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Carlo Guido, ténor héroïque!

Carlo Guido, ténor excellant dans les rôles requérant beaucoup de coffre et de puissance, regrette la désaffection du monde lyrique français pour les « grosses » voix. Il nous livre ses souvenirs et ses coups de gueule contre un milieu qu’il considère en décadence.


Je me souviens de ma première fois à l’opéra. J’avais 25 ans. Je me rappelle ma surprise d’entendre si peu les voix des chanteurs. Cela s’est ensuite répété lors de mes sorties suivantes. Je n’avais jusque-là écouté cette musique que sur des CD. J’en avais alors parlé à Michel Fau dont la passion et la culture opératique sont colossales. Il m’avait expliqué que les grosses voix étaient, malheureusement, de moins en moins engagées, qu’il n’y avait plus de Mario del Monaco ou de Franco Corelli. Et il ajoutait : « Si ! j’ai bossé avec un mec qui est un chanteur de cette trempe : Carlo Guido. » Carlo Guido, un nom malheureusement absent des affiches. Au début de sa carrière, il a pourtant chanté des rôles parmi les plus importants du répertoire : Don José dans Carmen, Mario Cavaradossi dans Tosca, Turiddu dans Cavalleria Rusticana ou encore le rôle-titre de Don Carlo. Et cela dans des lieux tels que l’Opéra de Gênes, de Naples (Teatrodi San Carlo), de Shanghaï ou encore dans les arènes de Vérone, de Madrid et de Nîmes. Fau regrette cette désaffection, dans le monde de l’opérafrançais, pour ces grosses voix pourtant indispensables à une partie du répertoire. Alain Fondary– baryton iconique ayant partagé l’affiche avec Karajan, Pavarotti ou Shirley Verrett — lui a dit un jour : « Dans une autre époque que la nôtre, Carlo aurait été une star ! » C’est malheureusement bien dans notre époque que nous vivons. Nous retrouvons Carlo Guido dans un restaurant italien de la capitale pour une riche et très longue discussion à l’italienne, arrosée de beaucoup de vin et de rires, dont nous ne pourrons malheureusement publier ici que quelques extraits.


Causeur. Quand et comment la musique est-elle arrivée dans votre vie ?

Carlo Guido. À l’adolescence. Mes parents étaient des immigrés italiens. Pour nous, les problèmes psychologiques, ça n’existait pas. Il n’y avait que le travail. Mon père travaillait très dur. Et pour adoucir la peine physique, en rentrant du travail, il se mettait dans la chaise longue sur la terrasse et demandait à ma sœur ou à moi de lui mettre les disques des vieux chanteurs d’opéra : Beniamino Gigli, Mario del Monaco ou encore Luciano Pavarotti. Et dès que la musique commençait, je voyais mon père se détendre et prendre un pied incroyable à écouter ça. Cette musique effaçait sa peine et sa fatigue. Très vite, vers 12 ans, j’ai eu envie d’être à la place de ces chanteurs dont les pouvoirs de la voix me fascinaient. Et puis, ce que j’aimais chez eux aussi, c’était l’extravagance. Les chanteurs d’autrefois, ceux que nous écoutions à la maison, n’étaient pas du genre minimaliste. C’était énorme, incarné, avec des voix colossales !

Vous vous êtes inscrit dans un cours de chant ?

Ma sœur jouait du piano. J’ai demandé à son prof de m’entendre. Il m’a dit que j’avais une bonne voix. Je me suis ensuite présenté au conservatoire de Nice où j’ai été pris. Je travaillais en même temps dans l’entreprise de bâtiment de mon père. J’y travaillais trois semaines et ensuite, avec l’argent que j’avais gagné, je partais trois semaines en Italie prendre des cours et écouter des concerts. Là-bas, j’ai connu la fin d’une époque. J’ai vu Madame Butterfly avec Ghena Dimitrova dans les arènes de Vérone ! Et tous ces grands artistes en fin de carrière que j’allais voir, je me débrouillais pour les trouver après les représentations. Lorsque le courant passait, ils me donnaient des cours ou parfois des conseils. J’ai ainsi connu Lando Bartolini ou encore Giuseppe Giacomini. J’ai eu la chance de prendre des leçons avec Franco Corelli, Carlo Bergonzi et Albert Lance. Plus tard, je me suis même retrouvé dans des productions à chanter en alternance avec certains d’entre eux. Ils faisaient la première représentation pour le « nom », et je faisais les suivantes.

Les engagements sont arrivés rapidement ?

Un jour, je suis allé à une audition à l’Opéra-Comique. Il y avait une ribambelle de chanteurs du monde entier. Jean-Marie Poilvé — l’un des plus grands agents lyriques, agent de Roberto Alagna, de Savary et de José Van Dam– était dans le jury. À la fin de l’audition, il remercie tout le monde. On sort. J’entends alors« Monsieur Guido, restez ! J’aimerais vous parler. Nous allons descendre prendre un café. » J’avais encore les mains pleines de ciment. J’étais en train de refaire un appartement place de Clichy ! Et là, au café, il me dit : « J’aimerais m’occuper de vous pour le monde entier. Ça va être dur, mais on va y arriver. » Dans l’année qui a suivi, j’ai eu des engagements dans des seconds rôles. J’ai commencé dans Nabucco à l’Opéra de Saint-Étienne. Ensuite j’ai fait Traviata. Le grand baryton Alain Fondary – qui était dans la distribution de Nabucco et qui m’aimait beaucoup– me dit un jour : « Viens avec moi, on doit aller voir Fontana, le directeur du Festival d’Avenches. » Ils m’ont fait chanter un air, et le type m’a directement donné cinq représentations de Tosca. Ça a été mon premier engagement dans un rôle principal. J’ai eu très vite d’excellentes critiques dans la presse.

Mario del Monaco en costume d’Otello dans l’opéra de Verdi. ©Daniel Welch

Mais j’insiste sur le fait que j’ai vraiment eu la chance de côtoyer des gens d’un monde aujourd’hui disparu. Et ce sont eux qui m’ont formé et inspiré. Ces gens avaient un rapport au chant totalement différent de ceux d’aujourd’hui. Les voix étaient énormes. Et c’est ça que j’aime. Lorsque j’ai fait Tosca avec Fondary et Giovanna Casolla, je suis sorti d’une répétition avec les oreilles qui sifflaient. Les voix étaient d’une puissance colossale. Après une représentation de Tosca, Casolla est venue me voir en sortant de scène et m’a dit : « Si vous ne faites pas le con, vous serez une star dans quelques années. » Je ne crois pas avoir fait le con mais…

Justement ! Mais quoi, alors ? Comment se fait-il que vous n’ayez pas eu la carrière que vous auriez sûrement dû avoir ? Et plus généralement, pourquoi en France n’avons-nous pas de « grosses voix » ?

Si, il y a moi (rires) ! Plus sérieusement, il y a plein de raisons. Déjà, je ne me suis jamais laissé marcher sur les pieds. Un jour, un metteur en scène m’a expliqué que s’il se faisait huer, c’est parce qu’il avait remué quelque chose chez le public. Ma réponse : « C’est peut-être tout simplement parce que tu as fait de la merde ! »Encore une porte que je me suis fermée. Outre cela, je dirais que beaucoup de chefs d’orchestre, aujourd’hui, ne savent pas travailler avec les grosses voix. C’est pour cela qu’ils ne les engagent pas. Ils sont emmerdés, ils ne savent pas comment les gérer. Parce qu’une voix énorme, ça se gère ! Et puis, il y a aussi le fait que les metteurs en scène ont leur mot à dire sur les distributions et qu’ils choisissent souvent les chanteurs sur le physique. Parfois – souvent, même – on voit des chanteurs engagés dans des rôles très lourds vocalement, alors qu’ils n’en ont pas les moyens !

Carlo Guido dans « Tosca » de Puccini à l’Opéra de Dijon, 2003. Mise en scène de Michel Fau ©D.R

Il faut dire qu’il est fréquent que les chanteurs aux grosses voix soient eux-mêmes assez gros (bien que ce ne soit pas mon cas). Et la plupart des metteurs en scène ne veulent pas de gros ! Ils veulent des jeunes premières toutes minces et toutes jolies pour chanter les rôles de jeunes premières amoureuses. Mais à l’opéra, avant, ça ne se passait pas comme ça. Des énormes femmes de 50 ans jouaient des rôles de jeunes premières. Comme Montserrat Caballé, par exemple. Je vous assure que lorsque vous allez à l’opéra écouter un Verdi ou un Puccini aujourd’hui, vous entendez beaucoup moins bien les chanteurs qu’autrefois. Et au théâtre, c’est la même chose ! Qui, de nos jours, pour jouer Racine ? Qui pour jouer le rôle de Cyrano ? Ça devient compliqué. Ce sont des rôles lourds à endosser. On ne peut pas faire ça du bout des doigts. Il faut en avoir les moyens et la folie. Aujourd’hui, c’est l’embourgeoisement des artistes ! Tout est petit. Ils ne savent que faire petit, propre et « joli ». Moi, je suis fils d’ouvrier. Mes modèles sont les chanteurs favoris d’un ouvrier italien. Et chez les prolos italiens, on aime les grosses voix ! On veut avoir une décharge d’adrénaline quand un chanteur balance ses aigus. On veut écouter des tornades. Et ces chanteurs que j’aime étaient des chanteurs très populaires, adorés par le peuple. D’ailleurs, la puissance de leur voix avait quelque chose de l’ordre du don de soi, de la générosité. Le peuple s’est désormais éloigné de l’opéra qui est devenu un nid de petit-bourgeois wokistes et pseudo-intellos. Le peuple ne s’y retrouve plus !

Michel Fau a son mot à dire !

La première fois que j’ai vu Carlo Guido sur scène, c’était dans Le Trouvère de Verdi. Il chantait un second rôle, on ne voyait que lui. Son charisme déjà affirmé nous obligeait à nous demander pourquoi ce n’était pas lui qui chantait le rôle principal ! Plus tard, j’ai eu la joie de le mettre en scène dans Tosca. J’ai pu travailler avec quelqu’un qui n’était pas simplement un acteur doué, mais une véritable bête de scène d’une sensualité « plateau-génique » dotée d’une voix charnue et insolente ! J’ai appris à connaître l’être humain qui se révéla généreux, drôle (comme tous les gens intelligents), extravagant et d’une grande culture opératique, cinématographique et littéraire, ce qui est assez rare chez les chanteurs et les comédiens d’aujourd’hui ! Quand j’ai mis en scène Madame Butterfly, c’est moi qui l’ai choisi pour incarner Pinkerton contre l’avis du chef d’orchestre qui était un triste sire… Comme à chacune de ses prestations, Carlo galvanisait le public par sa puissance vocale et son investissement scénique. Je lui ai ensuite proposé le rôle du duc de Mantoue dans Rigoletto. Il hésita, me disant que sa voix était trop lourde pour ce rôle. Évidemment, chanté par lui, le personnage ressemblait plus à Mario del Monaco dans Otello qu’à un ténor léger et sautillant, mais sa beauté sauvage et son engagement dramatique mettaient en lumière les secrets décadents du rôle. Il était question que je le dirige dans Pagliacci, mais cela ne s’est malheureusement pas fait… Je rêve de Samson et d’Otello avec lui… Carlo Guido est une personnalité si rare ! BRAVISSIMO CARLITO DIVO !


N’y a-t-il pas un « bon goût » qui snobe les grosses voix, qui les trouverait même vulgaires ? Un jeune ténor français très à la mode (dont je tairai le nom) s’est un jour moqué de moi lorsque je lui ai dit que Mario del Monaco était un de mes chanteurs préférés…

Ce jeune ténor est un imbécile. Mario del Monaco est un des plus grands chanteurs de l’histoire. C’était une voix énorme doublée d’une bête de scène. Regardez-le dans Pagliacci ! C’est un sommet. C’est du génie pur. Il était à mon sens un des artistes lyriques les plus fascinants. Mais effectivement, aujourd’hui, beaucoup de gens « très comme il faut » trouvent que Del Monaco c’est too much, que c’est vulgaire. C’est trop pour eux ! Souvent, avec les grosses voix, on s’éloigne des canons de beauté de la petite-bourgeoisie contemporaine. Oui, les grosses voix en mettent partout, ça déborde ! Mais ça aussi c’est de la beauté ! De la beauté à sensations fortes. Je ne vais pas à l’opéra pour voir Monsieur et Madame Tout-le-Monde. J’y vais comme je vais au cirque. Je veux voir des monstres. La vérité, c’est que pour chanter Turandot, Butterfly ou Pagliacci, avoir une jolie voix ne suffit pas ! Il faut que ce soit monstrueux, surhumain.J’ai pris des claques énormes avec des chanteurs qui avaientparfois–surtout en fin de carrière–des voix presque laides.

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Selon vous, qui a été la dernière grosse voix française à avoir rencontré le succès et à avoir fait carrière ?

On peut dire que c’est Michèle Lagrange. Le sommet de sa carrière, c’était dans les années 1990. Et, déjà, elle était une exception.Je ne suis peut-être pas fait pour mon époque. Lorsque j’ai chanté Don José, dans le Carmen que nous avions monté dans les arènes de Madrid, j’étais le seul de la distribution à avoir refusé le micro. Tous les chanteurs étaient sonorisés. C’était eux-mêmes qui l’avaient exigé pour ne pas se fatiguer la voix. Pas moi ! Et le public m’en a été très reconnaissant. De toute façon, la musique, c’est entre le public et moi. J’ai souvent rencontré l’incompréhension, parfois le mépris, mais jamais de la part du public.

Oh my God!

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L’acteur Matthew Perry, star de Friends, vient d’être retrouvé mort à Hollywood.


L’acteur Matthew Perry, célèbre pour son rôle de Chandler Bing, dans la série à succès Friends (1994-2004), a été retrouvé mort à son domicile de Pacific Palisades, à Los Angeles, rapportent les médias américains. Aucun signe d’acte criminel n’a été découvert, mais des sources anonymes citées par le Los Angeles Times et le site people TMZ indiquent qu’il pourrait s’agir d’une noyade – une information ensuite reprise par NBC News… Matthew Perry avait seulement 54 ans.

You make jokes when you’re uncomfortable

Matthew Perry est principalement connu pour son interprétation du trentenaire sarcastique, peu sûr de lui et névrosé Chandler Bing, dans la série Friends. La série a connu un immense succès et a fait de lui l’un des acteurs les plus célèbres d’Hollywood, aux côtés de Jennifer Aniston, Courteney Cox, Matt LeBlanc, Lisa Kudrow et David Schwimmer. Les acteurs touchaient 1 million de dollars par épisode, à la fin de la série, laquelle a permis au network NBC de réaliser des audiences records. En France, la série a été diffusée sur France 2, puis multidiffusée. Du jour au lendemain, elle a ringardisé les insipides sitcoms tricolores de AB Productions que diffusait alors TF1. On peut désormais redécouvrir Friends sur Netflix, qui paie une fortune pour en avoir les droits. Aux États-Unis, l’intégralité des 10 saisons de Friends avait disparu du catalogue Netflix, le 1er janvier 2020, provoquant une vague d’émoi massive.

Mon voisin le blagueur

Durant 10 saisons de Friends, Matthew Perry partageait, en colocation avec Joey (Matt LeBlanc), un appartement du West Village à New York, voisin de celui de Monica et Rachel (Courteney Cox et Jennifer Aniston). Il a d’abord une histoire d’amour compliquée avec la dénommée Janice (Maggie Wheeler), à la voix nasale irritante, avant de se mettre en couple avec la belle Monica. La profession de ce cadre brillant, reste incertaine pendant toute la série.

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Le studio Warner Bros, qui a produit la série, a publié un communiqué dans lequel il se dit « dévasté » par la nouvelle de la disparition de Matthew Perry et exprime ses condoléances à sa famille, à ses proches et à ses fans. L’acteur avait longtemps lutté contre l’addiction aux analgésiques et à l’alcool, cherchant de l’aide dans des cliniques spécialisées à plusieurs reprises. Il avait également révélé avoir souffert de graves angoisses sur le tournage, dans un livre, Friends, mes amours et cette chose terrible, publié l’an dernier chez Robert Laffont.

Matthew Perry avait été nommé pour les Emmy Awards en 2002 pour son rôle dans la série et avait obtenu deux autres nominations en 2003 et 2004 pour ses apparitions dans la série « À la Maison Blanche », où il jouait le rôle d’un conseiller associé du président. L’acteur avait également joué dans diverses comédies, notamment « Coup de foudre et conséquences » (1997) avec Salma Hayek, « Mon voisin le tueur » (2000) aux côtés de Bruce Willis, et « 17 ans encore » (2009) avec Zac Efron.

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Les fans ont appris ce dimanche matin la nouvelle de la disparition de l’acteur non sans une profonde nostalgie. Nostalgie d’une époque où un humour gentiment homophobe à la télévision ne prêtait pas à conséquence. Une époque où les séries américaines n’étaient pas encore envahies par les acteurs transgenres politiquement corrects. Une époque insouciante, enfin, où le World Trade Center faisait encore son apparition entre deux séquences rigolotes du programme…


MDR. Les cinq fois où Chandler Bing nous a fait mourir de rire.

Saison 2 Celui qui retrouve son singe

Piégé par son amie d’enfance (Julia Roberts), qu’il harcelait à l’école, Chandler Bing se retrouve à poil dans les toilettes d’un restaurant.

Saison 3 Celui qui s’auto-hypnotisait

Chandler, qui cherche à essayer d’arrêter de fumer, est surpris dans son sommeil par son colocataire alors qu’il écoute une cassette d’hypnose. « Vous êtes une femme libre, forte et indépendante » dit l’enregistrement.

Saison 1 Celui qui a du jus

Lors d’une coupure d’électricité affectant toute la ville, Chandler se retrouve coincé dans un distributeur à billets avec une femme très séduisante qu’il n’ose pas aborder. Lorsqu’elle lui propose un chewing gum, il lui répond qu’il accepte et que oui, un chewing gum serait la « perfection », une formulation trahissant une sexualité ambiguë.

Saison 4 Celui qui avait des menottes

Chandler se retrouve menotté et enfermé dans un bureau par Joanna (Alison La Placa), la patronne un peu sado-maso de Rachel, aux grands magasins Bloomingdale’s. Quand Rachel s’aperçoit de la situation, elle hésite à le détacher. Au milieu de leur dispute, Chandler se cogne accidentellement la tête (ce qui n’était pas prévu initialement dans le script).

Saison 10 Ceux qui s’en allaient (dernier épisode)

Au moment de quitter l’appartement légendaire et de dire adieu à la série, les six amis de Friends proposent de se retrouver dans la rue pour boire un dernier café. « Où ça ? » demande Chandler. Tous les fans de la série savent bien qu’ils ne peuvent aller qu’au Central Perk, le café où se déroule une bonne partie de leurs intrigues.

L’énigme Ionesco

Dans son nouveau livre, La bague au doigt, Eva Ionesco raconte sa passion destructrice avec Simon Liberati. L’ancienne reine de la nuit, réalisatrice, actrice et écrivain reconstitue le puzzle de sa vie mais continue de brouiller les pistes.


« Je sors du pressing, je n’ai pas mes lunettes, je vous rappelle », me dit Eva Ionesco au téléphone quand je lui propose un rendez-vous pour évoquer son nouveau livre, La bague au doigt. Elle se montre enthousiaste : « On peut se voir demain dans un café, si vous voulez.» La petite fille lâchée en pâture sous l’objectif de sa mère dès l’âge de cinq ans, déguisée en pin-up ou en princesse avant de devenir, dès ses treize ans, l’une des figures du Palace, la boîte de nuit culte des années 80, a finalement annulé notre rencontre, prétextant, dans un SMS très poliment formulé, une grande lassitude.

Je n’ai pas mis en doute cette lassitude. Eva Ionesco semble toujours en équilibre fragile, prête à basculer dans la fêlure béante qui la constitue. Son visage de poupée renfrognée me fascine. J’avais imaginé que nous causerions chiffons, car les vêtements semblent être primordiaux pour elle, ils l’aident à se protéger et à retenir cette petite fille que sa mère exhibait, attifée en héroïne de Lewis Caroll.

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Mais qui est Eva Ionesco ? Elle brouille les pistes : muse, reine de la nuit, réalisatrice (son film autobiographique, Little Princess, a reçu un très bon accueil), actrice, écrivain… Elle est tout cela à la fois, ce qui fait d’elle un personnage d’un autre temps, une figure romanesque à l’image de ces poétesses de la Belle Époque. Cependant, le statut de muse la rattrape lors sa rencontre avec l’écrivain Simon Liberati qui, malin comme un singe, voit en elle un formidable objet littéraire. L’histoire se mord la queue : Eva redevient objet, pour être aimée, évidement, car elle n’a jamais été enthousiasmée par ce projet. Elle sent que l’écrivain, à la personnalité un peu perverse, veut la vampiriser. Nul besoin de s’appeler Freud pour comprendre qu’elle rejoue son histoire avec sa mère. Eva est publié en 2015. J’ai essayé de le lire à l’époque, mais il m’est tombé des mains : Liberati décrit sa muse froidement, à la manière d’un entomologiste, sans chaleur ni amour.

Dans La bague au doigt, Eva Ionesco raconte cette passion destructrice avec Liberati, cette passion qui s’est terminée dans le sang et les larmes. Elle se réapproprie la femme qu’elle est dans un récit baroque, une sorte de cabinet de curiosités aux méandres parfois trop détaillés, au risque d’embrouiller le lecteur. Mais elle se décrit sans fard – elle qui ne peut sortir sans maquillage – en petite fille amoureuse qui perd souvent pied. Elle reconstitue au fil des pages le puzzle de sa vie afin d’en devenir enfin l’actrice, avec l’aide des mots, de ses mots.

La bague au doigt, de Eva Ionesco, Robert Laffont, 2023.

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Franck Maubert, romancier de l’invisible

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Le court roman de Franck Maubert, Une odeur de sainteté, paru à cette rentrée au Mercure de France, distille un trouble très étonnant. Rares sont les romanciers aujourd’hui à parler d’expériences mystiques avec autant de simplicité et, dirais-je, de discrétion. On sent, dans la prose de Maubert, toute une retenue exquise dans la description d’un phénomène mystérieux, probablement surnaturel, mais dans un sens moderne. Ce roman aurait pu s’intituler Possession, mais on est loin de l’hystérie d’un Źuławski, cinéaste polonais qui nous avait offert jadis un film excessivement borderline sur une thématique voisine.


Sur le plan du style, Une odeur de sainteté s’inscrit, malgré l’importance accordée à la religion, dans une littérature qui, à mon sens, doit beaucoup à certains écrivains d’après-guerre inspirés par le surréalisme, comme par exemple Pieyre de Mandiargues, la préciosité mise à part. La qualité de l’écriture se perçoit de même, donnant à ce qui est raconté une portée inoubliable.

Un « nez »

L’héroïne de Franck Maubert est un « nez », une femme nommée Jeanne Doucet, travaillant pour un grand parfumeur parisien. C’est une spécialiste des fleurs et de leurs mille odeurs, classées dans sa tête de manière infaillible. Un jour, on lui demande une chose extraordinaire : « On me charge d’aller renifler le cœur d’une future sainte, en vue d’une béatification, vérifier avec mon nez un cœur, un cœur sensé être souverainement pur. » La sainte en question, Émérence Denosse, a vécu au XIXe siècle en Touraine. Le bref instant où Jeanne respire le petit cœur de la sainte la bouleverse totalement. Elle pressent que c’est pour elle un événement unique, qui se transforme en obsession. « Je ne lâcherai plus Émérence Denosse », comme elle le dit. Sa vie s’en trouvera bouleversée, toute dirigée vers le désir de découvrir plus avant quelle fut cette âme vouée à la sainteté : « Je brûle d’envie de la connaître, retrouver celle qui venait de m’offrir ce qu’elle avait de plus intime : le parfum de son cœur, ce cœur qui m’a imprégnée. Est-ce cela qu’on appelle l’odeur de sainteté, ce sentiment qui vous entraîne dans l’au-delà ? »

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Un contact par-delà la mort

À partir de là, Jeanne va demander sa mise en disponibilité, pour pouvoir se consacrer entièrement à sa quête. Elle qui était agnostique, ne se reconnaît plus. Il lui faut admettre rapidement qu’elle traverse une crise, où elle se sent dépossédée d’elle-même. « Il me semble ne plus appartenir à la terre. Ce qui existe n’est plus moi. » Elle se déplace en Touraine, pour se rapprocher du lieu natal d’Émérence. Elle établit comme un contact avec elle, par-delà la mort. La sainte lui parle, elle perçoit sa voix qui s’adresse à elle : « Je l’entends, admet-elle : Laisse-moi rester. Comme si elle me connaissait. Elle est ma douceur, mon espérance calme. » Ou encore : « Chacune de ses apparitions m’envoûte et je glisse dans un autre monde… »

Le voyage intérieur

Dans le petit village de Touraine où a vécu Émérence, elle fait la connaissance d’un libraire comme il y en avait autrefois, qui fait songer assez bien à un personnage de Huysmans. Sa spécialité à lui réside dans un mélange suranné d’ésotérisme et d’érotisme. Il montre, à une Jeanne troublée, ses livres sur le marquis de Sade, mais surtout il lui communique un manuscrit d’Émérence, dans lequel celle-ci narre sa vie et les épreuves auxquelles elle a été confrontée. C’est dans ces pages que Jeanne va effleurer enfin une partie de l’énigme que représente pour elle la sainte. Le cheminement de Jeanne arrive à son point d’aboutissement. Ce voyage à l’intérieur d’elle-même la fait parvenir à une lucidité neuve. Etlle a accompli le pas au-delà qui la mène vers autre chose, peut-être une nouvelle vie, plus riche, plus spirituelle, plus féconde – mais désormais sans Émérence, rendue au Très-Haut…

Franck Maubert, Une odeur de sainteté. Éd. Du Mercure de France, 120 pages.

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La lourde responsabilité d’Israël dans le sang qui coule

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N’en déplaise aux tenants de la pensée unique, il est encore possible de critiquer Israël quand bien même ce pays est meurtri dans sa chair.


Car le sang qui a coulé sur son sol coule à présent sur le sol de Gaza. Non que les Gazaouis soient parfaitement innocents de ce qui leur arrive. Après tout, ils ont élu le Hamas, et bon nombre macèrent chaque jour dans la haine du Juif. Mais beaucoup subissent la situation, n’ont pas voulu du Hamas et encore moins de ses attaques terroristes. La bande de Gaza, ce n’est pas la bande à Baader en version islamiste. Bien sûr, la guerre est toujours une tragédie ; bien sûr, elle fait des « dommages collatéraux », des morts non voulues, contrairement aux crimes du Hamas, ses crimes contre l’humanité ; bien sûr, ce même Hamas se cache dans la population et l’empêche d’évacuer, comme le veut l’armée israélienne ; et de toute façon, on ne peut demander un cessez-le-feu à Israël plus qu’on aurait pu le demander aux Etats-Unis bombardant Dresde ou Berlin pendant la Deuxième guerre mondiale. Il n’en reste pas moins que le sang coule à Gaza, et qu’Israël en porte une lourde responsabilité.

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Non à cause d’une abominable politique « d’extrême droite » dénoncée par la gauche hystériquement antisioniste (quand elle n’est pas antisémite), mais bien au contraire pour s’être gauchisé, pacifisé, wokisé même. Quelles que soient les déficiences de l’armée ou du gouvernement israéliens, la question demeure : comment est-il possible que des jeunes aient été autorisés à faire une rave-party à quelques kilomètres de ceux qui ne rêvent que de pogroms ? Comment se fait-il que ces centaines de festivaliers n’étaient pas armés ? Comme le dit Trump, les terroristes du Bataclan auraient été bien reçus si la France laissait chacun porter une arme. À plus forte raison est-ce vrai dans un pays cerné par des terroristes. Quand le 24 octobre, lors de sa conférence de presse aux côtés d’Emmanuel Macron, Benyamin Netanyahou explique qu’Israël et le Hamas, c’est comme l’État islamique à vingt minutes de Paris, que nous dit-il au fond, sinon que son peuple a versé dans une insouciance coupable ?

A ne pas manquer, la discussion entre Jeremy Stubbs, Céline Pina et Ivan Rioufol: L’apocalypse de notre temps

Coupable, oui coupable de s’être ramolli. Le ramollissement est une grande tare de nos sociétés, et la gauche postmoderne pétrie d’idéaux débilitants son étendard. Le ramollissement, c’est la mort d’Israéliens dans les pires actes de barbarie que les Juifs aient connus depuis Hitler. Mais cette fois les Juifs avaient des armes. Ils ont préféré danser. Ce n’est pas seulement de leur propre vie qu’ils étaient responsables, mais aussi de celle des Gazaouis bombardés dans un raffermissement bien tardif. La responsabilité d’Israël, vis-à-vis de sa population comme de celle de Gaza, était que le Hamas ne puisse pas attenter ainsi à sa sécurité. Ce n’est pas qu’une faillite tactique, c’est une faute morale.

Depuis les attentats du 7 octobre, les Israéliens en prennent enfin conscience : beaucoup ont demandé un port d’arme et le gouvernement a assoupli les règles en la matière. Que cela serve de leçon au passage à l’Occident, pourri par la féminisation, le pacifisme et la gauche : la guerre est l’état naturel de l’homme dans un monde aux ressources finies. Pire : un monde où toute sorte d’idéologies totalitaires veulent régner sur les âmes. Si tu veux la paix, commence déjà par tenir ta frontière.

Mayeul Tur est l’auteur de Pute finale (Editions Sans Pitié, 2023).

Marine Tondelier, une Karen selon Danièle Obono

Apparu en 2017, Karen est un terme péjoratif utilisé dans les pays anglo-saxons pour désigner une femme blanche de la classe moyenne qui s’insurge de tout, veut « parler au directeur » et perpétue le racisme systémique. Victime collatérale du conflit au Proche-Orient déclenché par les islamistes du Hamas, l’autre Marine d’Hénin-Beaumont s’est vue attribuer le sobriquet par son alliée Danièle Obono. Après avoir fait des courbettes aux islamo-gauchistes, en débattant avec Médine fin août, la patronne des Verts n’avait qu’à pas critiquer les analyses des Insoumis sur le Hamas, et scander le slogan de paix «Allah Akbar» à République comme tout le monde.


Face aux réactions offusquées de la classe politico-médiatique à ses propos outranciers, Danièle Obono (LFI) préfère le plus souvent se terrer dans l’indifférence. Mais, lorsqu’une de ses alliées de circonstance la critique, elle se rebiffe ! La députée insoumise n’a en effet pas franchement supporté que la cheffe du parti EELV, Marine Tondelier, lui reproche ses déclarations sur le Hamas. 

En réponse, elle l’a qualifiée de… « Karen ». Et cela n’a rien à voir avec le temps d’abstinence et de prière que respectent les catholiques avant Pâques ! Non, il faut le savoir, « Karen » est utilisé par les ultra-progressistes aux Etats-Unis pour désigner l’archétype de la mère quadra, râleuse invétérée et contrôleuse en chef des travaux finis. Bref une mégère, et elle serait plutôt WASP, plutôt blonde et plutôt pro-Trump. Autrement dit, du point de vue des gauchistes, une grosse raciste néocoloniale et néofasciste ! Il est cocasse de voir que celle qui, de Charlie Hebdo à Valeurs actuelles, ne tolère aucune caricature à son sujet, verse elle-même dans la caricature lorsqu’il s’agit de critiquer les gens qui ne pensent pas comme elle… 

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Voilà l’écologiste habillée pour l’hiver. Et depuis, la cheffe de file des Verts a aggravé son cas. Après avoir exprimé son désaccord avec une partie des Insoumis (Danièle Obono en tête, donc, laquelle considère le Hamas comme une force de résistance et aurait rédigé le communiqué réservé de LFI après le massacre du 7 octobre en Israël), Karen Tondelier a estimé qu’il était « débile et choquant » de crier « Allah Akbar » le jour de l’enterrement de Dominique Bernard assassiné sous les mêmes cris. 

Sur Twitter, certains saluèrent ses propos, jugés comme une prise de conscience salvatrice. Mais, cette nouvelle prise de position n’a fait qu’accentuer la rupture avec la complaisance de ses petits copains d’extrême gauche pour qui les « Allah Akbar » sont des louanges musulmanes à « Dieu le plus grand », et un appel pacifique au cessez-le-feu. Son indignation s’opposait toutefois également aux déclarations d’élus de son propre parti, comme la pourfendeuse en cheffe de la masculinité toxique, l’irremplaçable Sandrine Rousseau, pour qui les « Allah Akbar », accompagnés des slogans « Israël Assassins » ou « Macron complice », scandés avec une exaltation haineuse par les manifestants, ont résonné comme des chants de paix. Accusée de verser dans l’abjecte stigmatisation, menacée par le rouleau compresseur de l’”islamophobie”, Marine Tondelier a dû vite rétropédaler et s’adonner à une séance d’autoflagellation à travers un thread d’excuses sur Twitter qui révèle l’étendue de son manque de courage. Pas de sobriété quand il s’agit de pénitence !

« Je n’aurais pas dû laisser un amalgame s’immiscer dans mes propos », regrette-t-elle avant de demander pardon aux musulmans qu’elle a pu blesser. Puis, elle publie un second tweet pour se justifier. Elle explique que c’était son devoir de s’excuser, car c’est ça le rôle d’un responsable politique. Tout en niant sa responsabilité directe dans la polémique, rejetant quasiment la faute sur les journalistes qui ne savent jamais poser la bonne question. Cette allégeance à la lâcheté suffira-t-elle pour revenir dans les petits papiers de Danièle Obono ?

Cujus regio, ejus religio

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Et dire que les peuples européens pensaient être sortis de la religion (Marcel Gauchet)…


Ce n’est pas la première fois qu’on tue au nom de Dieu en France et en Europe, ce n’est pas la première fois qu’on assassine et qu’on massacre au nom de la religion. En revanche, on pouvait à bon droit penser que, en tant que fait de société, en tant que fait collectif, c’était derrière nous depuis la fin du XVIe siècle et les innombrables édits de tolérance qui se sont succédé sur le Vieux Continent pour aboutir in fine à rétablir la paix parmi tous ces chrétiens qui s’entre-égorgeaient car certains affirmaient que Dieu était dans l’hostie (transsubstantiation) quand d’autres prétendaient que non (consubstantiation). Après quelques siècles de philosophie politique, de Lumières, de révolutions parfois, de lente déchristianisation à peu près partout, de sécularisation (voire de laïcisation à la française) et d’emprise grandissante de l’Etat de droit consacrant les libertés individuelles au détriment de toute contrainte collective, l’affaire semblait entendue : nos vieux pays judéo-chrétiens étaient sortis de la religion (Marcel Gauchet) et plus jamais cette dernière ne dicterait à la population les comportements qu’elle devait adopter.

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L’immigration, une chance pour l’intolérance ?

C’était sans compter sur les vagues migratoires des cinquante dernières années qui ont fait petit à petit cohabiter sur un même territoire des gens qui n’ont pas le même rapport à la politique et à la religion. Une cohabitation qui a été pensée comme harmonieuse par ignorance et par arrogance, avec pour toile de fond un universalisme qui n’a tiré aucune leçon de la désastreuse aventure coloniale qui a pris fin dans les années 1960. Au nom d’une unité du genre humain scientifiquement établie et par expiation du racisme nazi érigé en politique d’État, les élites occidentales ont renouvelé sous d’autres formulations le discours révolutionnaire de Saint Paul selon lequel « il n’y avait plus ni Juif, ni Grec, etc. », au mépris de la réalité la plus élémentaire et de l’histoire immédiate : c’est justement parce que l’universalisme colonisateur de Jules Ferry et de ses camarades est apparu comme une négation intolérable de l’identité des peuples sur lesquels il s’est exercé que les empires coloniaux se sont effondrés pour laisser la place à une multitude d’États indépendants. Dans les années de bouleversements géopolitiques qui ont marqué le monde de la Guerre Froide, la politique et ses combats ont complètement masqué le substrat culturel qui constituait le quotidien des peuples : il suffit de lire L’Usage du monde de Nicolas Bouvier pour comprendre que la Turquie ne s’est jamais sécularisée en profondeur par exemple, contrairement à l’image de modernité renvoyée par les dirigeants turcs. De la même manière, l’opposition entre l’Est et l’Ouest, entre capitalistes et communistes, ainsi que l’effervescence nationaliste qui a animé de nombreux pays et imposé des régimes forts un peu partout où les puissances coloniales s’étaient retirées, ont imposé une grille de lecture partielle et partiale occultant un phénomène aussi puissant et essentiel que le regain de vigueur de l’islam en tant que force politique. Autrement dit, la décolonisation n’a souvent été que superficielle, les jeux de domination et de concurrence se faisant désormais par procuration, les anciens colonisés devenant des victimes s’insérant dans un discours politique abstrait qui ne tient aucun compte des réalités locales, notamment religieuses et culturelles.

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Arras, 19 octobre 2023 © Michel Spingler/AP/SIPA

Des lendemains qui chantent…

Le problème, c’est que le réel finit toujours par s’imposer. Et, en l’occurrence, le réel veut que la plupart des gens soient porteurs d’une histoire, d’une culture, de coutumes et de la vision du monde qui en découle. Autant de choses face auxquelles la seule consommation de nos pays riches fait pâle figure. On ne voit guère comment l’Europe matérialiste et hédoniste du XXIe siècle réussirait là où l’Empire romain a échoué avec son pain et ses jeux face à des chrétiens porteurs d’un autre projet de société. La volonté politique ne suffit pas, ainsi qu’en atteste l’échec des persécutions de Dèce ou de Dioclétien : sans unité profonde entre le peuple et le souverain, le changement finit par advenir, pacifiquement ou pas. Cette unité a été conceptualisée au moment de la paix d’Augsbourg de 1555 et résumée quelques décennies plus tard sous l’expression : « Cujus regio, ejus religio ». Il ne saurait y avoir concurrence de projet de société sur un même territoire ; or, politique et religion sont tous deux porteurs d’un projet de société, soit ils se recoupent parfaitement, soit ils s’excluent radicalement, mais il n’y a pas de place pour les deux dans un même espace donné. Par religion, on entend une pratique forte et contraignante, une morale qui tient lieu de loi et une vision du monde qui structure les conceptions et les comportements. Pour la plupart des Européens contemporains, cette définition est incompréhensible tant ils sont habitués à confondre religion et croyances personnelles ou spiritualité non contraignante. Dès lors, on ne voit pas quelle religio pourrait rassembler, lier, réunir les peuples européens qui ont remplacé les princes de la Renaissance en tant que détenteurs de la souveraineté. Et comme le projet politique de l’UE est en fait une absence de projet et un refus de la politique qui excluent les peuples de l’exercice de la souveraineté, il semble que la seule conclusion qu’on puisse tirer des rapports de force actuels est qu’une guerre civile éclatera prochainement, entre immigrés porteurs d’une autre civilisation et autochtones déculturés, une guerre dont l’issue est incertaine. À moins d’une Soumission pure et simple, comme cela entrevue par Houellebecq. Ou encore une Révolte des élites poussée plus loin que celle entrevue par Christopher Lasch, avec une disparition pure et simple du peuple, devenu inutile et encombrant.

Devant l’inaction des gouvernants face à une menace existentielle qui s’abat sur nos démocraties depuis plusieurs décennies, c’est une perspective difficile à exclure.

Soumission

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Tous lupiniens!

La série Arsène Lupin compte 17 romans et 39 nouvelles, ainsi que cinq pièces de théâtre. La série télévisée avec Omar Sy, diffusée dans le monde entier, va-t-elle relancer les ventes ? Qui était Maurice Leblanc (1864-1941), et qu’a-t-il écrit d’autre?


Qui n’a jamais croisé Arsène Lupin ? Difficile de lui échapper. Depuis des lustres, il est partout, dans les romans, le théâtre, les bandes dessinées, le cinéma, la chanson, la télévision. Ainsi a-t-il récemment occupé, plusieurs saisons durant, la plateforme vidéo Netflix.

Un héros insaisissable

Lupin est d’autant plus omniprésent qu’il se dissimule sous maints pseudonymes, de Raoul d’Andrésy à Horace Vermont, de Désiré Baudru à Guillaume Berlat, sans oublier Michel Beaumont ou Jean Dubreuil. Il n’hésite pas à endosser l’identité d’aristocrates comme le Baron Andredi, et de quelques hauts gradés de l’armée tels les colonels Beauvel ou Sparmiento, entre bien d’autres avatars liés aux nécessités d’intrigues dépassant le seul cadre policier.

Qui donc était ce personnage paraissant bénéficier, entre autres dons, de celui, d’ubiquité ? À en croire Jacques Lanzmann, chanté par Jacques Dutronc, « C’est le plus grand des voleurs / Oui, mais c’est un gentleman ». Paradoxe décliné entre 1907 et 1941 dans quelque dix-sept romans, trente-neuf nouvelles et cinq pièces de théâtre.

Maurice Leblanc, écrivain bifrons

Leur père, c’est Maurice Leblanc. Un auteur des plus prolixes dont l’œuvre ne se borne pas aux seules aventures du gentleman-cambrioleur. L’existence de l’écrivain, né à Rouen en 1864, mort à Perpignan en 1941, a été jalonnée par les conflits internationaux. Outre la guerre de 1870, les deux guerres mondiales de 14-18 et de 39-45 ont laissé leur empreinte sur son inspiration. On en trouve des traces dans son œuvre. Il débute en 1890 dans le journalisme, publie trois ans plus tard son premier roman, Une femme. Il a fréquenté, durant son adolescence, Flaubert et Maupassant dont l’influence est manifeste sur son style. Mais ses véritables débuts, il les fera dans le magazine Je sais tout, avec une nouvelle, L’Arrestation d’Arsène Lupin, calquée sur Les Aventures de Sherlock Holmes, de Conan Doyle. Nous sommes en 1905, la machine est lancée. Suivront Arsène Lupin, gentleman cambrioleur, puis Arsène Lupin contre Herlock Sholmès qui mettra en fureur Conan Doyle, vexé de voir ainsi son héros parodié. Qu’importe ? Le succès est au rendez-vous, concrétisé par la légion d’honneur attribuée au romancier.

A relire, du même auteur: Fernando Pessoa ou l’inconfort intellectuel

Dès lors, les aventures du gentleman cambrioleur s’enchaînent. Le héros séduit les foules. À la fois charmeur et escroc, épris de liberté jusqu’à friser l’anarchie, soucieux de justice sociale mais rompu aux rites de l’aristocratie, dépourvu de scrupules mais empreint de sensibilité, d’intelligence et d’humour, il a tout pour séduire les catégories de lecteurs les plus diverses. Au point de porter ombrage à son créateur dont la renommée est en passe d’être éclipsée par celle de son héros devenu emblématique. C’est ainsi que dans 813 (1910) le géniteur tente de se muer en parricide. Peine perdue : son rejeton ressuscitera dans Le Bouchon de cristal (1912). Lupin résistera jusqu’au bout, et même au-delà, jusqu’au Dernier amour d’Arsène Lupin, roman posthume publié en 2012.

Cryptage et décodage

Pour imposante et prégnante qu’elle soit, la saga lupinienne ne saurait éclipser le reste de la production de son auteur. Contes, nouvelles, romans, pièces de théâtre témoignent, outre de sa fécondité, de la variété de ses centres d’intérêt.

Cette œuvre composite en apparence a provoqué, jusqu’à nos jours, gloses et commentaires. Et si elle était cryptée ? Si un réseau subtil autant que secret reliait L’aiguille creuse à La Cagliostrio se venge ? En d’autres termes, si un autre Maurice Leblanc se cachait sous le conteur d’histoires policières ? Patrick Ferté en est convaincu. Il le démontre dans son Arsène Lupin, Supérieur inconnu1 et son argumentation est on ne peut plus cohérente. Pour lui, Leblanc était un initié, familier des arcanes et des signes occultes. Toute son œuvre est traversée de symboles, de cryptogrammes, de preuves que l’odyssée lupinienne tire sa cohérence du message codé qu’elle recèle. L’auteur établit des relations troublantes avec l’énigme de Gisors, ou encore le trésor de Rennes-le-Château, entre autres. Révélations stupéfiantes. Elles confèrent aux aventures d’Arsène Lupin une dimension aussi troublante qu’inattendue.

Enfin, parmi les gloses suscitées par le gentleman cambrioleur, comment ne pas citer la Revue des Etudes Lupiniennes2, un fanzine créé en 1967 par Jean-Claude Dinguirard, fervent lupinien, brillant universitaire, pionnier de l’ethnolinguistique et régent du Collège de Pataphysique ? Ce linguiste, prématurément disparu, a laissé une œuvre considérable témoignant de sa culture et de sa perspicacité, sans parler de son humour. La REL, diffusée principalement dans la région toulousaine entre 1967 et 1971, a été récemment exhumée par son fils Frédéric qui s’attache à ressusciter l’œuvre paternelle, contient des petits joyaux sur et autour de Lupin. À déguster sans modération !

Arsène Lupin supérieur inconnu - La clé de l'oeuvre codée de Maurice Leblanc

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  1. Ed. Trédaniel, 2004. ↩︎
  2. data.bnf.fr ↩︎

La consultation

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Multiplication des déserts médicaux, hôpitaux surchargés, urgences fermées, personnels sous-payés, médecins généralistes en grève, pénurie de médicaments, tel est le triste état de notre médecine. Heureusement, ce ne fut pas toujours le cas, ainsi qu’en témoigne ce conte.


   À mon arrivée chez le docteur Bonnemaison, j’eus l’heureuse surprise de trouver la salle d’attente déserte. Je coupais ainsi à ces interminables stations assises, occupées par la lecture de revues dénuées d’intérêt, le Mensuel du collectionneur de cravates, Les mille et une recettes de tante Rosalie ou Modes et travaux forcés. Tous périodiques dont l’unique vocation semble être de meubler les antichambres de praticiens où on les trouve en exclusivité. Défraîchis, le plus souvent. Déposés là depuis des mois, voire des années. Gorgés sans doute – et c’est le côté le plus déplaisant de l’affaire – de colonies de microbes plus extravagants les uns que les autres. De quoi exciter l’imagination d’un hypocondriaque.

   Dieu merci, ce n’est pas mon cas. Ma visite chez Bonnemaison n’était pas motivée par une vive inquiétude. Je m’installai donc en attendant que la porte du cabinet s’ouvrît pour libérer le patient précédent. L’affaire, sans doute, de quelques minutes.

   En réalité, l’attente se prolongea une bonne demi-heure au bout de laquelle le médecin parut enfin. Il était seul et s’avança d’un pas lourd vers la pièce où j’attendais sa venue. Il me tendit la main.

   « Comment allez-vous ? »

   La question avait de quoi surprendre. Sauf au cas, bien improbable, d’une simple visite de courtoisie, il paraissait évident que ma présence était motivée par le fait que, précisément, ma santé n’était pas florissante. Qu’à tout le moins, quelque chose clochait. Il est rare, pour ne pas dire tout à fait exceptionnel,  qu’on se rende chez le médecin pour l’informer que tout va bien. Que nulle indisposition n’affecte notre sérénité. Qu’aucune maladie ne pointe son vilain mufle. Sauf en Chine, paraît-il. Mais c’est un pays plutôt lointain.

   Je m’abstins donc de répondre précisément à son interrogation, me contentant d’un vague murmure auquel il ne prêta aucune attention, et lui emboîtai le pas pour pénétrer dans son bureau.

   « Et vous-même, docteur ? »

   Un réflexe. L’habitude de ces jeux de ping-pong auxquels l’urbanité nous a accoutumés dès l’enfance, « après vous », « je n’en ferai rien » et autres formules stéréotypées dont l’une entraîne mécaniquement l’autre sans que notre conscience en soit pour autant alertée.

   Il s’immobilisa sur le seuil, s’effaça pour me laisser entrer.

   « Pas très bien. A vrai dire, je suis un peu inquiet. »

   Il me désigna le fauteuil en face de la grande table derrière laquelle il prit place. Un ordinateur, des livres parmi lesquels je reconnus le Vidal, cette bible des thérapeutes.

   « Asseyez-vous, mettez-vous torse nu, je vais mesurer votre tension artérielle ».

   Tandis que je m’exécutais, il se saisit d’un stéthoscope, vint s’installer à côté de moi. Il avait l’air soucieux, tournait et retournait l’instrument entre ses doigts.

   « C’est surtout la nuit, dit-il. Vers deux heures du matin. Parfois trois heures. Une douleur là, indéfinissable. »

   Il désignait sur mon propre abdomen une zone plutôt imprécise.

   « Le foie ?, hasardai-je.

   – Vous croyez ?

   – Pourquoi pas…

   – Pourtant, à la palpation, je ne sens rien. Et je n’ai pas le teint d’un hépatique. Qu’en pensez-vous ? »

   Il s’était écarté pour se placer en pleine lumière.

   « En effet, pour autant que j’en puisse juger. Vous avez le teint frais et la mine vermeille.

   – Ce ne serait donc pas le foie, conclut-il, l’air pensif. Du reste, ma douleur s’accompagne souvent d’une sorte de crispation du diaphragme. Et même, quand j’y songe, d’un essoufflement qui survient de façon quasi simultanée. »

   Comme il se taisait, je me sentis tenu de relancer.

   « Il y a longtemps que cette douleur est apparue ?

   – Un mois, un mois et demi, peut-être un peu plus. A vrai dire, je n’y ai pas pris garde, au début.

   – Vous auriez sans doute dû consulter.

   – Vous savez ce que c’est… On est pris par le quotidien, on oublie… On se néglige… »

   Il avait l’air vraiment désemparé. Au point que je crus bon de le rassurer.

   « Ma grand’mère, dis-je, présentait à peu près les mêmes symptômes. Je m’en souviens. Elle était bien plus âgée que vous ne l’êtes. »

   Il sursauta.

   « Et elle en est morte ?

   – Pas du tout. Elle s’en est très bien remise. Je la revois encore absorbant son médicament avec une moue de dégoût, car la potion était, disait-elle, d’une amertume insoutenable. Une poudre verdâtre qu’elle diluait dans un verre d’eau. Une préparation pharmaceutique. Efficace, en tout cas.

   – Vous souvenez-vous du nom de la potion ?

   – Oui. Quelque chose comme trianophénol, ou trianophérol. « 

   Il détacha une feuille d’ordonnance de la liasse posée sur son sous-main, me la tendit avec un crayon à bille attaché par une chaînette à son support.

    » Auriez-vous l’obligeance de noter le nom du médicament ? »

   Je m’exécutai, prenant soin de rendre mon écriture aussi lisible que possible. Une écriture de médecin, aux dires de mes proches qui avaient peine à élucider mes gribouillis.

   Il saisit l’ordonnance, la déchiffra sans peine.

   « Parfait. Mais vous n’avez pas précisé la posologie », ajouta-t-il en me tendant à nouveau le papier.

   « Vingt grammes par jour en deux prises, à distance des repas. Voilà qui devrait faire l’affaire ».

   Je m’empressai d’ajouter ces détails au bas de la feuille.

   « C’est ainsi que procédait votre grand’mère ?

   – Oui, lui dis-je. C’était devenu une sorte de rituel auquel toute la famille participait. « Grand’mère, ta potion ! » Une espèce de mot de passe. De pense-bête.

   – Combien de temps dura le traitement ? Vous le rappelez-vous ?

   – Quelques semaines, huit, dix, je ne saurais préciser avec certitude. Ce qui est certain, c’est que ses douleurs s’estompèrent, puis finirent par disparaître définitivement. »

   Bonnemaison avait l’air satisfait. Avant même la potion, il buvait mes paroles, tout en jouant avec son stéthoscope. Cependant, comme j’étais toujours torse nu, attendant l’intervention qu’il m’avait annoncée, je crus bon de le rappeler à sa fonction.

    » Vous m’avez demandé d’ôter ma chemise, docteur…

   – Mais oui, bien sûr ! Où avais-je la tête ? Vous pouvez vous rhabiller. D’autant qu’un chaud et froid est vite arrivé. Nous sommes au seuil de l’automne. Autant dire qu’on ne sait plus comment se vêtir, entre les habits d’été, trop légers, et les pelisses d’hiver, trop épaisses…

   – Et ma tension artérielle ? Vous ne la vérifiez pas ? Pas d’auscultation ? Pas d’examen ? »

   Mes questions furent balayées d’un revers de main.

   – Inutile. Ce type de douleur ne requiert pas de telles investigations. Mais je voulais vous demander : la potion, chez quel pharmacien ?

   – Grande Pharmacie des Arcades. Sur la place Arago. Maison de confiance.

   – C’est aussi mon avis. »

   Il se leva, me signifiant par là que la consultation était terminée. Il arborait désormais un sourire éclatant qui contrastait avec la mine défaite affichée quelques moments plus tôt.

   « Vingt-trois euros, dit-il sobrement. En espèces, de préférence. Si vous voulez bien me confier votre carte Vitale… ».

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Séparatisme: le maire de droite et la bachelière voilée

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« Il m’est arrivé un truc complètement scandaleux et qui montre qu’en France l’islamophobie est devenue un droit », affirme une lycéenne française sur les réseaux sociaux. Elle au moins, on ne peut pas l’accuser de pratiquer la taqîya. Le commentaire d’Elisabeth Lévy.


« Le maire et la bachelière voilée ». Cela pourrait presque être le titre d’un film d’Eric Rohmer…  Samedi, la ville de Francheville, dans le Rhône, organisait une cérémonie pour les bacheliers avec mention. Ces derniers recevaient un prix, 100 euros, puis posaient avec le Maire de la commune, Michel Rantonnet (LR). Parmi les lauréats, il y avait Bilqis, la « seule voilée », précise-t-elle. Quand elle s’avance pour prendre la photo, le maire s’éclipse quelques secondes, puis revient pour le lauréat suivant. L’élève doit se contenter de poser avec une adjointe.  

Esclandre numérique sur TikTok

Ce récit semble à peu près confirmé par la vidéo que la bachelière a posté sur TikTok, et assez raccord avec les idées du maire, lequel a parrainé Éric Zemmour, et s’est opposé à un centre d’accueil pour migrants. Bilqis ajoute qu’avec sa famille, elle aurait essayé de lui parler. « Je ne veux pas parler ni prendre de photo avec vous », lui aurait-il dit. Commentaire de Bilqis : « Ils ne cachent plus leur mépris de l’islam et des musulmans». Depuis, cette vidéo, relayée par le fameux CCIE, est devenue virale. Le CCIE, Comité Contre l’Islamophobie en Europe, dont le grand combat est de démontrer que toute la France est islamophobe, a succédé au CCIF dissous en 2020.

A lire aussi: A. Finkielkraut : « Ce qui fait peur, c’est la convergence entre les pillards et les Insoumis »

Sur les réseaux sociaux, depuis, on assiste à une bataille rangée. Les partisans du maire rappellent que le voile n’est pas français, en termes plus ou moins choisis. Et ceux de Bilqis le traitent de facho, de raciste ou évidemment d’ « islamophobe ». Des élus écolos font chorus. Le groupe Francheville respire demande ainsi « des excuses publiques », et Bilqis annonce qu’elle va porter plainte et donner son prix pour la Palestine. Quel rapport ?

Alors qui a raison ?

Je vais vous étonner, mais je comprends la tristesse de Bilqis, qui voulait que sa famille soit fière d’elle pour avoir eu sa mention au baccalauréat. Le maire aurait pu être plus courtois et pédagogique. Je ne dis pas pour autant qu’il aurait dû poser avec elle et son voile islamique. Je pense par exemple à Robert Ménard, le maire de Béziers. Lui n’aurait sans doute pas fui. Il lui aurait expliqué pourquoi son voile le choquait, mais avec un mot gentil pour ses résultats ou pour ses parents. Quand on le peut, il est toujours préférable de défendre ses principes sans froisser les individus.

Mais cette exigence de tact vaut aussi pour Bilqis et pour ses défenseurs. Au lieu de hurler immédiatement à l’islamophobie, de rameuter les réseaux, voire de porter plainte, Bilqis et ses partisans devraient essayer de comprendre pourquoi le voile heurte tant de leurs concitoyens. Pour les Français, le voile, ce n’est pas une question religieuse. Et ils n’ont pas tellement de problème avec la religion musulmane. Mais le voile est un affichage identitaire, un signal faible de séparatisme qui signifie « je suis d’abord musulman ». Et bien sûr, c’est aussi un étendard de nos ennemis, l’étendard de gens qui assassinent des Français. Attention, bien sûr, la loi n’interdit pas à la lycéenne de le porter dans une salle des fêtes. Mais elle aurait pu s’abstenir de le porter, comme au lycée.

À lire aussi, du même auteur: A gauche, la défaite en chantant

Ce que nous dit cet incident, c’est que la seule façon de mener le combat culturel consiste à parler franchement. Nos concitoyens musulmans ne sont pas des enfants, ce ne sont pas des victimes. On devrait pouvoir leur dire des choses, y compris difficiles à entendre. Par exemple, leur dire que l’égalité entre les individus, qui est un absolu pour nous, ne signifie pas l’égalité de statut entre les cultures. C’est aux derniers arrivés de s’adapter aux mœurs françaises, et ce n’est pas une punition.

Au lieu de se complaire dans le confort victimaire, nos compatriotes musulmans devraient comprendre que la France peut-être une chance pour l’islam.

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Retrouvez Elisabeth Lévy après le journal de 8 heures, sur SudRadio

Carlo Guido, ténor héroïque!

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Carlo Guido. ©Daniel Welch

Carlo Guido, ténor excellant dans les rôles requérant beaucoup de coffre et de puissance, regrette la désaffection du monde lyrique français pour les « grosses » voix. Il nous livre ses souvenirs et ses coups de gueule contre un milieu qu’il considère en décadence.


Je me souviens de ma première fois à l’opéra. J’avais 25 ans. Je me rappelle ma surprise d’entendre si peu les voix des chanteurs. Cela s’est ensuite répété lors de mes sorties suivantes. Je n’avais jusque-là écouté cette musique que sur des CD. J’en avais alors parlé à Michel Fau dont la passion et la culture opératique sont colossales. Il m’avait expliqué que les grosses voix étaient, malheureusement, de moins en moins engagées, qu’il n’y avait plus de Mario del Monaco ou de Franco Corelli. Et il ajoutait : « Si ! j’ai bossé avec un mec qui est un chanteur de cette trempe : Carlo Guido. » Carlo Guido, un nom malheureusement absent des affiches. Au début de sa carrière, il a pourtant chanté des rôles parmi les plus importants du répertoire : Don José dans Carmen, Mario Cavaradossi dans Tosca, Turiddu dans Cavalleria Rusticana ou encore le rôle-titre de Don Carlo. Et cela dans des lieux tels que l’Opéra de Gênes, de Naples (Teatrodi San Carlo), de Shanghaï ou encore dans les arènes de Vérone, de Madrid et de Nîmes. Fau regrette cette désaffection, dans le monde de l’opérafrançais, pour ces grosses voix pourtant indispensables à une partie du répertoire. Alain Fondary– baryton iconique ayant partagé l’affiche avec Karajan, Pavarotti ou Shirley Verrett — lui a dit un jour : « Dans une autre époque que la nôtre, Carlo aurait été une star ! » C’est malheureusement bien dans notre époque que nous vivons. Nous retrouvons Carlo Guido dans un restaurant italien de la capitale pour une riche et très longue discussion à l’italienne, arrosée de beaucoup de vin et de rires, dont nous ne pourrons malheureusement publier ici que quelques extraits.


Causeur. Quand et comment la musique est-elle arrivée dans votre vie ?

Carlo Guido. À l’adolescence. Mes parents étaient des immigrés italiens. Pour nous, les problèmes psychologiques, ça n’existait pas. Il n’y avait que le travail. Mon père travaillait très dur. Et pour adoucir la peine physique, en rentrant du travail, il se mettait dans la chaise longue sur la terrasse et demandait à ma sœur ou à moi de lui mettre les disques des vieux chanteurs d’opéra : Beniamino Gigli, Mario del Monaco ou encore Luciano Pavarotti. Et dès que la musique commençait, je voyais mon père se détendre et prendre un pied incroyable à écouter ça. Cette musique effaçait sa peine et sa fatigue. Très vite, vers 12 ans, j’ai eu envie d’être à la place de ces chanteurs dont les pouvoirs de la voix me fascinaient. Et puis, ce que j’aimais chez eux aussi, c’était l’extravagance. Les chanteurs d’autrefois, ceux que nous écoutions à la maison, n’étaient pas du genre minimaliste. C’était énorme, incarné, avec des voix colossales !

Vous vous êtes inscrit dans un cours de chant ?

Ma sœur jouait du piano. J’ai demandé à son prof de m’entendre. Il m’a dit que j’avais une bonne voix. Je me suis ensuite présenté au conservatoire de Nice où j’ai été pris. Je travaillais en même temps dans l’entreprise de bâtiment de mon père. J’y travaillais trois semaines et ensuite, avec l’argent que j’avais gagné, je partais trois semaines en Italie prendre des cours et écouter des concerts. Là-bas, j’ai connu la fin d’une époque. J’ai vu Madame Butterfly avec Ghena Dimitrova dans les arènes de Vérone ! Et tous ces grands artistes en fin de carrière que j’allais voir, je me débrouillais pour les trouver après les représentations. Lorsque le courant passait, ils me donnaient des cours ou parfois des conseils. J’ai ainsi connu Lando Bartolini ou encore Giuseppe Giacomini. J’ai eu la chance de prendre des leçons avec Franco Corelli, Carlo Bergonzi et Albert Lance. Plus tard, je me suis même retrouvé dans des productions à chanter en alternance avec certains d’entre eux. Ils faisaient la première représentation pour le « nom », et je faisais les suivantes.

Les engagements sont arrivés rapidement ?

Un jour, je suis allé à une audition à l’Opéra-Comique. Il y avait une ribambelle de chanteurs du monde entier. Jean-Marie Poilvé — l’un des plus grands agents lyriques, agent de Roberto Alagna, de Savary et de José Van Dam– était dans le jury. À la fin de l’audition, il remercie tout le monde. On sort. J’entends alors« Monsieur Guido, restez ! J’aimerais vous parler. Nous allons descendre prendre un café. » J’avais encore les mains pleines de ciment. J’étais en train de refaire un appartement place de Clichy ! Et là, au café, il me dit : « J’aimerais m’occuper de vous pour le monde entier. Ça va être dur, mais on va y arriver. » Dans l’année qui a suivi, j’ai eu des engagements dans des seconds rôles. J’ai commencé dans Nabucco à l’Opéra de Saint-Étienne. Ensuite j’ai fait Traviata. Le grand baryton Alain Fondary – qui était dans la distribution de Nabucco et qui m’aimait beaucoup– me dit un jour : « Viens avec moi, on doit aller voir Fontana, le directeur du Festival d’Avenches. » Ils m’ont fait chanter un air, et le type m’a directement donné cinq représentations de Tosca. Ça a été mon premier engagement dans un rôle principal. J’ai eu très vite d’excellentes critiques dans la presse.

Mario del Monaco en costume d’Otello dans l’opéra de Verdi. ©Daniel Welch

Mais j’insiste sur le fait que j’ai vraiment eu la chance de côtoyer des gens d’un monde aujourd’hui disparu. Et ce sont eux qui m’ont formé et inspiré. Ces gens avaient un rapport au chant totalement différent de ceux d’aujourd’hui. Les voix étaient énormes. Et c’est ça que j’aime. Lorsque j’ai fait Tosca avec Fondary et Giovanna Casolla, je suis sorti d’une répétition avec les oreilles qui sifflaient. Les voix étaient d’une puissance colossale. Après une représentation de Tosca, Casolla est venue me voir en sortant de scène et m’a dit : « Si vous ne faites pas le con, vous serez une star dans quelques années. » Je ne crois pas avoir fait le con mais…

Justement ! Mais quoi, alors ? Comment se fait-il que vous n’ayez pas eu la carrière que vous auriez sûrement dû avoir ? Et plus généralement, pourquoi en France n’avons-nous pas de « grosses voix » ?

Si, il y a moi (rires) ! Plus sérieusement, il y a plein de raisons. Déjà, je ne me suis jamais laissé marcher sur les pieds. Un jour, un metteur en scène m’a expliqué que s’il se faisait huer, c’est parce qu’il avait remué quelque chose chez le public. Ma réponse : « C’est peut-être tout simplement parce que tu as fait de la merde ! »Encore une porte que je me suis fermée. Outre cela, je dirais que beaucoup de chefs d’orchestre, aujourd’hui, ne savent pas travailler avec les grosses voix. C’est pour cela qu’ils ne les engagent pas. Ils sont emmerdés, ils ne savent pas comment les gérer. Parce qu’une voix énorme, ça se gère ! Et puis, il y a aussi le fait que les metteurs en scène ont leur mot à dire sur les distributions et qu’ils choisissent souvent les chanteurs sur le physique. Parfois – souvent, même – on voit des chanteurs engagés dans des rôles très lourds vocalement, alors qu’ils n’en ont pas les moyens !

Carlo Guido dans « Tosca » de Puccini à l’Opéra de Dijon, 2003. Mise en scène de Michel Fau ©D.R

Il faut dire qu’il est fréquent que les chanteurs aux grosses voix soient eux-mêmes assez gros (bien que ce ne soit pas mon cas). Et la plupart des metteurs en scène ne veulent pas de gros ! Ils veulent des jeunes premières toutes minces et toutes jolies pour chanter les rôles de jeunes premières amoureuses. Mais à l’opéra, avant, ça ne se passait pas comme ça. Des énormes femmes de 50 ans jouaient des rôles de jeunes premières. Comme Montserrat Caballé, par exemple. Je vous assure que lorsque vous allez à l’opéra écouter un Verdi ou un Puccini aujourd’hui, vous entendez beaucoup moins bien les chanteurs qu’autrefois. Et au théâtre, c’est la même chose ! Qui, de nos jours, pour jouer Racine ? Qui pour jouer le rôle de Cyrano ? Ça devient compliqué. Ce sont des rôles lourds à endosser. On ne peut pas faire ça du bout des doigts. Il faut en avoir les moyens et la folie. Aujourd’hui, c’est l’embourgeoisement des artistes ! Tout est petit. Ils ne savent que faire petit, propre et « joli ». Moi, je suis fils d’ouvrier. Mes modèles sont les chanteurs favoris d’un ouvrier italien. Et chez les prolos italiens, on aime les grosses voix ! On veut avoir une décharge d’adrénaline quand un chanteur balance ses aigus. On veut écouter des tornades. Et ces chanteurs que j’aime étaient des chanteurs très populaires, adorés par le peuple. D’ailleurs, la puissance de leur voix avait quelque chose de l’ordre du don de soi, de la générosité. Le peuple s’est désormais éloigné de l’opéra qui est devenu un nid de petit-bourgeois wokistes et pseudo-intellos. Le peuple ne s’y retrouve plus !

Michel Fau a son mot à dire !

La première fois que j’ai vu Carlo Guido sur scène, c’était dans Le Trouvère de Verdi. Il chantait un second rôle, on ne voyait que lui. Son charisme déjà affirmé nous obligeait à nous demander pourquoi ce n’était pas lui qui chantait le rôle principal ! Plus tard, j’ai eu la joie de le mettre en scène dans Tosca. J’ai pu travailler avec quelqu’un qui n’était pas simplement un acteur doué, mais une véritable bête de scène d’une sensualité « plateau-génique » dotée d’une voix charnue et insolente ! J’ai appris à connaître l’être humain qui se révéla généreux, drôle (comme tous les gens intelligents), extravagant et d’une grande culture opératique, cinématographique et littéraire, ce qui est assez rare chez les chanteurs et les comédiens d’aujourd’hui ! Quand j’ai mis en scène Madame Butterfly, c’est moi qui l’ai choisi pour incarner Pinkerton contre l’avis du chef d’orchestre qui était un triste sire… Comme à chacune de ses prestations, Carlo galvanisait le public par sa puissance vocale et son investissement scénique. Je lui ai ensuite proposé le rôle du duc de Mantoue dans Rigoletto. Il hésita, me disant que sa voix était trop lourde pour ce rôle. Évidemment, chanté par lui, le personnage ressemblait plus à Mario del Monaco dans Otello qu’à un ténor léger et sautillant, mais sa beauté sauvage et son engagement dramatique mettaient en lumière les secrets décadents du rôle. Il était question que je le dirige dans Pagliacci, mais cela ne s’est malheureusement pas fait… Je rêve de Samson et d’Otello avec lui… Carlo Guido est une personnalité si rare ! BRAVISSIMO CARLITO DIVO !


N’y a-t-il pas un « bon goût » qui snobe les grosses voix, qui les trouverait même vulgaires ? Un jeune ténor français très à la mode (dont je tairai le nom) s’est un jour moqué de moi lorsque je lui ai dit que Mario del Monaco était un de mes chanteurs préférés…

Ce jeune ténor est un imbécile. Mario del Monaco est un des plus grands chanteurs de l’histoire. C’était une voix énorme doublée d’une bête de scène. Regardez-le dans Pagliacci ! C’est un sommet. C’est du génie pur. Il était à mon sens un des artistes lyriques les plus fascinants. Mais effectivement, aujourd’hui, beaucoup de gens « très comme il faut » trouvent que Del Monaco c’est too much, que c’est vulgaire. C’est trop pour eux ! Souvent, avec les grosses voix, on s’éloigne des canons de beauté de la petite-bourgeoisie contemporaine. Oui, les grosses voix en mettent partout, ça déborde ! Mais ça aussi c’est de la beauté ! De la beauté à sensations fortes. Je ne vais pas à l’opéra pour voir Monsieur et Madame Tout-le-Monde. J’y vais comme je vais au cirque. Je veux voir des monstres. La vérité, c’est que pour chanter Turandot, Butterfly ou Pagliacci, avoir une jolie voix ne suffit pas ! Il faut que ce soit monstrueux, surhumain.J’ai pris des claques énormes avec des chanteurs qui avaientparfois–surtout en fin de carrière–des voix presque laides.

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Selon vous, qui a été la dernière grosse voix française à avoir rencontré le succès et à avoir fait carrière ?

On peut dire que c’est Michèle Lagrange. Le sommet de sa carrière, c’était dans les années 1990. Et, déjà, elle était une exception.Je ne suis peut-être pas fait pour mon époque. Lorsque j’ai chanté Don José, dans le Carmen que nous avions monté dans les arènes de Madrid, j’étais le seul de la distribution à avoir refusé le micro. Tous les chanteurs étaient sonorisés. C’était eux-mêmes qui l’avaient exigé pour ne pas se fatiguer la voix. Pas moi ! Et le public m’en a été très reconnaissant. De toute façon, la musique, c’est entre le public et moi. J’ai souvent rencontré l’incompréhension, parfois le mépris, mais jamais de la part du public.

Oh my God!

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L'acteur américain Matthey Perry photographié en 2015 © Brian Ach/AP/SIPA

L’acteur Matthew Perry, star de Friends, vient d’être retrouvé mort à Hollywood.


L’acteur Matthew Perry, célèbre pour son rôle de Chandler Bing, dans la série à succès Friends (1994-2004), a été retrouvé mort à son domicile de Pacific Palisades, à Los Angeles, rapportent les médias américains. Aucun signe d’acte criminel n’a été découvert, mais des sources anonymes citées par le Los Angeles Times et le site people TMZ indiquent qu’il pourrait s’agir d’une noyade – une information ensuite reprise par NBC News… Matthew Perry avait seulement 54 ans.

You make jokes when you’re uncomfortable

Matthew Perry est principalement connu pour son interprétation du trentenaire sarcastique, peu sûr de lui et névrosé Chandler Bing, dans la série Friends. La série a connu un immense succès et a fait de lui l’un des acteurs les plus célèbres d’Hollywood, aux côtés de Jennifer Aniston, Courteney Cox, Matt LeBlanc, Lisa Kudrow et David Schwimmer. Les acteurs touchaient 1 million de dollars par épisode, à la fin de la série, laquelle a permis au network NBC de réaliser des audiences records. En France, la série a été diffusée sur France 2, puis multidiffusée. Du jour au lendemain, elle a ringardisé les insipides sitcoms tricolores de AB Productions que diffusait alors TF1. On peut désormais redécouvrir Friends sur Netflix, qui paie une fortune pour en avoir les droits. Aux États-Unis, l’intégralité des 10 saisons de Friends avait disparu du catalogue Netflix, le 1er janvier 2020, provoquant une vague d’émoi massive.

Mon voisin le blagueur

Durant 10 saisons de Friends, Matthew Perry partageait, en colocation avec Joey (Matt LeBlanc), un appartement du West Village à New York, voisin de celui de Monica et Rachel (Courteney Cox et Jennifer Aniston). Il a d’abord une histoire d’amour compliquée avec la dénommée Janice (Maggie Wheeler), à la voix nasale irritante, avant de se mettre en couple avec la belle Monica. La profession de ce cadre brillant, reste incertaine pendant toute la série.

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Le studio Warner Bros, qui a produit la série, a publié un communiqué dans lequel il se dit « dévasté » par la nouvelle de la disparition de Matthew Perry et exprime ses condoléances à sa famille, à ses proches et à ses fans. L’acteur avait longtemps lutté contre l’addiction aux analgésiques et à l’alcool, cherchant de l’aide dans des cliniques spécialisées à plusieurs reprises. Il avait également révélé avoir souffert de graves angoisses sur le tournage, dans un livre, Friends, mes amours et cette chose terrible, publié l’an dernier chez Robert Laffont.

Matthew Perry avait été nommé pour les Emmy Awards en 2002 pour son rôle dans la série et avait obtenu deux autres nominations en 2003 et 2004 pour ses apparitions dans la série « À la Maison Blanche », où il jouait le rôle d’un conseiller associé du président. L’acteur avait également joué dans diverses comédies, notamment « Coup de foudre et conséquences » (1997) avec Salma Hayek, « Mon voisin le tueur » (2000) aux côtés de Bruce Willis, et « 17 ans encore » (2009) avec Zac Efron.

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Les fans ont appris ce dimanche matin la nouvelle de la disparition de l’acteur non sans une profonde nostalgie. Nostalgie d’une époque où un humour gentiment homophobe à la télévision ne prêtait pas à conséquence. Une époque où les séries américaines n’étaient pas encore envahies par les acteurs transgenres politiquement corrects. Une époque insouciante, enfin, où le World Trade Center faisait encore son apparition entre deux séquences rigolotes du programme…


MDR. Les cinq fois où Chandler Bing nous a fait mourir de rire.

Saison 2 Celui qui retrouve son singe

Piégé par son amie d’enfance (Julia Roberts), qu’il harcelait à l’école, Chandler Bing se retrouve à poil dans les toilettes d’un restaurant.

Saison 3 Celui qui s’auto-hypnotisait

Chandler, qui cherche à essayer d’arrêter de fumer, est surpris dans son sommeil par son colocataire alors qu’il écoute une cassette d’hypnose. « Vous êtes une femme libre, forte et indépendante » dit l’enregistrement.

Saison 1 Celui qui a du jus

Lors d’une coupure d’électricité affectant toute la ville, Chandler se retrouve coincé dans un distributeur à billets avec une femme très séduisante qu’il n’ose pas aborder. Lorsqu’elle lui propose un chewing gum, il lui répond qu’il accepte et que oui, un chewing gum serait la « perfection », une formulation trahissant une sexualité ambiguë.

Saison 4 Celui qui avait des menottes

Chandler se retrouve menotté et enfermé dans un bureau par Joanna (Alison La Placa), la patronne un peu sado-maso de Rachel, aux grands magasins Bloomingdale’s. Quand Rachel s’aperçoit de la situation, elle hésite à le détacher. Au milieu de leur dispute, Chandler se cogne accidentellement la tête (ce qui n’était pas prévu initialement dans le script).

Saison 10 Ceux qui s’en allaient (dernier épisode)

Au moment de quitter l’appartement légendaire et de dire adieu à la série, les six amis de Friends proposent de se retrouver dans la rue pour boire un dernier café. « Où ça ? » demande Chandler. Tous les fans de la série savent bien qu’ils ne peuvent aller qu’au Central Perk, le café où se déroule une bonne partie de leurs intrigues.

L’énigme Ionesco

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L'écrivain, actrice et réalisatrice française Eva Ionesco © Erick Faulkner

Dans son nouveau livre, La bague au doigt, Eva Ionesco raconte sa passion destructrice avec Simon Liberati. L’ancienne reine de la nuit, réalisatrice, actrice et écrivain reconstitue le puzzle de sa vie mais continue de brouiller les pistes.


« Je sors du pressing, je n’ai pas mes lunettes, je vous rappelle », me dit Eva Ionesco au téléphone quand je lui propose un rendez-vous pour évoquer son nouveau livre, La bague au doigt. Elle se montre enthousiaste : « On peut se voir demain dans un café, si vous voulez.» La petite fille lâchée en pâture sous l’objectif de sa mère dès l’âge de cinq ans, déguisée en pin-up ou en princesse avant de devenir, dès ses treize ans, l’une des figures du Palace, la boîte de nuit culte des années 80, a finalement annulé notre rencontre, prétextant, dans un SMS très poliment formulé, une grande lassitude.

Je n’ai pas mis en doute cette lassitude. Eva Ionesco semble toujours en équilibre fragile, prête à basculer dans la fêlure béante qui la constitue. Son visage de poupée renfrognée me fascine. J’avais imaginé que nous causerions chiffons, car les vêtements semblent être primordiaux pour elle, ils l’aident à se protéger et à retenir cette petite fille que sa mère exhibait, attifée en héroïne de Lewis Caroll.

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Mais qui est Eva Ionesco ? Elle brouille les pistes : muse, reine de la nuit, réalisatrice (son film autobiographique, Little Princess, a reçu un très bon accueil), actrice, écrivain… Elle est tout cela à la fois, ce qui fait d’elle un personnage d’un autre temps, une figure romanesque à l’image de ces poétesses de la Belle Époque. Cependant, le statut de muse la rattrape lors sa rencontre avec l’écrivain Simon Liberati qui, malin comme un singe, voit en elle un formidable objet littéraire. L’histoire se mord la queue : Eva redevient objet, pour être aimée, évidement, car elle n’a jamais été enthousiasmée par ce projet. Elle sent que l’écrivain, à la personnalité un peu perverse, veut la vampiriser. Nul besoin de s’appeler Freud pour comprendre qu’elle rejoue son histoire avec sa mère. Eva est publié en 2015. J’ai essayé de le lire à l’époque, mais il m’est tombé des mains : Liberati décrit sa muse froidement, à la manière d’un entomologiste, sans chaleur ni amour.

Dans La bague au doigt, Eva Ionesco raconte cette passion destructrice avec Liberati, cette passion qui s’est terminée dans le sang et les larmes. Elle se réapproprie la femme qu’elle est dans un récit baroque, une sorte de cabinet de curiosités aux méandres parfois trop détaillés, au risque d’embrouiller le lecteur. Mais elle se décrit sans fard – elle qui ne peut sortir sans maquillage – en petite fille amoureuse qui perd souvent pied. Elle reconstitue au fil des pages le puzzle de sa vie afin d’en devenir enfin l’actrice, avec l’aide des mots, de ses mots.

La bague au doigt, de Eva Ionesco, Robert Laffont, 2023.

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Franck Maubert, romancier de l’invisible

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Franck Maubert Photo : PHILIPPE MATSAS 2003 / Opale / Leemage via AFP

Le court roman de Franck Maubert, Une odeur de sainteté, paru à cette rentrée au Mercure de France, distille un trouble très étonnant. Rares sont les romanciers aujourd’hui à parler d’expériences mystiques avec autant de simplicité et, dirais-je, de discrétion. On sent, dans la prose de Maubert, toute une retenue exquise dans la description d’un phénomène mystérieux, probablement surnaturel, mais dans un sens moderne. Ce roman aurait pu s’intituler Possession, mais on est loin de l’hystérie d’un Źuławski, cinéaste polonais qui nous avait offert jadis un film excessivement borderline sur une thématique voisine.


Sur le plan du style, Une odeur de sainteté s’inscrit, malgré l’importance accordée à la religion, dans une littérature qui, à mon sens, doit beaucoup à certains écrivains d’après-guerre inspirés par le surréalisme, comme par exemple Pieyre de Mandiargues, la préciosité mise à part. La qualité de l’écriture se perçoit de même, donnant à ce qui est raconté une portée inoubliable.

Un « nez »

L’héroïne de Franck Maubert est un « nez », une femme nommée Jeanne Doucet, travaillant pour un grand parfumeur parisien. C’est une spécialiste des fleurs et de leurs mille odeurs, classées dans sa tête de manière infaillible. Un jour, on lui demande une chose extraordinaire : « On me charge d’aller renifler le cœur d’une future sainte, en vue d’une béatification, vérifier avec mon nez un cœur, un cœur sensé être souverainement pur. » La sainte en question, Émérence Denosse, a vécu au XIXe siècle en Touraine. Le bref instant où Jeanne respire le petit cœur de la sainte la bouleverse totalement. Elle pressent que c’est pour elle un événement unique, qui se transforme en obsession. « Je ne lâcherai plus Émérence Denosse », comme elle le dit. Sa vie s’en trouvera bouleversée, toute dirigée vers le désir de découvrir plus avant quelle fut cette âme vouée à la sainteté : « Je brûle d’envie de la connaître, retrouver celle qui venait de m’offrir ce qu’elle avait de plus intime : le parfum de son cœur, ce cœur qui m’a imprégnée. Est-ce cela qu’on appelle l’odeur de sainteté, ce sentiment qui vous entraîne dans l’au-delà ? »

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Un contact par-delà la mort

À partir de là, Jeanne va demander sa mise en disponibilité, pour pouvoir se consacrer entièrement à sa quête. Elle qui était agnostique, ne se reconnaît plus. Il lui faut admettre rapidement qu’elle traverse une crise, où elle se sent dépossédée d’elle-même. « Il me semble ne plus appartenir à la terre. Ce qui existe n’est plus moi. » Elle se déplace en Touraine, pour se rapprocher du lieu natal d’Émérence. Elle établit comme un contact avec elle, par-delà la mort. La sainte lui parle, elle perçoit sa voix qui s’adresse à elle : « Je l’entends, admet-elle : Laisse-moi rester. Comme si elle me connaissait. Elle est ma douceur, mon espérance calme. » Ou encore : « Chacune de ses apparitions m’envoûte et je glisse dans un autre monde… »

Le voyage intérieur

Dans le petit village de Touraine où a vécu Émérence, elle fait la connaissance d’un libraire comme il y en avait autrefois, qui fait songer assez bien à un personnage de Huysmans. Sa spécialité à lui réside dans un mélange suranné d’ésotérisme et d’érotisme. Il montre, à une Jeanne troublée, ses livres sur le marquis de Sade, mais surtout il lui communique un manuscrit d’Émérence, dans lequel celle-ci narre sa vie et les épreuves auxquelles elle a été confrontée. C’est dans ces pages que Jeanne va effleurer enfin une partie de l’énigme que représente pour elle la sainte. Le cheminement de Jeanne arrive à son point d’aboutissement. Ce voyage à l’intérieur d’elle-même la fait parvenir à une lucidité neuve. Etlle a accompli le pas au-delà qui la mène vers autre chose, peut-être une nouvelle vie, plus riche, plus spirituelle, plus féconde – mais désormais sans Émérence, rendue au Très-Haut…

Franck Maubert, Une odeur de sainteté. Éd. Du Mercure de France, 120 pages.

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La lourde responsabilité d’Israël dans le sang qui coule

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Sud d'Israël, 14 octobre 2023 © Maya Allerruzzo/AP/SIPA

N’en déplaise aux tenants de la pensée unique, il est encore possible de critiquer Israël quand bien même ce pays est meurtri dans sa chair.


Car le sang qui a coulé sur son sol coule à présent sur le sol de Gaza. Non que les Gazaouis soient parfaitement innocents de ce qui leur arrive. Après tout, ils ont élu le Hamas, et bon nombre macèrent chaque jour dans la haine du Juif. Mais beaucoup subissent la situation, n’ont pas voulu du Hamas et encore moins de ses attaques terroristes. La bande de Gaza, ce n’est pas la bande à Baader en version islamiste. Bien sûr, la guerre est toujours une tragédie ; bien sûr, elle fait des « dommages collatéraux », des morts non voulues, contrairement aux crimes du Hamas, ses crimes contre l’humanité ; bien sûr, ce même Hamas se cache dans la population et l’empêche d’évacuer, comme le veut l’armée israélienne ; et de toute façon, on ne peut demander un cessez-le-feu à Israël plus qu’on aurait pu le demander aux Etats-Unis bombardant Dresde ou Berlin pendant la Deuxième guerre mondiale. Il n’en reste pas moins que le sang coule à Gaza, et qu’Israël en porte une lourde responsabilité.

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Non à cause d’une abominable politique « d’extrême droite » dénoncée par la gauche hystériquement antisioniste (quand elle n’est pas antisémite), mais bien au contraire pour s’être gauchisé, pacifisé, wokisé même. Quelles que soient les déficiences de l’armée ou du gouvernement israéliens, la question demeure : comment est-il possible que des jeunes aient été autorisés à faire une rave-party à quelques kilomètres de ceux qui ne rêvent que de pogroms ? Comment se fait-il que ces centaines de festivaliers n’étaient pas armés ? Comme le dit Trump, les terroristes du Bataclan auraient été bien reçus si la France laissait chacun porter une arme. À plus forte raison est-ce vrai dans un pays cerné par des terroristes. Quand le 24 octobre, lors de sa conférence de presse aux côtés d’Emmanuel Macron, Benyamin Netanyahou explique qu’Israël et le Hamas, c’est comme l’État islamique à vingt minutes de Paris, que nous dit-il au fond, sinon que son peuple a versé dans une insouciance coupable ?

A ne pas manquer, la discussion entre Jeremy Stubbs, Céline Pina et Ivan Rioufol: L’apocalypse de notre temps

Coupable, oui coupable de s’être ramolli. Le ramollissement est une grande tare de nos sociétés, et la gauche postmoderne pétrie d’idéaux débilitants son étendard. Le ramollissement, c’est la mort d’Israéliens dans les pires actes de barbarie que les Juifs aient connus depuis Hitler. Mais cette fois les Juifs avaient des armes. Ils ont préféré danser. Ce n’est pas seulement de leur propre vie qu’ils étaient responsables, mais aussi de celle des Gazaouis bombardés dans un raffermissement bien tardif. La responsabilité d’Israël, vis-à-vis de sa population comme de celle de Gaza, était que le Hamas ne puisse pas attenter ainsi à sa sécurité. Ce n’est pas qu’une faillite tactique, c’est une faute morale.

Depuis les attentats du 7 octobre, les Israéliens en prennent enfin conscience : beaucoup ont demandé un port d’arme et le gouvernement a assoupli les règles en la matière. Que cela serve de leçon au passage à l’Occident, pourri par la féminisation, le pacifisme et la gauche : la guerre est l’état naturel de l’homme dans un monde aux ressources finies. Pire : un monde où toute sorte d’idéologies totalitaires veulent régner sur les âmes. Si tu veux la paix, commence déjà par tenir ta frontière.

Mayeul Tur est l’auteur de Pute finale (Editions Sans Pitié, 2023).

Marine Tondelier, une Karen selon Danièle Obono

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La conseillère régionale des Hauts de France Marine Tondelier, Pantin, 14 octobre 2023 © SIPA

Apparu en 2017, Karen est un terme péjoratif utilisé dans les pays anglo-saxons pour désigner une femme blanche de la classe moyenne qui s’insurge de tout, veut « parler au directeur » et perpétue le racisme systémique. Victime collatérale du conflit au Proche-Orient déclenché par les islamistes du Hamas, l’autre Marine d’Hénin-Beaumont s’est vue attribuer le sobriquet par son alliée Danièle Obono. Après avoir fait des courbettes aux islamo-gauchistes, en débattant avec Médine fin août, la patronne des Verts n’avait qu’à pas critiquer les analyses des Insoumis sur le Hamas, et scander le slogan de paix «Allah Akbar» à République comme tout le monde.


Face aux réactions offusquées de la classe politico-médiatique à ses propos outranciers, Danièle Obono (LFI) préfère le plus souvent se terrer dans l’indifférence. Mais, lorsqu’une de ses alliées de circonstance la critique, elle se rebiffe ! La députée insoumise n’a en effet pas franchement supporté que la cheffe du parti EELV, Marine Tondelier, lui reproche ses déclarations sur le Hamas. 

En réponse, elle l’a qualifiée de… « Karen ». Et cela n’a rien à voir avec le temps d’abstinence et de prière que respectent les catholiques avant Pâques ! Non, il faut le savoir, « Karen » est utilisé par les ultra-progressistes aux Etats-Unis pour désigner l’archétype de la mère quadra, râleuse invétérée et contrôleuse en chef des travaux finis. Bref une mégère, et elle serait plutôt WASP, plutôt blonde et plutôt pro-Trump. Autrement dit, du point de vue des gauchistes, une grosse raciste néocoloniale et néofasciste ! Il est cocasse de voir que celle qui, de Charlie Hebdo à Valeurs actuelles, ne tolère aucune caricature à son sujet, verse elle-même dans la caricature lorsqu’il s’agit de critiquer les gens qui ne pensent pas comme elle… 

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Voilà l’écologiste habillée pour l’hiver. Et depuis, la cheffe de file des Verts a aggravé son cas. Après avoir exprimé son désaccord avec une partie des Insoumis (Danièle Obono en tête, donc, laquelle considère le Hamas comme une force de résistance et aurait rédigé le communiqué réservé de LFI après le massacre du 7 octobre en Israël), Karen Tondelier a estimé qu’il était « débile et choquant » de crier « Allah Akbar » le jour de l’enterrement de Dominique Bernard assassiné sous les mêmes cris. 

Sur Twitter, certains saluèrent ses propos, jugés comme une prise de conscience salvatrice. Mais, cette nouvelle prise de position n’a fait qu’accentuer la rupture avec la complaisance de ses petits copains d’extrême gauche pour qui les « Allah Akbar » sont des louanges musulmanes à « Dieu le plus grand », et un appel pacifique au cessez-le-feu. Son indignation s’opposait toutefois également aux déclarations d’élus de son propre parti, comme la pourfendeuse en cheffe de la masculinité toxique, l’irremplaçable Sandrine Rousseau, pour qui les « Allah Akbar », accompagnés des slogans « Israël Assassins » ou « Macron complice », scandés avec une exaltation haineuse par les manifestants, ont résonné comme des chants de paix. Accusée de verser dans l’abjecte stigmatisation, menacée par le rouleau compresseur de l’”islamophobie”, Marine Tondelier a dû vite rétropédaler et s’adonner à une séance d’autoflagellation à travers un thread d’excuses sur Twitter qui révèle l’étendue de son manque de courage. Pas de sobriété quand il s’agit de pénitence !

« Je n’aurais pas dû laisser un amalgame s’immiscer dans mes propos », regrette-t-elle avant de demander pardon aux musulmans qu’elle a pu blesser. Puis, elle publie un second tweet pour se justifier. Elle explique que c’était son devoir de s’excuser, car c’est ça le rôle d’un responsable politique. Tout en niant sa responsabilité directe dans la polémique, rejetant quasiment la faute sur les journalistes qui ne savent jamais poser la bonne question. Cette allégeance à la lâcheté suffira-t-elle pour revenir dans les petits papiers de Danièle Obono ?

Cujus regio, ejus religio

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Manifestation de soutien à la Palestine, Istanbul, Turquie, 20 octobre 2023. Le 25, Erdogan a attaqué l’État hébreu et qualifié de « libérateur » le Hamas, à l’origine du massacre de civils israéliens le 7 octobre. Et il a conspué les « puissances occidentales qui versent des larmes pour Israël et ne font rien d’autre »... ©SOPA Images/SIPA

Et dire que les peuples européens pensaient être sortis de la religion (Marcel Gauchet)…


Ce n’est pas la première fois qu’on tue au nom de Dieu en France et en Europe, ce n’est pas la première fois qu’on assassine et qu’on massacre au nom de la religion. En revanche, on pouvait à bon droit penser que, en tant que fait de société, en tant que fait collectif, c’était derrière nous depuis la fin du XVIe siècle et les innombrables édits de tolérance qui se sont succédé sur le Vieux Continent pour aboutir in fine à rétablir la paix parmi tous ces chrétiens qui s’entre-égorgeaient car certains affirmaient que Dieu était dans l’hostie (transsubstantiation) quand d’autres prétendaient que non (consubstantiation). Après quelques siècles de philosophie politique, de Lumières, de révolutions parfois, de lente déchristianisation à peu près partout, de sécularisation (voire de laïcisation à la française) et d’emprise grandissante de l’Etat de droit consacrant les libertés individuelles au détriment de toute contrainte collective, l’affaire semblait entendue : nos vieux pays judéo-chrétiens étaient sortis de la religion (Marcel Gauchet) et plus jamais cette dernière ne dicterait à la population les comportements qu’elle devait adopter.

A lire aussi, Jérôme Fourquet: « Nous sommes pratiquement arrivés au stade terminal de la déchristianisation »

L’immigration, une chance pour l’intolérance ?

C’était sans compter sur les vagues migratoires des cinquante dernières années qui ont fait petit à petit cohabiter sur un même territoire des gens qui n’ont pas le même rapport à la politique et à la religion. Une cohabitation qui a été pensée comme harmonieuse par ignorance et par arrogance, avec pour toile de fond un universalisme qui n’a tiré aucune leçon de la désastreuse aventure coloniale qui a pris fin dans les années 1960. Au nom d’une unité du genre humain scientifiquement établie et par expiation du racisme nazi érigé en politique d’État, les élites occidentales ont renouvelé sous d’autres formulations le discours révolutionnaire de Saint Paul selon lequel « il n’y avait plus ni Juif, ni Grec, etc. », au mépris de la réalité la plus élémentaire et de l’histoire immédiate : c’est justement parce que l’universalisme colonisateur de Jules Ferry et de ses camarades est apparu comme une négation intolérable de l’identité des peuples sur lesquels il s’est exercé que les empires coloniaux se sont effondrés pour laisser la place à une multitude d’États indépendants. Dans les années de bouleversements géopolitiques qui ont marqué le monde de la Guerre Froide, la politique et ses combats ont complètement masqué le substrat culturel qui constituait le quotidien des peuples : il suffit de lire L’Usage du monde de Nicolas Bouvier pour comprendre que la Turquie ne s’est jamais sécularisée en profondeur par exemple, contrairement à l’image de modernité renvoyée par les dirigeants turcs. De la même manière, l’opposition entre l’Est et l’Ouest, entre capitalistes et communistes, ainsi que l’effervescence nationaliste qui a animé de nombreux pays et imposé des régimes forts un peu partout où les puissances coloniales s’étaient retirées, ont imposé une grille de lecture partielle et partiale occultant un phénomène aussi puissant et essentiel que le regain de vigueur de l’islam en tant que force politique. Autrement dit, la décolonisation n’a souvent été que superficielle, les jeux de domination et de concurrence se faisant désormais par procuration, les anciens colonisés devenant des victimes s’insérant dans un discours politique abstrait qui ne tient aucun compte des réalités locales, notamment religieuses et culturelles.

A lire aussi, Jeremy Stubbs: Les pogromistes des campus américains

Arras, 19 octobre 2023 © Michel Spingler/AP/SIPA

Des lendemains qui chantent…

Le problème, c’est que le réel finit toujours par s’imposer. Et, en l’occurrence, le réel veut que la plupart des gens soient porteurs d’une histoire, d’une culture, de coutumes et de la vision du monde qui en découle. Autant de choses face auxquelles la seule consommation de nos pays riches fait pâle figure. On ne voit guère comment l’Europe matérialiste et hédoniste du XXIe siècle réussirait là où l’Empire romain a échoué avec son pain et ses jeux face à des chrétiens porteurs d’un autre projet de société. La volonté politique ne suffit pas, ainsi qu’en atteste l’échec des persécutions de Dèce ou de Dioclétien : sans unité profonde entre le peuple et le souverain, le changement finit par advenir, pacifiquement ou pas. Cette unité a été conceptualisée au moment de la paix d’Augsbourg de 1555 et résumée quelques décennies plus tard sous l’expression : « Cujus regio, ejus religio ». Il ne saurait y avoir concurrence de projet de société sur un même territoire ; or, politique et religion sont tous deux porteurs d’un projet de société, soit ils se recoupent parfaitement, soit ils s’excluent radicalement, mais il n’y a pas de place pour les deux dans un même espace donné. Par religion, on entend une pratique forte et contraignante, une morale qui tient lieu de loi et une vision du monde qui structure les conceptions et les comportements. Pour la plupart des Européens contemporains, cette définition est incompréhensible tant ils sont habitués à confondre religion et croyances personnelles ou spiritualité non contraignante. Dès lors, on ne voit pas quelle religio pourrait rassembler, lier, réunir les peuples européens qui ont remplacé les princes de la Renaissance en tant que détenteurs de la souveraineté. Et comme le projet politique de l’UE est en fait une absence de projet et un refus de la politique qui excluent les peuples de l’exercice de la souveraineté, il semble que la seule conclusion qu’on puisse tirer des rapports de force actuels est qu’une guerre civile éclatera prochainement, entre immigrés porteurs d’une autre civilisation et autochtones déculturés, une guerre dont l’issue est incertaine. À moins d’une Soumission pure et simple, comme cela entrevue par Houellebecq. Ou encore une Révolte des élites poussée plus loin que celle entrevue par Christopher Lasch, avec une disparition pure et simple du peuple, devenu inutile et encombrant.

Devant l’inaction des gouvernants face à une menace existentielle qui s’abat sur nos démocraties depuis plusieurs décennies, c’est une perspective difficile à exclure.

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Tous lupiniens!

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© DELALANDE RAYMOND/SIPA

La série Arsène Lupin compte 17 romans et 39 nouvelles, ainsi que cinq pièces de théâtre. La série télévisée avec Omar Sy, diffusée dans le monde entier, va-t-elle relancer les ventes ? Qui était Maurice Leblanc (1864-1941), et qu’a-t-il écrit d’autre?


Qui n’a jamais croisé Arsène Lupin ? Difficile de lui échapper. Depuis des lustres, il est partout, dans les romans, le théâtre, les bandes dessinées, le cinéma, la chanson, la télévision. Ainsi a-t-il récemment occupé, plusieurs saisons durant, la plateforme vidéo Netflix.

Un héros insaisissable

Lupin est d’autant plus omniprésent qu’il se dissimule sous maints pseudonymes, de Raoul d’Andrésy à Horace Vermont, de Désiré Baudru à Guillaume Berlat, sans oublier Michel Beaumont ou Jean Dubreuil. Il n’hésite pas à endosser l’identité d’aristocrates comme le Baron Andredi, et de quelques hauts gradés de l’armée tels les colonels Beauvel ou Sparmiento, entre bien d’autres avatars liés aux nécessités d’intrigues dépassant le seul cadre policier.

Qui donc était ce personnage paraissant bénéficier, entre autres dons, de celui, d’ubiquité ? À en croire Jacques Lanzmann, chanté par Jacques Dutronc, « C’est le plus grand des voleurs / Oui, mais c’est un gentleman ». Paradoxe décliné entre 1907 et 1941 dans quelque dix-sept romans, trente-neuf nouvelles et cinq pièces de théâtre.

Maurice Leblanc, écrivain bifrons

Leur père, c’est Maurice Leblanc. Un auteur des plus prolixes dont l’œuvre ne se borne pas aux seules aventures du gentleman-cambrioleur. L’existence de l’écrivain, né à Rouen en 1864, mort à Perpignan en 1941, a été jalonnée par les conflits internationaux. Outre la guerre de 1870, les deux guerres mondiales de 14-18 et de 39-45 ont laissé leur empreinte sur son inspiration. On en trouve des traces dans son œuvre. Il débute en 1890 dans le journalisme, publie trois ans plus tard son premier roman, Une femme. Il a fréquenté, durant son adolescence, Flaubert et Maupassant dont l’influence est manifeste sur son style. Mais ses véritables débuts, il les fera dans le magazine Je sais tout, avec une nouvelle, L’Arrestation d’Arsène Lupin, calquée sur Les Aventures de Sherlock Holmes, de Conan Doyle. Nous sommes en 1905, la machine est lancée. Suivront Arsène Lupin, gentleman cambrioleur, puis Arsène Lupin contre Herlock Sholmès qui mettra en fureur Conan Doyle, vexé de voir ainsi son héros parodié. Qu’importe ? Le succès est au rendez-vous, concrétisé par la légion d’honneur attribuée au romancier.

A relire, du même auteur: Fernando Pessoa ou l’inconfort intellectuel

Dès lors, les aventures du gentleman cambrioleur s’enchaînent. Le héros séduit les foules. À la fois charmeur et escroc, épris de liberté jusqu’à friser l’anarchie, soucieux de justice sociale mais rompu aux rites de l’aristocratie, dépourvu de scrupules mais empreint de sensibilité, d’intelligence et d’humour, il a tout pour séduire les catégories de lecteurs les plus diverses. Au point de porter ombrage à son créateur dont la renommée est en passe d’être éclipsée par celle de son héros devenu emblématique. C’est ainsi que dans 813 (1910) le géniteur tente de se muer en parricide. Peine perdue : son rejeton ressuscitera dans Le Bouchon de cristal (1912). Lupin résistera jusqu’au bout, et même au-delà, jusqu’au Dernier amour d’Arsène Lupin, roman posthume publié en 2012.

Cryptage et décodage

Pour imposante et prégnante qu’elle soit, la saga lupinienne ne saurait éclipser le reste de la production de son auteur. Contes, nouvelles, romans, pièces de théâtre témoignent, outre de sa fécondité, de la variété de ses centres d’intérêt.

Cette œuvre composite en apparence a provoqué, jusqu’à nos jours, gloses et commentaires. Et si elle était cryptée ? Si un réseau subtil autant que secret reliait L’aiguille creuse à La Cagliostrio se venge ? En d’autres termes, si un autre Maurice Leblanc se cachait sous le conteur d’histoires policières ? Patrick Ferté en est convaincu. Il le démontre dans son Arsène Lupin, Supérieur inconnu1 et son argumentation est on ne peut plus cohérente. Pour lui, Leblanc était un initié, familier des arcanes et des signes occultes. Toute son œuvre est traversée de symboles, de cryptogrammes, de preuves que l’odyssée lupinienne tire sa cohérence du message codé qu’elle recèle. L’auteur établit des relations troublantes avec l’énigme de Gisors, ou encore le trésor de Rennes-le-Château, entre autres. Révélations stupéfiantes. Elles confèrent aux aventures d’Arsène Lupin une dimension aussi troublante qu’inattendue.

Enfin, parmi les gloses suscitées par le gentleman cambrioleur, comment ne pas citer la Revue des Etudes Lupiniennes2, un fanzine créé en 1967 par Jean-Claude Dinguirard, fervent lupinien, brillant universitaire, pionnier de l’ethnolinguistique et régent du Collège de Pataphysique ? Ce linguiste, prématurément disparu, a laissé une œuvre considérable témoignant de sa culture et de sa perspicacité, sans parler de son humour. La REL, diffusée principalement dans la région toulousaine entre 1967 et 1971, a été récemment exhumée par son fils Frédéric qui s’attache à ressusciter l’œuvre paternelle, contient des petits joyaux sur et autour de Lupin. À déguster sans modération !

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  1. Ed. Trédaniel, 2004. ↩︎
  2. data.bnf.fr ↩︎

La consultation

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Salle d'attente. Image d'illustration Unsplash.

Multiplication des déserts médicaux, hôpitaux surchargés, urgences fermées, personnels sous-payés, médecins généralistes en grève, pénurie de médicaments, tel est le triste état de notre médecine. Heureusement, ce ne fut pas toujours le cas, ainsi qu’en témoigne ce conte.


   À mon arrivée chez le docteur Bonnemaison, j’eus l’heureuse surprise de trouver la salle d’attente déserte. Je coupais ainsi à ces interminables stations assises, occupées par la lecture de revues dénuées d’intérêt, le Mensuel du collectionneur de cravates, Les mille et une recettes de tante Rosalie ou Modes et travaux forcés. Tous périodiques dont l’unique vocation semble être de meubler les antichambres de praticiens où on les trouve en exclusivité. Défraîchis, le plus souvent. Déposés là depuis des mois, voire des années. Gorgés sans doute – et c’est le côté le plus déplaisant de l’affaire – de colonies de microbes plus extravagants les uns que les autres. De quoi exciter l’imagination d’un hypocondriaque.

   Dieu merci, ce n’est pas mon cas. Ma visite chez Bonnemaison n’était pas motivée par une vive inquiétude. Je m’installai donc en attendant que la porte du cabinet s’ouvrît pour libérer le patient précédent. L’affaire, sans doute, de quelques minutes.

   En réalité, l’attente se prolongea une bonne demi-heure au bout de laquelle le médecin parut enfin. Il était seul et s’avança d’un pas lourd vers la pièce où j’attendais sa venue. Il me tendit la main.

   « Comment allez-vous ? »

   La question avait de quoi surprendre. Sauf au cas, bien improbable, d’une simple visite de courtoisie, il paraissait évident que ma présence était motivée par le fait que, précisément, ma santé n’était pas florissante. Qu’à tout le moins, quelque chose clochait. Il est rare, pour ne pas dire tout à fait exceptionnel,  qu’on se rende chez le médecin pour l’informer que tout va bien. Que nulle indisposition n’affecte notre sérénité. Qu’aucune maladie ne pointe son vilain mufle. Sauf en Chine, paraît-il. Mais c’est un pays plutôt lointain.

   Je m’abstins donc de répondre précisément à son interrogation, me contentant d’un vague murmure auquel il ne prêta aucune attention, et lui emboîtai le pas pour pénétrer dans son bureau.

   « Et vous-même, docteur ? »

   Un réflexe. L’habitude de ces jeux de ping-pong auxquels l’urbanité nous a accoutumés dès l’enfance, « après vous », « je n’en ferai rien » et autres formules stéréotypées dont l’une entraîne mécaniquement l’autre sans que notre conscience en soit pour autant alertée.

   Il s’immobilisa sur le seuil, s’effaça pour me laisser entrer.

   « Pas très bien. A vrai dire, je suis un peu inquiet. »

   Il me désigna le fauteuil en face de la grande table derrière laquelle il prit place. Un ordinateur, des livres parmi lesquels je reconnus le Vidal, cette bible des thérapeutes.

   « Asseyez-vous, mettez-vous torse nu, je vais mesurer votre tension artérielle ».

   Tandis que je m’exécutais, il se saisit d’un stéthoscope, vint s’installer à côté de moi. Il avait l’air soucieux, tournait et retournait l’instrument entre ses doigts.

   « C’est surtout la nuit, dit-il. Vers deux heures du matin. Parfois trois heures. Une douleur là, indéfinissable. »

   Il désignait sur mon propre abdomen une zone plutôt imprécise.

   « Le foie ?, hasardai-je.

   – Vous croyez ?

   – Pourquoi pas…

   – Pourtant, à la palpation, je ne sens rien. Et je n’ai pas le teint d’un hépatique. Qu’en pensez-vous ? »

   Il s’était écarté pour se placer en pleine lumière.

   « En effet, pour autant que j’en puisse juger. Vous avez le teint frais et la mine vermeille.

   – Ce ne serait donc pas le foie, conclut-il, l’air pensif. Du reste, ma douleur s’accompagne souvent d’une sorte de crispation du diaphragme. Et même, quand j’y songe, d’un essoufflement qui survient de façon quasi simultanée. »

   Comme il se taisait, je me sentis tenu de relancer.

   « Il y a longtemps que cette douleur est apparue ?

   – Un mois, un mois et demi, peut-être un peu plus. A vrai dire, je n’y ai pas pris garde, au début.

   – Vous auriez sans doute dû consulter.

   – Vous savez ce que c’est… On est pris par le quotidien, on oublie… On se néglige… »

   Il avait l’air vraiment désemparé. Au point que je crus bon de le rassurer.

   « Ma grand’mère, dis-je, présentait à peu près les mêmes symptômes. Je m’en souviens. Elle était bien plus âgée que vous ne l’êtes. »

   Il sursauta.

   « Et elle en est morte ?

   – Pas du tout. Elle s’en est très bien remise. Je la revois encore absorbant son médicament avec une moue de dégoût, car la potion était, disait-elle, d’une amertume insoutenable. Une poudre verdâtre qu’elle diluait dans un verre d’eau. Une préparation pharmaceutique. Efficace, en tout cas.

   – Vous souvenez-vous du nom de la potion ?

   – Oui. Quelque chose comme trianophénol, ou trianophérol. « 

   Il détacha une feuille d’ordonnance de la liasse posée sur son sous-main, me la tendit avec un crayon à bille attaché par une chaînette à son support.

    » Auriez-vous l’obligeance de noter le nom du médicament ? »

   Je m’exécutai, prenant soin de rendre mon écriture aussi lisible que possible. Une écriture de médecin, aux dires de mes proches qui avaient peine à élucider mes gribouillis.

   Il saisit l’ordonnance, la déchiffra sans peine.

   « Parfait. Mais vous n’avez pas précisé la posologie », ajouta-t-il en me tendant à nouveau le papier.

   « Vingt grammes par jour en deux prises, à distance des repas. Voilà qui devrait faire l’affaire ».

   Je m’empressai d’ajouter ces détails au bas de la feuille.

   « C’est ainsi que procédait votre grand’mère ?

   – Oui, lui dis-je. C’était devenu une sorte de rituel auquel toute la famille participait. « Grand’mère, ta potion ! » Une espèce de mot de passe. De pense-bête.

   – Combien de temps dura le traitement ? Vous le rappelez-vous ?

   – Quelques semaines, huit, dix, je ne saurais préciser avec certitude. Ce qui est certain, c’est que ses douleurs s’estompèrent, puis finirent par disparaître définitivement. »

   Bonnemaison avait l’air satisfait. Avant même la potion, il buvait mes paroles, tout en jouant avec son stéthoscope. Cependant, comme j’étais toujours torse nu, attendant l’intervention qu’il m’avait annoncée, je crus bon de le rappeler à sa fonction.

    » Vous m’avez demandé d’ôter ma chemise, docteur…

   – Mais oui, bien sûr ! Où avais-je la tête ? Vous pouvez vous rhabiller. D’autant qu’un chaud et froid est vite arrivé. Nous sommes au seuil de l’automne. Autant dire qu’on ne sait plus comment se vêtir, entre les habits d’été, trop légers, et les pelisses d’hiver, trop épaisses…

   – Et ma tension artérielle ? Vous ne la vérifiez pas ? Pas d’auscultation ? Pas d’examen ? »

   Mes questions furent balayées d’un revers de main.

   – Inutile. Ce type de douleur ne requiert pas de telles investigations. Mais je voulais vous demander : la potion, chez quel pharmacien ?

   – Grande Pharmacie des Arcades. Sur la place Arago. Maison de confiance.

   – C’est aussi mon avis. »

   Il se leva, me signifiant par là que la consultation était terminée. Il arborait désormais un sourire éclatant qui contrastait avec la mine défaite affichée quelques moments plus tôt.

   « Vingt-trois euros, dit-il sobrement. En espèces, de préférence. Si vous voulez bien me confier votre carte Vitale… ».

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Séparatisme: le maire de droite et la bachelière voilée

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La jeune bachelière Birqis a pris une pause sur le temps consacré à ses études, pour témoigner de la terrible injustice dont elle dit avoir été victime à cause de son voile islamique. D.R.

« Il m’est arrivé un truc complètement scandaleux et qui montre qu’en France l’islamophobie est devenue un droit », affirme une lycéenne française sur les réseaux sociaux. Elle au moins, on ne peut pas l’accuser de pratiquer la taqîya. Le commentaire d’Elisabeth Lévy.


« Le maire et la bachelière voilée ». Cela pourrait presque être le titre d’un film d’Eric Rohmer…  Samedi, la ville de Francheville, dans le Rhône, organisait une cérémonie pour les bacheliers avec mention. Ces derniers recevaient un prix, 100 euros, puis posaient avec le Maire de la commune, Michel Rantonnet (LR). Parmi les lauréats, il y avait Bilqis, la « seule voilée », précise-t-elle. Quand elle s’avance pour prendre la photo, le maire s’éclipse quelques secondes, puis revient pour le lauréat suivant. L’élève doit se contenter de poser avec une adjointe.  

Esclandre numérique sur TikTok

Ce récit semble à peu près confirmé par la vidéo que la bachelière a posté sur TikTok, et assez raccord avec les idées du maire, lequel a parrainé Éric Zemmour, et s’est opposé à un centre d’accueil pour migrants. Bilqis ajoute qu’avec sa famille, elle aurait essayé de lui parler. « Je ne veux pas parler ni prendre de photo avec vous », lui aurait-il dit. Commentaire de Bilqis : « Ils ne cachent plus leur mépris de l’islam et des musulmans». Depuis, cette vidéo, relayée par le fameux CCIE, est devenue virale. Le CCIE, Comité Contre l’Islamophobie en Europe, dont le grand combat est de démontrer que toute la France est islamophobe, a succédé au CCIF dissous en 2020.

A lire aussi: A. Finkielkraut : « Ce qui fait peur, c’est la convergence entre les pillards et les Insoumis »

Sur les réseaux sociaux, depuis, on assiste à une bataille rangée. Les partisans du maire rappellent que le voile n’est pas français, en termes plus ou moins choisis. Et ceux de Bilqis le traitent de facho, de raciste ou évidemment d’ « islamophobe ». Des élus écolos font chorus. Le groupe Francheville respire demande ainsi « des excuses publiques », et Bilqis annonce qu’elle va porter plainte et donner son prix pour la Palestine. Quel rapport ?

Alors qui a raison ?

Je vais vous étonner, mais je comprends la tristesse de Bilqis, qui voulait que sa famille soit fière d’elle pour avoir eu sa mention au baccalauréat. Le maire aurait pu être plus courtois et pédagogique. Je ne dis pas pour autant qu’il aurait dû poser avec elle et son voile islamique. Je pense par exemple à Robert Ménard, le maire de Béziers. Lui n’aurait sans doute pas fui. Il lui aurait expliqué pourquoi son voile le choquait, mais avec un mot gentil pour ses résultats ou pour ses parents. Quand on le peut, il est toujours préférable de défendre ses principes sans froisser les individus.

Mais cette exigence de tact vaut aussi pour Bilqis et pour ses défenseurs. Au lieu de hurler immédiatement à l’islamophobie, de rameuter les réseaux, voire de porter plainte, Bilqis et ses partisans devraient essayer de comprendre pourquoi le voile heurte tant de leurs concitoyens. Pour les Français, le voile, ce n’est pas une question religieuse. Et ils n’ont pas tellement de problème avec la religion musulmane. Mais le voile est un affichage identitaire, un signal faible de séparatisme qui signifie « je suis d’abord musulman ». Et bien sûr, c’est aussi un étendard de nos ennemis, l’étendard de gens qui assassinent des Français. Attention, bien sûr, la loi n’interdit pas à la lycéenne de le porter dans une salle des fêtes. Mais elle aurait pu s’abstenir de le porter, comme au lycée.

À lire aussi, du même auteur: A gauche, la défaite en chantant

Ce que nous dit cet incident, c’est que la seule façon de mener le combat culturel consiste à parler franchement. Nos concitoyens musulmans ne sont pas des enfants, ce ne sont pas des victimes. On devrait pouvoir leur dire des choses, y compris difficiles à entendre. Par exemple, leur dire que l’égalité entre les individus, qui est un absolu pour nous, ne signifie pas l’égalité de statut entre les cultures. C’est aux derniers arrivés de s’adapter aux mœurs françaises, et ce n’est pas une punition.

Au lieu de se complaire dans le confort victimaire, nos compatriotes musulmans devraient comprendre que la France peut-être une chance pour l’islam.

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