Accueil Site Page 591

Après le Covid, où va l’État?

Ceux qui parlent encore de la pandémie y trouvent un prétexte pour critiquer le pouvoir excessif de l’État. Mais, il faut aussi regarder au niveau supérieur, analyse Jeremy Stubbs.


Vous vous souvenez de la pandémie ? C’était l’époque où on nous disait que tout serait différent : on travaillerait chez nous la plupart du temps ; les magasins disparaîtraient au profit de la vente en ligne ; et on voyagerait si peu désormais que le réchauffement climatique serait bridé… Oui, c’est bien oublié, tout ça.

Les États-Unis ont décrété la fin de l’état d’urgence induit par la pandémie le 10 avril, et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a fait de même le 5 mai. Ces mesures ont été accueillies, non pas avec un grand soulagement, mais dans une indifférence générale.

2020 = 1984 ?

Ceux qui parlent encore de la pandémie y trouvent un prétexte pour critiquer le pouvoir excessif de l’État. Certes, en Europe, en Amérique et ailleurs, nos États se sont arrogé des pouvoirs spéciaux sans rencontrer trop d’obstacles, et cela peut inquiéter. Certes, toutes les décisions prises n’ont pas été forcément les meilleures. On peut se poser des questions à propos de nombreux sujets :

  • la nécessité de confinements aussi stricts, appliqués à toutes les catégories d’âge ;
  • l’efficacité réelle des masques ;
  • les informations dont on disposait à l’époque portant sur les possibles effets secondaires des vaccins ;
  • ou la manière dont les contrats pour l’achat des vaccins avaient été gérés par les autorités publiques.

Ces questions sont parfaitement légitimes. Ce qui est difficile, c’est d’en tirer les bonnes conclusions. Croire que la solution aux problèmes soulevés par la gestion étatique de la pandémie consiste simplement à limiter les pouvoirs de l’État serait erroné. Car ce qui est en jeu n’est pas seulement l’autorité de l’État. C’est aussi l’influence sur l’État des entreprises multinationales et des organismes supranationaux. L’État – au moins dans sa version occidentale – a l’avantage d’être dans une certaine mesure démocratique, ce qui n’est pas nécessairement le cas de ces autres entités. Il faut donc que l’État reste suffisamment fort pour résister aux pressions exercées sur lui par la sphère commerciale et par des organisations qui se prétendent au-dessus de lui. De manière très significative, ces deux influences ont tendance à se conjuguer.

SMS Gate I et II

Considérons l’affaire des SMS qu’Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, a échangés avec le PDG de Pfizer, Albert Bourla, au printemps 2021, dans le cadre des négociations du troisième contrat entre l’UE et le géant pharmaceutique pour l’achat de vaccins. Ce contrat, d’une valeur de 35 milliards d’euros, a obligé l’UE à acheter 1,8 milliards de vaccins. Aujourd’hui, on constate que l’UE s’est procuré beaucoup trop de vaccins, dont certaines doses sont déjà périmées.

À lire aussi : Le fantasme fasciste

Afin d’éclairer la manière dont ces vaccins ont été acquis, et de savoir où est passé tout cet argent versé par les contribuables des différents États-membres, le Parquet européen a ouvert une enquête en octobre 2022. En même temps, toujours au niveau européen, la Commission « COVI » sur la pandémie a convoqué Albert Bourla, afin de l’interroger, et ce, deux fois, en octobre et décembre  2022. Deux fois, le PDG de Pfizer s’est désisté. En février de cette année, le New York Times a saisi la Cour de justice européenne pour obliger Ursula von der Leyen à rendre public les fameux SMS. En avril, un citoyen belge a déposé une plainte pénale dans le même sens auprès du tribunal de Liège. Pour le moment, toutes ces tentatives pour tirer l’affaire au clair restent infructueuses. Ce qui rend cet imbroglio particulièrement glauque, c’est que le mari d’Ursula von der Leyen, Heiko von der Leyen, est un médecin qui travaille pour une entreprise, Orgenesis, impliquée, entre autres choses, dans le développement des technologies à ARN, utilisées pour des vaccins comme celui de Pfizer. Cette entreprise a aussi reçu de l’argent public en Europe. Bien que le couple von der Leyen ait été exonéré par la Commission européenne de toute forme de malversation, le soupçon d’un conflit d’intérêts potentiel ne peut pas être écarté. Outre-Rhin, une autre enquête avait été lancée, en 2019, concernant les actions de Mme von der Leyen en 2015 et 2016. A cette époque, elle était ministre de la Défense de son pays et gérait des marchés publics en négligeant, paraît-il, les procédures officielles d’appels d’offre. Cette enquête a buté elle aussi sur des SMS qu’elle avait envoyés dans ce contexte mais qui avaient disparu par la suite. Pour l’instant, il semble peu probable que l’UE tire toutes les leçons de l’affaire des SMS de 2021. Cette proximité entre dirigeants politiques et dirigeants industriels semble encore plus difficile à contrôler au niveau européen qu’au niveau de l’État, et s’exerce même au détriment du pouvoir des États-membres.

Le nouvel ordre mondial de la santé

Il y a une autre question qui devrait inquiéter les chefs d’État et au-delà de la seule Europe.

En ce moment, l’Organisation mondiale de la santé, cette OMS dont la gestion de la pandémie a été si critiquée, est en pleine révision du Règlement sanitaire international. Il s’agit d’un instrument de droit international qui régit les actions de l’OMS et les pouvoirs dont elle dispose à l’égard des États qui en sont membres. La version actuelle date de 2005. La nouvelle version devra voir le jour en mai 2024. Les différentes propositions dont délibère actuellement l’organisme supranational risquent d’étendre considérablement les pouvoirs de l’institution. D’abord, en élargissant la gamme des situations qui peuvent être considérées comme des pandémies et ensuite, en transformant les mesures préconisées par l’OMS, qui sont actuellement des recommandations, en des obligations pour les Etats-membres.

A lire aussi : Non, le gouvernement n’a pas fiché les élèves musulmans pendant l’Aïd!

Là encore, une certaine collusion entre l’organisme supranational et la sphère économique est à soupçonner. Car l’OMS est financée, non seulement par les contributions des États qui en sont membres, mais aussi par des dons d’entreprises, notamment des géants de l’industrie pharmaceutique, et des dons de particuliers – qui sont, bien entendu, des milliardaires. La contribution de Bill Gates, à travers sa Fondation, a constitué 13% du budget de l’OMS en 2016-2017 et reste depuis autour de 9 ou 10%. Seule la contribution de l’Etat américain est supérieure. Gates a des liens avec l’industrie pharmaceutique et utilise son influence pour promouvoir le recours aux vaccins. Voilà un beau conflit d’intérêts. La révision du Règlement sanitaire international pourrait bien se transformer en un coup de force pour l’OMS et ceux qui le financent en partie. Une fois de plus, les États pourraient bien se trouver coincés entre les instances supranationales et les entreprises multinationales.

C’est ainsi que le vrai problème de l’État, ce n’est pas tellement qu’il soit trop puissant ou impuissant. Le problème est qu’il est souvent fort là où il devrait être faible – par exemple, dans le contrôle qu’il exerce sur ses propres citoyens – et faible là où il devrait être fort – dans la maîtrise de ses frontières, ou dans la résistance qu’il oppose au lobbying des multinationales et à l’interventionnisme des organismes supranationaux.

Ron DeSantis sur Twitter: fin d’un faux suspens et premier faux pas

Le gouverneur de Floride, Ron DeSantis, très en pointe dans la guerre culturelle qui se joue en Amérique entre pro et anti-wokes, a lancé officiellement sa campagne sur Twitter mercredi. Les problèmes techniques ont fait échouer l’opération, comblant de joie les partisans de Donald Trump. Ce dernier, que DeSantis a longtemps soutenu, demeure en tête dans la course à l’investiture républicaine pour le moment, et invite son adversaire à se faire prescrire «une greffe de personnalité». Portrait.


Les Fantômes du vieux pays, roman remarqué de Nathan Hill, paru en 2017 et chroniqué par Jérôme Leroy, imaginait un gouverneur du Montana aux allures baroques, prêt à toutes les outrances pour s’offrir une carrière nationale, jusqu’à remettre en cause la légalité constitutionnelle et l’obéissance de son État au gouvernement fédéral. Depuis peu, la figure du gouverneur qui résiste à Washington, à force d’invectives, de mesures chocs et de coups d’éclat juridiques, n’est plus seulement romanesque. Et elle entre avec fracas dans la course présidentielle.

Mercredi, à 18h (minuit heure de Paris), le gouverneur de Floride, Ron DeSantis lançait sa candidature à l’investiture républicaine pour la présidentielle de 2024 sur Twitter par un échange en direct avec Elon Musk (propriétaire du réseau social). Le format était original ; l’opération sur Twitter Spaces a viré au désastre (multiples problèmes techniques et 20 minutes d’interruption pour reprendre en direct avec la voix de Musk expliquant que le serveur croulait sous le nombre d’internautes…).

Les Américains en ont-ils fini avec le retraité de Mar-a-Lago ?

Les adversaires de DeSantis, Joe Biden comme Donald Trump s’en sont donnés à cœur joie : des soutiens de ce dernier diffusant un faux dialogue désaccordé entre Musk, DeSantis, le diable, Adolf Hitler, Dick Cheney et George Soros [1]… Premier faux pas mais aussi fin d’un faux suspens. Voici plusieurs mois que cette étoile montante du parti Républicain préparait sa candidature : levée de fonds, débauchage de cadres influents… La position de Trump au sein du parti Républicain était devenue assez fragile pour le convaincre de tenter sa chance. Les affaires judiciaires s’accumulaient contre l’ancien président. Les élections de mi-mandat, en 2022, avaient été assez décevantes pour les Républicains (les Démocrates gardant le contrôle du Sénat et limitant la casse à la chambre des représentants), alors que la plupart des candidats Républicains ayant épousé les thèses de Donald Trump sur le vol de l’élection présidentielle avaient été envoyés au tas par les électeurs. Enfin, le lancement de campagne précipité de ce dernier était un peu tombé à plat. En y pensant toujours, sans jamais en parler, beaucoup de cadres du parti rêvaient alors d’en finir avec le retraité de Mar-a-Lago.

Donald Trump s’adresse à ses supporters depuis Mar-a-Lago, le 4 avril, juste après avoir été mis en accusation © Evan Vucci/AP/SIPA

Presque inconnu au moment de son élection, à l’arrachée, en 2019, comme gouverneur de Floride, Ron DeSantis doit sa popularité auprès de la base républicaine à plusieurs prises de position choc. Sa carrière nationale décolle vraiment en 2020 quand il se pose en champion des opposants aux restrictions sanitaires et maintient ouverts bars, commerces, écoles… Le pari était audacieux mais s’est avéré gagnant: la Floride n’a pas connu de pic épidémique et son taux de mortalité était très comparable à celui du reste des États-Unis. Populaire, Ron DeSantis continue sur sa lancée et se place désormais en défenseur de l’Amérique traditionnelle face à l’idéologie woke. Utilisant à cette fin les moyens de l’État et son pouvoir de gouverneur, il fait voter une loi pour restreindre l’enseignement de l’homosexualité dans le primaire que ses adversaires appellent « don’t say gay » et qui l’a conduit à une bataille judiciaire avec le groupe Disney, employeur majeur de Floride. Malgré les polémiques, il enfonce le clou dans son discours de victoire : « «we chose facts over fear, we chose education over endoctrination, we chose law and order » – plaçant résolument sa victoire sous le signe de la guerre culturelle. Localement, le gouverneur séduit les électeurs. Gagnant sa réélection à la tête de l’Etat avec 18 points d’avance, il l’ancre comme État rouge (conservateur) alors qu’il a longtemps été considéré comme un swing state (État tangent). Il perce même dans les districts les plus hispaniques où son discours pro famille et pro business séduit – un électorat que peinaient à atteindre les Républicains.

Un discours anti-élites bien rodé mais ce n’est pas Trump non plus

De prises de position en coups d’éclat, l’Amérique conservatrice se découvre progressivement un nouveau jackass. Plus institutionnalisé, plus mainstream, mais aussi à droite que Trump, capable d’envoyer vertement dans les roses des journalistes… Certains éditorialistes conservateurs – même parmi les plus radicaux – l’adoubent. Le très influent (et influenceur) droitier Ben Shapiro voit en Ron de Santis « a rock star ». La journaliste Ann Coulter le sacre nouveau leader du parti républicain.

Alors qu’il vitupère contre les élites des grandes métropoles, son parcours est des plus classiques: diplômé en histoire à Yale et en droit à Harvard, il a aussi servi en Irak au service juridique de la Marine alors qu’il s’était engagé dans la réserve. Ron DeSantis a son style mais c’est aussi un politicien de carrière, un peu à l’ancienne, bien inséré dans l’appareil du parti républicain et les institutions de Washington. La complexité du personnage est apparue au fil des derniers mois alors qu’il précisait certaines de ses positions, révélant ainsi les fragilités de sa candidature. En mars, il appelait à limiter le soutien américain à l’Ukraine, qualifiant la guerre « de dispute territoriale » pouvant distraire « des problèmes les plus importants du pays ». En contradiction avec des positions passées plutôt interventionnistes, le candidat putatif cherchait à adresser quelques signaux à une base républicaine tentée par l’isolationnisme et lassée du coût de l’aide à l’effort de guerre ukrainien. Devant les critiques et les pressions de certains élus, le gouverneur semblait se dédire quelques jours après, qualifiant Vladimir Poutine de « criminel de guerre ». Toutes ces volte-face rappelaient aux électeurs républicains l’élasticité idéologique et l’opportunisme de l’establishment politique. Depuis plusieurs mois, son étoile a pour le moins pâli. Distancé par Trump, il plafonne à 20% quand son principal rival caracole en tête à 49%.

Trump met les rieurs de son côté

Trump s’est engouffré dans la brèche et n’a pas tardé à l’affubler de surnoms ridicules : « DeSentancieux » (« deSanctiomonious ») ou Bolognaise (« Meatballs »). Dernièrement, il lui a aussi prescrit « une greffe de personnalité ». La rupture est brutale alors que DeSantis affichait son soutien indéfectible à Trump en 2018 pour le poste de gouverneur de Floride. Dans un ancien clip de campagne étonnant [2], on voit son épouse confier face caméra combien « Ron aime jouer avec les enfants » alors qu’il empile des briques en mousse avec son fils pour lui apprendre à « construire un mur » – référence à la promesse de Donald Trump d’ériger un mur défensif entre les États-Unis et le Mexique.

Quel regard le public français doit-il porter sur cette candidature ? Si Ron DeSantis tient la dragée haute à la révolution woke dans la guerre culturelle qui s’annonce et menace la concorde civile américaine, son classicisme en matière de politique étrangère parait intact. Sa présidence pourrait renvoyer le parti républicain et la diplomatie américaine directement aux années Bush et à sa folie des grandeurs géopolitiques.

L’Europe, la France et le monde ont-ils besoin d’un retour des faucons à la Maison Blanche ?  


[1] https://twitter.com/ramchrisali/status/1661497810511069185

[2] https://www.youtube.com/watch?v=z1YP_zZJFXs

Montal, l’avant-centre stéphanois

Pourquoi faut-il le lire et surtout le primer avant qu’il ne s’exile dans une tour vitrée de Javel?


Dans sa génération, il fait figure d’exception. Cet écrivain à la cinquantaine bourgeonnante ne répond pas aux critères habituels de l’auteur moderne. Il ne veut ni sauver la planète, ni nous alerter sur les dangers d’une mondialisation gloutonne. Il ne marche pas sur les routes de France afin de se reconnecter à la nature. Il ne professe rien. Il ne philosophe pas. Il n’aspire à rien si ce n’est à acquérir une Jaguar XJS. Il observe seulement le marasme ambiant et se marre intérieurement. Il ne tient aucune tribune dans un média progressiste, ce qui explique en partie son absence de prix (pour l’instant) mais nous y reviendrons plus tard. Tentons d’abord de le croquer, de s’en approcher, bien qu’il soit méfiant et atrocement pudique. Physiquement, ce Bryan Ferry du stade Geoffroy-Guichard a le cheveu propre et la Chelsea boot cirée. Il porte le trench Melvillien les soirs de grande fatigue morale, je l’ai vu aussi en costume italien, comprimé dans ses laines froides que les barons de la Fininvest arborent dans le quartier d’affaires Porta Nuova de Milan. Il peut parfois plus étrangement enfiler un tee-shirt de base-ball floqué grossièrement, ce que j’appelle son sentimentalisme californien, son populisme à lui. Le plus souvent, sa rigueur d’écrivain se retrouve dans ses tenues, nous oscillons entre un Swinging London désespéré et un classicisme à la française tendance Yves Robert, une sorte d’héritier de Maurice Ronet ou de Jean Rochefort qui aurait perdu sa virginité dans le comté de Dorset, lors de ces pluvieux étés anglais, où les verbes irréguliers et les twin-sets vert fluo de nos correspondantes formaient une même trame narrative. En somme, entre La Piscine et Courage, fuyons, Montal déploie sa singularité. C’est dire s’il fait tache et anachronique dans le milieu littéraire où le faussement dégingandé et la dictature souillonne règnent en modèles d’apparat. Pourquoi tous ces détails vestimentaires, me direz-vous ? Nous sommes loin des mots et de leur fracas, de la construction d’un roman à son abstraction. Détrompez-vous ! Nous sommes au cœur du sujet. Parce que tous ces détails corsètent l’Homme de lettres, lui donnent son impulsion et nous en disent bien plus sur ses véritables qualités de plume. Je ne vous parlerai donc pas de son très réussi dernier roman, Leur Chamade aux éditions Séguier, ma consœur Sophie Bachat lui réserve bientôt un traitement de faveur dans les colonnes de Causeur. Elle en parlera avec l’élan et l’émoi qui la caractérisent. Et puis, je suis disqualifié déontologiquement, c’est un ami et il fut mon éditeur. Est-ce un crime d’avoir des amis qui écrivent bien et juste, sans graisse et pathos, avec suffisamment de pudeur contenue pour exprimer le lent délitement des sentiments ? Ce que j’admire chez ce Modiano au style métallique, c’est son absence de relâchement. Aujourd’hui, tout est relâché, les opinions, les bas de pantalon, les automobiles et même la musique dodécaphonique. Il est le porte-drapeau d’un nouveau courant littéraire qui écrit pour tuer le temps, pour retenir quelques souvenirs, quelques visages jadis admirés, pour se sentir un peu moins con et un peu plus vivant, pour la beauté d’un paragraphe, pour une phrase qui bougera admirablement son cul sur la page blanche, pour une offrande sans retour. En toute circonstance, Montal conserve son quant-à-soi, cette forme de mystère qui déride l’esprit, il ne se vautre pas dans le brumeux sentencieux et refuse d’expliquer son processus narratif avec l’air satisfait d’un recalé en classe de propédeutique. Certains pourraient avancer comme explication à ce détachement, sa timidité ou son snobisme, cette vieille courtoisie des anciennes provinces du Forez. À l’écart des pétitions virtuelles et des encartages félons, son dilettantisme a quelque chose de souverain, de tellement rafraîchissant, ça nous change des affidés au système qui tendent la sébile pour se faire battre. Montal ne demande rien à son lecteur. Il n’a pas vocation à diligenter sa vie, à le tancer ou à lui montrer le chemin des béatitudes. Et pour ça, nous le remercions vivement. Je veux croire que sa présence dans la sélection de printemps du Renaudot est le signe annonciateur d’un grand prix d’automne !

France Inter, derniers jours de “C’est encore nous”: c’est encore pire!

D’aucuns estiment que l’émission humoristique, qui va être déprogrammée de la grille de rentrée de France inter d’Adèle Van Reeth, est victime d’une censure… Pourtant, la nouvelle directrice de la station assure que «France Inter n’est ni de droite ni de gauche».


Dans le studio, ça chougne, ça couine, ça ronge son frein, ça ricane bruyamment pour surmonter l’épreuve mais le cœur n’y est plus…

N’ayant toujours pas digéré son limogeage de la grille quotidienne de France Inter, la bande à Charline envoie des scuds à son employeur, aux Français qui votent mal, à « l’extrême droite » qui est partout, à Bruno Le Maire que Guillaume Meurice, avec l’élégance qui le caractérise, apostrophe : « Tu prends tes affaires et tes livres à la con, et tu te casses. » Bref, “c’est encore nous”, c’est encore pire.

Waly Dia dit « kiffer » la situation: il a maintenant un « statut de martyr » officiel et peut jouer le « Malcolm X partout ». « 80 % de la diversité de France Inter part d’un seul coup », déclare le trublion en faisant référence aux origines belges ou africaines de certains ricaneurs de l’émission de France Inter qu’il renomme « la station Blanche Inter ». Tout cela est dit sur le ton de l’humour et se veut drôle. Comme cela ne l’est pas, Charline et sa bande s’esclaffent à chaque syllabe, histoire de rappeler à l’auditeur étourdi que cette émission est une émission hu-mo-ris-ti-que. Le 11 mai, humoristique, elle l’a été assurément: un chroniqueur dénommé Thomas Bidegain a qualifié le plus sérieusement du monde Charline Vanhoenacker de… « héros du peuple », un héros ayant su « rencontrer, séduire, faire rire et faire réfléchir » le peuple français. L’humour involontaire est décidément le plus drôle.

A lire aussi: Mort de rire!

CNews et Valeurs actuelles empêchent la bande à Charline de dormir

Un autre jour, Roukiata Ouedraogo, une « humoriste » de la bande à Charline qui se vante d’avoir un accent africain qui « raye les oreilles de Zemmour et des Zemmouriens », dit ne pas comprendre la décision de France Inter : après chacun de ses spectacles, affirme-t-elle, des gens viennent la voir pour lui dire que “C’est encore nous” est une « vraie respiration, surtout dans un paysage médiatique grignoté par l’extrême-droite ». Mme Ouedraogo et son public ont raison : il est évident que, dans ce pays, les médias pluralistes que sont Libé, Télérama, L’Obs, Le Monde, France Inter, France Info, France Culture, France 2 et France 5 ne pèsent plus rien face à la terrifiante machine médiatique de « l’extrême droite » représentée par les propagateurs de « l’idéologie néo-nazie » que sont, selon Marine Tondelier, CNews et Valeurs actuelles. La présidente d’EELV préconise que l’Arcom se penche un peu plus sur CNews et propose que l’hebdomadaire ne reçoive plus de subventions publiques. Oui, bon, il y a plus de chroniqueurs de gauche sur CNews que de chroniqueurs de droite sur la totalité du service public et Valeurs actuelles ne reçoit plus aucune subvention publique depuis 2015 mais, que voulez-vous, depuis que Pap Ndiaye a comparé l’hebdomadaire au journal collaborationniste Gringoire, tout le monde y va de ses mensonges sous un déluge de points Godwin – ça tombe comme à Gravelotte.


À ce propos, la plateforme mélenchoniste “Le Média” a reçu Jean-Baptise Rivoire, ancien journaliste d’investigation de Canal + qui avait sûrement du temps à perdre puisqu’il a fait, à propos de la mise au placard de Charline et sa bande, une « enquête sur les coulisses d’une censure ». Ce journaliste ne nous apprend rien sur les possibles motivations politiques qui ont guidé la décision d’Adèle Van Reeth, la directrice de France Inter. Mais – attention, nouveau point Godwin en approche – tandis que Jean-Baptiste Rivoire s’alarme sur le fait qu’en arrêtant cette émission la direction de France Inter préparerait l’arrivée du RN au pouvoir, le journaliste du Média assène : « C’était un des derniers bastions ». On croit rêver. Et le meilleur est à venir. Jean-Baptiste Rivoire dit être effrayé: « Je ne sais pas ce que la direction de France Inter aurait fait en 1942 en France, mais ça m’inquiète carrément. » Donc, d’après ces deux journalistes, le studio de l’émission déchue était en réalité un repère de maquisards médiatiques, le refuge des derniers résistants contre une extrême droite pétainiste sournoisement soutenue par la direction collaborationniste de la station publique. Chère Madame Van Reeth, ne cherchez pas plus loin le duo de comiques qui pourra, à lui tout seul, remplacer toute la bande à Charline…

A lire aussi: Causeur est victime de la censure woke!

Une pétition à succès

Comme il arrive parfois au malade à qui on apprend que ses jours sont comptés, la bande à Charline se venge du sort qui l’attend en distillant son amertume et son aigreur derrière des ricanements de plus en plus jaunâtres. Guillaume Meurice, qui est à l’humour ce qu’Annie Ernaux est à la littérature, ridiculise à jet continu les Français en sélectionnant les propos les plus bêtes extraits de ses pitoyables micro-trottoirs ; Aymeric Lompret grasseye des blagues de fin de banquet d’extrême gauche avec sa vulgarité habituelle ; l’insignifiant Frédéric Fromet – celui-là même qui avait chanté que « Jésus est pédé » puis s’était excusé auprès de « la communauté LGBT » mais pas auprès des catholiques, faut pas exagérer quand même – donne des leçons de morale en gratouillant sa guitare. Chacun s’efforce de rire plus haut que son voisin. On se congratule, on se félicite mutuellement, on s’applaudit – tant qu’il y a de la vie il y a de l’espoir ; on escompte peut-être que la direction de la radio va revenir sur sa décision. Entre deux chroniques, Charline Vanhoenacker informe d’ailleurs les auditeurs que la pétition demandant le maintien de l’émission « a dépassé les 160 000 signatures ! » France Inter a tenu à publier sur son site quelques courriers d’auditeurs courroucés par la décision de la direction : « L’arrêt de “C’est encore nous ” c’est un des rares poil à gratter qui nous aidait à réfléchir les yeux ouverts sur le lendemain encore possible », écrit l’un d’eux, chagriné au point de ne plus pouvoir écrire une simple phrase de protestation en français. D’autres disent leur tristesse et leur déception de voir leur radio changer. Si je le pouvais – je veux dire par là si j’écrivais pour Libé, journal auquel certains d’entre eux sont sans doute abonnés et dans lequel ils auraient pu alors me lire – je rassurerais ces auditeurs : je ne crois pas un seul instant au changement fondamental de France Inter. Cette radio, politiquement de gauche, wokiste, immigrationniste et européiste, va rester, avec ou sans ces humoristes pas drôles, un des piliers médiatiques de la gauche libertaire, diversitaire et progressiste. Il suffit de regarder la composition journalistique de la matinale ou le nom des invités dans les émissions quotidiennes de propagande pour n’avoir aucun doute à ce sujet. Le pluralisme ne fait pas partie des qualités de l’audiovisuel public et France Inter ne fait pas exception à la règle, bien au contraire. La récente déclaration de la directrice de France Inter au Monde a déclenché l’hilarité générale: « France Inter n’est ni de droite ni de gauche ». L’émission de Charline Vanhoenacker, sous couvert d’impertinence rigolarde, n’était globalement qu’une tribune politique proche de la gauche radicale, et Guillaume Meurice et sa détestation des « beaufs » Français supposément racistes et fascistes en était la caricature. Il est possible que notre président jupitérien, après avoir goûté l’appel des humoristes de France Inter à voter pour lui afin de faire « barrage à l’extrême droite », ait eu de plus en plus mal à digérer les sempiternelles piques des mêmes humoristes contre le gouvernement. Peut-être a-t-il fait savoir à la direction de France Inter son agacement, appelons ça comme ça. Après l’annonce officielle du retrait de l’émission, enjoué, il aurait avoué à sa femme, en imitant l’accent teuton de Théo (Horst Frank) dans “Les tontons flingueurs” : « Je ne te dis pas que ce n’est pas injuste, je te dis que ça soulage. » C’est vrai que ça soulage – et quand on entend Guillaume Meurice ou Aymeric Lompret cracher sur les Français qui ne pensent pas comme eux et les traiter de « gros cons » ou de fachos, on se dit que ce n’est peut-être pas aussi injuste que ça.

Les Gobeurs ne se reposent jamais

Price: 22,00 €

6 used & new available from 22,00 €

Carlos Martens Bilongo, un Cahuzac d’extrême gauche à la petite semaine

Le député du Val-d’Oise est toujours soutenu par son parti, mais les affaires s’accumulent…


Il avait été l’une des révélations politiques de l’automne dernier – avec Grégoire de Fournas. Potentielle cible du « qu’il(s) retourne(nt) en Afrique ! » prononcé par le député RN, Carlos Martens Bilongo s’était fait connaître alors du grand public. Tout l’enjeu était de savoir si Fournas avait invité tous les passagers de l’Ocean Viking à rentrer en Afrique, ou bien le seul député Bilongo, pourtant pleinement français.

Une « casserolade » inattendue pour la Nupes

Si le Palais Bourbon a permis à de brillants députés (Léopold Sédar Senghor, Félix Houphouët-Boigny) de faire leurs premières gammes avant de devenir de grands chefs d’États africains, la possible assignation identitaire aux origines congolaises et angolaises de l’élu Nupes n’était pas très convenable. On ne sait plus très bien si c’est Staline ou Jacques Bainville qui a dit : « La mort d’un homme est une tragédie. La mort d’un million d’hommes est une statistique ». Vouloir renvoyer un député à sa terre d’origine, c’était effectivement honteux ; mais souhaiter le départ d’un bateau entier rempli d’Africains, ça pouvait encore à la limite passer.

A lire aussi : Immigration: les LR en ont-ils fini avec le terrorisme intellectuel de gauche?

Dans cette partie de football à trois côtés qu’est devenue l’Assemblée nationale, l’occasion avait été trop belle pour les autres partis de tirer à boulet rouge sur le groupe RN, qui avait agréablement surpris depuis son entrée en force en juin 2022. Et puis, le temps a passé, il y a eu les rebondissements de la guerre en Ukraine, les grèves, l’affaire Pierre Palmade… et on avait un peu oublié Carlos Martens Bilongo. Le gaillard refait surface, mais plutôt au rayon « casseroles ». BFMTV a révélé que le député du Val-d’Oise faisait l’objet d’une enquête pour des soupçons de blanchiment de fraude fiscale et d’abus de bien sociaux[1]. Le député est soupçonné d’avoir dissimulé près de 200 000 euros aux autorités entre 2018 et 2022 et fait l’objet d’une procédure à la suite d’un signalement de Tracfin, la cellule de renseignement financier de Bercy. La chaîne d’infos en continu a également révélé que Carlos Martens Bilongo aurait sous-loué un logement social à l’une de ses sœurs jusqu’à fin 2022… alors qu’il était propriétaire de deux appartements ! « Ce sont des choses connues, absolument pas cachées et qui n’ont rien d’illégal », s’est-il défendu. Dans un communiqué[2], il a voulu préciser : « En 2018, j’ai acquis deux logements avec des prêts immobiliers ; l’un en investissement locatif […] l’autre pour mon futur logement personnel impliquant de lourds travaux qui ont été réalisés jusqu’à mon départ du logement social dans lequel je résidais avec ma sœur ». Il dit avoir « informé le bailleur social par écrit et par voie d’huissier en 2019 de toutes ces informations, qui n’y a rien trouvé à redire » ; « J’ai quitté le logement social pour habiter dans l’appartement à la fin de mes travaux, et ma sœur a pu libérer le logement social à la fin de l’année 2022. J’ai donc parfaitement respecté la loi à tous égards, et je n’ai pas habité dans un logement social après avoir été élu ».

A lire aussi: Médine à l’Armada : un drôle de moussaillon attendu sur les quais de Rouen

Puisqu’on parlait d’Afrique, concluons par un proverbe africain…

A la France Insoumise, on monte au créneau pour défendre le camarade. Manuel Bompard s’est fendu d’un tweet : « Cette cabale menée à coups de fuites judiciaires et d’informations erronées contre mon camarade Carlos Martens Bilongo est insupportable. Elle doit cesser immédiatement ». Les partis alliés de la Nupes commencent toutefois à juger la situation de moins en moins tenable et craignent que le député Bilongo ne devienne le Jérôme Cahuzac de la gauche de la gauche. Le risque serait grand de voir les adversaires du parti de Jean-Luc Mélenchon – jamais avare de leçons de morale et intraitable sur les questions de fraude fiscale – rétorquer : « lorsqu’on veut grimper au cocotier, mieux vaut avoir les fesses propres ».


[1] https://www.bfmtv.com/police-justice/le-depute-lfi-carlos-martens-bilongo-vise-par-une-enquete-pour-fraude-fiscale-et-blanchiment_AN-202305110636.html

[2] https://twitter.com/BilongoCarlos/status/1656725004027822084

Ils sont morts: une politique et moins de tweets et d’hommages…

Il y a bien un domaine où la France n’est pas en retard. Pour les tweets et les hommages, elle domine! Ce ne serait pas grave si l’expression de cette impuissance noble ne prenait pas assez généralement la place de politiques défaillantes.


Un tragique exemple en a été fourni récemment avec la mort de ces trois jeunes gardiens de la paix conduisant à l’hôpital une jeune fille de 16 ans et dont le véhicule a été heurté par une voiture circulant à contresens avec un chauffeur sous l’emprise de la drogue et de l’alcool. Celui-ci est décédé tandis que son passager est grièvement blessé. Le ministre de l’Intérieur a tweeté, le président aussi, qui a décidé un hommage national. Et on nous donne l’impression ainsi d’une action ! On se moque du citoyen. Il n’est plus possible d’accepter sans réagir la multitude des accidents mortels qui sont commis par des conducteurs ayant perdu leur vigilance à cause de l’alcool et/ou de la drogue. Sur 3000 par an environ, 700 sont concernés. Pour ne pas évoquer les blessures involontaires qui se rajoutent à ce déplorable bilan…


Paradoxalement, il y a une manière de fuir la fermeté à partir de la législation pourtant existante, et à mon sens suffisante. On propose des pistes apparemment de bon sens mais en réalité contraires à la réalité des comportements routiers transgressifs. Aussi odieux et dévastateurs qu’ils soient, on ne peut les considérer comme on le ferait d’un homicide volontaire qui implique la volonté de tuer le conducteur du véhicule.

À lire aussi, Ivan Rioufol: Immigration: la droite découvre la lune!

Cette propension à s’égarer par une répression ciblée, face à des tragédies qu’on ne parvient pas à dominer, est révélatrice d’une dérive française qui préfère s’évader dans le futur avec des dispositions absurdes plutôt que tout faire pour affronter les défis du présent. Je pourrais également faire référence aux modalités qu’on envisage pour s’attaquer aux violences conjugales: elles illustrent parfaitement la tendance que je viens de décrire et qui non seulement ne va pas rendre plus efficace la lutte contre ces horreurs du quotidien mais au contraire, en donnant bonne conscience avec un avenir programmé meilleur, la dissuadera ici et maintenant d’être plus ferme, sans relâche.

Déjà une évidence: le délit de mise en danger de la vie d’autrui doit être systématiquement visé dès lors que l’alcool et la drogue sont les adjuvants des homicides ou des blessures involontaires.

Ensuite, il ne peut y avoir de politique cohérente contre ce fléau de la conduite irresponsable si on ne multiplie pas les contrôles avec les interdictions et les confiscations qu’impose l’urgence. On ne peut pas espérer gagner ce combat si on n’oppose pas une radicalité répressive aux conduites durablement délictuelles de certains habitués poussant même la provocation jusqu’à continuer à conduire malgré les suspensions du permis de conduire.

Enfin il convient, si on veut véritablement changer la donne, de ne plus raisonner avec le seul principe de l’individualisation des peines, qui aboutira forcément, compte tenu de la multitude des transgressions, à des peines tellement adaptées à chacun qu’elles auront perdu tout impact. L’individualisation des peines, dans ce domaine comme dans d’autres, fait disparaître une sévérité de plus en plus nécessaire derrière une approche subjective qui dilue tout dans un singulier émollient.

À lire aussi, Elisabeth Lévy: Causeur est victime de la censure woke!

Dire qu’il faut moins d’hommages et de tweets et plus d’action est parfois critiqué parce que trop facile, on ne proposerait rien qui soit plus efficient que ce qu’accomplit le pouvoir… D’une part je répète que tout est en place, en ordre pour pallier un désordre et un laxisme coupables. D’autre part, on n’a pas à demander aux citoyens ce qu’ils feraient à la place des ministres. Je suis sûr qu’il y a des citoyens passionnés de politique, des personnalités ne se contentant pas d’effectuer des constats et de théoriser mais toute d’action et de pragmatisme, qui sauraient quoi accomplir si elles avaient la latitude nécessaire pour bousculer les paresses, les conformismes ou stimuler les découragements. Règle numéro un: abandon des tweets et des hommages à répétition !

Lola assassinée une deuxième fois?

Sur France 5, Karim Rissouli a consacré une soirée entière à expliquer aux téléspectateurs que l’affaire Lola était un crime atroce qui aurait dû rester un simple fait divers. Pour les journalistes de gauche, il y a la bonne et la mauvaise récupération. S’indigner de ce qu’une fillette de 12 ans soit tuée par une Algérienne sous le coup d’une OQTF à cause des lacunes de l’État n’est selon eux pas légitime.


Samedi 20 mai, c’était le premier anniversaire de l’assassinat du docteur Alban Gervaise. Il avait, on s’en souvient, été égorgé aux cris de « Allah Akhbar » alors qu’il attendait ses enfants devant un établissement catholique de Marseille. Deux jours auparavant, le groupe Lille Antifa tweetait joyeusement : « La seule église qui illumine, c’est celle qui brûle. » La semaine dernière, c’est un couple de Niçois qu’une bande frappait violemment en les traitant de « sales blancs de merde. »

Que penser alors de l’instrumentalisation sans fin des affaires Théo et Traoré ? De la photographie du corps d’Aylan sur une plage turque ?

Les justes et les récupérateurs

Dans ce contexte léger, qui constitue désormais notre quotidien, dimanche 21 mai, lors de la « La Fabrique du mensonge », émission présentée par Karim Rissouli, la cinquième chaîne du service public a diffusé un documentaire intitulé « Affaire Lola : chronique d’une récupération ». Dans ledit documentaire, la doxa médiatique accuse l’extrême droite de récupérer la mort de l’enfant assassinée pour promouvoir sa vision réactionnaire du monde. Cette extrême droite, résolument visée, poids des mots et choc des photos à l’appui, apparaît pourtant comme une cible flottante aux contours imprécis. Si on y retrouve les inévitables Éric Zemmour, Marine Le Pen et autres groupes de la mouvance identitaire, y apparaissent Cyril Hanouna, Pascal Praud et tous ceux qui ont associé les lettres du sigle OQTF, devenu presque acronyme, à la présumée coupable. Ça commence à faire du monde.

A lire aussi, Elisabeth Lévy: Immigration: les LR en ont-ils fini avec le terrorisme intellectuel de gauche?


Ce documentaire, impartial s’il en est, veut montrer l’attitude des Justes, confrontés à « ce terrible fait divers » que constitue le meurtre de Lola. Civilisés et sensés, ils ont « respecté le temps du deuil » puis déclaré posément : « Vous n’aurez pas ma haine. » Las ! C‘était sans compter sur les hordes de nazis tapis qui n’attendaient que l’occasion pour sortir du silence et envoyer valser leurs pantoufles. Leurs bottes enfin chaussées, ces hordes écumantes ont déferlé dans nos rues, scandant (selon l’émission) la bave aux lèvres, leur haine de l’étranger. C’est donc à la sauvette qu’il convenait d’honorer la mémoire de Lola, sous peine d’être accusé d’exploiter politiquement son assassinat.

« Fantasme d’une immigration incontrôlée »

L’introduction au documentaire faite par Karim Rissouli, sans emphase et tout en sobriété, donne immédiatement l’air de la chanson. L’Affaire Lola est un « triste modèle, mais un modèle parfait de manipulation et de récupération politique d’un crime atroce qui aurait pu, aurait dû, rester un terrible fait divers. » Il a « réveillé le fantasme d’une immigration incontrôlée et meurtrière. » Alors, « une armée numérique d’extrême droite, la fachosphère, a réussi à imposer son idéologie et ses théories complotistes dans le débat public. » Après cette captatio benevolentiae de choc, place au documentaire, tout aussi impartial.

A lire aussi, Céline Pina: Non, le gouvernement n’a pas fiché les élèves musulmans pendant l’Aïd!

On commence par y expliquer que L’Affaire Lola naît lorsque la question de l’OQTF « éclipse le fond de l’affaire », à savoir, le fait divers tragique. C’est ce point de détail qui permet à l’extrême droite de tisser le lien qu’elle affectionne entre immigration, crime et délinquance. Bien sûr, on omet de préciser que Gérald Darmanin et Emmanuel Macron ont, eux aussi, reconnu la liaison dangereuse. Dans les faits, les observateurs se sont simplement contentés de constater que la meurtrière n’aurait pas dû se trouver sur le sol français, comme l’indique justement l’obligation de quitter le territoire français…

Pour la nuance, on repassera

D’après le documentaire, la situation d’OQTF qui frappe la présumée meurtrière aurait été amalgamée à sa nationalité algérienne par l’extrême droite. Les stratèges de la fachosphère, grâce à leur parfaite maîtrise des algorithmes, auraient manipulé l’opinion et poussé à la haine de l’étranger. Nulle action qui aurait été suscitée par l’émotion ou la révolte viscérale face à la barbarie du crime perpétré n’est concédée à ceux qu’on désigne comme des « charognards ». Tous ne sont présentés que comme des suppôts d’Éric Zemmour qui militeraient pour imposer l’idée d’un « francocide » imminent. Amis de la nuance, réjouissez-vous. Deux voix autorisées sont convoquées à la rescousse pour rappeler à l’ordre les esprits égarés. Hervé Le Bras atteste qu’il n’y a pas de submersion migratoire à craindre et Éric Dupond-Moretti rappelle ce qu’on avait tous compris: toutes les OQTF n’ont pas pour but d’être exécutées. Le camp du Bien semble vouloir, avec ce documentaire, reprendre la main sur un débat public qui lui échappe. Il convient de rappeler que l’insécurité est un fantasme sécuritaire ; l’immigration, un ressenti malsain. Le documentaire tourne à la propagande.

A relire, Hala Oukili: Attaques au couteau: le terrorisme à l’âge d’Uber

Que penser alors de l’instrumentalisation sans fin des affaires Théo et Traoré ? Que dire de l’utilisation de la photographie du corps d’Aylan, gisant sur une plage turque ? Deux poids deux mesures dans la narration, peut-être ? Mais, je m’égare. Sans nul doute une émission de télévision se prépare pour dénoncer l’exploitation par l’extrême gauche, criant au racisme systémique, d’une accusation non établie de violence policière.

François Hollande, qu’on se prendrait subrepticement à regretter tant l’actualité nous rend nostalgique du « monde d’avant » aura le dernier mot. Voici les propos que, sage d’un jour, il tint lors de l’un de ses derniers déplacements présidentiels, le 18 mars 2017, à Crolles : « La démocratie est fragilisée quand les faits eux-mêmes viennent à être contestés, tronqués, ignorés par les manipulations, les mensonges, les falsifications. » Pas mieux.

France Stratégie innove avec… le kolkhoze!

L’économiste Jean Pisani-Ferry a produit un rapport sur les «incidences économiques de l’action pour le climat», destiné à Matignon


Peu connu du grand public, France Stratégie est un service du Premier ministre dont le nom complet est officiellement celui de Commissariat général à la stratégie et à la prospective (CGSP). Il s’agit d’ailleurs d’une idée originale d’Emmanuel Macron suggérée à François Hollande en 2013, alors que l’actuel président de la République était encore Secrétaire général adjoint du cabinet de l’Elysée. L’idée n’était pas mauvaise en soi…

De fait, les différents rapports d’orientation et d’évaluation des politiques publiques rendus par cette administration se sont parfois révélés utiles. Citons notamment le rapport « Quelle évolution de la ségrégation résidentielle en France ? », ou encore la note « Inégalités des chances : ce qui compte le plus » qui concluait que le genre et le fait d’avoir des parents immigrés jouaient extrêmement peu sur le revenu d’activité des personnes âgées de 35 à 38 ans contrairement au milieu social d’origine, à la richesse du territoire dans lequel le jeune a grandi et au niveau de vie des parents.

Objectif: décroissance

Le rapport qui nous intéresse présentement traite lui de la question de l’écologie. Portant précisément sur les « incidences économiques de l’action pour le climat », ce rapport tente d’appréhender plus finement les conséquences macroéconomiques de la transition climatique. Il montre d’ailleurs bien l’ampleur des difficultés à venir et le coût qu’elles pourraient avoir pour les Français, Jean Pisani-Ferry écrivant dans le 7ᵉ point de la synthèse dudit rapport que: « D’ici 2030, le financement de ces investissements, qui n’accroissent pas le potentiel de croissance, va probablement induire un coût économique et social. Parce que l’investissement sera orienté vers l’économie de combustibles fossiles, plutôt que vers l’efficacité ou l’extension des capacités de production, la transition se paiera temporairement d’un ralentissement de la productivité de l’ordre d’un quart de point par an et elle impliquera des réallocations sur le marché du travail. » Traduit en langue française dépouillée des tics de la haute administration, cela signifie tout simplement que nous allons vers… la décroissance. Nous allons donc perdre en capacités de production et le niveau de vie des Français baissera d’autant. Le plus amusant étant que les auteurs du rapport nous indiquent ensuite que les indicateurs habituels tels que le PIB mesurent encore mal le « coût en bien-être » des réglementations prises pour que la France effectue sa transition écologique. Autant faire court : nous allons en baver.

À lire aussi, Stéphane Germain: Retraites, argent magique: l’impossible sevrage

C’est à ce stade que France Stratégie nous dévoile son plan. Comme on pouvait le pressentir, une administration publique française a toujours la même solution : créer des impôts et des taxes. Et c’est par un raisonnement aussi tortueux que pervers que France Stratégie transforme l’effort consenti par les Français en « soutien aux ménages et aux entreprises » ! Ce n’est évidemment pas l’État qui nous aidera à rénover nos logements rénovés ou à remplacer nos voitures thermiques, mais nos impôts qui sont déjà parmi les plus élevés du monde libre : « Pour financer la transition, au-delà du redéploiement nécessaire des dépenses, notamment des dépenses budgétaires ou fiscales brunes, et en complément de l’endettement, un accroissement des prélèvements obligatoires sera probablement nécessaire. Celui-ci pourrait notamment prendre la forme d’un prélèvement exceptionnel, explicitement temporaire et calibré ex ante en fonction du coût anticipé de la transition pour les finances publiques, qui pourrait être assis sur le patrimoine financier des ménages les plus aisés. »

Le président Emmanuel Macron présente le plan d’investissement France 2030 depuis l’Elysée, 12 octobre 2021 © Ludovic Marin/AP/SIPA

Charles Prats: lanceur d’alerte

Il faut savoir que la France a régulièrement mis en place des impôts qui devaient n’être que temporaires, destinés à répondre à des crises ou à financer des mesures exceptionnelles. La CSG, que tous les Français ou presque redoutent, devait ainsi ne pas durer. Depuis 1991 et sa création par Michel Rocard, dont la politique ressemble fortement à celle du gouvernement Borne, ses recettes ont explosé et ont été multipliées par dix, le taux et l’assiette augmentant quasiment tous les ans hors un très bref intermède sous la présidence Sarkozy. Le magistrat Charles Prats évalue d’ailleurs le coût de la transition énergétique telle que voulue par France Stratégie à 50 milliards annuels d’impôts en plus pendant quinze ans !

À lire aussi, Sophie de Menthon: Et avez-vous un peu pensé aux patrons?!

Le plus terrible étant que cela est présenté comme une aide de l’Etat aux Français… L’écologie donne au Moloch administratif l’occasion de revenir avec sa fiscalité redistributive délirante qui n’a rien à envier à Thomas Piketty et qui plombe déjà toute notre économie, la rendant totalement inapte dans la compétition internationale cruelle que se livrent les grands Empires contemporains, à commencer par la Chine et les Etats-Unis.

Le matraquage fiscal ne sera pas arrêté : il va s’intensifier. La stratégie est simple, vous spolier.

L’euthanasie qui vient

Il est probable que l’euthanasie sera légalisée en France. Cette maîtrise de sa propre mort, aboutissement ultime du contrôle de sa propre vie, est réclamée par une grande partie de la population. Mais cette mesure individualiste se double de tant de dérives et de paradoxes que c’est la société entière qui en paiera les conséquences.


Sondage après sondage, une grande majorité de la population se déclare en faveur de l’« euthanasie ». On peut certes critiquer la façon dont les questions sont formulées, qui favorise une réponse de ce genre, mais n’ergotons pas : les résultats sont assez massifs pour être significatifs. Avant de discuter des conclusions législatives qu’il convient d’en tirer, il est bon de s’interroger sur ce qui motive pareille position.

La « culture du projet »

Le premier élément à prendre en compte est un changement profond dans le rapport à la mort. Dans un pays comme la France, au xviiie siècle, un enfant sur deux n’atteignait pas l’âge de 11 ans. Aujourd’hui, plus de neuf décès sur dix surviennent après 60 ans. La mort, de menace toujours présente, a été repoussée dans les marges. « On savait autrefois (ou peut-être le pressentait-on) qu’on contenait la mort à l’intérieur de soi-même, comme un fruit son noyau. […] Et quelle mélancolique beauté était celle des femmes, lorsqu’elles étaient enceintes, debout, et que, dans leur grand corps, sur lequel leurs deux mains fines involontairement se posaient, il y avait deux fruits : un enfant et une mort. » Ce temps est révolu, Rilke l’avait compris. On continue de mourir, certes. Non plus, cependant, parce que la vie est, selon la formule de Hans Jonas, « une aventure dans la mortalité », mais parce qu’il reste des défaillances de la machine humaine que l’on ne sait pas surmonter ou pallier. Si jamais Jeanne Calment, prolongeant de quelques années encore sa vie, s’était éteinte durant la canicule de 2003, à 128 ans, elle ne serait pas morte de vieillesse mais de l’incurie du gouvernement n’ayant pas su prendre toutes les mesures adéquates pour protéger nos anciens.

Par ailleurs, comment définir l’humain ? La question, qui a travaillé la philosophie pendant plus de deux millénaires, a enfin trouvé sa réponse : l’humain est un être qui fait des projets. Si le Projet pouvait parler il dirait : Moi, le Projet, je suis partout. Tout le monde doit faire des projets, tout le temps, à l’intérieur du grand projet moderne qu’est le Progrès. Or, comme relevé il y a un siècle par Max Weber, une vie immergée dans le Projet et le Progrès ne devrait pas avoir de fin, car il y a toujours un nouveau projet à mener à bien, un nouveau progrès à accomplir. « Abraham, ou n’importe quel paysan d’autrefois, pouvaient mourir “âgés et rassasiés de jours” parce qu’ils étaient installés dans le cycle organique de la vie, parce qu’il leur semblait que la vie leur avait apporté, au déclin de leurs jours, tout ce qu’elle pouvait leur offrir, parce qu’il ne subsistait aucune énigme qu’ils auraient encore voulu résoudre ; ils pouvaient donc se tenir pour “satisfaits” par la vie. L’homme civilisé au contraire, placé dans le mouvement permanent d’une civilisation qui ne cesse de s’enrichir en pensées, savoirs, problèmes, peut se sentir “fatigué” de la vie, jamais “rassasié” par elle. Il ne saisit en effet qu’une part infime de ce que la vie de l’esprit engendre à jet continu – et toujours quelque chose de provisoire, rien de définitif. De ce fait, la mort est pour lui un événement dépourvu de sens. Et parce que la mort n’a pas de sens, la vie civilisée en tant que telle n’en a pas non plus, qui, par son “progressisme” insensé, frappe la mort d’absurdité. » Résultat : l’incapacité à recevoir la mort comme fait de nature incite à en faire un processus contrôlé. Un dernier projet.

A lire aussi : Trans-folie: Budweiser ne s’y fera pas prendre deux fois

À cela, il faut ajouter que les progrès de la médecine, qui aident à vivre plus longtemps et en meilleure santé, ont aussi une conséquence moins heureuse : des personnes qui, auparavant, se seraient rapidement éteintes, se trouvent durablement maintenues en vie dans un état où leurs facultés sont gravement altérées. Si la mortalité fait partie de notre condition, les performances de la médecine peuvent déformer cette condition en substituant à la mort une fin frangée, la lente extinction d’un corps dont la personne s’absente progressivement, longtemps avant sa mort. Pareille perspective, en soi peu réjouissante, nous paraît d’autant plus effrayante qu’au cours de la seconde moitié du xxe siècle, une nouvelle forme de surmoi s’est imposée qui sanctionne, non plus tant les manquements à un canon moral, que le fait de ne pas être à la hauteur de l’image que l’on se fait et que l’on souhaiterait donner de soi. S’ensuit que ce qui terrifie est moins la mort, qui annihile, que de tomber dans la « dépendance » ; de là aussi un dégoût insurmontable éprouvé à l’égard des corps déchus, auxquels on ne veut en aucun cas ressembler ; de là enfin la vigueur des revendications quant au choix de sa « fin de vie » – avec l’idée que l’on pourra garder le contrôle jusqu’au bout.

Dans ces conditions, il est fort probable que les partisans de l’euthanasie et du suicide assisté finiront par obtenir les évolutions législatives qu’ils appellent de leurs vœux.

Faut-il s’en féliciter ?

S’il y a un point de vue selon lequel de telles évolutions sont souhaitables, sans contestations possibles, c’est le point de vue financier. Point de vue qui, au demeurant, ne mérite pas l’opprobre. Il est en effet facile de réclamer, au nom de la morale la plus élevée, toujours plus de moyens pour l’assistance aux malades, et de fustiger, en regard, les considérations « bassement » économiques. Les gouvernants doivent pourtant bien, afin de satisfaire, au moins dans une certaine mesure, les innombrables demandes qui leur sont adressées, se soucier de l’économie qui fournit les moyens. Or, voici que se présente une situation rarissime : pour une fois, avec l’euthanasie et le suicide assisté, les citoyens ne réclament pas des dépenses supplémentaires, mais proposent des économies ! (On comprend, au passage, pourquoi une convention citoyenne a été organisée sur la fin de vie, et pas sur les retraites.)

Une résidente de l’Ehpad Marguerite-Renaudin à Sceaux, 13 juillet 2022. « Transformer les “soignants” en prestataires de service, soutenant la vie et dispensant la mort, selon la demande, n’est pas une bonne idée. » © ISA HARSIN/SIPA.

La question financière mise à part, les bénéfices à attendre d’une légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté sont plus douteux. L’Association pour le droit à mourir dans la dignité (ADMD), fondée en 1980 et fer de lance de la lutte, sait mettre en avant des cas particuliers, des témoignages dramatiques ou émouvants. Mais s’il est concevable que, dans certains cas, ce soit faire le bien de quelqu’un que de l’aider à mourir, l’opportunité à légiférer n’en résulte pas mécaniquement. Il faut en effet être conscient qu’une nouvelle législation crée un nouveau cadre. Un nouveau cadre où, peut-être, certains cas problématiques d’hier trouveront solution, mais où un grand nombre de nouvelles difficultés apparaîtront, qui n’existaient pas auparavant.

La démoralisation du « soignant »

Le droit dont parlent les partisans d’une légalisation n’est pas un droit-liberté, mais un droit-créance, pas un « droit de » quitter la vie quand je l’ai décidé, mais un « droit à » ce qu’on me la fasse quitter quand je l’ai décidé. Or les partisans d’un droit à l’euthanasie et au suicide assisté semblent systématiquement ignorer l’épreuve que l’exercice de ce droit imposerait aux personnes chargées d’accéder à leur demande – dont tout laisse supposer, étant donné la façon dont les choses s’organisent en France, qu’elles appartiendraient au corps médical. Ainsi que le remarque Gaël Durel, président de l’Association nationale des médecins coordonnateurs en Ehpad et du secteur médico-social : « Les soignants seraient forcément appelés à s’interroger sur le sens de leur mission si on accepte de mettre fin à la vie de ceux qui sont l’objet de tous les soins au quotidien. Comment imaginer que l’on puisse écourter la vie d’une personne en raison de conditions de vie qu’elle juge trop dégradées et, dans la chambre voisine, en accompagner une autre qui est dans la même situation ? » D’autres s’interrogent : comment feront-ils pour concilier « d’une part la primauté de la demande collective de vie sur la volonté individuelle du patient dans le cas de soins prodigués aux auteurs d’une tentative de suicide [de 80 000 à 90 000 personnes sont hospitalisées chaque année en France suite à une telle tentative], d’autre part la primauté de la volonté individuelle de mort sur la demande collective de vie dans le cadre d’une euthanasie ou d’un suicide assisté ? » Transformer les « soignants » en prestataires de service, soutenant la vie et dispensant la mort, selon la demande, n’est pas une bonne idée. Les soignants en souffriraient, les patients aussi. Le fait que certains Belges âgés préfèrent franchir la frontière et se rendre dans des établissements médicalisés allemands, où l’euthanasie n’a pas cours, est à cet égard instructif.

Le suicide assisté, incitation au suicide tout court

Par ailleurs, quoi qu’ils puissent dire, les partisans de l’« aide active à mourir », en obtenant gain de cause, ne feraient pas qu’acquérir un droit pour eux, ils modifieraient le monde commun. Ces modifications peuvent comporter des aspects positifs. « La pensée du suicide est une puissante consolation. Elle aide à bien passer plus d’une mauvaise nuit », écrivait Nietzsche. De même, la pensée du suicide assisté peut conforter le moral de certains. Elle tend aussi, chez de plus nombreux, à accréditer l’idée qu’aux difficultés, la mort est la meilleure solution. Au départ, seuls des adultes mentalement aptes et en phase terminale se trouvent concernés. Mais les choses évoluent rapidement. Theo Boer, membre d’un comité de contrôle dans l’application de la loi sur l’euthanasie adoptée en 2002 aux Pays-Bas, à laquelle il était à l’époque favorable, a été témoin du processus. Dans une tribune publiée par Le Monde (1er décembre 2022), il écrit : « La pratique s’est étendue aux personnes souffrant de maladies chroniques, aux personnes handicapées, à celles souffrant de problèmes psychiatriques, aux adultes non autonomes ayant formulé des directives anticipées ainsi qu’aux jeunes enfants. » Est aujourd’hui discutée une extension aux personnes âgées sans pathologie. En France, le Conseil consultatif national d’éthique (CCNE) mentionne, dans son avis de 2022 : « Il existe une voie pour une application éthique d’une aide active à mourir, à certaines conditions strictes, avec lesquelles il apparaît inacceptable de transiger. » Le CCNE, qui en 2013 ne voulait pas de l’aide active à mourir, indique lui-même, par l’évolution rapide de ses avis, le crédit qu’il faut accorder aux « conditions strictes, avec lesquelles il apparaît inacceptable de transiger ». Au demeurant, dans une société qui fait du ressenti personnel l’autorité suprême, au point d’y subordonner le fait d’être un homme ou une femme, on voit mal au nom de quoi il serait durablement possible de soumettre le recours au suicide assisté à des critères objectifs. Theo Boer prédit la prochaine étape aux Pays-Bas, au nom de la justice et du respect des personnes : « Pourquoi seulement une mort assistée pour les personnes souffrant d’une maladie, et pas pour celles qui souffrent du manque de sens, de marginalisation, de la solitude, de la vie elle-même ? »

A lire aussi : Le wokisme est un fascisme

Non seulement, quand l’euthanasie et le suicide assisté sont légalisés, le nombre de demandes ne cesse d’augmenter, mais qui plus est, le nombre de suicides aussi ! Citons encore Theo Boer : « Alors que le pourcentage d’euthanasies dans le nombre total de décès est passé de 1,6 %, en 2007, à 4,8 %, en 2021 [aux Pays-Bas], le nombre de suicides a également augmenté : de 8,3 pour 100 000 habitants, en 2007, à 10,6, en 2021, soit une hausse de 27 %. […] Pendant ce temps, en Allemagne, un pays très similaire aux Pays-Bas quant à sa culture, à son économie et à sa population – mais sans la possibilité d’une mort médicalement assistée –, les taux de suicide ont diminué. » Le phénomène n’a rien de mystérieux. Les partisans de « la mort dans la dignité », du « libre choix de fin de vie » ou de l’« aide active à mourir », en voyant leur requête satisfaite, conduisent une frange croissante de la population à sans cesse devoir examiner la question : Vaut-il bien la peine de rester en vie ? Et donc, dans un certain nombre de cas, à répondre par la négative.

Si la faculté à se poser ce genre de questions est humaine, qu’un cadre légal oblige à s’y confronter est déshumanisant. Mon propos n’est pas de condamner en tant que telle une aide active à mourir, mais de faire mesurer les effets délétères d’une légalisation, qui semblent complètement échapper à ses promoteurs.

Un paradoxe pour finir

C’est au nom de l’autonomie de la personne, de son droit à l’autodétermination, qu’est réclamé un droit à l’euthanasie et au suicide assisté. C’est-à-dire que c’est au nom de l’autonomie qu’est exigée une assistance – alors même que, dans la plupart des cas, les candidats au suicide assisté seraient capables de mettre fin à leurs jours par eux-mêmes. Il faut donc croire qu’il ne suffit pas de vouloir mourir pour arriver à se suicider. Mais précisément, si on n’y arrive pas sans renfort, n’est-ce pas le signe que l’on n’a pas si envie de mourir que cela ? Ne vaut-il pas mieux, en la matière, admettre des limites personnelles que l’on ne parvient pas à franchir, que de requérir les autres pour les outrepasser ?

Proud Tina

0

La star Tina Turner est décédée hier (1939-2023)


Hier soir, mes voisins ont une nouvelle fois frappé à ma porte pour me signifier que j’écoutais de la musique trop fort. J’aurais pu leur répondre que je travaillais ma chronique en hommage à Tina Turner, qui vient de nous quitter à l’âge de 83 ans. Libération, cette fois pas très inspiré, a titré : « Tina the best »,  j’aurais eu un autre titre à leur proposer : Proud Tina, pour paraphraser le tube Proud Mary, cette reprise du groupe Creedence Clearwater Revival, qu’elle a magnifié pour en faire une célébration, un rite vaudou qui ferait entrer n’importe qui en transe. En effet, Tina Turner pourrait être fière de son parcours. Née Anna May Bullock à Memphis (Tennessee), en 1939, au sein d’une famille que l’on qualifierait aujourd’hui de toxique, elle va chercher un peu de consolation et de distraction à l’église baptiste du coin, où elle commence à exercer sa voix quasi surnaturelle – à l’image de celle d’Elvis – en chantant du gospel. Il s’est vraiment passé quelque chose dans les années 50, au Sud des Etats-Unis, encore sous le joug de la discrimination raciale, quelque chose de l’ordre de la synchronicité jungienne, où la musique a  circulé, donnant naissance à des demi-dieux ou déesses, qui ont changé à tout jamais la face de l’Amérique.

Une tornade sur la scène

Anna est vite repérée par le musicien Ike Turner, qui lui fait enregistrer A fool in love, titre qui devient vite un énorme succès. Ike la rebaptise Tina en hommage à Sheena, la reine de la jungle, certainement pour célébrer sa façon animale de bouger, tout en rythme et en abandon. Ike fut un cadeau empoisonné pour Tina. Certes, il lui offrit la célébrité, mais c’est un homme extrêmement violent et pervers, qui l’emmena au bordel lors de leur nuit de noces. Il la bat, mais elle joue le jeu de la parfaite épouse, et, sur scène de la parfaite complice amoureuse. Ike va jusqu’à l’obliger à miner des fellations avec son micro. Elle obéit. Mais tente un jour de se suicider. En 1966, elle enregistre River Deep, Mountain High, à l’initiative du producteur de génie, Monsieur wall of sound Phil Spector. Même si une transaction qui ressemblait à un marché d’esclaves eut lieu entre Ike Turner et Phil Spector, elle entre définitivement dans la légende avec ce titre phénoménal et hypnotisant. Et puis, elle n’en peut plus. Elle se tourne vers le bouddhisme, ce qui lui donna la force de quitter son bourreau. Commence alors pour elle une descente aux enfers, où elle vit de bons alimentaires. Elle divorce et perd tout, sauf le nom de Turner. Mais Tina est un phoenix, une guerrière, et c’est en Europe qu’elle renaît de ses cendres. Plus flamboyante et animale que jamais. Elle délaisse un peu la soul pour le rock’n’roll, confie qu’aux Etats-Unis une chanteuse noire reste confinée à la musique noire, et que cela ne lui convient pas.

Elle avait acquis la nationalité suisse en 2013

Débarrassée de Ike, elle veut atteindre le firmament, grimper au sommet de la Tour Eiffel en talons aiguilles, comme sur la célèbre photo de Peter Lindbergh, remplir des stades à en faire pâlir les Stones, tourner dans Mad Max auprès de Mel Gibson. « Proud Tina kept on burning ». Jusqu’à s’éteindre paisiblement en Suisse un jour de printemps.

Après le Covid, où va l’État?

0
Sommet mondial sur la Santé, Rome, 21 mai 2021 © CHINE NOUVELLE/SIPA

Ceux qui parlent encore de la pandémie y trouvent un prétexte pour critiquer le pouvoir excessif de l’État. Mais, il faut aussi regarder au niveau supérieur, analyse Jeremy Stubbs.


Vous vous souvenez de la pandémie ? C’était l’époque où on nous disait que tout serait différent : on travaillerait chez nous la plupart du temps ; les magasins disparaîtraient au profit de la vente en ligne ; et on voyagerait si peu désormais que le réchauffement climatique serait bridé… Oui, c’est bien oublié, tout ça.

Les États-Unis ont décrété la fin de l’état d’urgence induit par la pandémie le 10 avril, et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a fait de même le 5 mai. Ces mesures ont été accueillies, non pas avec un grand soulagement, mais dans une indifférence générale.

2020 = 1984 ?

Ceux qui parlent encore de la pandémie y trouvent un prétexte pour critiquer le pouvoir excessif de l’État. Certes, en Europe, en Amérique et ailleurs, nos États se sont arrogé des pouvoirs spéciaux sans rencontrer trop d’obstacles, et cela peut inquiéter. Certes, toutes les décisions prises n’ont pas été forcément les meilleures. On peut se poser des questions à propos de nombreux sujets :

  • la nécessité de confinements aussi stricts, appliqués à toutes les catégories d’âge ;
  • l’efficacité réelle des masques ;
  • les informations dont on disposait à l’époque portant sur les possibles effets secondaires des vaccins ;
  • ou la manière dont les contrats pour l’achat des vaccins avaient été gérés par les autorités publiques.

Ces questions sont parfaitement légitimes. Ce qui est difficile, c’est d’en tirer les bonnes conclusions. Croire que la solution aux problèmes soulevés par la gestion étatique de la pandémie consiste simplement à limiter les pouvoirs de l’État serait erroné. Car ce qui est en jeu n’est pas seulement l’autorité de l’État. C’est aussi l’influence sur l’État des entreprises multinationales et des organismes supranationaux. L’État – au moins dans sa version occidentale – a l’avantage d’être dans une certaine mesure démocratique, ce qui n’est pas nécessairement le cas de ces autres entités. Il faut donc que l’État reste suffisamment fort pour résister aux pressions exercées sur lui par la sphère commerciale et par des organisations qui se prétendent au-dessus de lui. De manière très significative, ces deux influences ont tendance à se conjuguer.

SMS Gate I et II

Considérons l’affaire des SMS qu’Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, a échangés avec le PDG de Pfizer, Albert Bourla, au printemps 2021, dans le cadre des négociations du troisième contrat entre l’UE et le géant pharmaceutique pour l’achat de vaccins. Ce contrat, d’une valeur de 35 milliards d’euros, a obligé l’UE à acheter 1,8 milliards de vaccins. Aujourd’hui, on constate que l’UE s’est procuré beaucoup trop de vaccins, dont certaines doses sont déjà périmées.

À lire aussi : Le fantasme fasciste

Afin d’éclairer la manière dont ces vaccins ont été acquis, et de savoir où est passé tout cet argent versé par les contribuables des différents États-membres, le Parquet européen a ouvert une enquête en octobre 2022. En même temps, toujours au niveau européen, la Commission « COVI » sur la pandémie a convoqué Albert Bourla, afin de l’interroger, et ce, deux fois, en octobre et décembre  2022. Deux fois, le PDG de Pfizer s’est désisté. En février de cette année, le New York Times a saisi la Cour de justice européenne pour obliger Ursula von der Leyen à rendre public les fameux SMS. En avril, un citoyen belge a déposé une plainte pénale dans le même sens auprès du tribunal de Liège. Pour le moment, toutes ces tentatives pour tirer l’affaire au clair restent infructueuses. Ce qui rend cet imbroglio particulièrement glauque, c’est que le mari d’Ursula von der Leyen, Heiko von der Leyen, est un médecin qui travaille pour une entreprise, Orgenesis, impliquée, entre autres choses, dans le développement des technologies à ARN, utilisées pour des vaccins comme celui de Pfizer. Cette entreprise a aussi reçu de l’argent public en Europe. Bien que le couple von der Leyen ait été exonéré par la Commission européenne de toute forme de malversation, le soupçon d’un conflit d’intérêts potentiel ne peut pas être écarté. Outre-Rhin, une autre enquête avait été lancée, en 2019, concernant les actions de Mme von der Leyen en 2015 et 2016. A cette époque, elle était ministre de la Défense de son pays et gérait des marchés publics en négligeant, paraît-il, les procédures officielles d’appels d’offre. Cette enquête a buté elle aussi sur des SMS qu’elle avait envoyés dans ce contexte mais qui avaient disparu par la suite. Pour l’instant, il semble peu probable que l’UE tire toutes les leçons de l’affaire des SMS de 2021. Cette proximité entre dirigeants politiques et dirigeants industriels semble encore plus difficile à contrôler au niveau européen qu’au niveau de l’État, et s’exerce même au détriment du pouvoir des États-membres.

Le nouvel ordre mondial de la santé

Il y a une autre question qui devrait inquiéter les chefs d’État et au-delà de la seule Europe.

En ce moment, l’Organisation mondiale de la santé, cette OMS dont la gestion de la pandémie a été si critiquée, est en pleine révision du Règlement sanitaire international. Il s’agit d’un instrument de droit international qui régit les actions de l’OMS et les pouvoirs dont elle dispose à l’égard des États qui en sont membres. La version actuelle date de 2005. La nouvelle version devra voir le jour en mai 2024. Les différentes propositions dont délibère actuellement l’organisme supranational risquent d’étendre considérablement les pouvoirs de l’institution. D’abord, en élargissant la gamme des situations qui peuvent être considérées comme des pandémies et ensuite, en transformant les mesures préconisées par l’OMS, qui sont actuellement des recommandations, en des obligations pour les Etats-membres.

A lire aussi : Non, le gouvernement n’a pas fiché les élèves musulmans pendant l’Aïd!

Là encore, une certaine collusion entre l’organisme supranational et la sphère économique est à soupçonner. Car l’OMS est financée, non seulement par les contributions des États qui en sont membres, mais aussi par des dons d’entreprises, notamment des géants de l’industrie pharmaceutique, et des dons de particuliers – qui sont, bien entendu, des milliardaires. La contribution de Bill Gates, à travers sa Fondation, a constitué 13% du budget de l’OMS en 2016-2017 et reste depuis autour de 9 ou 10%. Seule la contribution de l’Etat américain est supérieure. Gates a des liens avec l’industrie pharmaceutique et utilise son influence pour promouvoir le recours aux vaccins. Voilà un beau conflit d’intérêts. La révision du Règlement sanitaire international pourrait bien se transformer en un coup de force pour l’OMS et ceux qui le financent en partie. Une fois de plus, les États pourraient bien se trouver coincés entre les instances supranationales et les entreprises multinationales.

C’est ainsi que le vrai problème de l’État, ce n’est pas tellement qu’il soit trop puissant ou impuissant. Le problème est qu’il est souvent fort là où il devrait être faible – par exemple, dans le contrôle qu’il exerce sur ses propres citoyens – et faible là où il devrait être fort – dans la maîtrise de ses frontières, ou dans la résistance qu’il oppose au lobbying des multinationales et à l’interventionnisme des organismes supranationaux.

Ron DeSantis sur Twitter: fin d’un faux suspens et premier faux pas

0
Ron DeSantis à Sioux Center (Iowa), 13 mai 2023 © Charlie Neibergall/AP/SIPA

Le gouverneur de Floride, Ron DeSantis, très en pointe dans la guerre culturelle qui se joue en Amérique entre pro et anti-wokes, a lancé officiellement sa campagne sur Twitter mercredi. Les problèmes techniques ont fait échouer l’opération, comblant de joie les partisans de Donald Trump. Ce dernier, que DeSantis a longtemps soutenu, demeure en tête dans la course à l’investiture républicaine pour le moment, et invite son adversaire à se faire prescrire «une greffe de personnalité». Portrait.


Les Fantômes du vieux pays, roman remarqué de Nathan Hill, paru en 2017 et chroniqué par Jérôme Leroy, imaginait un gouverneur du Montana aux allures baroques, prêt à toutes les outrances pour s’offrir une carrière nationale, jusqu’à remettre en cause la légalité constitutionnelle et l’obéissance de son État au gouvernement fédéral. Depuis peu, la figure du gouverneur qui résiste à Washington, à force d’invectives, de mesures chocs et de coups d’éclat juridiques, n’est plus seulement romanesque. Et elle entre avec fracas dans la course présidentielle.

Mercredi, à 18h (minuit heure de Paris), le gouverneur de Floride, Ron DeSantis lançait sa candidature à l’investiture républicaine pour la présidentielle de 2024 sur Twitter par un échange en direct avec Elon Musk (propriétaire du réseau social). Le format était original ; l’opération sur Twitter Spaces a viré au désastre (multiples problèmes techniques et 20 minutes d’interruption pour reprendre en direct avec la voix de Musk expliquant que le serveur croulait sous le nombre d’internautes…).

Les Américains en ont-ils fini avec le retraité de Mar-a-Lago ?

Les adversaires de DeSantis, Joe Biden comme Donald Trump s’en sont donnés à cœur joie : des soutiens de ce dernier diffusant un faux dialogue désaccordé entre Musk, DeSantis, le diable, Adolf Hitler, Dick Cheney et George Soros [1]… Premier faux pas mais aussi fin d’un faux suspens. Voici plusieurs mois que cette étoile montante du parti Républicain préparait sa candidature : levée de fonds, débauchage de cadres influents… La position de Trump au sein du parti Républicain était devenue assez fragile pour le convaincre de tenter sa chance. Les affaires judiciaires s’accumulaient contre l’ancien président. Les élections de mi-mandat, en 2022, avaient été assez décevantes pour les Républicains (les Démocrates gardant le contrôle du Sénat et limitant la casse à la chambre des représentants), alors que la plupart des candidats Républicains ayant épousé les thèses de Donald Trump sur le vol de l’élection présidentielle avaient été envoyés au tas par les électeurs. Enfin, le lancement de campagne précipité de ce dernier était un peu tombé à plat. En y pensant toujours, sans jamais en parler, beaucoup de cadres du parti rêvaient alors d’en finir avec le retraité de Mar-a-Lago.

Donald Trump s’adresse à ses supporters depuis Mar-a-Lago, le 4 avril, juste après avoir été mis en accusation © Evan Vucci/AP/SIPA

Presque inconnu au moment de son élection, à l’arrachée, en 2019, comme gouverneur de Floride, Ron DeSantis doit sa popularité auprès de la base républicaine à plusieurs prises de position choc. Sa carrière nationale décolle vraiment en 2020 quand il se pose en champion des opposants aux restrictions sanitaires et maintient ouverts bars, commerces, écoles… Le pari était audacieux mais s’est avéré gagnant: la Floride n’a pas connu de pic épidémique et son taux de mortalité était très comparable à celui du reste des États-Unis. Populaire, Ron DeSantis continue sur sa lancée et se place désormais en défenseur de l’Amérique traditionnelle face à l’idéologie woke. Utilisant à cette fin les moyens de l’État et son pouvoir de gouverneur, il fait voter une loi pour restreindre l’enseignement de l’homosexualité dans le primaire que ses adversaires appellent « don’t say gay » et qui l’a conduit à une bataille judiciaire avec le groupe Disney, employeur majeur de Floride. Malgré les polémiques, il enfonce le clou dans son discours de victoire : « «we chose facts over fear, we chose education over endoctrination, we chose law and order » – plaçant résolument sa victoire sous le signe de la guerre culturelle. Localement, le gouverneur séduit les électeurs. Gagnant sa réélection à la tête de l’Etat avec 18 points d’avance, il l’ancre comme État rouge (conservateur) alors qu’il a longtemps été considéré comme un swing state (État tangent). Il perce même dans les districts les plus hispaniques où son discours pro famille et pro business séduit – un électorat que peinaient à atteindre les Républicains.

Un discours anti-élites bien rodé mais ce n’est pas Trump non plus

De prises de position en coups d’éclat, l’Amérique conservatrice se découvre progressivement un nouveau jackass. Plus institutionnalisé, plus mainstream, mais aussi à droite que Trump, capable d’envoyer vertement dans les roses des journalistes… Certains éditorialistes conservateurs – même parmi les plus radicaux – l’adoubent. Le très influent (et influenceur) droitier Ben Shapiro voit en Ron de Santis « a rock star ». La journaliste Ann Coulter le sacre nouveau leader du parti républicain.

Alors qu’il vitupère contre les élites des grandes métropoles, son parcours est des plus classiques: diplômé en histoire à Yale et en droit à Harvard, il a aussi servi en Irak au service juridique de la Marine alors qu’il s’était engagé dans la réserve. Ron DeSantis a son style mais c’est aussi un politicien de carrière, un peu à l’ancienne, bien inséré dans l’appareil du parti républicain et les institutions de Washington. La complexité du personnage est apparue au fil des derniers mois alors qu’il précisait certaines de ses positions, révélant ainsi les fragilités de sa candidature. En mars, il appelait à limiter le soutien américain à l’Ukraine, qualifiant la guerre « de dispute territoriale » pouvant distraire « des problèmes les plus importants du pays ». En contradiction avec des positions passées plutôt interventionnistes, le candidat putatif cherchait à adresser quelques signaux à une base républicaine tentée par l’isolationnisme et lassée du coût de l’aide à l’effort de guerre ukrainien. Devant les critiques et les pressions de certains élus, le gouverneur semblait se dédire quelques jours après, qualifiant Vladimir Poutine de « criminel de guerre ». Toutes ces volte-face rappelaient aux électeurs républicains l’élasticité idéologique et l’opportunisme de l’establishment politique. Depuis plusieurs mois, son étoile a pour le moins pâli. Distancé par Trump, il plafonne à 20% quand son principal rival caracole en tête à 49%.

Trump met les rieurs de son côté

Trump s’est engouffré dans la brèche et n’a pas tardé à l’affubler de surnoms ridicules : « DeSentancieux » (« deSanctiomonious ») ou Bolognaise (« Meatballs »). Dernièrement, il lui a aussi prescrit « une greffe de personnalité ». La rupture est brutale alors que DeSantis affichait son soutien indéfectible à Trump en 2018 pour le poste de gouverneur de Floride. Dans un ancien clip de campagne étonnant [2], on voit son épouse confier face caméra combien « Ron aime jouer avec les enfants » alors qu’il empile des briques en mousse avec son fils pour lui apprendre à « construire un mur » – référence à la promesse de Donald Trump d’ériger un mur défensif entre les États-Unis et le Mexique.

Quel regard le public français doit-il porter sur cette candidature ? Si Ron DeSantis tient la dragée haute à la révolution woke dans la guerre culturelle qui s’annonce et menace la concorde civile américaine, son classicisme en matière de politique étrangère parait intact. Sa présidence pourrait renvoyer le parti républicain et la diplomatie américaine directement aux années Bush et à sa folie des grandeurs géopolitiques.

L’Europe, la France et le monde ont-ils besoin d’un retour des faucons à la Maison Blanche ?  


[1] https://twitter.com/ramchrisali/status/1661497810511069185

[2] https://www.youtube.com/watch?v=z1YP_zZJFXs

Montal, l’avant-centre stéphanois

0
L'écrivain Jean-Pierre Montal. Photo : François Grivelet.

Pourquoi faut-il le lire et surtout le primer avant qu’il ne s’exile dans une tour vitrée de Javel?


Dans sa génération, il fait figure d’exception. Cet écrivain à la cinquantaine bourgeonnante ne répond pas aux critères habituels de l’auteur moderne. Il ne veut ni sauver la planète, ni nous alerter sur les dangers d’une mondialisation gloutonne. Il ne marche pas sur les routes de France afin de se reconnecter à la nature. Il ne professe rien. Il ne philosophe pas. Il n’aspire à rien si ce n’est à acquérir une Jaguar XJS. Il observe seulement le marasme ambiant et se marre intérieurement. Il ne tient aucune tribune dans un média progressiste, ce qui explique en partie son absence de prix (pour l’instant) mais nous y reviendrons plus tard. Tentons d’abord de le croquer, de s’en approcher, bien qu’il soit méfiant et atrocement pudique. Physiquement, ce Bryan Ferry du stade Geoffroy-Guichard a le cheveu propre et la Chelsea boot cirée. Il porte le trench Melvillien les soirs de grande fatigue morale, je l’ai vu aussi en costume italien, comprimé dans ses laines froides que les barons de la Fininvest arborent dans le quartier d’affaires Porta Nuova de Milan. Il peut parfois plus étrangement enfiler un tee-shirt de base-ball floqué grossièrement, ce que j’appelle son sentimentalisme californien, son populisme à lui. Le plus souvent, sa rigueur d’écrivain se retrouve dans ses tenues, nous oscillons entre un Swinging London désespéré et un classicisme à la française tendance Yves Robert, une sorte d’héritier de Maurice Ronet ou de Jean Rochefort qui aurait perdu sa virginité dans le comté de Dorset, lors de ces pluvieux étés anglais, où les verbes irréguliers et les twin-sets vert fluo de nos correspondantes formaient une même trame narrative. En somme, entre La Piscine et Courage, fuyons, Montal déploie sa singularité. C’est dire s’il fait tache et anachronique dans le milieu littéraire où le faussement dégingandé et la dictature souillonne règnent en modèles d’apparat. Pourquoi tous ces détails vestimentaires, me direz-vous ? Nous sommes loin des mots et de leur fracas, de la construction d’un roman à son abstraction. Détrompez-vous ! Nous sommes au cœur du sujet. Parce que tous ces détails corsètent l’Homme de lettres, lui donnent son impulsion et nous en disent bien plus sur ses véritables qualités de plume. Je ne vous parlerai donc pas de son très réussi dernier roman, Leur Chamade aux éditions Séguier, ma consœur Sophie Bachat lui réserve bientôt un traitement de faveur dans les colonnes de Causeur. Elle en parlera avec l’élan et l’émoi qui la caractérisent. Et puis, je suis disqualifié déontologiquement, c’est un ami et il fut mon éditeur. Est-ce un crime d’avoir des amis qui écrivent bien et juste, sans graisse et pathos, avec suffisamment de pudeur contenue pour exprimer le lent délitement des sentiments ? Ce que j’admire chez ce Modiano au style métallique, c’est son absence de relâchement. Aujourd’hui, tout est relâché, les opinions, les bas de pantalon, les automobiles et même la musique dodécaphonique. Il est le porte-drapeau d’un nouveau courant littéraire qui écrit pour tuer le temps, pour retenir quelques souvenirs, quelques visages jadis admirés, pour se sentir un peu moins con et un peu plus vivant, pour la beauté d’un paragraphe, pour une phrase qui bougera admirablement son cul sur la page blanche, pour une offrande sans retour. En toute circonstance, Montal conserve son quant-à-soi, cette forme de mystère qui déride l’esprit, il ne se vautre pas dans le brumeux sentencieux et refuse d’expliquer son processus narratif avec l’air satisfait d’un recalé en classe de propédeutique. Certains pourraient avancer comme explication à ce détachement, sa timidité ou son snobisme, cette vieille courtoisie des anciennes provinces du Forez. À l’écart des pétitions virtuelles et des encartages félons, son dilettantisme a quelque chose de souverain, de tellement rafraîchissant, ça nous change des affidés au système qui tendent la sébile pour se faire battre. Montal ne demande rien à son lecteur. Il n’a pas vocation à diligenter sa vie, à le tancer ou à lui montrer le chemin des béatitudes. Et pour ça, nous le remercions vivement. Je veux croire que sa présence dans la sélection de printemps du Renaudot est le signe annonciateur d’un grand prix d’automne !

Leur chamade - prix Jean-René Huguenin 2023

Price: 20,00 €

15 used & new available from 5,07 €

France Inter, derniers jours de “C’est encore nous”: c’est encore pire!

0
L'humoriste Waly Dia. D.R.

D’aucuns estiment que l’émission humoristique, qui va être déprogrammée de la grille de rentrée de France inter d’Adèle Van Reeth, est victime d’une censure… Pourtant, la nouvelle directrice de la station assure que «France Inter n’est ni de droite ni de gauche».


Dans le studio, ça chougne, ça couine, ça ronge son frein, ça ricane bruyamment pour surmonter l’épreuve mais le cœur n’y est plus…

N’ayant toujours pas digéré son limogeage de la grille quotidienne de France Inter, la bande à Charline envoie des scuds à son employeur, aux Français qui votent mal, à « l’extrême droite » qui est partout, à Bruno Le Maire que Guillaume Meurice, avec l’élégance qui le caractérise, apostrophe : « Tu prends tes affaires et tes livres à la con, et tu te casses. » Bref, “c’est encore nous”, c’est encore pire.

Waly Dia dit « kiffer » la situation: il a maintenant un « statut de martyr » officiel et peut jouer le « Malcolm X partout ». « 80 % de la diversité de France Inter part d’un seul coup », déclare le trublion en faisant référence aux origines belges ou africaines de certains ricaneurs de l’émission de France Inter qu’il renomme « la station Blanche Inter ». Tout cela est dit sur le ton de l’humour et se veut drôle. Comme cela ne l’est pas, Charline et sa bande s’esclaffent à chaque syllabe, histoire de rappeler à l’auditeur étourdi que cette émission est une émission hu-mo-ris-ti-que. Le 11 mai, humoristique, elle l’a été assurément: un chroniqueur dénommé Thomas Bidegain a qualifié le plus sérieusement du monde Charline Vanhoenacker de… « héros du peuple », un héros ayant su « rencontrer, séduire, faire rire et faire réfléchir » le peuple français. L’humour involontaire est décidément le plus drôle.

A lire aussi: Mort de rire!

CNews et Valeurs actuelles empêchent la bande à Charline de dormir

Un autre jour, Roukiata Ouedraogo, une « humoriste » de la bande à Charline qui se vante d’avoir un accent africain qui « raye les oreilles de Zemmour et des Zemmouriens », dit ne pas comprendre la décision de France Inter : après chacun de ses spectacles, affirme-t-elle, des gens viennent la voir pour lui dire que “C’est encore nous” est une « vraie respiration, surtout dans un paysage médiatique grignoté par l’extrême-droite ». Mme Ouedraogo et son public ont raison : il est évident que, dans ce pays, les médias pluralistes que sont Libé, Télérama, L’Obs, Le Monde, France Inter, France Info, France Culture, France 2 et France 5 ne pèsent plus rien face à la terrifiante machine médiatique de « l’extrême droite » représentée par les propagateurs de « l’idéologie néo-nazie » que sont, selon Marine Tondelier, CNews et Valeurs actuelles. La présidente d’EELV préconise que l’Arcom se penche un peu plus sur CNews et propose que l’hebdomadaire ne reçoive plus de subventions publiques. Oui, bon, il y a plus de chroniqueurs de gauche sur CNews que de chroniqueurs de droite sur la totalité du service public et Valeurs actuelles ne reçoit plus aucune subvention publique depuis 2015 mais, que voulez-vous, depuis que Pap Ndiaye a comparé l’hebdomadaire au journal collaborationniste Gringoire, tout le monde y va de ses mensonges sous un déluge de points Godwin – ça tombe comme à Gravelotte.


À ce propos, la plateforme mélenchoniste “Le Média” a reçu Jean-Baptise Rivoire, ancien journaliste d’investigation de Canal + qui avait sûrement du temps à perdre puisqu’il a fait, à propos de la mise au placard de Charline et sa bande, une « enquête sur les coulisses d’une censure ». Ce journaliste ne nous apprend rien sur les possibles motivations politiques qui ont guidé la décision d’Adèle Van Reeth, la directrice de France Inter. Mais – attention, nouveau point Godwin en approche – tandis que Jean-Baptiste Rivoire s’alarme sur le fait qu’en arrêtant cette émission la direction de France Inter préparerait l’arrivée du RN au pouvoir, le journaliste du Média assène : « C’était un des derniers bastions ». On croit rêver. Et le meilleur est à venir. Jean-Baptiste Rivoire dit être effrayé: « Je ne sais pas ce que la direction de France Inter aurait fait en 1942 en France, mais ça m’inquiète carrément. » Donc, d’après ces deux journalistes, le studio de l’émission déchue était en réalité un repère de maquisards médiatiques, le refuge des derniers résistants contre une extrême droite pétainiste sournoisement soutenue par la direction collaborationniste de la station publique. Chère Madame Van Reeth, ne cherchez pas plus loin le duo de comiques qui pourra, à lui tout seul, remplacer toute la bande à Charline…

A lire aussi: Causeur est victime de la censure woke!

Une pétition à succès

Comme il arrive parfois au malade à qui on apprend que ses jours sont comptés, la bande à Charline se venge du sort qui l’attend en distillant son amertume et son aigreur derrière des ricanements de plus en plus jaunâtres. Guillaume Meurice, qui est à l’humour ce qu’Annie Ernaux est à la littérature, ridiculise à jet continu les Français en sélectionnant les propos les plus bêtes extraits de ses pitoyables micro-trottoirs ; Aymeric Lompret grasseye des blagues de fin de banquet d’extrême gauche avec sa vulgarité habituelle ; l’insignifiant Frédéric Fromet – celui-là même qui avait chanté que « Jésus est pédé » puis s’était excusé auprès de « la communauté LGBT » mais pas auprès des catholiques, faut pas exagérer quand même – donne des leçons de morale en gratouillant sa guitare. Chacun s’efforce de rire plus haut que son voisin. On se congratule, on se félicite mutuellement, on s’applaudit – tant qu’il y a de la vie il y a de l’espoir ; on escompte peut-être que la direction de la radio va revenir sur sa décision. Entre deux chroniques, Charline Vanhoenacker informe d’ailleurs les auditeurs que la pétition demandant le maintien de l’émission « a dépassé les 160 000 signatures ! » France Inter a tenu à publier sur son site quelques courriers d’auditeurs courroucés par la décision de la direction : « L’arrêt de “C’est encore nous ” c’est un des rares poil à gratter qui nous aidait à réfléchir les yeux ouverts sur le lendemain encore possible », écrit l’un d’eux, chagriné au point de ne plus pouvoir écrire une simple phrase de protestation en français. D’autres disent leur tristesse et leur déception de voir leur radio changer. Si je le pouvais – je veux dire par là si j’écrivais pour Libé, journal auquel certains d’entre eux sont sans doute abonnés et dans lequel ils auraient pu alors me lire – je rassurerais ces auditeurs : je ne crois pas un seul instant au changement fondamental de France Inter. Cette radio, politiquement de gauche, wokiste, immigrationniste et européiste, va rester, avec ou sans ces humoristes pas drôles, un des piliers médiatiques de la gauche libertaire, diversitaire et progressiste. Il suffit de regarder la composition journalistique de la matinale ou le nom des invités dans les émissions quotidiennes de propagande pour n’avoir aucun doute à ce sujet. Le pluralisme ne fait pas partie des qualités de l’audiovisuel public et France Inter ne fait pas exception à la règle, bien au contraire. La récente déclaration de la directrice de France Inter au Monde a déclenché l’hilarité générale: « France Inter n’est ni de droite ni de gauche ». L’émission de Charline Vanhoenacker, sous couvert d’impertinence rigolarde, n’était globalement qu’une tribune politique proche de la gauche radicale, et Guillaume Meurice et sa détestation des « beaufs » Français supposément racistes et fascistes en était la caricature. Il est possible que notre président jupitérien, après avoir goûté l’appel des humoristes de France Inter à voter pour lui afin de faire « barrage à l’extrême droite », ait eu de plus en plus mal à digérer les sempiternelles piques des mêmes humoristes contre le gouvernement. Peut-être a-t-il fait savoir à la direction de France Inter son agacement, appelons ça comme ça. Après l’annonce officielle du retrait de l’émission, enjoué, il aurait avoué à sa femme, en imitant l’accent teuton de Théo (Horst Frank) dans “Les tontons flingueurs” : « Je ne te dis pas que ce n’est pas injuste, je te dis que ça soulage. » C’est vrai que ça soulage – et quand on entend Guillaume Meurice ou Aymeric Lompret cracher sur les Français qui ne pensent pas comme eux et les traiter de « gros cons » ou de fachos, on se dit que ce n’est peut-être pas aussi injuste que ça.

Les Gobeurs ne se reposent jamais

Price: 22,00 €

6 used & new available from 22,00 €

Carlos Martens Bilongo, un Cahuzac d’extrême gauche à la petite semaine

0
Carlos Martens Bilongo (LFI). Manifestation Interprofessionnelle à l'appel de tous les syndicats de salariés le jeudi 19 janvier 2023 pour protester contre la reforme des retraites © Chang Martin/SIPA

Le député du Val-d’Oise est toujours soutenu par son parti, mais les affaires s’accumulent…


Il avait été l’une des révélations politiques de l’automne dernier – avec Grégoire de Fournas. Potentielle cible du « qu’il(s) retourne(nt) en Afrique ! » prononcé par le député RN, Carlos Martens Bilongo s’était fait connaître alors du grand public. Tout l’enjeu était de savoir si Fournas avait invité tous les passagers de l’Ocean Viking à rentrer en Afrique, ou bien le seul député Bilongo, pourtant pleinement français.

Une « casserolade » inattendue pour la Nupes

Si le Palais Bourbon a permis à de brillants députés (Léopold Sédar Senghor, Félix Houphouët-Boigny) de faire leurs premières gammes avant de devenir de grands chefs d’États africains, la possible assignation identitaire aux origines congolaises et angolaises de l’élu Nupes n’était pas très convenable. On ne sait plus très bien si c’est Staline ou Jacques Bainville qui a dit : « La mort d’un homme est une tragédie. La mort d’un million d’hommes est une statistique ». Vouloir renvoyer un député à sa terre d’origine, c’était effectivement honteux ; mais souhaiter le départ d’un bateau entier rempli d’Africains, ça pouvait encore à la limite passer.

A lire aussi : Immigration: les LR en ont-ils fini avec le terrorisme intellectuel de gauche?

Dans cette partie de football à trois côtés qu’est devenue l’Assemblée nationale, l’occasion avait été trop belle pour les autres partis de tirer à boulet rouge sur le groupe RN, qui avait agréablement surpris depuis son entrée en force en juin 2022. Et puis, le temps a passé, il y a eu les rebondissements de la guerre en Ukraine, les grèves, l’affaire Pierre Palmade… et on avait un peu oublié Carlos Martens Bilongo. Le gaillard refait surface, mais plutôt au rayon « casseroles ». BFMTV a révélé que le député du Val-d’Oise faisait l’objet d’une enquête pour des soupçons de blanchiment de fraude fiscale et d’abus de bien sociaux[1]. Le député est soupçonné d’avoir dissimulé près de 200 000 euros aux autorités entre 2018 et 2022 et fait l’objet d’une procédure à la suite d’un signalement de Tracfin, la cellule de renseignement financier de Bercy. La chaîne d’infos en continu a également révélé que Carlos Martens Bilongo aurait sous-loué un logement social à l’une de ses sœurs jusqu’à fin 2022… alors qu’il était propriétaire de deux appartements ! « Ce sont des choses connues, absolument pas cachées et qui n’ont rien d’illégal », s’est-il défendu. Dans un communiqué[2], il a voulu préciser : « En 2018, j’ai acquis deux logements avec des prêts immobiliers ; l’un en investissement locatif […] l’autre pour mon futur logement personnel impliquant de lourds travaux qui ont été réalisés jusqu’à mon départ du logement social dans lequel je résidais avec ma sœur ». Il dit avoir « informé le bailleur social par écrit et par voie d’huissier en 2019 de toutes ces informations, qui n’y a rien trouvé à redire » ; « J’ai quitté le logement social pour habiter dans l’appartement à la fin de mes travaux, et ma sœur a pu libérer le logement social à la fin de l’année 2022. J’ai donc parfaitement respecté la loi à tous égards, et je n’ai pas habité dans un logement social après avoir été élu ».

A lire aussi: Médine à l’Armada : un drôle de moussaillon attendu sur les quais de Rouen

Puisqu’on parlait d’Afrique, concluons par un proverbe africain…

A la France Insoumise, on monte au créneau pour défendre le camarade. Manuel Bompard s’est fendu d’un tweet : « Cette cabale menée à coups de fuites judiciaires et d’informations erronées contre mon camarade Carlos Martens Bilongo est insupportable. Elle doit cesser immédiatement ». Les partis alliés de la Nupes commencent toutefois à juger la situation de moins en moins tenable et craignent que le député Bilongo ne devienne le Jérôme Cahuzac de la gauche de la gauche. Le risque serait grand de voir les adversaires du parti de Jean-Luc Mélenchon – jamais avare de leçons de morale et intraitable sur les questions de fraude fiscale – rétorquer : « lorsqu’on veut grimper au cocotier, mieux vaut avoir les fesses propres ».


[1] https://www.bfmtv.com/police-justice/le-depute-lfi-carlos-martens-bilongo-vise-par-une-enquete-pour-fraude-fiscale-et-blanchiment_AN-202305110636.html

[2] https://twitter.com/BilongoCarlos/status/1656725004027822084

Ils sont morts: une politique et moins de tweets et d’hommages…

0
Emmanuel Macron assiste à l'hommage de trois policiers décédés dans un accident de voiture, à l'École nationale de police de Roubaix, dans le nord de la France, le jeudi 25 mai 2023. © Yoan Valat/SIPA

Il y a bien un domaine où la France n’est pas en retard. Pour les tweets et les hommages, elle domine! Ce ne serait pas grave si l’expression de cette impuissance noble ne prenait pas assez généralement la place de politiques défaillantes.


Un tragique exemple en a été fourni récemment avec la mort de ces trois jeunes gardiens de la paix conduisant à l’hôpital une jeune fille de 16 ans et dont le véhicule a été heurté par une voiture circulant à contresens avec un chauffeur sous l’emprise de la drogue et de l’alcool. Celui-ci est décédé tandis que son passager est grièvement blessé. Le ministre de l’Intérieur a tweeté, le président aussi, qui a décidé un hommage national. Et on nous donne l’impression ainsi d’une action ! On se moque du citoyen. Il n’est plus possible d’accepter sans réagir la multitude des accidents mortels qui sont commis par des conducteurs ayant perdu leur vigilance à cause de l’alcool et/ou de la drogue. Sur 3000 par an environ, 700 sont concernés. Pour ne pas évoquer les blessures involontaires qui se rajoutent à ce déplorable bilan…


Paradoxalement, il y a une manière de fuir la fermeté à partir de la législation pourtant existante, et à mon sens suffisante. On propose des pistes apparemment de bon sens mais en réalité contraires à la réalité des comportements routiers transgressifs. Aussi odieux et dévastateurs qu’ils soient, on ne peut les considérer comme on le ferait d’un homicide volontaire qui implique la volonté de tuer le conducteur du véhicule.

À lire aussi, Ivan Rioufol: Immigration: la droite découvre la lune!

Cette propension à s’égarer par une répression ciblée, face à des tragédies qu’on ne parvient pas à dominer, est révélatrice d’une dérive française qui préfère s’évader dans le futur avec des dispositions absurdes plutôt que tout faire pour affronter les défis du présent. Je pourrais également faire référence aux modalités qu’on envisage pour s’attaquer aux violences conjugales: elles illustrent parfaitement la tendance que je viens de décrire et qui non seulement ne va pas rendre plus efficace la lutte contre ces horreurs du quotidien mais au contraire, en donnant bonne conscience avec un avenir programmé meilleur, la dissuadera ici et maintenant d’être plus ferme, sans relâche.

Déjà une évidence: le délit de mise en danger de la vie d’autrui doit être systématiquement visé dès lors que l’alcool et la drogue sont les adjuvants des homicides ou des blessures involontaires.

Ensuite, il ne peut y avoir de politique cohérente contre ce fléau de la conduite irresponsable si on ne multiplie pas les contrôles avec les interdictions et les confiscations qu’impose l’urgence. On ne peut pas espérer gagner ce combat si on n’oppose pas une radicalité répressive aux conduites durablement délictuelles de certains habitués poussant même la provocation jusqu’à continuer à conduire malgré les suspensions du permis de conduire.

Enfin il convient, si on veut véritablement changer la donne, de ne plus raisonner avec le seul principe de l’individualisation des peines, qui aboutira forcément, compte tenu de la multitude des transgressions, à des peines tellement adaptées à chacun qu’elles auront perdu tout impact. L’individualisation des peines, dans ce domaine comme dans d’autres, fait disparaître une sévérité de plus en plus nécessaire derrière une approche subjective qui dilue tout dans un singulier émollient.

À lire aussi, Elisabeth Lévy: Causeur est victime de la censure woke!

Dire qu’il faut moins d’hommages et de tweets et plus d’action est parfois critiqué parce que trop facile, on ne proposerait rien qui soit plus efficient que ce qu’accomplit le pouvoir… D’une part je répète que tout est en place, en ordre pour pallier un désordre et un laxisme coupables. D’autre part, on n’a pas à demander aux citoyens ce qu’ils feraient à la place des ministres. Je suis sûr qu’il y a des citoyens passionnés de politique, des personnalités ne se contentant pas d’effectuer des constats et de théoriser mais toute d’action et de pragmatisme, qui sauraient quoi accomplir si elles avaient la latitude nécessaire pour bousculer les paresses, les conformismes ou stimuler les découragements. Règle numéro un: abandon des tweets et des hommages à répétition !

Lola assassinée une deuxième fois?

0
D.R.

Sur France 5, Karim Rissouli a consacré une soirée entière à expliquer aux téléspectateurs que l’affaire Lola était un crime atroce qui aurait dû rester un simple fait divers. Pour les journalistes de gauche, il y a la bonne et la mauvaise récupération. S’indigner de ce qu’une fillette de 12 ans soit tuée par une Algérienne sous le coup d’une OQTF à cause des lacunes de l’État n’est selon eux pas légitime.


Samedi 20 mai, c’était le premier anniversaire de l’assassinat du docteur Alban Gervaise. Il avait, on s’en souvient, été égorgé aux cris de « Allah Akhbar » alors qu’il attendait ses enfants devant un établissement catholique de Marseille. Deux jours auparavant, le groupe Lille Antifa tweetait joyeusement : « La seule église qui illumine, c’est celle qui brûle. » La semaine dernière, c’est un couple de Niçois qu’une bande frappait violemment en les traitant de « sales blancs de merde. »

Que penser alors de l’instrumentalisation sans fin des affaires Théo et Traoré ? De la photographie du corps d’Aylan sur une plage turque ?

Les justes et les récupérateurs

Dans ce contexte léger, qui constitue désormais notre quotidien, dimanche 21 mai, lors de la « La Fabrique du mensonge », émission présentée par Karim Rissouli, la cinquième chaîne du service public a diffusé un documentaire intitulé « Affaire Lola : chronique d’une récupération ». Dans ledit documentaire, la doxa médiatique accuse l’extrême droite de récupérer la mort de l’enfant assassinée pour promouvoir sa vision réactionnaire du monde. Cette extrême droite, résolument visée, poids des mots et choc des photos à l’appui, apparaît pourtant comme une cible flottante aux contours imprécis. Si on y retrouve les inévitables Éric Zemmour, Marine Le Pen et autres groupes de la mouvance identitaire, y apparaissent Cyril Hanouna, Pascal Praud et tous ceux qui ont associé les lettres du sigle OQTF, devenu presque acronyme, à la présumée coupable. Ça commence à faire du monde.

A lire aussi, Elisabeth Lévy: Immigration: les LR en ont-ils fini avec le terrorisme intellectuel de gauche?


Ce documentaire, impartial s’il en est, veut montrer l’attitude des Justes, confrontés à « ce terrible fait divers » que constitue le meurtre de Lola. Civilisés et sensés, ils ont « respecté le temps du deuil » puis déclaré posément : « Vous n’aurez pas ma haine. » Las ! C‘était sans compter sur les hordes de nazis tapis qui n’attendaient que l’occasion pour sortir du silence et envoyer valser leurs pantoufles. Leurs bottes enfin chaussées, ces hordes écumantes ont déferlé dans nos rues, scandant (selon l’émission) la bave aux lèvres, leur haine de l’étranger. C’est donc à la sauvette qu’il convenait d’honorer la mémoire de Lola, sous peine d’être accusé d’exploiter politiquement son assassinat.

« Fantasme d’une immigration incontrôlée »

L’introduction au documentaire faite par Karim Rissouli, sans emphase et tout en sobriété, donne immédiatement l’air de la chanson. L’Affaire Lola est un « triste modèle, mais un modèle parfait de manipulation et de récupération politique d’un crime atroce qui aurait pu, aurait dû, rester un terrible fait divers. » Il a « réveillé le fantasme d’une immigration incontrôlée et meurtrière. » Alors, « une armée numérique d’extrême droite, la fachosphère, a réussi à imposer son idéologie et ses théories complotistes dans le débat public. » Après cette captatio benevolentiae de choc, place au documentaire, tout aussi impartial.

A lire aussi, Céline Pina: Non, le gouvernement n’a pas fiché les élèves musulmans pendant l’Aïd!

On commence par y expliquer que L’Affaire Lola naît lorsque la question de l’OQTF « éclipse le fond de l’affaire », à savoir, le fait divers tragique. C’est ce point de détail qui permet à l’extrême droite de tisser le lien qu’elle affectionne entre immigration, crime et délinquance. Bien sûr, on omet de préciser que Gérald Darmanin et Emmanuel Macron ont, eux aussi, reconnu la liaison dangereuse. Dans les faits, les observateurs se sont simplement contentés de constater que la meurtrière n’aurait pas dû se trouver sur le sol français, comme l’indique justement l’obligation de quitter le territoire français…

Pour la nuance, on repassera

D’après le documentaire, la situation d’OQTF qui frappe la présumée meurtrière aurait été amalgamée à sa nationalité algérienne par l’extrême droite. Les stratèges de la fachosphère, grâce à leur parfaite maîtrise des algorithmes, auraient manipulé l’opinion et poussé à la haine de l’étranger. Nulle action qui aurait été suscitée par l’émotion ou la révolte viscérale face à la barbarie du crime perpétré n’est concédée à ceux qu’on désigne comme des « charognards ». Tous ne sont présentés que comme des suppôts d’Éric Zemmour qui militeraient pour imposer l’idée d’un « francocide » imminent. Amis de la nuance, réjouissez-vous. Deux voix autorisées sont convoquées à la rescousse pour rappeler à l’ordre les esprits égarés. Hervé Le Bras atteste qu’il n’y a pas de submersion migratoire à craindre et Éric Dupond-Moretti rappelle ce qu’on avait tous compris: toutes les OQTF n’ont pas pour but d’être exécutées. Le camp du Bien semble vouloir, avec ce documentaire, reprendre la main sur un débat public qui lui échappe. Il convient de rappeler que l’insécurité est un fantasme sécuritaire ; l’immigration, un ressenti malsain. Le documentaire tourne à la propagande.

A relire, Hala Oukili: Attaques au couteau: le terrorisme à l’âge d’Uber

Que penser alors de l’instrumentalisation sans fin des affaires Théo et Traoré ? Que dire de l’utilisation de la photographie du corps d’Aylan, gisant sur une plage turque ? Deux poids deux mesures dans la narration, peut-être ? Mais, je m’égare. Sans nul doute une émission de télévision se prépare pour dénoncer l’exploitation par l’extrême gauche, criant au racisme systémique, d’une accusation non établie de violence policière.

François Hollande, qu’on se prendrait subrepticement à regretter tant l’actualité nous rend nostalgique du « monde d’avant » aura le dernier mot. Voici les propos que, sage d’un jour, il tint lors de l’un de ses derniers déplacements présidentiels, le 18 mars 2017, à Crolles : « La démocratie est fragilisée quand les faits eux-mêmes viennent à être contestés, tronqués, ignorés par les manipulations, les mensonges, les falsifications. » Pas mieux.

France Stratégie innove avec… le kolkhoze!

0
L'économiste et rapporteur d'une synthèse sur les effets économiques de la transition énergétique remis à Elisabeth Borne, Jean Pisani-Ferry, photographié à Rome le 11/04/2018 © Luigi Mistrulli/SIPA

L’économiste Jean Pisani-Ferry a produit un rapport sur les «incidences économiques de l’action pour le climat», destiné à Matignon


Peu connu du grand public, France Stratégie est un service du Premier ministre dont le nom complet est officiellement celui de Commissariat général à la stratégie et à la prospective (CGSP). Il s’agit d’ailleurs d’une idée originale d’Emmanuel Macron suggérée à François Hollande en 2013, alors que l’actuel président de la République était encore Secrétaire général adjoint du cabinet de l’Elysée. L’idée n’était pas mauvaise en soi…

De fait, les différents rapports d’orientation et d’évaluation des politiques publiques rendus par cette administration se sont parfois révélés utiles. Citons notamment le rapport « Quelle évolution de la ségrégation résidentielle en France ? », ou encore la note « Inégalités des chances : ce qui compte le plus » qui concluait que le genre et le fait d’avoir des parents immigrés jouaient extrêmement peu sur le revenu d’activité des personnes âgées de 35 à 38 ans contrairement au milieu social d’origine, à la richesse du territoire dans lequel le jeune a grandi et au niveau de vie des parents.

Objectif: décroissance

Le rapport qui nous intéresse présentement traite lui de la question de l’écologie. Portant précisément sur les « incidences économiques de l’action pour le climat », ce rapport tente d’appréhender plus finement les conséquences macroéconomiques de la transition climatique. Il montre d’ailleurs bien l’ampleur des difficultés à venir et le coût qu’elles pourraient avoir pour les Français, Jean Pisani-Ferry écrivant dans le 7ᵉ point de la synthèse dudit rapport que: « D’ici 2030, le financement de ces investissements, qui n’accroissent pas le potentiel de croissance, va probablement induire un coût économique et social. Parce que l’investissement sera orienté vers l’économie de combustibles fossiles, plutôt que vers l’efficacité ou l’extension des capacités de production, la transition se paiera temporairement d’un ralentissement de la productivité de l’ordre d’un quart de point par an et elle impliquera des réallocations sur le marché du travail. » Traduit en langue française dépouillée des tics de la haute administration, cela signifie tout simplement que nous allons vers… la décroissance. Nous allons donc perdre en capacités de production et le niveau de vie des Français baissera d’autant. Le plus amusant étant que les auteurs du rapport nous indiquent ensuite que les indicateurs habituels tels que le PIB mesurent encore mal le « coût en bien-être » des réglementations prises pour que la France effectue sa transition écologique. Autant faire court : nous allons en baver.

À lire aussi, Stéphane Germain: Retraites, argent magique: l’impossible sevrage

C’est à ce stade que France Stratégie nous dévoile son plan. Comme on pouvait le pressentir, une administration publique française a toujours la même solution : créer des impôts et des taxes. Et c’est par un raisonnement aussi tortueux que pervers que France Stratégie transforme l’effort consenti par les Français en « soutien aux ménages et aux entreprises » ! Ce n’est évidemment pas l’État qui nous aidera à rénover nos logements rénovés ou à remplacer nos voitures thermiques, mais nos impôts qui sont déjà parmi les plus élevés du monde libre : « Pour financer la transition, au-delà du redéploiement nécessaire des dépenses, notamment des dépenses budgétaires ou fiscales brunes, et en complément de l’endettement, un accroissement des prélèvements obligatoires sera probablement nécessaire. Celui-ci pourrait notamment prendre la forme d’un prélèvement exceptionnel, explicitement temporaire et calibré ex ante en fonction du coût anticipé de la transition pour les finances publiques, qui pourrait être assis sur le patrimoine financier des ménages les plus aisés. »

Le président Emmanuel Macron présente le plan d’investissement France 2030 depuis l’Elysée, 12 octobre 2021 © Ludovic Marin/AP/SIPA

Charles Prats: lanceur d’alerte

Il faut savoir que la France a régulièrement mis en place des impôts qui devaient n’être que temporaires, destinés à répondre à des crises ou à financer des mesures exceptionnelles. La CSG, que tous les Français ou presque redoutent, devait ainsi ne pas durer. Depuis 1991 et sa création par Michel Rocard, dont la politique ressemble fortement à celle du gouvernement Borne, ses recettes ont explosé et ont été multipliées par dix, le taux et l’assiette augmentant quasiment tous les ans hors un très bref intermède sous la présidence Sarkozy. Le magistrat Charles Prats évalue d’ailleurs le coût de la transition énergétique telle que voulue par France Stratégie à 50 milliards annuels d’impôts en plus pendant quinze ans !

À lire aussi, Sophie de Menthon: Et avez-vous un peu pensé aux patrons?!

Le plus terrible étant que cela est présenté comme une aide de l’Etat aux Français… L’écologie donne au Moloch administratif l’occasion de revenir avec sa fiscalité redistributive délirante qui n’a rien à envier à Thomas Piketty et qui plombe déjà toute notre économie, la rendant totalement inapte dans la compétition internationale cruelle que se livrent les grands Empires contemporains, à commencer par la Chine et les Etats-Unis.

Le matraquage fiscal ne sera pas arrêté : il va s’intensifier. La stratégie est simple, vous spolier.

L’euthanasie qui vient

0
Olivier Rey. © Hannah Assouline

Il est probable que l’euthanasie sera légalisée en France. Cette maîtrise de sa propre mort, aboutissement ultime du contrôle de sa propre vie, est réclamée par une grande partie de la population. Mais cette mesure individualiste se double de tant de dérives et de paradoxes que c’est la société entière qui en paiera les conséquences.


Sondage après sondage, une grande majorité de la population se déclare en faveur de l’« euthanasie ». On peut certes critiquer la façon dont les questions sont formulées, qui favorise une réponse de ce genre, mais n’ergotons pas : les résultats sont assez massifs pour être significatifs. Avant de discuter des conclusions législatives qu’il convient d’en tirer, il est bon de s’interroger sur ce qui motive pareille position.

La « culture du projet »

Le premier élément à prendre en compte est un changement profond dans le rapport à la mort. Dans un pays comme la France, au xviiie siècle, un enfant sur deux n’atteignait pas l’âge de 11 ans. Aujourd’hui, plus de neuf décès sur dix surviennent après 60 ans. La mort, de menace toujours présente, a été repoussée dans les marges. « On savait autrefois (ou peut-être le pressentait-on) qu’on contenait la mort à l’intérieur de soi-même, comme un fruit son noyau. […] Et quelle mélancolique beauté était celle des femmes, lorsqu’elles étaient enceintes, debout, et que, dans leur grand corps, sur lequel leurs deux mains fines involontairement se posaient, il y avait deux fruits : un enfant et une mort. » Ce temps est révolu, Rilke l’avait compris. On continue de mourir, certes. Non plus, cependant, parce que la vie est, selon la formule de Hans Jonas, « une aventure dans la mortalité », mais parce qu’il reste des défaillances de la machine humaine que l’on ne sait pas surmonter ou pallier. Si jamais Jeanne Calment, prolongeant de quelques années encore sa vie, s’était éteinte durant la canicule de 2003, à 128 ans, elle ne serait pas morte de vieillesse mais de l’incurie du gouvernement n’ayant pas su prendre toutes les mesures adéquates pour protéger nos anciens.

Par ailleurs, comment définir l’humain ? La question, qui a travaillé la philosophie pendant plus de deux millénaires, a enfin trouvé sa réponse : l’humain est un être qui fait des projets. Si le Projet pouvait parler il dirait : Moi, le Projet, je suis partout. Tout le monde doit faire des projets, tout le temps, à l’intérieur du grand projet moderne qu’est le Progrès. Or, comme relevé il y a un siècle par Max Weber, une vie immergée dans le Projet et le Progrès ne devrait pas avoir de fin, car il y a toujours un nouveau projet à mener à bien, un nouveau progrès à accomplir. « Abraham, ou n’importe quel paysan d’autrefois, pouvaient mourir “âgés et rassasiés de jours” parce qu’ils étaient installés dans le cycle organique de la vie, parce qu’il leur semblait que la vie leur avait apporté, au déclin de leurs jours, tout ce qu’elle pouvait leur offrir, parce qu’il ne subsistait aucune énigme qu’ils auraient encore voulu résoudre ; ils pouvaient donc se tenir pour “satisfaits” par la vie. L’homme civilisé au contraire, placé dans le mouvement permanent d’une civilisation qui ne cesse de s’enrichir en pensées, savoirs, problèmes, peut se sentir “fatigué” de la vie, jamais “rassasié” par elle. Il ne saisit en effet qu’une part infime de ce que la vie de l’esprit engendre à jet continu – et toujours quelque chose de provisoire, rien de définitif. De ce fait, la mort est pour lui un événement dépourvu de sens. Et parce que la mort n’a pas de sens, la vie civilisée en tant que telle n’en a pas non plus, qui, par son “progressisme” insensé, frappe la mort d’absurdité. » Résultat : l’incapacité à recevoir la mort comme fait de nature incite à en faire un processus contrôlé. Un dernier projet.

A lire aussi : Trans-folie: Budweiser ne s’y fera pas prendre deux fois

À cela, il faut ajouter que les progrès de la médecine, qui aident à vivre plus longtemps et en meilleure santé, ont aussi une conséquence moins heureuse : des personnes qui, auparavant, se seraient rapidement éteintes, se trouvent durablement maintenues en vie dans un état où leurs facultés sont gravement altérées. Si la mortalité fait partie de notre condition, les performances de la médecine peuvent déformer cette condition en substituant à la mort une fin frangée, la lente extinction d’un corps dont la personne s’absente progressivement, longtemps avant sa mort. Pareille perspective, en soi peu réjouissante, nous paraît d’autant plus effrayante qu’au cours de la seconde moitié du xxe siècle, une nouvelle forme de surmoi s’est imposée qui sanctionne, non plus tant les manquements à un canon moral, que le fait de ne pas être à la hauteur de l’image que l’on se fait et que l’on souhaiterait donner de soi. S’ensuit que ce qui terrifie est moins la mort, qui annihile, que de tomber dans la « dépendance » ; de là aussi un dégoût insurmontable éprouvé à l’égard des corps déchus, auxquels on ne veut en aucun cas ressembler ; de là enfin la vigueur des revendications quant au choix de sa « fin de vie » – avec l’idée que l’on pourra garder le contrôle jusqu’au bout.

Dans ces conditions, il est fort probable que les partisans de l’euthanasie et du suicide assisté finiront par obtenir les évolutions législatives qu’ils appellent de leurs vœux.

Faut-il s’en féliciter ?

S’il y a un point de vue selon lequel de telles évolutions sont souhaitables, sans contestations possibles, c’est le point de vue financier. Point de vue qui, au demeurant, ne mérite pas l’opprobre. Il est en effet facile de réclamer, au nom de la morale la plus élevée, toujours plus de moyens pour l’assistance aux malades, et de fustiger, en regard, les considérations « bassement » économiques. Les gouvernants doivent pourtant bien, afin de satisfaire, au moins dans une certaine mesure, les innombrables demandes qui leur sont adressées, se soucier de l’économie qui fournit les moyens. Or, voici que se présente une situation rarissime : pour une fois, avec l’euthanasie et le suicide assisté, les citoyens ne réclament pas des dépenses supplémentaires, mais proposent des économies ! (On comprend, au passage, pourquoi une convention citoyenne a été organisée sur la fin de vie, et pas sur les retraites.)

Une résidente de l’Ehpad Marguerite-Renaudin à Sceaux, 13 juillet 2022. « Transformer les “soignants” en prestataires de service, soutenant la vie et dispensant la mort, selon la demande, n’est pas une bonne idée. » © ISA HARSIN/SIPA.

La question financière mise à part, les bénéfices à attendre d’une légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté sont plus douteux. L’Association pour le droit à mourir dans la dignité (ADMD), fondée en 1980 et fer de lance de la lutte, sait mettre en avant des cas particuliers, des témoignages dramatiques ou émouvants. Mais s’il est concevable que, dans certains cas, ce soit faire le bien de quelqu’un que de l’aider à mourir, l’opportunité à légiférer n’en résulte pas mécaniquement. Il faut en effet être conscient qu’une nouvelle législation crée un nouveau cadre. Un nouveau cadre où, peut-être, certains cas problématiques d’hier trouveront solution, mais où un grand nombre de nouvelles difficultés apparaîtront, qui n’existaient pas auparavant.

La démoralisation du « soignant »

Le droit dont parlent les partisans d’une légalisation n’est pas un droit-liberté, mais un droit-créance, pas un « droit de » quitter la vie quand je l’ai décidé, mais un « droit à » ce qu’on me la fasse quitter quand je l’ai décidé. Or les partisans d’un droit à l’euthanasie et au suicide assisté semblent systématiquement ignorer l’épreuve que l’exercice de ce droit imposerait aux personnes chargées d’accéder à leur demande – dont tout laisse supposer, étant donné la façon dont les choses s’organisent en France, qu’elles appartiendraient au corps médical. Ainsi que le remarque Gaël Durel, président de l’Association nationale des médecins coordonnateurs en Ehpad et du secteur médico-social : « Les soignants seraient forcément appelés à s’interroger sur le sens de leur mission si on accepte de mettre fin à la vie de ceux qui sont l’objet de tous les soins au quotidien. Comment imaginer que l’on puisse écourter la vie d’une personne en raison de conditions de vie qu’elle juge trop dégradées et, dans la chambre voisine, en accompagner une autre qui est dans la même situation ? » D’autres s’interrogent : comment feront-ils pour concilier « d’une part la primauté de la demande collective de vie sur la volonté individuelle du patient dans le cas de soins prodigués aux auteurs d’une tentative de suicide [de 80 000 à 90 000 personnes sont hospitalisées chaque année en France suite à une telle tentative], d’autre part la primauté de la volonté individuelle de mort sur la demande collective de vie dans le cadre d’une euthanasie ou d’un suicide assisté ? » Transformer les « soignants » en prestataires de service, soutenant la vie et dispensant la mort, selon la demande, n’est pas une bonne idée. Les soignants en souffriraient, les patients aussi. Le fait que certains Belges âgés préfèrent franchir la frontière et se rendre dans des établissements médicalisés allemands, où l’euthanasie n’a pas cours, est à cet égard instructif.

Le suicide assisté, incitation au suicide tout court

Par ailleurs, quoi qu’ils puissent dire, les partisans de l’« aide active à mourir », en obtenant gain de cause, ne feraient pas qu’acquérir un droit pour eux, ils modifieraient le monde commun. Ces modifications peuvent comporter des aspects positifs. « La pensée du suicide est une puissante consolation. Elle aide à bien passer plus d’une mauvaise nuit », écrivait Nietzsche. De même, la pensée du suicide assisté peut conforter le moral de certains. Elle tend aussi, chez de plus nombreux, à accréditer l’idée qu’aux difficultés, la mort est la meilleure solution. Au départ, seuls des adultes mentalement aptes et en phase terminale se trouvent concernés. Mais les choses évoluent rapidement. Theo Boer, membre d’un comité de contrôle dans l’application de la loi sur l’euthanasie adoptée en 2002 aux Pays-Bas, à laquelle il était à l’époque favorable, a été témoin du processus. Dans une tribune publiée par Le Monde (1er décembre 2022), il écrit : « La pratique s’est étendue aux personnes souffrant de maladies chroniques, aux personnes handicapées, à celles souffrant de problèmes psychiatriques, aux adultes non autonomes ayant formulé des directives anticipées ainsi qu’aux jeunes enfants. » Est aujourd’hui discutée une extension aux personnes âgées sans pathologie. En France, le Conseil consultatif national d’éthique (CCNE) mentionne, dans son avis de 2022 : « Il existe une voie pour une application éthique d’une aide active à mourir, à certaines conditions strictes, avec lesquelles il apparaît inacceptable de transiger. » Le CCNE, qui en 2013 ne voulait pas de l’aide active à mourir, indique lui-même, par l’évolution rapide de ses avis, le crédit qu’il faut accorder aux « conditions strictes, avec lesquelles il apparaît inacceptable de transiger ». Au demeurant, dans une société qui fait du ressenti personnel l’autorité suprême, au point d’y subordonner le fait d’être un homme ou une femme, on voit mal au nom de quoi il serait durablement possible de soumettre le recours au suicide assisté à des critères objectifs. Theo Boer prédit la prochaine étape aux Pays-Bas, au nom de la justice et du respect des personnes : « Pourquoi seulement une mort assistée pour les personnes souffrant d’une maladie, et pas pour celles qui souffrent du manque de sens, de marginalisation, de la solitude, de la vie elle-même ? »

A lire aussi : Le wokisme est un fascisme

Non seulement, quand l’euthanasie et le suicide assisté sont légalisés, le nombre de demandes ne cesse d’augmenter, mais qui plus est, le nombre de suicides aussi ! Citons encore Theo Boer : « Alors que le pourcentage d’euthanasies dans le nombre total de décès est passé de 1,6 %, en 2007, à 4,8 %, en 2021 [aux Pays-Bas], le nombre de suicides a également augmenté : de 8,3 pour 100 000 habitants, en 2007, à 10,6, en 2021, soit une hausse de 27 %. […] Pendant ce temps, en Allemagne, un pays très similaire aux Pays-Bas quant à sa culture, à son économie et à sa population – mais sans la possibilité d’une mort médicalement assistée –, les taux de suicide ont diminué. » Le phénomène n’a rien de mystérieux. Les partisans de « la mort dans la dignité », du « libre choix de fin de vie » ou de l’« aide active à mourir », en voyant leur requête satisfaite, conduisent une frange croissante de la population à sans cesse devoir examiner la question : Vaut-il bien la peine de rester en vie ? Et donc, dans un certain nombre de cas, à répondre par la négative.

Si la faculté à se poser ce genre de questions est humaine, qu’un cadre légal oblige à s’y confronter est déshumanisant. Mon propos n’est pas de condamner en tant que telle une aide active à mourir, mais de faire mesurer les effets délétères d’une légalisation, qui semblent complètement échapper à ses promoteurs.

Un paradoxe pour finir

C’est au nom de l’autonomie de la personne, de son droit à l’autodétermination, qu’est réclamé un droit à l’euthanasie et au suicide assisté. C’est-à-dire que c’est au nom de l’autonomie qu’est exigée une assistance – alors même que, dans la plupart des cas, les candidats au suicide assisté seraient capables de mettre fin à leurs jours par eux-mêmes. Il faut donc croire qu’il ne suffit pas de vouloir mourir pour arriver à se suicider. Mais précisément, si on n’y arrive pas sans renfort, n’est-ce pas le signe que l’on n’a pas si envie de mourir que cela ? Ne vaut-il pas mieux, en la matière, admettre des limites personnelles que l’on ne parvient pas à franchir, que de requérir les autres pour les outrepasser ?

Proud Tina

0
La superstar Tina Turner à Cologne, Allemagne, 2009 © Hermann J. Knippertz/AP/SIPA

La star Tina Turner est décédée hier (1939-2023)


Hier soir, mes voisins ont une nouvelle fois frappé à ma porte pour me signifier que j’écoutais de la musique trop fort. J’aurais pu leur répondre que je travaillais ma chronique en hommage à Tina Turner, qui vient de nous quitter à l’âge de 83 ans. Libération, cette fois pas très inspiré, a titré : « Tina the best »,  j’aurais eu un autre titre à leur proposer : Proud Tina, pour paraphraser le tube Proud Mary, cette reprise du groupe Creedence Clearwater Revival, qu’elle a magnifié pour en faire une célébration, un rite vaudou qui ferait entrer n’importe qui en transe. En effet, Tina Turner pourrait être fière de son parcours. Née Anna May Bullock à Memphis (Tennessee), en 1939, au sein d’une famille que l’on qualifierait aujourd’hui de toxique, elle va chercher un peu de consolation et de distraction à l’église baptiste du coin, où elle commence à exercer sa voix quasi surnaturelle – à l’image de celle d’Elvis – en chantant du gospel. Il s’est vraiment passé quelque chose dans les années 50, au Sud des Etats-Unis, encore sous le joug de la discrimination raciale, quelque chose de l’ordre de la synchronicité jungienne, où la musique a  circulé, donnant naissance à des demi-dieux ou déesses, qui ont changé à tout jamais la face de l’Amérique.

Une tornade sur la scène

Anna est vite repérée par le musicien Ike Turner, qui lui fait enregistrer A fool in love, titre qui devient vite un énorme succès. Ike la rebaptise Tina en hommage à Sheena, la reine de la jungle, certainement pour célébrer sa façon animale de bouger, tout en rythme et en abandon. Ike fut un cadeau empoisonné pour Tina. Certes, il lui offrit la célébrité, mais c’est un homme extrêmement violent et pervers, qui l’emmena au bordel lors de leur nuit de noces. Il la bat, mais elle joue le jeu de la parfaite épouse, et, sur scène de la parfaite complice amoureuse. Ike va jusqu’à l’obliger à miner des fellations avec son micro. Elle obéit. Mais tente un jour de se suicider. En 1966, elle enregistre River Deep, Mountain High, à l’initiative du producteur de génie, Monsieur wall of sound Phil Spector. Même si une transaction qui ressemblait à un marché d’esclaves eut lieu entre Ike Turner et Phil Spector, elle entre définitivement dans la légende avec ce titre phénoménal et hypnotisant. Et puis, elle n’en peut plus. Elle se tourne vers le bouddhisme, ce qui lui donna la force de quitter son bourreau. Commence alors pour elle une descente aux enfers, où elle vit de bons alimentaires. Elle divorce et perd tout, sauf le nom de Turner. Mais Tina est un phoenix, une guerrière, et c’est en Europe qu’elle renaît de ses cendres. Plus flamboyante et animale que jamais. Elle délaisse un peu la soul pour le rock’n’roll, confie qu’aux Etats-Unis une chanteuse noire reste confinée à la musique noire, et que cela ne lui convient pas.

Elle avait acquis la nationalité suisse en 2013

Débarrassée de Ike, elle veut atteindre le firmament, grimper au sommet de la Tour Eiffel en talons aiguilles, comme sur la célèbre photo de Peter Lindbergh, remplir des stades à en faire pâlir les Stones, tourner dans Mad Max auprès de Mel Gibson. « Proud Tina kept on burning ». Jusqu’à s’éteindre paisiblement en Suisse un jour de printemps.

Tina Turner

Price: ---

0 used & new available from