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Paul Morand, surréaliste malgré lui

Le poème du dimanche.


André Breton avait estimé, à la lecture de Tendres Stocks que Paul Morand était « surréaliste par la métaphore. » Adoubement étrange si l’on y songe : Morand le réactionnaire apprécié par Breton le révolutionnaire… C’est sans doute que Morand réussit en littérature ce paradoxe qui consiste à être un réactionnaire absolument moderne, qui saisit parfaitement l’esprit de son temps, cette couleur chromée et joyeuse de la France et du monde en 1925 oubliant les horreurs de la guerre dans un enivrement constant par le jazz, la vitesse, le cinéma, la peinture ou la haute couture qui change la silhouette des femmes.

La partie poétique de l’œuvre de Morand enregistre cette modernité, la métabolise, ce qui donne ces joyaux dont les titres Lampes à Arc, Feuilles de Température, Vingt-cinq poèmes sans Oiseaux indiquent déjà un projet de sortie du vieux lyrisme pour mieux dire les métamorphoses de la beauté qui tient non plus aux choses elles-mêmes, mais au regard que l’on apprend à porter sur elles. Oui, une ville peut être belle mais on peut aussi être ému par des statistiques comme dans le poème que nous vous proposons le dimanche.


Un baiser
abrège la vie humaine de 3 minutes,
affirme le Département de Psychologie
de Western State College,
Gunnison (Col).
Le baiser
provoque de telles palpitations
que le cœur travaille en 4 secondes
plus qu’en 3 minutes.
Les statistiques prouvent
que 480 baisers
raccourcissent la vie d’un jour,
que 2 360 baisers
vous privent d’une semaine
et que 148 071 baisers,
c’est tout simplement une année de perdue.

Paul Morand

Tendres stocks

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Ci-gît le snob éternel!

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Antonius Moonen publie Snob éternel, un guide pratique des usages funéraires aux éditions «Le Chat Rouge».


Vivre est à la portée de n’importe quel quidam. Savoir mourir, en revanche, demande dignité et une forme de détachement qui ne s’acquiert pas si aisément. La mort intimide, rend à la fois perplexe et un peu bête. Elle vous cueille un matin au saut du lit ou à la suite d’une longue maladie, que vous vous y soyez préparé longtemps à l’avance ou pas, elle laisse coi. Croyez-moi, c’est une chose qui arrive bien assez vite et communément admise pour la prendre avec une certaine hauteur de vue et un sourire en coin.

C’est même l’œuvre d’une vie entière que de disparaître sans accabler ses proches, tout en se rappelant à leur bon souvenir par une plaisante singularité. En toute circonstance, du berceau au trépas, le snob se doit de respecter des bonnes manières et un code d’honneur, se plier à un protocole particulier et à une bienséance fortement malmenée aujourd’hui par nos élites barbares, refuser le commun et le trivial, s’extraire des masses et effectuer le grand saut dans l’inconnu avec flambe et morgue, ne surtout pas gêner ses contemporains. Certaines fautes de goût dans le choix du faire-part, de l’épitaphe, du corbillard ou du caveau sont impardonnables pour l’homme qui s’est obligé à vivre supérieurement durant des décennies. La mort ne changera rien à ce programme, elle vient juste clore une existence portée par l’exigence morale et vestimentaire, le souci du détail et une esthétisation du quotidien. Tant de gens meurent dans l’indifférence et la banalité, parfois même dans d’extrêmes souffrances et d’inextricables soucis financiers.

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Guide cocasse et guindé

Tout ça manque cruellement de courtoisie et d’ampleur. Antonius Moonen, né en 1956 aux Pays-Bas, déjà l’auteur du Petit bréviaire du snobisme en 2010 et du non moins estimable Manuel de savoir-vivre à l’usage des maîtres et maîtresses de chien en 2011 continue son travail d’évangélisation, tout en pratiquant un humour noir et un second degré salvateur dans une époque craintive. Cette fois-ci, il vient d’écrire Snob éternel aux éditions « Le Chat Rouge », maison qui publie depuis une vingtaine d’années des ouvrages précieux et décalés, sorte de cabinet de curiosités pour fins lettrés et dandys compulsifs. Les amateurs de raretés décomplexées et étranges connaissent la richesse de leur catalogue qui a notamment réédité La Comédie de la Mort de Théophile Gautier ou Les Poètes maudits de Paul Verlaine.  Dès sa préface, Antonius Moonen prévient le lecteur: « Le snobisme funéraire est vieux comme le monde comme nous révèlent les fouilles à Stonehenge (cimetière de la jet-set locale de l’âge du bronze), le Taj Mahal, les catacombes parisiennes et la Vallée des Rois en Égypte, les collections d’art funèbre des musées et les nombreux mausolées occupés par des célébrités ». Alors, comment concilier la mort qu’il qualifie de « scandaleusement républicaine » et d’« excessivement répandue » avec le snobisme ? « La démocratie et la popularité sont de loin les plus redoutables et méprisants des assassins de snobisme » avance-t-il. Ce guide cocasse et guindé, persifleur et didactique vous apprendra à éviter les pièges d’une mort standardisée comme la culture des tomates sous serres. Le thuriféraire avertit « être bien né ne suffit plus : il faut également être bien décédé ». Son abécédaire court d’Absoute à Zombie.

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Bienvenue chez Borniol

J’avais oublié la signification du mot « Borniol » qui s’apparente à une « lourde tenture noire que l’on tend à l’entrée d’une maison en deuil, au portique d’une église ou autour d’un catafalque ». L’amateur de voitures que je suis, a toujours eu un faible pour les corbillards, notamment les transformations des carrossiers sur des bases de Bentley et Rolls-Royce, l’auteur rappelle que « jadis il s’agissait d’un véhicule hippomobile » que l’on pouvait « embellir d’accessoires religieux, de draperies, de fleurs et de lanternes ».


L’auteur s’attarde sur des points techniques comme une mort survenue à l’étranger et la nécessité de rapatrier la dépouille, mais aussi quel « dress-code » adopter ? « L’étiquette conseille de retirer tous les bijoux, sauf l’alliance », écrit-il. Et qu’en est-il des vêtements de deuil pour votre veuve, par exemple ? « Même dans les régions les plus conservatrices, on accepte aujourd’hui l’abandon plus rapide des vêtements de deuil. On considère qu’au bout de six mois, la vie normale peut reprendre son cours ».

Snob éternel de Antonius Moonen – Le Chat Rouge

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Et maintenant, Brighelli drague les trans!

Après avoir assidument courtisé les pédagogistes, les islamistes, les féministes de deuxième dégénération, les intellectuels de Saint-Germain-des-Prés, les gens de gauche et la plupart des gens de droite, les adolescents de degré zéro et les crétins de toutes farines, notre chroniqueur tente de séduire les transgenres. Ne le décourageons pas, quoique l’issue d’une telle drague soit courue d’avance.


Sur le papier, Kathleen Stock coche toutes les bonnes cases. Universitaire, féministe, lesbienne, spécialiste de l’égalité des sexes. Nous ne sommes pas loin de la caricature. Mais voilà : elle a déclaré, en 2021, que le sexe biologique était une réalité inaliénable, comme le rappelle Arnaud De La Grange dans Le Figaro: « Concrètement, elle estimait qu’en ce qui concerne les vestiaires, les toilettes ou encore les prisons, les femmes devaient avoir des espaces réservés et non mixtes, afin notamment d’être protégées d’éventuelles agressions sexuelles. Et qu’elles ne devraient pas participer à des compétitions sportives avec des femmes transgenres. »

Moins ils sont nombreux, plus ils hurlent

Péché mortel pour tous ceux qui affirment, ces derniers temps, que le trans est l’avenir de l’homme et de la femme. Kathleen Stock a dû démissionner de son poste à l’université du Sussex — non, je ne me permettrai aucun jeu de mots débile sur Sussex. Invitée à s’exprimer à Oxford le 30 mai, elle est la cible d’une coalition de militants déchaînés — moins ils sont nombreux, plus ils hurlent, l’occupation de l’espace sonore compense leur faiblesse numérique — épaulés par des universitaires désireux de surenchérir sans cesse par peur d’être à leur tour pris pour cibles.

Un jeune universitaire honorable, John Maier, a rédigé une pétition de soutien à Kathleen Stock, parue dans The Telegraph. Pétition co-signée de certains de ses collègues — mais d’autres, explique Maier, ont retiré leur nom, par peur des réactions. Le courage du corps enseignant m’étonnera toujours.

Plusieurs centaines de ces mêmes enseignants ont signé une lettre pour contester la décision de faire Kathleen Stock chevalier de l’Ordre de l’Empire britannique, affirmant que sa « rhétorique néfaste » sur les personnes transgenres renforçait « le statu quo patriarcal ». Admirable. Quand on touche de l’idéologie à l’état pur, il faut la mettre en conserve pour l’édification de notre époque.

Alors, allons-y pour une bonne louche de patriarcat blanc — forcément oppresseur. Mais comme chantait Polnareff: « Je suis un homme, comme on en voit dans les muséums… »

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Il y a au Louvre une admirable statue en marbre d’un transgenre de l’époque romaine, inspirée d’un original grec en bronze du IIe siècle av. JC. L’une des plus belles paires de fesses de la statuaire mondiale. Un vrai — né comme ça. Les hermaphrodites, ça existe. On en a dénombré à ce jour environ 500 à l’échelle mondiale. Nombre de médecins considèrent cette simultanéité d’organes mâles et femelles comme une aberration chromosomique — d’autant qu’un hermaphrodite ne peut se reproduire, ni en tant qu’homme, ni en tant que femme, contrairement à nombre d’animaux (les escargots par exemple) et de plantes à hermaphrodisme avéré. La nature n’a aucun intérêt à les multiplier.

Mais, me direz-vous, il s’agit là d’un cas très particulier. Les transgenres qui s’agitent aujourd’hui sont bien plus nombreux : ils ont lu Simone de Beauvoir de travers, et estiment donc qu’on ne naît pas femme (ni homme), mais qu’on le devient par un effort de la volonté. Et que né Richard ou Jean-Pierre, j’ai le droit de me faire appeler Héloïse ou Carmen, si je le ressens ainsi, le droit de faire la queue (non, je résisterai au jeu de mots !) dans les toilettes des filles, et de violer sous la douche les membres (non ! Je ne veux rien entendre !) de l’équipe féminine où je me suis fait une place.

Soyons sérieux. Que des adolescents perturbés (pléonasme !), parvenus à cet âge-charnière où les hormones vous incitent à vous poser gravement des questions insolubles, se demandent s’ils aiment les garçons ou les filles, j’y consens: toutes les enquêtes prouvent qu’il y a un noyau incompressible de 4,5% d’homosexuels des deux sexes. Plus quelques-uns que l’on a persuadés qu’ils l’étaient : c’est ainsi que Philippe d’Orléans, né en 1640 deux ans après son frère Louis, fut élevé comme une fille, afin qu’il ne renouvelât pas le complot permanent de Gaston d’Orléans contre Louis XIII. Philippe développa donc pour les palefreniers du Palais-Royal les goûts qu’avait son frère pour les chambrières. De là à se demander s’il était bien un garçon… S’il n’était pas né fille, et si les ustensiles qu’il trimballait par devant n’étaient pas des simulacres… Si…

Une époque troublante

Nous vivons une époque étrange, où les questions les plus sérieuses sont évacuées, et remplacées (habilement, diront certains) par ces problèmes sociétaux qui font jaser les gazettes. Si votre enfant a, pour parler comme Judith Butler, un trouble dans son genre, parlez avec lui, au besoin confiez-le à un psychothérapeute intelligent (oxymore !), mais en aucun cas n’entrez dans son jeu pervers consistant à s’habiller en fille en se faisant appeler Joséphine ou Daphné, comme Tony Curtis et Jack Lemmon dans Certains l’aiment chaud.


Certains jours, je pense très fort que les garçons qui se sentent filles cherchent juste un moyen d’aimer… les garçons sans se faire traiter de gays. Et pareil pour les filles. Les parents consentent à ce que leurs bambins prennent des traitements hormonaux ou recourent précocement à la chirurgie plastique pour se faire greffer des nichons. Les parents qui entrent dans ces fantasmes sont des imbéciles, à qui, neuf fois sur 10, leur progéniture malheureuse, après quelques mois ou années d’errance, reprochera amèrement d’avoir contribué à leur malheur.

Écrire cela, ce n’est pas être réactionnaire : c’est se prémunir contre un totalitarisme nouveau, qui sous l’étiquette woke est aussi pervers que le stalinisme. Les fascistes ne sont pas dans le camp que l’on croit — je me suis exprimé sur le sujet. Et pendant que nous nous perdons notre temps à interdire de parole des universitaires conscientes (ou des romancières intelligentes, voir ce qui est arrivé à J.K. Rowling, boycottée par les « trans » pour avoir émis sur l’identité féminine des opinions de bon sens), les Chinois, silencieusement, augmentent leur production industrielle et s’achètent de larges pans d’Afrique, d’Amérique et d’Europe. Ils doivent rigoler, les Fils du Ciel, quand ils voient dans quels débats byzantins nous perdons notre énergie et le peu qu’il nous reste d’âme. « Décivilisation » ? dit Macron. Décomposition plutôt.

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Un queer masqué, une erreur 404?


On a cru qu’avec la réintégration des soignants non vaccinés, le glas de la société covidée, masquée, sur-testée, sur-vaccinée, quand elle n’était pas confinée, avait enfin sonné. Raté. Certes, le Covid a disparu des radars médiatiques, les retraites ont chassé le pangolin et avec lui la psychose sanitaire. Pourtant, le virus et ses 50 nuances de variants continuent à bas bruit leur mutation et le sanitairement correct imprègne encore certains de nos comportements, y compris chez ceux qui se disent subversifs. Comme en témoigne la promo de la « Pride des banlieues », cette « marche des fiertés LGBTQI+ des quartiers populaires » qui se déroule, comme chaque année, depuis sa création en 2019 à Saint-Denis. L’édition 2023 aura lieu le 3 juin avec pour mot d’ordre, selon la novlangue inclusive, la « PMA réellement pour toustes » et comme égérie, la plus jeune retraitée du cinéma français, l’incontournable Adèle Haenel, devenue la caricature de la militante lesbienne version camionneuse, misandre jusqu’au bout de ses cheveux en brosse, totalement trans-friendly, éco-radicalisée prête à balancer une purée de carotte sur la Joconde et à faire un sit-in devant le siège de Total, les yeux encore plus révulsés que d’habitude devant la courbe ascendante de leurs superprofits. 

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Mais revenons à la pride, elle se fera en trois temps, d’abord la marche des revendications, puis le « village des fiertés » avec ses stands militants et ses séances de tatouages et de strass dentaires et enfin « l’after party ». Le tout, nous promet-on, « dans un cadre festif et safe » pour les minorités et leurs « alliés ». Mais sous les paillettes de l’inclusivité, il n’y a pas que le vocabulaire guerrier qui se loge mais aussi le discours normatif de l’hygiénisme sanitaire. Le port du masque est « vivement conseillé » quand bien même les participants seront à l’extérieur. Voilà qui est un peu drôle, quand on sait que la plupart des participants à la marche se définissent comme queer – c’est-à-dire comme se situant en dehors des normes sociales jugées structurellement LGBTQI+phobes ! 

Comment une personne queer qui s’accomplit en transgressant et subvertissant les normes peut-elle porter un masque non pas festif mais hygiéniste alors même que l’épidémie est terminée, que le masque à l’extérieur n’a jamais été utile pour éviter la transmission du virus, sans être en contradiction avec elle-même ? N’y a-t-il pas une erreur 404 selon la formule préférée d’un  chroniqueur de CNews ? 

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Ce n’est pas certain, car, après tout, se masquer revient à invisibiliser le visage, défini comme la chose la plus humaine puisqu’il nous singularise comme l’expliquent le philosophe Giorgio Agamben ou encore Emmanuel Levinas. Alors pour ceux qui remettent en question l’universalité de l’espèce humaine fondée sur la dichotomie des sexes c’est finalement peut-être assez logique. Rappellons qu’il s’agit pour ces militants de combattre l’universel et de faire triompher la fluidité de genre selon laquelle on peut être tout et n’importe quoi, femme, homme, les deux, femme trans, homme trans, licorne… et sexuellement pansexuel, asexuel, bisexuel, homo, tout à la fois et changer sans cesse selon les caprices d’un désir perpétuellement insatisfait puisqu’il veut ce qu’il n’est pas et une fois qu’il est veut être autre chose et ainsi indéfiniment. Le rêve est à terme l’indétermination. L’idéal queer, est-ce être neutre, aussi neutre qu’un masque hygiénique ?

L’État gagné par l’irresponsabilité illimitée

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La macronie brille quand il s’agit de faire interdire les vols intérieurs, mais laisse en liberté des fous furieux, ou des étrangers en situation irrégulière, dans les couloirs des services hospitaliers comme dans les rues. Le billet politique un peu désabusé d’Ivan Rioufol.


L’irresponsabilité illimitée est ce qui caractérise l’Etat, prétendument protecteur. Gagné lui-même par l’infantilisation de sa politique, sa perte du sens commun semble sans limite.

Société de défiance et «décivilisation»

Les inconséquences qu’il donne à voir contribuent à consolider une société de défiance, abandonnée d’un système qui ne fonctionne plus et a renoncé à se réformer. Deux exemples : laisser des fous furieux en liberté ou renoncer à faire appliquer des Obligations de quitter le territoire (OQTF) sont des démissions rendues possibles par la frivolité de dirigeants carriéristes. Ces légèretés criminelles ont causé mardi, au CHU de Reims, la mort d’une infirmière, Carène Mezino, poignardée à plusieurs reprises par un dément laissé en liberté. La petite Lola, assassinée le 14 octobre 2022 à Paris, serait en vie si sa meurtrière, soumise à une OQTF non appliquée, avait été renvoyée en Algérie.


Quand Emmanuel Macron tweete fièrement, mardi : « Engagement tenu », en se félicitant que les lignes aériennes soient désormais interdites « en cas d’alternative de moins de 2h30 en train », il illustre son indifférence face aux urgences. La promesse à tenir devrait être celle qu’il avait faite en 2019 d’appliquer 100% des OQTF. Au lieu de quoi son ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti, interrogé dimanche soir dans un documentaire de France 5 sur l’affaire Lola qui restera dans les annales de la malhonnêteté intellectuelle, a déclaré, satisfait de sa réponse : « Il y a des OQTF que personne ne peut exécuter, je suis désolé ». Comment respecter d’aussi piètres « responsables » ?

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Bombes ambulantes

L’assassinat de cette infirmière (une secrétaire médicale a également été grièvement blessée) est d’autant plus révoltant que son meurtrier, Franck F., suivi médicalement, était déjà passé à l’acte d’une manière semblable en 2017, en attaquant au couteau et en blessant quatre personnes dans une enceinte médicale. Jugé pénalement irresponsable, il avait bénéficié d’une ordonnance de non-lieu en 2022. Depuis, aucune contrainte judiciaire ne pesait sur cet homme, laissé en liberté comme une bombe ambulante. Ce n’est pas la première fois que sont posés l’état de délabrement de la psychiatrie en France et la réticence idéologique à recourir à l’enfermement.

Lundi, quelques heures après le meurtre de l’infirmière, le ministre de la Santé, François Braun, s’était arrêté sur le renforcement des mesures de sécurité, en annonçant réunir avant la fin de la semaine un comité pour «voir ce que l’on peut faire pour garantir encore plus de sécurité pour les soignants». Mais la question préalable est celle-ci : comment mettre la société à l’abri de ces individus laissés à eux-mêmes ? Dans Libération de mercredi, le psychiatre et expert judiciaire Daniel Zagury estime que l’attaque de Reims soulève plusieurs interrogations : « Celles de l’état de la psychiatrie, de l’irresponsabilité pénale. Mais aussi de la lenteur de la justice ». A propos du suspect, il poursuit : «Est-ce qu’il avait été pris en charge ? Pourquoi n’a-t-il pas été hospitalisé plus durablement après son premier passage à l’acte ? Pourquoi est-ce qu’on était dans un sas intermédiaire entre le passage devant la chambre de l’instruction ? ».

Reste cette autre question: pourquoi l’Etat n’aurait-il pas, lui, à répondre pénalement de son irresponsabilité illimitée?

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Quelque chose en nous des Kennedy…

Issu d’une famille ô combien illustre, mais qu’on avait quelque peu oubliée ces derniers temps, le troisième fils de Robert Kennedy vient d’annoncer sa candidature à l’investiture suprême. Du même camp que le président sortant, mais remettant en question à peu près toutes les lignes politiques de ce dernier, il pourrait créer la surprise même si, selon les habitudes qui donnent favori le président sortant, il a peu de chances de remporter la victoire.


D’abord, il y a son regard, bleu, perçant et un peu méfiant, qui atteste de la « lignée ». Robert Francis Kennedy Junior est le descendant de l’une de plus célèbres familles américaines, qui a donné au pays John Fitzgerald, 35ème président des États-Unis et Robert Francis, son frère, l’ex-ministre de la Justice et candidat aux élections présidentielles de 1968 ; tous les deux assassinés au sommet de leurs carrières, dans les conditions non élucidées jusqu’à nos jours. Tous les deux devenus de véritables mythes dans leur pays, mais aussi partout dans le monde.

Une ascension non négligeable

Le 19 avril, Robert Kennedy Junior a annoncé, lors du rassemblement de ses partisans à Boston, sa candidature à l’élection présidentielle de 2024. Un fait qui n’a pu laisser indifférente l’Amérique d’aujourd’hui, divisée depuis la dernière campagne présidentielle Trump-Biden de 2020 et plongée dans les multiples crises qui placent son économie au bord de la récession. En deux semaines, les intentions de vote pour sa candidature ont grimpé à 39%, le plaçant ainsi au même niveau que l’ancien président de nouveau candidat Donald Trump et juste à 4 points du président en poste Joe Biden. C’est une donnée qui ne permet plus de réduire le nouveau Kennedy au candidat antivax ; une étiquette que les médias « mainstream » lui avaient collée pendant la pandémie de Covid-19. Étiquette dont cet avocat de 69 ans, spécialisé en droit de l’environnement, se défait assez habilement depuis que les chaînes d’information américaines sont obligées de lui prêter attention.

Une critique acérée

Dans ses interviews à la chaine CNN le 29 avril ou encore à la chaine WMUR-TV le 23 avril, RFK Junior a rappelé que ses interrogations autour du vaccin anti-Covid portaient surtout sur l’hégémonie de l’industrie pharmaceutique ainsi que sur les effets secondaires du vaccin. Il a précisé par ailleurs avoir reçu toutes les doses du fameux vaccin ainsi que le restant de sa famille.

Robert Kennedy Junior est démocrate et ami de longue date de Joe Biden, avec qui il n’est d’accord sur rien ! Dans la même interview à CNN, ce troisième fils de Robert (lequel s’était farouchement opposé à la façon dont son pays avait mené la guerre au Vietnam), a critiqué avec virulence la politique de l’actuel locataire de la Maison Blanche : « Notre pays a pris une mauvaise direction, avec la guerre -en Ukraine-, la censure, le diktat des grandes corporations et la peur utilisée par ce gouvernement comme un véritable outil de pouvoir. »

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Une position à l’abri des soupçons

Sa voix rauque et son calme inspirent la confiance. Ses critiques du « va-t’en guerre » de l’actuelle administration américaine en Ukraine ne risquent pas de le faire passer pour un agent de Poutine, car son fils Connor est allé combattre en Ukraine quelques mois seulement après le début de la guerre. Inutile d’évoquer les inquiétudes de ce père de famille, surtout quand on connaît le nombre de drames que le clan Kennedy a subis depuis ces 60 dernières années. « Papa, tu m’as appris à défendre les valeurs auxquelles je crois » lui a dit son fils de 28 ans. Pour autant, Robert Kennedy Jr ne croit pas à l’utilité pour son pays de continuer à fournir le support financier et militaire de cette guerre, suivant en cela tous ceux qui, aux États-Unis et en Europe, rejettent avec force l’invasion meurtrière de l’Ukraine par la Russie, mais qui réclament aussi une autre solution à la résolution de ce conflit que la boucherie humaine qui dure depuis déjà 15 mois.

Un conflit qui en fait resurgir un autre

Cette prise de position par l’avocat-démocrate n’est pas sans rappeler la gestion par ses illustres aînés de la crise des missiles de Cuba en 1962. 

Durant son mandat, JFK réussit à accroître la domination militaire de l’Amérique sur l’URSS. Le Pentagone déploie les missiles nucléaires pointés vers Moscou en Italie et en Turquie. Nikita Khrouchtchev, le leader soviétique de l’époque, s’accroche à la révolution cubaine de Fidel Castro pour faire de l’Île de la liberté sa base pour l’arme atomique et semble décidé à déclencher la 3ème Guerre mondiale. Après plusieurs mois d’extrêmes tensions, le président américain demande à son frère Robert de rencontrer l’ambassadeur soviétique Dobrynine à Washington pour négocier un compromis. Le monde est sauvé. L’Occident va connaître plusieurs décennies de paix et de prospérité, tandis que le régime totalitaire soviétique s’écroulera pratiquement tout seul en 1991.

Une candidature redoutée par certains

Nul doute que l’entourage de l’actuel président américain redoute la candidature de Kennedy Junior. La responsable de la presse de la Maison Blanche a refusé d’évoquer sa percée dans les sondages lors de sa dernière conférence. Les chaînes TV américaines aiment montrer la photo de Biden avec, derrière lui, un buste de Robert Kennedy posé sur un meuble du bureau ovale, juste à côté de ceux de Martin Luther King, Rosa Parker et Abraham Lincoln, le président américain étant réputé pour être un champion des bonnes causes. Pas de quoi émouvoir R.K. Junior, qui ne manque pas de lire la presse républicaine lorsque celle-ci aime exhiber des citations du jeune sénateur Biden dans les années 1970 considérées aujourd’hui comme « racistes », alors que le discours de son propre père à la mort de Martin Luther Kings en 1968 avait été, lui, sélectionné par la Bibliothèque du Congrès américain afin de préserver son sens significatif culturel, historique et esthétique. Un Kennedy n’ignore rien des dessous du monde politique et de la violence infinie d’une campagne électorale.

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 La légende de la famille Kennedy ne s’est pas construite uniquement sur le charisme et la richesse de ses représentants, mais sur la droiture et la force de ses convictions. En juillet 2018, RFK Jr a rendu visite à l’assassin de son père. Condamné à la perpétuité, Sirhan, l’immigré palestinien avait expliqué son geste par le soutien apporté par le sénateur à la vente des avions américains à l’Israël. Après la rencontre avec le prisonnier âgé aujourd’hui de 79 ans, Kennedy Junior avait déclaré : « J’étais troublé à l’idée que la mauvaise personne puisse avoir été condamnée pour le meurtre de mon père ». Avec sa sœur Kathleen Kennedy Townsend, il a demandé la réouverture d’une enquête sur le crime – demande restée sans réponse à ce jour. 

Des chances a priori minimes, mais a priori seulement

Ses chances de gagner l’investiture de son parti pour les élections de 2024 sont minimes. Un président sortant bénéficie, comme à son habitude, de toute la puissance de la machine du pouvoir, même si les multiples dérapages mettant en question la santé mentale de Joe Biden interpellent de plus en plus son propre camp. D’autre part, les investigations de membres du Congrès républicains sur ses affaires familiales pourront également nuire à sa réputation. Mais le succès de la candidature de Bobby Kennedy Junior, auquel il faut ajouter l’électorat toujours assez important de Donald Trump, est surtout la preuve criante que l’actuelle politique de la Maison blanche n’est pas approuvée par une franche majorité d’Américains.

Le phénomène de la domination des minorités politiques et idéologiques dans les sociétés démocratiques depuis un certain temps commence peut-être enfin à inquiéter le pays qui l’a fait naître…

Désirs d’interdire

Nous nous habituions à peine à une censure venant du bas, venant de la société et de la gauche woke, que la censure de l’État revient. Ceux qui sont attachés à la liberté d’expression doivent donc se battre sur deux fronts. Les idées se combattent mais ne s’interdisent pas, rappelle notre directrice de la rédaction.


Youpi, les heures-les-plus-sombres sont de retour. La saison antifasciste a été lancée par le funeste – et grotesque – défilé de zozos masqués et accoutrés façon chevaliers teutoniques, qui s’est déroulé le 6 mai à Paris. Dans la foulée, la mode no pasaran s’offre un tour de piste, avec les falbalas sémantiques et les accents lyriques de rigueur. On ne sait pas très bien si c’est l’ultra-droite, l’extrême droite ou le fascisme (ça dépend des jours), mais cette hydre regroupe au total quelques centaines d’individus, allant du nazillon au royco tendance tradi en passant par les adorateurs de la civilisation celte et autres groupuscules bizarres. Certains sont ouvertement racistes, antisémites, d’autres sont simplement des nostalgiques ardents de l’Ancien régime et de la France chrétienne. La plupart sont pacifiques dans leurs méthodes à défaut de l’être dans les idées. Mais s’ils n’existaient pas, la gauche les inventerait tant elle semble revivre à chaque fois qu’un substitut de la bête immonde apparaît à l’horizon. C’est tellement rigolo de jouer à la Résistance. 

Touche pas à mon facho !

Il parait donc que ce sont ces hordes barbares qui menacent la République. Sous la pression des grandes orgues jouées aussi bien par son gouvernement que dans les rangs nupistes, Gérald Darmanin montre ses muscles. De méchants esprits comme Jonathan Siksou remarquent que le ministre est intraitable avec quelques régionalistes cagoulés mais d’une bienveillance coupable avec les 40 000 teknivaliers qui, durant quatre jours, ont occupé illégalement un terrain agricole – et qu’on nous a montrés ramassant gentiment leurs canettes. Fort avec les faibles… Le ministre de l’Intérieur a donc dégainé une circulaire enjoignant les Préfets d’interdire toute manifestation organisée par des militants, associations ou collectifs d’ultradroite ou d’extrême droite. L’ennui, c’est que ça ne veut rien dire. Qui décide ce qui est d’extrême droite? Pour Libé ou France Inter ça commence aux chasseurs (et je ne vous parle pas de Causeur). 

Il est assez probable que cette circulaire soit entachée d’illégalité : on peut dissoudre un groupe et interdire un événement, on n’interdit pas des idées. Le ministre de l’Intérieur a donc obligé le Préfet à brandir l’interdiction contre l’Action française puis contre un colloque sur Dominique Venner. Il a été débouté pour le premier et le sera certainement pour le second. Presqu’aucune voix ne s’est élevée pour dénoncer cet attentat à la liberté. C’est pourtant grave. On s’était habitué à ce que la demande de censure émane de la société, et bien sûr de cette nouvelle gauche qui voue une passion à l’interdit. Et on voit ressurgir les pulsions de censure du pouvoir qui, après s’être payé le ridicule d’interdire les casseroles, s’attaque donc à la peste brune. C’est donc sur deux fronts qu’il faut désormais défendre la liberté d’expression. 

La démocratie doit tolérer la contraction radicale

Quoiqu’on pense de gens qui se réunissent pour chanter les louanges du roi ou de Dominique Venner, ils ont le droit de le faire tant qu’ils n’agressent personne et n’appellent pas à la violence. La démocratie est par nature le régime qui admet sa propre contradiction, même radicale. Certes, on a parfaitement le droit de combattre les idées qu’on réprouve. Mais d’une part, l’étouffement n’est pas une arme loyale, de l’autre tous ces défenseurs de la République affolés par quelques croix celtiques sont bien muets devant les burqas, les crimes d’honneur ou la terreur que font régner des groupuscules extrême gauchistes dans des facs. On comprend qu’il soit bien plus gratifiant de pourfendre un ennemi à terre. 

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Les fachos de gauche et d’islamo-gauche ont donc, eux, table ouverte. Il ne viendrait à l’idée de personne (et certainement pas de votre servante) de demander l’interdiction des réunions réservées aux non-blancs, aux femmes, aux non binaires et aux abstinents sexuels du signe de la Vierge. À quelques exceptions près (Éric Naulleau, Olivier Dartigolles), on ne s’émeut pas beaucoup, dans les rangs « progressistes », des agissements totalitaires de groupuscules armés de leur bonne conscience. 

Et les fachos de gauche alors ?

La réunion tout à fait chatoyante organisée par le collectif Palestine Vaincra sur le plateau des Glières n’a donc guère suscité d’émoi. Les sourcilleux gardiens de la mémoire de la Résistance, qui ont leurs vapeurs dès qu’un lepéniste s’approche de Colombey ou du Mont-Valérien, n’ont rien trouvé d’inconvenant dans ce hold-up perpétré par des gauchisto-islamo-zadistes communiant dans la haine d’Israël. Au moment où on interdit à des « ethno-différentialistes » (terme employé par Jean-Yves Camus) parfaitement pacifiques de rendre hommage à un écrivain, un message de George Ibrahim Abdallah, incarcéré en France pour sa complicité dans des assassinats de diplomates, était lu sous les vivats à la tribune sur ce haut lieu de la résistance au nazisme. Invoquant, toute honte bue, les maquisards qui ont sauvé l’honneur du pays, le soi-disant plus vieux prisonnier politique de France parle de la « soldatesque sioniste et ses hordes de colons sous les ordres des suprémacistes au pouvoir se livrent tous les jours aux pires atrocités partout en Palestine ». Et cette politique « ne s’arrêtera qu’avec la dissolution de cette entité ». La Palestine de la mer au Jourdain, c’est presque aussi vintage que l’Action française. 

Pour le coup, il existe probablement un fondement légal pour dissoudre ce ramassis prétendument pro-palestinien (mais qui depuis quarante ans, a consciencieusement empêché toute solution à deux États). On peut en effet considérer que l’appel à détruire Israël relève de la provocation à la haine. 

Ce serait une solution désastreuse. Elle ne ferait pas changer d’avis une seule personne, au contraire. De surcroît l’interdiction est l’arme des faibles. Si on croit vraiment à la grandeur intrinsèque de la liberté, elle doit d’abord bénéficier aux idées qui nous semblent le plus intolérables : à ma connaissance, nul ne songe à interdire l’eau tiède et les bons sentiments. Donc, oui, il faut laisser s’exprimer George Ibrahim Abdallah (et ses truchements), comme les admirateurs de Dominique Venner. En attendant, j’ai envie de demander à mes amis de gauche qui ne lèvent pas le petit doigt pour défendre la liberté de leurs adversaires, ce qu’ils feront quand on viendra les chercher. Le pire, c’est qu’on sera là. C’est la seule bonne nouvelle de ces temps moroses. Il se trouve encore beaucoup de monde, en France, et particulièrement parmi vous, chers lecteurs, pour refuser la disparition de la pensée libre. Après notre appel contre la censure publicitaire dont Causeur est victime, vous avez été très nombreux à manifester votre soutien par des abonnements, des dons, de précieux conseils, des mots d’encouragement et de réconfort. Plus important encore que l’aide financière, précieuse, vous nous avez montré que nous n’étions pas seuls. Et ça donne de l’énergie pour les prochains combats.

Quand la haine est une bonne nouvelle


Les inquisiteurs aux petits pieds se déchaînent. Ils s’emploient à asphyxier Causeur à grands coups de mensonges, de calomnies, de diffamation auprès de potentiels annonceurs afin de les dissuader de prendre de la pub dans nos colonnes. Causeur coupable d’être à leurs yeux, j’ai plaisir à le dire, un effroyable creuset d’impertinence, de hardiesse, voire de joyeuse dissidence. Bref, un espace de pensée libre, de pensée émancipée, de pensée affranchie. Tout ce que l’inquisiteur déteste.

A lire aussi, du même auteur: Vous avez dit Gringoire?

Il y a aussi dans le même temps les déjections mentales de la cheffe d’un parti dit de gauche pollué chaque jour un peu plus par les élucubrations débilitantes du wokisme. Cette gauche qui se perd elle-même en chemin, qui donne maints signes de se hâter de courir à sa propre fin et qui ne voit pas que le wokisme, justement, aura été son fossoyeur. Or, cette personnalité politique ne craint pas d’en appeler ouvertement à l’élimination pure et simple de Valeurs Actuelles et de CNews. Ses propos sont remarquables en cela qu’ils réalisent la synthèse parfaite de la haine et de la bêtise. Elle n’est pas la première à donner dans ce registre où tout est bon pour allumer le bûcher du dogmatisme où doit périr l’hérétique, le mécréant, celui qui a pactisé avec le diable, celui pense et parle autrement. Et puis – pendant qu’on y est, allons-y gaiement ! – voilà bien qu’on s’efforce de nous faire prendre la gesticulation d’une quarantaine d’encagoulés pour un remake de la Marche sur Rome. Par chance, le ridicule ne tue plus.

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Ils se déchaînent, disais-je ? Ils perdent leurs nerfs parce qu’ils perdent pied. Leurs prédications ne font plus autant recettes. Et leurs recettes ne font plus rêver. Trop d’imposture tue l’imposture et le doute s’est installé. Alors le courant intellectuel s’inverse insensiblement. À l’arrogance des détenteurs de la bonne conscience et des certitudes jamais démontrées, jamais vérifiées dans le concret de la vie des peuples, succèderait à présent la roborative affirmation du bon sens. Un signe de cette avancée, un signe qui ne trompe pas : un mur sémantique vient de s’effondrer sous les ors de l’Elysée. Le président soi-même, filoutant du côté obscur des concepts de la droite, a osé celui de décivilisation. En plein conseil des ministres. Horreur ! Enfer et damnation ! Monsieur Plenel en aura probablement avalé son bréviaire trotskiste et Monsieur Pap Ndiaye son catéchisme woke. Lâcher le mot est bel et bon. Il reste maintenant à engager la belle entreprise de recivilisation et surtout, préalable indispensable, à définir très précisément le contenu de la civilisation de référence. Une piste. La définition qu’en livrait en son temps Paul Valéry : « J’appelle civilisation européenne toute civilisation qui a été successivement romanisée, christianisée et soumise, quant à l’esprit, à la discipline des Grecs. » On attend avec fièvre celle de Monsieur le président de la République. Puisse-t-elle être aussi limpide, aussi riche !

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Après le Covid, où va l’État?

Ceux qui parlent encore de la pandémie y trouvent un prétexte pour critiquer le pouvoir excessif de l’État. Mais, il faut aussi regarder au niveau supérieur, analyse Jeremy Stubbs.


Vous vous souvenez de la pandémie ? C’était l’époque où on nous disait que tout serait différent : on travaillerait chez nous la plupart du temps ; les magasins disparaîtraient au profit de la vente en ligne ; et on voyagerait si peu désormais que le réchauffement climatique serait bridé… Oui, c’est bien oublié, tout ça.

Les États-Unis ont décrété la fin de l’état d’urgence induit par la pandémie le 10 avril, et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a fait de même le 5 mai. Ces mesures ont été accueillies, non pas avec un grand soulagement, mais dans une indifférence générale.

2020 = 1984 ?

Ceux qui parlent encore de la pandémie y trouvent un prétexte pour critiquer le pouvoir excessif de l’État. Certes, en Europe, en Amérique et ailleurs, nos États se sont arrogé des pouvoirs spéciaux sans rencontrer trop d’obstacles, et cela peut inquiéter. Certes, toutes les décisions prises n’ont pas été forcément les meilleures. On peut se poser des questions à propos de nombreux sujets :

  • la nécessité de confinements aussi stricts, appliqués à toutes les catégories d’âge ;
  • l’efficacité réelle des masques ;
  • les informations dont on disposait à l’époque portant sur les possibles effets secondaires des vaccins ;
  • ou la manière dont les contrats pour l’achat des vaccins avaient été gérés par les autorités publiques.

Ces questions sont parfaitement légitimes. Ce qui est difficile, c’est d’en tirer les bonnes conclusions. Croire que la solution aux problèmes soulevés par la gestion étatique de la pandémie consiste simplement à limiter les pouvoirs de l’État serait erroné. Car ce qui est en jeu n’est pas seulement l’autorité de l’État. C’est aussi l’influence sur l’État des entreprises multinationales et des organismes supranationaux. L’État – au moins dans sa version occidentale – a l’avantage d’être dans une certaine mesure démocratique, ce qui n’est pas nécessairement le cas de ces autres entités. Il faut donc que l’État reste suffisamment fort pour résister aux pressions exercées sur lui par la sphère commerciale et par des organisations qui se prétendent au-dessus de lui. De manière très significative, ces deux influences ont tendance à se conjuguer.

SMS Gate I et II

Considérons l’affaire des SMS qu’Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, a échangés avec le PDG de Pfizer, Albert Bourla, au printemps 2021, dans le cadre des négociations du troisième contrat entre l’UE et le géant pharmaceutique pour l’achat de vaccins. Ce contrat, d’une valeur de 35 milliards d’euros, a obligé l’UE à acheter 1,8 milliards de vaccins. Aujourd’hui, on constate que l’UE s’est procuré beaucoup trop de vaccins, dont certaines doses sont déjà périmées.

À lire aussi : Le fantasme fasciste

Afin d’éclairer la manière dont ces vaccins ont été acquis, et de savoir où est passé tout cet argent versé par les contribuables des différents États-membres, le Parquet européen a ouvert une enquête en octobre 2022. En même temps, toujours au niveau européen, la Commission « COVI » sur la pandémie a convoqué Albert Bourla, afin de l’interroger, et ce, deux fois, en octobre et décembre  2022. Deux fois, le PDG de Pfizer s’est désisté. En février de cette année, le New York Times a saisi la Cour de justice européenne pour obliger Ursula von der Leyen à rendre public les fameux SMS. En avril, un citoyen belge a déposé une plainte pénale dans le même sens auprès du tribunal de Liège. Pour le moment, toutes ces tentatives pour tirer l’affaire au clair restent infructueuses. Ce qui rend cet imbroglio particulièrement glauque, c’est que le mari d’Ursula von der Leyen, Heiko von der Leyen, est un médecin qui travaille pour une entreprise, Orgenesis, impliquée, entre autres choses, dans le développement des technologies à ARN, utilisées pour des vaccins comme celui de Pfizer. Cette entreprise a aussi reçu de l’argent public en Europe. Bien que le couple von der Leyen ait été exonéré par la Commission européenne de toute forme de malversation, le soupçon d’un conflit d’intérêts potentiel ne peut pas être écarté. Outre-Rhin, une autre enquête avait été lancée, en 2019, concernant les actions de Mme von der Leyen en 2015 et 2016. A cette époque, elle était ministre de la Défense de son pays et gérait des marchés publics en négligeant, paraît-il, les procédures officielles d’appels d’offre. Cette enquête a buté elle aussi sur des SMS qu’elle avait envoyés dans ce contexte mais qui avaient disparu par la suite. Pour l’instant, il semble peu probable que l’UE tire toutes les leçons de l’affaire des SMS de 2021. Cette proximité entre dirigeants politiques et dirigeants industriels semble encore plus difficile à contrôler au niveau européen qu’au niveau de l’État, et s’exerce même au détriment du pouvoir des États-membres.

Le nouvel ordre mondial de la santé

Il y a une autre question qui devrait inquiéter les chefs d’État et au-delà de la seule Europe.

En ce moment, l’Organisation mondiale de la santé, cette OMS dont la gestion de la pandémie a été si critiquée, est en pleine révision du Règlement sanitaire international. Il s’agit d’un instrument de droit international qui régit les actions de l’OMS et les pouvoirs dont elle dispose à l’égard des États qui en sont membres. La version actuelle date de 2005. La nouvelle version devra voir le jour en mai 2024. Les différentes propositions dont délibère actuellement l’organisme supranational risquent d’étendre considérablement les pouvoirs de l’institution. D’abord, en élargissant la gamme des situations qui peuvent être considérées comme des pandémies et ensuite, en transformant les mesures préconisées par l’OMS, qui sont actuellement des recommandations, en des obligations pour les Etats-membres.

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Là encore, une certaine collusion entre l’organisme supranational et la sphère économique est à soupçonner. Car l’OMS est financée, non seulement par les contributions des États qui en sont membres, mais aussi par des dons d’entreprises, notamment des géants de l’industrie pharmaceutique, et des dons de particuliers – qui sont, bien entendu, des milliardaires. La contribution de Bill Gates, à travers sa Fondation, a constitué 13% du budget de l’OMS en 2016-2017 et reste depuis autour de 9 ou 10%. Seule la contribution de l’Etat américain est supérieure. Gates a des liens avec l’industrie pharmaceutique et utilise son influence pour promouvoir le recours aux vaccins. Voilà un beau conflit d’intérêts. La révision du Règlement sanitaire international pourrait bien se transformer en un coup de force pour l’OMS et ceux qui le financent en partie. Une fois de plus, les États pourraient bien se trouver coincés entre les instances supranationales et les entreprises multinationales.

C’est ainsi que le vrai problème de l’État, ce n’est pas tellement qu’il soit trop puissant ou impuissant. Le problème est qu’il est souvent fort là où il devrait être faible – par exemple, dans le contrôle qu’il exerce sur ses propres citoyens – et faible là où il devrait être fort – dans la maîtrise de ses frontières, ou dans la résistance qu’il oppose au lobbying des multinationales et à l’interventionnisme des organismes supranationaux.

Ron DeSantis sur Twitter: fin d’un faux suspens et premier faux pas

Le gouverneur de Floride, Ron DeSantis, très en pointe dans la guerre culturelle qui se joue en Amérique entre pro et anti-wokes, a lancé officiellement sa campagne sur Twitter mercredi. Les problèmes techniques ont fait échouer l’opération, comblant de joie les partisans de Donald Trump. Ce dernier, que DeSantis a longtemps soutenu, demeure en tête dans la course à l’investiture républicaine pour le moment, et invite son adversaire à se faire prescrire «une greffe de personnalité». Portrait.


Les Fantômes du vieux pays, roman remarqué de Nathan Hill, paru en 2017 et chroniqué par Jérôme Leroy, imaginait un gouverneur du Montana aux allures baroques, prêt à toutes les outrances pour s’offrir une carrière nationale, jusqu’à remettre en cause la légalité constitutionnelle et l’obéissance de son État au gouvernement fédéral. Depuis peu, la figure du gouverneur qui résiste à Washington, à force d’invectives, de mesures chocs et de coups d’éclat juridiques, n’est plus seulement romanesque. Et elle entre avec fracas dans la course présidentielle.

Mercredi, à 18h (minuit heure de Paris), le gouverneur de Floride, Ron DeSantis lançait sa candidature à l’investiture républicaine pour la présidentielle de 2024 sur Twitter par un échange en direct avec Elon Musk (propriétaire du réseau social). Le format était original ; l’opération sur Twitter Spaces a viré au désastre (multiples problèmes techniques et 20 minutes d’interruption pour reprendre en direct avec la voix de Musk expliquant que le serveur croulait sous le nombre d’internautes…).

Les Américains en ont-ils fini avec le retraité de Mar-a-Lago ?

Les adversaires de DeSantis, Joe Biden comme Donald Trump s’en sont donnés à cœur joie : des soutiens de ce dernier diffusant un faux dialogue désaccordé entre Musk, DeSantis, le diable, Adolf Hitler, Dick Cheney et George Soros [1]… Premier faux pas mais aussi fin d’un faux suspens. Voici plusieurs mois que cette étoile montante du parti Républicain préparait sa candidature : levée de fonds, débauchage de cadres influents… La position de Trump au sein du parti Républicain était devenue assez fragile pour le convaincre de tenter sa chance. Les affaires judiciaires s’accumulaient contre l’ancien président. Les élections de mi-mandat, en 2022, avaient été assez décevantes pour les Républicains (les Démocrates gardant le contrôle du Sénat et limitant la casse à la chambre des représentants), alors que la plupart des candidats Républicains ayant épousé les thèses de Donald Trump sur le vol de l’élection présidentielle avaient été envoyés au tas par les électeurs. Enfin, le lancement de campagne précipité de ce dernier était un peu tombé à plat. En y pensant toujours, sans jamais en parler, beaucoup de cadres du parti rêvaient alors d’en finir avec le retraité de Mar-a-Lago.

Donald Trump s’adresse à ses supporters depuis Mar-a-Lago, le 4 avril, juste après avoir été mis en accusation © Evan Vucci/AP/SIPA

Presque inconnu au moment de son élection, à l’arrachée, en 2019, comme gouverneur de Floride, Ron DeSantis doit sa popularité auprès de la base républicaine à plusieurs prises de position choc. Sa carrière nationale décolle vraiment en 2020 quand il se pose en champion des opposants aux restrictions sanitaires et maintient ouverts bars, commerces, écoles… Le pari était audacieux mais s’est avéré gagnant: la Floride n’a pas connu de pic épidémique et son taux de mortalité était très comparable à celui du reste des États-Unis. Populaire, Ron DeSantis continue sur sa lancée et se place désormais en défenseur de l’Amérique traditionnelle face à l’idéologie woke. Utilisant à cette fin les moyens de l’État et son pouvoir de gouverneur, il fait voter une loi pour restreindre l’enseignement de l’homosexualité dans le primaire que ses adversaires appellent « don’t say gay » et qui l’a conduit à une bataille judiciaire avec le groupe Disney, employeur majeur de Floride. Malgré les polémiques, il enfonce le clou dans son discours de victoire : « «we chose facts over fear, we chose education over endoctrination, we chose law and order » – plaçant résolument sa victoire sous le signe de la guerre culturelle. Localement, le gouverneur séduit les électeurs. Gagnant sa réélection à la tête de l’Etat avec 18 points d’avance, il l’ancre comme État rouge (conservateur) alors qu’il a longtemps été considéré comme un swing state (État tangent). Il perce même dans les districts les plus hispaniques où son discours pro famille et pro business séduit – un électorat que peinaient à atteindre les Républicains.

Un discours anti-élites bien rodé mais ce n’est pas Trump non plus

De prises de position en coups d’éclat, l’Amérique conservatrice se découvre progressivement un nouveau jackass. Plus institutionnalisé, plus mainstream, mais aussi à droite que Trump, capable d’envoyer vertement dans les roses des journalistes… Certains éditorialistes conservateurs – même parmi les plus radicaux – l’adoubent. Le très influent (et influenceur) droitier Ben Shapiro voit en Ron de Santis « a rock star ». La journaliste Ann Coulter le sacre nouveau leader du parti républicain.

Alors qu’il vitupère contre les élites des grandes métropoles, son parcours est des plus classiques: diplômé en histoire à Yale et en droit à Harvard, il a aussi servi en Irak au service juridique de la Marine alors qu’il s’était engagé dans la réserve. Ron DeSantis a son style mais c’est aussi un politicien de carrière, un peu à l’ancienne, bien inséré dans l’appareil du parti républicain et les institutions de Washington. La complexité du personnage est apparue au fil des derniers mois alors qu’il précisait certaines de ses positions, révélant ainsi les fragilités de sa candidature. En mars, il appelait à limiter le soutien américain à l’Ukraine, qualifiant la guerre « de dispute territoriale » pouvant distraire « des problèmes les plus importants du pays ». En contradiction avec des positions passées plutôt interventionnistes, le candidat putatif cherchait à adresser quelques signaux à une base républicaine tentée par l’isolationnisme et lassée du coût de l’aide à l’effort de guerre ukrainien. Devant les critiques et les pressions de certains élus, le gouverneur semblait se dédire quelques jours après, qualifiant Vladimir Poutine de « criminel de guerre ». Toutes ces volte-face rappelaient aux électeurs républicains l’élasticité idéologique et l’opportunisme de l’establishment politique. Depuis plusieurs mois, son étoile a pour le moins pâli. Distancé par Trump, il plafonne à 20% quand son principal rival caracole en tête à 49%.

Trump met les rieurs de son côté

Trump s’est engouffré dans la brèche et n’a pas tardé à l’affubler de surnoms ridicules : « DeSentancieux » (« deSanctiomonious ») ou Bolognaise (« Meatballs »). Dernièrement, il lui a aussi prescrit « une greffe de personnalité ». La rupture est brutale alors que DeSantis affichait son soutien indéfectible à Trump en 2018 pour le poste de gouverneur de Floride. Dans un ancien clip de campagne étonnant [2], on voit son épouse confier face caméra combien « Ron aime jouer avec les enfants » alors qu’il empile des briques en mousse avec son fils pour lui apprendre à « construire un mur » – référence à la promesse de Donald Trump d’ériger un mur défensif entre les États-Unis et le Mexique.

Quel regard le public français doit-il porter sur cette candidature ? Si Ron DeSantis tient la dragée haute à la révolution woke dans la guerre culturelle qui s’annonce et menace la concorde civile américaine, son classicisme en matière de politique étrangère parait intact. Sa présidence pourrait renvoyer le parti républicain et la diplomatie américaine directement aux années Bush et à sa folie des grandeurs géopolitiques.

L’Europe, la France et le monde ont-ils besoin d’un retour des faucons à la Maison Blanche ?  


[1] https://twitter.com/ramchrisali/status/1661497810511069185

[2] https://www.youtube.com/watch?v=z1YP_zZJFXs

Paul Morand, surréaliste malgré lui

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Paul Morand (1888-1976) © LIDO/SIPA

Le poème du dimanche.


André Breton avait estimé, à la lecture de Tendres Stocks que Paul Morand était « surréaliste par la métaphore. » Adoubement étrange si l’on y songe : Morand le réactionnaire apprécié par Breton le révolutionnaire… C’est sans doute que Morand réussit en littérature ce paradoxe qui consiste à être un réactionnaire absolument moderne, qui saisit parfaitement l’esprit de son temps, cette couleur chromée et joyeuse de la France et du monde en 1925 oubliant les horreurs de la guerre dans un enivrement constant par le jazz, la vitesse, le cinéma, la peinture ou la haute couture qui change la silhouette des femmes.

La partie poétique de l’œuvre de Morand enregistre cette modernité, la métabolise, ce qui donne ces joyaux dont les titres Lampes à Arc, Feuilles de Température, Vingt-cinq poèmes sans Oiseaux indiquent déjà un projet de sortie du vieux lyrisme pour mieux dire les métamorphoses de la beauté qui tient non plus aux choses elles-mêmes, mais au regard que l’on apprend à porter sur elles. Oui, une ville peut être belle mais on peut aussi être ému par des statistiques comme dans le poème que nous vous proposons le dimanche.


Un baiser
abrège la vie humaine de 3 minutes,
affirme le Département de Psychologie
de Western State College,
Gunnison (Col).
Le baiser
provoque de telles palpitations
que le cœur travaille en 4 secondes
plus qu’en 3 minutes.
Les statistiques prouvent
que 480 baisers
raccourcissent la vie d’un jour,
que 2 360 baisers
vous privent d’une semaine
et que 148 071 baisers,
c’est tout simplement une année de perdue.

Paul Morand

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Ci-gît le snob éternel!

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L'essayiste hollandais Antonius Moonen est l’auteur de plusieurs livres dédiés au snobisme. Photo: D.R.

Antonius Moonen publie Snob éternel, un guide pratique des usages funéraires aux éditions «Le Chat Rouge».


Vivre est à la portée de n’importe quel quidam. Savoir mourir, en revanche, demande dignité et une forme de détachement qui ne s’acquiert pas si aisément. La mort intimide, rend à la fois perplexe et un peu bête. Elle vous cueille un matin au saut du lit ou à la suite d’une longue maladie, que vous vous y soyez préparé longtemps à l’avance ou pas, elle laisse coi. Croyez-moi, c’est une chose qui arrive bien assez vite et communément admise pour la prendre avec une certaine hauteur de vue et un sourire en coin.

C’est même l’œuvre d’une vie entière que de disparaître sans accabler ses proches, tout en se rappelant à leur bon souvenir par une plaisante singularité. En toute circonstance, du berceau au trépas, le snob se doit de respecter des bonnes manières et un code d’honneur, se plier à un protocole particulier et à une bienséance fortement malmenée aujourd’hui par nos élites barbares, refuser le commun et le trivial, s’extraire des masses et effectuer le grand saut dans l’inconnu avec flambe et morgue, ne surtout pas gêner ses contemporains. Certaines fautes de goût dans le choix du faire-part, de l’épitaphe, du corbillard ou du caveau sont impardonnables pour l’homme qui s’est obligé à vivre supérieurement durant des décennies. La mort ne changera rien à ce programme, elle vient juste clore une existence portée par l’exigence morale et vestimentaire, le souci du détail et une esthétisation du quotidien. Tant de gens meurent dans l’indifférence et la banalité, parfois même dans d’extrêmes souffrances et d’inextricables soucis financiers.

A lire aussi: Pierre Robin, apôtre du contre-cool

Guide cocasse et guindé

Tout ça manque cruellement de courtoisie et d’ampleur. Antonius Moonen, né en 1956 aux Pays-Bas, déjà l’auteur du Petit bréviaire du snobisme en 2010 et du non moins estimable Manuel de savoir-vivre à l’usage des maîtres et maîtresses de chien en 2011 continue son travail d’évangélisation, tout en pratiquant un humour noir et un second degré salvateur dans une époque craintive. Cette fois-ci, il vient d’écrire Snob éternel aux éditions « Le Chat Rouge », maison qui publie depuis une vingtaine d’années des ouvrages précieux et décalés, sorte de cabinet de curiosités pour fins lettrés et dandys compulsifs. Les amateurs de raretés décomplexées et étranges connaissent la richesse de leur catalogue qui a notamment réédité La Comédie de la Mort de Théophile Gautier ou Les Poètes maudits de Paul Verlaine.  Dès sa préface, Antonius Moonen prévient le lecteur: « Le snobisme funéraire est vieux comme le monde comme nous révèlent les fouilles à Stonehenge (cimetière de la jet-set locale de l’âge du bronze), le Taj Mahal, les catacombes parisiennes et la Vallée des Rois en Égypte, les collections d’art funèbre des musées et les nombreux mausolées occupés par des célébrités ». Alors, comment concilier la mort qu’il qualifie de « scandaleusement républicaine » et d’« excessivement répandue » avec le snobisme ? « La démocratie et la popularité sont de loin les plus redoutables et méprisants des assassins de snobisme » avance-t-il. Ce guide cocasse et guindé, persifleur et didactique vous apprendra à éviter les pièges d’une mort standardisée comme la culture des tomates sous serres. Le thuriféraire avertit « être bien né ne suffit plus : il faut également être bien décédé ». Son abécédaire court d’Absoute à Zombie.

A lire aussi: Ma nuit chez Helmut Berger

Bienvenue chez Borniol

J’avais oublié la signification du mot « Borniol » qui s’apparente à une « lourde tenture noire que l’on tend à l’entrée d’une maison en deuil, au portique d’une église ou autour d’un catafalque ». L’amateur de voitures que je suis, a toujours eu un faible pour les corbillards, notamment les transformations des carrossiers sur des bases de Bentley et Rolls-Royce, l’auteur rappelle que « jadis il s’agissait d’un véhicule hippomobile » que l’on pouvait « embellir d’accessoires religieux, de draperies, de fleurs et de lanternes ».


L’auteur s’attarde sur des points techniques comme une mort survenue à l’étranger et la nécessité de rapatrier la dépouille, mais aussi quel « dress-code » adopter ? « L’étiquette conseille de retirer tous les bijoux, sauf l’alliance », écrit-il. Et qu’en est-il des vêtements de deuil pour votre veuve, par exemple ? « Même dans les régions les plus conservatrices, on accepte aujourd’hui l’abandon plus rapide des vêtements de deuil. On considère qu’au bout de six mois, la vie normale peut reprendre son cours ».

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Et maintenant, Brighelli drague les trans!

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© Causeur

Après avoir assidument courtisé les pédagogistes, les islamistes, les féministes de deuxième dégénération, les intellectuels de Saint-Germain-des-Prés, les gens de gauche et la plupart des gens de droite, les adolescents de degré zéro et les crétins de toutes farines, notre chroniqueur tente de séduire les transgenres. Ne le décourageons pas, quoique l’issue d’une telle drague soit courue d’avance.


Sur le papier, Kathleen Stock coche toutes les bonnes cases. Universitaire, féministe, lesbienne, spécialiste de l’égalité des sexes. Nous ne sommes pas loin de la caricature. Mais voilà : elle a déclaré, en 2021, que le sexe biologique était une réalité inaliénable, comme le rappelle Arnaud De La Grange dans Le Figaro: « Concrètement, elle estimait qu’en ce qui concerne les vestiaires, les toilettes ou encore les prisons, les femmes devaient avoir des espaces réservés et non mixtes, afin notamment d’être protégées d’éventuelles agressions sexuelles. Et qu’elles ne devraient pas participer à des compétitions sportives avec des femmes transgenres. »

Moins ils sont nombreux, plus ils hurlent

Péché mortel pour tous ceux qui affirment, ces derniers temps, que le trans est l’avenir de l’homme et de la femme. Kathleen Stock a dû démissionner de son poste à l’université du Sussex — non, je ne me permettrai aucun jeu de mots débile sur Sussex. Invitée à s’exprimer à Oxford le 30 mai, elle est la cible d’une coalition de militants déchaînés — moins ils sont nombreux, plus ils hurlent, l’occupation de l’espace sonore compense leur faiblesse numérique — épaulés par des universitaires désireux de surenchérir sans cesse par peur d’être à leur tour pris pour cibles.

Un jeune universitaire honorable, John Maier, a rédigé une pétition de soutien à Kathleen Stock, parue dans The Telegraph. Pétition co-signée de certains de ses collègues — mais d’autres, explique Maier, ont retiré leur nom, par peur des réactions. Le courage du corps enseignant m’étonnera toujours.

Plusieurs centaines de ces mêmes enseignants ont signé une lettre pour contester la décision de faire Kathleen Stock chevalier de l’Ordre de l’Empire britannique, affirmant que sa « rhétorique néfaste » sur les personnes transgenres renforçait « le statu quo patriarcal ». Admirable. Quand on touche de l’idéologie à l’état pur, il faut la mettre en conserve pour l’édification de notre époque.

Alors, allons-y pour une bonne louche de patriarcat blanc — forcément oppresseur. Mais comme chantait Polnareff: « Je suis un homme, comme on en voit dans les muséums… »

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Il y a au Louvre une admirable statue en marbre d’un transgenre de l’époque romaine, inspirée d’un original grec en bronze du IIe siècle av. JC. L’une des plus belles paires de fesses de la statuaire mondiale. Un vrai — né comme ça. Les hermaphrodites, ça existe. On en a dénombré à ce jour environ 500 à l’échelle mondiale. Nombre de médecins considèrent cette simultanéité d’organes mâles et femelles comme une aberration chromosomique — d’autant qu’un hermaphrodite ne peut se reproduire, ni en tant qu’homme, ni en tant que femme, contrairement à nombre d’animaux (les escargots par exemple) et de plantes à hermaphrodisme avéré. La nature n’a aucun intérêt à les multiplier.

Mais, me direz-vous, il s’agit là d’un cas très particulier. Les transgenres qui s’agitent aujourd’hui sont bien plus nombreux : ils ont lu Simone de Beauvoir de travers, et estiment donc qu’on ne naît pas femme (ni homme), mais qu’on le devient par un effort de la volonté. Et que né Richard ou Jean-Pierre, j’ai le droit de me faire appeler Héloïse ou Carmen, si je le ressens ainsi, le droit de faire la queue (non, je résisterai au jeu de mots !) dans les toilettes des filles, et de violer sous la douche les membres (non ! Je ne veux rien entendre !) de l’équipe féminine où je me suis fait une place.

Soyons sérieux. Que des adolescents perturbés (pléonasme !), parvenus à cet âge-charnière où les hormones vous incitent à vous poser gravement des questions insolubles, se demandent s’ils aiment les garçons ou les filles, j’y consens: toutes les enquêtes prouvent qu’il y a un noyau incompressible de 4,5% d’homosexuels des deux sexes. Plus quelques-uns que l’on a persuadés qu’ils l’étaient : c’est ainsi que Philippe d’Orléans, né en 1640 deux ans après son frère Louis, fut élevé comme une fille, afin qu’il ne renouvelât pas le complot permanent de Gaston d’Orléans contre Louis XIII. Philippe développa donc pour les palefreniers du Palais-Royal les goûts qu’avait son frère pour les chambrières. De là à se demander s’il était bien un garçon… S’il n’était pas né fille, et si les ustensiles qu’il trimballait par devant n’étaient pas des simulacres… Si…

Une époque troublante

Nous vivons une époque étrange, où les questions les plus sérieuses sont évacuées, et remplacées (habilement, diront certains) par ces problèmes sociétaux qui font jaser les gazettes. Si votre enfant a, pour parler comme Judith Butler, un trouble dans son genre, parlez avec lui, au besoin confiez-le à un psychothérapeute intelligent (oxymore !), mais en aucun cas n’entrez dans son jeu pervers consistant à s’habiller en fille en se faisant appeler Joséphine ou Daphné, comme Tony Curtis et Jack Lemmon dans Certains l’aiment chaud.


Certains jours, je pense très fort que les garçons qui se sentent filles cherchent juste un moyen d’aimer… les garçons sans se faire traiter de gays. Et pareil pour les filles. Les parents consentent à ce que leurs bambins prennent des traitements hormonaux ou recourent précocement à la chirurgie plastique pour se faire greffer des nichons. Les parents qui entrent dans ces fantasmes sont des imbéciles, à qui, neuf fois sur 10, leur progéniture malheureuse, après quelques mois ou années d’errance, reprochera amèrement d’avoir contribué à leur malheur.

Écrire cela, ce n’est pas être réactionnaire : c’est se prémunir contre un totalitarisme nouveau, qui sous l’étiquette woke est aussi pervers que le stalinisme. Les fascistes ne sont pas dans le camp que l’on croit — je me suis exprimé sur le sujet. Et pendant que nous nous perdons notre temps à interdire de parole des universitaires conscientes (ou des romancières intelligentes, voir ce qui est arrivé à J.K. Rowling, boycottée par les « trans » pour avoir émis sur l’identité féminine des opinions de bon sens), les Chinois, silencieusement, augmentent leur production industrielle et s’achètent de larges pans d’Afrique, d’Amérique et d’Europe. Ils doivent rigoler, les Fils du Ciel, quand ils voient dans quels débats byzantins nous perdons notre énergie et le peu qu’il nous reste d’âme. « Décivilisation » ? dit Macron. Décomposition plutôt.

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Un queer masqué, une erreur 404?

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On a cru qu’avec la réintégration des soignants non vaccinés, le glas de la société covidée, masquée, sur-testée, sur-vaccinée, quand elle n’était pas confinée, avait enfin sonné. Raté. Certes, le Covid a disparu des radars médiatiques, les retraites ont chassé le pangolin et avec lui la psychose sanitaire. Pourtant, le virus et ses 50 nuances de variants continuent à bas bruit leur mutation et le sanitairement correct imprègne encore certains de nos comportements, y compris chez ceux qui se disent subversifs. Comme en témoigne la promo de la « Pride des banlieues », cette « marche des fiertés LGBTQI+ des quartiers populaires » qui se déroule, comme chaque année, depuis sa création en 2019 à Saint-Denis. L’édition 2023 aura lieu le 3 juin avec pour mot d’ordre, selon la novlangue inclusive, la « PMA réellement pour toustes » et comme égérie, la plus jeune retraitée du cinéma français, l’incontournable Adèle Haenel, devenue la caricature de la militante lesbienne version camionneuse, misandre jusqu’au bout de ses cheveux en brosse, totalement trans-friendly, éco-radicalisée prête à balancer une purée de carotte sur la Joconde et à faire un sit-in devant le siège de Total, les yeux encore plus révulsés que d’habitude devant la courbe ascendante de leurs superprofits. 

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Mais revenons à la pride, elle se fera en trois temps, d’abord la marche des revendications, puis le « village des fiertés » avec ses stands militants et ses séances de tatouages et de strass dentaires et enfin « l’after party ». Le tout, nous promet-on, « dans un cadre festif et safe » pour les minorités et leurs « alliés ». Mais sous les paillettes de l’inclusivité, il n’y a pas que le vocabulaire guerrier qui se loge mais aussi le discours normatif de l’hygiénisme sanitaire. Le port du masque est « vivement conseillé » quand bien même les participants seront à l’extérieur. Voilà qui est un peu drôle, quand on sait que la plupart des participants à la marche se définissent comme queer – c’est-à-dire comme se situant en dehors des normes sociales jugées structurellement LGBTQI+phobes ! 

Comment une personne queer qui s’accomplit en transgressant et subvertissant les normes peut-elle porter un masque non pas festif mais hygiéniste alors même que l’épidémie est terminée, que le masque à l’extérieur n’a jamais été utile pour éviter la transmission du virus, sans être en contradiction avec elle-même ? N’y a-t-il pas une erreur 404 selon la formule préférée d’un  chroniqueur de CNews ? 

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Ce n’est pas certain, car, après tout, se masquer revient à invisibiliser le visage, défini comme la chose la plus humaine puisqu’il nous singularise comme l’expliquent le philosophe Giorgio Agamben ou encore Emmanuel Levinas. Alors pour ceux qui remettent en question l’universalité de l’espèce humaine fondée sur la dichotomie des sexes c’est finalement peut-être assez logique. Rappellons qu’il s’agit pour ces militants de combattre l’universel et de faire triompher la fluidité de genre selon laquelle on peut être tout et n’importe quoi, femme, homme, les deux, femme trans, homme trans, licorne… et sexuellement pansexuel, asexuel, bisexuel, homo, tout à la fois et changer sans cesse selon les caprices d’un désir perpétuellement insatisfait puisqu’il veut ce qu’il n’est pas et une fois qu’il est veut être autre chose et ainsi indéfiniment. Le rêve est à terme l’indétermination. L’idéal queer, est-ce être neutre, aussi neutre qu’un masque hygiénique ?

L’État gagné par l’irresponsabilité illimitée

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Emmanuel Macron, Eric Dupond-Moretti et Gerald Darmanin assistent à une cérémonie commémorative de la déportation du Vel d'Hiv, Pithiviers, le 17 juillet 2022 © Jacques Witt/SIPA

La macronie brille quand il s’agit de faire interdire les vols intérieurs, mais laisse en liberté des fous furieux, ou des étrangers en situation irrégulière, dans les couloirs des services hospitaliers comme dans les rues. Le billet politique un peu désabusé d’Ivan Rioufol.


L’irresponsabilité illimitée est ce qui caractérise l’Etat, prétendument protecteur. Gagné lui-même par l’infantilisation de sa politique, sa perte du sens commun semble sans limite.

Société de défiance et «décivilisation»

Les inconséquences qu’il donne à voir contribuent à consolider une société de défiance, abandonnée d’un système qui ne fonctionne plus et a renoncé à se réformer. Deux exemples : laisser des fous furieux en liberté ou renoncer à faire appliquer des Obligations de quitter le territoire (OQTF) sont des démissions rendues possibles par la frivolité de dirigeants carriéristes. Ces légèretés criminelles ont causé mardi, au CHU de Reims, la mort d’une infirmière, Carène Mezino, poignardée à plusieurs reprises par un dément laissé en liberté. La petite Lola, assassinée le 14 octobre 2022 à Paris, serait en vie si sa meurtrière, soumise à une OQTF non appliquée, avait été renvoyée en Algérie.


Quand Emmanuel Macron tweete fièrement, mardi : « Engagement tenu », en se félicitant que les lignes aériennes soient désormais interdites « en cas d’alternative de moins de 2h30 en train », il illustre son indifférence face aux urgences. La promesse à tenir devrait être celle qu’il avait faite en 2019 d’appliquer 100% des OQTF. Au lieu de quoi son ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti, interrogé dimanche soir dans un documentaire de France 5 sur l’affaire Lola qui restera dans les annales de la malhonnêteté intellectuelle, a déclaré, satisfait de sa réponse : « Il y a des OQTF que personne ne peut exécuter, je suis désolé ». Comment respecter d’aussi piètres « responsables » ?

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Bombes ambulantes

L’assassinat de cette infirmière (une secrétaire médicale a également été grièvement blessée) est d’autant plus révoltant que son meurtrier, Franck F., suivi médicalement, était déjà passé à l’acte d’une manière semblable en 2017, en attaquant au couteau et en blessant quatre personnes dans une enceinte médicale. Jugé pénalement irresponsable, il avait bénéficié d’une ordonnance de non-lieu en 2022. Depuis, aucune contrainte judiciaire ne pesait sur cet homme, laissé en liberté comme une bombe ambulante. Ce n’est pas la première fois que sont posés l’état de délabrement de la psychiatrie en France et la réticence idéologique à recourir à l’enfermement.

Lundi, quelques heures après le meurtre de l’infirmière, le ministre de la Santé, François Braun, s’était arrêté sur le renforcement des mesures de sécurité, en annonçant réunir avant la fin de la semaine un comité pour «voir ce que l’on peut faire pour garantir encore plus de sécurité pour les soignants». Mais la question préalable est celle-ci : comment mettre la société à l’abri de ces individus laissés à eux-mêmes ? Dans Libération de mercredi, le psychiatre et expert judiciaire Daniel Zagury estime que l’attaque de Reims soulève plusieurs interrogations : « Celles de l’état de la psychiatrie, de l’irresponsabilité pénale. Mais aussi de la lenteur de la justice ». A propos du suspect, il poursuit : «Est-ce qu’il avait été pris en charge ? Pourquoi n’a-t-il pas été hospitalisé plus durablement après son premier passage à l’acte ? Pourquoi est-ce qu’on était dans un sas intermédiaire entre le passage devant la chambre de l’instruction ? ».

Reste cette autre question: pourquoi l’Etat n’aurait-il pas, lui, à répondre pénalement de son irresponsabilité illimitée?

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Quelque chose en nous des Kennedy…

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Robert Kennedy Junior, à Berlin en 2020, lors d'une manifestation contre les mesures de restrictions sanitaires... © Action Press/Shutterstock/SIPA

Issu d’une famille ô combien illustre, mais qu’on avait quelque peu oubliée ces derniers temps, le troisième fils de Robert Kennedy vient d’annoncer sa candidature à l’investiture suprême. Du même camp que le président sortant, mais remettant en question à peu près toutes les lignes politiques de ce dernier, il pourrait créer la surprise même si, selon les habitudes qui donnent favori le président sortant, il a peu de chances de remporter la victoire.


D’abord, il y a son regard, bleu, perçant et un peu méfiant, qui atteste de la « lignée ». Robert Francis Kennedy Junior est le descendant de l’une de plus célèbres familles américaines, qui a donné au pays John Fitzgerald, 35ème président des États-Unis et Robert Francis, son frère, l’ex-ministre de la Justice et candidat aux élections présidentielles de 1968 ; tous les deux assassinés au sommet de leurs carrières, dans les conditions non élucidées jusqu’à nos jours. Tous les deux devenus de véritables mythes dans leur pays, mais aussi partout dans le monde.

Une ascension non négligeable

Le 19 avril, Robert Kennedy Junior a annoncé, lors du rassemblement de ses partisans à Boston, sa candidature à l’élection présidentielle de 2024. Un fait qui n’a pu laisser indifférente l’Amérique d’aujourd’hui, divisée depuis la dernière campagne présidentielle Trump-Biden de 2020 et plongée dans les multiples crises qui placent son économie au bord de la récession. En deux semaines, les intentions de vote pour sa candidature ont grimpé à 39%, le plaçant ainsi au même niveau que l’ancien président de nouveau candidat Donald Trump et juste à 4 points du président en poste Joe Biden. C’est une donnée qui ne permet plus de réduire le nouveau Kennedy au candidat antivax ; une étiquette que les médias « mainstream » lui avaient collée pendant la pandémie de Covid-19. Étiquette dont cet avocat de 69 ans, spécialisé en droit de l’environnement, se défait assez habilement depuis que les chaînes d’information américaines sont obligées de lui prêter attention.

Une critique acérée

Dans ses interviews à la chaine CNN le 29 avril ou encore à la chaine WMUR-TV le 23 avril, RFK Junior a rappelé que ses interrogations autour du vaccin anti-Covid portaient surtout sur l’hégémonie de l’industrie pharmaceutique ainsi que sur les effets secondaires du vaccin. Il a précisé par ailleurs avoir reçu toutes les doses du fameux vaccin ainsi que le restant de sa famille.

Robert Kennedy Junior est démocrate et ami de longue date de Joe Biden, avec qui il n’est d’accord sur rien ! Dans la même interview à CNN, ce troisième fils de Robert (lequel s’était farouchement opposé à la façon dont son pays avait mené la guerre au Vietnam), a critiqué avec virulence la politique de l’actuel locataire de la Maison Blanche : « Notre pays a pris une mauvaise direction, avec la guerre -en Ukraine-, la censure, le diktat des grandes corporations et la peur utilisée par ce gouvernement comme un véritable outil de pouvoir. »

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Une position à l’abri des soupçons

Sa voix rauque et son calme inspirent la confiance. Ses critiques du « va-t’en guerre » de l’actuelle administration américaine en Ukraine ne risquent pas de le faire passer pour un agent de Poutine, car son fils Connor est allé combattre en Ukraine quelques mois seulement après le début de la guerre. Inutile d’évoquer les inquiétudes de ce père de famille, surtout quand on connaît le nombre de drames que le clan Kennedy a subis depuis ces 60 dernières années. « Papa, tu m’as appris à défendre les valeurs auxquelles je crois » lui a dit son fils de 28 ans. Pour autant, Robert Kennedy Jr ne croit pas à l’utilité pour son pays de continuer à fournir le support financier et militaire de cette guerre, suivant en cela tous ceux qui, aux États-Unis et en Europe, rejettent avec force l’invasion meurtrière de l’Ukraine par la Russie, mais qui réclament aussi une autre solution à la résolution de ce conflit que la boucherie humaine qui dure depuis déjà 15 mois.

Un conflit qui en fait resurgir un autre

Cette prise de position par l’avocat-démocrate n’est pas sans rappeler la gestion par ses illustres aînés de la crise des missiles de Cuba en 1962. 

Durant son mandat, JFK réussit à accroître la domination militaire de l’Amérique sur l’URSS. Le Pentagone déploie les missiles nucléaires pointés vers Moscou en Italie et en Turquie. Nikita Khrouchtchev, le leader soviétique de l’époque, s’accroche à la révolution cubaine de Fidel Castro pour faire de l’Île de la liberté sa base pour l’arme atomique et semble décidé à déclencher la 3ème Guerre mondiale. Après plusieurs mois d’extrêmes tensions, le président américain demande à son frère Robert de rencontrer l’ambassadeur soviétique Dobrynine à Washington pour négocier un compromis. Le monde est sauvé. L’Occident va connaître plusieurs décennies de paix et de prospérité, tandis que le régime totalitaire soviétique s’écroulera pratiquement tout seul en 1991.

Une candidature redoutée par certains

Nul doute que l’entourage de l’actuel président américain redoute la candidature de Kennedy Junior. La responsable de la presse de la Maison Blanche a refusé d’évoquer sa percée dans les sondages lors de sa dernière conférence. Les chaînes TV américaines aiment montrer la photo de Biden avec, derrière lui, un buste de Robert Kennedy posé sur un meuble du bureau ovale, juste à côté de ceux de Martin Luther King, Rosa Parker et Abraham Lincoln, le président américain étant réputé pour être un champion des bonnes causes. Pas de quoi émouvoir R.K. Junior, qui ne manque pas de lire la presse républicaine lorsque celle-ci aime exhiber des citations du jeune sénateur Biden dans les années 1970 considérées aujourd’hui comme « racistes », alors que le discours de son propre père à la mort de Martin Luther Kings en 1968 avait été, lui, sélectionné par la Bibliothèque du Congrès américain afin de préserver son sens significatif culturel, historique et esthétique. Un Kennedy n’ignore rien des dessous du monde politique et de la violence infinie d’une campagne électorale.

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 La légende de la famille Kennedy ne s’est pas construite uniquement sur le charisme et la richesse de ses représentants, mais sur la droiture et la force de ses convictions. En juillet 2018, RFK Jr a rendu visite à l’assassin de son père. Condamné à la perpétuité, Sirhan, l’immigré palestinien avait expliqué son geste par le soutien apporté par le sénateur à la vente des avions américains à l’Israël. Après la rencontre avec le prisonnier âgé aujourd’hui de 79 ans, Kennedy Junior avait déclaré : « J’étais troublé à l’idée que la mauvaise personne puisse avoir été condamnée pour le meurtre de mon père ». Avec sa sœur Kathleen Kennedy Townsend, il a demandé la réouverture d’une enquête sur le crime – demande restée sans réponse à ce jour. 

Des chances a priori minimes, mais a priori seulement

Ses chances de gagner l’investiture de son parti pour les élections de 2024 sont minimes. Un président sortant bénéficie, comme à son habitude, de toute la puissance de la machine du pouvoir, même si les multiples dérapages mettant en question la santé mentale de Joe Biden interpellent de plus en plus son propre camp. D’autre part, les investigations de membres du Congrès républicains sur ses affaires familiales pourront également nuire à sa réputation. Mais le succès de la candidature de Bobby Kennedy Junior, auquel il faut ajouter l’électorat toujours assez important de Donald Trump, est surtout la preuve criante que l’actuelle politique de la Maison blanche n’est pas approuvée par une franche majorité d’Américains.

Le phénomène de la domination des minorités politiques et idéologiques dans les sociétés démocratiques depuis un certain temps commence peut-être enfin à inquiéter le pays qui l’a fait naître…

Désirs d’interdire

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D.R.

Nous nous habituions à peine à une censure venant du bas, venant de la société et de la gauche woke, que la censure de l’État revient. Ceux qui sont attachés à la liberté d’expression doivent donc se battre sur deux fronts. Les idées se combattent mais ne s’interdisent pas, rappelle notre directrice de la rédaction.


Youpi, les heures-les-plus-sombres sont de retour. La saison antifasciste a été lancée par le funeste – et grotesque – défilé de zozos masqués et accoutrés façon chevaliers teutoniques, qui s’est déroulé le 6 mai à Paris. Dans la foulée, la mode no pasaran s’offre un tour de piste, avec les falbalas sémantiques et les accents lyriques de rigueur. On ne sait pas très bien si c’est l’ultra-droite, l’extrême droite ou le fascisme (ça dépend des jours), mais cette hydre regroupe au total quelques centaines d’individus, allant du nazillon au royco tendance tradi en passant par les adorateurs de la civilisation celte et autres groupuscules bizarres. Certains sont ouvertement racistes, antisémites, d’autres sont simplement des nostalgiques ardents de l’Ancien régime et de la France chrétienne. La plupart sont pacifiques dans leurs méthodes à défaut de l’être dans les idées. Mais s’ils n’existaient pas, la gauche les inventerait tant elle semble revivre à chaque fois qu’un substitut de la bête immonde apparaît à l’horizon. C’est tellement rigolo de jouer à la Résistance. 

Touche pas à mon facho !

Il parait donc que ce sont ces hordes barbares qui menacent la République. Sous la pression des grandes orgues jouées aussi bien par son gouvernement que dans les rangs nupistes, Gérald Darmanin montre ses muscles. De méchants esprits comme Jonathan Siksou remarquent que le ministre est intraitable avec quelques régionalistes cagoulés mais d’une bienveillance coupable avec les 40 000 teknivaliers qui, durant quatre jours, ont occupé illégalement un terrain agricole – et qu’on nous a montrés ramassant gentiment leurs canettes. Fort avec les faibles… Le ministre de l’Intérieur a donc dégainé une circulaire enjoignant les Préfets d’interdire toute manifestation organisée par des militants, associations ou collectifs d’ultradroite ou d’extrême droite. L’ennui, c’est que ça ne veut rien dire. Qui décide ce qui est d’extrême droite? Pour Libé ou France Inter ça commence aux chasseurs (et je ne vous parle pas de Causeur). 

Il est assez probable que cette circulaire soit entachée d’illégalité : on peut dissoudre un groupe et interdire un événement, on n’interdit pas des idées. Le ministre de l’Intérieur a donc obligé le Préfet à brandir l’interdiction contre l’Action française puis contre un colloque sur Dominique Venner. Il a été débouté pour le premier et le sera certainement pour le second. Presqu’aucune voix ne s’est élevée pour dénoncer cet attentat à la liberté. C’est pourtant grave. On s’était habitué à ce que la demande de censure émane de la société, et bien sûr de cette nouvelle gauche qui voue une passion à l’interdit. Et on voit ressurgir les pulsions de censure du pouvoir qui, après s’être payé le ridicule d’interdire les casseroles, s’attaque donc à la peste brune. C’est donc sur deux fronts qu’il faut désormais défendre la liberté d’expression. 

La démocratie doit tolérer la contraction radicale

Quoiqu’on pense de gens qui se réunissent pour chanter les louanges du roi ou de Dominique Venner, ils ont le droit de le faire tant qu’ils n’agressent personne et n’appellent pas à la violence. La démocratie est par nature le régime qui admet sa propre contradiction, même radicale. Certes, on a parfaitement le droit de combattre les idées qu’on réprouve. Mais d’une part, l’étouffement n’est pas une arme loyale, de l’autre tous ces défenseurs de la République affolés par quelques croix celtiques sont bien muets devant les burqas, les crimes d’honneur ou la terreur que font régner des groupuscules extrême gauchistes dans des facs. On comprend qu’il soit bien plus gratifiant de pourfendre un ennemi à terre. 

A lire aussi, notre grand dossier du mois sur les antifas

Les fachos de gauche et d’islamo-gauche ont donc, eux, table ouverte. Il ne viendrait à l’idée de personne (et certainement pas de votre servante) de demander l’interdiction des réunions réservées aux non-blancs, aux femmes, aux non binaires et aux abstinents sexuels du signe de la Vierge. À quelques exceptions près (Éric Naulleau, Olivier Dartigolles), on ne s’émeut pas beaucoup, dans les rangs « progressistes », des agissements totalitaires de groupuscules armés de leur bonne conscience. 

Et les fachos de gauche alors ?

La réunion tout à fait chatoyante organisée par le collectif Palestine Vaincra sur le plateau des Glières n’a donc guère suscité d’émoi. Les sourcilleux gardiens de la mémoire de la Résistance, qui ont leurs vapeurs dès qu’un lepéniste s’approche de Colombey ou du Mont-Valérien, n’ont rien trouvé d’inconvenant dans ce hold-up perpétré par des gauchisto-islamo-zadistes communiant dans la haine d’Israël. Au moment où on interdit à des « ethno-différentialistes » (terme employé par Jean-Yves Camus) parfaitement pacifiques de rendre hommage à un écrivain, un message de George Ibrahim Abdallah, incarcéré en France pour sa complicité dans des assassinats de diplomates, était lu sous les vivats à la tribune sur ce haut lieu de la résistance au nazisme. Invoquant, toute honte bue, les maquisards qui ont sauvé l’honneur du pays, le soi-disant plus vieux prisonnier politique de France parle de la « soldatesque sioniste et ses hordes de colons sous les ordres des suprémacistes au pouvoir se livrent tous les jours aux pires atrocités partout en Palestine ». Et cette politique « ne s’arrêtera qu’avec la dissolution de cette entité ». La Palestine de la mer au Jourdain, c’est presque aussi vintage que l’Action française. 

Pour le coup, il existe probablement un fondement légal pour dissoudre ce ramassis prétendument pro-palestinien (mais qui depuis quarante ans, a consciencieusement empêché toute solution à deux États). On peut en effet considérer que l’appel à détruire Israël relève de la provocation à la haine. 

Ce serait une solution désastreuse. Elle ne ferait pas changer d’avis une seule personne, au contraire. De surcroît l’interdiction est l’arme des faibles. Si on croit vraiment à la grandeur intrinsèque de la liberté, elle doit d’abord bénéficier aux idées qui nous semblent le plus intolérables : à ma connaissance, nul ne songe à interdire l’eau tiède et les bons sentiments. Donc, oui, il faut laisser s’exprimer George Ibrahim Abdallah (et ses truchements), comme les admirateurs de Dominique Venner. En attendant, j’ai envie de demander à mes amis de gauche qui ne lèvent pas le petit doigt pour défendre la liberté de leurs adversaires, ce qu’ils feront quand on viendra les chercher. Le pire, c’est qu’on sera là. C’est la seule bonne nouvelle de ces temps moroses. Il se trouve encore beaucoup de monde, en France, et particulièrement parmi vous, chers lecteurs, pour refuser la disparition de la pensée libre. Après notre appel contre la censure publicitaire dont Causeur est victime, vous avez été très nombreux à manifester votre soutien par des abonnements, des dons, de précieux conseils, des mots d’encouragement et de réconfort. Plus important encore que l’aide financière, précieuse, vous nous avez montré que nous n’étions pas seuls. Et ça donne de l’énergie pour les prochains combats.

Quand la haine est une bonne nouvelle

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© Causeur

Les inquisiteurs aux petits pieds se déchaînent. Ils s’emploient à asphyxier Causeur à grands coups de mensonges, de calomnies, de diffamation auprès de potentiels annonceurs afin de les dissuader de prendre de la pub dans nos colonnes. Causeur coupable d’être à leurs yeux, j’ai plaisir à le dire, un effroyable creuset d’impertinence, de hardiesse, voire de joyeuse dissidence. Bref, un espace de pensée libre, de pensée émancipée, de pensée affranchie. Tout ce que l’inquisiteur déteste.

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Il y a aussi dans le même temps les déjections mentales de la cheffe d’un parti dit de gauche pollué chaque jour un peu plus par les élucubrations débilitantes du wokisme. Cette gauche qui se perd elle-même en chemin, qui donne maints signes de se hâter de courir à sa propre fin et qui ne voit pas que le wokisme, justement, aura été son fossoyeur. Or, cette personnalité politique ne craint pas d’en appeler ouvertement à l’élimination pure et simple de Valeurs Actuelles et de CNews. Ses propos sont remarquables en cela qu’ils réalisent la synthèse parfaite de la haine et de la bêtise. Elle n’est pas la première à donner dans ce registre où tout est bon pour allumer le bûcher du dogmatisme où doit périr l’hérétique, le mécréant, celui qui a pactisé avec le diable, celui pense et parle autrement. Et puis – pendant qu’on y est, allons-y gaiement ! – voilà bien qu’on s’efforce de nous faire prendre la gesticulation d’une quarantaine d’encagoulés pour un remake de la Marche sur Rome. Par chance, le ridicule ne tue plus.

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Ils se déchaînent, disais-je ? Ils perdent leurs nerfs parce qu’ils perdent pied. Leurs prédications ne font plus autant recettes. Et leurs recettes ne font plus rêver. Trop d’imposture tue l’imposture et le doute s’est installé. Alors le courant intellectuel s’inverse insensiblement. À l’arrogance des détenteurs de la bonne conscience et des certitudes jamais démontrées, jamais vérifiées dans le concret de la vie des peuples, succèderait à présent la roborative affirmation du bon sens. Un signe de cette avancée, un signe qui ne trompe pas : un mur sémantique vient de s’effondrer sous les ors de l’Elysée. Le président soi-même, filoutant du côté obscur des concepts de la droite, a osé celui de décivilisation. En plein conseil des ministres. Horreur ! Enfer et damnation ! Monsieur Plenel en aura probablement avalé son bréviaire trotskiste et Monsieur Pap Ndiaye son catéchisme woke. Lâcher le mot est bel et bon. Il reste maintenant à engager la belle entreprise de recivilisation et surtout, préalable indispensable, à définir très précisément le contenu de la civilisation de référence. Une piste. La définition qu’en livrait en son temps Paul Valéry : « J’appelle civilisation européenne toute civilisation qui a été successivement romanisée, christianisée et soumise, quant à l’esprit, à la discipline des Grecs. » On attend avec fièvre celle de Monsieur le président de la République. Puisse-t-elle être aussi limpide, aussi riche !

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Après le Covid, où va l’État?

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Sommet mondial sur la Santé, Rome, 21 mai 2021 © CHINE NOUVELLE/SIPA

Ceux qui parlent encore de la pandémie y trouvent un prétexte pour critiquer le pouvoir excessif de l’État. Mais, il faut aussi regarder au niveau supérieur, analyse Jeremy Stubbs.


Vous vous souvenez de la pandémie ? C’était l’époque où on nous disait que tout serait différent : on travaillerait chez nous la plupart du temps ; les magasins disparaîtraient au profit de la vente en ligne ; et on voyagerait si peu désormais que le réchauffement climatique serait bridé… Oui, c’est bien oublié, tout ça.

Les États-Unis ont décrété la fin de l’état d’urgence induit par la pandémie le 10 avril, et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a fait de même le 5 mai. Ces mesures ont été accueillies, non pas avec un grand soulagement, mais dans une indifférence générale.

2020 = 1984 ?

Ceux qui parlent encore de la pandémie y trouvent un prétexte pour critiquer le pouvoir excessif de l’État. Certes, en Europe, en Amérique et ailleurs, nos États se sont arrogé des pouvoirs spéciaux sans rencontrer trop d’obstacles, et cela peut inquiéter. Certes, toutes les décisions prises n’ont pas été forcément les meilleures. On peut se poser des questions à propos de nombreux sujets :

  • la nécessité de confinements aussi stricts, appliqués à toutes les catégories d’âge ;
  • l’efficacité réelle des masques ;
  • les informations dont on disposait à l’époque portant sur les possibles effets secondaires des vaccins ;
  • ou la manière dont les contrats pour l’achat des vaccins avaient été gérés par les autorités publiques.

Ces questions sont parfaitement légitimes. Ce qui est difficile, c’est d’en tirer les bonnes conclusions. Croire que la solution aux problèmes soulevés par la gestion étatique de la pandémie consiste simplement à limiter les pouvoirs de l’État serait erroné. Car ce qui est en jeu n’est pas seulement l’autorité de l’État. C’est aussi l’influence sur l’État des entreprises multinationales et des organismes supranationaux. L’État – au moins dans sa version occidentale – a l’avantage d’être dans une certaine mesure démocratique, ce qui n’est pas nécessairement le cas de ces autres entités. Il faut donc que l’État reste suffisamment fort pour résister aux pressions exercées sur lui par la sphère commerciale et par des organisations qui se prétendent au-dessus de lui. De manière très significative, ces deux influences ont tendance à se conjuguer.

SMS Gate I et II

Considérons l’affaire des SMS qu’Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, a échangés avec le PDG de Pfizer, Albert Bourla, au printemps 2021, dans le cadre des négociations du troisième contrat entre l’UE et le géant pharmaceutique pour l’achat de vaccins. Ce contrat, d’une valeur de 35 milliards d’euros, a obligé l’UE à acheter 1,8 milliards de vaccins. Aujourd’hui, on constate que l’UE s’est procuré beaucoup trop de vaccins, dont certaines doses sont déjà périmées.

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Afin d’éclairer la manière dont ces vaccins ont été acquis, et de savoir où est passé tout cet argent versé par les contribuables des différents États-membres, le Parquet européen a ouvert une enquête en octobre 2022. En même temps, toujours au niveau européen, la Commission « COVI » sur la pandémie a convoqué Albert Bourla, afin de l’interroger, et ce, deux fois, en octobre et décembre  2022. Deux fois, le PDG de Pfizer s’est désisté. En février de cette année, le New York Times a saisi la Cour de justice européenne pour obliger Ursula von der Leyen à rendre public les fameux SMS. En avril, un citoyen belge a déposé une plainte pénale dans le même sens auprès du tribunal de Liège. Pour le moment, toutes ces tentatives pour tirer l’affaire au clair restent infructueuses. Ce qui rend cet imbroglio particulièrement glauque, c’est que le mari d’Ursula von der Leyen, Heiko von der Leyen, est un médecin qui travaille pour une entreprise, Orgenesis, impliquée, entre autres choses, dans le développement des technologies à ARN, utilisées pour des vaccins comme celui de Pfizer. Cette entreprise a aussi reçu de l’argent public en Europe. Bien que le couple von der Leyen ait été exonéré par la Commission européenne de toute forme de malversation, le soupçon d’un conflit d’intérêts potentiel ne peut pas être écarté. Outre-Rhin, une autre enquête avait été lancée, en 2019, concernant les actions de Mme von der Leyen en 2015 et 2016. A cette époque, elle était ministre de la Défense de son pays et gérait des marchés publics en négligeant, paraît-il, les procédures officielles d’appels d’offre. Cette enquête a buté elle aussi sur des SMS qu’elle avait envoyés dans ce contexte mais qui avaient disparu par la suite. Pour l’instant, il semble peu probable que l’UE tire toutes les leçons de l’affaire des SMS de 2021. Cette proximité entre dirigeants politiques et dirigeants industriels semble encore plus difficile à contrôler au niveau européen qu’au niveau de l’État, et s’exerce même au détriment du pouvoir des États-membres.

Le nouvel ordre mondial de la santé

Il y a une autre question qui devrait inquiéter les chefs d’État et au-delà de la seule Europe.

En ce moment, l’Organisation mondiale de la santé, cette OMS dont la gestion de la pandémie a été si critiquée, est en pleine révision du Règlement sanitaire international. Il s’agit d’un instrument de droit international qui régit les actions de l’OMS et les pouvoirs dont elle dispose à l’égard des États qui en sont membres. La version actuelle date de 2005. La nouvelle version devra voir le jour en mai 2024. Les différentes propositions dont délibère actuellement l’organisme supranational risquent d’étendre considérablement les pouvoirs de l’institution. D’abord, en élargissant la gamme des situations qui peuvent être considérées comme des pandémies et ensuite, en transformant les mesures préconisées par l’OMS, qui sont actuellement des recommandations, en des obligations pour les Etats-membres.

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Là encore, une certaine collusion entre l’organisme supranational et la sphère économique est à soupçonner. Car l’OMS est financée, non seulement par les contributions des États qui en sont membres, mais aussi par des dons d’entreprises, notamment des géants de l’industrie pharmaceutique, et des dons de particuliers – qui sont, bien entendu, des milliardaires. La contribution de Bill Gates, à travers sa Fondation, a constitué 13% du budget de l’OMS en 2016-2017 et reste depuis autour de 9 ou 10%. Seule la contribution de l’Etat américain est supérieure. Gates a des liens avec l’industrie pharmaceutique et utilise son influence pour promouvoir le recours aux vaccins. Voilà un beau conflit d’intérêts. La révision du Règlement sanitaire international pourrait bien se transformer en un coup de force pour l’OMS et ceux qui le financent en partie. Une fois de plus, les États pourraient bien se trouver coincés entre les instances supranationales et les entreprises multinationales.

C’est ainsi que le vrai problème de l’État, ce n’est pas tellement qu’il soit trop puissant ou impuissant. Le problème est qu’il est souvent fort là où il devrait être faible – par exemple, dans le contrôle qu’il exerce sur ses propres citoyens – et faible là où il devrait être fort – dans la maîtrise de ses frontières, ou dans la résistance qu’il oppose au lobbying des multinationales et à l’interventionnisme des organismes supranationaux.

Ron DeSantis sur Twitter: fin d’un faux suspens et premier faux pas

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Ron DeSantis à Sioux Center (Iowa), 13 mai 2023 © Charlie Neibergall/AP/SIPA

Le gouverneur de Floride, Ron DeSantis, très en pointe dans la guerre culturelle qui se joue en Amérique entre pro et anti-wokes, a lancé officiellement sa campagne sur Twitter mercredi. Les problèmes techniques ont fait échouer l’opération, comblant de joie les partisans de Donald Trump. Ce dernier, que DeSantis a longtemps soutenu, demeure en tête dans la course à l’investiture républicaine pour le moment, et invite son adversaire à se faire prescrire «une greffe de personnalité». Portrait.


Les Fantômes du vieux pays, roman remarqué de Nathan Hill, paru en 2017 et chroniqué par Jérôme Leroy, imaginait un gouverneur du Montana aux allures baroques, prêt à toutes les outrances pour s’offrir une carrière nationale, jusqu’à remettre en cause la légalité constitutionnelle et l’obéissance de son État au gouvernement fédéral. Depuis peu, la figure du gouverneur qui résiste à Washington, à force d’invectives, de mesures chocs et de coups d’éclat juridiques, n’est plus seulement romanesque. Et elle entre avec fracas dans la course présidentielle.

Mercredi, à 18h (minuit heure de Paris), le gouverneur de Floride, Ron DeSantis lançait sa candidature à l’investiture républicaine pour la présidentielle de 2024 sur Twitter par un échange en direct avec Elon Musk (propriétaire du réseau social). Le format était original ; l’opération sur Twitter Spaces a viré au désastre (multiples problèmes techniques et 20 minutes d’interruption pour reprendre en direct avec la voix de Musk expliquant que le serveur croulait sous le nombre d’internautes…).

Les Américains en ont-ils fini avec le retraité de Mar-a-Lago ?

Les adversaires de DeSantis, Joe Biden comme Donald Trump s’en sont donnés à cœur joie : des soutiens de ce dernier diffusant un faux dialogue désaccordé entre Musk, DeSantis, le diable, Adolf Hitler, Dick Cheney et George Soros [1]… Premier faux pas mais aussi fin d’un faux suspens. Voici plusieurs mois que cette étoile montante du parti Républicain préparait sa candidature : levée de fonds, débauchage de cadres influents… La position de Trump au sein du parti Républicain était devenue assez fragile pour le convaincre de tenter sa chance. Les affaires judiciaires s’accumulaient contre l’ancien président. Les élections de mi-mandat, en 2022, avaient été assez décevantes pour les Républicains (les Démocrates gardant le contrôle du Sénat et limitant la casse à la chambre des représentants), alors que la plupart des candidats Républicains ayant épousé les thèses de Donald Trump sur le vol de l’élection présidentielle avaient été envoyés au tas par les électeurs. Enfin, le lancement de campagne précipité de ce dernier était un peu tombé à plat. En y pensant toujours, sans jamais en parler, beaucoup de cadres du parti rêvaient alors d’en finir avec le retraité de Mar-a-Lago.

Donald Trump s’adresse à ses supporters depuis Mar-a-Lago, le 4 avril, juste après avoir été mis en accusation © Evan Vucci/AP/SIPA

Presque inconnu au moment de son élection, à l’arrachée, en 2019, comme gouverneur de Floride, Ron DeSantis doit sa popularité auprès de la base républicaine à plusieurs prises de position choc. Sa carrière nationale décolle vraiment en 2020 quand il se pose en champion des opposants aux restrictions sanitaires et maintient ouverts bars, commerces, écoles… Le pari était audacieux mais s’est avéré gagnant: la Floride n’a pas connu de pic épidémique et son taux de mortalité était très comparable à celui du reste des États-Unis. Populaire, Ron DeSantis continue sur sa lancée et se place désormais en défenseur de l’Amérique traditionnelle face à l’idéologie woke. Utilisant à cette fin les moyens de l’État et son pouvoir de gouverneur, il fait voter une loi pour restreindre l’enseignement de l’homosexualité dans le primaire que ses adversaires appellent « don’t say gay » et qui l’a conduit à une bataille judiciaire avec le groupe Disney, employeur majeur de Floride. Malgré les polémiques, il enfonce le clou dans son discours de victoire : « «we chose facts over fear, we chose education over endoctrination, we chose law and order » – plaçant résolument sa victoire sous le signe de la guerre culturelle. Localement, le gouverneur séduit les électeurs. Gagnant sa réélection à la tête de l’Etat avec 18 points d’avance, il l’ancre comme État rouge (conservateur) alors qu’il a longtemps été considéré comme un swing state (État tangent). Il perce même dans les districts les plus hispaniques où son discours pro famille et pro business séduit – un électorat que peinaient à atteindre les Républicains.

Un discours anti-élites bien rodé mais ce n’est pas Trump non plus

De prises de position en coups d’éclat, l’Amérique conservatrice se découvre progressivement un nouveau jackass. Plus institutionnalisé, plus mainstream, mais aussi à droite que Trump, capable d’envoyer vertement dans les roses des journalistes… Certains éditorialistes conservateurs – même parmi les plus radicaux – l’adoubent. Le très influent (et influenceur) droitier Ben Shapiro voit en Ron de Santis « a rock star ». La journaliste Ann Coulter le sacre nouveau leader du parti républicain.

Alors qu’il vitupère contre les élites des grandes métropoles, son parcours est des plus classiques: diplômé en histoire à Yale et en droit à Harvard, il a aussi servi en Irak au service juridique de la Marine alors qu’il s’était engagé dans la réserve. Ron DeSantis a son style mais c’est aussi un politicien de carrière, un peu à l’ancienne, bien inséré dans l’appareil du parti républicain et les institutions de Washington. La complexité du personnage est apparue au fil des derniers mois alors qu’il précisait certaines de ses positions, révélant ainsi les fragilités de sa candidature. En mars, il appelait à limiter le soutien américain à l’Ukraine, qualifiant la guerre « de dispute territoriale » pouvant distraire « des problèmes les plus importants du pays ». En contradiction avec des positions passées plutôt interventionnistes, le candidat putatif cherchait à adresser quelques signaux à une base républicaine tentée par l’isolationnisme et lassée du coût de l’aide à l’effort de guerre ukrainien. Devant les critiques et les pressions de certains élus, le gouverneur semblait se dédire quelques jours après, qualifiant Vladimir Poutine de « criminel de guerre ». Toutes ces volte-face rappelaient aux électeurs républicains l’élasticité idéologique et l’opportunisme de l’establishment politique. Depuis plusieurs mois, son étoile a pour le moins pâli. Distancé par Trump, il plafonne à 20% quand son principal rival caracole en tête à 49%.

Trump met les rieurs de son côté

Trump s’est engouffré dans la brèche et n’a pas tardé à l’affubler de surnoms ridicules : « DeSentancieux » (« deSanctiomonious ») ou Bolognaise (« Meatballs »). Dernièrement, il lui a aussi prescrit « une greffe de personnalité ». La rupture est brutale alors que DeSantis affichait son soutien indéfectible à Trump en 2018 pour le poste de gouverneur de Floride. Dans un ancien clip de campagne étonnant [2], on voit son épouse confier face caméra combien « Ron aime jouer avec les enfants » alors qu’il empile des briques en mousse avec son fils pour lui apprendre à « construire un mur » – référence à la promesse de Donald Trump d’ériger un mur défensif entre les États-Unis et le Mexique.

Quel regard le public français doit-il porter sur cette candidature ? Si Ron DeSantis tient la dragée haute à la révolution woke dans la guerre culturelle qui s’annonce et menace la concorde civile américaine, son classicisme en matière de politique étrangère parait intact. Sa présidence pourrait renvoyer le parti républicain et la diplomatie américaine directement aux années Bush et à sa folie des grandeurs géopolitiques.

L’Europe, la France et le monde ont-ils besoin d’un retour des faucons à la Maison Blanche ?  


[1] https://twitter.com/ramchrisali/status/1661497810511069185

[2] https://www.youtube.com/watch?v=z1YP_zZJFXs