de notre opposition : la première chose, c’est que l’idéologie ne doit pas rentrer dans l’école, et la deuxième chose, c’est qu’elle est contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant. Notre démarche à SOS Éducation a été de nous documenter très sérieusement afin d’évaluer l’enjeu et les risques du point de vue de l’intérêt supérieur de l’enfant. Les transactivistes n’hésitent pas à faire du chantage au suicide comme on l’a vu avec l’exemple du Canada. Évidemment c’est une question très sérieuse qui nécessite toute notre vigilance. On s’est documentés pour démêler le vrai du faux et avoir un avis le plus objectif possible.
Ce qui nous permet d’avoir cet avis objectif, c’est qu’un certain nombre de pays – malheureusement pour eux et heureusement pour la France – ont engagé des processus de transition pédiatrique depuis déjà dix ans. Les premiers à engager un tel processus ont été les Pays-Bas, avec un protocole assez pointu, qui partait d’un accompagnement pédopsychiatrique exploratoire assez important. Ce protocole permettait d’accompagner les enfants concernés sur le long terme : l’enjeu était d’évacuer toute autre origine du mal-être qui n’aurait pas été liée à l’incongruence entre son genre ressenti et son sexe de naissance.
La dysphorie de genre, c’est un trouble qui est documenté depuis près de 100 ans, avec un profil des personnes concernées bien connu : très majoritairement des garçons, à 66%, et puis, en termes de prévalence, c’était en moyenne un garçon sur 10 000. Ce qui caractérise ce trouble, c’est qu’il intervient très tôt, souvent entre deux et quatre ans, d’où son nom de « dysphorie de genre à déclenchement précoce ». Cela a été étudié sur le long terme, et on voit que les enfants accompagnés se réconcilient avec leur sexe de naissance après l’adolescence dans 70% des cas. Ils vont vivre leur vie de manière assez classique, en étant hétérosexuels ou homosexuels – et d’ailleurs il n’y a pas forcément de relation de l’un à l’autre. Pour ceux dont la dysphorie de genre perdure après la puberté, la question de la balance bénéfices/risques doit être posée, et ceux dont la souffrance est trop forte démarrent un programme de transition par la prise d’hormones.
Et puis il y a dix ans, ces pays ont commencé à engager plus rapidement des processus de transition chez les enfants. A la suite des campagnes des mouvements transaffirmatifs, la dysphorie de genre a été dépathologisée, avec pour conséquence de mettre fin à l’accompagnement psychopathologique exploratoire qui permettait une attente vigilante et notamment chez les enfants. A partir de là, les enfants ont été rapidement engagés dans la voie de la prise de médicaments, puisque plus personne n’interrogeait leur ressenti de genre. Il s’agissait d’affirmer le genre auto-déclaré et de passer directement à la prise de bloqueurs de puberté, quel que soit l’âge. Mais les médecins et les psychothérapeutes se sont rendu compte que la population des candidats à la transition avait changé et qu’il y avait un emballement des courbes. Des personnalités du monde médical ont commencé à se poser des questions sérieuses. Un certain nombre de lanceurs d’alerte se sont fait entendre par l’intermédiaire de documentaires qui ont fait l’effet d’une bombe en dénonçant le principe de la transition pédiatrique. Il y a plusieurs raisons à leur cri d’alerte : il s’avère que la population n’est plus du tout la même puisqu’il y a aujourd’hui une très grosse majorité de filles (70 à 80%), qui expriment le sentiment d’« être nées dans le mauvais corps » bien plus tard et de manière soudaine, sans aucun antécédent dans l’enfance. On parle de « dysphorie de genre à déclenchement rapide et soudain ». Et dans la très grosse majorité des cas, de 70% à 90% en fonction des médecins, l’origine de la souffrance est d’une toute autre nature, c’est-à-dire que ce qui prime, ce n’est pas le sentiment d’être d’une certaine manière en désaccord avec son sexe de naissance, mais plutôt soit que la jeune fille a un vrai dégoût de son corps, ce qui peut arriver à l’adolescence, on le sait bien, soit qu’elle souffre de troubles psychopathologiques d’une autre nature. Les retours d’expérience de ces pays montrent une surreprésentation de jeunes présentant des troubles autistiques, des troubles post-traumatiques consécutifs à des sévices sexuels, des troubles du développement cognitif, un haut potentiel, des troubles alimentaires… Donc des profils d’enfants qui peuvent avoir tendance à faire des « focus » sur des thèmes, et le thème en question, c’est l’identité de genre, qui devient obsessionnel chez eux.
Un certain nombre de médecins ont en outre affirmé publiquement que les traitements n’avaient jamais été conçus pour des enfants, qu’ils n’avaient aucune mesure à long terme des effets pour une prise à cet âge-là, puisqu’on intervient sur des enfants pour lesquels le développement du cerveau, mais également tout ce qui est lié au rôle des hormones dans la maturité émotionnelle… n’est pas terminé. Tout ça n’a pas fait l’objet d’études sérieuses, et ils ont déclaré avoir de très gros doutes sur l’absence d’effets secondaires d’ampleur sur le développement cérébral et émotionnel. Il y a aussi des effets avérés sur la masse osseuse, et tout un ensemble d’autres conséquences, notamment évidemment la perte de la fertilité. Le caractère éclairé du consentement de l’enfant à de tels traitements, alors même qu’il n’a pas la maturité nécessaire pour prendre des décisions engageant sa vie future – sa volonté peut-être de créer un foyer, d’avoir des enfants… n’est pas recevable. Le collège des pédiatres américains s’est positionné clairement sur l’impossibilité des parents et des enfants à donner un consentement éclairé du fait des incertitudes médicales des traitements.
On s’est intéressé aussi à la façon dont les enfants entraient dans ce processus mental de conviction de ne pas être nés dans le bon corps. La première étape, c’est celle de la transition sociale. Souvent par le biais des réseaux sociaux, un enfant va commencer à regarder des vidéos, à être lié avec des groupes de personnes qui sont transgenres, et il va limiter son cercle de communication à ces groupes. Il va y trouver tout un ensemble d’arguments en faveur du changement de sexe – on est sur un phénomène très analogue à celui des sectes, c’est ce que disent notamment toutes les détransitionneuses, qui sont plusieurs dizaines de milliers maintenant : elles disent que le discours, globalement, c’est : si tu ne te sens pas bien, c’est sûr que tu n’es pas née dans le bon corps, fais comme moi, tu verras, tu vas pouvoir te découvrir pleinement, choisir qui tu es, il n’y a que toi qui peux le faire et moi qui peux te comprendre. Si ta famille ne te suit pas, c’est qu’elle ne te comprend pas et qu’elle ne t’aime pas. A partir de là déjà, c’est une forme d’enfermement. Et ensuite on va les pousser à engager des actes : d’abord, une adaptation physique et vestimentaire de base, éventuellement les cheveux coupés ou portés longs… Tout ce qui est hyper stéréotypé, en réalité – alors qu’ils prétendent lutter contre les stéréotypes de genre. Après cette première phase, arrive assez vite la question du prénom, puis du pronom, et ensuite de leur utilisation dans le cercle familial et à l’école. Souvent, les jeunes vont commencer à en parler à leurs amis, et ne vont conserver dans leur cercle que les amis qui sont a priori favorables, voire également engagés dans la même démarche – c’est pour cela qu’on parle de contagion sociale, et notamment de « clusters » dans certains établissements scolaires. Les enfants vont donc se rassembler, pratiquer entre eux les prénoms choisis. Potentiellement ensuite l’école va les adopter aussi, en accord ou pas avec le cercle familial. C’est l’étape 1 de la transition, la transition sociale. Une fois que l’enfant est en transition socialement, il est engagé dans un processus qui est difficile à interrompre, comme embarqué dans un train – c’est la formule qui a fait mouche du premier documentaire suédois qui a eu un gros impact, The Trans Train, qui explique que la transition est un train : le premier wagon est la transition sociale, mais une fois qu’on est monté dedans, il est très difficile d’en sortir, puisque les gens autour de vous, mobilisés uniquement sur cette question, vous motivent et vous enferment… C’est un système assez basique sur le plan psychanalytique d’action-récompense.
Rapidement va intervenir la deuxième étape, c’est-à-dire la prise de médicaments : d’abord les bloqueurs de puberté pour les plus jeunes, puis à partir de 14-16 ans on va passer directement aux hormones croisées. Viendra ensuite la troisième étape, celle de la chirurgie.
Au niveau du cas spécifique de la France, on en est où de l’autorisation de tous ces médicaments-là ?
Pour les médicaments, il faut que les parents soient d’accord et que le médecin considère que le consentement de l’enfant et des parents est éclairé, c’est-à-dire qu’ils ont bien pris conscience des risques et de l’irréversibilité du traitement. Il n’y a rien dans la loi en France qui fixe un âge limite. Il suffit que le mineur ait consulté un psy qui considère que le ressenti de l’enfant n’a pas à être questionné, alors l’endocrinologue va commencer par prescrire des médicaments : c’est le cas du fameux documentaire Petite fille, diffusé sur Arte il y a quelques mois, où le médecin prescrit des bloqueurs de puberté à l’enfant alors qu’il a 6-7 ans. Aujourd’hui il y a des cliniques du genre en France, il faut être clair. Mais la France est arrivée sur tous ces sujets-là plus tard que d’autres pays. Aux Etats-Unis il y en a déjà plus de 100. Ça explose et c’est un véritable marché : il y a d’un côté l’industrie pharmaceutique, les labos qui produisent les hormones etc, et également un énorme marché de chirurgie, du « haut » et du « bas » avec d’énormes enjeux, mais aussi toute la chirurgie esthétique pour féminiser ou masculiniser le visage, notamment le front et le menton.
Tout ça est extrêmement lourd à tout point de vue, coûteux financièrement (même si les frais sont pris en charge en France par la sécurité sociale au titre des ALD – Affection de Longue Durée…) et avec des effets secondaires sur la santé physique et mentale importants. Et en totale contradiction avec ce que font croire les militants transactivistes aux jeunes, car ils s’attachent à démédicaliser le processus. Toute la stratégie, c’est de ne jamais parler des médicaments, des détails des opérations, et surtout de leurs effets délétères et irréversibles. Sur le document qui est distribué dans les écoles à Marseille par une association transactiviste, par exemple, avec le logo de l’Etat et l’argent des contribuables, il est clairement écrit que vous pouvez faire votre transition, que vous pouvez l’arrêter quand vous voulez, qu’il n’y a aucun effet irréversible… C’est absolument faux. Une jeune fille qui veut devenir un garçon, comme c’est la majorité des cas aujourd’hui, prendra des hormones au moment où les cartilages de son larynx sont en train de se constituer, et elle aura une voix de garçon toute sa vie… Et pour la pilosité c’est pareil. C’est pour cela que dans le documentaire The Trans Train, un médecin dit : « Qui prendra la responsabilité de créer des femmes à barbe ? ». C’est bien tout le sujet. Il y a une volonté de ne pas parler de ces choses-là, mais c’est ça la réalité.
La troisième étape de la transition, c’est la chirurgie. Normalement en France, il y a un consensus pour ne pas en faire avant 18 ans. Dans la réalité des faits, on sait – mais personne ne veut l’assumer – qu’il y a des jeunes filles qui ont eu des mastectomies avant 18 ans. Il y a des jeunes filles qui se sont fait amputer de leur poitrine à 14 ans. Comment cela peut-il être possible ? Eh bien les filles portent des bandages (qu’on appelle des binders) trop serrés, ça leur fait des escarres, ou elles se scarifient la poitrine, ce qui fait que le médecin est légitime à faire une ordonnance qui leur donne accès à la chirurgie. Parce qu’elles mettent leur santé en danger, il devient légitime d’intervenir. Mais il faut bien savoir que tout ça, ce sont des conseils qu’on trouve sur les réseaux sociaux et sur Internet : des groupes sur les réseaux sociaux, des transgenres qui racontent et détaillent leur propre processus, fournissent des listes de médecins qui donnent facilement des hormones, des argumentaires clé en main (« il faut dire qu’à tel âge tu faisais tels cauchemars », etc)… C’est comme ça qu’ils obtiennent l’accès à des traitements sans un véritable accompagnement psychothérapeutique pour s’assurer de l’origine de leur souffrance.
A votre avis, quel devrait plutôt être le rôle des pouvoirs publics et de l’Education nationale ? Qu’est-ce qu’il faudrait faire aujourd’hui pour avertir sur ces dérives ?
Il faudrait déjà revenir sur la proposition de loi 4785 qui vient d’être validée par la commission paritaire du 14 décembre dernier et ne pas voter la loi avec la mention de la transidentité. Il faut savoir que c’était normalement un projet de loi qui visait à interdire les thérapies de conversion, des pratiques dégradantes et violentes destinées à changer l’orientation sexuelle des personnes homosexuelles. Et les transactivistes ont quand même réussi à ajouter à cette loi les « pratiques visant à modifier l’identité de genre d’une personne ». C’est surréaliste, en plus d’être complètement contradictoire. Pour de nombreux professionnels de santé, la transition de genre peut être considérée comme une « thérapie de conversion ultime », puisqu’un certain nombre de jeunes homosexuels vont préférer être transgenres pour se remettre d’une certaine manière dans la norme… C’est-à-dire qu’on se prépare à voter une loi en France, en procédure accélérée – alors qu’on se demande vraiment bien pourquoi – qui va faire que toute personne qui estime qu’on ne respecte pas son identité de genre pourra éventuellement porter plainte. Les parlementaires ont ajouté que l’interdiction concernant le questionnement du genre ne s’appliquerait pas à un médecin qui conseillerait un patient ou aux parents qui conseilleraient un enfant, mais ça ne vaut rien du tout. Encore une loi floue qui ouvre une boîte de Pandore juridique, et qui surtout rendra plus difficile la protection des enfants sous influence du transactivisme actuel. On n’avait aucune raison d’ajouter ça dans la loi, et c’est encore une preuve de la puissance du lobby transactiviste qui crée des liens personnels avec les parlementaires pour parvenir à changer le droit en faveur de leurs idées. Comme le protocole publié dans le rapport IGLYO le prévoit, il faut s’appuyer sur une cause populaire, acceptée par le grand public, pour faire passer l’idéologie transaffirmative. C’est exactement ce qui a été fait dans cette proposition de loi.
Au sujet de l’école, il faudrait déjà faire sortir toutes les associations qui diffusent de telles idéologies, et s’en tenir aux faits. Pour les adolescents, éventuellement présenter ce qu’on sait sur la situation aujourd’hui de contagion sociale qui leur fait croire que la transidentité est un fait et qu’on peut changer de sexe d’un coup de baguette magique sans conséquences graves sur sa santé et sur sa vie. Montrer des documentaires avec les témoignages des médecins, des pédopsychiatres spécialistes du genre, des jeunes qui ont détransitionné et qui regrettent… Il faut apprendre ce que la science a démontré et pas les discours idéologiques. Il faut leur expliquer le bouleversement identitaire qui se produit à l’adolescence et les difficultés que peuvent ressentir beaucoup de jeunes face à ces chamboulements. Ce n’est pas un trouble, c’est un questionnement normal à l’adolescence qui nécessite de se donner du temps. Pour les plus jeunes, il faut juste leur ficher la paix – il faut les laisser grandir, les laisser s’amuser, et arrêter de leur mettre dans la tête des trucs comme ça. Arrêter de genrer et dégenrer l’espace scolaire, les cours de récréation et je ne sais quelles autres bêtises. Mais laissez les vivre ! A-t-on encore le droit en France d’être une fille garçon manqué ou un garçon qui aime davantage les activités qu’on associe bêtement aux filles ?
Il faut, comme le demande SOS Éducation dans sa pétition, retirer cette circulaire. Et faire un rappel à l’ordre formel et strict : l’accord des deux parents est obligatoire avant de permettre tout changement de prénom à l’école. Les idéologies n’ont pas leur place à l’école et l’idéologie d’affirmation du genre à l’école, sauf à ce que le ministre en apporte la preuve irréfutable, est contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant. C’est d’ailleurs pour cela qu’elle plonge les enseignants dans un stress éthique. Que fait l’enseignant qui sait que ce n’est pas bon pour l’enfant ? Il peut tout à fait s’y opposer au motif justement que la circulaire ne fournit pas la preuve qu’affirmer le genre ressenti à l’école est l’intérêt supérieur de l’enfant. Or c’est bien le rôle de l’école édicté dans le code de l’éducation. En tout cas, il faut bien savoir que tout ça crée des tensions à l’école, ça crée des clivages au sein même des équipes. Et le ministre de l’Éducation, en étant complaisant avec des idéologies comme celle-là, contribue à renforcer ces clivages. Et franchement on n’avait pas besoin de ça !
Louis-Ferdinand Céline en 1958 Photo: DALMAS/SIPA Numéro de reportage: 00008544_000001
Le cas de Louis-Ferdinand Céline n’est certes pas unique. Il reste toutefois emblématique de la confusion intellectuelle et morale qui gagne, de façon plus ou moins subreptice, tous les domaines de notre civilisation.
Toutes les époques ont, certes, connu et célébré des créateurs dont l’éthique personnelle était loin de correspondre à leur vision esthétique. Ainsi le compositeur italien Carlo Gesualdo de Venosa, prince et meurtrier, reste le célèbre auteur de madrigaux toujours interprétés. À la même époque, mais en peinture, un autre Italien, le Caravage, exerça une grande influence en dépit de ses mœurs sulfureuses. Quant au réalisateur de cinéma Roman Polanski, il défraya récemment la chronique par ses frasques amoureuses, au point de porter ombrage à sa réputation pourtant bien établie. Ce ne sont que quelques exemples, puisés à travers les siècles, de ce divorce, somme toute plus fréquent qu’on ne croit, entre l’homme et l’œuvre.
Le cas Céline
Pour s’en tenir à la seule littérature, Villon n’était pas un enfant de chœur – mais quel poète admirable ! Rousseau, auteur d’EmileouDe l’éducation, plaçait ses enfants à l’Assistance publique. Le marquis de Sade avait des comportements pour le moins répugnants. Plus près de nous, Verlaine et Rimbaud, Jean Genet, voire Aragon, qui « conchiait l’armée française dans sa totalité», n’auraient pu prétendre à un prix de vertu. Autant dire que le talent ne saurait être subordonné à un certificat de bonnes vie et mœurs. Le Contre Sainte-Beuve de Proust aurait, du reste, pu clore la question : l’auteur de la Recherche y soutient que la vie et l’œuvre d’un auteur sont indépendantes l’une de l’autre. Elles ne sauraient donc être jugées à la même aune. Voilà qui semble relever du simple bon sens. User des mêmes critères pour évaluer les deux, condamner l’œuvre au nom de l’inconduite de son créateur, c’est faire preuve de confusion mentale – ou, pour parler vulgairement, jeter le bébé avec l’eau du bain. Comme écrivait à juste titre le critique Pol Vandromme, « ce serait le plus vain du plus accablant des travaux d’Hercule que de vouloir faire coïncider le génie littéraire et la noblesse humaine ».
Le cas Céline est pourtant venu brouiller les cartes de manière significative. Plus question de pondération. De nuance. En un mot, de discernement. Céline, c’est le Diable. Le mal absolu. Son seul nom suscite l’horreur – y compris chez ceux qui n’ont jamais lu une ligne de lui. Il est normal de le vouer aux gémonies : une telle sentence coule de source et n’a nul besoin d’être motivée. À l’inverse, soutenir que son génie a renouvelé le roman, qu’il figure parmi les plus grands écrivains français, voilà qui est inadmissible et même inconcevable.
Le parti-pris de Marc Laudelout
Entendons-nous bien : si l’auteur du Voyage peut, à bon droit, être qualifié de génial, pas question, pour autant, d’occulter qu’il fut aussi l’auteur d’ignobles pamphlets pronazis et antisémites. Que sa conduite durant l’Occupation ainsi que certaines facettes de sa personnalité étaient rien moins que sympathiques et suscitent à bon droit dégoût et réprobation. Pourtant, la simple honnêteté oblige à se rendre à l’évidence : pas trace, dans ses romans, d’idéologie politique nauséabonde. D’apologie de génocide. En revanche, quels que soient les écrits et jusque dans la correspondance, une maîtrise de la langue dans tous ses registres qui force l’admiration.
Le cas, on le voit bien, n’est pas facile à démêler, surtout lorsqu’il suscite des passions exacerbées et tout à fait irrationnelles. Or, s’il est un homme qui, depuis des décennies, s’efforce de conserver la tête froide, d’observer, avec un parti-pris de rigueur et d’impartialité, les remous qui entourent l’écrivain et son œuvre, c’est bien Marc Laudelout. Ce journaliste, éditeur et critique littéraire belge est, à juste titre, considéré comme le meilleur spécialiste de Céline et de ses entours. Il a créé en 1981, un mensuel qu’il dirige et édite toujours, Le Bulletin célinien, consacré à tout ce qui fait, encore aujourd’hui, l’actualité de l’écrivain. La diversité des participants à la revue et la variété des éclairages constituent le gage d’objectivité le meilleur qui soit.
La preuve en est fournie par Céline à hue et à dia. Un florilège de quelque quarante ans de Bulletin célinien, qui retient tant par la richesse du contenu que par l’équilibre respecté entre le pour et le contre, la droite et la gauche, le hue et le dia. Aucune exclusive, aucune réfutation qui ne soit justifiée et étayée. À travers portraits et témoignages, analyses d’essais et d’articles, comptes rendus de la réception de l’œuvre au fil des ans, c’est tout un univers qui est évoqué. Le monde des inconditionnels « historiques » de l’écrivain y côtoie celui de ses adversaires les plus farouches. Ces derniers ne sont certes pas épargnés, mais la rigueur intellectuelle est ici de mise. C’est ce qui rend irremplaçable cette anthologie, fruit d’un travail titanesque. Elle passionnera quiconque ne saurait se satisfaire du manichéisme malsain en vigueur dès lors que le nom de Céline est brandi, telle la muleta du matador sous les naseaux du taureau.
Céline à hue et à dia, de Marc Laudelout, La Nouvelle Librairie.
Eric Zemmour a été condamné à 10 000 euros d’amende pour provocation à la haine raciale par le tribunal correctionnel de Paris, lundi 17 janvier, pour avoir qualifié sur CNews les migrants mineurs isolés de « voleurs », d’« assassins » et de « violeurs » en septembre 2020. Suite à cette condamnation, notre chroniqueur Charles Rojzman estime que le candidat de « Reconquête » doit désormais apprendre à parler à tous ceux issus de l’immigration qu’il peut légitimement effrayer.
Le 29 septembre 2020, lors d’un débat dans l’émission « Face à l’info » sur CNews après un attentat devant les ex-locaux de Charlie Hebdo, Eric Zemmour affirmait : « Ils n’ont rien à faire ici, ils sont voleurs, ils sont assassins, ils sont violeurs, c’est tout ce qu’ils sont, il faut les renvoyer et il ne faut même pas qu’ils viennent. »
Une maladresse qui coûte cher
« C’est une invasion permanente », « c’est un problème de politique d’immigration », avait-il ensuite vociféré dans cette émission dont il était alors chroniqueur. Des « propos méprisants, outrageants », qui montrent « un rejet violent » et une « détestation » de la population immigrée et qui ont franchi « les limites de la liberté d’expression », a estimé la représentante du ministère public.
Eric Zemmour se prête facilement à la caricature qui le montre en esprit mauvais comme le Gargamel des Schtroumpfs qui se frotte les mains à la pensée des tours diaboliques qu’il s’apprête à jouer. Ce personnage raciste, antisémite, islamophobe, sexiste ou homophobe a été fabriqué par les media mainstream et ses détracteurs des réseaux sociaux. Mais qu’en est-il de sa propre responsabilité et de celle de beaucoup de ses partisans ? Maladresse de communication ? Besoin de provoquer pour faire bouger une société française apparemment endormie dans sa soumission au monde tel qu’il va ? Zemmour parle cru d’une réalité que d’autres, plus protégés certainement (ou alors partisans d’une créolisation de la société), minimisent, nient ou même considèrent comme un progrès vers une société plus tolérante et inclusive.
Ce qui manque à Eric Zemmour, c’est de pas avoir pas l’audace de faire comme Donald Trump lorsqu’il a affirmé avec force à la communauté africaine-américaine qu’ils étaient des Américains comme les autres, aussi capables de réussir dans la société américaine que d’autres, mais qu’ils devaient aussi regarder en face les vices et les fautes au sein de leur communauté. Ce qui manque à Eric Zemmmour, c’est de parler droit dans les yeux aux musulmans de ce pays, à la jeunesse des quartiers, à leurs parents, à tous ceux qui se sentent plus Algériens, Maliens, ou Sénégalais que Français, à tous les immigrés du Maghreb et d’Afrique noire, à toutes les générations nées sur le sol français et qui possèdent la nationalité française. Parler à tous, droit dans les yeux, à ceux qui travaillent et à ceux qui ne travaillent pas, aux gens honnêtes et aux délinquants, à ceux qui veulent réussir et à ceux qui sont assistés, aux femmes, aux hommes, leur parler et leur dire la réalité crue de ce qu’ils font ou ne font pas pour être des Français comme les autres, leurs responsabilités et leurs fautes, leurs vices et bien sûr leurs vertus – car elles existent.
Ce qui manque à Eric Zemmour, c’est de leur dire qu’il les accueillera volontiers avec amour s’ils acceptent de se fondre dans ce pays, avec gratitude et bonheur, s’ils renoncent à la victimisation que certains encouragent pour les utiliser dans leur combat politique, s’ils chassent de leur sein les brebis galeuses, qu’ils connaissent bien, qu’ils cessent enfin d’écouter les voix qui tentent de les arracher à la communauté nationale. Il faudra aussi qu’il considère leur bonne volonté qui n’est pas toujours reconnue parce qu’ils sont essentialisés de part et d’autre, et qu’il leur demande de l’aider dans son combat contre l’immigration de masse, illégale ou clandestine sans qu’il ne soit plus taxé de racisme et en y voyant leur propre intérêt.
Ne pas choquer inutilement
Ce qui manque à Zemmour, c’est une certaine finesse de langage qui lui fait dire quand il parle de grand remplacement qu’il ne voit dans la rue que des Noirs et des Arabes, choquant inutilement ceux-là même des Français antillais ou d’origine africaine ou maghrébine qui sont en accord avec ses idées sur l’assimilation, alimentant ainsi les préjugés de racistes véritables, et éloignant de lui des esprits lucides et généreux alors enclins à accepter les caricatures qu’on fait de lui dans la presse.
Ce qui manque à Zemmour, c’est de ne pas voir qu’il ne suffira pas d’arrêter l’immigration de masse légale ou illégale et de changer la façon de gouverner le pays pour retrouver une société saine et indemne de toutes les maladies des sociétés modernes, et qu’il faudra mettre en place une nouvelle éducation civique et populaire des adultes, adaptée à l’époque, et qui aide chacun à retrouver le goût de se projeter dans l’avenir et de vivre le présent avec moins de violences dans les familles et les organisations. La tentation totalitaire ne se limite pas à l’islamisation. Elle est la réponse inévitable à l’addition de tous les malaises sociaux provoqués par la crise multiple du sens, de l’autorité, du travail, du lien que vit la civilisation occidentale.
L’essence d’une nation
Ce qui manque à Eric Zemmour dans son combat pour l’école, c’est de parler aux enseignants, de leur dire qu’ils ne sont pas seulement des « pédagogistes » qui refusent de transmettre le savoir et la belle histoire de France. Leur dire qu’ils ne peuvent pas le faire dans les conditions qui leur sont imposées et qu’il faudra changer. Il faudra faire une pédagogie de l’autorité et de la responsabilité, et il faudra qu’Eric Zemmour reconnaisse qu’ils font déjà ce qu’ils peuvent pour susciter l’intérêt de gamins malmenés dans leurs familles, dans leur quartiers, soumis à des propagandes diverses, écrasés par la folie du monde adulte. Ce qui manque à Eric Zemmour, c’est d’avoir l’audace de dire aux juifs de France que leurs institutions ne les représentent pas et qu’elles vivent sur les bénéfices que leur assurent leur adhésion aux pouvoirs en place tout comme les dignitaires musulmans le font avec les pays d’origine, leur rappeler tout ce que la France a fait pour les juifs, depuis la Révolution française et Napoléon et même un peu avant au temps de la royauté finissante, qu’elle en a fait des citoyens pour la première fois dans l’histoire et que malgré les antisémitismes, le peuple français a dans sa majorité courageusement aidé les juifs à rester indemnes de l’horrible persécution de l’Occupation, qu’il leur dise aussi qu’il n’est pas maurassien ou pétainiste mais qu’il cherche à rétablir le réel pour ne pas mariner dans toutes les repentances, qu’il s’excuse enfin s’il a été maladroit et blessant, comme il l’a fait dans sa conversation au téléphone avec les Sandler.
Il faudra donc qu’Eric Zemmour ne se contente pas de dire qu’il sera le président de tous les Français sans exclusive s’il est élu, mais qu’il le démontre dès aujourd’hui, dans sa campagne pour l’accession au pouvoir suprême en allant voir des publics qui ne l’aiment pas peut-être, qui n’aiment pas en tout cas cet avatar de lui qui a été fabriqué par ses adversaires, qu’il ne se contente plus de parler à ses seuls partisans, à ces foules enthousiastes et honnêtes auxquelles se sont mêlés des groupes qui ne rêvent que d’exclusion et d’intolérance ; qu’il refuse, malgré ou en raison de ses convictions profondes, de faire ce que font tous les politiques qui ne s’adressent qu’à leur clientèle privilégiée et négligent trop souvent ce qui fait l’âme d’une nation. Car, il le sait bien, comme le disait Renan qu’il admire, « l’essence d’une nation est que tous les individus aient beaucoup de choses en commun, et que tous aient oublié bien des choses « …