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Un exil français, de Georges Bensoussan

Un témoignage édifiant à paraître chez L'Artilleur


Un exil français, de Georges Bensoussan
L'historien Georges Bensoussan, photographié en mai 2018. Il publie "Un exil français" le 21 septembre 2021 © Hannah Assouline.

20 ans après la publication des Territoires perdus de la République, Georges Bensoussan revient sur les procès intentés contre lui dans un nouveau livre (Un exil français, Un historien face à la Justice, L’Artilleur, septembre 2021). Le seul crime de l’historien finalement innocenté est d’avoir dénoncé avant les autres le nouvel antisémitisme.


On vous fait toujours payer vos bonnes actions. Il y a déjà vingt ans, Georges Bensoussan, épaulé par Iannis Roder et Barbara Lefebvre, sortait sous le pseudo collectif d’Emmanuel Brenner les Territoires perdus de la République, recueil de témoignages sur l’infiltration islamiste dans ces « territoires » que la France abandonne peu à peu à l’islam le plus rigoriste et au trafic de drogue. Ce titre est devenu une métaphore sur-utilisée, mais les autorités n’ont jamais rien fait pour bloquer la communautarisation de départements entiers, l’islamisation d’établissements scolaires, ni la montée d’un anti-sémitisme d’origine musulmane. Être lanceur d’alerte ne suffit pas pour qu’on vous croie — et il faudra attendre 2018 pour qu’au péril de leur bonne conscience, deux journalistes du Monde, Fabrice Lhomme et Gérard Davet, osent franchir le périph pour enquêter en Seine Saint-Denis. Saluons leur courage.

Entre-temps, Bensoussan avait plusieurs fois réédité son livre, augmenté chaque fois de témoignages nouveaux. Au grand dam des associations de poil et de plumes qui voient du racisme chez toute personne qui dit la vérité. Ainsi, l’« historienne » Laurence De Cock affirmait-elle depuis vingt ans que les Territoires perdus portaient la marque d’un « racisme culturel ». 

Hypocrisie monumentale

Je mets le mot « historienne » entre guillemets parce qu’il ne suffit pas d’être prof d’histoire ou de philo pour se décréter historien ou philosophe — surtout quand votre haut fait d’armes en matière de recherche porte sur « l’enseignement de l’Histoire », ce qui apparemment suffit à faire de vous un spécialiste, dans les sphères à oxygène raréfié du pédagogisme, Les profs de Lettres, après tout, par crainte du ridicule, évitent de se déclarer écrivains. Mais chacun, en France, se pare des plumes du paon, comme disait La Fontaine — même les geais et même les vilains corbeaux.

Pour mémoire, c’est cette honnête militante, pas du tout partisane ni imbue d’elle-même, que France 2, une chaîne 100% objective, avait choisi pour interroger le candidat Fillon lors de la présidentielle de 2017. Un gage certain d’objectivité.

A lire aussi, Alain Finkielkraut: Antisémitisme: face au parti du néant

Il a suffi que dans Répliques, l’émission d’Alain Finkielkraut, Bensoussan enfonce le clou pour que l’envie de pénal, comme disait Philippe Muray, saisisse cette « historienne » et ces officines bien-pensantes. C’est fou, quand on y pense, qu’une certaine extrême-gauche bien-pensante use des procédés de dénonciation popularisés sous Pétain. René Char en 1962, avec la préscience des poètes, parlait déjà de « pétainistes invertis », de « ce lot d’intellectuels aujourd’hui fardés au progressisme. »

Qu’avait donc dit Bensoussan— qui est, lui, un vrai historien, spécialiste des Juifs en pays arabes (2012) et de l’histoire de la Shoah ? Que les petits musulmans « tètent l’antisémitisme avec le lait de leur mère ».

C’était une métaphore qui en décalquait une autre, articulée par le sociologue d’origine algérienne Smaïn Laacher dans le documentaire de Georges Benayoun, Profs en territoires perdus de la République (2015) : « Cet antisémitisme, il est déjà déposé dans l’espace domestique, et il est quasi naturellement déposé sur la langue, déposé dans la langue. Il est dans l’air qu’on respire. Des parents à leurs enfants… quand ils veulent les réprimander, il suffit de les traiter de Juifs. Bon, mais ça, toutes les familles arabes la savent ! C’est une hypocrisie monumentale que de ne pas voir que cet antisémitisme, il est d’abord domestique. »

Bensoussan avait résumé le propos en exploitant la métaphore sous-jacente. La langue, c’est la langue maternelle — d’où le glissement à l’idée de « téter l’antisémitisme avec le lait de sa mère ». Au passage, notre historien de la Shoah s’est peut-être souvenu de la réflexion d’Itzhak Shamir déclarant au Jerusalem Post que « les Polonais tètent l’antisémitisme avec le lait de leur mère ». Être assimilé à des Polonais, pour des arabes, voilà qui frise probablement l’injure caractérisée. Le journaliste marocain Saïd Ghallab parlait déjà — en 1965 — du « lait haineux » dans lequel, par lequel grandissaient les Arabes.

Un long calvaire

Laurence De Cock, dont la vaste culture implique qu’elle connaissait ces références, lance immédiatement une pétition, signée par tout ce que la France compte de gens éclairés et pas du tout à parti pris, en jouant sur une seconde métaphore induite, du « lait » au « sang », pour accuser Bensoussan d’invoquer un argument génétique — donc raciste.

Je ne chercherai pas à savoir si le racisme n’est pas dans l’inconscient de gens qui opèrent ce genre de glissement sémantique. Le fait est qu’un certain nombre d’associations (le CCIF, la LDH, le MRAP et SOS Racisme) se joignent à la protestation et portent plainte nommément contre Bensoussan.

Entre-temps, le CSA, dont l’impartialité est légendaire et s’est encore illustrée ces jours derniers avec l’invention du statut de « candidat potentiel à la présidentielle » créé tout exprès pour Eric Zemmour, tance Finkielkraut et l’oblige à lire à l’antenne une mise au point qui ressemble fort à une rétractation. On ne disait pas encore « woke » en 2016, mais il y avait déjà plein de gens courageux et pas du tout soumis au politiquement correct.

Edwy Plenel, avril 2012. SIPA. 00618647_000021

Quant aux sites islamistes, ils s’indignent avec toute la vertu dont ils sont capables. Pour avoir été moi-même la cible d’Oumma.fr, sur eux la bénédiction d’Allah le Miséricordieux, je sais ce qu’une insinuation peut provoquer dans des cervelles malades. Sans avoir besoin d’articuler des menaces. Sans parler de Médiapart et de son honorable directeur, Edwy Plenel. On vit une époque formidable. Mais pas seulement les sites spécialisés. Libération en rajoute une couche, dénonçant les propos d’un responsable du Mémorial de la Shoah. Et de fait les institutionnels juifs ne se bousculeront pas pour soutenir Bensoussan. 

Faisons-la courte, pour ne pas déflorer un livre qui raconte patiemment le calvaire et le défilé de petites horreurs de quatre ans de procédure. Innocenté en première instance, puis en appel, Bensoussan est finalement définitivement blanchi en Cassation. Ces gens-là disposent apparemment de fonds illimités, tous issus, bien sûr, de dons parfaitement traçables. Eh bien oui, si tant de Juifs ont fui la Seine Saint-Denis, ce n’est pas seulement pour voir du pays, mais parce que leur sécurité n’était plus assurée dans ces territoires pas perdus pour tout le monde. Désormais, on peut le dire.

Ce qui a amené en avril 2018 Philippe Val et quelques autres — dont l’auteur de ces lignes — à signer un Manifeste contre le nouvel antisémitisme né dans notre France éclatée façon puzzle. Mais il ne faut pas en parler, de même que les lois mémorielles interdisent de fait d’évoquer un autre esclavagisme que celui des Européens. La traite africano-arabe ? Chut…

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Jacques Julliard, qui n’a « ni le courage d’être juif ni l’élégance d’être nègre », comme disait Brel (dans « Voir un ami pleurer ») et se contente d’être humaniste et intelligent — deux tares dont j’espère qu’il se repent chaque jour — livre à ce livre édifiant une préface lumineuse. Il y évoque le « pharisaïsme antiraciste de l’extrême-gauche » qui, prenant la raison à l’envers comme dans 1984, veut « faire reconnaître coupable celui qui ne partage pas ses convictions, quand bien même, et surtout, il est lui-même un combattant des droits de l’homme. » Parce que la Bêtise et la lâcheté chassent en meute, et qu’offenser un imbécile, c’est les offenser tous — et leur nom est légion.

Parce qu’il ne s’agit pas uniquement de protéger les Juifs. Il faut bien comprendre, écrit Bensoussan, qu’en « se montrant incapable de nommer le danger qui vise les Juifs, une partie de l’opinion française se refuse à voir ce qui la menace elle-même. » La haine du Juif est toujours le premier pas. Puis vient la haine du Blanc, du « kouffir », de tout ce qui n’est pas conforme à la doxa islamique et tiers-mondiste. 

Quant aux complices objectifs d’Houria Bouteldja, dont les livres ne sont pas du tout racistes, et de ses coreligionnaires, leurs noms apparaissent au bas des pétitions lancées par Laurence De Cock et ses semblables — sur eux sottise et bénédiction, comme disait Voltaire.

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Normalien et agrégé de lettres, Jean-Paul Brighelli a parcouru l'essentiel du paysage éducatif français, du collège à l'université. Il anime le blog "Bonnet d'âne" hébergé par Causeur.

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