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Bonjour, tristesse!

L’éditorial d’Elisabeth Lévy


« Il vaut mieux faire envie que pitié », disaient souvent mes grands-mères. Il s’agissait alors de justifier leur embonpoint et de me consoler du mien. À vrai dire, elles avaient déjà un train de retard : ce qui faisait fantasmer alors les ados, ce n’étaient pas les formes généreuses à la Rubens ou la poitrine grasse de Nana dépeinte avec gourmandise par Zola, mais les hanches étroites et la silhouette garçonne de Jane Birkin. À part ça, mes grand-mères faisaient de la sociologie comme Monsieur Jourdain de la prose. Sans le savoir, elles résumaient d’une formule l’esprit d’un temps où bonheur et réussite étaient admirables, désirables et surtout enviables. Les célébrités étaient toutes supposées avoir une vie sur papier glacé – amour, gloire et beauté, sans oublier le bien chargé de compenser à l’âge mûr la perte de ces dons du ciel.

La journaliste Elisabeth Lévy © Pierre Olivier

Bien sûr, comme nous sommes de drôles d’animaux, le public se repaissait aussi des infortunes de ces enfoirés à qui tout réussissait. Je me rappelle le jour où un journal people a publié la photo de je ne sais plus quelle mannequin en train de s’enfiler une ligne de coke dans les toilettes d’une boîte de nuit (comme si on pouvait être aussi prodigieusement mince naturellement) : cela a non seulement mis un coup d’arrêt à sa carrière, mais aussi fait scandale dans le Landerneau médiatique. Fallait-il montrer l’envers du décor ? Il faut croire que oui. Comme dit l’autre, il ne me suffit pas d’être heureux, encore faut-il que les autres ne le soient point. Et puis savoir qu’on peut souffrir atrocement dans une maison de trente pièces avec piscine, tennis et majordome, ça console de rentrer dans son douze mètres carrés après avoir fait ses courses chez Lidl. Aussi, la marque de l’amour ou de l’amitié authentiques n’est-elle pas de se lamenter des malheurs de l’autre, ce qui est à la portée de n’importe qui, mais de se réjouir de ses succès.

Le bonheur se vend moins bien

Certes, la compétition du bonheur n’a pas disparu – les psychologies collectives ne connaissent pas les virages brutaux. Politiques et vedettes en tout genre continuent donc à exhiber leur couple idéal, leurs enfants parfaits, leurs chiens si affectueux et leurs datchas tout droit sorties des magazines de déco.

Reste que le bonheur se vend moins bien. Il semble même que le malheur soit à la mode. Ce qui, à l’ère de la victime-reine, est finalement assez logique. Je souffre donc je suis. C’est déjà un phénomène étudié par les sociologues, apprend-on dans Le Figaro Madame. Pour l’instant, on l’observe essentiellement dans le monde virtuel, mais il se manifeste dans la « vraie vie » à supposer que la distinction ait encore un sens. Ainsi est-il très tendance de se déclarer « Asperger » (l’autisme des génies) ou « bipolaire ». On citera aussi ces drôles de zigs qui ne supportent pas d’être valides et qui trouvent parfois des « médecins » pour les amputer d’un membre sain. Il est vrai qu’on admet encore qu’il s’agit d’une maladie, appelée l’apotemnophilie. 

Sur les réseaux sociaux, en revanche, ce sont des people apparemment sains d’esprit qui pleurnichent abondamment sur l’épaule virtuelle de leurs followers. Le journal cite une certaine Bella Hadid, mannequin de son état, qui publie des photos d’elle en larmes et évoque sa déprime. Une autre ex-top, répondant au doux nom de Paulina Porizkova, raconte sans filtre qu’elle est trompée ou quittée, je n’ai pas bien compris. Elle s’est d’ailleurs auto-surnommée « La Dame qui pleure d’Instagram ». Il paraît que ces plaintes savamment mises en scène rapportent bien plus de likes, d’abonnés et éventuellement de compensations sonnantes et trébuchantes, que les photos de bonheur triomphant. Généralement, l’exhibition est assortie de justifications philanthropiques, genre je veux aider tous ceux qui ressentent la même chose que moi. Tu parles. En réalité, il s’agit surtout d’attirer l’attention sur soi pour se faire consoler – par des inconnus, ce qui ne laisse pas d’être étrange. Autrement dit, cette faiblesse affichée, que les Américains ont finement baptisée « vulnerability porn », traduit surtout la régression infantile de l’espèce.

Si l’auteur de l’article se montre assez critique sur cette nouvelle mode, c’est parce que, selon elle, un like ne remplace pas un vrai câlin. Pour ma part, cette façon de se montrer tel qu’on est à tous ses contemporains me semble surtout relever de l’impudeur narcissique. Faire bonne figure est une politesse que l’on doit à ses contemporains, qui n’ont rien demandé – en tout cas ceux avec qui on n’a pas de relations intimes. Décidément, je ne dois pas être de ce temps où il vaut mieux faire pitié qu’envie. Que mes grands-mères reposent en paix. 


[1] Caroline Hamelle, “Se montrer en train de pleurer fonctionne mieux que se montrer heureux” : la nouvelle stratégie des réseaux sociaux, 23 janvier 2022.

Robert Ménard: « Pour gagner, la droite doit s’allier »

La droite est, au mieux, abonnée à la facilité lorsquelle s’oppose à Macron, au pire la caricature d’elle-même lorsqu’elle se radicalise. Zemmour, Le Pen et Pécresse partagent cependant des points communs – ordre, sécurité, immigration – qu’il faut mettre en avant pour réaliser l’union de la victoire.


Le Covid a fait tomber le mur du mensonge. Oui, cette pandémie a changé beaucoup de choses. Pour moi, en tout cas. Avant ce long drame, avant ces millions de morts, ces vies gâchées par les séquelles de la maladie, ces QR codes inquiétants, ces gamins masqués, les démagogues vivaient encore plus ou moins cachés. La droite en abritait un certain nombre. La droite dite nationale surtout. Au moment où tout le monde se couvrait le visage, parmi elle, certains ont montré le leur en pleine lumière. Cela m’a amené à de nombreuses réflexions, à de profondes remises en cause.

J’avais déjà remarqué que la quasi-totalité des leaders de la droite demeuraient, au-delà de la prudence – et de la décence –, très silencieux à chaque temps fort de la crise. À chaque décision choc prise par Emmanuel Macron, que ce soit le confinement ou la vaccination massive, elle semblait attendre de voir où le vent de l’opinion allait tourner. Malgré l’impact de ces décisions sur les Français, elle tardait souvent à se prononcer, à tweeter, elle détournait discrètement le regard. Pour ne pas froisser son électorat. Pour ne pas risquer de perdre des plumes dans le futur combat de volatiles. C’était impressionnant. J’étais impressionné.

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Je me sentais seul, franc-tireur. Parce que, de mon côté, dans ma ville, je me battais au jour le jour – comme beaucoup d’élus locaux – pour trouver des masques quand ils étaient introuvables, puis pour créer et installer en urgence des centres de dépistage d’abord, de vaccination ensuite. Je n’hésitais pas. Je faisais confiance aux scientifiques. L’intérêt des gens, leur santé, était mon seul souci. Que faire d’autre ?

Marine Le Pen: Un pragmatisme nouveau, une modération assumée…

J’ai découvert alors un vrai manque de bienveillance chez ce qu’on appelle les « conservateurs » ou les « réacs ». Un monopole de l’absence de cœur, pour paraphraser un ancien président. Tant pis si le mot « bienveillance » est galvaudé, tant pis s’il est repris par le gouvernement. C’est sans doute ce qui manque beaucoup dans notre camp. J’avais la naïveté de croire que les comportements avaient évolué, je faisais une erreur.

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Au fil des mois, mes prises de position ont troublé, voire révolté une partie de ceux qui me soutiennent. Les insultes, les menaces aussi parfois pleuvaient sur les réseaux asociaux. Pourtant, je suis resté le même. Pour l’ordre, contre l’immigration folle et incontrôlée, mais humaniste. Je ne peux pas, je ne veux pas renier ce que j’ai fait pendant vingt-cinq ans à la tête de Reporters sans frontières !

Alors oui, quand Emmanuel Macron applique ce que j’estime être bon, je le dis. Même si je n’oublie pas ses incohérences, ses errements, ses mensonges répétés, son paternalisme culpabilisant, y compris à l’égard des élus. Le respect de l’adversaire politique, la nuance, le goût du compromis, je les ai appris dans mon métier de maire. Face aux vrais problèmes du quotidien. Loin des terres stériles de la théorie. L’idéologie, c’est ce qui pense à notre place, disait Jean-François Revel.

Je ne suis membre d’aucun parti politique : je n’en peux définitivement plus de cette opposition bête et méchante, mécanique, robotique, de cette abrutissante « discipline de parti ». Elle ne fait pas avancer la France, elle l’a plutôt fait reculer. La droite est trop souvent réduite à cela. Dans l’aigreur, à ne parler que de déclin. La gauche est pire, prisonnière de ses concepts éculés, de sa démagogie infantile.

La crise sanitaire a également révélé que certains n’hésitent pas, pour de basses raisons électorales, à diffuser le poison du complot. En mentant, en niant parfois l’existence même du virus. Une partie de la droite s’en est malheureusement fait l’écho. Je pense à Nicolas Dupont-Aignan ou à Florian Philippot, plongés dans le complotisme le plus fou. N’éprouvant aucune honte à qualifier la France de Macron de « dictature », alors qu’ils sont en pâmoison devant le sinistre Poutine.

Aussi, j’en arrive à ce constat : la droite – honorable quand elle défend les valeurs, l’ordre, la sécurité – est atteinte d’un cancer en phase avancée. Une partie d’elle-même se radicalise, s’arc-boute sur un passé fantasmé, la défense d’un Occident chrétien idéalisé, un irrationalisme qui vire au complotisme : le même phénomène venu des marges a tué électoralement Trump et bientôt Bolsonaro.

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Cette droite devient alors une caricature d’elle-même, enfermée dans un monde peuplé d’écoliers en blouses grises, d’hommes forts en treillis, de femmes aux fourneaux et de coups de trique. Elle ne propose pas d’avenir. Elle n’a plus d’élan, engoncée dans ses vieux mots, ses vieux réflexes, ses vieilles rancunes. Devant ce théâtre de marionnettes, le chef de l’État peut s’amuser, agitant sa muleta, que ce soit le drapeau européen sous l’Arc de triomphe ou l’« emmerdement » des non-vaccinés. Chaque fois, la droite a foncé tête baissée sur le morceau de tissu rouge ! Incapable de comprendre les aspirations réelles des gens, massivement d’accord avec le président sur le vaccin ou, au pire, indifférents au drapeau européen !

Arc de Triomphe, Paris, le 1er janvier 2022 © SADAKA EDMOND/SIPA Numéro de reportage : 01054969_000001

Mettons les choses au point : ce qui me rapproche, quoiqu’avec des nuances, de Marine Le Pen, d’Éric Zemmour et de Valérie Pécresse, c’est la volonté de rétablir l’ordre et la sécurité dans ce pays. La volonté de freiner durablement cette immigration extra-européenne qui n’en finit plus et qui rend impossible toute espèce de début d’intégration. Pour le reste, je suis dubitatif.

Dieu merci, rien n’est figé. J’ai pu constater que Marine changeait. Pas assez ? Sûrement. Mais déjà beaucoup. Elle a appris de ses défaites. Elle écoute. Elle est chaleureuse avec le peuple d’en bas. Elle ne rêve pas de vacances à Ibiza ou à Saint-Martin. Elle n’est pas son père. Ses blessures, ses déceptions lui ont donné une envergure qu’elle n’avait pas il y a cinq ans. Elle a vécu. Elle est plus raisonnable, plus réaliste sur l’immigration, la place des Français musulmans, l’Europe, l’euro. Elle vient d’abandonner l’absurde interdiction de la double nationalité inscrite dans son programme. Un pragmatisme nouveau, une modération assumée.

D’autres analyses, d’autres choix sont possibles. Je les respecte. Reste une certitude. Ou plutôt deux. Si la droite veut avancer dans le xxie siècle, il lui faut se débarrasser de ses toiles d’araignée. Les pédants parleront d’aggiornamento. Et surtout, elle doit sortir du piège mitterrandien dans lequel Jacques Chirac a foncé tête baissée : la droite doit s’allier si elle veut gagner. Aucun de ses candidats ne gagnera tout seul. C’est une évidence, une règle d’airain, le bon sens même. La victoire future et l’alternance sont à ce prix.

« Populiste ! » — l’injure à laquelle le capitaine Haddock n’avait pas pensé

Gérald Darmanin a perdu ses nerfs face à la journaliste Apolline de Malherbe. « Populiste ! » lui a-t-il lancé. Il est bien curieux qu’un mot qui s’ancre dans le peuple soit devenu une injure.


Ça chauffait donc sur BFM TV, ce mardi matin. Apolline de Malherbe demandait à Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur en charge de la sécurité, de commenter les (très) mauvais chiffres de l’insécurité en France, en hausse dans tous les domaines sauf dans les violences sans armes et les cambriolages, paraît-il. Et de conclure par cette interrogation somme toute anodine : « Est-ce que vous ne vous êtes pas réveillé un peu tard sur ces questions de sécurité ? »

Le ministre a piqué sa crise. Il a feint de croire qu’il était sur CNews (quel humour !), puis a qualifié l’interrogation de la journaliste d’« un peu populiste » — et il a repris le mot quelques instants plus tard. Une façon un peu inélégante de gifler son interlocutrice.

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Permettez au professeur de Lettres que je suis de résumer l’histoire de cette notion. À l’origine (début du XXe siècle), le mot désigne une tendance politique et a servi d’abord à qualifier les mouvements insurrectionnels dans la Russie tsariste des années 1870, où l’on faisait appel au peuple contre le pouvoir. Le mot arrive en France, où il ne correspond à aucun mouvement politique de l’époque — nous sommes déjà enrégimentés par les partis. Il est donc rapatrié dans le domaine littéraire, pour qualifier — après 1918 — une école romanesque (puis cinématographique) qui représente la vie du peuple, en réaction contre une littérature bourgeoise qui se passait strictement dans le milieu confiné de « la haute », comme on disait alors. Un titre ? Hôtel du Nord, d’Eugène Dabit — qui sera adapté avec le succès que l’on sait par Marcel Carné et donnera l’occasion à Arletty de lancer à Jouvet l’une de ces répliques qui l’ont immortalisée (« Atmosphère, atmosphère ! Est-ce que j’ai une gueule d’atmosphère ? »). Il y a même un « prix du roman populiste », décerné justement pour la première fois en 1931 à Dabit, et qui couronna par la suite Troyat, Sartre (qui ne se sentit nullement offensé) ou, plus récemment, Daniel Picouly ou Laurent Gaudé. 

C’est via la critique marxiste que le sens du terme s’infléchit. Est qualifié de « populiste » tout mouvement qui s’adresse au peuple sans passer par les organisations. Les communistes y voient l’apologie des petits paysans (beurk !), des petits commerçants (re-beurk !), réfutant la lutte des classes. Le poujadisme des années 1950 est ainsi qualifié de populiste par le PCF. C’est l’époque où Jean-Marie Le Pen est élu sur les listes de Pierre Poujade.

À l’origine, le mot est un dérivé savant du latin populus, le peuple. Il est significatif que notre société oligarchique, où quelques privilégiés en auto-reproduction ont confisqué le pouvoir, ait décidé qu’il s’agissait d’une injure. Le succès du Non au référendum de 2005 sur la Constitution européenne a été si bien ressenti comme « populiste » que le Congrès s’est dépêché de se réunir pour voter l’application d’un principe que le peuple venait de rejeter. C’est le péché mortel qui a scellé tout à la fois la mainmise d’institutions supra-nationales sur la politique française, et la suspicion dans laquelle le peuple tient désormais toute la classe politique. Les politologues s’interrogent aujourd’hui gravement sur les sources de l’abstention, toujours plus massive. Il ne faut pas chercher bien loin, elle est née le jour où quelques centaines de politiciens sont passés par-dessus la volonté du peuple.

Ces mêmes politiciens ont recueilli le mot « populisme » des mains douteuses des communistes et le lancent désormais à la face des rares journalistes qui font encore leur travail.

On pourrait faire une lecture rétrograde du « populisme », qui existait bien avant que le mot ne débarque dans le vocabulaire. « Populiste » sans doute, Mirabeau qui lance à l’envoyé de Louis XVI, après le Serment du Jeu de Paume : « Allez dire à votre maître que nous sommes ici par la volonté du peuple et qu’on ne nous en arrachera que par la puissance des baïonnettes. » « Populiste », Victor Hugo avec les Misérables. « Populiste » enfin Edouard Daladier lorsqu’il évoque, en 1934, les « deux cents familles » qui régentent la France — et qui ne sont guère plus nombreuses aujourd’hui. « Ce sont deux cents familles, s’écrie alors le futur Président du Conseil, qui, par l’intermédiaire des conseils d’administration, par l’autorité grandissante de la banque qui émettait les actions et apportait le crédit, sont devenues les maîtresses indiscutables, non seulement de l’économie française mais de la politique française elle-même. Ce sont des forces qu’un État démocratique ne devrait pas tolérer, que Richelieu n’eût pas tolérées dans le royaume de France. L’empire des deux cents familles pèse sur le système fiscal, sur les transports, sur le crédit. Les deux cents familles placent leurs mandataires dans les cabinets politiques. Elles agissent sur l’opinion publique car elles contrôlent la presse. »

« Complotisme ! » s’écrient alors les émissaires stipendiés de l’oligarchie qui se partage le pouvoir sous des étiquettes interchangeables — droite ou gauche par exemple, blanc bonnet, bonnet blanc.

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Que Gérald Darmanin use du terme est significatif de l’arrogance de la caste. La montée de l’insécurité est indéniable, et les chiffres effarants que citait Apolline de Malherbe proviennent du ministère même. L’accusation de « populisme » est typique du déni dans lequel s’enfonce la classe politique, persuadée que tant qu’elle maîtrise les médias et les spectacles, et qu’elle agitera le spectre d’une épidémie dont on comprend enfin qu’elle fut bénigne, elle continuera à faire des affaires. Le carnaval de l’élection présidentielle n’est qu’un leurre, un spectacle supplémentaire pour amuser le… peuple. Le mouvement des gilets jaunes fut un coup de semonce, mais les dirigeants de la multinationale France ne l’ont pas entendu. Eh bien gageons que la prochaine fois que l’on parlera de violence dans les médias, ce ne sera plus seulement pour évoquer les attaques à main armée, les viols et les assauts contre les forces de l’ordre, mais pour décrire un nouveau 1789 à la française — un grand moment populiste.


Élisabeth Lévy : « Darmanin accusé de sexisme ? On n’a plus le droit de se moquer d’une fille ? »

Retrouvez la chronique d’Elisabeth Lévy, directrice de la rédaction de Causeur, chaque matin à 8h10 sur Sud Radio

Les nouveaux Fouquier-Tinville

Quelles que soient les suites judiciaires de l’affaire Balkany, il faut revenir au point de départ: l’acharnement de certains juges dont l’obsession est de mettre en prison les anciens collaborateurs de Nicolas Sarkozy à l’Élysée et, si possible, l’ancien président lui-même et ses proches. Pour exemple, le président de chambre au tribunal judiciaire de Paris qui a déjà épinglé à son tableau de chasse Patrick Balkany justement, ainsi que Claude Guéant et qui ne compte pas s’arrêter là.


Il s’appelle Benjamin Blanchet. Président de chambre au tribunal judiciaire de Paris, il a déjà épinglé à son tableau de chasse Patrick Balkany et Claude Guéant et ne compte pas s’arrêter là. En septembre 2020, il avait bénéficié d’une « tribune » dans Le Monde qui l’avait présenté ainsi : « Afin de redonner crédit et force à la justice française, Benjamin Blanchet appelle à une réforme donnant le pouvoir de proposition de nomination des magistrats du siège et du parquet au Conseil supérieur de la magistrature. » Dans sa tribune, il avait effectivement confirmé : « Le chemin sera encore long tant les assauts sont multiples et pernicieux. C’est en effet comme s’il fallait absolument persuader nos concitoyens que la justice de leur pays ne connaît, s’agissant du traitement des affaires sensibles, que le favoritisme, la soumission, le corporatisme et la politisation. » Le président Blanchet préfère clairement que tous les magistrats, qu’ils soient juges du siège ou procureurs, soient totalement indépendants et qu’ils se gèrent eux-mêmes. 

Quelques jours plus tard, il avait encore pris parti en ce sens alors qu’il participait à la fameuse manifestation du Syndicat de la magistrature, sur le thème « Assis, debout, mais pas couchés », contre le nouveau garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti. Ce « Syndicat », devenu célèbre lors de l’affaire pour le moins honteuse du « mur des cons », est connu pour être très à gauche. Notre nouveau Fouquier-Tinville avait été interviewé lors de cette manifestation par le journal Libération, lui aussi très à gauche : « Les procureurs de la République, avait-il déclaré, se lèvent pour requérir, les magistrats du siège sont assis lorsqu’ils écoutent les parties, lorsqu’ils jugent. Les uns et les autres ne veulent pas se coucher devant le pouvoir exécutif, parce qu’ils sont indépendants et entendent bien le rester », reposant ainsi à nouveau le problème de l’indépendance des procureurs, lesquels, en France, ne sont pas des magistrats comme les autres. Ils sont fonctionnaires et dépendent du ministère de la Justice, c’est-à-dire du pouvoir en place. 

Une très grande rigueur contre les personnalités politiques

Est-ce la raison pour laquelle, voulant contrebalancer des réquisitions qu’il estime parfois trop mièvres de la part de certains procureurs, ou simplement par conviction personnelle, Benjamin Blanchet applique la plus grande rigueur dans ses décisions ou jugements contre des personnalités politiques, spécialement lorsqu’il s’agit d’anciens collaborateurs de Nicolas Sarkozy ou de l’ancien président lui-même ? Ainsi, en octobre dernier, dans l’affaire des sondages de l’Élysée, outrepassant clairement le cadre judiciaire, il n’avait pas hésité à déclarer avec emphase : « Le Tribunal ordonne que ce témoin [Nicolas Sarkozy] soit amené devant lui par la force publique », exactement comme le faisait l’« accusateur public » Fouquier-Tinville pendant la Révolution. Les procureurs du parquet ayant considéré que cette convocation par la contrainte serait contraire « au bon sens et à la sagesse » [1], Benjamin Blanchet était passé outre, estimant, selon la vieille formule usée, que la présence de Nicolas Sarkozy était « nécessaire à la manifestation de la vérité ». 

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Protégé par son immunité présidentielle [2] et voulant éviter que la maréchaussée ne débarque brutalement chez lui avec ses gros sabots, comme le souhaitait notre ardent défenseur du Syndicat de la magistrature, Nicolas Sarkozy s’est présenté de lui-même devant la 32e chambre correctionnelle et, d’entrée de jeu, a contesté les raisons de sa présence. S’adressant au président du tribunal, il lui a déclaré : « J’ai appris par la presse que vous aviez lancé un mandat d’amener pour me contraindre par la force publique à venir témoigner. De mon point de vue, cette décision n’est pas constitutionnelle et surtout, elle est totalement disproportionnée. » Et d’ajouter : « C’est un principe essentiel des démocraties qui s’appelle la séparation des pouvoirs et, comme président de la République, je n’ai pas à rendre compte de l’organisation de mon cabinet ou de la façon dont j’ai exercé mon mandat devant un tribunal. » 

Une folle addition de plus de 3 millions d’euros!

Le président Blanchet, si partisan soit-il d’un gouvernement des juges, a dû se contenter de ce rapide cours de droit constitutionnel, ce qui l’a peut-être encore plus poussé à avoir la main lourde dans ce dossier des sondages de l’Élysée où plusieurs collaborateurs du président étaient accusés d’avoir organisé à leur profit personnel de nombreux sondages d’opinion. Qu’on en juge : soupçonnés de « favoritisme » et de « détournement de fonds publics », Patrick Buisson, alors proche conseiller du chef de l’État, a été condamné à titre personnel à 2 ans de prison avec sursis et 150 000 euros d’amende, ses deux sociétés étant condamnées à une amende supplémentaire de 550 000 euros et au remboursement de 1,2 million d’euros. Pierre Giacometti a été condamné à 6 mois avec sursis et 70 000 euros d’amende et sa société à 300 000 euros d’amende tandis qu’Ipsos se prenait une condamnation à 1 million d’euros. Au total, une folle addition de plus de 3 millions d’euros si l’on additionne les amendes et les remboursements [3]

Restait Claude Guéant. Condamné, pour sa part, à 8 mois de prison ferme avec mandat de dépôt, il a le tort sans doute d’avoir été un homme de confiance très proche de Nicolas Sarkozy et à ce titre il est l’objet d’une étonnante vindicte de la part des justiciers “rouges”. Ancien préfet, ancien secrétaire général de l’Élysée pendant quatre ans, ancien ministre de l’Intérieur, il avait déjà été condamné en janvier 2019 dans l’affaire dite « des primes de cabinet » du ministère de l’Intérieur à 1 an de prison ferme plus 1 an avec sursis, ainsi qu’à une amende de 75 000 euros et au remboursement de 105 000 euros. Comme il avait été poursuivi par la justice dans l’affaire probablement fictive – 10 ans de procédures et toujours rien de tangible – du financement libyen de la campagne présidentielle de 2007 de Nicolas Sarkozy et que les juges d’instruction avaient confisqué ses biens immobiliers personnels en 2017, il se trouvait dans l’impossibilité matérielle de régler ses dettes judiciaires aux dates prévues.

Cette affaire des écoutes qui avait choqué toute l’Europe…

La suite de l’histoire est tellement croquignolesque qu’on ne peut que se poser des questions sur la sérénité et le sérieux qui peuvent régner dans les enceintes du Parquet national financier et de certains tribunaux. En raison de plusieurs retards de paiement, la cour d’appel de Paris a carrément décidé de faire écrouer Claude Guéant à la prison de la Santé le 13 décembre dernier. Une première en France, a fortiori pour un ancien ministre de l’Intérieur de santé fragile et âgé de 77 ans ! Mais l’acharnement de la justice ne s’est pas arrêté là, son passé judiciaire s’étant télescopé avec le procès des sondages de l’Élysée. Et, pour commencer, le Parquet national financier, profitant de cette nouvelle séquence, a décidé d’alourdir ses réquisitions sous le prétexte qu’il « ne respecte pas les décisions de justice », en demandant 1 an d’emprisonnement contre 6 mois auparavant. L’ancien ministre, ayant payé entre-temps ses dettes judiciaires grâce à des amis, a déposé une demande de remise en liberté qui ne sera tranchée qu’en février. En attendant il reste en prison. À 77 ans !

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Quant à Nicolas Sarkozy, la cour d’appel de Paris lui a donné rendez-vous entre le 28 novembre et le 14 décembre 2022 dans l’affaire dite des « écoutes », également appelée affaire « Bismuth » : un autre dossier croquignolesque dans lequel il avait été condamné en première instance à 3 ans de prison dont 1 an ferme pour corruption et trafic d’influence. Ce dossier, né en 2014 de très nombreuses et scandaleuses écoutes téléphoniques entre Nicolas Sarkozy et son avocat Thierry Herzog, ce qui avait choqué l’Europe entière, à propos d’un magistrat, Gilbert Azibert, qui souhaitait paraît-il être pistonné pour obtenir un maigre complément d’activité à Monaco, ce dossier donc avait donné l’impression d’avoir été monté de toutes pièces pour obtenir à tout prix une condamnation de l’ancien président. Et, en plus, l’ancien président n’avait jamais pris contact avec Monaco dans cette affaire ! En première instance, la défense s’était insurgée sans succès contre un procès basé sur des « fantasmes » et des « hypothèses ». Résultat : une condamnation outrageuse – 3 ans de prison dont 1 an ferme ! – contre un ancien président de la République, ses deux « complices », le magistrat et son avocat, écopant de la même peine, Thierry Herzog ayant droit à un supplément totalement abusif : une interdiction d’exercer son métier pendant 5 ans. Du pur sadisme judiciaire !

Une nouvelle carrière de justicier “rouge” 

Revenons à notre autre « président », Benjamin Blanchet, et à deux de ses faits d’armes antérieurs : l’affaire Brochand et le procès Balkany. Âgé de 83 ans, Bernard Brochand, ancien maire de Cannes, est le doyen d’âge de l’Assemblée. Il est député depuis vingt ans. La Haute Autorité pour la transparence (HATVP), à peine créée par François Hollande, signale en 2014 au parquet de Paris qu’il détient un compte dormant en Suisse depuis une quarantaine d’années, qu’il n’a pas déclaré et sur lequel dort environ 1 million d’euros. Une procédure de « plaider-coupable » lui est proposée et le parquet obtient l’accord du député, assisté de son avocat Éric Dupond-Moretti, sur une transaction très élevée : 200 000 euros d’amende et 8 mois de prison avec sursis. Ce qui clôt provisoirement l’affaire : pour que cette condamnation soit homologuée il faut en effet qu’un juge donne son accord, ce qui est généralement automatique. Sauf que le juge chargé de la chose s’appelle Benjamin Blanchet, lequel refuse catégoriquement, estimant que « les peines sont inadaptées au regard des circonstances de l’infraction et de la personnalité de l’auteur […] représentant de la Nation ». 

Procès Balkany : on retrouve en mai 2019 Me Dupond-Moretti, qui n’est pas encore ministre, comme défenseur de l’ancien maire de Levallois, poursuivi essentiellement pour des raisons fiscales, entre autres joyeusetés « prise illégale d’intérêts », « corruption passive » et « blanchissement de fraude fiscale aggravée ». La nouvelle rencontre Blanchet/Dupond-Moretti va faire des étincelles. L’avocat sait que le juge qui se veut un porte-drapeau en matière de justice fiscale sera d’une totale intransigeance et sollicite un report de l’audience, ce qui lui sera refusé. Il demande alors au président du tribunal, dans une manœuvre hardie et désespérée mais sans succès non plus, de « renoncer à juger » son client et de se « déporter », mettant en cause son impartialité dans l’affaire Brochand « au seul motif qu’il était député ». On connaît la suite : 4 ans de prison ferme pour Patrick Balkany avec mandat de dépôt et incarcération immédiate à la prison de la Santé. Le nouveau Fouquier-Tinville du Syndicat de la magistrature venait de démarrer de façon éclatante sa carrière de justicier rouge ! 


[1] https://www.liberation.fr/societe/police-justice/proces-des-sondages-de-lelysee-le-tribunal-ordonne-laudition-de-nicolas-sarkozy-comme-temoin-20211019_64NZVZLII5GTBDOKL2GD735ZVU/

[2] « Depuis la réforme constitutionnelle de 2007, le président de la République bénéficie d’une immunité absolue et permanente, sauf en cas de manquement grave à ses fonctions, comme le prévoit l’article 67 de la Constitution qui indique que le chef de l’État « n’est pas responsable des actes accomplis en cette qualité. » Cela concerne les domaines aussi bien politique, pénal, civil qu’administratif, et aucune action en justice ne peut être engagée contre lui pour les actes accomplis dans le cadre de sa fonction, et cela, même après la fin de son mandat. » Charles Deluermoz. Le Point du 01/03/2017

[3] https://www.lefigaro.fr/actualite-france/sondages-de-l-elysee-claude-gueant-condamne-a-huit-mois-de-prison-ferme-20220121

Le Métavers, c’est maintenant!

Vous pensiez pouvoir échapper au métavers, ce monde virtuel infernal où Mark Zuckerberg – le boss de Facebook – entend vous faire dépenser tout votre fric? En réalité, vous êtes depuis fort longtemps déjà coincés dans une vaste caverne à illusions. La démonstration d’Yves Mamou, avec de gros morceaux d’islamophobie, de transphobie ou de Gérald Darmanin dedans!


Facebook promeut une future version d’Internet où des espaces virtuels, persistants et partagés vous seront accessibles via interaction 3D… Selon Mark Zuckerberg, c’est le grand bouleversement à venir. 

Dans ce Métavers (ainsi cet univers virtuel a-t-il été baptisé), nous pourrons interagir avec les amis, la famille, les collègues, faire du shopping, flirter, jouer et travailler. La virtualité nous permettra d’agir dans la vie réelle, mais sans bouger de chez nous. Avec un léger casque sur le nez, nous pourrons abolir la distance, rencontrer qui bon nous semble, créer des liens à la demande, immédiats et sans déplacements. Le Metavers permettra-t-il de faire des bébés à distance ? Telle est sans doute la vraie limite de l’opération : l’épreuve du réel.

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Une France “islamophobe”?

C’est là que les géants de la tech ont des leçons à prendre. Le vrai pouvoir aujourd’hui n’est pas de créer un espace pour l’illusion, mais de transfigurer la réalité. En d’autres termes, le vrai pouvoir est d’obliger les populations à prendre des vessies pour des lanternes. À cet égard, nos dirigeants politiques sont passés maîtres es-métavers. Depuis des années, les dirigeants occidentaux et notamment français, s’échinent à nous bâtir une réalité « antiraciste ». Et ça marche. Prenez la grande manif du 11 mai 2015 initiée par l’Élysée où trônait encore François Hollande. En bonne logique, quand des islamistes assassinent des journalistes, il s’agit d’un acte de guerre. La bonne réponse de l’État, garant des institutions et de la liberté d’expression, serait de riposter par d’autres actes de guerre : fermer les mosquées salafistes, embastiller les récalcitrants, dissoudre des associations islamistes, expulser les irréductibles etc. Mais au lieu de cela, pour ne pas paraître « islamophobe », pour ne pas donner le sentiment qu’en France, les institutions prennent le parti de ceux qui « insultent la religion », l’État a organisé une marche. Plusieurs millions de Français ont marché en défense de la « liberté d’expression ». Une manifestation était-elle la bonne réponse contre la terreur islamiste ? Si l’on énumère le nombre d’assassinats qui ont suivi, on peut penser que non.

La journaliste Ophélie Meunier © D.R.

Et pourtant, en 2022, les menaces de mort proférées contre la journaliste Ophélie Meunier, auteur d’un reportage décapant sur l’islamisation de Roubaix (M6), ont enclenché les mêmes mécanismes.  Ophélie Meunier a été placée sous protection policière comme les survivants de l’équipe du journal Charlie Hebdo, et 160 personnalités ont signé une pétition exigeant le respect de la « la liberté d’expression »… comme en 2015. Des associations islamistes ont-elles été dissoutes ? Le procureur a-t-il diligenté une enquête immédiate ? Un islamiste éructant sa haine a-t-il été arrêté ? Nenni ! S’attaquer à des musulmans qui agissent en islamistes passe toujours, en 2022, comme un crime raciste. 

La justice a puissamment contribué à la « métavérisation » antiraciste de la société. Au lendemain de l’attentat contre Charlie Hebdo, Christiane Taubira n’a eu qu’un seul souci : protéger les musulmans d’éventuelles représailles populaires. Une circulaire est ainsi partie du ministère de la Justice le 12 janvier 2015 pour sommer tous les procureurs de France de punir sévèrement toutes les attaques, y compris verbales, qui pourraient être proférées contre « les religions » (sous-entendu l’islam).  Dans le Métavers, après un attentat islamiste, les victimes sont d’abord musulmanes.

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Les « islamophobes » qui avaient osé oublier cette règle de la victimisation des musulmans, ont vu les procès en racisme antimusulman s’intensifier contre eux. En 2017, l’historien Georges Bensoussan a payé le prix psychologique, financier et moral de trois procès en racisme pour avoir osé suggérer que l’antisémitisme était solidement ancré dans la société musulmane française. Charlie Hebdo, Michel Houellebecq, Mohamed Louizi et des dizaines d’autres « islamophobes » ont été contraints de se rendre à la barre pour se justifier des critiques « racistes » qu’ils avaient osé énoncer contre l’islam. 

Redoutable métavers judiciaire…

Le Métavers judiciaire est d’autant plus redoutable qu’il est souple. En 2016, le procureur François Molins expliquait doctement qu’il n’était pas envisageable de détenir préventivement les islamistes fichés « S » (c’est le socle de l’État de droit disait-il). « On ne peut pas détenir quelqu’un avant qu’il ait commis une infraction », soulignait le procureur. Cela revenait à punir un innocent. En 2022 pourtant, la justice n’a pas hésité une seconde à condamner à neuf ans de prison ferme Aurélien Chapeau – un néo-nazi, il est vrai – en raison de « la multiplicité des actes préparatoires » à un attentat qu’il n’a jamais commis et que, Aurélien Chapeau l’a affirmé tout au long de son procès, il n’aurait jamais commis.

Le Métavers policier n’est pas très éloigné du métavers judiciaire. Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, a tenté de faire passer des manifestants anti-passe vaccinal pour des activistes nazis parce que certains de ces manifestants, ont été photographiés, à un moment de la marche, le bras tendu. Dans le Métavers macronien, tous les opposants politiques sont plus ou moins des clones de la SS tout droit sortis de la cuisse d’Adolf Hitler !

La lutte contre les discriminations racistes est la pierre angulaire du Métavers politique. C’est elle qui permet de ne pas aborder la réalité. La France qui a importé sur son sol une population musulmane qu’elle a renoncé à assimiler, puis à intégrer et avec laquelle même le « vivre ensemble » est problématique, repousse en permanence l’épreuve du réel. Plutôt que de reconnaître le décrochage politique, religieux, social et éducatif d’une partie importante de cette population immigrée d’Afrique et d’Afrique du Nord, la France de l’élite préfère se saborder elle-même. Dans le domaine éducatif par exemple, cette France de l’élite a renoncé à ses outils de sélection au profit de la discrimination positive. Très récemment, les lycées Louis-le-Grand et Henri-IV qui confortaient traditionnellement leur position d’excellence en sélectionnant leurs élèves sur dossier y ont renoncé au nom de « la lutte contre les discriminations ». La banlieue ira désormais à Louis-le-Grand comme elle va déjà à Sciences-Po. Par favoritisme… et surtout dans l’espoir qu’elle acceptera enfin de se normaliser. Ce qui n’est pas gagné d’avance.

Un univers porté par toute une foule d’acteurs

Le Métavers anti-discrimination n’est pas seulement institué par l’État, il est aussi porté par une foule d’acteurs sociaux et politiques. Dans un numéro récent de la Revue des deux mondes, Brice Couturier évoque l’aspect LGBTQ de la lutte contre les discriminations. Il cite le cas – qui n’a rien d’exceptionnel – de Kathleen Stock, professeur de philosophie à l’Université du Sussex qui a dû démissionner pour avoir réclamé que les « femmes transgenres » qui conservent leurs organes génitaux masculins ne soient pas admises dans les endroits où se déshabillent et où dorment les femmes dites « cisgenres » (nées femmes et désirant le rester). Car « ces femmes transgenres (en clair, nées hommes) peuvent être sexuellement attirées par les femmes ». Que n’avait-elle pas dit là ! Des hordes d’étudiants l’ont injuriée, l’ont dénoncée comme « transphobe » et ont parasité sa salle de cours jusqu’à ce qu’elle démissionne. En vertu de cette logique, la « nageuse » transgenre Lia Thomas a été autorisée à concourir dans les compétitions féminines où « elle » a écrasé ses adversaires (« cisgenres ») et pulvérisé les records féminins. 

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Les prises de position au sujet de l’auto-identification de genre de la Britannique Kathleen Stock (photo) sont courageuses. Elle a été poussée à quitter l’université © REX/SIPA Numéro de reportage : Shutterstock40771816_000006

On pourrait ainsi multiplier les exemples. En politique, le Métavers a commencé par une déstabilisation organisée et volontaire des cadres de référence de la population. Depuis Mitterrand, le pouvoir politique nous abreuve de l’idée que seule la France seule ne peut rien, qu’elle n’existe pas et que le cadre de sa puissance, c’est l’Europe. Emmanuel Macron abuse ainsi de l’expression « souveraineté européenne ». Comme l’écrit Nicolas-Jean Bréhon dans la Revue des deux mondes, cette fiction « est devenue son crédo, son marqueur identitaire ». Pour notre président, la France n’existe pas plus que la culture française. Seule l’Europe existe, seule l’Europe est souveraine. Il s’agit bien entendu d’une imposture politique, une de plus car « la souveraineté suppose une légitimité, une compétence, un territoire. L’Union européenne (UE) n’en a aucun des trois » écrit Nicolas-Jean Bréhon. 

La question que pose ce Métavers est donc la suivante : quand sortirons-nous de cette caverne à illusions et surtout, surtout saurons-nous garder notre calme face à cette incroyable violence qui nous a été infligée ?

Le quidditch change de nom

Suite aux propos « transphobes » de J.K. Rowling, les organisations américaines de quidditch – ce jeu qui s’inspire de l’univers d’Harry Potter et auquel s’amusent des adultes attardés – veulent prendre leurs distances…


Le quidditch est un sport de balle inspiré de l’univers Harry Potter. Chaque équipe compte un minimum de sept joueurs, lesquels chevauchent chacun un « balai volant » avec l’objectif de battre l’adversaire en marquant plus de buts et en attrapant une balle minuscule appelée le « vif d’or ». Dans les romans et films, l’école des sorciers de Poudlard organise chaque année une grande compétition, mais dans le monde réel, des adultes s’adonnent également à ce jeu enfantin.

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Fin 2021, deux véritables ligues du jeu, la US Quidditch et la Major League Quidditch, annoncent vouloir prendre leurs distances avec l’inventeur de leur loisir favori. Elles ont ainsi lancé des sondages pour trouver un nouveau nom à ce sport, en signe de protestation envers des propos prétendument transphobes de la romancière. « Notre jeu a la réputation d’être l’un des plus progressistes au monde en termes d’égalité des sexes et d’inclusivité, en raison de sa règle qui stipule qu’une équipe ne peut pas avoir plus de quatre joueurs du même sexe sur le terrain au même moment », ont-elles avancé dans un communiqué. Oui, le quidditch est un sport qui se veut non seulement mixte, mais aussi ouvert aux non-binaires. À leurs yeux, J. K. Rowling est coupable de ne pas revenir sur des propos tenus en 2020 sur les réseaux sociaux. En partageant un article évoquant « les personnes qui ont leurs règles », elle s’était amusée à dire qu’il devait bien y avoir un mot pour définir ces dernières. En somme, elle défendait l’idée que ce sont les femmes qui ont leurs règles. Un petit scandale qui lui a valu une campagne de haine en ligne, des appels au boycott et même de ne pas être conviée aux retrouvailles des acteurs pour les vingt ans de la saga.

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S’agenouiller devant la nouvelle doxa woke et trans, est-ce à ce point sorcier ? Seul un cynique ajouterait que la suppression du nom de quidditch, une marque déposée appartenant à Warner Bros, ouvrirait la porte au parrainage commercial et à la professionnalisation de ce jeu.

Le sens ethnique des Russes rend peu probable une guerre en Ukraine

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Il existe un véritable sentiment national ukrainien, même là où la langue russe est majoritaire


Il suffit de consulter le site des Affaires étrangères russes, ministère sur lequel règne l’indéboulonnable Sergueï Lavrov, pour constater l’attention soucieuse portée à toutes les minorités russophones qui vivent au-delà des limites de la Fédération de Russie. La fermeture d’une école russophone à Tallinn ou Narva est vécue comme un drame national. Les Russes des périodes impériales, tsariste puis communiste, n’avaient jamais expérimenté la situation de minorité, c’est plutôt eux qui étaient maîtres chez les autres. L’effondrement de l’URSS a inversé la situation et presque toutes les frontières russes sont bordées de pays où vivent des minorités russophones, 26% en Estonie par exemple. Contrairement aux pays baltes, l’Ukraine n’oppose pas un peuple autochtone et une minorité russe. Ce pays est plutôt un subtil dégradé, de Lviv à l’ouest où l’ukrainien est langue maternelle et la religion uniate, rattachée au catholicisme, jusqu’à Kharkiv à l’est où l’on ne parle que russe et où l’on ne prie qu’orthodoxe.

Tout est écrit en ukrainien et tout est parlé en russe!

Je me suis trouvé au milieu, à Kiev en 2001, on y parlait russe mais la plupart des habitants comprenaient l’ukrainien et le considéraient comme un amusant patois folklorique. J’ai même rencontré des gens scandalisés de devoir renseigner certains documents officiels en ukrainien, comme si en Dordogne on obligeait soudain les contribuables à rédiger leur déclaration d’impôt en occitan. Depuis l’ukrainien a progressé dans l’usage parlé et écrit de Kiev, un bon exemple en est le prénom du chef de l’Etat, un ancien Vladimir devenu Volodymir.

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Ces russophones de l’étranger provoquent en Russie une émotion attendrie, ce sont des “frères”, comme étaient les Alsaciens-Lorrains d’avant 1918 pour la génération de ma grand-mère qui chantait “Frères chéris d’Alsace”. “La question des minorités russes est vitale pour la popularité du président Poutine” déclare Cyrille Bret à Atlantico le 8-12-2017 et il ajoute : “La protection des familles russo-ukrainiennes, des russophones et de la culture russe occupe une place importante dans l’attitude de la Russie à l’égard de l’Ukraine”. C’est entendu, les Russes aiment passionnément leurs frères russophones installés à l’étranger. Mais ceux-ci aiment-ils passionnément la Russie ? Les russophones des pays baltes ont pris goût à la démocratie et à la prospérité européennes et ils sont peu pressés de rejoindre le giron moscovite et la férule poutinienne. Les tensions linguistiques paraissent apaisées et le site de Sergueï Lavrov ne peut plus les monter en épingle.

Qu’en est-il en Ukraine ? Je me trouvais en septembre 2021 à Kharkov, dont le nom officiel est maintenant Kharkiv, la grande ville de l’est de l’Ukraine. Je m’amusais à sonder mes interlocuteurs, y compris les rencontres de café, en leur disant : “C’est agaçant pour quelqu’un qui a étudié le russe au lycée, dans votre ville tout est écrit en ukrainien et tout est parlé en russe”. Facile de distinguer les deux, l’ukrainien est écrit en cyrillique auquel on a rajouté un “i” latin qui n’existe pas dans la graphie russe. On m’a chaque fois répondu que c’était normal, que l’ukrainien était la langue de l’Ukraine, et personne ne m’a déclaré son amour pour la langue russe et la Russie. J’en ai déduit la naissance d’un sentiment national ukrainien, même dans une ville russophone de l’est, renforcé sans doute par la proximité inquiétante d’un front de guerre. Rappelons que la terrible famine organisée par Staline en Ukraine, le Holodomor de 1932-33, a frappé aussi bien les populations de langue russe ou ukrainienne. L’appartenance linguistique n’est pas un gage d’unité éternelle, l’Alsace a quitté son contexte germanique par amour pour la France de la Révolution et de l’Empire, les Berbères juifs d’Algérie ont fait de même, conquis par la générosité du décret Crémieux et la grandeur de la culture française.

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Membres des forces de défense territoriale de l’Ukraine dans un parc à Kiev le 22 janvier 2022 © Efrem Lukatsky/AP/SIPA Numéro de reportage: AP22644686_000002

“Nous ne tuerons pas nos frères ukrainiens”

Poutine a une conscience claire des continuités historiques, il sait très bien que la guerre en Ukraine entraînerait des milliers de morts civils et une détestation pour des siècles de la Russie. Ses rodomontades sont à l’adresse des Américains, mais elles comportent un sous-texte bizarre, dont une déclaration que “Nous ne tuerons pas nos frères ukrainiens”. Mes contacts à Kharkov ne croient pas un instant à la guerre. Le président russe est brutal, il pratique dans son pays et avec l’étranger une Realpolitik qui n’a certes rien à voir avec l’humanisme doucereux d’Emmanuel Macron dont on constate les piteux résultats au Mali et en Algérie. Il n’est pas l’Hitler expansionniste auquel veut nous faire croire la propagande américaine. La Crimée a été conquise et peuplée de Russes au XVIII ème siècle par la Grande Catherine, elle est devenue ukrainienne un soir de beuverie khrouchtchévienne, mais elle est russe par la réalité autant que par la culture, ni Tolstoï auteur des Récits de Sébastopol ni Tchekhov dont La Dame au petit chien se passe à Yalta n’étant ukrainiens.

L’Ukraine n’est plus la “Petite Russie”…

La Russie a perdu l’Ukraine, mais Kiev n’est pas libre de choisir l’EU ou l’OTAN


« Nous devons cependant à la bonne foi et aux relations amicales qui existent entre les puissances alliées et les États-Unis, de déclarer que nous considérerions toute tentative de leur part pour étendre leur système à quelque partie de cet hémisphère, comme dangereuse pour notre tranquillité et notre sécurité. Quant aux colonies existantes ou dépendances des puissances européennes, nous ne sommes pas intervenus et n’interviendrons pas dans leurs affaires. Mais, quant aux gouvernements qui ont déclaré leur indépendance, qui l’ont maintenue, et dont nous avons reconnu l’indépendance, après sérieux examen, et sur des justes principes, nous ne pourrions voir l’intervention d’une puissance européenne quelconque dans le but de les opprimer ou de contrarier d’une manière quelconque leur destinée, que comme la manifestation d’une disposition inamicale à l’égard des États-Unis. » 

L’Amérique aux Américains

Ces phrases prononcées par le président des États-Unis James Monroe le 2 décembre 1823 devant le Congrès contient l’essentiel de ce qu’on appelle « la doctrine Monroe » : les Amériques – aussi bien du Nord que du Sud – sont une sphère d’influence de Washington. Ainsi, les gouvernements des pays du continent nouvellement indépendants (et ceux qui se sont affranchis des puissances européennes depuis) ne le sont pas à 100% : ils ne peuvent pas décider seuls de leurs alliances, sujet sur lequel le grand voisin du nord exige un droit de regard. 

Aujourd’hui, les paroles et les gestes de Moscou établissent une sorte de « doctrine Poutine » : les États-Unis sont priés de traiter la Russie comme ils avaient jadis traité l’Union soviétique, c’est-à-dire comme une puissance à craindre, jouissant de droits spéciaux dans son voisinage et d’une voix dans toutes les affaires internationales importantes. 

La crise actuelle avec la Russie et l’Ukraine – dont l’enjeu est donc l’avenir de l’ordre postsoviétique en Europe – est en gestation depuis deux décennies. Ses racines sont profondes et concernent l’identité de la Russie : a-t-elle eu un Empire ou bien était-elle – et est-elle toujours – un Empire ? Autrement dit, est-ce que la Russie a une essence différente de l’Italie, l’Espagne, le Portugal ou le Japon, et peut-elle se concevoir et survivre autrement que comme une puissance mondiale de premier ordre, assise sur un socle terrestre gigantesque et entourée de « marches » ou zones tampons ? 

Inquiétudes russes, flux et reflux

La réponse la plus simple consiste à dire que les élites russes actuellement au pouvoir ainsi qu’une partie importante du peuple russe vivent leur « russité » de cette manière. Et si on prend du recul historique, on observe que la Russie (dirigée par Catherine, Alexandre, Lénine, Staline ou Khrouchtchev) n’est jamais vraiment rassurée dans ses frontières même quand ses « marches » sont bien tenues. Avec une Pologne divisée et subjuguée et une maitrise du Caucase du Sud, les Tsars lorgnaient les mers chaudes, la Perse et l’intégralité de la Mer noire y compris les détroits. Or, contrairement aux États-Unis ou la Chine – et l’Empire britannique avant eux – la Russie n’est pas une puissance commerciale, n’ayant que les matières premières – céréales et fourrures au XIXe siècle, hydrocarbures et minerais aux XXe et XXIe – et les baïonnettes pour imposer ses vues et étendre son influence. Par conséquent, la Russie considérée tel un empire n’a vraiment ni frontières ni « marches » naturelles. Son étendue est en constant flux et reflux au gré des rapports de force. En 1943-1948, l’Empire en position de force s’est servi là où il le pouvait – y compris en Pologne bien que certaines promesses avaient été échangées entre alliés. Quarante ans plus tard, ce sont les États-Unis qui profitaient de leur position pour revenir à la situation d’avant 1939, elle-même conséquence de la faiblesse de la Russie après 1917…

Au cours des années 1990, les États-Unis et leurs alliés ont adapté l’architecture de la sécurité euro-atlantique sans prendre en compte la Russie, ce qu’ils auraient fait si n’importe quel grand dirigeant russe s’était trouvé en face d’eux. Par ailleurs, puisque nous avons commencé avec la doctrine Monroe cette analyse, Khrouchtchev (au pouvoir de 1958 à 1964 ndlr) n’avait-il pas lui aussi tenté de profiter de la faiblesse d’un nouveau président américain (JFK ndlr) dont l’amateurisme s’est révélé quelques mois après son intronisation à la baie de Cochons ? La crise cubaine aurait pu aussi se terminer par un compromis laissant une présence soviétique stratégique dans les Caraïbes. 

Poutine change la donne

Depuis l’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine, il essaie de remettre en cause ce système construit pendant l’absence d’un exécutif russe fort et la convalescence de l’Empire. 

Sa méthode pour inverser les conséquences de l’effondrement de l’Union soviétique consiste à diviser l’alliance transatlantique, et à renégocier les conséquences géopolitiques de la fin à la guerre froide. La question n’est donc pas ce que veut la Russie, mais ce qu’elle peut. Ainsi, il faut se demander si la Russie d’aujourd’hui est capable d’organiser ses « marches » (républiques baltiques, Pologne, Ukraine, Europe centrale, Balkans, Sud Caucase et Asie centrale) comme elle l’avait fait entre 1790 et 1990. La réponse est oui, mais pas partout. Si en Asie centrale les cinq anciennes républiques socialistes soviétiques – où le changement de culture politique est encore fragile – peuvent devenir des satellites de Moscou, on voit mal les Baltes, les Polonais ou les Ukrainiens revenir en arrière du point de vue de leur souveraineté et culture politique. 

Rappelons également que si les intérêts et les craintes de la Russie sont légitimes et le poids de son histoire particulière compréhensible, certains de ses voisins ont aussi des craintes tout aussi sinon plus compréhensibles. On peut même avancer que la dimension impériale immanente à la Russie ne peut que transformer ses voisins en obsédés de sécurité nationale et, vu leur taille, ils n’ont pas d’autre choix que de chercher de très puissants alliés… On imagine donc comment l’armée russe peut battre l’armée ukrainienne et prendre le contrôle militaire du pays, mais on a du mal à voir comment la Russie peut avaler puis digérer l’Ukraine européenne. Et c’est encore plus difficile à imaginer pour les pays déjà membres de l’union européenne.  

Que peut-on conclure ? D’abord que, dans la durée, la Russie s’affaiblit et que, même si depuis une quinzaine d’années Poutine arrive à mettre en place un impressionnant sursaut, quelques données de base – comme la démographie, l’économie ou la sociologie – ne sont pas prometteuses et ne jouent pas en sa faveur. Un compromis raisonnable et peu cher pour les puissances occidentales consisterait à s’engager à ce que l’Ukraine ne soit membre ni de l’OTAN ni de l’UE. Depuis 2014, c’est d’ailleurs une évidence. On ne peut pas exclure que dans dix ou vingt ans l’après-Poutine n’ouvre un nouveau reflux de la puissance russe. À ce moment-là les promesses d’aujourd’hui auront autant de valeur que celles données par Staline au gouvernement polonais en exil, ou par George H. W. Bush à Gorbatchev.

Emmanuel Todd, tout est pardonné!

Après nous avoir agacés pour des propos maladroits sur Charlie Hebdo ou les cathos, l’essayiste iconoclaste s’attaque au féminisme – lequel est désormais omniprésent dans la société et se fait… identitaire.


En pleine vague de néo-féminisme quelque peu hystérique, Emmanuel Todd tente d’insuffler un peu de raison en publiant aux éditions du Seuil une « esquisse de l’histoire des femmes » intitulée Où en sont-elles ?, à grand renfort de cartes et de tableaux statistiques.

Emmanuel Todd a le don de secouer les idées reçues et de proposer des pistes originales. Il nous a parfois exaspérés, notamment avec son Qui est Charlie, quand, revenant sur les manifestations du 11 janvier 2015, il avait voulu mettre sur le dos d’un catholicisme « zombie » – un concept toddien désignant des gens détachés du christianisme mais qui continueraient de le porter sans trop même s’en rendre compte – une réaction populaire saine et légitime, à la hauteur de l’émotion engendrée par la terrible série d’attentats.

Six années se sont écoulées et comme disait la Une de Charlie : « Tout est pardonné ».

Un trigger warning en introduction pour les lecteurs de Mona Chollet

Dans son dernier ouvrage, Todd prend le risque de se placer dans le camp conservateur, voire réactionnaire (au moins sur le plan conceptuel), en récusant les notions de genre et de patriarcat dans le sens entendu par les néo-féministes. Todd a gardé le don de présenter des notions pointues et complexes de manière presque toujours lisible, et de disséminer ici et là des idées provocatrices et paradoxales qui arracheront le sourire au lecteur récompensé d’avoir tenu le coup dans les dédales de la pensée toddienne. Attention tout de même, car avec ce sujet brulant, en plein sommet de la troisième vague féministe, l’auteur prend le risque d’agacer influenceuses, instagrameuses et autres professionnelles du hashtag agressif, qui ne se caractérisent pas par un très grand sens de l’humour. L’auteur donne parfois l’impression d’avancer avec prudence (« Nous vivons dans un monde saturé d’idéologie où les axiomes les plus évidents et raisonnables de la pensée ne sont plus admis alors que les postulats les plus délirants n’ont plus à être justifiés. Tel est le monde de l’hégémonie idéologique, qui peut faire du chercheur prudent un paria et de l’idéologue cinglé un représentant de l’Etat. A chaque pas, des portes ouvertes doivent être enfoncées, avec le sentiment étrange d’une prise de risque »), ponctuant son introduction d’une sorte de trigger warning  (« Je prie le lecteur d’accepter l’idée que s’il trouve dans ce livre une remarque ironique, une plaisanterie, bonne ou mauvaise, ou plus généralement quelque chose qui lui paraît une « prise de parti », ce sera seulement le parti de la recherche contre l’idéologie »).

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L’ouvrage de 400 pages réclame une relative aisance avec les travaux de l’historien et anthropologue. Continuateur du sociologue Frédéric Le Play, Emmanuel Todd ne s’éloigne jamais beaucoup de son dada que sont les structures familiales. En fonction de leur nature (nucléaires, souches, communautaires), le fonctionnement des familles entretient un rapport à l’autorité plus ou moins souple, et lors des héritages, un sens de l’égalité plus ou moins net, qui se répercute ensuite sur les choix politiques à l’échelle de la nation. Par exemple, si la prédominance de la famille nucléaire, à la fois égalitaire et libérale, dans le bassin parisien, a favorisé la Révolution française, la famille souche allemande a plutôt favorisé des régimes inégalitaires et autoritaires, notamment dans les moments de crise. S’il n’est pas évident (pour l’avoir testé) de convaincre grand-monde lors de discussions de comptoir en avançant que les structures familiales ont pu influer sur les choix politiques très différents des Français et des Allemands au cours des années 30, ces instruments donnent à Emmanuel Todd quelques coups d’avance, comme la prévision dès 1976 de la chute de l’URSS (qui lui a valu, en 1990, un passage chez Bernard Pivot, face à Georges Marchais) et l’imminence du Brexit dès 2014.

Féminisme civique, sexuel et identitaire

Emmanuel Todd distingue trois moments dans l’histoire du féminisme : un premier temps civique (l’aspiration à l’égalité civique et la longue lutte pour l’accès au suffrage, couronné fort tard en France) ; un deuxième temps, sexuel, qui coïncide avec mai 68 et permet l’accès aux moyens de contraception et à l’IVG ; un troisième temps, « identitaire », dont les effets les plus visibles se produisent maintenant mais qui est en gestation (si l’on ose dire) depuis les années 1980 avec l’ouvrage (« impénétrable ») de Judith Butler, Gender Trouble, d’importation américaine même si la France a inspiré le mouvement avec la fameuse French Theory). On pourrait nuancer toutefois cette distinction entre un deuxième temps vertueux et un troisième temps délirant : il n’y a qu’à se souvenir du SCUM Manifesto de Valerie Solanas, en 1968, qui promettait d’émasculer les hommes et qui avait tenté d’assassiner Andy Warhol. Si elle avait réussi son coup, son idéologie nous ferait à peu près autant horreur que Charles Manson et ses sbires. Cette troisième vague, qui se manifeste dans l’espace public par des campagnes d’affichage dénonçant les féminicides, semble marquer le paroxysme d’un antagonisme entre hommes et femmes. Aux yeux d’Emmanuel Todd, le plus gros du travail a été fait, et l’on assiste actuellement en réalité davantage à une « accentuation d’un statut des femmes plutôt élevé plutôt qu’[au] renversement d’un « ordre patriarcal », dont le principal inconvénient épistémologique est de ne jamais avoir existé. Todd aurait pu citer Tocqueville, qui avait établi ce paradoxe : « Quand l’inégalité est la loi commune d’une société, les plus fortes inégalités ne frappent point l’œil, mais quand tout est à peu près de niveau, les moindres le blessent. C’est pour cela que le désir de l’égalité devient toujours plus insatiable à mesure que l’égalité est plus grande ».

Marche « contre les féminicides, les violences sexistes et sexuelles « , à l’initiative du collectif NousToutes, Paris, 23 novembre 2019. © Elko Hirsch / Hans Lucas / AFP.

Il est vrai que nous n’avons pas forcément attendu Emmanuel Todd pour ne pas être très convaincus par les notions de patriarcat et de genre. Il a au moins le mérite de remettre un peu les pendules à l’heure sur le plan conceptuel. Le mot « patriarcat » a fait une entrée fracassante dernièrement dans le vocabulaire, sans que l’on s’inquiète de son sens premier. Le mot apparaît déjà chez Le Play pour désigner un type spécifique de famille, notamment russe, mais il est devenu un joli fourre-tout pour désigner une prétendue domination masculine dans toutes les sociétés, parmi tous les systèmes familiaux, sans distinguer entre des espaces qui ont favorisé très tôt une émancipation des femmes (France, Etats-Unis) et d’autres espaces, par exemple arabo-musulman, qui ont surtout favorisé mariages arrangés entre cousins et cousines. L’invocation de ce patriarcat à tout bout de champ rappelle ces mauvaises copies d’élèves de secondes qui commencent par « de tous temps les hommes… ». Quant au genre, il est utilisé pour nier toutes différences biologiques entre hommes et femmes, et pour prendre la place du mot « sexe » ; Todd a du mal à ne pas voir l’effet d’un puritanisme protestant « zombie » bien content d’évacuer du vocabulaire un mot qui renvoie à l’appareil génital. Du christianisme zombie, Todd en voit un peu partout, y compris chez les transgenres, dont le goût pour l’automutilation génitale n’est pas sans rappeler certains des Pères de l’Eglise qui avaient pris au pied de la lettre la parole de Jésus : « Il y a des eunuques qui se sont faits eux-mêmes eunuques pour le royaume des cieux ».

Girl power

Dans ce néo-féminisme, Todd distingue une double tentation contradictoire : d’un côté, il veut croire « en l’existence d’essences intangibles de l’homme et de la femme passées en mode antagoniste » et en même temps, il est tenté de dépasser ledit antagonisme « par la possibilité de revendiquer un autre « genre » que le sien » et le refus de la binarité. Dans cette vague féministe, tout est « construction sociale », jusqu’à la ménopause, d’après une certaine Cécile Charlap, dont le livre La Fabrique de la ménopause a été publié aux éditions du CNRS en 2019. Toujours à l’affut de nouvelles pistes, Todd propose au lecteur de creuser le sujet « des problèmes de prostate comme construction sociale ». Il propose surtout de passer à la quatrième vague du féminisme : un féminisme qui traiterait les femmes en adultes sociales plutôt qu’en victimes.

A lire aussi: Les réflexions de Claude Habib sur la question trans

Todd lance dans son ouvrage quelques pistes intéressantes. Il constate d’abord que l’émancipation des femmes et leur arrivée à des postes importants n’est pas un processus qui se réalise sous nos yeux, mais une chose déjà bien entamée : dès 1968, le nombre de bachelières dépassait le nombre de bacheliers ; des corps de métiers entiers se sont largement féminisés, comme l’enseignement, les sciences humaines et sociales, le journalisme et la justice. Cette arrivée massive des femmes à des postes importants coïncide selon Todd avec l’émergence d’un « néo-libéralisme » et d’une inaptitude à la prise de décision politique tranchée, qu’il n’impute pas forcément aux seules femmes mais un peu quand même, quitte à remonter aux temps ancestraux pour distinguer des hommes chasseurs, plus ou moins collectivistes parce qu’obligés de partager la viande (qui serait rapidement perdue sinon) et des femmes cueilleuses à la fois altruistes à l’égard de leurs enfants et moins sensibles au collectif parce que jalouses d’abord de la survie du foyer. Est-on très loin du fameux « les femmes n’incarnent pas le pouvoir » cher à Eric Zemmour ? Il ne faudrait quand même pas minorer la capacité des femmes à prendre des décisions en politique : Margaret Thatcher savait dire « no no no » et ne s’était pas laisser impressionner par les généraux argentins, machos à grosses moustaches.

Todd n’hésite pas à faire de longs détours par les hommes (et les femmes) des cavernes pour étayer son propos, et même par nos cousins chimpanzés, qui ne partagent pas vraiment notre monogamie (même tempérée par l’adultère) et cherchent surtout à écraser « la concurrence masculine pour répandre [leur] sperme, engendrer le maximum d’enfants qu’il ne connaîtra ni n’élèvera ». Messieurs, au prochain reproche de votre femme ou de votre compagne, n’hésitez pas à rappeler à quel point elle aurait pu tomber sur pire.

N’enlevons pas trop la part d’humanité qu’il y a dans le singe tout de même ; Cioran disait : « Au zoo. Toutes ces bêtes ont une tenue décente, hormis les singes. On sent que l’homme n’est pas loin ».  

À l’aide de ses marottes habituelles (structures familiales, différences de conceptions métaphysiques en fonction des religions), Todd propose un éclairage original qui nous change un peu des sentiers battus actuels, heurtant le politiquement correct sans tomber dans le délire inverse. On se demande si l’on est plus dérouté lorsqu’il arrive à une conclusion qui conforte nos propres intuitions mais par un cheminement particulièrement capillotracté, ou lorsqu’il bouscule nos idées reçues à l’aide d’un raisonnement emballant.

Face à l’islamo-gauchisme et à l’islamo-droitisme, la Reconquête!

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Une tribune libre de Jean Messiha, porte-parole d’Eric Zemmour


Sous les lazzis, les quolibets et les accusations les plus infamantes, le courant national a théorisé il y a quelques années la notion d’islamo-gauchisme, aujourd’hui largement partagée par une grande partie des faiseurs d’opinion. Et pour cause. La gauche a abandonné depuis plusieurs années le peuple français, et en particulier ses classes populaires, enfourchant les combats d’un électorat de substitution, largement musulman, pour lequel elle prend fait et cause. Et le moins que l’on puisse dire c’est ce que cela se voit. Nous connaissions par exemple, depuis 2020, les affaires de Trappes, l’insolente passivité de son maire étiquetté Génération.S,Ali Rabeh, sur l’instauration progressive d’un mode de vie à l’islamique dans certains quartiers. Stéphane Kovacs, le 12 février 2021, consacrait une chronique dans Le Figaro, où il exposait le danger du comportement autoritaire du maire de Trappes face au professeur de philosophie Didier Lemaire menacé de mort dans son lycée pour avoir rapporté la défiance souvent violente de ses élèves face à un enseignement laïc et républicain. On pouvait notamment lire : « le maire, Ali Rabeh, est venu distribuer des tracts blâmant l’enseignant, jusque dans l’enceinte de l’établissement ». Que le rôle de Rabeh dans l’essor islamiste soit passif ou actif, la suite de l’enquête l’éclaircira.

Valérie Pécresse n’a de cesse d’éluder ces affaires, soit en refusant obstinément d’en parler, soit, le plus souvent, en accusant ceux qui les ont révélées de harcèlement

Mais la droite n’est pas en reste en matière de collaborationnisme islamique. Elle y a, elle aussi, avec le centre, la part belle. La même année en effet, en 2020, une étude approfondie conduite sur une longue période par Eve Szeftel, journaliste à l’Agence France Presse, nous révélait, dans un ouvrage détonnant et abasourdissant : Le Maire et les Barbares, des preuves tangibles de la collaboration aussi secrète qu’étroite entre le président du parti du centre UDI, Jean-Christophe Lagarde, et des associations et responsables religieux musulmans des villes de Bobigny et de Drancy, ses fiefs électoraux.

Cette enquête a levé le voile – si l’on ose dire – sur un phénomène existant de longue date : celui du clientélisme politique. L’élasticité docile de Lagarde avec l’islam politique fut l’objet d’une retentissante « Une » du Point : « communautarisme, pactes avec des voyous ou des islamistes : ces élus qui ont vendu leur âme »  (article paru le 13 févr. 2020 à partir d’informations de terrain collectées par Nadjet Cherigui, Hugo Domenach et Clément Pétreault).

L’hommage-anniversaire rendu à Ilan Halimi, enlevé en janvier 2006 par le gang des Barbares, a permis de relancer ces liens pour le moins troubles entre l’élu centriste et l’islam radical. Ces Barbares ont, en effet, été évoqués par l’enquête d’Eve Szeftel où elle dévoile leurs rapports avec la municipalité UDI de Bobigny, ville-préfecture de la Seine-Saint-Denis régie par Lagarde à l’époque des faits. Et bien évidemment, cette proximité a refait surface à l’occasion de l’annonce du ralliement du même Jean-Christophe Lagarde à Valérie Pécresse.

La main tendue par la candidate LR à la présidentielle au président de l’UDI fait scandale parce qu’elle percute frontalement une déclaration de novembre 2021, faite par Eric Ciotti, pilier de la campagne de Pécresse, qui exprimait le mépris immuable qu’il porte à Jean-Christophe Lagarde. « Rassurez-vous, affirmait-il comme s’il s’adressait à lui-même, pour ma part je n’accepterai jamais le soutien d’un personnage qui appelle au meurtre d’un responsable politique (Eric Zemmour) et qui est accusé de connivence avec les islamistes. Monsieur Lagarde ne représente en rien les centristes ». Mais la politique est, par excellence, le terrain de prédilection de la réal-politik. Avec les enjeux présidentiels qui commandent un rassemblement à tout prix pour certains, Eric Ciotti a soudain perdu son credo pourtant maintes fois répétés : « Lagarde, ce sera sans moi ». Sa dénonciation d’un personnage parjure en plus d’être grossier et violent, s’est évaporée dans l’illusion ouatée d’une victoire à l’élection présidentielle. Mais malgré l’incohérence et le reniement mensonger du candidat défait de la primaire LR, tout aurait pu s’arrêter là.

Et patatras ! On apprend il y a quelques jours que deux autres figures des Républicains, au cœur de la stratégie de campagne de Valérie Pécresse, Patrick Karam et Damien Abad, ont eux aussi des relations pour le moins ambiguës avec l’islamisme.

Ces révélations, au demeurant fort bien documentées et sourcées, proviennent du lanceur d’alertes Damien Rieu qui dénonce à juste titre le double discours de cette droite qui roule des mécaniques contre l’islam radical sur les plateaux et dans l’hémicycle mais qui, une fois revenue dans ses pénates électoraux, pactise avec lui. La multiplication des figures de droite duplices et complices fait ainsi apparaître, de ce côté de l’échiquier politique, les contours d’un islamo-droitisme évident.

Patrick Karam est membre du conseil régional d’Île-de-France et conseiller privilégié de Valérie Pécresse pour sa campagne présidentielle. Il est accusé de soutenir l’ancien recteur de la mosquée de Pantin, fermée temporairement pour séparatisme et tentation djihadiste. Rien que ça.

La mosquée radicale de Pantin, qui avait critiqué sur Facebook le professeur assassiné à Conflans Sainte Honorine © CHRISTOPHE SAIDI/SIPA Numéro de reportage : 00986850_000004

Et le très islamo-gauchiste Libé, dans un article paru le 3 février 2022, vient à la rescousse de l’islamo-droitiste Karam. Que dit Libé pour défendre l’élu LR ? Dans l’affaire de Pantin, rien de grave, paraît-il. « Quelques politesses sans grande portée adressées, en 2015, au secrétaire général de l’Union des associations musulmanes de Seine-Saint-Denis, Mohammed Henniche » ! Il s’agit, en réalité, bien plus qu’un simple « échange de politesses ». Cette déclaration d’amitié est ni plus ni moins qu’un retour d’ascenseur. Julien Duffé, le 15 mars 2012, commettait un article dans le Parisien dans lequel il évoquait une « polémique sur les bus musulmans de l’UMP » : « Un bus affrété par l’UMP emportant à son bord uniquement des fidèles musulmans pour participer au meeting géant du candidat Sarkozy. La scène s’est répétée une quinzaine de fois […] en Seine-Saint-Denis, vingt-cinq fois en Ile-de-France. L’information, révélée mardi soir par le « Canard enchaîné », nous a été confirmée hier par le secrétaire général de l’Union des associations musulmanes de Seine-Saint-Denis, Mohammed Hennich […] « En octobre, Patrick Karam (NDLR : en charge de la diversité pour le candidat Sarkozy) m’a demandé à être mis en contact avec des mosquées et des associations musulmanes ».

Circulez, y a rien à voir ? Pas vraiment. L’auteur de la rédaction de Libération ose dans le même papier : « on connaît mieux [Mohammed Henniche] depuis qu’il a provoqué, en 2020, la fermeture pour six mois de la mosquée de Pantin, dont il était le recteur. Il avait relayé la vidéo d’un parent d’élève mettant en cause Samuel Paty, propos qui allaient entraîner l’assassinat du professeur d’histoire […] » C’est cet homme sur lequel Patrick Karam ne tarit pas d’éloges lorsqu’il accompagne Valérie Pécresse au dîner de l’UAM 93, pour l’Iftar (repas de jeûne toléré le soir pendant la durée du Ramadan) du Blanc-Mesnil du 8 juillet 2015, dans le contexte des élections régionales. Le fameux « conseiller communautarisme » de la présidente de la Région Ile-de-France déclare, s’adressant à l’islamiste : « nous avons un long passé commun », et le félicite publiquement.

Mais bien entendu pour Libé, ce sujet est de second plan. Ce qui est peu étonnant : le déni de réalité est pour les islamo-collabos de quelque bord qu’ils soient, un facteur important de passivité ou de procrastination. Ce monde les avantage : pourquoi diable en dénonceraient-ils les failles ou même les méfaits ?

Le nom de Damien Abad apparaît également sur les radars de Damien Rieu pour illustrer la notion d’islamo-droitisme. Abad fut conseiller municipal, député européen, conseiller régional, président de conseil départemental et aujourd’hui président du groupe Les Républicains à l’Assemblée nationale. Un curriculum vitae pour le moins fourni politiquement. Rompu aux campagnes de terrain, Damien Abad se rend, en pleine campagne des législatives de 2017, dans une mosquée à Ambérieu-en-Bugey (visite attestée le 7 juin 2017), dirigée par des islamistes turcs et dont l’une des particularités était de promouvoir des pans de la pensée de Muhmmad Ibn Sâlih al’Uthaymîn, figure islamique qui prescrivait notamment la peine de mort pour les homosexuels et les musulmans « négligés » (attitude se rapprochant, selon l’intellectuel, d’une forme d’apostasie à châtier). Cette mosquée a pour autres « faits d’armes » la promotion d’un certain Zakir Naik qui n’est autre qu’un soutien de Ben Laden… (présence remarquée de sa photographie sur une publication datant du 22 novembre 2015,  neuf jours après les attentats du Bataclan et du Stade de France, sur la page Facebook de la Mosquée Assalam Amberieu-en-Bugey)

Simple maladresse politique de l’élu LR pris dans le tourbillon électoraliste ? Admettons. Mais alors pourquoi réitérer en 2021 son soutien à une mosquée idéologiquement avoisinante ? Les islamistes turcs « aux manettes » de cette mosquée se targuaient ouvertement de défendre la politique impérialiste du sultan Erdogan et refusaient de signer la Charte des principes pour l’Islam de France. Comme seule justification, le candidat devenu député Damien Abad déclarait ne pas vouloir « stigmatiser »  une association dont « beaucoup de ses membres sont investis dans la vie économique du territoire, et associés aux valeurs de la République ». On croit rêver. Une telle déclaration confirme en réalité ce que Damien Abad s’évertue à nier. Les membres de cette association ne respectent donc pas les valeurs de la République mais y « sont associés ». C’est vrai puisque c’est Abad qui le dit. En outre, l’argument économique évoqué prouve également les arrangements qui coexistent entre certains territoires enrichis par l’illégalité (et/ou le séparatisme provocateur) et les fruits électoraux qu’en tirent des élus locaux attachés à leur seule survie politique.

Un orgueil qui participe indéniablement d’une intention de fermer les yeux sur les actions de groupes ennemis de la France et des Français pour peu que cela ait des retombées électorales. Exemple d’une déclaration timorée de Damien Abad sur l’affaire Mila, expliquant, le 5 février 2020 sur LCI face à Elisabeth Martichoux, qu’à la défense de cette jeune femme menacée de mort, il préfère apposer « une barrière » à la liberté d’expression quand il l’estime « détournée pour créer de la haine anti-religieuse ». Cette déclaration, alambiquée s’il en est, rappelle étrangement les manies rhétoriques d’Emmanuel Macron ou de Valérie Pécresse. Elle montre, au moins sur cette question cardinale de l’islam en France, une porosité sinon une identité de vues entre la hiérarchie LR et celle de LREM. 

L’absolue nécessité de se disculper face à ces accusations accablantes a conduit Patrick Karam à devenir un stakhanoviste médiatique (jusqu’à minuit et demi sur LCI, dans la fin de soirée de mercredi 2 février au jeudi 3 février 2022). Sa stratégie de défense ? Esquiver l’inconfort de sa situation actuelle en tapant sur Eric Zemmour. Une vaste blague tant Eric Zemmour est le candidat le plus inflexible en matière de lutte contre l’islamisme. Avec Zemmour, il n’y aura pas de reniement des convictions, ni à des fins électoralistes ni à d’autres fins. Il fera ce qu’il dit et il pourra compter sur tous ceux qui l’ont rejoint en préférant leur pays à leur parti.

Et que répond Eric Ciotti à ces accusations ? « Il y a autour de Zemmour des gens dangereux », fulmine-t-il. Placide, Damien Rieu lui répond par ces mots d’une logique élémentaire : « Quand on considère que l’information est un danger, c’est qu’on n’a pas la conscience tranquille ».

Comment les Français peuvent-ils donc accorder leur confiance à ceux qui en matière de lutte contre la lèpre islamiste les ont si souvent trahis et continuent à le faire ?

La complaisance du pouvoir, sinon sa complicité depuis des décennies, atteindrait les mêmes sommets avec Pécresse que sous le quinquennat Macron. L’Obs titrait cette semaine : « Souvent Valérie varie » (27 janvier 2022). Y a qu’un malheur : l’électorat LR demeure, lui, attaché aux valeurs régaliennes, à l’identité nationale, à la probité, à l’autorité et à la sécurité. L’incroyable est que Valérie Pécresse n’a de cesse d’éluder ces affaires, soit en refusant obstinément d’en parler, soit, le plus souvent, en accusant ceux qui les ont révélées de harcèlement. Elle laisse les LR organiser des conférences de presse contreproductives où ses lieutenants non seulement refusent tout mea culpa ne serait-ce que concessif, mais surtout fuient le moindre début d’explication. Dès lors, comment ne pas rire de la déclaration de Valérie Pécresse qui promet de sortir le Karcher de la cave, alors qu’elle n’est pas capable de le sortir de son placard pour débarrasser son propre parti des miasmes islamoïdes ?

L’islamo-gauchisme a largement contribué à tuer la gauche, réduite aujourd’hui à une poignée de confettis électoraux. De la même manière, l’islamo-droitisme est en train de consumer la droite traditionnelle à petits feux.

Depuis des années, Eric Zemmour n’a eu de cesse d’alerter sur l’islamo-gauchisme qui participe à la mort programmée de la France. Depuis des années, il dénonce le clientélisme complice de nombre d’élus de droite avec l’islamisme. Pour cela, il est sous protection policière. C’est ainsi Chamfort qui avait raison quand il écrivait qu’« en France, on laisse en repos ceux qui mettent le feu, et on persécute ceux qui sonnent le tocsin ». Gageons que les Français ouvrent les yeux sur l’ampleur de ces trahisons et choisissent le seul candidat qui agira enfin pour les sauver. Car, n’en déplaise à tous ses détracteurs, non, la France n’a pas dit son dernier mot.

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Bonjour, tristesse!

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Le mannequin Paulina Porizkova s'est surnommé "La Dame qui pleure d'Instagram". Capture Instagram.

L’éditorial d’Elisabeth Lévy


« Il vaut mieux faire envie que pitié », disaient souvent mes grands-mères. Il s’agissait alors de justifier leur embonpoint et de me consoler du mien. À vrai dire, elles avaient déjà un train de retard : ce qui faisait fantasmer alors les ados, ce n’étaient pas les formes généreuses à la Rubens ou la poitrine grasse de Nana dépeinte avec gourmandise par Zola, mais les hanches étroites et la silhouette garçonne de Jane Birkin. À part ça, mes grand-mères faisaient de la sociologie comme Monsieur Jourdain de la prose. Sans le savoir, elles résumaient d’une formule l’esprit d’un temps où bonheur et réussite étaient admirables, désirables et surtout enviables. Les célébrités étaient toutes supposées avoir une vie sur papier glacé – amour, gloire et beauté, sans oublier le bien chargé de compenser à l’âge mûr la perte de ces dons du ciel.

La journaliste Elisabeth Lévy © Pierre Olivier

Bien sûr, comme nous sommes de drôles d’animaux, le public se repaissait aussi des infortunes de ces enfoirés à qui tout réussissait. Je me rappelle le jour où un journal people a publié la photo de je ne sais plus quelle mannequin en train de s’enfiler une ligne de coke dans les toilettes d’une boîte de nuit (comme si on pouvait être aussi prodigieusement mince naturellement) : cela a non seulement mis un coup d’arrêt à sa carrière, mais aussi fait scandale dans le Landerneau médiatique. Fallait-il montrer l’envers du décor ? Il faut croire que oui. Comme dit l’autre, il ne me suffit pas d’être heureux, encore faut-il que les autres ne le soient point. Et puis savoir qu’on peut souffrir atrocement dans une maison de trente pièces avec piscine, tennis et majordome, ça console de rentrer dans son douze mètres carrés après avoir fait ses courses chez Lidl. Aussi, la marque de l’amour ou de l’amitié authentiques n’est-elle pas de se lamenter des malheurs de l’autre, ce qui est à la portée de n’importe qui, mais de se réjouir de ses succès.

Le bonheur se vend moins bien

Certes, la compétition du bonheur n’a pas disparu – les psychologies collectives ne connaissent pas les virages brutaux. Politiques et vedettes en tout genre continuent donc à exhiber leur couple idéal, leurs enfants parfaits, leurs chiens si affectueux et leurs datchas tout droit sorties des magazines de déco.

Reste que le bonheur se vend moins bien. Il semble même que le malheur soit à la mode. Ce qui, à l’ère de la victime-reine, est finalement assez logique. Je souffre donc je suis. C’est déjà un phénomène étudié par les sociologues, apprend-on dans Le Figaro Madame. Pour l’instant, on l’observe essentiellement dans le monde virtuel, mais il se manifeste dans la « vraie vie » à supposer que la distinction ait encore un sens. Ainsi est-il très tendance de se déclarer « Asperger » (l’autisme des génies) ou « bipolaire ». On citera aussi ces drôles de zigs qui ne supportent pas d’être valides et qui trouvent parfois des « médecins » pour les amputer d’un membre sain. Il est vrai qu’on admet encore qu’il s’agit d’une maladie, appelée l’apotemnophilie. 

Sur les réseaux sociaux, en revanche, ce sont des people apparemment sains d’esprit qui pleurnichent abondamment sur l’épaule virtuelle de leurs followers. Le journal cite une certaine Bella Hadid, mannequin de son état, qui publie des photos d’elle en larmes et évoque sa déprime. Une autre ex-top, répondant au doux nom de Paulina Porizkova, raconte sans filtre qu’elle est trompée ou quittée, je n’ai pas bien compris. Elle s’est d’ailleurs auto-surnommée « La Dame qui pleure d’Instagram ». Il paraît que ces plaintes savamment mises en scène rapportent bien plus de likes, d’abonnés et éventuellement de compensations sonnantes et trébuchantes, que les photos de bonheur triomphant. Généralement, l’exhibition est assortie de justifications philanthropiques, genre je veux aider tous ceux qui ressentent la même chose que moi. Tu parles. En réalité, il s’agit surtout d’attirer l’attention sur soi pour se faire consoler – par des inconnus, ce qui ne laisse pas d’être étrange. Autrement dit, cette faiblesse affichée, que les Américains ont finement baptisée « vulnerability porn », traduit surtout la régression infantile de l’espèce.

Si l’auteur de l’article se montre assez critique sur cette nouvelle mode, c’est parce que, selon elle, un like ne remplace pas un vrai câlin. Pour ma part, cette façon de se montrer tel qu’on est à tous ses contemporains me semble surtout relever de l’impudeur narcissique. Faire bonne figure est une politesse que l’on doit à ses contemporains, qui n’ont rien demandé – en tout cas ceux avec qui on n’a pas de relations intimes. Décidément, je ne dois pas être de ce temps où il vaut mieux faire pitié qu’envie. Que mes grands-mères reposent en paix. 


[1] Caroline Hamelle, “Se montrer en train de pleurer fonctionne mieux que se montrer heureux” : la nouvelle stratégie des réseaux sociaux, 23 janvier 2022.

Robert Ménard: « Pour gagner, la droite doit s’allier »

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©Hannah Assouline

La droite est, au mieux, abonnée à la facilité lorsquelle s’oppose à Macron, au pire la caricature d’elle-même lorsqu’elle se radicalise. Zemmour, Le Pen et Pécresse partagent cependant des points communs – ordre, sécurité, immigration – qu’il faut mettre en avant pour réaliser l’union de la victoire.


Le Covid a fait tomber le mur du mensonge. Oui, cette pandémie a changé beaucoup de choses. Pour moi, en tout cas. Avant ce long drame, avant ces millions de morts, ces vies gâchées par les séquelles de la maladie, ces QR codes inquiétants, ces gamins masqués, les démagogues vivaient encore plus ou moins cachés. La droite en abritait un certain nombre. La droite dite nationale surtout. Au moment où tout le monde se couvrait le visage, parmi elle, certains ont montré le leur en pleine lumière. Cela m’a amené à de nombreuses réflexions, à de profondes remises en cause.

J’avais déjà remarqué que la quasi-totalité des leaders de la droite demeuraient, au-delà de la prudence – et de la décence –, très silencieux à chaque temps fort de la crise. À chaque décision choc prise par Emmanuel Macron, que ce soit le confinement ou la vaccination massive, elle semblait attendre de voir où le vent de l’opinion allait tourner. Malgré l’impact de ces décisions sur les Français, elle tardait souvent à se prononcer, à tweeter, elle détournait discrètement le regard. Pour ne pas froisser son électorat. Pour ne pas risquer de perdre des plumes dans le futur combat de volatiles. C’était impressionnant. J’étais impressionné.

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Je me sentais seul, franc-tireur. Parce que, de mon côté, dans ma ville, je me battais au jour le jour – comme beaucoup d’élus locaux – pour trouver des masques quand ils étaient introuvables, puis pour créer et installer en urgence des centres de dépistage d’abord, de vaccination ensuite. Je n’hésitais pas. Je faisais confiance aux scientifiques. L’intérêt des gens, leur santé, était mon seul souci. Que faire d’autre ?

Marine Le Pen: Un pragmatisme nouveau, une modération assumée…

J’ai découvert alors un vrai manque de bienveillance chez ce qu’on appelle les « conservateurs » ou les « réacs ». Un monopole de l’absence de cœur, pour paraphraser un ancien président. Tant pis si le mot « bienveillance » est galvaudé, tant pis s’il est repris par le gouvernement. C’est sans doute ce qui manque beaucoup dans notre camp. J’avais la naïveté de croire que les comportements avaient évolué, je faisais une erreur.

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Au fil des mois, mes prises de position ont troublé, voire révolté une partie de ceux qui me soutiennent. Les insultes, les menaces aussi parfois pleuvaient sur les réseaux asociaux. Pourtant, je suis resté le même. Pour l’ordre, contre l’immigration folle et incontrôlée, mais humaniste. Je ne peux pas, je ne veux pas renier ce que j’ai fait pendant vingt-cinq ans à la tête de Reporters sans frontières !

Alors oui, quand Emmanuel Macron applique ce que j’estime être bon, je le dis. Même si je n’oublie pas ses incohérences, ses errements, ses mensonges répétés, son paternalisme culpabilisant, y compris à l’égard des élus. Le respect de l’adversaire politique, la nuance, le goût du compromis, je les ai appris dans mon métier de maire. Face aux vrais problèmes du quotidien. Loin des terres stériles de la théorie. L’idéologie, c’est ce qui pense à notre place, disait Jean-François Revel.

Je ne suis membre d’aucun parti politique : je n’en peux définitivement plus de cette opposition bête et méchante, mécanique, robotique, de cette abrutissante « discipline de parti ». Elle ne fait pas avancer la France, elle l’a plutôt fait reculer. La droite est trop souvent réduite à cela. Dans l’aigreur, à ne parler que de déclin. La gauche est pire, prisonnière de ses concepts éculés, de sa démagogie infantile.

La crise sanitaire a également révélé que certains n’hésitent pas, pour de basses raisons électorales, à diffuser le poison du complot. En mentant, en niant parfois l’existence même du virus. Une partie de la droite s’en est malheureusement fait l’écho. Je pense à Nicolas Dupont-Aignan ou à Florian Philippot, plongés dans le complotisme le plus fou. N’éprouvant aucune honte à qualifier la France de Macron de « dictature », alors qu’ils sont en pâmoison devant le sinistre Poutine.

Aussi, j’en arrive à ce constat : la droite – honorable quand elle défend les valeurs, l’ordre, la sécurité – est atteinte d’un cancer en phase avancée. Une partie d’elle-même se radicalise, s’arc-boute sur un passé fantasmé, la défense d’un Occident chrétien idéalisé, un irrationalisme qui vire au complotisme : le même phénomène venu des marges a tué électoralement Trump et bientôt Bolsonaro.

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Cette droite devient alors une caricature d’elle-même, enfermée dans un monde peuplé d’écoliers en blouses grises, d’hommes forts en treillis, de femmes aux fourneaux et de coups de trique. Elle ne propose pas d’avenir. Elle n’a plus d’élan, engoncée dans ses vieux mots, ses vieux réflexes, ses vieilles rancunes. Devant ce théâtre de marionnettes, le chef de l’État peut s’amuser, agitant sa muleta, que ce soit le drapeau européen sous l’Arc de triomphe ou l’« emmerdement » des non-vaccinés. Chaque fois, la droite a foncé tête baissée sur le morceau de tissu rouge ! Incapable de comprendre les aspirations réelles des gens, massivement d’accord avec le président sur le vaccin ou, au pire, indifférents au drapeau européen !

Arc de Triomphe, Paris, le 1er janvier 2022 © SADAKA EDMOND/SIPA Numéro de reportage : 01054969_000001

Mettons les choses au point : ce qui me rapproche, quoiqu’avec des nuances, de Marine Le Pen, d’Éric Zemmour et de Valérie Pécresse, c’est la volonté de rétablir l’ordre et la sécurité dans ce pays. La volonté de freiner durablement cette immigration extra-européenne qui n’en finit plus et qui rend impossible toute espèce de début d’intégration. Pour le reste, je suis dubitatif.

Dieu merci, rien n’est figé. J’ai pu constater que Marine changeait. Pas assez ? Sûrement. Mais déjà beaucoup. Elle a appris de ses défaites. Elle écoute. Elle est chaleureuse avec le peuple d’en bas. Elle ne rêve pas de vacances à Ibiza ou à Saint-Martin. Elle n’est pas son père. Ses blessures, ses déceptions lui ont donné une envergure qu’elle n’avait pas il y a cinq ans. Elle a vécu. Elle est plus raisonnable, plus réaliste sur l’immigration, la place des Français musulmans, l’Europe, l’euro. Elle vient d’abandonner l’absurde interdiction de la double nationalité inscrite dans son programme. Un pragmatisme nouveau, une modération assumée.

D’autres analyses, d’autres choix sont possibles. Je les respecte. Reste une certitude. Ou plutôt deux. Si la droite veut avancer dans le xxie siècle, il lui faut se débarrasser de ses toiles d’araignée. Les pédants parleront d’aggiornamento. Et surtout, elle doit sortir du piège mitterrandien dans lequel Jacques Chirac a foncé tête baissée : la droite doit s’allier si elle veut gagner. Aucun de ses candidats ne gagnera tout seul. C’est une évidence, une règle d’airain, le bon sens même. La victoire future et l’alternance sont à ce prix.

« Populiste ! » — l’injure à laquelle le capitaine Haddock n’avait pas pensé

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Caputre BFM TV

Gérald Darmanin a perdu ses nerfs face à la journaliste Apolline de Malherbe. « Populiste ! » lui a-t-il lancé. Il est bien curieux qu’un mot qui s’ancre dans le peuple soit devenu une injure.


Ça chauffait donc sur BFM TV, ce mardi matin. Apolline de Malherbe demandait à Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur en charge de la sécurité, de commenter les (très) mauvais chiffres de l’insécurité en France, en hausse dans tous les domaines sauf dans les violences sans armes et les cambriolages, paraît-il. Et de conclure par cette interrogation somme toute anodine : « Est-ce que vous ne vous êtes pas réveillé un peu tard sur ces questions de sécurité ? »

Le ministre a piqué sa crise. Il a feint de croire qu’il était sur CNews (quel humour !), puis a qualifié l’interrogation de la journaliste d’« un peu populiste » — et il a repris le mot quelques instants plus tard. Une façon un peu inélégante de gifler son interlocutrice.

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Permettez au professeur de Lettres que je suis de résumer l’histoire de cette notion. À l’origine (début du XXe siècle), le mot désigne une tendance politique et a servi d’abord à qualifier les mouvements insurrectionnels dans la Russie tsariste des années 1870, où l’on faisait appel au peuple contre le pouvoir. Le mot arrive en France, où il ne correspond à aucun mouvement politique de l’époque — nous sommes déjà enrégimentés par les partis. Il est donc rapatrié dans le domaine littéraire, pour qualifier — après 1918 — une école romanesque (puis cinématographique) qui représente la vie du peuple, en réaction contre une littérature bourgeoise qui se passait strictement dans le milieu confiné de « la haute », comme on disait alors. Un titre ? Hôtel du Nord, d’Eugène Dabit — qui sera adapté avec le succès que l’on sait par Marcel Carné et donnera l’occasion à Arletty de lancer à Jouvet l’une de ces répliques qui l’ont immortalisée (« Atmosphère, atmosphère ! Est-ce que j’ai une gueule d’atmosphère ? »). Il y a même un « prix du roman populiste », décerné justement pour la première fois en 1931 à Dabit, et qui couronna par la suite Troyat, Sartre (qui ne se sentit nullement offensé) ou, plus récemment, Daniel Picouly ou Laurent Gaudé. 

C’est via la critique marxiste que le sens du terme s’infléchit. Est qualifié de « populiste » tout mouvement qui s’adresse au peuple sans passer par les organisations. Les communistes y voient l’apologie des petits paysans (beurk !), des petits commerçants (re-beurk !), réfutant la lutte des classes. Le poujadisme des années 1950 est ainsi qualifié de populiste par le PCF. C’est l’époque où Jean-Marie Le Pen est élu sur les listes de Pierre Poujade.

À l’origine, le mot est un dérivé savant du latin populus, le peuple. Il est significatif que notre société oligarchique, où quelques privilégiés en auto-reproduction ont confisqué le pouvoir, ait décidé qu’il s’agissait d’une injure. Le succès du Non au référendum de 2005 sur la Constitution européenne a été si bien ressenti comme « populiste » que le Congrès s’est dépêché de se réunir pour voter l’application d’un principe que le peuple venait de rejeter. C’est le péché mortel qui a scellé tout à la fois la mainmise d’institutions supra-nationales sur la politique française, et la suspicion dans laquelle le peuple tient désormais toute la classe politique. Les politologues s’interrogent aujourd’hui gravement sur les sources de l’abstention, toujours plus massive. Il ne faut pas chercher bien loin, elle est née le jour où quelques centaines de politiciens sont passés par-dessus la volonté du peuple.

Ces mêmes politiciens ont recueilli le mot « populisme » des mains douteuses des communistes et le lancent désormais à la face des rares journalistes qui font encore leur travail.

On pourrait faire une lecture rétrograde du « populisme », qui existait bien avant que le mot ne débarque dans le vocabulaire. « Populiste » sans doute, Mirabeau qui lance à l’envoyé de Louis XVI, après le Serment du Jeu de Paume : « Allez dire à votre maître que nous sommes ici par la volonté du peuple et qu’on ne nous en arrachera que par la puissance des baïonnettes. » « Populiste », Victor Hugo avec les Misérables. « Populiste » enfin Edouard Daladier lorsqu’il évoque, en 1934, les « deux cents familles » qui régentent la France — et qui ne sont guère plus nombreuses aujourd’hui. « Ce sont deux cents familles, s’écrie alors le futur Président du Conseil, qui, par l’intermédiaire des conseils d’administration, par l’autorité grandissante de la banque qui émettait les actions et apportait le crédit, sont devenues les maîtresses indiscutables, non seulement de l’économie française mais de la politique française elle-même. Ce sont des forces qu’un État démocratique ne devrait pas tolérer, que Richelieu n’eût pas tolérées dans le royaume de France. L’empire des deux cents familles pèse sur le système fiscal, sur les transports, sur le crédit. Les deux cents familles placent leurs mandataires dans les cabinets politiques. Elles agissent sur l’opinion publique car elles contrôlent la presse. »

« Complotisme ! » s’écrient alors les émissaires stipendiés de l’oligarchie qui se partage le pouvoir sous des étiquettes interchangeables — droite ou gauche par exemple, blanc bonnet, bonnet blanc.

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Que Gérald Darmanin use du terme est significatif de l’arrogance de la caste. La montée de l’insécurité est indéniable, et les chiffres effarants que citait Apolline de Malherbe proviennent du ministère même. L’accusation de « populisme » est typique du déni dans lequel s’enfonce la classe politique, persuadée que tant qu’elle maîtrise les médias et les spectacles, et qu’elle agitera le spectre d’une épidémie dont on comprend enfin qu’elle fut bénigne, elle continuera à faire des affaires. Le carnaval de l’élection présidentielle n’est qu’un leurre, un spectacle supplémentaire pour amuser le… peuple. Le mouvement des gilets jaunes fut un coup de semonce, mais les dirigeants de la multinationale France ne l’ont pas entendu. Eh bien gageons que la prochaine fois que l’on parlera de violence dans les médias, ce ne sera plus seulement pour évoquer les attaques à main armée, les viols et les assauts contre les forces de l’ordre, mais pour décrire un nouveau 1789 à la française — un grand moment populiste.


Élisabeth Lévy : « Darmanin accusé de sexisme ? On n’a plus le droit de se moquer d’une fille ? »

Retrouvez la chronique d’Elisabeth Lévy, directrice de la rédaction de Causeur, chaque matin à 8h10 sur Sud Radio

Les nouveaux Fouquier-Tinville

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Isabelle Balkany rend visite a Patrick Balkany, novembre 2019 © ACau/SIPA

Quelles que soient les suites judiciaires de l’affaire Balkany, il faut revenir au point de départ: l’acharnement de certains juges dont l’obsession est de mettre en prison les anciens collaborateurs de Nicolas Sarkozy à l’Élysée et, si possible, l’ancien président lui-même et ses proches. Pour exemple, le président de chambre au tribunal judiciaire de Paris qui a déjà épinglé à son tableau de chasse Patrick Balkany justement, ainsi que Claude Guéant et qui ne compte pas s’arrêter là.


Il s’appelle Benjamin Blanchet. Président de chambre au tribunal judiciaire de Paris, il a déjà épinglé à son tableau de chasse Patrick Balkany et Claude Guéant et ne compte pas s’arrêter là. En septembre 2020, il avait bénéficié d’une « tribune » dans Le Monde qui l’avait présenté ainsi : « Afin de redonner crédit et force à la justice française, Benjamin Blanchet appelle à une réforme donnant le pouvoir de proposition de nomination des magistrats du siège et du parquet au Conseil supérieur de la magistrature. » Dans sa tribune, il avait effectivement confirmé : « Le chemin sera encore long tant les assauts sont multiples et pernicieux. C’est en effet comme s’il fallait absolument persuader nos concitoyens que la justice de leur pays ne connaît, s’agissant du traitement des affaires sensibles, que le favoritisme, la soumission, le corporatisme et la politisation. » Le président Blanchet préfère clairement que tous les magistrats, qu’ils soient juges du siège ou procureurs, soient totalement indépendants et qu’ils se gèrent eux-mêmes. 

Quelques jours plus tard, il avait encore pris parti en ce sens alors qu’il participait à la fameuse manifestation du Syndicat de la magistrature, sur le thème « Assis, debout, mais pas couchés », contre le nouveau garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti. Ce « Syndicat », devenu célèbre lors de l’affaire pour le moins honteuse du « mur des cons », est connu pour être très à gauche. Notre nouveau Fouquier-Tinville avait été interviewé lors de cette manifestation par le journal Libération, lui aussi très à gauche : « Les procureurs de la République, avait-il déclaré, se lèvent pour requérir, les magistrats du siège sont assis lorsqu’ils écoutent les parties, lorsqu’ils jugent. Les uns et les autres ne veulent pas se coucher devant le pouvoir exécutif, parce qu’ils sont indépendants et entendent bien le rester », reposant ainsi à nouveau le problème de l’indépendance des procureurs, lesquels, en France, ne sont pas des magistrats comme les autres. Ils sont fonctionnaires et dépendent du ministère de la Justice, c’est-à-dire du pouvoir en place. 

Une très grande rigueur contre les personnalités politiques

Est-ce la raison pour laquelle, voulant contrebalancer des réquisitions qu’il estime parfois trop mièvres de la part de certains procureurs, ou simplement par conviction personnelle, Benjamin Blanchet applique la plus grande rigueur dans ses décisions ou jugements contre des personnalités politiques, spécialement lorsqu’il s’agit d’anciens collaborateurs de Nicolas Sarkozy ou de l’ancien président lui-même ? Ainsi, en octobre dernier, dans l’affaire des sondages de l’Élysée, outrepassant clairement le cadre judiciaire, il n’avait pas hésité à déclarer avec emphase : « Le Tribunal ordonne que ce témoin [Nicolas Sarkozy] soit amené devant lui par la force publique », exactement comme le faisait l’« accusateur public » Fouquier-Tinville pendant la Révolution. Les procureurs du parquet ayant considéré que cette convocation par la contrainte serait contraire « au bon sens et à la sagesse » [1], Benjamin Blanchet était passé outre, estimant, selon la vieille formule usée, que la présence de Nicolas Sarkozy était « nécessaire à la manifestation de la vérité ». 

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Protégé par son immunité présidentielle [2] et voulant éviter que la maréchaussée ne débarque brutalement chez lui avec ses gros sabots, comme le souhaitait notre ardent défenseur du Syndicat de la magistrature, Nicolas Sarkozy s’est présenté de lui-même devant la 32e chambre correctionnelle et, d’entrée de jeu, a contesté les raisons de sa présence. S’adressant au président du tribunal, il lui a déclaré : « J’ai appris par la presse que vous aviez lancé un mandat d’amener pour me contraindre par la force publique à venir témoigner. De mon point de vue, cette décision n’est pas constitutionnelle et surtout, elle est totalement disproportionnée. » Et d’ajouter : « C’est un principe essentiel des démocraties qui s’appelle la séparation des pouvoirs et, comme président de la République, je n’ai pas à rendre compte de l’organisation de mon cabinet ou de la façon dont j’ai exercé mon mandat devant un tribunal. » 

Une folle addition de plus de 3 millions d’euros!

Le président Blanchet, si partisan soit-il d’un gouvernement des juges, a dû se contenter de ce rapide cours de droit constitutionnel, ce qui l’a peut-être encore plus poussé à avoir la main lourde dans ce dossier des sondages de l’Élysée où plusieurs collaborateurs du président étaient accusés d’avoir organisé à leur profit personnel de nombreux sondages d’opinion. Qu’on en juge : soupçonnés de « favoritisme » et de « détournement de fonds publics », Patrick Buisson, alors proche conseiller du chef de l’État, a été condamné à titre personnel à 2 ans de prison avec sursis et 150 000 euros d’amende, ses deux sociétés étant condamnées à une amende supplémentaire de 550 000 euros et au remboursement de 1,2 million d’euros. Pierre Giacometti a été condamné à 6 mois avec sursis et 70 000 euros d’amende et sa société à 300 000 euros d’amende tandis qu’Ipsos se prenait une condamnation à 1 million d’euros. Au total, une folle addition de plus de 3 millions d’euros si l’on additionne les amendes et les remboursements [3]

Restait Claude Guéant. Condamné, pour sa part, à 8 mois de prison ferme avec mandat de dépôt, il a le tort sans doute d’avoir été un homme de confiance très proche de Nicolas Sarkozy et à ce titre il est l’objet d’une étonnante vindicte de la part des justiciers “rouges”. Ancien préfet, ancien secrétaire général de l’Élysée pendant quatre ans, ancien ministre de l’Intérieur, il avait déjà été condamné en janvier 2019 dans l’affaire dite « des primes de cabinet » du ministère de l’Intérieur à 1 an de prison ferme plus 1 an avec sursis, ainsi qu’à une amende de 75 000 euros et au remboursement de 105 000 euros. Comme il avait été poursuivi par la justice dans l’affaire probablement fictive – 10 ans de procédures et toujours rien de tangible – du financement libyen de la campagne présidentielle de 2007 de Nicolas Sarkozy et que les juges d’instruction avaient confisqué ses biens immobiliers personnels en 2017, il se trouvait dans l’impossibilité matérielle de régler ses dettes judiciaires aux dates prévues.

Cette affaire des écoutes qui avait choqué toute l’Europe…

La suite de l’histoire est tellement croquignolesque qu’on ne peut que se poser des questions sur la sérénité et le sérieux qui peuvent régner dans les enceintes du Parquet national financier et de certains tribunaux. En raison de plusieurs retards de paiement, la cour d’appel de Paris a carrément décidé de faire écrouer Claude Guéant à la prison de la Santé le 13 décembre dernier. Une première en France, a fortiori pour un ancien ministre de l’Intérieur de santé fragile et âgé de 77 ans ! Mais l’acharnement de la justice ne s’est pas arrêté là, son passé judiciaire s’étant télescopé avec le procès des sondages de l’Élysée. Et, pour commencer, le Parquet national financier, profitant de cette nouvelle séquence, a décidé d’alourdir ses réquisitions sous le prétexte qu’il « ne respecte pas les décisions de justice », en demandant 1 an d’emprisonnement contre 6 mois auparavant. L’ancien ministre, ayant payé entre-temps ses dettes judiciaires grâce à des amis, a déposé une demande de remise en liberté qui ne sera tranchée qu’en février. En attendant il reste en prison. À 77 ans !

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Quant à Nicolas Sarkozy, la cour d’appel de Paris lui a donné rendez-vous entre le 28 novembre et le 14 décembre 2022 dans l’affaire dite des « écoutes », également appelée affaire « Bismuth » : un autre dossier croquignolesque dans lequel il avait été condamné en première instance à 3 ans de prison dont 1 an ferme pour corruption et trafic d’influence. Ce dossier, né en 2014 de très nombreuses et scandaleuses écoutes téléphoniques entre Nicolas Sarkozy et son avocat Thierry Herzog, ce qui avait choqué l’Europe entière, à propos d’un magistrat, Gilbert Azibert, qui souhaitait paraît-il être pistonné pour obtenir un maigre complément d’activité à Monaco, ce dossier donc avait donné l’impression d’avoir été monté de toutes pièces pour obtenir à tout prix une condamnation de l’ancien président. Et, en plus, l’ancien président n’avait jamais pris contact avec Monaco dans cette affaire ! En première instance, la défense s’était insurgée sans succès contre un procès basé sur des « fantasmes » et des « hypothèses ». Résultat : une condamnation outrageuse – 3 ans de prison dont 1 an ferme ! – contre un ancien président de la République, ses deux « complices », le magistrat et son avocat, écopant de la même peine, Thierry Herzog ayant droit à un supplément totalement abusif : une interdiction d’exercer son métier pendant 5 ans. Du pur sadisme judiciaire !

Une nouvelle carrière de justicier “rouge” 

Revenons à notre autre « président », Benjamin Blanchet, et à deux de ses faits d’armes antérieurs : l’affaire Brochand et le procès Balkany. Âgé de 83 ans, Bernard Brochand, ancien maire de Cannes, est le doyen d’âge de l’Assemblée. Il est député depuis vingt ans. La Haute Autorité pour la transparence (HATVP), à peine créée par François Hollande, signale en 2014 au parquet de Paris qu’il détient un compte dormant en Suisse depuis une quarantaine d’années, qu’il n’a pas déclaré et sur lequel dort environ 1 million d’euros. Une procédure de « plaider-coupable » lui est proposée et le parquet obtient l’accord du député, assisté de son avocat Éric Dupond-Moretti, sur une transaction très élevée : 200 000 euros d’amende et 8 mois de prison avec sursis. Ce qui clôt provisoirement l’affaire : pour que cette condamnation soit homologuée il faut en effet qu’un juge donne son accord, ce qui est généralement automatique. Sauf que le juge chargé de la chose s’appelle Benjamin Blanchet, lequel refuse catégoriquement, estimant que « les peines sont inadaptées au regard des circonstances de l’infraction et de la personnalité de l’auteur […] représentant de la Nation ». 

Procès Balkany : on retrouve en mai 2019 Me Dupond-Moretti, qui n’est pas encore ministre, comme défenseur de l’ancien maire de Levallois, poursuivi essentiellement pour des raisons fiscales, entre autres joyeusetés « prise illégale d’intérêts », « corruption passive » et « blanchissement de fraude fiscale aggravée ». La nouvelle rencontre Blanchet/Dupond-Moretti va faire des étincelles. L’avocat sait que le juge qui se veut un porte-drapeau en matière de justice fiscale sera d’une totale intransigeance et sollicite un report de l’audience, ce qui lui sera refusé. Il demande alors au président du tribunal, dans une manœuvre hardie et désespérée mais sans succès non plus, de « renoncer à juger » son client et de se « déporter », mettant en cause son impartialité dans l’affaire Brochand « au seul motif qu’il était député ». On connaît la suite : 4 ans de prison ferme pour Patrick Balkany avec mandat de dépôt et incarcération immédiate à la prison de la Santé. Le nouveau Fouquier-Tinville du Syndicat de la magistrature venait de démarrer de façon éclatante sa carrière de justicier rouge ! 


[1] https://www.liberation.fr/societe/police-justice/proces-des-sondages-de-lelysee-le-tribunal-ordonne-laudition-de-nicolas-sarkozy-comme-temoin-20211019_64NZVZLII5GTBDOKL2GD735ZVU/

[2] « Depuis la réforme constitutionnelle de 2007, le président de la République bénéficie d’une immunité absolue et permanente, sauf en cas de manquement grave à ses fonctions, comme le prévoit l’article 67 de la Constitution qui indique que le chef de l’État « n’est pas responsable des actes accomplis en cette qualité. » Cela concerne les domaines aussi bien politique, pénal, civil qu’administratif, et aucune action en justice ne peut être engagée contre lui pour les actes accomplis dans le cadre de sa fonction, et cela, même après la fin de son mandat. » Charles Deluermoz. Le Point du 01/03/2017

[3] https://www.lefigaro.fr/actualite-france/sondages-de-l-elysee-claude-gueant-condamne-a-huit-mois-de-prison-ferme-20220121

Le Métavers, c’est maintenant!

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Mark Zuckerberg (à gauche) joue aux cartes dans le metavers. Image: capture d'écran YouTube.

Vous pensiez pouvoir échapper au métavers, ce monde virtuel infernal où Mark Zuckerberg – le boss de Facebook – entend vous faire dépenser tout votre fric? En réalité, vous êtes depuis fort longtemps déjà coincés dans une vaste caverne à illusions. La démonstration d’Yves Mamou, avec de gros morceaux d’islamophobie, de transphobie ou de Gérald Darmanin dedans!


Facebook promeut une future version d’Internet où des espaces virtuels, persistants et partagés vous seront accessibles via interaction 3D… Selon Mark Zuckerberg, c’est le grand bouleversement à venir. 

Dans ce Métavers (ainsi cet univers virtuel a-t-il été baptisé), nous pourrons interagir avec les amis, la famille, les collègues, faire du shopping, flirter, jouer et travailler. La virtualité nous permettra d’agir dans la vie réelle, mais sans bouger de chez nous. Avec un léger casque sur le nez, nous pourrons abolir la distance, rencontrer qui bon nous semble, créer des liens à la demande, immédiats et sans déplacements. Le Metavers permettra-t-il de faire des bébés à distance ? Telle est sans doute la vraie limite de l’opération : l’épreuve du réel.

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Une France “islamophobe”?

C’est là que les géants de la tech ont des leçons à prendre. Le vrai pouvoir aujourd’hui n’est pas de créer un espace pour l’illusion, mais de transfigurer la réalité. En d’autres termes, le vrai pouvoir est d’obliger les populations à prendre des vessies pour des lanternes. À cet égard, nos dirigeants politiques sont passés maîtres es-métavers. Depuis des années, les dirigeants occidentaux et notamment français, s’échinent à nous bâtir une réalité « antiraciste ». Et ça marche. Prenez la grande manif du 11 mai 2015 initiée par l’Élysée où trônait encore François Hollande. En bonne logique, quand des islamistes assassinent des journalistes, il s’agit d’un acte de guerre. La bonne réponse de l’État, garant des institutions et de la liberté d’expression, serait de riposter par d’autres actes de guerre : fermer les mosquées salafistes, embastiller les récalcitrants, dissoudre des associations islamistes, expulser les irréductibles etc. Mais au lieu de cela, pour ne pas paraître « islamophobe », pour ne pas donner le sentiment qu’en France, les institutions prennent le parti de ceux qui « insultent la religion », l’État a organisé une marche. Plusieurs millions de Français ont marché en défense de la « liberté d’expression ». Une manifestation était-elle la bonne réponse contre la terreur islamiste ? Si l’on énumère le nombre d’assassinats qui ont suivi, on peut penser que non.

La journaliste Ophélie Meunier © D.R.

Et pourtant, en 2022, les menaces de mort proférées contre la journaliste Ophélie Meunier, auteur d’un reportage décapant sur l’islamisation de Roubaix (M6), ont enclenché les mêmes mécanismes.  Ophélie Meunier a été placée sous protection policière comme les survivants de l’équipe du journal Charlie Hebdo, et 160 personnalités ont signé une pétition exigeant le respect de la « la liberté d’expression »… comme en 2015. Des associations islamistes ont-elles été dissoutes ? Le procureur a-t-il diligenté une enquête immédiate ? Un islamiste éructant sa haine a-t-il été arrêté ? Nenni ! S’attaquer à des musulmans qui agissent en islamistes passe toujours, en 2022, comme un crime raciste. 

La justice a puissamment contribué à la « métavérisation » antiraciste de la société. Au lendemain de l’attentat contre Charlie Hebdo, Christiane Taubira n’a eu qu’un seul souci : protéger les musulmans d’éventuelles représailles populaires. Une circulaire est ainsi partie du ministère de la Justice le 12 janvier 2015 pour sommer tous les procureurs de France de punir sévèrement toutes les attaques, y compris verbales, qui pourraient être proférées contre « les religions » (sous-entendu l’islam).  Dans le Métavers, après un attentat islamiste, les victimes sont d’abord musulmanes.

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Les « islamophobes » qui avaient osé oublier cette règle de la victimisation des musulmans, ont vu les procès en racisme antimusulman s’intensifier contre eux. En 2017, l’historien Georges Bensoussan a payé le prix psychologique, financier et moral de trois procès en racisme pour avoir osé suggérer que l’antisémitisme était solidement ancré dans la société musulmane française. Charlie Hebdo, Michel Houellebecq, Mohamed Louizi et des dizaines d’autres « islamophobes » ont été contraints de se rendre à la barre pour se justifier des critiques « racistes » qu’ils avaient osé énoncer contre l’islam. 

Redoutable métavers judiciaire…

Le Métavers judiciaire est d’autant plus redoutable qu’il est souple. En 2016, le procureur François Molins expliquait doctement qu’il n’était pas envisageable de détenir préventivement les islamistes fichés « S » (c’est le socle de l’État de droit disait-il). « On ne peut pas détenir quelqu’un avant qu’il ait commis une infraction », soulignait le procureur. Cela revenait à punir un innocent. En 2022 pourtant, la justice n’a pas hésité une seconde à condamner à neuf ans de prison ferme Aurélien Chapeau – un néo-nazi, il est vrai – en raison de « la multiplicité des actes préparatoires » à un attentat qu’il n’a jamais commis et que, Aurélien Chapeau l’a affirmé tout au long de son procès, il n’aurait jamais commis.

Le Métavers policier n’est pas très éloigné du métavers judiciaire. Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, a tenté de faire passer des manifestants anti-passe vaccinal pour des activistes nazis parce que certains de ces manifestants, ont été photographiés, à un moment de la marche, le bras tendu. Dans le Métavers macronien, tous les opposants politiques sont plus ou moins des clones de la SS tout droit sortis de la cuisse d’Adolf Hitler !

La lutte contre les discriminations racistes est la pierre angulaire du Métavers politique. C’est elle qui permet de ne pas aborder la réalité. La France qui a importé sur son sol une population musulmane qu’elle a renoncé à assimiler, puis à intégrer et avec laquelle même le « vivre ensemble » est problématique, repousse en permanence l’épreuve du réel. Plutôt que de reconnaître le décrochage politique, religieux, social et éducatif d’une partie importante de cette population immigrée d’Afrique et d’Afrique du Nord, la France de l’élite préfère se saborder elle-même. Dans le domaine éducatif par exemple, cette France de l’élite a renoncé à ses outils de sélection au profit de la discrimination positive. Très récemment, les lycées Louis-le-Grand et Henri-IV qui confortaient traditionnellement leur position d’excellence en sélectionnant leurs élèves sur dossier y ont renoncé au nom de « la lutte contre les discriminations ». La banlieue ira désormais à Louis-le-Grand comme elle va déjà à Sciences-Po. Par favoritisme… et surtout dans l’espoir qu’elle acceptera enfin de se normaliser. Ce qui n’est pas gagné d’avance.

Un univers porté par toute une foule d’acteurs

Le Métavers anti-discrimination n’est pas seulement institué par l’État, il est aussi porté par une foule d’acteurs sociaux et politiques. Dans un numéro récent de la Revue des deux mondes, Brice Couturier évoque l’aspect LGBTQ de la lutte contre les discriminations. Il cite le cas – qui n’a rien d’exceptionnel – de Kathleen Stock, professeur de philosophie à l’Université du Sussex qui a dû démissionner pour avoir réclamé que les « femmes transgenres » qui conservent leurs organes génitaux masculins ne soient pas admises dans les endroits où se déshabillent et où dorment les femmes dites « cisgenres » (nées femmes et désirant le rester). Car « ces femmes transgenres (en clair, nées hommes) peuvent être sexuellement attirées par les femmes ». Que n’avait-elle pas dit là ! Des hordes d’étudiants l’ont injuriée, l’ont dénoncée comme « transphobe » et ont parasité sa salle de cours jusqu’à ce qu’elle démissionne. En vertu de cette logique, la « nageuse » transgenre Lia Thomas a été autorisée à concourir dans les compétitions féminines où « elle » a écrasé ses adversaires (« cisgenres ») et pulvérisé les records féminins. 

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Les prises de position au sujet de l’auto-identification de genre de la Britannique Kathleen Stock (photo) sont courageuses. Elle a été poussée à quitter l’université © REX/SIPA Numéro de reportage : Shutterstock40771816_000006

On pourrait ainsi multiplier les exemples. En politique, le Métavers a commencé par une déstabilisation organisée et volontaire des cadres de référence de la population. Depuis Mitterrand, le pouvoir politique nous abreuve de l’idée que seule la France seule ne peut rien, qu’elle n’existe pas et que le cadre de sa puissance, c’est l’Europe. Emmanuel Macron abuse ainsi de l’expression « souveraineté européenne ». Comme l’écrit Nicolas-Jean Bréhon dans la Revue des deux mondes, cette fiction « est devenue son crédo, son marqueur identitaire ». Pour notre président, la France n’existe pas plus que la culture française. Seule l’Europe existe, seule l’Europe est souveraine. Il s’agit bien entendu d’une imposture politique, une de plus car « la souveraineté suppose une légitimité, une compétence, un territoire. L’Union européenne (UE) n’en a aucun des trois » écrit Nicolas-Jean Bréhon. 

La question que pose ce Métavers est donc la suivante : quand sortirons-nous de cette caverne à illusions et surtout, surtout saurons-nous garder notre calme face à cette incroyable violence qui nous a été infligée ?

Le quidditch change de nom

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Wikimedia Commons

Suite aux propos « transphobes » de J.K. Rowling, les organisations américaines de quidditch – ce jeu qui s’inspire de l’univers d’Harry Potter et auquel s’amusent des adultes attardés – veulent prendre leurs distances…


Le quidditch est un sport de balle inspiré de l’univers Harry Potter. Chaque équipe compte un minimum de sept joueurs, lesquels chevauchent chacun un « balai volant » avec l’objectif de battre l’adversaire en marquant plus de buts et en attrapant une balle minuscule appelée le « vif d’or ». Dans les romans et films, l’école des sorciers de Poudlard organise chaque année une grande compétition, mais dans le monde réel, des adultes s’adonnent également à ce jeu enfantin.

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Fin 2021, deux véritables ligues du jeu, la US Quidditch et la Major League Quidditch, annoncent vouloir prendre leurs distances avec l’inventeur de leur loisir favori. Elles ont ainsi lancé des sondages pour trouver un nouveau nom à ce sport, en signe de protestation envers des propos prétendument transphobes de la romancière. « Notre jeu a la réputation d’être l’un des plus progressistes au monde en termes d’égalité des sexes et d’inclusivité, en raison de sa règle qui stipule qu’une équipe ne peut pas avoir plus de quatre joueurs du même sexe sur le terrain au même moment », ont-elles avancé dans un communiqué. Oui, le quidditch est un sport qui se veut non seulement mixte, mais aussi ouvert aux non-binaires. À leurs yeux, J. K. Rowling est coupable de ne pas revenir sur des propos tenus en 2020 sur les réseaux sociaux. En partageant un article évoquant « les personnes qui ont leurs règles », elle s’était amusée à dire qu’il devait bien y avoir un mot pour définir ces dernières. En somme, elle défendait l’idée que ce sont les femmes qui ont leurs règles. Un petit scandale qui lui a valu une campagne de haine en ligne, des appels au boycott et même de ne pas être conviée aux retrouvailles des acteurs pour les vingt ans de la saga.

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S’agenouiller devant la nouvelle doxa woke et trans, est-ce à ce point sorcier ? Seul un cynique ajouterait que la suppression du nom de quidditch, une marque déposée appartenant à Warner Bros, ouvrirait la porte au parrainage commercial et à la professionnalisation de ce jeu.

Le sens ethnique des Russes rend peu probable une guerre en Ukraine

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Visite diplomatique du président Macron à Kiev, auprès du président Volodymyr Zelensky, 8 février 2022 © Ukrainian Presidency/SIPA

Il existe un véritable sentiment national ukrainien, même là où la langue russe est majoritaire


Il suffit de consulter le site des Affaires étrangères russes, ministère sur lequel règne l’indéboulonnable Sergueï Lavrov, pour constater l’attention soucieuse portée à toutes les minorités russophones qui vivent au-delà des limites de la Fédération de Russie. La fermeture d’une école russophone à Tallinn ou Narva est vécue comme un drame national. Les Russes des périodes impériales, tsariste puis communiste, n’avaient jamais expérimenté la situation de minorité, c’est plutôt eux qui étaient maîtres chez les autres. L’effondrement de l’URSS a inversé la situation et presque toutes les frontières russes sont bordées de pays où vivent des minorités russophones, 26% en Estonie par exemple. Contrairement aux pays baltes, l’Ukraine n’oppose pas un peuple autochtone et une minorité russe. Ce pays est plutôt un subtil dégradé, de Lviv à l’ouest où l’ukrainien est langue maternelle et la religion uniate, rattachée au catholicisme, jusqu’à Kharkiv à l’est où l’on ne parle que russe et où l’on ne prie qu’orthodoxe.

Tout est écrit en ukrainien et tout est parlé en russe!

Je me suis trouvé au milieu, à Kiev en 2001, on y parlait russe mais la plupart des habitants comprenaient l’ukrainien et le considéraient comme un amusant patois folklorique. J’ai même rencontré des gens scandalisés de devoir renseigner certains documents officiels en ukrainien, comme si en Dordogne on obligeait soudain les contribuables à rédiger leur déclaration d’impôt en occitan. Depuis l’ukrainien a progressé dans l’usage parlé et écrit de Kiev, un bon exemple en est le prénom du chef de l’Etat, un ancien Vladimir devenu Volodymir.

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Ces russophones de l’étranger provoquent en Russie une émotion attendrie, ce sont des “frères”, comme étaient les Alsaciens-Lorrains d’avant 1918 pour la génération de ma grand-mère qui chantait “Frères chéris d’Alsace”. “La question des minorités russes est vitale pour la popularité du président Poutine” déclare Cyrille Bret à Atlantico le 8-12-2017 et il ajoute : “La protection des familles russo-ukrainiennes, des russophones et de la culture russe occupe une place importante dans l’attitude de la Russie à l’égard de l’Ukraine”. C’est entendu, les Russes aiment passionnément leurs frères russophones installés à l’étranger. Mais ceux-ci aiment-ils passionnément la Russie ? Les russophones des pays baltes ont pris goût à la démocratie et à la prospérité européennes et ils sont peu pressés de rejoindre le giron moscovite et la férule poutinienne. Les tensions linguistiques paraissent apaisées et le site de Sergueï Lavrov ne peut plus les monter en épingle.

Qu’en est-il en Ukraine ? Je me trouvais en septembre 2021 à Kharkov, dont le nom officiel est maintenant Kharkiv, la grande ville de l’est de l’Ukraine. Je m’amusais à sonder mes interlocuteurs, y compris les rencontres de café, en leur disant : “C’est agaçant pour quelqu’un qui a étudié le russe au lycée, dans votre ville tout est écrit en ukrainien et tout est parlé en russe”. Facile de distinguer les deux, l’ukrainien est écrit en cyrillique auquel on a rajouté un “i” latin qui n’existe pas dans la graphie russe. On m’a chaque fois répondu que c’était normal, que l’ukrainien était la langue de l’Ukraine, et personne ne m’a déclaré son amour pour la langue russe et la Russie. J’en ai déduit la naissance d’un sentiment national ukrainien, même dans une ville russophone de l’est, renforcé sans doute par la proximité inquiétante d’un front de guerre. Rappelons que la terrible famine organisée par Staline en Ukraine, le Holodomor de 1932-33, a frappé aussi bien les populations de langue russe ou ukrainienne. L’appartenance linguistique n’est pas un gage d’unité éternelle, l’Alsace a quitté son contexte germanique par amour pour la France de la Révolution et de l’Empire, les Berbères juifs d’Algérie ont fait de même, conquis par la générosité du décret Crémieux et la grandeur de la culture française.

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Membres des forces de défense territoriale de l’Ukraine dans un parc à Kiev le 22 janvier 2022 © Efrem Lukatsky/AP/SIPA Numéro de reportage: AP22644686_000002

“Nous ne tuerons pas nos frères ukrainiens”

Poutine a une conscience claire des continuités historiques, il sait très bien que la guerre en Ukraine entraînerait des milliers de morts civils et une détestation pour des siècles de la Russie. Ses rodomontades sont à l’adresse des Américains, mais elles comportent un sous-texte bizarre, dont une déclaration que “Nous ne tuerons pas nos frères ukrainiens”. Mes contacts à Kharkov ne croient pas un instant à la guerre. Le président russe est brutal, il pratique dans son pays et avec l’étranger une Realpolitik qui n’a certes rien à voir avec l’humanisme doucereux d’Emmanuel Macron dont on constate les piteux résultats au Mali et en Algérie. Il n’est pas l’Hitler expansionniste auquel veut nous faire croire la propagande américaine. La Crimée a été conquise et peuplée de Russes au XVIII ème siècle par la Grande Catherine, elle est devenue ukrainienne un soir de beuverie khrouchtchévienne, mais elle est russe par la réalité autant que par la culture, ni Tolstoï auteur des Récits de Sébastopol ni Tchekhov dont La Dame au petit chien se passe à Yalta n’étant ukrainiens.

L’Ukraine n’est plus la “Petite Russie”…

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Moscou, 7 février 2022 © EPN/Newscom/SIPA

La Russie a perdu l’Ukraine, mais Kiev n’est pas libre de choisir l’EU ou l’OTAN


« Nous devons cependant à la bonne foi et aux relations amicales qui existent entre les puissances alliées et les États-Unis, de déclarer que nous considérerions toute tentative de leur part pour étendre leur système à quelque partie de cet hémisphère, comme dangereuse pour notre tranquillité et notre sécurité. Quant aux colonies existantes ou dépendances des puissances européennes, nous ne sommes pas intervenus et n’interviendrons pas dans leurs affaires. Mais, quant aux gouvernements qui ont déclaré leur indépendance, qui l’ont maintenue, et dont nous avons reconnu l’indépendance, après sérieux examen, et sur des justes principes, nous ne pourrions voir l’intervention d’une puissance européenne quelconque dans le but de les opprimer ou de contrarier d’une manière quelconque leur destinée, que comme la manifestation d’une disposition inamicale à l’égard des États-Unis. » 

L’Amérique aux Américains

Ces phrases prononcées par le président des États-Unis James Monroe le 2 décembre 1823 devant le Congrès contient l’essentiel de ce qu’on appelle « la doctrine Monroe » : les Amériques – aussi bien du Nord que du Sud – sont une sphère d’influence de Washington. Ainsi, les gouvernements des pays du continent nouvellement indépendants (et ceux qui se sont affranchis des puissances européennes depuis) ne le sont pas à 100% : ils ne peuvent pas décider seuls de leurs alliances, sujet sur lequel le grand voisin du nord exige un droit de regard. 

Aujourd’hui, les paroles et les gestes de Moscou établissent une sorte de « doctrine Poutine » : les États-Unis sont priés de traiter la Russie comme ils avaient jadis traité l’Union soviétique, c’est-à-dire comme une puissance à craindre, jouissant de droits spéciaux dans son voisinage et d’une voix dans toutes les affaires internationales importantes. 

La crise actuelle avec la Russie et l’Ukraine – dont l’enjeu est donc l’avenir de l’ordre postsoviétique en Europe – est en gestation depuis deux décennies. Ses racines sont profondes et concernent l’identité de la Russie : a-t-elle eu un Empire ou bien était-elle – et est-elle toujours – un Empire ? Autrement dit, est-ce que la Russie a une essence différente de l’Italie, l’Espagne, le Portugal ou le Japon, et peut-elle se concevoir et survivre autrement que comme une puissance mondiale de premier ordre, assise sur un socle terrestre gigantesque et entourée de « marches » ou zones tampons ? 

Inquiétudes russes, flux et reflux

La réponse la plus simple consiste à dire que les élites russes actuellement au pouvoir ainsi qu’une partie importante du peuple russe vivent leur « russité » de cette manière. Et si on prend du recul historique, on observe que la Russie (dirigée par Catherine, Alexandre, Lénine, Staline ou Khrouchtchev) n’est jamais vraiment rassurée dans ses frontières même quand ses « marches » sont bien tenues. Avec une Pologne divisée et subjuguée et une maitrise du Caucase du Sud, les Tsars lorgnaient les mers chaudes, la Perse et l’intégralité de la Mer noire y compris les détroits. Or, contrairement aux États-Unis ou la Chine – et l’Empire britannique avant eux – la Russie n’est pas une puissance commerciale, n’ayant que les matières premières – céréales et fourrures au XIXe siècle, hydrocarbures et minerais aux XXe et XXIe – et les baïonnettes pour imposer ses vues et étendre son influence. Par conséquent, la Russie considérée tel un empire n’a vraiment ni frontières ni « marches » naturelles. Son étendue est en constant flux et reflux au gré des rapports de force. En 1943-1948, l’Empire en position de force s’est servi là où il le pouvait – y compris en Pologne bien que certaines promesses avaient été échangées entre alliés. Quarante ans plus tard, ce sont les États-Unis qui profitaient de leur position pour revenir à la situation d’avant 1939, elle-même conséquence de la faiblesse de la Russie après 1917…

Au cours des années 1990, les États-Unis et leurs alliés ont adapté l’architecture de la sécurité euro-atlantique sans prendre en compte la Russie, ce qu’ils auraient fait si n’importe quel grand dirigeant russe s’était trouvé en face d’eux. Par ailleurs, puisque nous avons commencé avec la doctrine Monroe cette analyse, Khrouchtchev (au pouvoir de 1958 à 1964 ndlr) n’avait-il pas lui aussi tenté de profiter de la faiblesse d’un nouveau président américain (JFK ndlr) dont l’amateurisme s’est révélé quelques mois après son intronisation à la baie de Cochons ? La crise cubaine aurait pu aussi se terminer par un compromis laissant une présence soviétique stratégique dans les Caraïbes. 

Poutine change la donne

Depuis l’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine, il essaie de remettre en cause ce système construit pendant l’absence d’un exécutif russe fort et la convalescence de l’Empire. 

Sa méthode pour inverser les conséquences de l’effondrement de l’Union soviétique consiste à diviser l’alliance transatlantique, et à renégocier les conséquences géopolitiques de la fin à la guerre froide. La question n’est donc pas ce que veut la Russie, mais ce qu’elle peut. Ainsi, il faut se demander si la Russie d’aujourd’hui est capable d’organiser ses « marches » (républiques baltiques, Pologne, Ukraine, Europe centrale, Balkans, Sud Caucase et Asie centrale) comme elle l’avait fait entre 1790 et 1990. La réponse est oui, mais pas partout. Si en Asie centrale les cinq anciennes républiques socialistes soviétiques – où le changement de culture politique est encore fragile – peuvent devenir des satellites de Moscou, on voit mal les Baltes, les Polonais ou les Ukrainiens revenir en arrière du point de vue de leur souveraineté et culture politique. 

Rappelons également que si les intérêts et les craintes de la Russie sont légitimes et le poids de son histoire particulière compréhensible, certains de ses voisins ont aussi des craintes tout aussi sinon plus compréhensibles. On peut même avancer que la dimension impériale immanente à la Russie ne peut que transformer ses voisins en obsédés de sécurité nationale et, vu leur taille, ils n’ont pas d’autre choix que de chercher de très puissants alliés… On imagine donc comment l’armée russe peut battre l’armée ukrainienne et prendre le contrôle militaire du pays, mais on a du mal à voir comment la Russie peut avaler puis digérer l’Ukraine européenne. Et c’est encore plus difficile à imaginer pour les pays déjà membres de l’union européenne.  

Que peut-on conclure ? D’abord que, dans la durée, la Russie s’affaiblit et que, même si depuis une quinzaine d’années Poutine arrive à mettre en place un impressionnant sursaut, quelques données de base – comme la démographie, l’économie ou la sociologie – ne sont pas prometteuses et ne jouent pas en sa faveur. Un compromis raisonnable et peu cher pour les puissances occidentales consisterait à s’engager à ce que l’Ukraine ne soit membre ni de l’OTAN ni de l’UE. Depuis 2014, c’est d’ailleurs une évidence. On ne peut pas exclure que dans dix ou vingt ans l’après-Poutine n’ouvre un nouveau reflux de la puissance russe. À ce moment-là les promesses d’aujourd’hui auront autant de valeur que celles données par Staline au gouvernement polonais en exil, ou par George H. W. Bush à Gorbatchev.

Emmanuel Todd, tout est pardonné!

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Emmanuel Todd © BALTEL/SIPA

Après nous avoir agacés pour des propos maladroits sur Charlie Hebdo ou les cathos, l’essayiste iconoclaste s’attaque au féminisme – lequel est désormais omniprésent dans la société et se fait… identitaire.


En pleine vague de néo-féminisme quelque peu hystérique, Emmanuel Todd tente d’insuffler un peu de raison en publiant aux éditions du Seuil une « esquisse de l’histoire des femmes » intitulée Où en sont-elles ?, à grand renfort de cartes et de tableaux statistiques.

Emmanuel Todd a le don de secouer les idées reçues et de proposer des pistes originales. Il nous a parfois exaspérés, notamment avec son Qui est Charlie, quand, revenant sur les manifestations du 11 janvier 2015, il avait voulu mettre sur le dos d’un catholicisme « zombie » – un concept toddien désignant des gens détachés du christianisme mais qui continueraient de le porter sans trop même s’en rendre compte – une réaction populaire saine et légitime, à la hauteur de l’émotion engendrée par la terrible série d’attentats.

Six années se sont écoulées et comme disait la Une de Charlie : « Tout est pardonné ».

Un trigger warning en introduction pour les lecteurs de Mona Chollet

Dans son dernier ouvrage, Todd prend le risque de se placer dans le camp conservateur, voire réactionnaire (au moins sur le plan conceptuel), en récusant les notions de genre et de patriarcat dans le sens entendu par les néo-féministes. Todd a gardé le don de présenter des notions pointues et complexes de manière presque toujours lisible, et de disséminer ici et là des idées provocatrices et paradoxales qui arracheront le sourire au lecteur récompensé d’avoir tenu le coup dans les dédales de la pensée toddienne. Attention tout de même, car avec ce sujet brulant, en plein sommet de la troisième vague féministe, l’auteur prend le risque d’agacer influenceuses, instagrameuses et autres professionnelles du hashtag agressif, qui ne se caractérisent pas par un très grand sens de l’humour. L’auteur donne parfois l’impression d’avancer avec prudence (« Nous vivons dans un monde saturé d’idéologie où les axiomes les plus évidents et raisonnables de la pensée ne sont plus admis alors que les postulats les plus délirants n’ont plus à être justifiés. Tel est le monde de l’hégémonie idéologique, qui peut faire du chercheur prudent un paria et de l’idéologue cinglé un représentant de l’Etat. A chaque pas, des portes ouvertes doivent être enfoncées, avec le sentiment étrange d’une prise de risque »), ponctuant son introduction d’une sorte de trigger warning  (« Je prie le lecteur d’accepter l’idée que s’il trouve dans ce livre une remarque ironique, une plaisanterie, bonne ou mauvaise, ou plus généralement quelque chose qui lui paraît une « prise de parti », ce sera seulement le parti de la recherche contre l’idéologie »).

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L’ouvrage de 400 pages réclame une relative aisance avec les travaux de l’historien et anthropologue. Continuateur du sociologue Frédéric Le Play, Emmanuel Todd ne s’éloigne jamais beaucoup de son dada que sont les structures familiales. En fonction de leur nature (nucléaires, souches, communautaires), le fonctionnement des familles entretient un rapport à l’autorité plus ou moins souple, et lors des héritages, un sens de l’égalité plus ou moins net, qui se répercute ensuite sur les choix politiques à l’échelle de la nation. Par exemple, si la prédominance de la famille nucléaire, à la fois égalitaire et libérale, dans le bassin parisien, a favorisé la Révolution française, la famille souche allemande a plutôt favorisé des régimes inégalitaires et autoritaires, notamment dans les moments de crise. S’il n’est pas évident (pour l’avoir testé) de convaincre grand-monde lors de discussions de comptoir en avançant que les structures familiales ont pu influer sur les choix politiques très différents des Français et des Allemands au cours des années 30, ces instruments donnent à Emmanuel Todd quelques coups d’avance, comme la prévision dès 1976 de la chute de l’URSS (qui lui a valu, en 1990, un passage chez Bernard Pivot, face à Georges Marchais) et l’imminence du Brexit dès 2014.

Féminisme civique, sexuel et identitaire

Emmanuel Todd distingue trois moments dans l’histoire du féminisme : un premier temps civique (l’aspiration à l’égalité civique et la longue lutte pour l’accès au suffrage, couronné fort tard en France) ; un deuxième temps, sexuel, qui coïncide avec mai 68 et permet l’accès aux moyens de contraception et à l’IVG ; un troisième temps, « identitaire », dont les effets les plus visibles se produisent maintenant mais qui est en gestation (si l’on ose dire) depuis les années 1980 avec l’ouvrage (« impénétrable ») de Judith Butler, Gender Trouble, d’importation américaine même si la France a inspiré le mouvement avec la fameuse French Theory). On pourrait nuancer toutefois cette distinction entre un deuxième temps vertueux et un troisième temps délirant : il n’y a qu’à se souvenir du SCUM Manifesto de Valerie Solanas, en 1968, qui promettait d’émasculer les hommes et qui avait tenté d’assassiner Andy Warhol. Si elle avait réussi son coup, son idéologie nous ferait à peu près autant horreur que Charles Manson et ses sbires. Cette troisième vague, qui se manifeste dans l’espace public par des campagnes d’affichage dénonçant les féminicides, semble marquer le paroxysme d’un antagonisme entre hommes et femmes. Aux yeux d’Emmanuel Todd, le plus gros du travail a été fait, et l’on assiste actuellement en réalité davantage à une « accentuation d’un statut des femmes plutôt élevé plutôt qu’[au] renversement d’un « ordre patriarcal », dont le principal inconvénient épistémologique est de ne jamais avoir existé. Todd aurait pu citer Tocqueville, qui avait établi ce paradoxe : « Quand l’inégalité est la loi commune d’une société, les plus fortes inégalités ne frappent point l’œil, mais quand tout est à peu près de niveau, les moindres le blessent. C’est pour cela que le désir de l’égalité devient toujours plus insatiable à mesure que l’égalité est plus grande ».

Marche « contre les féminicides, les violences sexistes et sexuelles « , à l’initiative du collectif NousToutes, Paris, 23 novembre 2019. © Elko Hirsch / Hans Lucas / AFP.

Il est vrai que nous n’avons pas forcément attendu Emmanuel Todd pour ne pas être très convaincus par les notions de patriarcat et de genre. Il a au moins le mérite de remettre un peu les pendules à l’heure sur le plan conceptuel. Le mot « patriarcat » a fait une entrée fracassante dernièrement dans le vocabulaire, sans que l’on s’inquiète de son sens premier. Le mot apparaît déjà chez Le Play pour désigner un type spécifique de famille, notamment russe, mais il est devenu un joli fourre-tout pour désigner une prétendue domination masculine dans toutes les sociétés, parmi tous les systèmes familiaux, sans distinguer entre des espaces qui ont favorisé très tôt une émancipation des femmes (France, Etats-Unis) et d’autres espaces, par exemple arabo-musulman, qui ont surtout favorisé mariages arrangés entre cousins et cousines. L’invocation de ce patriarcat à tout bout de champ rappelle ces mauvaises copies d’élèves de secondes qui commencent par « de tous temps les hommes… ». Quant au genre, il est utilisé pour nier toutes différences biologiques entre hommes et femmes, et pour prendre la place du mot « sexe » ; Todd a du mal à ne pas voir l’effet d’un puritanisme protestant « zombie » bien content d’évacuer du vocabulaire un mot qui renvoie à l’appareil génital. Du christianisme zombie, Todd en voit un peu partout, y compris chez les transgenres, dont le goût pour l’automutilation génitale n’est pas sans rappeler certains des Pères de l’Eglise qui avaient pris au pied de la lettre la parole de Jésus : « Il y a des eunuques qui se sont faits eux-mêmes eunuques pour le royaume des cieux ».

Girl power

Dans ce néo-féminisme, Todd distingue une double tentation contradictoire : d’un côté, il veut croire « en l’existence d’essences intangibles de l’homme et de la femme passées en mode antagoniste » et en même temps, il est tenté de dépasser ledit antagonisme « par la possibilité de revendiquer un autre « genre » que le sien » et le refus de la binarité. Dans cette vague féministe, tout est « construction sociale », jusqu’à la ménopause, d’après une certaine Cécile Charlap, dont le livre La Fabrique de la ménopause a été publié aux éditions du CNRS en 2019. Toujours à l’affut de nouvelles pistes, Todd propose au lecteur de creuser le sujet « des problèmes de prostate comme construction sociale ». Il propose surtout de passer à la quatrième vague du féminisme : un féminisme qui traiterait les femmes en adultes sociales plutôt qu’en victimes.

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Todd lance dans son ouvrage quelques pistes intéressantes. Il constate d’abord que l’émancipation des femmes et leur arrivée à des postes importants n’est pas un processus qui se réalise sous nos yeux, mais une chose déjà bien entamée : dès 1968, le nombre de bachelières dépassait le nombre de bacheliers ; des corps de métiers entiers se sont largement féminisés, comme l’enseignement, les sciences humaines et sociales, le journalisme et la justice. Cette arrivée massive des femmes à des postes importants coïncide selon Todd avec l’émergence d’un « néo-libéralisme » et d’une inaptitude à la prise de décision politique tranchée, qu’il n’impute pas forcément aux seules femmes mais un peu quand même, quitte à remonter aux temps ancestraux pour distinguer des hommes chasseurs, plus ou moins collectivistes parce qu’obligés de partager la viande (qui serait rapidement perdue sinon) et des femmes cueilleuses à la fois altruistes à l’égard de leurs enfants et moins sensibles au collectif parce que jalouses d’abord de la survie du foyer. Est-on très loin du fameux « les femmes n’incarnent pas le pouvoir » cher à Eric Zemmour ? Il ne faudrait quand même pas minorer la capacité des femmes à prendre des décisions en politique : Margaret Thatcher savait dire « no no no » et ne s’était pas laisser impressionner par les généraux argentins, machos à grosses moustaches.

Todd n’hésite pas à faire de longs détours par les hommes (et les femmes) des cavernes pour étayer son propos, et même par nos cousins chimpanzés, qui ne partagent pas vraiment notre monogamie (même tempérée par l’adultère) et cherchent surtout à écraser « la concurrence masculine pour répandre [leur] sperme, engendrer le maximum d’enfants qu’il ne connaîtra ni n’élèvera ». Messieurs, au prochain reproche de votre femme ou de votre compagne, n’hésitez pas à rappeler à quel point elle aurait pu tomber sur pire.

N’enlevons pas trop la part d’humanité qu’il y a dans le singe tout de même ; Cioran disait : « Au zoo. Toutes ces bêtes ont une tenue décente, hormis les singes. On sent que l’homme n’est pas loin ».  

À l’aide de ses marottes habituelles (structures familiales, différences de conceptions métaphysiques en fonction des religions), Todd propose un éclairage original qui nous change un peu des sentiers battus actuels, heurtant le politiquement correct sans tomber dans le délire inverse. On se demande si l’on est plus dérouté lorsqu’il arrive à une conclusion qui conforte nos propres intuitions mais par un cheminement particulièrement capillotracté, ou lorsqu’il bouscule nos idées reçues à l’aide d’un raisonnement emballant.

Où en sont-elles ?: Une esquisse de l'histoire des femmes

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Face à l’islamo-gauchisme et à l’islamo-droitisme, la Reconquête!

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© Jacques Witt/SIPA

Une tribune libre de Jean Messiha, porte-parole d’Eric Zemmour


Sous les lazzis, les quolibets et les accusations les plus infamantes, le courant national a théorisé il y a quelques années la notion d’islamo-gauchisme, aujourd’hui largement partagée par une grande partie des faiseurs d’opinion. Et pour cause. La gauche a abandonné depuis plusieurs années le peuple français, et en particulier ses classes populaires, enfourchant les combats d’un électorat de substitution, largement musulman, pour lequel elle prend fait et cause. Et le moins que l’on puisse dire c’est ce que cela se voit. Nous connaissions par exemple, depuis 2020, les affaires de Trappes, l’insolente passivité de son maire étiquetté Génération.S,Ali Rabeh, sur l’instauration progressive d’un mode de vie à l’islamique dans certains quartiers. Stéphane Kovacs, le 12 février 2021, consacrait une chronique dans Le Figaro, où il exposait le danger du comportement autoritaire du maire de Trappes face au professeur de philosophie Didier Lemaire menacé de mort dans son lycée pour avoir rapporté la défiance souvent violente de ses élèves face à un enseignement laïc et républicain. On pouvait notamment lire : « le maire, Ali Rabeh, est venu distribuer des tracts blâmant l’enseignant, jusque dans l’enceinte de l’établissement ». Que le rôle de Rabeh dans l’essor islamiste soit passif ou actif, la suite de l’enquête l’éclaircira.

Valérie Pécresse n’a de cesse d’éluder ces affaires, soit en refusant obstinément d’en parler, soit, le plus souvent, en accusant ceux qui les ont révélées de harcèlement

Mais la droite n’est pas en reste en matière de collaborationnisme islamique. Elle y a, elle aussi, avec le centre, la part belle. La même année en effet, en 2020, une étude approfondie conduite sur une longue période par Eve Szeftel, journaliste à l’Agence France Presse, nous révélait, dans un ouvrage détonnant et abasourdissant : Le Maire et les Barbares, des preuves tangibles de la collaboration aussi secrète qu’étroite entre le président du parti du centre UDI, Jean-Christophe Lagarde, et des associations et responsables religieux musulmans des villes de Bobigny et de Drancy, ses fiefs électoraux.

Cette enquête a levé le voile – si l’on ose dire – sur un phénomène existant de longue date : celui du clientélisme politique. L’élasticité docile de Lagarde avec l’islam politique fut l’objet d’une retentissante « Une » du Point : « communautarisme, pactes avec des voyous ou des islamistes : ces élus qui ont vendu leur âme »  (article paru le 13 févr. 2020 à partir d’informations de terrain collectées par Nadjet Cherigui, Hugo Domenach et Clément Pétreault).

L’hommage-anniversaire rendu à Ilan Halimi, enlevé en janvier 2006 par le gang des Barbares, a permis de relancer ces liens pour le moins troubles entre l’élu centriste et l’islam radical. Ces Barbares ont, en effet, été évoqués par l’enquête d’Eve Szeftel où elle dévoile leurs rapports avec la municipalité UDI de Bobigny, ville-préfecture de la Seine-Saint-Denis régie par Lagarde à l’époque des faits. Et bien évidemment, cette proximité a refait surface à l’occasion de l’annonce du ralliement du même Jean-Christophe Lagarde à Valérie Pécresse.

La main tendue par la candidate LR à la présidentielle au président de l’UDI fait scandale parce qu’elle percute frontalement une déclaration de novembre 2021, faite par Eric Ciotti, pilier de la campagne de Pécresse, qui exprimait le mépris immuable qu’il porte à Jean-Christophe Lagarde. « Rassurez-vous, affirmait-il comme s’il s’adressait à lui-même, pour ma part je n’accepterai jamais le soutien d’un personnage qui appelle au meurtre d’un responsable politique (Eric Zemmour) et qui est accusé de connivence avec les islamistes. Monsieur Lagarde ne représente en rien les centristes ». Mais la politique est, par excellence, le terrain de prédilection de la réal-politik. Avec les enjeux présidentiels qui commandent un rassemblement à tout prix pour certains, Eric Ciotti a soudain perdu son credo pourtant maintes fois répétés : « Lagarde, ce sera sans moi ». Sa dénonciation d’un personnage parjure en plus d’être grossier et violent, s’est évaporée dans l’illusion ouatée d’une victoire à l’élection présidentielle. Mais malgré l’incohérence et le reniement mensonger du candidat défait de la primaire LR, tout aurait pu s’arrêter là.

Et patatras ! On apprend il y a quelques jours que deux autres figures des Républicains, au cœur de la stratégie de campagne de Valérie Pécresse, Patrick Karam et Damien Abad, ont eux aussi des relations pour le moins ambiguës avec l’islamisme.

Ces révélations, au demeurant fort bien documentées et sourcées, proviennent du lanceur d’alertes Damien Rieu qui dénonce à juste titre le double discours de cette droite qui roule des mécaniques contre l’islam radical sur les plateaux et dans l’hémicycle mais qui, une fois revenue dans ses pénates électoraux, pactise avec lui. La multiplication des figures de droite duplices et complices fait ainsi apparaître, de ce côté de l’échiquier politique, les contours d’un islamo-droitisme évident.

Patrick Karam est membre du conseil régional d’Île-de-France et conseiller privilégié de Valérie Pécresse pour sa campagne présidentielle. Il est accusé de soutenir l’ancien recteur de la mosquée de Pantin, fermée temporairement pour séparatisme et tentation djihadiste. Rien que ça.

La mosquée radicale de Pantin, qui avait critiqué sur Facebook le professeur assassiné à Conflans Sainte Honorine © CHRISTOPHE SAIDI/SIPA Numéro de reportage : 00986850_000004

Et le très islamo-gauchiste Libé, dans un article paru le 3 février 2022, vient à la rescousse de l’islamo-droitiste Karam. Que dit Libé pour défendre l’élu LR ? Dans l’affaire de Pantin, rien de grave, paraît-il. « Quelques politesses sans grande portée adressées, en 2015, au secrétaire général de l’Union des associations musulmanes de Seine-Saint-Denis, Mohammed Henniche » ! Il s’agit, en réalité, bien plus qu’un simple « échange de politesses ». Cette déclaration d’amitié est ni plus ni moins qu’un retour d’ascenseur. Julien Duffé, le 15 mars 2012, commettait un article dans le Parisien dans lequel il évoquait une « polémique sur les bus musulmans de l’UMP » : « Un bus affrété par l’UMP emportant à son bord uniquement des fidèles musulmans pour participer au meeting géant du candidat Sarkozy. La scène s’est répétée une quinzaine de fois […] en Seine-Saint-Denis, vingt-cinq fois en Ile-de-France. L’information, révélée mardi soir par le « Canard enchaîné », nous a été confirmée hier par le secrétaire général de l’Union des associations musulmanes de Seine-Saint-Denis, Mohammed Hennich […] « En octobre, Patrick Karam (NDLR : en charge de la diversité pour le candidat Sarkozy) m’a demandé à être mis en contact avec des mosquées et des associations musulmanes ».

Circulez, y a rien à voir ? Pas vraiment. L’auteur de la rédaction de Libération ose dans le même papier : « on connaît mieux [Mohammed Henniche] depuis qu’il a provoqué, en 2020, la fermeture pour six mois de la mosquée de Pantin, dont il était le recteur. Il avait relayé la vidéo d’un parent d’élève mettant en cause Samuel Paty, propos qui allaient entraîner l’assassinat du professeur d’histoire […] » C’est cet homme sur lequel Patrick Karam ne tarit pas d’éloges lorsqu’il accompagne Valérie Pécresse au dîner de l’UAM 93, pour l’Iftar (repas de jeûne toléré le soir pendant la durée du Ramadan) du Blanc-Mesnil du 8 juillet 2015, dans le contexte des élections régionales. Le fameux « conseiller communautarisme » de la présidente de la Région Ile-de-France déclare, s’adressant à l’islamiste : « nous avons un long passé commun », et le félicite publiquement.

Mais bien entendu pour Libé, ce sujet est de second plan. Ce qui est peu étonnant : le déni de réalité est pour les islamo-collabos de quelque bord qu’ils soient, un facteur important de passivité ou de procrastination. Ce monde les avantage : pourquoi diable en dénonceraient-ils les failles ou même les méfaits ?

Le nom de Damien Abad apparaît également sur les radars de Damien Rieu pour illustrer la notion d’islamo-droitisme. Abad fut conseiller municipal, député européen, conseiller régional, président de conseil départemental et aujourd’hui président du groupe Les Républicains à l’Assemblée nationale. Un curriculum vitae pour le moins fourni politiquement. Rompu aux campagnes de terrain, Damien Abad se rend, en pleine campagne des législatives de 2017, dans une mosquée à Ambérieu-en-Bugey (visite attestée le 7 juin 2017), dirigée par des islamistes turcs et dont l’une des particularités était de promouvoir des pans de la pensée de Muhmmad Ibn Sâlih al’Uthaymîn, figure islamique qui prescrivait notamment la peine de mort pour les homosexuels et les musulmans « négligés » (attitude se rapprochant, selon l’intellectuel, d’une forme d’apostasie à châtier). Cette mosquée a pour autres « faits d’armes » la promotion d’un certain Zakir Naik qui n’est autre qu’un soutien de Ben Laden… (présence remarquée de sa photographie sur une publication datant du 22 novembre 2015,  neuf jours après les attentats du Bataclan et du Stade de France, sur la page Facebook de la Mosquée Assalam Amberieu-en-Bugey)

Simple maladresse politique de l’élu LR pris dans le tourbillon électoraliste ? Admettons. Mais alors pourquoi réitérer en 2021 son soutien à une mosquée idéologiquement avoisinante ? Les islamistes turcs « aux manettes » de cette mosquée se targuaient ouvertement de défendre la politique impérialiste du sultan Erdogan et refusaient de signer la Charte des principes pour l’Islam de France. Comme seule justification, le candidat devenu député Damien Abad déclarait ne pas vouloir « stigmatiser »  une association dont « beaucoup de ses membres sont investis dans la vie économique du territoire, et associés aux valeurs de la République ». On croit rêver. Une telle déclaration confirme en réalité ce que Damien Abad s’évertue à nier. Les membres de cette association ne respectent donc pas les valeurs de la République mais y « sont associés ». C’est vrai puisque c’est Abad qui le dit. En outre, l’argument économique évoqué prouve également les arrangements qui coexistent entre certains territoires enrichis par l’illégalité (et/ou le séparatisme provocateur) et les fruits électoraux qu’en tirent des élus locaux attachés à leur seule survie politique.

Un orgueil qui participe indéniablement d’une intention de fermer les yeux sur les actions de groupes ennemis de la France et des Français pour peu que cela ait des retombées électorales. Exemple d’une déclaration timorée de Damien Abad sur l’affaire Mila, expliquant, le 5 février 2020 sur LCI face à Elisabeth Martichoux, qu’à la défense de cette jeune femme menacée de mort, il préfère apposer « une barrière » à la liberté d’expression quand il l’estime « détournée pour créer de la haine anti-religieuse ». Cette déclaration, alambiquée s’il en est, rappelle étrangement les manies rhétoriques d’Emmanuel Macron ou de Valérie Pécresse. Elle montre, au moins sur cette question cardinale de l’islam en France, une porosité sinon une identité de vues entre la hiérarchie LR et celle de LREM. 

L’absolue nécessité de se disculper face à ces accusations accablantes a conduit Patrick Karam à devenir un stakhanoviste médiatique (jusqu’à minuit et demi sur LCI, dans la fin de soirée de mercredi 2 février au jeudi 3 février 2022). Sa stratégie de défense ? Esquiver l’inconfort de sa situation actuelle en tapant sur Eric Zemmour. Une vaste blague tant Eric Zemmour est le candidat le plus inflexible en matière de lutte contre l’islamisme. Avec Zemmour, il n’y aura pas de reniement des convictions, ni à des fins électoralistes ni à d’autres fins. Il fera ce qu’il dit et il pourra compter sur tous ceux qui l’ont rejoint en préférant leur pays à leur parti.

Et que répond Eric Ciotti à ces accusations ? « Il y a autour de Zemmour des gens dangereux », fulmine-t-il. Placide, Damien Rieu lui répond par ces mots d’une logique élémentaire : « Quand on considère que l’information est un danger, c’est qu’on n’a pas la conscience tranquille ».

Comment les Français peuvent-ils donc accorder leur confiance à ceux qui en matière de lutte contre la lèpre islamiste les ont si souvent trahis et continuent à le faire ?

La complaisance du pouvoir, sinon sa complicité depuis des décennies, atteindrait les mêmes sommets avec Pécresse que sous le quinquennat Macron. L’Obs titrait cette semaine : « Souvent Valérie varie » (27 janvier 2022). Y a qu’un malheur : l’électorat LR demeure, lui, attaché aux valeurs régaliennes, à l’identité nationale, à la probité, à l’autorité et à la sécurité. L’incroyable est que Valérie Pécresse n’a de cesse d’éluder ces affaires, soit en refusant obstinément d’en parler, soit, le plus souvent, en accusant ceux qui les ont révélées de harcèlement. Elle laisse les LR organiser des conférences de presse contreproductives où ses lieutenants non seulement refusent tout mea culpa ne serait-ce que concessif, mais surtout fuient le moindre début d’explication. Dès lors, comment ne pas rire de la déclaration de Valérie Pécresse qui promet de sortir le Karcher de la cave, alors qu’elle n’est pas capable de le sortir de son placard pour débarrasser son propre parti des miasmes islamoïdes ?

L’islamo-gauchisme a largement contribué à tuer la gauche, réduite aujourd’hui à une poignée de confettis électoraux. De la même manière, l’islamo-droitisme est en train de consumer la droite traditionnelle à petits feux.

Depuis des années, Eric Zemmour n’a eu de cesse d’alerter sur l’islamo-gauchisme qui participe à la mort programmée de la France. Depuis des années, il dénonce le clientélisme complice de nombre d’élus de droite avec l’islamisme. Pour cela, il est sous protection policière. C’est ainsi Chamfort qui avait raison quand il écrivait qu’« en France, on laisse en repos ceux qui mettent le feu, et on persécute ceux qui sonnent le tocsin ». Gageons que les Français ouvrent les yeux sur l’ampleur de ces trahisons et choisissent le seul candidat qui agira enfin pour les sauver. Car, n’en déplaise à tous ses détracteurs, non, la France n’a pas dit son dernier mot.

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