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En France, on n’a pas d’usine mais on a des idées!

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Avec la pandémie, la France a pris conscience de sa dramatique désindustrialisation, et de sa dépendance à la Chine. Comment réindustrialiser ? Les candidats à la présidentielle y vont tous de leur annonce, mais on peut se demander s’ils ont bien compris les enjeux.


Si la France fait toujours bien partie du G8, ce club qui réunit les pays les plus industrialisés, la pandémie a laissé entrevoir une autre vérité : notre pays est le plus désindustrialisé d’Europe. Comme le rappelle Claude Sicard dans Le Figaro, « notre secteur industriel n’emploie plus que 2,7 millions de personnes et ne contribue à la formation du PIB que pour 10 % seulement ». Autre chiffre affolant : en 2021, le pays est confronté au pire déficit commercial de son histoire pour atteindre 84,7 milliards d’euros (soit 3,4 % du PIB). Serions-nous à l’aube de l’émergence du premier pays en voie de sous-développement ?

Migrant industriel assimilé à la « Shenzhen speed »

On disposait de nombreux éléments pour prévoir cette situation. A titre personnel j’en ai fait l’expérience quand j’ai pris la décision de partir en Chine, en 2007, après avoir subi la liquidation des usines de Philips au Mans…

Aujourd’hui, basé à Shenzhen, j’ai compris les éléments clés de la stratégie d’industrialisation de cette région : la production y est à portée de main. La proximité de tous les acteurs de la chaîne de la valeur industrielle est un atout de poids considérable. À la « Shenzhen Speed » tout va plus vite et lorsqu’une usine a besoin d’une pièce, elle la reçoit dans l’heure. Aujourd’hui cela est totalement impossible à faire en Europe, car l’ensemble des composants viennent d’Asie… Il convient de prendre en compte ces leçons si on veut voir un jour les industriels revenir en France.

Bien penser la réindustrialisation

En France, l’objectif n’est plus de « lutter contre la désindustrialisation » mais bel et bien d’œuvrer à la réindustrialisation, un chantier pour le moins ambitieux. Ils semblent lointains les jours heureux, ceux des Trente Glorieuses où Jean-Luc Lagardère était notre Elon Musk français… Depuis lors, la France s’est embourbée dans de mauvaises orientations politiques et économiques, pour la plupart édictées à Bruxelles – jusqu’à cette synthèse chimérique de « souveraineté européenne » chère au locataire actuel de l’Elysée.

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Alors que nos élites concentrent leurs efforts essentiellement sur la communication de ce qu’il y a de plus spectaculaire (comme ce fameux « Airbus des batteries » via un consortium européen visant à produire la batterie électrique des voitures du Vieux Continent), elles en oublient l’essentiel : il faut redévelopper un tissu industriel complet, de la souveraineté énergétique à l’extraction de minéraux industriels, jusqu’à la production de masse, sachant que ce tout dernier point n’est pas facile à valoriser dans un message politique.

Ce sont là toutes les conditions nécessaires afin de pouvoir un jour espérer égaler la « Shenzhen Speed ».

France 2030: un horizon incertain  

Le chef de l’État a dévoilé le 12 octobre dernier un plan d’investissement de 30 milliards d’euros sur cinq ans pour développer la compétitivité industrielle et les technologies d’avenir en France.

650 millions d’euros de ce plan de relance ont été attribués à des projets de réhabilitation des friches industrielles, et un budget de 800 millions d’euros a été alloué à la robotique. L’Etat vient aussi de lancer un fond FrenchTech doté de 550 millions d‘euros pour des aides à des projets d’industrialisation. Tout cela semble aller dans la bonne direction mais une question se pose toutefois : pourquoi avoir attendu cinq ans ? Et la philosophie qui se cache derrière ce plan est-elle sincère, ou est-ce encore une ruse politicienne pour séduire un électorat entrepreneurial de toute façon déjà acquis ?

Le président Emmanuel Macron présente le plan d’investissement France 2030 depuis l’Elysée, 12 octobre 2021 © Ludovic Marin/AP/SIPA Numéro de reportage : AP22614348_000006

France 2022: c’est demain

Dans quelques semaines, l’un des candidats franchira la porte de l’Élysée. Quelles seront ses premières mesures pour réindustrialiser la France ? Aujourd’hui, tous les candidats semblent avoir bien intégré cet impératif, mais force est de constater qu’on assiste surtout à un concours de déclarations :

À gauche, Fabien Roussel (PCF) souhaite interdire les délocalisations. Planificateur et visionnaire, Jean-Luc Melenchon (LFI) avait proposé de son côté de « planifier la réintroduction d’un produit quand sa production n’existe plus en France ou en Europe », mais il a vite revu ses ambitions à la baisse en affirmant fin janvier que « la réindustrialisation n’est pas un objectif en soi. La vraie question, c’est : « qu’est-ce qu’on doit produire nous ? » ».

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« Championne de la réindustrialisation » et pour la mise en place d’un « protectionnisme intelligent », Marine Le Pen a déclaré vouloir faire « de notre pays le paradis des entrepreneurs et de linnovation ».  Quant à Valérie Pécresse, la candidate LR, elle en appelle à l’action en rompant avec « les slogans creux » tout en voulant réindustrialiser « la France pour réduire notre empreinte carbone »! 

Pour Yannick Jadot (EELV), réindustrialiser veut dire « reconstruire une société de la bienveillance où lautre nest plus une menace, un adversaire, mais un enrichissement, une ouverture. »

Enfin, petit dernier arrivé sur l’échiquier politique, Eric Zemmour semble être le seul à avoir pensé une véritable politique de réindustrialisation dans sa globalité – idée qu’il défend depuis des années maintenant et bien avant que ce ne soit à la mode – sans effet de manches. D’une part via la mise en œuvre d’une réduction des impôts de production afin d’améliorer la compétitivité des entreprises. Il promet d’autre part de favoriser le made in France dans la commande publique. Enfin, il propose d’autre part la suppression des droits de succession des entreprises familiales.

Quel que soit le vainqueur, il devra faire vite: car si la France veut pouvoir un jour rattraper la « Shenzhen speed », elle doit se mettre au travail dès le lendemain du 24 avril 2022.

Partis, c’est fini

Les partis politiques ont fait leur temps. Notre époque ne tolère plus ce qui faisait autrefois leur force: pérennité, hiérarchie, discipline. Privés de légitimité par l’individualisme ambiant, déconnectés de leur base électorale et affaiblis par les défections courantes de leurs cadres, ils ne font plus le poids face à des personnalités qui ne s’encombrent pas d’appareil.


En 2007 et 2012, le second tour de la présidentielle opposait les candidats des deux principaux partis, l’UMP et le PS qui, depuis trente ans, au rythme d’alternances à répétition, cogéraient la République française. Au milieu des années 2010, ces partis politiques dits « de gouvernement » semblaient au faîte de leur puissance et en tout cas d’une solidité à toute épreuve. Puis, d’un seul coup, en 2017, ils se sont effondrés, ouvrant la voie à un aventurier de talent, certes ancien ministre et disposant d’un réseau puissant, mais qui n’avait jamais été membre d’aucun d’entre eux et n’avait même jamais exercé de fonctions électives. Comment expliquer un revers de fortune aussi subit ?

La pérennité, c’est dépassé !

Le premier réflexe consiste à accuser les circonstances. Il est vrai que depuis cinq ans, les cafouillages, les choix hasardeux et les franches erreurs de casting se sont multipliés. À la dernière présidentielle, le candidat de la droite et du centre, qui durant la primaire avait fait campagne la morale en bandoulière, a été rattrapé par ses propres errements, mais surtout par une justice à charge qui lui a appliqué un traitement d’exception. Dans le camp socialiste, le désordre a été encore plus profond et très largement imputable à son patron : François Hollande. L’ancien président a laissé prospérer au sein du parti, des groupes parlementaires et du gouvernement lui-même, une fronde dirigée contre sa propre politique, qu’il a refusé de réprimer au nom d’un improbable esprit de synthèse. De maladroites confidences à la presse et l’échec de la réforme constitutionnelle sur la déchéance de nationalité ont fini par saper ce qui lui restait d’autorité et l’ont empêché de se représenter, c’est-à-dire de demander au peuple de juger son bilan, ce qu’exigeait pourtant la logique de la démocratie quinquennale. La désignation, pour le remplacer, d’un des chefs de son opposition interne a achevé de dérouter l’électeur et s’est soldée par le pire score jamais réalisé par un candidat socialiste sous la Ve République. Après cet exploit, le parti est entré en hibernation et, réveillé en sursaut à l’été 2021, il a, comme l’armée française dans les années 1930, réagi en nommant le plus ancien dans le grade le plus élevé. Le choix du nouveau Gamelin s’est porté sur Anne Hidalgo, en qualité de maire de Paris : plombée par une image catastrophique en dehors du périphérique et un bilan municipal désastreux, elle aura bien du mal à dépasser les 5 %. La fin de la partie n’est en revanche pas encore sonnée pour Les Républicains qui, après avoir atteint un point bas aux élections européennes de 2019, ont réussi sur le fil à désigner, avec Valérie Pécresse, une candidate susceptible d’atteindre le second tour.

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Cette suite d’événements a sans doute joué dans le déclin des partis. Elle ne doit cependant pas éluder une question plus profonde : ceux-ci sont-ils encore adaptés à la vie politique actuelle, aux attentes de l’opinion et aux exigences de la démocratie ? Dans leur forme classique, ils possèdent en effet quatre caractéristiques principales qui, toutes, apparaissent aujourd’hui contestées.

Le parti est d’abord et surtout une formation pérenne. Il se distingue ainsi des comités électoraux qui se réunissaient le temps de la campagne et étaient dissous une fois le vote achevé. Ce ne fut pas une mince affaire, au début du xxe siècle, que de retenir les militants durant ces périodes étales qui s’étendent entre deux scrutins. Or, on revient aujourd’hui à des modes de mobilisation, sinon éphémères, au moins plus occasionnels. En Marche a étécréé pour porter Emmanuel Macron à l’Élysée et, une fois élu, le nouveau président a, par ennui ou par calcul, clairement répugné à donner à son mouvement une forme partidaire traditionnelle. Ses structures sont restées lâches, son enracinement limité, ses militants rares ou peu engagés. Ce start-up party a obtenu des résultats déplorables aux élections locales où une présence durable sur le terrain est indispensable. Il n’est pas sûr qu’il en soit de même à la présidentielle où la campagne est très personnalisée et où une armée de militants nouveaux pourrait bien venir au secours d’une victoire annoncée.

Hiérarchie et discipline sont passées de mode

Deuxième caractéristique, les partis à l’ancienne sont des organisations hiérarchisées et disciplinées. Les décisions communes peuvent être prises selon des modalités diverses, mais une fois qu’elles sont effectives, elles s’imposent à tous, au risque pour les dissidents de se placer « hors du parti ». Aujourd’hui, les exclusions ont mauvaise presse, l’indiscipline est tolérée et les allers-retours ne posent plus de problèmes. Valérie Pécresse et Xavier Bertrand, qui avaient quitté LR avec fracas, sont revenus pour participer au congrès et la candidate désignée défend aujourd’hui, sur la sécurité ou l’immigration, des positions proches de celles qui avaient autrefois justifié son départ.

Troisième caractéristique, les partis ne rassemblent pas seulement des élus : ils disposent d’une réelle profondeur sociale et touchent des catégories diverses, y compris chez ceux qui se réclament de façon quasi exclusive du prolétariat. Ils se différencient ainsi des groupes parlementaires qui, au xixe siècle, dans les régimes libéraux et avant l’irruption des masses en politique, ont longtemps structuré la vie publique. Or, cette base sociale s’est, ces dernières années, considérablement réduite. D’abord d’un simple point de vue quantitatif : le PS compte aujourd’hui probablement moins de 50 000 membres (seuls 25 000, à jour de cotisation, ont pris part à l’investiture d’Anne Hidalgo). C’est un peu mieux du côté des Républicains, qui ont regroupé pour leur congrès de décembre environ 115 000 électeurs. Tout cela apparaît cependant dérisoire si l’on songe que, jusqu’aux années 1970, les partis politiques rassemblaient plusieurs centaines de milliers de militants. Mais le plus grave est ailleurs, dans l’extrême homogénéité des recrutements. Qui peuple les partis politiques ? Pour l’essentiel des professionnels, c’est-à-dire des personnes dont la carrière et la rémunération dépendent directement ou indirectement de leur engagement (ce qui ne signifie pas qu’elles soient intéressées ni malhonnêtes). Au sommet, des énarques, passés par des cabinets, peuplant les groupes d’experts et qui décident, un jour, de franchir le pas de l’élection ; au milieu, des attachés parlementaires montés en graine ; à la base, la masse des élus locaux et de leurs collaborateurs. Depuis 1982, la décentralisation et la limitation du cumul des mandats ont été les grands pourvoyeurs de ce système et on se souvient des cris d’orfraie quand Nicolas Sarkozy a voulu réduire le nombre d’élus. Ce n’est pas le moindre des paradoxes que de voir ce haut et ce bas clergé, qui a perdu le contact avec les fidèles, psalmodier sans cesse sur la démocratie participative et la diversité.

Devant les cadres de son parti, Valérie Pécresse prononce son premier discours de campagne, Paris, 11 décembre 2021.© BERTRAND GUAY / AFP

La base se réduit…

Enfin, les partis disposent d’un corps de doctrine stable, mais non figé, à la fois socle de références et source de débats. Le PC tirait son existence du marxisme-léninisme ; le socialiste démocratique rebattait les cartes de diverses traditions révolutionnaires et réformistes, les démocrates-chrétiens s’inspiraient des encycliques sociales et du personnalisme… Cette pensée savante se prolongeait dans une série d’attitudes qui, par la manifestation, le chant, le drapeau, le slogan, la célébration d’événements ou de personnages (tout ce que les historiens appellent la « culture politique »), visait à affirmer une identité collective. C’est sans doute là que les dégâts sont les plus profonds : cette construction à la fois intellectuelle et pratique s’est effondrée avec les institutions chargées de la transmettre, en particulier l’école. Simultanément, le développement des techniques de l’information a donné une prime à la réaction individuelle à portée immédiate au détriment de la réflexion collective de longue durée. Ce relâchement intellectuel a des conséquences. Il explique le « en même temps » macronien, c’est-à-dire l’usage frénétique des références contradictoires et l’affirmation d’un pragmatisme réduit à la volonté d’un seul. Il explique également le vide idéologique dans lequel se trouve le Rassemblement national. Le grand reproche que l’on peut faire à Marine Le Pen n’est pas d’être d’extrême droite (elle ne l’est pas !) mais d’avoir été incapable, après avoir courageusement liquidé le vieil héritage nationaliste dont son père était l’incarnation, de redéfinir une doctrine politique alternative.

Les partis de droite s’en sortent paradoxalement un peu mieux

Le constat est donc clair : les partis n’ont plus, ni la même puissance, ni la même substance, et la vie politique s’organise désormais à côté d’eux, voire contre eux. Ce décrochage explique l’émergence de forces nouvelles, autour de personnalités plus ou moins charismatiques. Emmanuel Macron ne se serait pas imposé en 2017 face à un PS resté puissant. Éric Zemmour marche sur ses pas et tente, cette fois-ci au détriment du RN, de reproduire aujourd’hui la même opération. Quant à LFI, elle est depuis toujours indissociable de son lider maximo et un nouvel échec – probable – de Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle posera inévitablement la question de sa survie.

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Quant aux formations plus classiques, elles souffrent, mais avec une intensité différente selon leurs positionnements idéologiques. La gauche est de loin la plus affectée, car elle a longtemps privilégié, dans son organisation, la forme partidaire. C’est elle qui l’a introduite en France, au début du xxe siècle, d’ailleurs avec retard sur d’autres pays européens. Le premier parti est, dit-on, le Parti radical, créé en 1901. Le modèle est perfectionné par la SFIO en 1905 et il est durci par le PCF, après le congrès de Tours, en 1920. Ces partis constituent, dans leur camp, les organisations dominantes : ils supplantent des syndicats faibles et divisés, et irriguent tout un champ associatif qui est certes un terrain d’influence et de lutte, mais aussi le lieu où ils se revivifient et renouvellent leurs potentiels militants (le parti communiste parlait volontiers d’« organisation de masse »). Leur déclin frappe donc la gauche au cœur et il n’est pas sûr qu’elle s’en remette. Cette présidentielle le montre bien. Les errements idéologiques actuels, qui voient tous les candidats privilégier, au lieu des traditionnelles propositions économiques et sociales, un progressisme sociétal en complet décalage avec leur base électorale, n’auraient tout simplement pas été possibles si la gauche avait conservé, comme une force de rappel, une base militante large et diversifiée.

Le célèbre « congrès de Tours » de la SFIO de décembre 1920, qui vit la naissance du PCF. © Leemage/Bridgeman

Très différente est la situation de la droite. Les partis n’ont jamais été son fort et leur affaiblissement l’affecte donc moins. Pour preuve : il n’a jamais existé, sur la durée, un grand parti de droite, comme l’est (depuis 1834, excusez du peu !) le Parti conservateur au Royaume-Uni. Les raisons en sont diverses : la division de ce camp, certes, mais surtout une relation beaucoup trop distante avec les catégories populaires. Quoi qu’il en soit, la mayonnaise n’a pas pris et la droite est restée séparée, tourmentée, querelleuse. Les structures existent mais elles sont secondaires : qui se souvient de l’Alliance démocratique et de l’Action libérale populaire, créées en 1901, la même année que le Parti radical ? Les rares tentatives de constituer des partis de masse à droite – comme le RPF du général de Gaulle en 1947 – ont fait long feu. Certes, un parti gaulliste ou néo-gaulliste demeure depuis 1958 la force hégémonique dans ce camp, mais le destin de ce parti reste très lié, depuis les années 1970, à l’aventure personnelle de ses dirigeants successifs, Jacques Chirac, puis Nicolas Sarkozy. Car la droite ne se rassemble ni autour de partis, ni autour d’idées, mais autour d’une personnalité : c’est peut-être la chance de Valérie Pécresse.

Elle traque le « sexisme » dans la presse quotidienne régionale

Rose Lamy, un pseudonyme, a publié Préparez-vous pour la bagarre (JC Lattès) et entend démontrer que les journalistes ne sont que d’affreux jojos minimisant les « violences sexistes et sexuelles », qui font preuve d’une solidarité masculine détestable au détriment de nos amies les femmes. Son bouquin et son compte Instagram sont en réalité un condensé d’idéologie.


Je ne lis pas que des bons livres qui vont dans le sens de mes opinions. Par exemple, en allant faire un tour aux sympathiques rencontres organisées à Rennes par la librairie Le Failler et Ouest-France, j’ai découvert il y a peu Préparez-vous pour la bagarre, livre sous-titré « défaire le discours sexiste dans les médias », d’une certaine Rose Lamy. Rose Lamy fait partie d’une galaxie de comptes Instagram féministes qui, à grand renfort de visuels rose ou turquoise flashy (les mêmes couleurs que celles utilisées par les fabricants de rasoir féminins pour vendre des rasoirs plus chers que ceux que l’on trouve au rayon hommes) dénoncent pêle-mêle patriarcat, discours sexistes, prix des protections hygiéniques ou désintérêt pour le clitoris dans les cours de biologie. Le compte de Rose Lamy s’est lui spécialisé dans la détection des tics de langage « sexistes » de la presse.

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Jour après jour, au prix d’un laborieux travail de veille, Préparez-vous pour la bagarre (c’est aussi le nom du compte Instagram) traque la titraille dans la presse régionale et les dérapages télévisés. Ce profil Instagram connait un joli succès puisque 205 000 abonnés le suivent, et que les éditons JC Lattès ont jugé indispensable d’en faire un livre.

Traumatisée par les affaires Cantat et DSK

L’auteure n’a pas estimé bon de nous épargner la laideur de l’écriture inclusive. Tant pis si chacune de ses apparitions me fait le même effet que la petite giclée de l’appareil qui mesure la tension dans l’œil chez l’ophtalmo. Ne reculant face à aucune difficulté, j’ai poursuivi courageusement la lecture. Deux épisodes ont marqué la jeunesse et l’entrée en féminisme de Rose Lamy : l’affaire Cantat-Trintignant, en 2003, et l’affaire DSK-Diallo, en 2011. Le traitement médiatique des deux affaires – pas tout à fait irréprochable, il est vrai – a activé chez l’auteure une suspicion : « si les hommes prétendent aimer les femmes, ils préfèrent les hommes et les défendre ». Comme disait l’autre, les copains d’abord.

Elle reproche à la PQR de créer des « monstres » pittoresques, et de mal rendre compte de l’horreur des faits (…) La presse déformerait, euphémiserait trop les faits pour leur donner une portée romanesque et cocasse

Sur l’affaire Strauss-Kahn, elle nous remet en mémoire la déferlante de soutiens reçus en France par l’ancien président du FMI dans les jours qui ont suivi l’incident du Sofitel. BHL : « Vous pensez une seconde qu’on serait amis, si je pensais que DSK était un violeur compulsif, un homme de Neandertal, un type qui se conduit comme un prédateur sexuel avec les femmes qu’il rencontre ? Tout ça est absolument grotesque ! ». Jean-Christophe Cambadélis : « Nous ne pouvons pas croire à sa culpabilité. […] Après le temps de la spéculation, de l’émotion et de l’accusation, vient le temps de la défense et de l’amitié ». Manuel Valls : « Dominique Strauss-Kahn est un ami que je connais depuis longtemps. Les images de ce matin sont d’une cruauté insoutenable. J’avais les larmes aux yeux ». On finit en beauté avec Jean-François Kahn : « Je ne crois pas ça, je connais le personnage, je ne le pense pas. Qu’il y ait eu une imprudence, on peut pas le… […], j’sais pas comment le dire, un troussage, euh, de domestique ». L’auteure veut absolument voir là-dedans un réflexe de protection « entre mecs ».

Une certaine finesse manque à Rose Lamy pour comprendre certaines choses ou pour au moins rendre son propos intéressant. Lorsqu’elle cite Patrick Eudeline, qui écrivait dans Rock & Folk : « Je ne connaissais pas Cantat, mais comme tout le monde ou presque, je m’imagine à sa place ce soir-là, je ressasse toutes les violences, tous les cris, les scènes, les jalousies, tout ce que j’ai vécu, moi aussi, et qui aurait pu mal tourner », elle lui réplique qu’elle s’imagine, elle, plutôt à la place de Marie Trintignant se vidant de son sang pendant six heures… Il ne lui vient pas à l’esprit que la différence entre Eudeline et elle-même, c’est qu’Eudeline est un homme et qu’il lui peut être assez naturel de plutôt s’identifier au personnage masculin de l’histoire… Mais il faut aussi peut-être une certaine honnêteté et une certaine humilité, pour s’accabler de potentiels crimes que l’on n’a pas commis soi-même.

Même Mimie Mathy serait sexiste

Pire encore, Rose Lamy évoque un passage TV de Mimie Mathy dans l’émission Quotidien et la cite pour l’accabler. Quelques jours après l’épisode Polanski/Haenel. Mimie Mathy disait : « Je comprends tout à fait cette réaction, je n’ai pas été violée, j’ai eu cette chance… » ; et d’ajouter en substance : « en même temps, je n’ai pas vraiment le physique pour ». Je n’ai pas vu la séquence en direct mais je dois avouer qu’elle m’aurait sans doute fait hurler de rire. L’humour, c’est aussi la possibilité d’exprimer les petites choses horribles qui nous passent par la tête. Quand le trait d’esprit vise soi-même, on atteint souvent le sublime. Si Rose Lamy n’aime pas l’humour, qu’elle n’en dégoûte pas les autres !

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Le « sexisme ne dit jamais son nom, mais c’est bien lui qui conduit les rédactions à taire ou à reléguer les violences sexistes et sexuelles exercées contre les femmes en périphérie des unes et des pages centrales de nos journaux », nous dit l’auteure. On se demande quand même si c’est bien « ce sexisme » là qui a poussé les médias allemands (et français) à taire pendant plusieurs jours l’avalanche de plaintes pour violences sexuelles au lendemain de la Saint-Sylvestre, à Cologne en janvier 2016. On se demande si c’est bien le sexisme qui a poussé les autorités policières et les journalistes à camoufler l’information aussi longtemps que possible, ou la crainte d’une exaspération à l’égard de nouveaux damnés de la terre arrivés massivement quelques mois plus tôt en Allemagne…

Cologne, moins grave que ce qu’on nous a dit

On avance dans l’ouvrage et on se demande quand est-ce que cet épisode va nous être remémoré. On y arrive page 51. L’auteure a l’air très soulagée de nous rappeler que finalement, plus de 60% des agressions n’étaient pas à caractère sexuel et que seulement trois des 58 agresseurs étaient des réfugiés, pensant évacuer le caractère ethnique de l’affaire et le problème posé par la politique migratoire folle d’Angela Merkel. L’auteure se garde bien de rappeler que sur les 52 hommes mis en examen, 17 étaient Algériens, 16 Marocains, 7 Irakiens, 4 Allemands, un Tunisien, un Libyen, un Afghan, un Iranien, un Hongrois, un Egyptien, un Somalien et un Syrien.

En y regardant de plus près, il est quand même possible de délimiter une origine civilisationnelle bien précise chez ces braves gens, exception faite peut-être du Hongrois… Mais en une page, Rose Lamy nous montre sa maîtrise de l’euphémisation des faits qu’elle dénonce si bien chez les autres au cours des 299 autres pages du bouquin. Notons aussi qu’elle publie fréquemment dans ses stories Instagram la propagande de footballeuses jouant en hijab (accoutrement hautement indispensable à la pratique du football, mes années de visionnage de Téléfoot et de Canal Football Club en attestent) au nom d’une liberté individuelle qui fait que les femmes font bien ce qu’elles veulent, que la burqa et le string sont deux manifestations possibles de la liberté des femmes, et que les hommes blancs feraient bien de ne pas trop s’intéresser à ça, sans s’émouvoir des éventuelles pressions que peuvent subir certaines jeunes femmes à qui il viendrait à l’idée de se dispenser de ce couvre-chef. L’auteure, qui évoque son éducation catholique, a bien intégré la parabole christique et regarde plutôt la paille qu’il y a dans l’œil de sa civilisation plutôt que la poutre qu’il y a chez les autres. Ça doit être ça, finalement, le catholicisme « zombie » cher à Emmanuel Todd.

Stylo rouge

On pourrait s’arrêter sur plein d’autres petites choses, comme la remise en cause du principe de présomption d’innocence (Rose Lamy, qui n’a aucun mal à s’imaginer à la place de Marie Trintignant, en a peut-être davantage pour se mettre à la place de Philippe Caubère, accusé à tort de viol par Solveig Hallouin). Ou quand l’auteure déplore la manie des journalistes à appeler les femmes politiques par leur seul prénom, sans s’intéresser au fait que ces mêmes politiques ont-elles-mêmes lourdement participé à cela, comme Royal avec sa Ségosphère ou Pécresse avec ses « jeunes avec Valérie ». Même Laguiller, peu suspecte de goût pour le marketing, n’avait pas vu d’un mauvais œil le développement de la marque politique « Arlette »… Après tout, les faits sont de bien petites choses à côté de l’impératif idéologique.

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Il faudrait quand même faire attention à ne pas exagérer l’intérêt de l’ouvrage. À partir de la deuxième moitié, Rose Lamy prend le stylo rouge de l’institutrice et annote, corrige la titraille dans les journaux, des Ardennes au Béarn. La presse déformerait, euphémiserait trop les faits pour leur donner une portée romanesque et cocasse. L’auteure avoue être friande de faits divers, c’est beaucoup moins mon cas. Je me contente d’en voir passer les titres, et il est vrai qu’un peu de drôlerie m’aide à y faire un peu attention.

Lamy s’étonne qu’on puisse titrer « elle peine sur les mots croisés, il l’électrifie ». Elle reproche à la PQR de créer des « monstres » pittoresques, et de mal rendre compte de l’horreur des faits.

Je me souviens avoir vu il y a quelques années sur une chaine TNT une émission sur Simone Weber. Accusée d’avoir tué son mari, cette femme n’a pas non plus échappé à son petit sobriquet romanesque dans les gazettes : « la Bonne Dame de Nancy ». Le contraste entre l’évocation des faits accablants – la bonne femme descendant les escaliers dix-sept sacs-poubelles à la main, contenant le corps de son défunt mari, la meuleuse louée la veille, le bout de chair accroché à un disque de la meuleuse – et l’aplomb avec lequel elle se défendait (l’émission proposait des extraits d’interviews de la dame, à chaque fois lunaires) créait pour finir, un effet (c’est triste à dire) comique. On s’imagine bien que le dernier quart d’heure du pauvre homme a dû être compliqué, mais à un certain stade d’abomination le cerveau humain va chercher le pittoresque, le romanesque. Qu’on laisse donc écrire la presse régionale : « Ivre, il frappe sa compagne pour des grumeaux dans la pâte à crêpe », si jamais ça pouvait donner au badaud, par une sorte de catharsis, l’idée de ne pas en faire autant.

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À propos du voile des « hijabeuses » et de la tolérance

Les adversaires de la France se servent de lois qui furent autrefois nécessaires pour contenir l’intolérance. Il est temps de réfléchir à une réplique plus musclée face à ceux qui veulent islamiser la société. Pour l’instant, la FFF tient bon.


Elisabeth Moreno s’est exprimée sur LCI, jeudi 10 février, à propos du collectif des « Hijabeuses », qui a saisi le Conseil d’État en novembre 2021. Leur volonté est d’obtenir l’abrogation de l’article 1 du règlement de la Fédération française de football (FFF), qui interdit « tout port de signe ou tenue manifestant ostensiblement une appartenance politique, philosophique, religieuse ou syndicale ».

Les femmes « ont le droit de porter le voile islamique pour jouer » sur un terrain de foot, a estimé la ministre déléguée à l’Egalité femmes-hommes.

Détournement majeur de la démocratie libérale

Un nouveau totalitarisme, l’islam politique, veut imposer sa foi et ses lois. Il a ses compagnons de route antiracistes racialistes, indigénistes et ses idiots utiles au sein même des institutions républicaines. Il use, comme de précédentes idéologies en leur temps, de la terreur et de la ruse pour s’attaquer à des démocraties fatiguées et malades, qui ne savent réagir que par un déni et une passivité qui pourraient aller, dans un futur proche, jusqu’à des formes plus ou moins extrêmes de « collaboration » avec l’ennemi. Ce totalitarisme séduit en critiquant les vices de cette démocratie libérale qu’il méprise mais également en utilisant à son profit son droit et ses lois protectrices des libertés publiques.

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Déjà Jules Romains écrivait ceci en 1944 à propos du national-socialisme: « Donc, c’est en somme la première fois que l’ensemble d’idées et de valeurs morales, constitué lentement par près de trente siècles de philosophie et près de vingt siècles de christianisme, rencontre en face de lui, dans un duel à mort, un corps d’idées diamétralement adverse et audacieusement démasqué.

Il en résulte qu’un travail de rassemblement de nos idées, accompagné s’il y a lieu d’une révision sans complaisance, loin d’être un épisode latéral, se place dans l’axe même du combat.

Il s’ensuit que les champions de la cause « démocratique » ne peuvent plus se livrer à l’impression confortable d’être portés par l’histoire. Ils ont cette fois à lutter contre l’histoire, à l’empêcher de tourner mal, à réduire un remous énorme où toute une partie des forces morales et matérielles du monde s’est funestement engagée. »

Comment se réarmer face à cette offensive ?

Que faire ? Il fut un temps où un dialogue conflictuel  pouvait être tenté car la masse des opposants à notre civilisation était réduite. On pouvait organiser des controverses et se servir de la non-violence et des outils d’une bonne communication. J’y ai participé avec d’autres. On avait en face de soi des personnes imparfaites comme nous l’étions, pas toujours sincères ni honnêtes, mais il y en avait suffisamment d’autres qui l’étaient. Par ailleurs, chacun essayait de faire preuve de bonne volonté et, d’ailleurs,  avait intérêt à l’être. Les uns, pour lutter contre un vrai racisme et des inégalités majeures, et les autres pour défendre leur identité et leur territoire. 

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Désormais, il apparaît que les ressources du dialogue pacifique et de la coopération soient invalidées par l’état mental et les positions politiques d’un adversaire, déterminé à combattre. Il ne reste plus qu’à utiliser la force qui peut paraître brutale, qui l’est certainement mais qui seule peut le faire reculer ou capituler. 

Ce n’est donc pas l’idéologie, qu’elle soit celle de la bienveillance ou de la brutalité, qui doit décider de la conduite à tenir, mais la connaissance de la réalité et l’adaptation à cette réalité. Nos adversaires se servent de lois qui furent nécessaires pour contenir l’intolérance. Aujourd’hui ce n’est pas seulement la peur qui doit changer de camp, comme disent certains à propos de la criminalité, mais l’intolérance qui prend parfois le masque de la tolérance obligée.


Dans sa chronique, Elisabeth Lévy souligne que les militantes se font appeler les « hidjabeuses » et non les « footballeuses voilées », preuve que le sport est secondaire dans cette affaire…

Retrouvez Elisabeth Lévy chaque matin à 8h10 dans la matinale sur Sud Radio.

Sur un thème éternel, des variations brillantes

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Qui donc oserait prétendre qu’entre le monde de la science et celui de la littérature, le divorce est consommé depuis longtemps ? Qu’est révolu depuis belle lurette le temps de Pic de la Mirandole ? Le poète Chaunes apporte la preuve vivante que cette croyance trop répandue est fallacieuse… 


Lui-même incarne, d’une certaine manière, la relativité du temps. A la pointe des découvertes scientifiques les plus actuelles, voire futuristes, ce poète classique, fidèle aux règles de la prosodie et de la métrique traditionnelles, a obtenu, au fil des ans, de multiples récompenses prestigieuses, dont, en 2005, le Grand Prix de poésie de l’Académie pour La Furie française.

Ce fervent de l’alexandrin se double, sous le nom de Jean-Patrick Connerade, d’un scientifique de haut vol. Spécialiste mondialement connu de physique quantique, il exerce à Londres de hautes fonctions. Outre ses travaux de recherche, il préside The European Academy For Sciences, Arts and Littérature. C’est assez dire l’envergure internationale de cet érudit. Sa culture encyclopédique.

Quant à Chaunes, son double, il a publié nombre de recueils, parfois en collaboration avec des poètes qui s’inscrivent dans la même tradition, amoureux du sonnet et du beau langage. Chez lui, la richesse du fond n’a d’égale que celle des rimes. Une forme poétique loin d’être surannée ou désuète, comme le clament les adeptes de la déconstruction. Elle conserve aujourd’hui tout son charme, dans le sens étymologique du terme.

Des poèmes à quatre mains

En témoigne Tatouage amoureux, cosigné avec la mystérieuse F**** D***.

Qui est celle-ci ? Nul lecteur ne le saura jamais¸ en dépit de certains indices – mais ils mènent à de fausses pistes.

Ce qui est clair, en revanche, c’est que l’inspiration de celle-ci comme son ardeur amoureuse sont si proches de celles de son co-auteur  – encore que conjuguées au féminin ! – qu’on pourrait aisément les confondre. Leur correspondance enflammée, volontiers libertine sans jamais verser dans l’érotisme de bas étage ou la pornographie, présente une particularité suggérée par le titre et que le lecteur découvrira.

Le libertinage – qui évoque celui du Siècle des Lumières- , la frivolité, l’émulation croissante entre les deux correspondants, l’humour souvent sous-jacent, l’art de suggérer : tout cela témoigne d’un incontestable talent auquel succomberont même les lecteurs les plus prudes. Comme on le devine, ce recueil de plus de cent sonnets n’est pas de la roupie. Il vaut de l’or. Jamais l’expression  « je l’ai dans la peau », que pourrait faire sienne F*** D***, n’a connu traduction plus littérale et concrète.

Chaunes et F**** D***, Tatouage amoureux. Préface de Serge Feneuille (Aux Poètes français, 112 p.)

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Peut-on encore être militant LGBT sans être woke?

À Lyon, les militants intersectionnels ou antifas grand-remplacent les militants de la cause homosexuelle à l’ancienne


Étonnant ! Mardi 10 février, l’ex-président de l’association LGBTI « Le Forum Gay et Lesbien » basée à Lyon, Philippe Dubreil, explique au micro de Patrick Roger sur Sud Radio la raison pour laquelle il quitte la présidence de ladite association, dont il fut à la tête pendant quatre ans. Pourquoi venir annoncer cela sur Sud Radio, me direz-vous ? Ce n’est peut-être pas un évènement capital… Mais c’est que Philippe Dubreuil est tout simplement venu dénoncer le wokisme qui s’est emparé du mouvement LGBTI, lentement mais sûrement, jusqu’à créer le chaos et confisquer la parole aux militants historiques de la cause homosexuelle, ceux qui se battent surtout pour les droits des homosexuels depuis une trentaine d’années. Un petit évènement qui vient rappeler les conflits qui peuvent agiter le militantisme progressif.

J’ai contacté Monsieur Dubreil : l’association qu’il quitte avait initialement pour vocation l’écoute et l’aide aux personnes LGBTI en difficulté, et était constituée de bénévoles de tous horizons – dont une catholique pratiquante.

Pente savonneuse

Seulement, depuis environ cinq ans, celle-ci glisse dangereusement sur la pente savonneuse du wokisme et de l’intersectionnalité… Et cela ne plaît pas du tout à son ex président. Lorsqu’on lui a reproché d’avoir choisi de l’orange et du gris – couleurs qui ne seraient pas assez inclusives – pour repeindre les locaux de l’association, il a décidé de jeter et le pinceau et l’éponge.   

A lire ensuite, Elisabeth Lévy: Bonjour, tristesse!

Dans un post Facebook relayé par notre amie Peggy Sastre que j’avais remarqué, Philippe Dubreil énumère les raisons pour lesquelles il quitte son poste : « La troisième raison : l’emprise du mouvement « woke » sur la militance LGBTI depuis plusieurs années. Je ne me reconnais plus dans ces nouveaux combats que sont l’intersectionnalité, la convergence des luttes des minorités contre la société, la lutte contre l’islamophobie exclusivement, le néo féminisme (…) »

La liste des griefs est encore longue, et nous commençons, hélas, à la connaître par cœur.

Je me suis donc longuement entretenue au téléphone avec Philippe Dubreuil. Il s’est bien sûr avant tout désoler une nouvelle fois des phénomènes énumérés plus haut, les trouvant absurdes : « Je ne comprends pas ce que vient faire la lutte pour les droits des migrants au sein de nos luttes LGBTI ! C’est la fameuse convergence des luttes, mais elle est insensée. Par exemple, il nous a été reproché de ne pas avoir assez de “racisés” parmi nos bénévoles, heureusement, nous avons une malvoyante, mais ce n’est que si elle avait été noire que nous aurions fait carton plein » raille le militant sur le départ. Ce monsieur a par chance un certain sens de l’humour.

Les antifas, c’est pas des pédés

Il me fait part surtout d’un phénomène peut-être sous-estimé : la tendance antifa chez les LGBTI. Ce mélange détonant fait régner une véritable terreur au sein de la tendance « old school » de la communauté homosexuelle. Il les a fort justement surnommé les « Pink Blocks ». Mais attention : leurs méthodes sont en réalité à l’image de leurs homologues Black Blocks. Par exemple, ils ont bloqué la Marche des Fiertés à Lyon  plusieurs années de suite, la trouvant trop festive et surtout trop mixte, car y défilaient mélangés les “racisés”, les lesbiennes, les trans et des gens qui n’étaient même pas correctement catalogués selon leur couleur de peur, leur identité sexuelle ou que sais-je encore. Un épouvantable crime de « lèse-wokisme » ! À Lyon, cette fâcheuse tendance communautariste est représentée par l’association CFL (le Collectif Fiertés en Lutte), m’apprend Dubreuil.

Philippe Dubreuil, qui évidemment ne manque pas de se faire désormais traiter de fasciste ou d’islamophobe, est en couple depuis neuf ans avec un Maghrébin. Celui-ci vit dans la terreur d’être rejeté par sa famille, qui ignore tout de son orientation sexuelle. Mais les petits bourgeois woke en mal de sensations fortes peuvent dormir tranquilles : les vrais problèmes persistants – comme celui de cet homophobie très présente au sein de la communauté musulmane – ne sont pas près d’être évoqués avec ceux qui devraient reprendre le drapeau arc-en-ciel que Dubreuil vient poser à terre…

Quand M’hammed Henniche faisait la pluie et le beau temps en Seine-Saint-Denis

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Durant des années, M’hammed Henniche a dominé le jeu électoral en Seine-Saint-Denis, profitant de la veulerie de politiciens désireux de se faire élire ou réélire. L’homme, qui était notamment à la tête de la mosquée de Pantin fermée après la décapitation de Samuel Paty, a eu des rapports troubles avec des élus de tous bords. Plongée effrayante dans le clientélisme politique du 93, conséquence du développement du communautarisme musulman.


Gauche, droite, centre: l’intrigant M’hammed Henniche a mangé à tous les râteliers. Il s’est même vanté devant Gilles Kepel d’être «le premier lobbyiste musulman de France [1]».

En 2003, en effet, cet entrepreneur a réussi à rassembler la plupart des associations islamiques de Seine-Saint-Denis en une seule organisation, l’UAM93, dont il est le président. Cela l’a rendu assez puissant pour décider qui serait maire et qui ne le serait pas en Seine-Saint-Denis, où l’apport des voix musulmanes peut changer le résultat d’une élection municipale.

Tout est payant

Henniche cherche à fortifier le projet des islamistes en obtenant des maires des constructions de mosquées et de carrés musulmans dans les cimetières, ainsi que des écoles confessionnelles où les filles seront voilées, au détriment des autres communautés et de la loi de 1905. «Quand je soutiens un candidat, je vais “travailler le produit” comme un commercial: on prend contact, on discute, on voit ce qu’on peut vendre à [pour] la communauté[2]

Il ne s’allie donc pas avec les petits partis communautaristes, mais avec les partis les plus forts qu’il met en concurrence les uns avec les autres: «On préfère peser sur les partis majoritaires plutôt que donner notre soutien à une liste qui va faire 3 %[3]

«Une mosquée, dit-il en riant, c’est trois mandats. Un mandat pour la concertation avec tous les partenaires, un mandat pour trouver le terrain, alors qu’il est sous tes yeux, et un mandat pour construire la mosquée; à ce moment-là, le maire peut dormir tranquille car les musulmans doivent trouver l’argent[4]

«À un moment, on a mis le cap beaucoup plus à droite, et tout le monde l’a constaté. Pourquoi? Tout simplement les musulmans de France ont mis tous leurs oeufs dans un même panier qui est celui de la gauche. Pour obtenir quoi en échange? Rien. La droite était demandeuse. Alors on s’est dit: “Si on met deux ou trois oeufs, sur cinquante oeufs présents à gauche, peut-être que ça va marcher”. Et effectivement cela a très bien marché pour nous. La droite était plus entreprenante et la gauche a commencé à se questionner à propos de ce vote qu’elle pensait acquis[5]

Henniche et Jean-Christophe Lagarde

Henniche ne cache pas son mépris pour les élus qui ont accepté de violer les lois de la République et les droits des autres communautés pour acheter les voix qu’il leur proposait.

Voici comment il parlerait des grosses sommes payées aux islamistes en 2010 par l’UDI Jean-Christophe Lagarde: «Avec la droite, c’est simple, c’est: “faites-moi une facture”. Pas de contorsion comme avec la gauche. Ils lui ont présenté un devis et il a signé le chèque. C’est aussi simple que ça.» Le but? «Le député voulait casser la relation entre l’association musulmane et la municipalité. Et ça a marché»[6].

Lagarde aurait d’abord payé 50 000€ à l’association GELA qui se prétend laïque mais se présente, sur sa page Facebook, comme dédiée à l’enseignement de «la langue arabe et les bases de la religion musulmane, aux enfants et aux femmes».

A lire aussi, Jean Messiha: Face à l’islamo-gauchisme et à l’islamo-droitisme, la Reconquête!

Ensuite, il aurait versé 80 000€ pour financer l’Association culturelle des Musulmans de Bobigny, au profit de la «création d’un centre culturel musulman». Sauf que ladite association, sans le lui dire, a transféré le chèque à l’Association cultuelle des Musulmans de Bobigny… qui dévoile le pot-aux-roses en utilisant le compte Twitter de sa mosquée: «Un grand merci au député JC Lagarde pour sa subvention de 80000€ accordée à l’association dans le cadre de la réserve parlementaire !!!!!» Ce n’est pas la faute de Lagarde si la donation a été rendue caduque par le fait que, sans le lui dire, l’association culturelle avait donné l’argent à l’association religieuse, alors qu’un tel don ne peut pas être payé avec l’argent parlementaire…

Mais chez Lagarde, la construction des mosquées en violation de la loi 1905 semble être un dada. En 2008, il alla jusqu’à se vanter d’avoir menti à ses électeurs de Drancy en construisant une mosquée pour les seuls musulmans là où il leur avait annoncé une salle polyvalente pour tous. Et il s’en justifie en ces termes: «Contrairement à tous ces maires qui annoncent dans les médias qu’ils veulent une mosquée, moi, je l’ai[7]

En 2014, selon Eve Szeftzel, pour arracher la mairie de Bobigny aux communistes et la donner à Stéphane de Paoli, homme de son parti, Lagarde se serait rapproché de Lynda Benakouche, l’amie de Jean-Christophe Soumbou, chef du gang des Barbares qui séquestra et tortura Ilan Halimi à mort. Car ces atrocités ont fait en effet du gang des Barbares des caïds de quartier qui peuvent influer sur le vote de nombre de personnes. Benakouche aide donc à la victoire de l’UDI à Bobigny, obtient un emploi à la mairie sans aucun rapport avec ses capacités, et passe pour avoir été intouchable, car soutenue par le pouvoir en place dans la ville[8].

Qui a fait élire Bartolone?

En octobre 2007, au congrès de l’UAM93, le député Claude Bartolone (PS) déclare: «Nous devons relever ce pari pour montrer que dans notre pays nous pouvons construire des lieux de cultes beaux, accueillants… Permettez-moi d’évoquer un combat qui a été le mien : la nécessité de former des imams en France. Parce qu’à un moment donné, la prière, la langue et la culture doivent devenir des lieux de rencontre, des lieux d’enrichissement pour donner encore plus de force à l’islam de France.»

Le 20 mars suivant, il emporte la présidence du conseil général de Seine-Saint-Denis face à Éric Raoult (UMP-LR). La concurrence est dure, et il a dû se battre.

Invité sur Radio Beur, Henniche le loue en ces termes : «On a de très bons contacts avec le président du Conseil général. Je peux – et tout le monde le sait dans le 93 qu’on a fait sa campagne pour qu’il devienne président du Conseil général c’est officiel… Tout le monde le sait! Et même le parti communiste qui a perdu le conseil général l’a dit: “Pourquoi vous nous avez fait-ça?”. Ah oui donc c’est connu de tout le monde![9]»

L’élection de Gaudron, Ségura, Beschizza

Hassen Farsadou, fondateur de l’association Espérance musulmane de la jeunesse française (EMJF), préside avec Henniche l’UAM93. Tous deux soutiennent en 2003 le député UMP-LR Gérard Gaudron à Aulnay-sous-Bois. «J’avais négocié un terrain pour la mosquée avec la droite, dit Farsadou, mais en 2008, il n’y avait toujours rien de concret[10].» Hassen Farsadou quitte Gaudron et promet au conseiller général Gérard Ségura (PS) de le faire maire d’Aulnay s’il lui satisfait toutes sortes de revendications: «une école, des postes de directeurs généraux adjoints et de conseillers techniques à la mairie. Très sûrs d’eux, ils vantent leur influence dans les quartiers nord et font comprendre au candidat socialiste que des négociations sont aussi en cours avec son adversaire, le maire sortant de droite Gérard Gaudron[11]

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Ségura accepte, Farsadou et Henniche font campagne pour lui, et ils le font élire en 2008. Mais il donne la mosquée à une association musulmane rivale. Henniche punit Ségura en lui faisant perdre les élections de 2014 et en faisant élire à sa place Bruno Beschizza[12] (UMP-LR).

L’école islamiste dans un local public

Beschizza a accepté d’autoriser l’EMJF à faire une école confessionnelle musulmane par prêt gratuit (bail emphytéotique de 99 ans), d’une ancienne école publique désaffectée. Une belle prise: deux étages, 1200m2 avec cour. L’école sera islamiste, puisque Farsadou invite des prédicateurs[13] comme Nader Abou Anas, Éric Younous[14] et le salafiste pro-djihad Mehdi Bouzid, proche de l’un des frères Kouachi[15].

Dans l’affaire Théo, en 2017, cet ancien officier de police devenu maire n’a pas hésité à critiquer virulemment les policiers impliqués, position qu’il n’a pas changé même après la publication de la fameuse vidéo démontrant que Théo avait menti et que le policier ne l’avait pas violé. Ce silence encouragera les émeutiers et suscitera une campagne nationale contre la police et des violences dont l’incendie d’un policier au cocktail Molotov. Quant au policier innocent, sa vie a été ruinée: quand la vidéo a été publiée, un an plus tard, le public l’avait oublié, et il était trop tard pour le réhabiliter. Les personnalités qui l’avaient traîné dans la boue restèrent sur leur position, à l’exception de Patrick Quarteron, qui publia une vidéo dans laquelle il lui fit des excuses très émues.

Henniche et Valérie Pécresse

Henniche apprécie Valérie Pécresse, qui l’a courtisé autant que faire se peut. En juillet 2015, surtout, elle prépare les élections régionales en allant d’un iftar à l’autre. Et les discours démagogues de pleuvoir. Au Blanc-Mesnil, le 8 juillet, le maire Thierry Meignen (LR) déclare qu’il veut avancer rapidement sur le projet de la future mosquée, laquelle sera magnifique, et qu’il sera le plus heureux des hommes le jour où l’on aura posé sa première pierre. Valérie Pécresse, qui parle à ses côtés, est si flatteuse que le Canard Enchaîné commence son article par: «Valérie Akbar!» et la cite disant qu’il faut «résoudre la question des lieux de culte et des écoles confessionnelles car on doit pouvoir donner aux musulmans ce qu’on donne aux Français et aux Juifs (sic!). Le tout étant de lutter contre l’islamophobie[16]

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Naturellement, Henniche se réjouit quand, en décembre, Pécresse est élue présidente du Conseil régional d’Île-de-France. Il explique à l’hebdomadaire franco-turc Zaman pourquoi: «Elle est venue nous voir quatre à cinq fois et pas pour nous rappeler qu’il faut respecter la laïcité, mais pour nous dire de nous battre pour avoir notre place dans la République. Elle a exprimé son refus d’interdire le voile à l’université!… Elle a sûrement dû rajouter des éléments dans son programme après les attentats et a été contrainte de participer à la surenchère sécuritaire, mais on lui fait confiance et on espère qu’une fois le climat adoucit [sic], elle aura d’autres priorités.» Et le journaliste de conclure : « L’espoir donc, qu’elle ne tienne pas compte de ses engagements[17]

La faiblesse est humaine : il était tentant de se concilier les trente mosquées de l’association d’Henniche et leurs imams, même après les attentats de janvier et de novembre 2015. Comme le dit un observateur cité par le Canard Enchaîné, «se mettre un imam dans la poche, c’est une tribune gratuite et 250 personnes rassemblées chaque vendredi. Plus de location de salle, plus de meeting[18]

Pourtant, tous ces élus étaient supposés savoir à quoi ils s’engageaient en finançant, en fortifiant ces gens qui voulaient instaurer la charia en France à terme, au détriment des autres communautés locales et des musulmans qui aimaient la France. Le choix d’imams et d’associations à soutenir, les sermons qui se font dans les mosquées qu’il obtient, tout révélait l’islamisme d’Henniche. Du reste, il le montrait dans les articles qu’il postait sur son site Internet, uam93.com, sans qu’aucun de ces élus prétendument laïques de Seine-Saint-Denis, ne lui demande de les retirer.

Aujourd’hui, ces articles ne sont plus accessibles. Mais à l’époque dont il est question, ils l’étaient. Et nous en parlerons dans un article à paraitre demain sur Causeur.fr, dédié aux victimes d’Henniche.

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[1] https://legrandcontinent.eu/fr/2020/11/01/djihadisme-atmosphere-kepel/

[2] http://www.politis.fr/articles/2020/11/mhammed-henniche-influenceur-42503/

[3] Ève Szeftel, Le Maire et les Barbares, Albin Michel 2020.

[4] G. Davet et F. Lhomme, Inch’Allah, Fayard 2018.

[5] https://www.saphirnews.com/La-plupart-des-associations-musulmanes-sont-des-beni-oui-oui_a7687.html

[6] Ève Szeftel, op. cit.

[7] https://www.leparisien.fr/seine-saint-denis-93/quand-le-maire-se-felicite-d-avoir-menti-06-09-2008-201427.php

[8] Ève Szeftel, Le Maire et les Barbares, Albin Michel 2020.

[9] http://islamisation.hautetfort.com/archive/2010/05/24/l-uam93.html

[10] G. Davet et F. Lhomme, Inch’Allah, Fayard 2018.

[11] G. Davet et F. Lhomme, Inch’Allah, Fayard 2018.

[12] http://www.politis.fr/articles/2020/11/mhammed-henniche-influenceur-42503/

[13] https://www.marianne.net/societe/aulnay-sous-bois-le-nouvel-des-salafistes-au-gymnase-municipal

[14] Lina Murr Nehmé, L’Islamisme et les Femmes, Salvator 2018, p. 75-76.

[15] https://www.mediapart.fr/journal/france/271115/perquisitions-dans-le-93-tout-y-passe-le-bilan-est-maigre

[16] Le Canard enchaîné, 15 juillet 2015.

[17] https://www.uam93.com/en-banlieue-francilienne-accueil-mitige-pour-pecresse/

[18] Le Canard enchaîné, 15 juillet 2015.

Thomas Legrand, historien à la petite semaine

Face à Eric Zemmour, le journaliste de France inter s’est surpassé. Comme il semble prêt à tout pour le mettre en difficulté, nous analysons ici les sophismes les plus grossiers concernant l’histoire de France entendus au micro lundi matin.


Lundi 7 février, France Inter, la mort dans l’âme, reçoit Éric Zemmour. La mort dans l’âme, oui, car cette radio ne peut plus ne pas recevoir le « sulfureux polémiste » maintenant qu’il est devenu candidat à la présidentielle. Pendant plus d’une heure, les journalistes de la matinale croient soumettre Zemmour à la question. Mais ils sont décidément trop lisibles, trop prévisibles, et Zemmour tient facilement son cap, sans dévier d’un pouce.

Le plus prévisible d’entre tous les journalistes de France Inter est bien sûr Thomas Legrand, qui est une sorte de synthèse, combinaison parfaite d’idéologie gauchisante et de boboïsme balourd. Assez au fait des dernières modes progressistes et consacrant son temps à n’échapper à aucune, il ne lui reste que peu de temps pour lire, se documenter et préparer ses pourtant courtes interventions matutinales. Les coups qu’il croit fatals ne sont le plus souvent que de grossiers sophismes. Ce matin-là, il se surpasse.

Et l’autorité du savoir, nananère ?

Le journaliste interroge le candidat Zemmour sur l’école : « Vous voulez rétablir l’autorité du savoir et la hiérarchie, la supériorité du prof. sur les élèves. » Zemmour acquiesce. « Oui, mais l’autorité du savoir, vous la mettez vous-même en cause quand vous battez en brèche les consensus scientifiques, les consensus scientifiques historiques notamment ! »

À lire aussi, Gilles-William Goldnadel: Mineurs isolés: «Cette condamnation est une monstruosité juridique»

Legrand met sur le même plan deux choses incomparables, d’un côté la transmission du savoir à des élèves en cours de formation, et, de l’autre côté, la production de ce qu’il appelle des « consensus scientifiques » étayés par l’autorité supposément indiscutable de tel organisme ou telle institution et destinés à l’opinion publique. Zemmour n’a aucun mal à lui rétorquer que, premièrement, cette « autorité » n’a rien à voir avec celle des professeurs à l’école, et que, deuxièmement, les « consensus scientifiques historiques », cela n’existe pas. De toute manière, ajoute-t-il, avant même de penser à un travail historiographique qui ne peut être qu’un travail de chercheurs universitaires, il est nécessaire de rétablir à l’école primaire le « roman national français ».

Eric Zemmour sur le plateau de France 2, 9 décembre 2021 © Christophe ARCHAMBAULT / AFP

J’abonde naturellement dans le sens de Zemmour. Michelet l’avait compris le premier : le « roman national » a pour ambition de bâtir une communauté autour d’un récit incarnant l’identité d’un pays. Il permettait aux élèves d’antan de se repérer aisément dans le temps historique en s’appuyant sur des personnages prestigieux, des événements importants et des dates fameuses apprises dans le sens chronologique. De plus, comme le souligne Barbara Lefebvre [1], « le “roman national” transmis par l’histoire scolaire de 1880 jusqu’au début des années 1960 n’a guère embrigadé quand on voit tous les travaux dont l’objet a été de […] réinterroger de façon critique la construction du récit historique de la nation française. » Les historiens qui veulent « dénationaliser » l’histoire de France et qui refusent que soit enseigné son « récit national » à l’école sont souvent les mêmes qu’on retrouve aux côtés de l’extrême-gauche et des mouvements dits décoloniaux ou qui inventent une « histoire mondiale de la France » pour déconstruire l’identité française chère à Braudel et accoucher d’un autre récit plus adapté à l’homme mondialisé et déraciné qu’ils appellent de leurs vœux. Barbara Lefebvre rappelle comment, sous Najat Vallaud-Belkacem, certains « spécialistes » fomentèrent de nouveaux programmes d’histoire chargés de glorifier la France de la diversité ; et comment, sous la pression de l’opinion et de quelques professeurs attentifs, fut heureusement abandonné le projet qui consistait « à qualifier de “modules facultatifs” certains thèmes essentiels comme la chrétienté au Moyen-Âge ou les Lumières, quand l’histoire de l’islam ou des traites négrières étaient des “modules obligatoires” ». Depuis 2015, précise encore Barbara Lefebvre, les programmes d’histoire et de géographie sont malheureusement orientés par des thématiques sous-jacentes : le développement durable pour la géographie ; les migrations dans les deux matières « exclusivement sous l’angle de l’enrichissement économique ou culturel et de la nécessaire vitalité démographique ». Le règne de Louis XIV est ainsi réduit à la portion congrue tandis que le manuel Bordas de 5e promeut dans un chapitre consacré à l’islam une exposition hébergée sur France Tv Éducation intitulée… « Nos ancêtres Sarrasins ». Ce n’est qu’un exemple parmi mille. Pourtant, Thomas Legrand ne croit pas Zemmour lorsque celui-ci affirme que la propagande fait des ravages dans l’Éducation nationale. Et il ne voit toujours pas l’intérêt d’enseigner un récit national qu’il oppose bêtement à la « vérité historique » !

À lire aussi: Revenons à l’enseignement chronologique de l’histoire de France!

Le lendemain, sans contradicteur, c’est plus facile

Le candidat à la présidentielle enfonce le clou : l’enseignement du « roman national français » sera obligatoire s’il est élu. Thomas Legrand nous ressert alors une grossière louche sophistique : « Donc, on peut s’écarter de la vérité ? […] Il faut réinterpréter Dreyfus ? » Il est impossible que le journaliste le fasse exprès tellement c’est bête. J’éteins mon poste de radio en partageant avec moi-même une bien peu miséricordieuse pensée sur Thomas Legrand.

Le lendemain, mardi 8 février, l’éditorialiste revient sur l’entretien de la veille et confirme mon sentiment le concernant. Comme il n’y a plus personne pour le contredire, il dit tout et n’importe quoi, sans vergogne. Il reproche en particulier à Zemmour de n’avoir rien cédé sur « la responsabilité de la France dans la rafle du Veld’hiv » et nous ressert un « consensus scientifique » – avec comme point d’orgue le discours de Jacques Chirac en 1995 : « Ce jour-là, la France accomplissait l’irréparable. » – dont on se demande bien où il est allé le chercher. Selon lui, cela ne fait plus question pour personne. Cette affirmation prouve que Thomas Legrand ne lit pas suffisamment et prépare ses papiers en dilettante. Nombre d’historiens ou d’hommes politiques ont avalé de travers en écoutant le discours du président Chirac et beaucoup toussent quand ils entendent deux présidents successifs, François Hollande et Emmanuel Macron, reprendre la doxa chiraquienne en l’augmentant encore d’une charge contre « la France ». Dans son livre, Vel d’hiv 1942, où était la France ? [2], l’historien François Broche décrit l’évolution de l’attitude de Jacques Chirac, girouette politique suivant le sens du vent de l’opinion publique et finissant par estimer que la « faute [était] collective ». François Broche réfute cette interprétation. Il n’est pas le seul : Jean-Pierre Chevènement et Philippe Seguin parlèrent d’une vision biaisée, voire mensongère de l’histoire, et Pierre Nora refusa immédiatement cette utilisation « mémorielle » abusive de l’histoire à seule fin de complaire à certains. Robert Badinter fulmine contre le discours du président Chirac et déclare à l’historien Jacques Semelin en avril 2021 [3] : « Le discours de Chirac est plein d’émotion […]. Mais sur le plan juridique et politique, il ne résiste pas à l’analyse. […] En voulant se démarquer de Mitterrand, Chirac a trahi de Gaulle et les gaullistes. » De son côté, Jean-Noël Jeanneney n’a jamais caché son agacement devant la reprise à l’envi de cette phrase de Jacques Chirac sur « la France [qui] accomplissait l’irréparable », en totale contradiction avec le reste du discours évoquant une « France droite, généreuse, fidèle à ses traditions » qui « n’a jamais été à Vichy » mais « à Londres, incarnée par le général de Gaulle » et « partout où se battaient des Français libres » [4]. Les querelles historiques peuvent naître parfois, en France particulièrement, d’une simple question de style littéraire. Interrogée par Jacques Semelin, Christine Albanel, qui a rédigé le discours de Jacques Chirac et sera plus tard ministre de la Culture, dit : « Tout discours a ses règles d’écriture. » Elle admet qu’il « aurait été plus exact de parler du gouvernement de Vichy ». « Mais, ajoute-t-elle, comme ce mot Vichy revenait souvent dans le texte, j’ai voulu éviter une nouvelle répétition pour une question de style. J’étais cependant bien consciente que le mot “France” pouvait poser problème. » Elle ne croyait pas si bien dire.

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Lire ces livres, ces témoignages, ces analyses, cela demande un peu de temps et de curiosité. Peut-être Thomas Legrand manque-t-il de temps, tout simplement. Il fait alors comme tout le monde, je veux dire comme tous ses confrères aphatiques : il va au plus pressé en évoquant « les heures sombres », la « zemmourisation des esprits », les « forces politiques xénophobes », convaincu que cela suffira pour cacher ses insuffisances et ne s’apercevant pas qu’au contraire cela les fait éclater au grand jour.

Vel'd'hiv' 16 juillet 1942, où était la France ?

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La République a besoin d'histoire III 2010 - 2019

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(1) Génération “j’ai le droit” et C’est ça la France…, Barbara Lefebvre, Éditions Albin Michel.

(2) Édité aux éditions Pierre-Guillaume de Roux en 2018.

(3) Une énigme française, pourquoi les trois quarts des juifs en France n’ont pas été déportés, Jacques Semelin et Laurent Larcher, Éditions Albin Michel. Dans ce livre, un chapitre est consacré à “Déjouer le piège de M. Zemmour”. On peut ne pas être entièrement d’accord avec l’analyse faite par l’auteur au sujet du « piège » de Zemmour, cela n’enlève rien à la qualité de ce livre très instructif.

(4) La république a besoin d’histoire 2010-2019, Jean-Noël Jeanneney, CNRS Éditions.

Monsieur le président, les beaux discours n’empêchent pas le réel d’exister

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En ouvrant le Forum des Mondes méditerranéens, le président Macron a vanté les apports de l’immigration, une chance pour la France, selon lui. À Nantes, dans le même temps, la majorité de gauche s’écharpait sur la présence d’une nouvelle population indésirable qui fait grimper l’insécurité.


Lacan disait, le réel c’est quand on se cogne.

C’est après avoir lu le discours d’ouverture par le président Macron du Forum des Mondes méditerranéens, tenu tout récemment, que je me suis cogné.

La France « en plus grand » d’Emmanuel Macron

Les paroles étaient pourtant évocatrices du traditionnel rêve de fraternité entre tous les Méditerranéens. Et la France, dans ce monde idéal, s’affirmait une fois de plus comme une patrie maternelle et bienveillante :

« Je sais tout ce que mon pays doit à ces enfants venus du Levant, du Maghreb, de l’Europe du sud. Je sais aussi qu’ils ont énormément à faire pour la France (…) je le dis parce que (…)  tant et tant d’entre nous, parce qu’ils ont des origines, parfois des prénoms même dit-on, cette richesse plurielle, mais qui sont résolument totalement Français, aimant la France, en aimant les valeurs, en aimant sa laïcité, son histoire, ses projets, la défendant avec force, devraient oublier la richesse de leur famille, de leur culture, parfois des liens qui existent de l’autre côté (…) J’attends de nos compatriotes qu’ils soient totalement Français et Européens, qu’ils respectent tous les règles de la République, qu’ils aiment leur pays, oui, mais je veux dire à tous les enfants de la République, quelle que soit leur histoire, que quand ils viennent de ces autres rives, ils ont des choses formidables à apporter à la France et à la République, et que c’est une chance. Celle de faire la France en plus grand, de porter nos valeurs, nos ambitions et que nous devons les aider à le faire. Nos diasporas, nos binationaux sont une chance formidable pour la France et nous devons les aider à réussir, y compris de l’autre côté de la Méditerranée. »

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Je me disais, après tout c’est formidable tous ces Français issus de l’immigration qui défendent la France et ses valeurs avec force. Et puis, si Macron a raison, tous ces néo-Français vont nous permettre de « faire la France en plus grand », je ne sais pas trop ce que ça veut dire, mais ça sonne drôlement bien.

Et bing ! Je me cogne sur un papier terrible du Figaro qui parle de l’insécurité grandissante à Nantes. Et sur des propos tenus par l’adjoint au maire, socialiste, chargé de la sécurité, Pascal Bolo, qui donne une vision un peu moins idyllique de l’apport des migrations à notre cher pays – ce que j’appelle « le réel » : 

« Cette nouvelle délinquance est le fruit d’une cascade de dysfonctionnements mondiaux qui amènent sur nos villes des gens qui, désespérés de pouvoir vivre chez eux ou alors qui fuient des guerres, viennent chez nous. On se retrouve avec des individus qui ont des parcours de violence importants, qui n’ont pas de moyen de subsistance, qui ne sont pas régularisables et qui ne sont pas expulsables car mineurs ou incertains quant à leur nationalité. Notons encore que bien souvent leur pays d’origine n’est pas pressé de les retrouver. Et à cet égard la crise n’a pas arrangé les choses. Cela étant dit, on se retrouve, nous, au bout de la chaîne, confrontés à des gens qui sont enrôlés pas des vrais trafiquants en échange du gîte et du couvert. Et qui se livrent, pour certains, à des agressions plus violentes. Une violence qui pourrit la vie des gens et qui représente un degré d’insécurité très important, notamment pour les jeunes noctambules ».

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Loin du discours lyrique d’un président qui, comme tous ses prédécesseurs, possède l’art des belles paroles creuses, Monsieur Bolo me parlait du réel, c’est-à-dire de ce qui échappe à tout discours, et qui fait mal.

À Nantes, une population indésirable

Mais en suivant le fil Bolo je me suis piqué à une nouvelle aiguille douloureuse. Cet adjoint  à la sécurité, apparemment très consciencieux, a passé sa soirée du 31 décembre dans un des quartiers très chaud de Nantes. Il s’est alors fendu d’un tweet : « Passage à la croisée des trams à Commerce. Les indésirables sont là. Mais aussi les équipes de @reseau_tan et les patrouilles de la Police municipale mobilisées jusqu’à 2h et 4h cette nuit. Échanges avec tous ces professionnels passionnés par leur mission. Merci à toutes et tous. »

Cette vision réconfortante de la lutte contre la délinquance m’ayant quelque peu rasséréné, je retombai illico sur le réel, c’est-à-dire l’incompréhensible, un communiqué de deux autres adjoints au maire de Nantes, du groupe « écologiste et citoyen »,  Julie Laernoes et Christophe Jouin : 

« Le 31 décembre dernier, l’adjoint socialiste à la sécurité, utilisait le terme « indésirables » pour qualifier des individus présents sur l’espace public. Nous nous désolidarisons de ces propos et condamnons ce glissement sémantique vers des termes qui, employés à l’encontre de personnes, sont contraires à l’histoire et aux valeurs de notre famille politique et ne peuvent pas faire partie du vocabulaire de la gauche. Nous avons vocation à faire société avec toutes les personnes présentes sur notre territoire, et nous devons pour cela construire une ville ouverte et protectrice de toutes et tous, conformément aux valeurs sociales et écologistes qui animent notre engagement. »

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Pour ces gens-là, qualifier d’« indésirables » des voyous violents qui pourrissent la vie des Nantais, c’est déjà une atteinte insupportable aux « personnes ». Pour ces belles âmes, il faut « faire société » avec les voyous, voire les protéger puisqu’il faut protéger toutes et tous. Qu’il puisse exister une pensée politique permettant d’élaborer de tels discours, il n’y a ni mots, ni concepts, rien qui permette de le concevoir. C’est aussi à ranger du côté du réel lacanien, c’est-à-dire ce qui est strictement impensable, de l’ordre du délire.

Comment les articles 3 et 8 de la Convention de la CEDH ont été dévoyés

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Une tribune d’Alain Destexhe, ex-Secrétaire-général de Médecins Sans Frontières, Ex-Président de l’International Crisis Group, Sénateur honoraire belge


La Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a un pouvoir exorbitant qui s’applique, sans aucun recours possible, à 800 millions de citoyens européens et qui empêche la France de choisir sa politique migratoire. Nommés dans des conditions opaques, inconnus du public, ces juges de Strasbourg sont devenus un pouvoir législatif qui prive les parlements nationaux de leurs prérogatives. Les conséquences d’un arrêt de la CEDH condamnant la Serbie ou l’Albanie s’appliquent directement en droit français, sans que le Parlement, le gouvernement ou les juridictions françaises ne disposent de la possibilité de le contester.

Signé en 1950 — le souverainiste Churchill en était un ardent partisan — entré en vigueur en 1953, mais seulement ratifié par la France en 1974, le texte de la Convention n’a pas pris une ride et reste une référence non contestée pour la protection des droits de l’homme. Cependant, au fil des ans, la jurisprudence s’est éloignée du texte comme de l’esprit de la Convention et de l’intention de ses initiateurs. Dans le contexte de la guerre froide, il s’agissait, face à l’Union soviétique et ses satellites, d’affirmer la primauté des droits de l’homme au sein d’un « Conseil de l’Europe » des démocraties.

Peu de transparence

Aujourd’hui, les 47 juges, un par État, sont nommés par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) qui n’a pas de légitimité démocratique car cooptée par les parlements nationaux selon des règles qui leur sont propres. Les ONG proches de l’Open Society Fondations de George Soros y sont très actives. On s’attendrait à ce que ces juges émanent des plus hautes juridictions de leur pays. Il n’en est rien. À l’issue d’un processus peu transparent – point d’auditions publiques comme au Sénat américain pour les candidats à la Cour suprême – une bonne partie des juges nommés ne sont pas des magistrats professionnels, mais des professeurs ou des fonctionnaires spécialisés dans les « droits humains » ou encore des activistes des ONG. Selon le Centre européen pour le droit et la justice (ECLJ), au moins 22 juges, sur les 100 ayant siégé depuis 2009, sont d’anciens collaborateurs ou dirigeants de sept ONG actives auprès de la Cour, la plupart financées par le réseau Soros. Une fois nommés, 18 de ces 22 juges ont siégé dans des affaires introduites ou soutenues par l’organisation dont ils étaient auparavant les collaborateurs ! Le ECLJ a recensé 88 cas problématiques de conflit d’intérêts au cours des 10 dernières années. Dans 12 affaires seulement, des juges se sont abstenus de siéger en raison de leur lien avec une ONG impliquée.

Malgré l’influence extraordinaire de la CEDH, le monde politique se montre étrangement indifférent à son pouvoir qui empiète chaque année un peu plus sur le sien

Les décisions de la CEDH, qui peut être saisie par tout citoyen européen, sont sans appel possible et s’imposent aux 47 pays membres du Conseil de l’Europe. Elles édictent de nouvelles normes juridiques que les États doivent appliquer.  Progressivement, des obligations « négatives » – ne pas torturer, ne pas réduire en esclavage, ne pas ouvrir la correspondance privée – sont devenues des mesures « positives » : l’État est sommé de légiférer, de promouvoir et d’anticiper ce qui pourrait se passer. C’est particulièrement vrai en ce qui concerne l’interprétation des articles 3 et 8. 

L’article 3 relatif à la torture

L’article 3 « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants » est constamment invoqué pour s’opposer aux expulsions de clandestins, les rendant quasiment impossibles.  Au fil du temps, les juges ont interprété cet article de façon de plus en plus extensive, en considérant le risque potentiel d’être soumis à de mauvais traitements et pas seulement le fait d’y être soumis. La France devient directement responsable des violations qui pourraient avoir lieu dans un autre État si le migrant était renvoyé. Des centaines de jugements ont établi une jurisprudence solide qui n’implique même plus de débat de la Cour lorsqu’une nouvelle affaire se présente mais un jugement quasi automatique. L’article 3 ne souffre aucune dérogation… même s’il existe un danger public menaçant la vie de la nation comme le terrorisme. Et les motifs de non-renvoi vers un État tiers sont de plus en plus larges : absence d’un système de soins de santé adéquat dans le pays de retour pour un malade (même pour un multirécidiviste condamné), présence de la famille sur le territoire européen, enfermement même bref d’un mineur ou d’une mère avec son enfant. Le 22 juillet 2021, la CEDH a condamné la France pour avoir contraint une mère et sa fille de quatre mois à rester pendant 11 jours dans un centre de rétention du Loir-et-Cher en 2018 afin de pouvoir les expulser sur la base du règlement Dublin vers … l’Italie !

A lire aussi, Anne-Marie Le Pourhiet: La CEDH, tu l’aimes ou tu la quittes

En 2012, Hirsi Jamaa contre Italie, un arrêt majeur qui n’a pourtant pas fait la une des médias, a défini une fois pour toute la politique migratoire de l’Union européenne. Avec la complicité d’ONG, onze ressortissants somaliens et treize érythréens ont saisi la Cour. Leur embarcation destinée à rejoindre les côtes italiennes au départ de la Libye avait été refoulée par les garde-côtes italiens vers Tripoli en vertu d’un accord bilatéral conclu en 2009. La condamnation de l’Italie par la CEDH a rendu caducs tous les accords de réadmission conclus avec des États tiers. Elle empêche la France de renvoyer les migrants hors de l’Union européenne. Ni le président, ni le parlement français n’ont eu leur mot à dire. Sans débat, la CEDH a imposé sa politique migratoire à 47 pays représentant 800 millions d’Européens.

L’interprétation de l’article 3 est toujours plus large. La France ne peut plus extrader vers les États-Unis, une démocratie, un terroriste qui y risquerait la prison à vie. En 1989, L’arrêt Soering contre Royaume-Uni a condamné le Royaume-Uni pour avoir extradé un individu vers les États-Unis, où il risquait la peine de mort. En 1993, la CEDH a franchi une nouvelle étape : l’Arrêt Trabelsi a condamné la Belgique pour avoir extradé un suspect de terrorisme, Nizar Trabelsi, parce qu’il y risquait la prison à vie, considérée comme un traitement inhumain. Nul doute qu’à une prochaine occasion, la Cour restreindra encore les possibilités d’extradition.

L’article 8 fait exploser les demandes de regroupement familial

L’article 8 qui énonce que « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance » est devenu, par la magie de la jurisprudence, un droit au regroupement familial dans le pays d’accueil. On ne trouve pourtant aucune référence à ce concept dans les documents préparatoires de la Convention. La France n’a plus que de faibles marges de manœuvre (qu’elle n’utilise d’ailleurs pas assez) pour s’opposer au regroupement familial.

Le champ de l’action législative de la CEDH ne cesse de s’étendre. La France a été condamnée en 2014 car elle interdisait les syndicats dans l’armée (article 11 – liberté d’association).  En conséquence, les militaires peuvent désormais adhérer à des « associations professionnelles de nature syndicale ». Suite à une condamnation en vertu de l’article 8, la loi française a dû reconnaître la filiation légalement établie à l’étranger entre enfants nés d’une GPA et le couple y ayant eu recours.

D’un point de vue juridique, le plus sûr moyen consisterait à réviser par référendum l’article 55 de la Constitution qui garantit la primauté des traités sur les lois nationales

Malgré l’influence extraordinaire de la CEDH, le monde politique se montre étrangement indifférent à son pouvoir qui empiète chaque année un peu plus sur le sien. David Cameron prétendait sortir la Grande Bretagne de la CEDH, mais le Brexit a évacué la question. En 2013, l’UMP proposait de « poser des réserves d’interprétation sur l’article 8 de la CEDH ». Lors de la campagne de 2017, François Fillon voulait dénoncer la Convention et y adhérer à nouveau avec des réserves. Dans le cadre de l’élection présidentielle de 2022, Éric Zemmour est le seul à aborder le sujet.

Tu rentres ou tu sors?

Quelles sont les options possibles ? La France pourrait décider de ne pas appliquer les décisions de la CEDH. Dans ce cas, le gouvernement risque malgré tout une condamnation par un juge français saisi par un particulier pour non-application de la décision de la CEDH. Si la France décidait de se retirer de la Convention (une disposition prévue par l’article 58), elle y resterait liée via la Charte des droits fondamentaux de l’UE (article 52 §3) et par la prochaine adhésion directe de l’UE à la Convention. La France pourrait également se retirer de la CEDH et y adhérer à nouveau avec des réserves sur les articles 3 et 8, mais le problème de l’adhésion via l’Union européenne resterait posé. D’un point de vue juridique, le plus sûr moyen consisterait à réviser par référendum l’article 55 de la Constitution qui garantit la primauté des traités sur les lois nationales. 

A lire aussi, Erwan Seznec: À Calais, chronique d’une tragédie annoncée

Une dénonciation par la France de la Convention aurait un impact considérable et serait probablement suivie par d’autres pays. Comme le rappelle Éric Zemmour, les juges de Strasbourg n’ont aucun moyen de faire appliquer leurs décisions si les États s’y opposent, comme c’est souvent le cas par exemple de la Russie. 

La France n’a rien eu à dire sur l’évolution rapide de la jurisprudence depuis la ratification de 1974. La CEDH est l’illustration caricaturale et extrême du gouvernement de juges européens qui se substituent au législateur français ou européen et qui, sans légitimité et sans débat public, imposent leur idéologie. Ce sujet mérite un vrai débat dans le cadre de la campagne présidentielle.

En France, on n’a pas d’usine mais on a des idées!

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Shenzhen, Chine. Unsplash

Avec la pandémie, la France a pris conscience de sa dramatique désindustrialisation, et de sa dépendance à la Chine. Comment réindustrialiser ? Les candidats à la présidentielle y vont tous de leur annonce, mais on peut se demander s’ils ont bien compris les enjeux.


Si la France fait toujours bien partie du G8, ce club qui réunit les pays les plus industrialisés, la pandémie a laissé entrevoir une autre vérité : notre pays est le plus désindustrialisé d’Europe. Comme le rappelle Claude Sicard dans Le Figaro, « notre secteur industriel n’emploie plus que 2,7 millions de personnes et ne contribue à la formation du PIB que pour 10 % seulement ». Autre chiffre affolant : en 2021, le pays est confronté au pire déficit commercial de son histoire pour atteindre 84,7 milliards d’euros (soit 3,4 % du PIB). Serions-nous à l’aube de l’émergence du premier pays en voie de sous-développement ?

Migrant industriel assimilé à la « Shenzhen speed »

On disposait de nombreux éléments pour prévoir cette situation. A titre personnel j’en ai fait l’expérience quand j’ai pris la décision de partir en Chine, en 2007, après avoir subi la liquidation des usines de Philips au Mans…

Aujourd’hui, basé à Shenzhen, j’ai compris les éléments clés de la stratégie d’industrialisation de cette région : la production y est à portée de main. La proximité de tous les acteurs de la chaîne de la valeur industrielle est un atout de poids considérable. À la « Shenzhen Speed » tout va plus vite et lorsqu’une usine a besoin d’une pièce, elle la reçoit dans l’heure. Aujourd’hui cela est totalement impossible à faire en Europe, car l’ensemble des composants viennent d’Asie… Il convient de prendre en compte ces leçons si on veut voir un jour les industriels revenir en France.

Bien penser la réindustrialisation

En France, l’objectif n’est plus de « lutter contre la désindustrialisation » mais bel et bien d’œuvrer à la réindustrialisation, un chantier pour le moins ambitieux. Ils semblent lointains les jours heureux, ceux des Trente Glorieuses où Jean-Luc Lagardère était notre Elon Musk français… Depuis lors, la France s’est embourbée dans de mauvaises orientations politiques et économiques, pour la plupart édictées à Bruxelles – jusqu’à cette synthèse chimérique de « souveraineté européenne » chère au locataire actuel de l’Elysée.

À lire ensuite, Loïk Le Floch-Prigent: Pourquoi cette valse-hésitation sur le nucléaire français?

Alors que nos élites concentrent leurs efforts essentiellement sur la communication de ce qu’il y a de plus spectaculaire (comme ce fameux « Airbus des batteries » via un consortium européen visant à produire la batterie électrique des voitures du Vieux Continent), elles en oublient l’essentiel : il faut redévelopper un tissu industriel complet, de la souveraineté énergétique à l’extraction de minéraux industriels, jusqu’à la production de masse, sachant que ce tout dernier point n’est pas facile à valoriser dans un message politique.

Ce sont là toutes les conditions nécessaires afin de pouvoir un jour espérer égaler la « Shenzhen Speed ».

France 2030: un horizon incertain  

Le chef de l’État a dévoilé le 12 octobre dernier un plan d’investissement de 30 milliards d’euros sur cinq ans pour développer la compétitivité industrielle et les technologies d’avenir en France.

650 millions d’euros de ce plan de relance ont été attribués à des projets de réhabilitation des friches industrielles, et un budget de 800 millions d’euros a été alloué à la robotique. L’Etat vient aussi de lancer un fond FrenchTech doté de 550 millions d‘euros pour des aides à des projets d’industrialisation. Tout cela semble aller dans la bonne direction mais une question se pose toutefois : pourquoi avoir attendu cinq ans ? Et la philosophie qui se cache derrière ce plan est-elle sincère, ou est-ce encore une ruse politicienne pour séduire un électorat entrepreneurial de toute façon déjà acquis ?

Le président Emmanuel Macron présente le plan d’investissement France 2030 depuis l’Elysée, 12 octobre 2021 © Ludovic Marin/AP/SIPA Numéro de reportage : AP22614348_000006

France 2022: c’est demain

Dans quelques semaines, l’un des candidats franchira la porte de l’Élysée. Quelles seront ses premières mesures pour réindustrialiser la France ? Aujourd’hui, tous les candidats semblent avoir bien intégré cet impératif, mais force est de constater qu’on assiste surtout à un concours de déclarations :

À gauche, Fabien Roussel (PCF) souhaite interdire les délocalisations. Planificateur et visionnaire, Jean-Luc Melenchon (LFI) avait proposé de son côté de « planifier la réintroduction d’un produit quand sa production n’existe plus en France ou en Europe », mais il a vite revu ses ambitions à la baisse en affirmant fin janvier que « la réindustrialisation n’est pas un objectif en soi. La vraie question, c’est : « qu’est-ce qu’on doit produire nous ? » ».

A lire aussi, Sophie de Menthon: Marine Le Pen fait-elle encore peur aux patrons?

« Championne de la réindustrialisation » et pour la mise en place d’un « protectionnisme intelligent », Marine Le Pen a déclaré vouloir faire « de notre pays le paradis des entrepreneurs et de linnovation ».  Quant à Valérie Pécresse, la candidate LR, elle en appelle à l’action en rompant avec « les slogans creux » tout en voulant réindustrialiser « la France pour réduire notre empreinte carbone »! 

Pour Yannick Jadot (EELV), réindustrialiser veut dire « reconstruire une société de la bienveillance où lautre nest plus une menace, un adversaire, mais un enrichissement, une ouverture. »

Enfin, petit dernier arrivé sur l’échiquier politique, Eric Zemmour semble être le seul à avoir pensé une véritable politique de réindustrialisation dans sa globalité – idée qu’il défend depuis des années maintenant et bien avant que ce ne soit à la mode – sans effet de manches. D’une part via la mise en œuvre d’une réduction des impôts de production afin d’améliorer la compétitivité des entreprises. Il promet d’autre part de favoriser le made in France dans la commande publique. Enfin, il propose d’autre part la suppression des droits de succession des entreprises familiales.

Quel que soit le vainqueur, il devra faire vite: car si la France veut pouvoir un jour rattraper la « Shenzhen speed », elle doit se mettre au travail dès le lendemain du 24 avril 2022.

Partis, c’est fini

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L’ancien siège de La République en marche, rue Saint-Anne, à Paris, 14 novembre 2019 © ROMUALD MEIGNEUX/SIPA

Les partis politiques ont fait leur temps. Notre époque ne tolère plus ce qui faisait autrefois leur force: pérennité, hiérarchie, discipline. Privés de légitimité par l’individualisme ambiant, déconnectés de leur base électorale et affaiblis par les défections courantes de leurs cadres, ils ne font plus le poids face à des personnalités qui ne s’encombrent pas d’appareil.


En 2007 et 2012, le second tour de la présidentielle opposait les candidats des deux principaux partis, l’UMP et le PS qui, depuis trente ans, au rythme d’alternances à répétition, cogéraient la République française. Au milieu des années 2010, ces partis politiques dits « de gouvernement » semblaient au faîte de leur puissance et en tout cas d’une solidité à toute épreuve. Puis, d’un seul coup, en 2017, ils se sont effondrés, ouvrant la voie à un aventurier de talent, certes ancien ministre et disposant d’un réseau puissant, mais qui n’avait jamais été membre d’aucun d’entre eux et n’avait même jamais exercé de fonctions électives. Comment expliquer un revers de fortune aussi subit ?

La pérennité, c’est dépassé !

Le premier réflexe consiste à accuser les circonstances. Il est vrai que depuis cinq ans, les cafouillages, les choix hasardeux et les franches erreurs de casting se sont multipliés. À la dernière présidentielle, le candidat de la droite et du centre, qui durant la primaire avait fait campagne la morale en bandoulière, a été rattrapé par ses propres errements, mais surtout par une justice à charge qui lui a appliqué un traitement d’exception. Dans le camp socialiste, le désordre a été encore plus profond et très largement imputable à son patron : François Hollande. L’ancien président a laissé prospérer au sein du parti, des groupes parlementaires et du gouvernement lui-même, une fronde dirigée contre sa propre politique, qu’il a refusé de réprimer au nom d’un improbable esprit de synthèse. De maladroites confidences à la presse et l’échec de la réforme constitutionnelle sur la déchéance de nationalité ont fini par saper ce qui lui restait d’autorité et l’ont empêché de se représenter, c’est-à-dire de demander au peuple de juger son bilan, ce qu’exigeait pourtant la logique de la démocratie quinquennale. La désignation, pour le remplacer, d’un des chefs de son opposition interne a achevé de dérouter l’électeur et s’est soldée par le pire score jamais réalisé par un candidat socialiste sous la Ve République. Après cet exploit, le parti est entré en hibernation et, réveillé en sursaut à l’été 2021, il a, comme l’armée française dans les années 1930, réagi en nommant le plus ancien dans le grade le plus élevé. Le choix du nouveau Gamelin s’est porté sur Anne Hidalgo, en qualité de maire de Paris : plombée par une image catastrophique en dehors du périphérique et un bilan municipal désastreux, elle aura bien du mal à dépasser les 5 %. La fin de la partie n’est en revanche pas encore sonnée pour Les Républicains qui, après avoir atteint un point bas aux élections européennes de 2019, ont réussi sur le fil à désigner, avec Valérie Pécresse, une candidate susceptible d’atteindre le second tour.

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Cette suite d’événements a sans doute joué dans le déclin des partis. Elle ne doit cependant pas éluder une question plus profonde : ceux-ci sont-ils encore adaptés à la vie politique actuelle, aux attentes de l’opinion et aux exigences de la démocratie ? Dans leur forme classique, ils possèdent en effet quatre caractéristiques principales qui, toutes, apparaissent aujourd’hui contestées.

Le parti est d’abord et surtout une formation pérenne. Il se distingue ainsi des comités électoraux qui se réunissaient le temps de la campagne et étaient dissous une fois le vote achevé. Ce ne fut pas une mince affaire, au début du xxe siècle, que de retenir les militants durant ces périodes étales qui s’étendent entre deux scrutins. Or, on revient aujourd’hui à des modes de mobilisation, sinon éphémères, au moins plus occasionnels. En Marche a étécréé pour porter Emmanuel Macron à l’Élysée et, une fois élu, le nouveau président a, par ennui ou par calcul, clairement répugné à donner à son mouvement une forme partidaire traditionnelle. Ses structures sont restées lâches, son enracinement limité, ses militants rares ou peu engagés. Ce start-up party a obtenu des résultats déplorables aux élections locales où une présence durable sur le terrain est indispensable. Il n’est pas sûr qu’il en soit de même à la présidentielle où la campagne est très personnalisée et où une armée de militants nouveaux pourrait bien venir au secours d’une victoire annoncée.

Hiérarchie et discipline sont passées de mode

Deuxième caractéristique, les partis à l’ancienne sont des organisations hiérarchisées et disciplinées. Les décisions communes peuvent être prises selon des modalités diverses, mais une fois qu’elles sont effectives, elles s’imposent à tous, au risque pour les dissidents de se placer « hors du parti ». Aujourd’hui, les exclusions ont mauvaise presse, l’indiscipline est tolérée et les allers-retours ne posent plus de problèmes. Valérie Pécresse et Xavier Bertrand, qui avaient quitté LR avec fracas, sont revenus pour participer au congrès et la candidate désignée défend aujourd’hui, sur la sécurité ou l’immigration, des positions proches de celles qui avaient autrefois justifié son départ.

Troisième caractéristique, les partis ne rassemblent pas seulement des élus : ils disposent d’une réelle profondeur sociale et touchent des catégories diverses, y compris chez ceux qui se réclament de façon quasi exclusive du prolétariat. Ils se différencient ainsi des groupes parlementaires qui, au xixe siècle, dans les régimes libéraux et avant l’irruption des masses en politique, ont longtemps structuré la vie publique. Or, cette base sociale s’est, ces dernières années, considérablement réduite. D’abord d’un simple point de vue quantitatif : le PS compte aujourd’hui probablement moins de 50 000 membres (seuls 25 000, à jour de cotisation, ont pris part à l’investiture d’Anne Hidalgo). C’est un peu mieux du côté des Républicains, qui ont regroupé pour leur congrès de décembre environ 115 000 électeurs. Tout cela apparaît cependant dérisoire si l’on songe que, jusqu’aux années 1970, les partis politiques rassemblaient plusieurs centaines de milliers de militants. Mais le plus grave est ailleurs, dans l’extrême homogénéité des recrutements. Qui peuple les partis politiques ? Pour l’essentiel des professionnels, c’est-à-dire des personnes dont la carrière et la rémunération dépendent directement ou indirectement de leur engagement (ce qui ne signifie pas qu’elles soient intéressées ni malhonnêtes). Au sommet, des énarques, passés par des cabinets, peuplant les groupes d’experts et qui décident, un jour, de franchir le pas de l’élection ; au milieu, des attachés parlementaires montés en graine ; à la base, la masse des élus locaux et de leurs collaborateurs. Depuis 1982, la décentralisation et la limitation du cumul des mandats ont été les grands pourvoyeurs de ce système et on se souvient des cris d’orfraie quand Nicolas Sarkozy a voulu réduire le nombre d’élus. Ce n’est pas le moindre des paradoxes que de voir ce haut et ce bas clergé, qui a perdu le contact avec les fidèles, psalmodier sans cesse sur la démocratie participative et la diversité.

Devant les cadres de son parti, Valérie Pécresse prononce son premier discours de campagne, Paris, 11 décembre 2021.© BERTRAND GUAY / AFP

La base se réduit…

Enfin, les partis disposent d’un corps de doctrine stable, mais non figé, à la fois socle de références et source de débats. Le PC tirait son existence du marxisme-léninisme ; le socialiste démocratique rebattait les cartes de diverses traditions révolutionnaires et réformistes, les démocrates-chrétiens s’inspiraient des encycliques sociales et du personnalisme… Cette pensée savante se prolongeait dans une série d’attitudes qui, par la manifestation, le chant, le drapeau, le slogan, la célébration d’événements ou de personnages (tout ce que les historiens appellent la « culture politique »), visait à affirmer une identité collective. C’est sans doute là que les dégâts sont les plus profonds : cette construction à la fois intellectuelle et pratique s’est effondrée avec les institutions chargées de la transmettre, en particulier l’école. Simultanément, le développement des techniques de l’information a donné une prime à la réaction individuelle à portée immédiate au détriment de la réflexion collective de longue durée. Ce relâchement intellectuel a des conséquences. Il explique le « en même temps » macronien, c’est-à-dire l’usage frénétique des références contradictoires et l’affirmation d’un pragmatisme réduit à la volonté d’un seul. Il explique également le vide idéologique dans lequel se trouve le Rassemblement national. Le grand reproche que l’on peut faire à Marine Le Pen n’est pas d’être d’extrême droite (elle ne l’est pas !) mais d’avoir été incapable, après avoir courageusement liquidé le vieil héritage nationaliste dont son père était l’incarnation, de redéfinir une doctrine politique alternative.

Les partis de droite s’en sortent paradoxalement un peu mieux

Le constat est donc clair : les partis n’ont plus, ni la même puissance, ni la même substance, et la vie politique s’organise désormais à côté d’eux, voire contre eux. Ce décrochage explique l’émergence de forces nouvelles, autour de personnalités plus ou moins charismatiques. Emmanuel Macron ne se serait pas imposé en 2017 face à un PS resté puissant. Éric Zemmour marche sur ses pas et tente, cette fois-ci au détriment du RN, de reproduire aujourd’hui la même opération. Quant à LFI, elle est depuis toujours indissociable de son lider maximo et un nouvel échec – probable – de Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle posera inévitablement la question de sa survie.

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Quant aux formations plus classiques, elles souffrent, mais avec une intensité différente selon leurs positionnements idéologiques. La gauche est de loin la plus affectée, car elle a longtemps privilégié, dans son organisation, la forme partidaire. C’est elle qui l’a introduite en France, au début du xxe siècle, d’ailleurs avec retard sur d’autres pays européens. Le premier parti est, dit-on, le Parti radical, créé en 1901. Le modèle est perfectionné par la SFIO en 1905 et il est durci par le PCF, après le congrès de Tours, en 1920. Ces partis constituent, dans leur camp, les organisations dominantes : ils supplantent des syndicats faibles et divisés, et irriguent tout un champ associatif qui est certes un terrain d’influence et de lutte, mais aussi le lieu où ils se revivifient et renouvellent leurs potentiels militants (le parti communiste parlait volontiers d’« organisation de masse »). Leur déclin frappe donc la gauche au cœur et il n’est pas sûr qu’elle s’en remette. Cette présidentielle le montre bien. Les errements idéologiques actuels, qui voient tous les candidats privilégier, au lieu des traditionnelles propositions économiques et sociales, un progressisme sociétal en complet décalage avec leur base électorale, n’auraient tout simplement pas été possibles si la gauche avait conservé, comme une force de rappel, une base militante large et diversifiée.

Le célèbre « congrès de Tours » de la SFIO de décembre 1920, qui vit la naissance du PCF. © Leemage/Bridgeman

Très différente est la situation de la droite. Les partis n’ont jamais été son fort et leur affaiblissement l’affecte donc moins. Pour preuve : il n’a jamais existé, sur la durée, un grand parti de droite, comme l’est (depuis 1834, excusez du peu !) le Parti conservateur au Royaume-Uni. Les raisons en sont diverses : la division de ce camp, certes, mais surtout une relation beaucoup trop distante avec les catégories populaires. Quoi qu’il en soit, la mayonnaise n’a pas pris et la droite est restée séparée, tourmentée, querelleuse. Les structures existent mais elles sont secondaires : qui se souvient de l’Alliance démocratique et de l’Action libérale populaire, créées en 1901, la même année que le Parti radical ? Les rares tentatives de constituer des partis de masse à droite – comme le RPF du général de Gaulle en 1947 – ont fait long feu. Certes, un parti gaulliste ou néo-gaulliste demeure depuis 1958 la force hégémonique dans ce camp, mais le destin de ce parti reste très lié, depuis les années 1970, à l’aventure personnelle de ses dirigeants successifs, Jacques Chirac, puis Nicolas Sarkozy. Car la droite ne se rassemble ni autour de partis, ni autour d’idées, mais autour d’une personnalité : c’est peut-être la chance de Valérie Pécresse.

Elle traque le « sexisme » dans la presse quotidienne régionale

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Rose Lamy. Capture d'écran Dailymotion

Rose Lamy, un pseudonyme, a publié Préparez-vous pour la bagarre (JC Lattès) et entend démontrer que les journalistes ne sont que d’affreux jojos minimisant les « violences sexistes et sexuelles », qui font preuve d’une solidarité masculine détestable au détriment de nos amies les femmes. Son bouquin et son compte Instagram sont en réalité un condensé d’idéologie.


Je ne lis pas que des bons livres qui vont dans le sens de mes opinions. Par exemple, en allant faire un tour aux sympathiques rencontres organisées à Rennes par la librairie Le Failler et Ouest-France, j’ai découvert il y a peu Préparez-vous pour la bagarre, livre sous-titré « défaire le discours sexiste dans les médias », d’une certaine Rose Lamy. Rose Lamy fait partie d’une galaxie de comptes Instagram féministes qui, à grand renfort de visuels rose ou turquoise flashy (les mêmes couleurs que celles utilisées par les fabricants de rasoir féminins pour vendre des rasoirs plus chers que ceux que l’on trouve au rayon hommes) dénoncent pêle-mêle patriarcat, discours sexistes, prix des protections hygiéniques ou désintérêt pour le clitoris dans les cours de biologie. Le compte de Rose Lamy s’est lui spécialisé dans la détection des tics de langage « sexistes » de la presse.

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Jour après jour, au prix d’un laborieux travail de veille, Préparez-vous pour la bagarre (c’est aussi le nom du compte Instagram) traque la titraille dans la presse régionale et les dérapages télévisés. Ce profil Instagram connait un joli succès puisque 205 000 abonnés le suivent, et que les éditons JC Lattès ont jugé indispensable d’en faire un livre.

Traumatisée par les affaires Cantat et DSK

L’auteure n’a pas estimé bon de nous épargner la laideur de l’écriture inclusive. Tant pis si chacune de ses apparitions me fait le même effet que la petite giclée de l’appareil qui mesure la tension dans l’œil chez l’ophtalmo. Ne reculant face à aucune difficulté, j’ai poursuivi courageusement la lecture. Deux épisodes ont marqué la jeunesse et l’entrée en féminisme de Rose Lamy : l’affaire Cantat-Trintignant, en 2003, et l’affaire DSK-Diallo, en 2011. Le traitement médiatique des deux affaires – pas tout à fait irréprochable, il est vrai – a activé chez l’auteure une suspicion : « si les hommes prétendent aimer les femmes, ils préfèrent les hommes et les défendre ». Comme disait l’autre, les copains d’abord.

Elle reproche à la PQR de créer des « monstres » pittoresques, et de mal rendre compte de l’horreur des faits (…) La presse déformerait, euphémiserait trop les faits pour leur donner une portée romanesque et cocasse

Sur l’affaire Strauss-Kahn, elle nous remet en mémoire la déferlante de soutiens reçus en France par l’ancien président du FMI dans les jours qui ont suivi l’incident du Sofitel. BHL : « Vous pensez une seconde qu’on serait amis, si je pensais que DSK était un violeur compulsif, un homme de Neandertal, un type qui se conduit comme un prédateur sexuel avec les femmes qu’il rencontre ? Tout ça est absolument grotesque ! ». Jean-Christophe Cambadélis : « Nous ne pouvons pas croire à sa culpabilité. […] Après le temps de la spéculation, de l’émotion et de l’accusation, vient le temps de la défense et de l’amitié ». Manuel Valls : « Dominique Strauss-Kahn est un ami que je connais depuis longtemps. Les images de ce matin sont d’une cruauté insoutenable. J’avais les larmes aux yeux ». On finit en beauté avec Jean-François Kahn : « Je ne crois pas ça, je connais le personnage, je ne le pense pas. Qu’il y ait eu une imprudence, on peut pas le… […], j’sais pas comment le dire, un troussage, euh, de domestique ». L’auteure veut absolument voir là-dedans un réflexe de protection « entre mecs ».

Une certaine finesse manque à Rose Lamy pour comprendre certaines choses ou pour au moins rendre son propos intéressant. Lorsqu’elle cite Patrick Eudeline, qui écrivait dans Rock & Folk : « Je ne connaissais pas Cantat, mais comme tout le monde ou presque, je m’imagine à sa place ce soir-là, je ressasse toutes les violences, tous les cris, les scènes, les jalousies, tout ce que j’ai vécu, moi aussi, et qui aurait pu mal tourner », elle lui réplique qu’elle s’imagine, elle, plutôt à la place de Marie Trintignant se vidant de son sang pendant six heures… Il ne lui vient pas à l’esprit que la différence entre Eudeline et elle-même, c’est qu’Eudeline est un homme et qu’il lui peut être assez naturel de plutôt s’identifier au personnage masculin de l’histoire… Mais il faut aussi peut-être une certaine honnêteté et une certaine humilité, pour s’accabler de potentiels crimes que l’on n’a pas commis soi-même.

Même Mimie Mathy serait sexiste

Pire encore, Rose Lamy évoque un passage TV de Mimie Mathy dans l’émission Quotidien et la cite pour l’accabler. Quelques jours après l’épisode Polanski/Haenel. Mimie Mathy disait : « Je comprends tout à fait cette réaction, je n’ai pas été violée, j’ai eu cette chance… » ; et d’ajouter en substance : « en même temps, je n’ai pas vraiment le physique pour ». Je n’ai pas vu la séquence en direct mais je dois avouer qu’elle m’aurait sans doute fait hurler de rire. L’humour, c’est aussi la possibilité d’exprimer les petites choses horribles qui nous passent par la tête. Quand le trait d’esprit vise soi-même, on atteint souvent le sublime. Si Rose Lamy n’aime pas l’humour, qu’elle n’en dégoûte pas les autres !

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Le « sexisme ne dit jamais son nom, mais c’est bien lui qui conduit les rédactions à taire ou à reléguer les violences sexistes et sexuelles exercées contre les femmes en périphérie des unes et des pages centrales de nos journaux », nous dit l’auteure. On se demande quand même si c’est bien « ce sexisme » là qui a poussé les médias allemands (et français) à taire pendant plusieurs jours l’avalanche de plaintes pour violences sexuelles au lendemain de la Saint-Sylvestre, à Cologne en janvier 2016. On se demande si c’est bien le sexisme qui a poussé les autorités policières et les journalistes à camoufler l’information aussi longtemps que possible, ou la crainte d’une exaspération à l’égard de nouveaux damnés de la terre arrivés massivement quelques mois plus tôt en Allemagne…

Cologne, moins grave que ce qu’on nous a dit

On avance dans l’ouvrage et on se demande quand est-ce que cet épisode va nous être remémoré. On y arrive page 51. L’auteure a l’air très soulagée de nous rappeler que finalement, plus de 60% des agressions n’étaient pas à caractère sexuel et que seulement trois des 58 agresseurs étaient des réfugiés, pensant évacuer le caractère ethnique de l’affaire et le problème posé par la politique migratoire folle d’Angela Merkel. L’auteure se garde bien de rappeler que sur les 52 hommes mis en examen, 17 étaient Algériens, 16 Marocains, 7 Irakiens, 4 Allemands, un Tunisien, un Libyen, un Afghan, un Iranien, un Hongrois, un Egyptien, un Somalien et un Syrien.

En y regardant de plus près, il est quand même possible de délimiter une origine civilisationnelle bien précise chez ces braves gens, exception faite peut-être du Hongrois… Mais en une page, Rose Lamy nous montre sa maîtrise de l’euphémisation des faits qu’elle dénonce si bien chez les autres au cours des 299 autres pages du bouquin. Notons aussi qu’elle publie fréquemment dans ses stories Instagram la propagande de footballeuses jouant en hijab (accoutrement hautement indispensable à la pratique du football, mes années de visionnage de Téléfoot et de Canal Football Club en attestent) au nom d’une liberté individuelle qui fait que les femmes font bien ce qu’elles veulent, que la burqa et le string sont deux manifestations possibles de la liberté des femmes, et que les hommes blancs feraient bien de ne pas trop s’intéresser à ça, sans s’émouvoir des éventuelles pressions que peuvent subir certaines jeunes femmes à qui il viendrait à l’idée de se dispenser de ce couvre-chef. L’auteure, qui évoque son éducation catholique, a bien intégré la parabole christique et regarde plutôt la paille qu’il y a dans l’œil de sa civilisation plutôt que la poutre qu’il y a chez les autres. Ça doit être ça, finalement, le catholicisme « zombie » cher à Emmanuel Todd.

Stylo rouge

On pourrait s’arrêter sur plein d’autres petites choses, comme la remise en cause du principe de présomption d’innocence (Rose Lamy, qui n’a aucun mal à s’imaginer à la place de Marie Trintignant, en a peut-être davantage pour se mettre à la place de Philippe Caubère, accusé à tort de viol par Solveig Hallouin). Ou quand l’auteure déplore la manie des journalistes à appeler les femmes politiques par leur seul prénom, sans s’intéresser au fait que ces mêmes politiques ont-elles-mêmes lourdement participé à cela, comme Royal avec sa Ségosphère ou Pécresse avec ses « jeunes avec Valérie ». Même Laguiller, peu suspecte de goût pour le marketing, n’avait pas vu d’un mauvais œil le développement de la marque politique « Arlette »… Après tout, les faits sont de bien petites choses à côté de l’impératif idéologique.

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Il faudrait quand même faire attention à ne pas exagérer l’intérêt de l’ouvrage. À partir de la deuxième moitié, Rose Lamy prend le stylo rouge de l’institutrice et annote, corrige la titraille dans les journaux, des Ardennes au Béarn. La presse déformerait, euphémiserait trop les faits pour leur donner une portée romanesque et cocasse. L’auteure avoue être friande de faits divers, c’est beaucoup moins mon cas. Je me contente d’en voir passer les titres, et il est vrai qu’un peu de drôlerie m’aide à y faire un peu attention.

Lamy s’étonne qu’on puisse titrer « elle peine sur les mots croisés, il l’électrifie ». Elle reproche à la PQR de créer des « monstres » pittoresques, et de mal rendre compte de l’horreur des faits.

Je me souviens avoir vu il y a quelques années sur une chaine TNT une émission sur Simone Weber. Accusée d’avoir tué son mari, cette femme n’a pas non plus échappé à son petit sobriquet romanesque dans les gazettes : « la Bonne Dame de Nancy ». Le contraste entre l’évocation des faits accablants – la bonne femme descendant les escaliers dix-sept sacs-poubelles à la main, contenant le corps de son défunt mari, la meuleuse louée la veille, le bout de chair accroché à un disque de la meuleuse – et l’aplomb avec lequel elle se défendait (l’émission proposait des extraits d’interviews de la dame, à chaque fois lunaires) créait pour finir, un effet (c’est triste à dire) comique. On s’imagine bien que le dernier quart d’heure du pauvre homme a dû être compliqué, mais à un certain stade d’abomination le cerveau humain va chercher le pittoresque, le romanesque. Qu’on laisse donc écrire la presse régionale : « Ivre, il frappe sa compagne pour des grumeaux dans la pâte à crêpe », si jamais ça pouvait donner au badaud, par une sorte de catharsis, l’idée de ne pas en faire autant.

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À propos du voile des « hijabeuses » et de la tolérance

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© Thomas SAMSON / AFP

Les adversaires de la France se servent de lois qui furent autrefois nécessaires pour contenir l’intolérance. Il est temps de réfléchir à une réplique plus musclée face à ceux qui veulent islamiser la société. Pour l’instant, la FFF tient bon.


Elisabeth Moreno s’est exprimée sur LCI, jeudi 10 février, à propos du collectif des « Hijabeuses », qui a saisi le Conseil d’État en novembre 2021. Leur volonté est d’obtenir l’abrogation de l’article 1 du règlement de la Fédération française de football (FFF), qui interdit « tout port de signe ou tenue manifestant ostensiblement une appartenance politique, philosophique, religieuse ou syndicale ».

Les femmes « ont le droit de porter le voile islamique pour jouer » sur un terrain de foot, a estimé la ministre déléguée à l’Egalité femmes-hommes.

Détournement majeur de la démocratie libérale

Un nouveau totalitarisme, l’islam politique, veut imposer sa foi et ses lois. Il a ses compagnons de route antiracistes racialistes, indigénistes et ses idiots utiles au sein même des institutions républicaines. Il use, comme de précédentes idéologies en leur temps, de la terreur et de la ruse pour s’attaquer à des démocraties fatiguées et malades, qui ne savent réagir que par un déni et une passivité qui pourraient aller, dans un futur proche, jusqu’à des formes plus ou moins extrêmes de « collaboration » avec l’ennemi. Ce totalitarisme séduit en critiquant les vices de cette démocratie libérale qu’il méprise mais également en utilisant à son profit son droit et ses lois protectrices des libertés publiques.

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Déjà Jules Romains écrivait ceci en 1944 à propos du national-socialisme: « Donc, c’est en somme la première fois que l’ensemble d’idées et de valeurs morales, constitué lentement par près de trente siècles de philosophie et près de vingt siècles de christianisme, rencontre en face de lui, dans un duel à mort, un corps d’idées diamétralement adverse et audacieusement démasqué.

Il en résulte qu’un travail de rassemblement de nos idées, accompagné s’il y a lieu d’une révision sans complaisance, loin d’être un épisode latéral, se place dans l’axe même du combat.

Il s’ensuit que les champions de la cause « démocratique » ne peuvent plus se livrer à l’impression confortable d’être portés par l’histoire. Ils ont cette fois à lutter contre l’histoire, à l’empêcher de tourner mal, à réduire un remous énorme où toute une partie des forces morales et matérielles du monde s’est funestement engagée. »

Comment se réarmer face à cette offensive ?

Que faire ? Il fut un temps où un dialogue conflictuel  pouvait être tenté car la masse des opposants à notre civilisation était réduite. On pouvait organiser des controverses et se servir de la non-violence et des outils d’une bonne communication. J’y ai participé avec d’autres. On avait en face de soi des personnes imparfaites comme nous l’étions, pas toujours sincères ni honnêtes, mais il y en avait suffisamment d’autres qui l’étaient. Par ailleurs, chacun essayait de faire preuve de bonne volonté et, d’ailleurs,  avait intérêt à l’être. Les uns, pour lutter contre un vrai racisme et des inégalités majeures, et les autres pour défendre leur identité et leur territoire. 

À lire aussi: Quand LREM protège l’islamisation du sport

Désormais, il apparaît que les ressources du dialogue pacifique et de la coopération soient invalidées par l’état mental et les positions politiques d’un adversaire, déterminé à combattre. Il ne reste plus qu’à utiliser la force qui peut paraître brutale, qui l’est certainement mais qui seule peut le faire reculer ou capituler. 

Ce n’est donc pas l’idéologie, qu’elle soit celle de la bienveillance ou de la brutalité, qui doit décider de la conduite à tenir, mais la connaissance de la réalité et l’adaptation à cette réalité. Nos adversaires se servent de lois qui furent nécessaires pour contenir l’intolérance. Aujourd’hui ce n’est pas seulement la peur qui doit changer de camp, comme disent certains à propos de la criminalité, mais l’intolérance qui prend parfois le masque de la tolérance obligée.


Dans sa chronique, Elisabeth Lévy souligne que les militantes se font appeler les « hidjabeuses » et non les « footballeuses voilées », preuve que le sport est secondaire dans cette affaire…

Retrouvez Elisabeth Lévy chaque matin à 8h10 dans la matinale sur Sud Radio.

Sur un thème éternel, des variations brillantes

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D.R.

Qui donc oserait prétendre qu’entre le monde de la science et celui de la littérature, le divorce est consommé depuis longtemps ? Qu’est révolu depuis belle lurette le temps de Pic de la Mirandole ? Le poète Chaunes apporte la preuve vivante que cette croyance trop répandue est fallacieuse… 


Lui-même incarne, d’une certaine manière, la relativité du temps. A la pointe des découvertes scientifiques les plus actuelles, voire futuristes, ce poète classique, fidèle aux règles de la prosodie et de la métrique traditionnelles, a obtenu, au fil des ans, de multiples récompenses prestigieuses, dont, en 2005, le Grand Prix de poésie de l’Académie pour La Furie française.

Ce fervent de l’alexandrin se double, sous le nom de Jean-Patrick Connerade, d’un scientifique de haut vol. Spécialiste mondialement connu de physique quantique, il exerce à Londres de hautes fonctions. Outre ses travaux de recherche, il préside The European Academy For Sciences, Arts and Littérature. C’est assez dire l’envergure internationale de cet érudit. Sa culture encyclopédique.

Quant à Chaunes, son double, il a publié nombre de recueils, parfois en collaboration avec des poètes qui s’inscrivent dans la même tradition, amoureux du sonnet et du beau langage. Chez lui, la richesse du fond n’a d’égale que celle des rimes. Une forme poétique loin d’être surannée ou désuète, comme le clament les adeptes de la déconstruction. Elle conserve aujourd’hui tout son charme, dans le sens étymologique du terme.

Des poèmes à quatre mains

En témoigne Tatouage amoureux, cosigné avec la mystérieuse F**** D***.

Qui est celle-ci ? Nul lecteur ne le saura jamais¸ en dépit de certains indices – mais ils mènent à de fausses pistes.

Ce qui est clair, en revanche, c’est que l’inspiration de celle-ci comme son ardeur amoureuse sont si proches de celles de son co-auteur  – encore que conjuguées au féminin ! – qu’on pourrait aisément les confondre. Leur correspondance enflammée, volontiers libertine sans jamais verser dans l’érotisme de bas étage ou la pornographie, présente une particularité suggérée par le titre et que le lecteur découvrira.

Le libertinage – qui évoque celui du Siècle des Lumières- , la frivolité, l’émulation croissante entre les deux correspondants, l’humour souvent sous-jacent, l’art de suggérer : tout cela témoigne d’un incontestable talent auquel succomberont même les lecteurs les plus prudes. Comme on le devine, ce recueil de plus de cent sonnets n’est pas de la roupie. Il vaut de l’or. Jamais l’expression  « je l’ai dans la peau », que pourrait faire sienne F*** D***, n’a connu traduction plus littérale et concrète.

Chaunes et F**** D***, Tatouage amoureux. Préface de Serge Feneuille (Aux Poètes français, 112 p.)

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Peut-on encore être militant LGBT sans être woke?

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Image d'illustration Unsplash

À Lyon, les militants intersectionnels ou antifas grand-remplacent les militants de la cause homosexuelle à l’ancienne


Étonnant ! Mardi 10 février, l’ex-président de l’association LGBTI « Le Forum Gay et Lesbien » basée à Lyon, Philippe Dubreil, explique au micro de Patrick Roger sur Sud Radio la raison pour laquelle il quitte la présidence de ladite association, dont il fut à la tête pendant quatre ans. Pourquoi venir annoncer cela sur Sud Radio, me direz-vous ? Ce n’est peut-être pas un évènement capital… Mais c’est que Philippe Dubreuil est tout simplement venu dénoncer le wokisme qui s’est emparé du mouvement LGBTI, lentement mais sûrement, jusqu’à créer le chaos et confisquer la parole aux militants historiques de la cause homosexuelle, ceux qui se battent surtout pour les droits des homosexuels depuis une trentaine d’années. Un petit évènement qui vient rappeler les conflits qui peuvent agiter le militantisme progressif.

J’ai contacté Monsieur Dubreil : l’association qu’il quitte avait initialement pour vocation l’écoute et l’aide aux personnes LGBTI en difficulté, et était constituée de bénévoles de tous horizons – dont une catholique pratiquante.

Pente savonneuse

Seulement, depuis environ cinq ans, celle-ci glisse dangereusement sur la pente savonneuse du wokisme et de l’intersectionnalité… Et cela ne plaît pas du tout à son ex président. Lorsqu’on lui a reproché d’avoir choisi de l’orange et du gris – couleurs qui ne seraient pas assez inclusives – pour repeindre les locaux de l’association, il a décidé de jeter et le pinceau et l’éponge.   

A lire ensuite, Elisabeth Lévy: Bonjour, tristesse!

Dans un post Facebook relayé par notre amie Peggy Sastre que j’avais remarqué, Philippe Dubreil énumère les raisons pour lesquelles il quitte son poste : « La troisième raison : l’emprise du mouvement « woke » sur la militance LGBTI depuis plusieurs années. Je ne me reconnais plus dans ces nouveaux combats que sont l’intersectionnalité, la convergence des luttes des minorités contre la société, la lutte contre l’islamophobie exclusivement, le néo féminisme (…) »

La liste des griefs est encore longue, et nous commençons, hélas, à la connaître par cœur.

Je me suis donc longuement entretenue au téléphone avec Philippe Dubreuil. Il s’est bien sûr avant tout désoler une nouvelle fois des phénomènes énumérés plus haut, les trouvant absurdes : « Je ne comprends pas ce que vient faire la lutte pour les droits des migrants au sein de nos luttes LGBTI ! C’est la fameuse convergence des luttes, mais elle est insensée. Par exemple, il nous a été reproché de ne pas avoir assez de “racisés” parmi nos bénévoles, heureusement, nous avons une malvoyante, mais ce n’est que si elle avait été noire que nous aurions fait carton plein » raille le militant sur le départ. Ce monsieur a par chance un certain sens de l’humour.

Les antifas, c’est pas des pédés

Il me fait part surtout d’un phénomène peut-être sous-estimé : la tendance antifa chez les LGBTI. Ce mélange détonant fait régner une véritable terreur au sein de la tendance « old school » de la communauté homosexuelle. Il les a fort justement surnommé les « Pink Blocks ». Mais attention : leurs méthodes sont en réalité à l’image de leurs homologues Black Blocks. Par exemple, ils ont bloqué la Marche des Fiertés à Lyon  plusieurs années de suite, la trouvant trop festive et surtout trop mixte, car y défilaient mélangés les “racisés”, les lesbiennes, les trans et des gens qui n’étaient même pas correctement catalogués selon leur couleur de peur, leur identité sexuelle ou que sais-je encore. Un épouvantable crime de « lèse-wokisme » ! À Lyon, cette fâcheuse tendance communautariste est représentée par l’association CFL (le Collectif Fiertés en Lutte), m’apprend Dubreuil.

Philippe Dubreuil, qui évidemment ne manque pas de se faire désormais traiter de fasciste ou d’islamophobe, est en couple depuis neuf ans avec un Maghrébin. Celui-ci vit dans la terreur d’être rejeté par sa famille, qui ignore tout de son orientation sexuelle. Mais les petits bourgeois woke en mal de sensations fortes peuvent dormir tranquilles : les vrais problèmes persistants – comme celui de cet homophobie très présente au sein de la communauté musulmane – ne sont pas près d’être évoqués avec ceux qui devraient reprendre le drapeau arc-en-ciel que Dubreuil vient poser à terre…

Quand M’hammed Henniche faisait la pluie et le beau temps en Seine-Saint-Denis

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M'hammed Henniche Capture d'écran YouTube

Durant des années, M’hammed Henniche a dominé le jeu électoral en Seine-Saint-Denis, profitant de la veulerie de politiciens désireux de se faire élire ou réélire. L’homme, qui était notamment à la tête de la mosquée de Pantin fermée après la décapitation de Samuel Paty, a eu des rapports troubles avec des élus de tous bords. Plongée effrayante dans le clientélisme politique du 93, conséquence du développement du communautarisme musulman.


Gauche, droite, centre: l’intrigant M’hammed Henniche a mangé à tous les râteliers. Il s’est même vanté devant Gilles Kepel d’être «le premier lobbyiste musulman de France [1]».

En 2003, en effet, cet entrepreneur a réussi à rassembler la plupart des associations islamiques de Seine-Saint-Denis en une seule organisation, l’UAM93, dont il est le président. Cela l’a rendu assez puissant pour décider qui serait maire et qui ne le serait pas en Seine-Saint-Denis, où l’apport des voix musulmanes peut changer le résultat d’une élection municipale.

Tout est payant

Henniche cherche à fortifier le projet des islamistes en obtenant des maires des constructions de mosquées et de carrés musulmans dans les cimetières, ainsi que des écoles confessionnelles où les filles seront voilées, au détriment des autres communautés et de la loi de 1905. «Quand je soutiens un candidat, je vais “travailler le produit” comme un commercial: on prend contact, on discute, on voit ce qu’on peut vendre à [pour] la communauté[2]

Il ne s’allie donc pas avec les petits partis communautaristes, mais avec les partis les plus forts qu’il met en concurrence les uns avec les autres: «On préfère peser sur les partis majoritaires plutôt que donner notre soutien à une liste qui va faire 3 %[3]

«Une mosquée, dit-il en riant, c’est trois mandats. Un mandat pour la concertation avec tous les partenaires, un mandat pour trouver le terrain, alors qu’il est sous tes yeux, et un mandat pour construire la mosquée; à ce moment-là, le maire peut dormir tranquille car les musulmans doivent trouver l’argent[4]

«À un moment, on a mis le cap beaucoup plus à droite, et tout le monde l’a constaté. Pourquoi? Tout simplement les musulmans de France ont mis tous leurs oeufs dans un même panier qui est celui de la gauche. Pour obtenir quoi en échange? Rien. La droite était demandeuse. Alors on s’est dit: “Si on met deux ou trois oeufs, sur cinquante oeufs présents à gauche, peut-être que ça va marcher”. Et effectivement cela a très bien marché pour nous. La droite était plus entreprenante et la gauche a commencé à se questionner à propos de ce vote qu’elle pensait acquis[5]

Henniche et Jean-Christophe Lagarde

Henniche ne cache pas son mépris pour les élus qui ont accepté de violer les lois de la République et les droits des autres communautés pour acheter les voix qu’il leur proposait.

Voici comment il parlerait des grosses sommes payées aux islamistes en 2010 par l’UDI Jean-Christophe Lagarde: «Avec la droite, c’est simple, c’est: “faites-moi une facture”. Pas de contorsion comme avec la gauche. Ils lui ont présenté un devis et il a signé le chèque. C’est aussi simple que ça.» Le but? «Le député voulait casser la relation entre l’association musulmane et la municipalité. Et ça a marché»[6].

Lagarde aurait d’abord payé 50 000€ à l’association GELA qui se prétend laïque mais se présente, sur sa page Facebook, comme dédiée à l’enseignement de «la langue arabe et les bases de la religion musulmane, aux enfants et aux femmes».

A lire aussi, Jean Messiha: Face à l’islamo-gauchisme et à l’islamo-droitisme, la Reconquête!

Ensuite, il aurait versé 80 000€ pour financer l’Association culturelle des Musulmans de Bobigny, au profit de la «création d’un centre culturel musulman». Sauf que ladite association, sans le lui dire, a transféré le chèque à l’Association cultuelle des Musulmans de Bobigny… qui dévoile le pot-aux-roses en utilisant le compte Twitter de sa mosquée: «Un grand merci au député JC Lagarde pour sa subvention de 80000€ accordée à l’association dans le cadre de la réserve parlementaire !!!!!» Ce n’est pas la faute de Lagarde si la donation a été rendue caduque par le fait que, sans le lui dire, l’association culturelle avait donné l’argent à l’association religieuse, alors qu’un tel don ne peut pas être payé avec l’argent parlementaire…

Mais chez Lagarde, la construction des mosquées en violation de la loi 1905 semble être un dada. En 2008, il alla jusqu’à se vanter d’avoir menti à ses électeurs de Drancy en construisant une mosquée pour les seuls musulmans là où il leur avait annoncé une salle polyvalente pour tous. Et il s’en justifie en ces termes: «Contrairement à tous ces maires qui annoncent dans les médias qu’ils veulent une mosquée, moi, je l’ai[7]

En 2014, selon Eve Szeftzel, pour arracher la mairie de Bobigny aux communistes et la donner à Stéphane de Paoli, homme de son parti, Lagarde se serait rapproché de Lynda Benakouche, l’amie de Jean-Christophe Soumbou, chef du gang des Barbares qui séquestra et tortura Ilan Halimi à mort. Car ces atrocités ont fait en effet du gang des Barbares des caïds de quartier qui peuvent influer sur le vote de nombre de personnes. Benakouche aide donc à la victoire de l’UDI à Bobigny, obtient un emploi à la mairie sans aucun rapport avec ses capacités, et passe pour avoir été intouchable, car soutenue par le pouvoir en place dans la ville[8].

Qui a fait élire Bartolone?

En octobre 2007, au congrès de l’UAM93, le député Claude Bartolone (PS) déclare: «Nous devons relever ce pari pour montrer que dans notre pays nous pouvons construire des lieux de cultes beaux, accueillants… Permettez-moi d’évoquer un combat qui a été le mien : la nécessité de former des imams en France. Parce qu’à un moment donné, la prière, la langue et la culture doivent devenir des lieux de rencontre, des lieux d’enrichissement pour donner encore plus de force à l’islam de France.»

Le 20 mars suivant, il emporte la présidence du conseil général de Seine-Saint-Denis face à Éric Raoult (UMP-LR). La concurrence est dure, et il a dû se battre.

Invité sur Radio Beur, Henniche le loue en ces termes : «On a de très bons contacts avec le président du Conseil général. Je peux – et tout le monde le sait dans le 93 qu’on a fait sa campagne pour qu’il devienne président du Conseil général c’est officiel… Tout le monde le sait! Et même le parti communiste qui a perdu le conseil général l’a dit: “Pourquoi vous nous avez fait-ça?”. Ah oui donc c’est connu de tout le monde![9]»

L’élection de Gaudron, Ségura, Beschizza

Hassen Farsadou, fondateur de l’association Espérance musulmane de la jeunesse française (EMJF), préside avec Henniche l’UAM93. Tous deux soutiennent en 2003 le député UMP-LR Gérard Gaudron à Aulnay-sous-Bois. «J’avais négocié un terrain pour la mosquée avec la droite, dit Farsadou, mais en 2008, il n’y avait toujours rien de concret[10].» Hassen Farsadou quitte Gaudron et promet au conseiller général Gérard Ségura (PS) de le faire maire d’Aulnay s’il lui satisfait toutes sortes de revendications: «une école, des postes de directeurs généraux adjoints et de conseillers techniques à la mairie. Très sûrs d’eux, ils vantent leur influence dans les quartiers nord et font comprendre au candidat socialiste que des négociations sont aussi en cours avec son adversaire, le maire sortant de droite Gérard Gaudron[11]

A lire aussi: Scrutin LR: casse-tête chinois !

Ségura accepte, Farsadou et Henniche font campagne pour lui, et ils le font élire en 2008. Mais il donne la mosquée à une association musulmane rivale. Henniche punit Ségura en lui faisant perdre les élections de 2014 et en faisant élire à sa place Bruno Beschizza[12] (UMP-LR).

L’école islamiste dans un local public

Beschizza a accepté d’autoriser l’EMJF à faire une école confessionnelle musulmane par prêt gratuit (bail emphytéotique de 99 ans), d’une ancienne école publique désaffectée. Une belle prise: deux étages, 1200m2 avec cour. L’école sera islamiste, puisque Farsadou invite des prédicateurs[13] comme Nader Abou Anas, Éric Younous[14] et le salafiste pro-djihad Mehdi Bouzid, proche de l’un des frères Kouachi[15].

Dans l’affaire Théo, en 2017, cet ancien officier de police devenu maire n’a pas hésité à critiquer virulemment les policiers impliqués, position qu’il n’a pas changé même après la publication de la fameuse vidéo démontrant que Théo avait menti et que le policier ne l’avait pas violé. Ce silence encouragera les émeutiers et suscitera une campagne nationale contre la police et des violences dont l’incendie d’un policier au cocktail Molotov. Quant au policier innocent, sa vie a été ruinée: quand la vidéo a été publiée, un an plus tard, le public l’avait oublié, et il était trop tard pour le réhabiliter. Les personnalités qui l’avaient traîné dans la boue restèrent sur leur position, à l’exception de Patrick Quarteron, qui publia une vidéo dans laquelle il lui fit des excuses très émues.

Henniche et Valérie Pécresse

Henniche apprécie Valérie Pécresse, qui l’a courtisé autant que faire se peut. En juillet 2015, surtout, elle prépare les élections régionales en allant d’un iftar à l’autre. Et les discours démagogues de pleuvoir. Au Blanc-Mesnil, le 8 juillet, le maire Thierry Meignen (LR) déclare qu’il veut avancer rapidement sur le projet de la future mosquée, laquelle sera magnifique, et qu’il sera le plus heureux des hommes le jour où l’on aura posé sa première pierre. Valérie Pécresse, qui parle à ses côtés, est si flatteuse que le Canard Enchaîné commence son article par: «Valérie Akbar!» et la cite disant qu’il faut «résoudre la question des lieux de culte et des écoles confessionnelles car on doit pouvoir donner aux musulmans ce qu’on donne aux Français et aux Juifs (sic!). Le tout étant de lutter contre l’islamophobie[16]

A lire aussi, Nicolas Bay: Islamisme: quand Bruxelles se voile la face!

Naturellement, Henniche se réjouit quand, en décembre, Pécresse est élue présidente du Conseil régional d’Île-de-France. Il explique à l’hebdomadaire franco-turc Zaman pourquoi: «Elle est venue nous voir quatre à cinq fois et pas pour nous rappeler qu’il faut respecter la laïcité, mais pour nous dire de nous battre pour avoir notre place dans la République. Elle a exprimé son refus d’interdire le voile à l’université!… Elle a sûrement dû rajouter des éléments dans son programme après les attentats et a été contrainte de participer à la surenchère sécuritaire, mais on lui fait confiance et on espère qu’une fois le climat adoucit [sic], elle aura d’autres priorités.» Et le journaliste de conclure : « L’espoir donc, qu’elle ne tienne pas compte de ses engagements[17]

La faiblesse est humaine : il était tentant de se concilier les trente mosquées de l’association d’Henniche et leurs imams, même après les attentats de janvier et de novembre 2015. Comme le dit un observateur cité par le Canard Enchaîné, «se mettre un imam dans la poche, c’est une tribune gratuite et 250 personnes rassemblées chaque vendredi. Plus de location de salle, plus de meeting[18]

Pourtant, tous ces élus étaient supposés savoir à quoi ils s’engageaient en finançant, en fortifiant ces gens qui voulaient instaurer la charia en France à terme, au détriment des autres communautés locales et des musulmans qui aimaient la France. Le choix d’imams et d’associations à soutenir, les sermons qui se font dans les mosquées qu’il obtient, tout révélait l’islamisme d’Henniche. Du reste, il le montrait dans les articles qu’il postait sur son site Internet, uam93.com, sans qu’aucun de ces élus prétendument laïques de Seine-Saint-Denis, ne lui demande de les retirer.

Aujourd’hui, ces articles ne sont plus accessibles. Mais à l’époque dont il est question, ils l’étaient. Et nous en parlerons dans un article à paraitre demain sur Causeur.fr, dédié aux victimes d’Henniche.

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[1] https://legrandcontinent.eu/fr/2020/11/01/djihadisme-atmosphere-kepel/

[2] http://www.politis.fr/articles/2020/11/mhammed-henniche-influenceur-42503/

[3] Ève Szeftel, Le Maire et les Barbares, Albin Michel 2020.

[4] G. Davet et F. Lhomme, Inch’Allah, Fayard 2018.

[5] https://www.saphirnews.com/La-plupart-des-associations-musulmanes-sont-des-beni-oui-oui_a7687.html

[6] Ève Szeftel, op. cit.

[7] https://www.leparisien.fr/seine-saint-denis-93/quand-le-maire-se-felicite-d-avoir-menti-06-09-2008-201427.php

[8] Ève Szeftel, Le Maire et les Barbares, Albin Michel 2020.

[9] http://islamisation.hautetfort.com/archive/2010/05/24/l-uam93.html

[10] G. Davet et F. Lhomme, Inch’Allah, Fayard 2018.

[11] G. Davet et F. Lhomme, Inch’Allah, Fayard 2018.

[12] http://www.politis.fr/articles/2020/11/mhammed-henniche-influenceur-42503/

[13] https://www.marianne.net/societe/aulnay-sous-bois-le-nouvel-des-salafistes-au-gymnase-municipal

[14] Lina Murr Nehmé, L’Islamisme et les Femmes, Salvator 2018, p. 75-76.

[15] https://www.mediapart.fr/journal/france/271115/perquisitions-dans-le-93-tout-y-passe-le-bilan-est-maigre

[16] Le Canard enchaîné, 15 juillet 2015.

[17] https://www.uam93.com/en-banlieue-francilienne-accueil-mitige-pour-pecresse/

[18] Le Canard enchaîné, 15 juillet 2015.

Thomas Legrand, historien à la petite semaine

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Le journaliste Thomas Legrand Image: capture d'écran YouTube.

Face à Eric Zemmour, le journaliste de France inter s’est surpassé. Comme il semble prêt à tout pour le mettre en difficulté, nous analysons ici les sophismes les plus grossiers concernant l’histoire de France entendus au micro lundi matin.


Lundi 7 février, France Inter, la mort dans l’âme, reçoit Éric Zemmour. La mort dans l’âme, oui, car cette radio ne peut plus ne pas recevoir le « sulfureux polémiste » maintenant qu’il est devenu candidat à la présidentielle. Pendant plus d’une heure, les journalistes de la matinale croient soumettre Zemmour à la question. Mais ils sont décidément trop lisibles, trop prévisibles, et Zemmour tient facilement son cap, sans dévier d’un pouce.

Le plus prévisible d’entre tous les journalistes de France Inter est bien sûr Thomas Legrand, qui est une sorte de synthèse, combinaison parfaite d’idéologie gauchisante et de boboïsme balourd. Assez au fait des dernières modes progressistes et consacrant son temps à n’échapper à aucune, il ne lui reste que peu de temps pour lire, se documenter et préparer ses pourtant courtes interventions matutinales. Les coups qu’il croit fatals ne sont le plus souvent que de grossiers sophismes. Ce matin-là, il se surpasse.

Et l’autorité du savoir, nananère ?

Le journaliste interroge le candidat Zemmour sur l’école : « Vous voulez rétablir l’autorité du savoir et la hiérarchie, la supériorité du prof. sur les élèves. » Zemmour acquiesce. « Oui, mais l’autorité du savoir, vous la mettez vous-même en cause quand vous battez en brèche les consensus scientifiques, les consensus scientifiques historiques notamment ! »

À lire aussi, Gilles-William Goldnadel: Mineurs isolés: «Cette condamnation est une monstruosité juridique»

Legrand met sur le même plan deux choses incomparables, d’un côté la transmission du savoir à des élèves en cours de formation, et, de l’autre côté, la production de ce qu’il appelle des « consensus scientifiques » étayés par l’autorité supposément indiscutable de tel organisme ou telle institution et destinés à l’opinion publique. Zemmour n’a aucun mal à lui rétorquer que, premièrement, cette « autorité » n’a rien à voir avec celle des professeurs à l’école, et que, deuxièmement, les « consensus scientifiques historiques », cela n’existe pas. De toute manière, ajoute-t-il, avant même de penser à un travail historiographique qui ne peut être qu’un travail de chercheurs universitaires, il est nécessaire de rétablir à l’école primaire le « roman national français ».

Eric Zemmour sur le plateau de France 2, 9 décembre 2021 © Christophe ARCHAMBAULT / AFP

J’abonde naturellement dans le sens de Zemmour. Michelet l’avait compris le premier : le « roman national » a pour ambition de bâtir une communauté autour d’un récit incarnant l’identité d’un pays. Il permettait aux élèves d’antan de se repérer aisément dans le temps historique en s’appuyant sur des personnages prestigieux, des événements importants et des dates fameuses apprises dans le sens chronologique. De plus, comme le souligne Barbara Lefebvre [1], « le “roman national” transmis par l’histoire scolaire de 1880 jusqu’au début des années 1960 n’a guère embrigadé quand on voit tous les travaux dont l’objet a été de […] réinterroger de façon critique la construction du récit historique de la nation française. » Les historiens qui veulent « dénationaliser » l’histoire de France et qui refusent que soit enseigné son « récit national » à l’école sont souvent les mêmes qu’on retrouve aux côtés de l’extrême-gauche et des mouvements dits décoloniaux ou qui inventent une « histoire mondiale de la France » pour déconstruire l’identité française chère à Braudel et accoucher d’un autre récit plus adapté à l’homme mondialisé et déraciné qu’ils appellent de leurs vœux. Barbara Lefebvre rappelle comment, sous Najat Vallaud-Belkacem, certains « spécialistes » fomentèrent de nouveaux programmes d’histoire chargés de glorifier la France de la diversité ; et comment, sous la pression de l’opinion et de quelques professeurs attentifs, fut heureusement abandonné le projet qui consistait « à qualifier de “modules facultatifs” certains thèmes essentiels comme la chrétienté au Moyen-Âge ou les Lumières, quand l’histoire de l’islam ou des traites négrières étaient des “modules obligatoires” ». Depuis 2015, précise encore Barbara Lefebvre, les programmes d’histoire et de géographie sont malheureusement orientés par des thématiques sous-jacentes : le développement durable pour la géographie ; les migrations dans les deux matières « exclusivement sous l’angle de l’enrichissement économique ou culturel et de la nécessaire vitalité démographique ». Le règne de Louis XIV est ainsi réduit à la portion congrue tandis que le manuel Bordas de 5e promeut dans un chapitre consacré à l’islam une exposition hébergée sur France Tv Éducation intitulée… « Nos ancêtres Sarrasins ». Ce n’est qu’un exemple parmi mille. Pourtant, Thomas Legrand ne croit pas Zemmour lorsque celui-ci affirme que la propagande fait des ravages dans l’Éducation nationale. Et il ne voit toujours pas l’intérêt d’enseigner un récit national qu’il oppose bêtement à la « vérité historique » !

À lire aussi: Revenons à l’enseignement chronologique de l’histoire de France!

Le lendemain, sans contradicteur, c’est plus facile

Le candidat à la présidentielle enfonce le clou : l’enseignement du « roman national français » sera obligatoire s’il est élu. Thomas Legrand nous ressert alors une grossière louche sophistique : « Donc, on peut s’écarter de la vérité ? […] Il faut réinterpréter Dreyfus ? » Il est impossible que le journaliste le fasse exprès tellement c’est bête. J’éteins mon poste de radio en partageant avec moi-même une bien peu miséricordieuse pensée sur Thomas Legrand.

Le lendemain, mardi 8 février, l’éditorialiste revient sur l’entretien de la veille et confirme mon sentiment le concernant. Comme il n’y a plus personne pour le contredire, il dit tout et n’importe quoi, sans vergogne. Il reproche en particulier à Zemmour de n’avoir rien cédé sur « la responsabilité de la France dans la rafle du Veld’hiv » et nous ressert un « consensus scientifique » – avec comme point d’orgue le discours de Jacques Chirac en 1995 : « Ce jour-là, la France accomplissait l’irréparable. » – dont on se demande bien où il est allé le chercher. Selon lui, cela ne fait plus question pour personne. Cette affirmation prouve que Thomas Legrand ne lit pas suffisamment et prépare ses papiers en dilettante. Nombre d’historiens ou d’hommes politiques ont avalé de travers en écoutant le discours du président Chirac et beaucoup toussent quand ils entendent deux présidents successifs, François Hollande et Emmanuel Macron, reprendre la doxa chiraquienne en l’augmentant encore d’une charge contre « la France ». Dans son livre, Vel d’hiv 1942, où était la France ? [2], l’historien François Broche décrit l’évolution de l’attitude de Jacques Chirac, girouette politique suivant le sens du vent de l’opinion publique et finissant par estimer que la « faute [était] collective ». François Broche réfute cette interprétation. Il n’est pas le seul : Jean-Pierre Chevènement et Philippe Seguin parlèrent d’une vision biaisée, voire mensongère de l’histoire, et Pierre Nora refusa immédiatement cette utilisation « mémorielle » abusive de l’histoire à seule fin de complaire à certains. Robert Badinter fulmine contre le discours du président Chirac et déclare à l’historien Jacques Semelin en avril 2021 [3] : « Le discours de Chirac est plein d’émotion […]. Mais sur le plan juridique et politique, il ne résiste pas à l’analyse. […] En voulant se démarquer de Mitterrand, Chirac a trahi de Gaulle et les gaullistes. » De son côté, Jean-Noël Jeanneney n’a jamais caché son agacement devant la reprise à l’envi de cette phrase de Jacques Chirac sur « la France [qui] accomplissait l’irréparable », en totale contradiction avec le reste du discours évoquant une « France droite, généreuse, fidèle à ses traditions » qui « n’a jamais été à Vichy » mais « à Londres, incarnée par le général de Gaulle » et « partout où se battaient des Français libres » [4]. Les querelles historiques peuvent naître parfois, en France particulièrement, d’une simple question de style littéraire. Interrogée par Jacques Semelin, Christine Albanel, qui a rédigé le discours de Jacques Chirac et sera plus tard ministre de la Culture, dit : « Tout discours a ses règles d’écriture. » Elle admet qu’il « aurait été plus exact de parler du gouvernement de Vichy ». « Mais, ajoute-t-elle, comme ce mot Vichy revenait souvent dans le texte, j’ai voulu éviter une nouvelle répétition pour une question de style. J’étais cependant bien consciente que le mot “France” pouvait poser problème. » Elle ne croyait pas si bien dire.

A lire aussi: Alain Michel: “Vichy désirait protéger tous les Français, dont les juifs”

Lire ces livres, ces témoignages, ces analyses, cela demande un peu de temps et de curiosité. Peut-être Thomas Legrand manque-t-il de temps, tout simplement. Il fait alors comme tout le monde, je veux dire comme tous ses confrères aphatiques : il va au plus pressé en évoquant « les heures sombres », la « zemmourisation des esprits », les « forces politiques xénophobes », convaincu que cela suffira pour cacher ses insuffisances et ne s’apercevant pas qu’au contraire cela les fait éclater au grand jour.

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(1) Génération “j’ai le droit” et C’est ça la France…, Barbara Lefebvre, Éditions Albin Michel.

(2) Édité aux éditions Pierre-Guillaume de Roux en 2018.

(3) Une énigme française, pourquoi les trois quarts des juifs en France n’ont pas été déportés, Jacques Semelin et Laurent Larcher, Éditions Albin Michel. Dans ce livre, un chapitre est consacré à “Déjouer le piège de M. Zemmour”. On peut ne pas être entièrement d’accord avec l’analyse faite par l’auteur au sujet du « piège » de Zemmour, cela n’enlève rien à la qualité de ce livre très instructif.

(4) La république a besoin d’histoire 2010-2019, Jean-Noël Jeanneney, CNRS Éditions.

Monsieur le président, les beaux discours n’empêchent pas le réel d’exister

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Discours d'ouverture du Forum des mondes méditerranéens. D.R.

En ouvrant le Forum des Mondes méditerranéens, le président Macron a vanté les apports de l’immigration, une chance pour la France, selon lui. À Nantes, dans le même temps, la majorité de gauche s’écharpait sur la présence d’une nouvelle population indésirable qui fait grimper l’insécurité.


Lacan disait, le réel c’est quand on se cogne.

C’est après avoir lu le discours d’ouverture par le président Macron du Forum des Mondes méditerranéens, tenu tout récemment, que je me suis cogné.

La France « en plus grand » d’Emmanuel Macron

Les paroles étaient pourtant évocatrices du traditionnel rêve de fraternité entre tous les Méditerranéens. Et la France, dans ce monde idéal, s’affirmait une fois de plus comme une patrie maternelle et bienveillante :

« Je sais tout ce que mon pays doit à ces enfants venus du Levant, du Maghreb, de l’Europe du sud. Je sais aussi qu’ils ont énormément à faire pour la France (…) je le dis parce que (…)  tant et tant d’entre nous, parce qu’ils ont des origines, parfois des prénoms même dit-on, cette richesse plurielle, mais qui sont résolument totalement Français, aimant la France, en aimant les valeurs, en aimant sa laïcité, son histoire, ses projets, la défendant avec force, devraient oublier la richesse de leur famille, de leur culture, parfois des liens qui existent de l’autre côté (…) J’attends de nos compatriotes qu’ils soient totalement Français et Européens, qu’ils respectent tous les règles de la République, qu’ils aiment leur pays, oui, mais je veux dire à tous les enfants de la République, quelle que soit leur histoire, que quand ils viennent de ces autres rives, ils ont des choses formidables à apporter à la France et à la République, et que c’est une chance. Celle de faire la France en plus grand, de porter nos valeurs, nos ambitions et que nous devons les aider à le faire. Nos diasporas, nos binationaux sont une chance formidable pour la France et nous devons les aider à réussir, y compris de l’autre côté de la Méditerranée. »

A lire aussi: « Populiste ! » — l’injure à laquelle le capitaine Haddock n’avait pas pensé

Je me disais, après tout c’est formidable tous ces Français issus de l’immigration qui défendent la France et ses valeurs avec force. Et puis, si Macron a raison, tous ces néo-Français vont nous permettre de « faire la France en plus grand », je ne sais pas trop ce que ça veut dire, mais ça sonne drôlement bien.

Et bing ! Je me cogne sur un papier terrible du Figaro qui parle de l’insécurité grandissante à Nantes. Et sur des propos tenus par l’adjoint au maire, socialiste, chargé de la sécurité, Pascal Bolo, qui donne une vision un peu moins idyllique de l’apport des migrations à notre cher pays – ce que j’appelle « le réel » : 

« Cette nouvelle délinquance est le fruit d’une cascade de dysfonctionnements mondiaux qui amènent sur nos villes des gens qui, désespérés de pouvoir vivre chez eux ou alors qui fuient des guerres, viennent chez nous. On se retrouve avec des individus qui ont des parcours de violence importants, qui n’ont pas de moyen de subsistance, qui ne sont pas régularisables et qui ne sont pas expulsables car mineurs ou incertains quant à leur nationalité. Notons encore que bien souvent leur pays d’origine n’est pas pressé de les retrouver. Et à cet égard la crise n’a pas arrangé les choses. Cela étant dit, on se retrouve, nous, au bout de la chaîne, confrontés à des gens qui sont enrôlés pas des vrais trafiquants en échange du gîte et du couvert. Et qui se livrent, pour certains, à des agressions plus violentes. Une violence qui pourrit la vie des gens et qui représente un degré d’insécurité très important, notamment pour les jeunes noctambules ».

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Loin du discours lyrique d’un président qui, comme tous ses prédécesseurs, possède l’art des belles paroles creuses, Monsieur Bolo me parlait du réel, c’est-à-dire de ce qui échappe à tout discours, et qui fait mal.

À Nantes, une population indésirable

Mais en suivant le fil Bolo je me suis piqué à une nouvelle aiguille douloureuse. Cet adjoint  à la sécurité, apparemment très consciencieux, a passé sa soirée du 31 décembre dans un des quartiers très chaud de Nantes. Il s’est alors fendu d’un tweet : « Passage à la croisée des trams à Commerce. Les indésirables sont là. Mais aussi les équipes de @reseau_tan et les patrouilles de la Police municipale mobilisées jusqu’à 2h et 4h cette nuit. Échanges avec tous ces professionnels passionnés par leur mission. Merci à toutes et tous. »

Cette vision réconfortante de la lutte contre la délinquance m’ayant quelque peu rasséréné, je retombai illico sur le réel, c’est-à-dire l’incompréhensible, un communiqué de deux autres adjoints au maire de Nantes, du groupe « écologiste et citoyen »,  Julie Laernoes et Christophe Jouin : 

« Le 31 décembre dernier, l’adjoint socialiste à la sécurité, utilisait le terme « indésirables » pour qualifier des individus présents sur l’espace public. Nous nous désolidarisons de ces propos et condamnons ce glissement sémantique vers des termes qui, employés à l’encontre de personnes, sont contraires à l’histoire et aux valeurs de notre famille politique et ne peuvent pas faire partie du vocabulaire de la gauche. Nous avons vocation à faire société avec toutes les personnes présentes sur notre territoire, et nous devons pour cela construire une ville ouverte et protectrice de toutes et tous, conformément aux valeurs sociales et écologistes qui animent notre engagement. »

En kiosques: Causeur #98: Marine Le Pen sur Zemmour, Pécresse et les autres

Pour ces gens-là, qualifier d’« indésirables » des voyous violents qui pourrissent la vie des Nantais, c’est déjà une atteinte insupportable aux « personnes ». Pour ces belles âmes, il faut « faire société » avec les voyous, voire les protéger puisqu’il faut protéger toutes et tous. Qu’il puisse exister une pensée politique permettant d’élaborer de tels discours, il n’y a ni mots, ni concepts, rien qui permette de le concevoir. C’est aussi à ranger du côté du réel lacanien, c’est-à-dire ce qui est strictement impensable, de l’ordre du délire.

Comment les articles 3 et 8 de la Convention de la CEDH ont été dévoyés

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Le siège de la CEDH à Strasbourg © SAUTIER PHILIPPE/SIPA Numéro de reportage: 00577812_000003.

Une tribune d’Alain Destexhe, ex-Secrétaire-général de Médecins Sans Frontières, Ex-Président de l’International Crisis Group, Sénateur honoraire belge


La Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a un pouvoir exorbitant qui s’applique, sans aucun recours possible, à 800 millions de citoyens européens et qui empêche la France de choisir sa politique migratoire. Nommés dans des conditions opaques, inconnus du public, ces juges de Strasbourg sont devenus un pouvoir législatif qui prive les parlements nationaux de leurs prérogatives. Les conséquences d’un arrêt de la CEDH condamnant la Serbie ou l’Albanie s’appliquent directement en droit français, sans que le Parlement, le gouvernement ou les juridictions françaises ne disposent de la possibilité de le contester.

Signé en 1950 — le souverainiste Churchill en était un ardent partisan — entré en vigueur en 1953, mais seulement ratifié par la France en 1974, le texte de la Convention n’a pas pris une ride et reste une référence non contestée pour la protection des droits de l’homme. Cependant, au fil des ans, la jurisprudence s’est éloignée du texte comme de l’esprit de la Convention et de l’intention de ses initiateurs. Dans le contexte de la guerre froide, il s’agissait, face à l’Union soviétique et ses satellites, d’affirmer la primauté des droits de l’homme au sein d’un « Conseil de l’Europe » des démocraties.

Peu de transparence

Aujourd’hui, les 47 juges, un par État, sont nommés par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) qui n’a pas de légitimité démocratique car cooptée par les parlements nationaux selon des règles qui leur sont propres. Les ONG proches de l’Open Society Fondations de George Soros y sont très actives. On s’attendrait à ce que ces juges émanent des plus hautes juridictions de leur pays. Il n’en est rien. À l’issue d’un processus peu transparent – point d’auditions publiques comme au Sénat américain pour les candidats à la Cour suprême – une bonne partie des juges nommés ne sont pas des magistrats professionnels, mais des professeurs ou des fonctionnaires spécialisés dans les « droits humains » ou encore des activistes des ONG. Selon le Centre européen pour le droit et la justice (ECLJ), au moins 22 juges, sur les 100 ayant siégé depuis 2009, sont d’anciens collaborateurs ou dirigeants de sept ONG actives auprès de la Cour, la plupart financées par le réseau Soros. Une fois nommés, 18 de ces 22 juges ont siégé dans des affaires introduites ou soutenues par l’organisation dont ils étaient auparavant les collaborateurs ! Le ECLJ a recensé 88 cas problématiques de conflit d’intérêts au cours des 10 dernières années. Dans 12 affaires seulement, des juges se sont abstenus de siéger en raison de leur lien avec une ONG impliquée.

Malgré l’influence extraordinaire de la CEDH, le monde politique se montre étrangement indifférent à son pouvoir qui empiète chaque année un peu plus sur le sien

Les décisions de la CEDH, qui peut être saisie par tout citoyen européen, sont sans appel possible et s’imposent aux 47 pays membres du Conseil de l’Europe. Elles édictent de nouvelles normes juridiques que les États doivent appliquer.  Progressivement, des obligations « négatives » – ne pas torturer, ne pas réduire en esclavage, ne pas ouvrir la correspondance privée – sont devenues des mesures « positives » : l’État est sommé de légiférer, de promouvoir et d’anticiper ce qui pourrait se passer. C’est particulièrement vrai en ce qui concerne l’interprétation des articles 3 et 8. 

L’article 3 relatif à la torture

L’article 3 « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants » est constamment invoqué pour s’opposer aux expulsions de clandestins, les rendant quasiment impossibles.  Au fil du temps, les juges ont interprété cet article de façon de plus en plus extensive, en considérant le risque potentiel d’être soumis à de mauvais traitements et pas seulement le fait d’y être soumis. La France devient directement responsable des violations qui pourraient avoir lieu dans un autre État si le migrant était renvoyé. Des centaines de jugements ont établi une jurisprudence solide qui n’implique même plus de débat de la Cour lorsqu’une nouvelle affaire se présente mais un jugement quasi automatique. L’article 3 ne souffre aucune dérogation… même s’il existe un danger public menaçant la vie de la nation comme le terrorisme. Et les motifs de non-renvoi vers un État tiers sont de plus en plus larges : absence d’un système de soins de santé adéquat dans le pays de retour pour un malade (même pour un multirécidiviste condamné), présence de la famille sur le territoire européen, enfermement même bref d’un mineur ou d’une mère avec son enfant. Le 22 juillet 2021, la CEDH a condamné la France pour avoir contraint une mère et sa fille de quatre mois à rester pendant 11 jours dans un centre de rétention du Loir-et-Cher en 2018 afin de pouvoir les expulser sur la base du règlement Dublin vers … l’Italie !

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En 2012, Hirsi Jamaa contre Italie, un arrêt majeur qui n’a pourtant pas fait la une des médias, a défini une fois pour toute la politique migratoire de l’Union européenne. Avec la complicité d’ONG, onze ressortissants somaliens et treize érythréens ont saisi la Cour. Leur embarcation destinée à rejoindre les côtes italiennes au départ de la Libye avait été refoulée par les garde-côtes italiens vers Tripoli en vertu d’un accord bilatéral conclu en 2009. La condamnation de l’Italie par la CEDH a rendu caducs tous les accords de réadmission conclus avec des États tiers. Elle empêche la France de renvoyer les migrants hors de l’Union européenne. Ni le président, ni le parlement français n’ont eu leur mot à dire. Sans débat, la CEDH a imposé sa politique migratoire à 47 pays représentant 800 millions d’Européens.

L’interprétation de l’article 3 est toujours plus large. La France ne peut plus extrader vers les États-Unis, une démocratie, un terroriste qui y risquerait la prison à vie. En 1989, L’arrêt Soering contre Royaume-Uni a condamné le Royaume-Uni pour avoir extradé un individu vers les États-Unis, où il risquait la peine de mort. En 1993, la CEDH a franchi une nouvelle étape : l’Arrêt Trabelsi a condamné la Belgique pour avoir extradé un suspect de terrorisme, Nizar Trabelsi, parce qu’il y risquait la prison à vie, considérée comme un traitement inhumain. Nul doute qu’à une prochaine occasion, la Cour restreindra encore les possibilités d’extradition.

L’article 8 fait exploser les demandes de regroupement familial

L’article 8 qui énonce que « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance » est devenu, par la magie de la jurisprudence, un droit au regroupement familial dans le pays d’accueil. On ne trouve pourtant aucune référence à ce concept dans les documents préparatoires de la Convention. La France n’a plus que de faibles marges de manœuvre (qu’elle n’utilise d’ailleurs pas assez) pour s’opposer au regroupement familial.

Le champ de l’action législative de la CEDH ne cesse de s’étendre. La France a été condamnée en 2014 car elle interdisait les syndicats dans l’armée (article 11 – liberté d’association).  En conséquence, les militaires peuvent désormais adhérer à des « associations professionnelles de nature syndicale ». Suite à une condamnation en vertu de l’article 8, la loi française a dû reconnaître la filiation légalement établie à l’étranger entre enfants nés d’une GPA et le couple y ayant eu recours.

D’un point de vue juridique, le plus sûr moyen consisterait à réviser par référendum l’article 55 de la Constitution qui garantit la primauté des traités sur les lois nationales

Malgré l’influence extraordinaire de la CEDH, le monde politique se montre étrangement indifférent à son pouvoir qui empiète chaque année un peu plus sur le sien. David Cameron prétendait sortir la Grande Bretagne de la CEDH, mais le Brexit a évacué la question. En 2013, l’UMP proposait de « poser des réserves d’interprétation sur l’article 8 de la CEDH ». Lors de la campagne de 2017, François Fillon voulait dénoncer la Convention et y adhérer à nouveau avec des réserves. Dans le cadre de l’élection présidentielle de 2022, Éric Zemmour est le seul à aborder le sujet.

Tu rentres ou tu sors?

Quelles sont les options possibles ? La France pourrait décider de ne pas appliquer les décisions de la CEDH. Dans ce cas, le gouvernement risque malgré tout une condamnation par un juge français saisi par un particulier pour non-application de la décision de la CEDH. Si la France décidait de se retirer de la Convention (une disposition prévue par l’article 58), elle y resterait liée via la Charte des droits fondamentaux de l’UE (article 52 §3) et par la prochaine adhésion directe de l’UE à la Convention. La France pourrait également se retirer de la CEDH et y adhérer à nouveau avec des réserves sur les articles 3 et 8, mais le problème de l’adhésion via l’Union européenne resterait posé. D’un point de vue juridique, le plus sûr moyen consisterait à réviser par référendum l’article 55 de la Constitution qui garantit la primauté des traités sur les lois nationales. 

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Une dénonciation par la France de la Convention aurait un impact considérable et serait probablement suivie par d’autres pays. Comme le rappelle Éric Zemmour, les juges de Strasbourg n’ont aucun moyen de faire appliquer leurs décisions si les États s’y opposent, comme c’est souvent le cas par exemple de la Russie. 

La France n’a rien eu à dire sur l’évolution rapide de la jurisprudence depuis la ratification de 1974. La CEDH est l’illustration caricaturale et extrême du gouvernement de juges européens qui se substituent au législateur français ou européen et qui, sans légitimité et sans débat public, imposent leur idéologie. Ce sujet mérite un vrai débat dans le cadre de la campagne présidentielle.