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Les pogromistes des campus américains

Depuis le massacre du 7 octobre, beaucoup d'étudiants sur les campus américains ont montré un visage hideux


Les pogromistes des campus américains
Bibliothèque de la George Washington University, dans la capitale américaine. DR.

Dans une exhibition de sentiments pro-Hamas d’une rare obscénité, des étudiants et des profs de fac partout aux Etats-Unis ont dévoilé leur vrai visage. En prêchant des leçons de « paix » et de « résistance » depuis leurs bibliothèques et bureaux cossus, ces terroristes en pantoufles s’avèrent être les idiots utiles et les jouets des vrais terroristes. Enquête au pays de l’abjection.


Nous savions déjà que l’extrême-gauche révolutionnaire – trotskyste, maoïste et autre – des années 1970-1990 avait partie liée avec les organisations terroristes qui se flattaient de libérer les peuples du tiers-monde courbés sous le joug de l’oppression capitaliste et néocoloniale. La focalisation spéciale sur la cause dite « palestinienne », telle qu’elle était définie par ces apologistes de la violence insurrectionnelle, représentait une feuille de vigne qui cachait à peine leur antisémitisme. L’extrême-gauche wokiste d’aujourd’hui, qui lutte pour les revendications les plus extravagantes des transgenres, la « déconstruction » de tous les hommes, la discrimination « positive » sans complexe et le versement de réparations par les Blancs aux non-Blancs, se prétend très différente. Son terreau étant les campus américains, où des étudiants respectueux de la loi ne feraient qu’exprimer leur inquiétude concernant des questions d’égalité, de diversité et de genre, elle proclame sans cesse qu’elle n’a rien à voir avec le terrorisme. Les violences commises lors des manifestations BLM ont permis de douter de ce pacifisme affiché, ainsi que les accointances entres activistes wokistes et militants antifa. Mais les atrocités commises par le Hamas viennent de jeter une lumière crue sur la sympathie profonde qu’éprouvent les intellos engagés et les enfants gâtés des universités nord-américaines pour les jihadistes les plus sanguinaires de la planète.

Comme dans le passé, c’est encore la cause « palestinienne » qui sert de révélateur, mettant à nu une haine aussi destructrice qu’irresponsable qui, chez ces idéologues, se dissimule mal sous le voile de l’hypocrisie. Mais cette fois la distinction est plus claire que jamais entre ce que pourrait être une vraie « cause » des Palestiniens qui, comme tout peuple, ont droit à la vie, à la liberté et à la quête du bonheur, et la cause des terroristes du Hamas. Certaines déclarations d’étudiants et de professeurs américains ont été rapportées dans les médias français, mais le nombre et la gravité de ces incidents méritent être soulignés dans la mesure où ils révèlent l’enracinement profond dans une certaine culture universitaire des attitudes les plus inhumaines déguisées sous les oripeaux d’un humanisme pacifique.

Florilège de l’indécence

C’est un groupe d’étudiants « alliés » de la Palestine à Harvard qui a eu la gâchette la plus facile, bricolant un texte de soutien le jour même où le Hamas a déclenché son opération infernale. Le soir du 7 octobre, donc, ils ont publié sur Instagram une déclaration conjointe, contresignée par plus de 30 autres associations d’étudiants de l’université, affirmant que « Nous […] tenons le régime israélien pour entièrement responsable de la violence en cours ». Devant l’esclandre public qui a accueilli cette déclaration, certains représentants d’association ont fait marche arrière, prétendant qu’ils n’avaient pas lu la déclaration.

The New York Post, 26/10/2023

Le même jour, Zareena Grewal, professeur d’anthropologie historique à Yale, se qualifiant elle-même de « musulmane radicale », publiait sur X :  « Israël est un État meurtrier, génocidaire, colonialiste et les Palestiniens ont parfaitement le droit de résister par la lutte armée, solidarité #FreePalestine ». En réponse à la publication d’une journaliste britannique protestant que « des civils sont des civils », elle a commenté sèchement : « Des colons ne sont pas des civils. Ce n’est pas dur à comprendre ». Une pétition ayant récolté plus de 50 000 signatures exige qu’elle soit renvoyée. Jusqu’à ce jour, en vain. Sans surprise, son « islam radical » se double d’anticapitalisme – c’est normal dans une université prestigieuse financée par les grandes entreprises et les fortunes familiales de ses alumni.

Compte X de Zareena Grewal, aujourd’hui il faut lui demander un abonnement pour avoir accès à ses postes.

Le lendemain, Joseph Massad, professeur d’études du Moyen Orient à l’université de Columbia, s’est révélé plus disert. D’origine jordanienne et de foi chrétienne, il a publié un article dans la revue en ligne, The Electronic Intifada, pour célébrer la grande réussite de l’action du Hamas. Saluant leur usage de parapentes comme « innovant », comme s’il s’agissait de la mise sur le marché d’un nouveau format de capsules à café, il a conclu que le « plus grand succès » de cette opération a été de porter « un coup mortel à la confiance que les colons israéliens pouvaient avoir dans leurs forces militaires et la capacité de ces dernières à les protéger ». Une pétition signée par presque 50 000 personnes a demandé son renvoi. Toujours en vain.

Grewal et Massad, pourtant, se sont cantonnés dans le triomphalisme et les encouragements. A Stanford, le surlendemain, un professeur invité, qui n’a pas été nommé mais qui a été suspendu depuis par les autorités universitaires, a préféré l’action. Tentant de justifier l’opération du Hamas devant une classe de 18 étudiants, il a demandé combien de personnes sont mortes dans la Shoah. A l’étudiant qui a répondu six millions, il a riposté que plus de gens étaient morts sous la colonisation (on suppose qu’il s’agit des empires britanniques, français etc.). Avant d’asséner : « Et Israël est un pays colonisateur ! ». Ensuite, demandant aux étudiants de s’identifier selon leur ethnicité, il aurait envoyé tous les juifs au fond de la salle avec le commentaire : « Voilà ce que fait Israël aux Palestiniens ». Un véritable cours pratique dans l’art d’humilier et de terroriser des innocents qu’on présume coupables.

Le même jour, toujours en Californie mais à l’université sise à Davis, Jemma Decristo, une femme trans de couleur, professeur d’études afro-américaines, a publié sur Twitter un post, depuis effacé, attirant l’attention sur la vulnérabilité des « journalistes sionistes » comme boucs emissaires potentiels :  « ils ont des maisons avec des adresses et des enfants scolarisés […] ils peuvent avoir peur de leurs chefs, mais ils devraient avoir plus peur de nous ». Afin de dissiper tout vestige d’ambiguïté, le texte était suivi des emojis pour un couteau, une hache et des gouttes de sang. L’auteur est toujours en poste.

Capture d’écran reproduite par Campus Reform, 19/10/2023.

Le 17 octobre – à une date où tout le monde aurait dû avoir le temps de bien réfléchir sur la nature des événements en cours – Mika Tosca, encore une femme trans, militante anticapitaliste et climatologue à l’École de l’Art Institute of Chicago, n’a pas pu s’empêcher de vomir son fiel sur Instagram : « Les Israéliens sont des cochons. Des sauvages. Des gens très, très méchants. Des excréments irrécupérables ». Elle a présenté ses excuses par la suite, ce qui est apparemment tout à son honneur, mais cette explosion de haine sans retenue révèle l’atmosphère délétère dans laquelle baignent ces militants déguisés en enseignants-chercheurs.

Capture d’écran reproduite par The New York Post, 18/10/23

Entretemps, le 15 octobre, un spécialiste de la culture politique afro-américaine, surtout radicale, à Cornell, Russell Rickford, a pris la parole devant un meeting pro-palestinien sur un des campus de son université. Devant des banderoles proclamant que l’antisionisme n’est pas l’antisémitisme (une précaution purement oratoire), il a harangué la foule, célébrant les actions du Hamas comme « un défi au monopole de la violence » qui « a changé le rapport de forces », et criant, d’une voix tremblante d’émotion, que ces actions étaient exhilarating (« exaltantes ») et energizing (« dynamisantes »).

The New York Post, 16/10/2023

Face à des appels à son renvoi de la faculté, il a essayé de faire amende honorable, trois jours plus tard, avouant que son langage était « répréhensible » et présentant des excuses « pour le choix de mots abominable que j’ai employé dans une partie d’un discours qui avait pour objectif de souligner les traditions populaires afro-américaine, juive et palestinienne de résistance à l’oppression ». Un tel écuménisme brillait plutôt par son absence dans son allocution. Finalement, malgré une manifestation d’étudiants en sa faveur, le 21 octobre, il a annoncé qu’il partait en congé.

Les sybarites de la haine

Le cas de Russell Rickford est particulièrement instructif. Né en 1975, ses parents étaient tous les deux des professeurs d’études afro-américaines. Il a grandi dans un milieu universitaire, étudiant lui-même à l’université Howard, la faculté d’élite pour les Afro-américains, et à Columbia, avant de rejoindre Dartmouth et ensuite Cornell comme professeur. Il a co-écrit un livre avec son père sur le parler caractéristique des Afro-américains et, seul, une biographie de Betty Shabazz, la femme de Malcolm X qui, comme son époux, était membre de la Nation of Islam. Rickford a toujours évolué donc dans un milieu très circonscrit, dominé par la cause militante des Noirs mais protégé des vrais problèmes des classes populaires noires. Rickford est de ceux qui croient à une unité fondamentale entre la lutte des Afro-américains et celle des Palestiniens dans une sorte de fraternité mondiale anti-blanche. Dans un article de 2021, il avait exhorté les classes populaires noires à « reconnaître la dimension planétaire de la suprématie blanche » et « le besoin de créer des alliances insurrectionnelles internationales transcendant les frontières de couleur et de culture ». Sauf qu’il est peu probable que beaucoup des membres de ces classes aient lu son texte, car il est clair que sa vie n’a rien à voir avec la leur. Rickford est un révolutionnaire de salon qui prêche la révolte sans avoir à y participer et à en subir les conséquences. Et ce qui vaut dans son cas, vaut dans ceux de tous ces professeurs, qu’ils soient des militants BLM, des femmes trans anticapitalistes ou des personnes nées au Moyen Orient ayant trouvé un poste dans une faculté prestigieuse aux Etats-Unis. Leur milieu matériellement confortable est aux antipodes du régime tyrannique imposé aux Palestiniens par le Hamas. Ils lancent leurs anathèmes depuis leurs « safe spaces », loin des bombardements subis par Israéliens et Palestiniens. L’objet de leur recherche étant leur propre identité, ils vivent dans un monde circulaire où tout les ramène à eux-mêmes et les sépare de la cruelle réalité des zones de guerre. Le souci de l’autre se transforme sans cesse en nombrilisme.

Au cours des décennies, l’action de ces enseignants-chercheurs a fait des campus des camps d’endoctrinement, où une minorité de professeurs et d’étudiants exerce une forme de terreur sur la majorité. Côté élèves, on joue à un simulacre de guerre, de guérilla et de mort, visible dans leurs manifestations récentes. Le 11 octobre, à l’université de Wisconsin-Madison, une réunion publique était rythmée par les slogans « Gloire aux martyrs », « Gloire aux résistants » et « Nous libérerons la terre [la Palestine] par tous les moyens nécessaires ». En clair : en tuant les Israéliens comme l’a fait le Hamas. Ici, scander des menaces se substitue à répétition à leur exécution. Le 18 octobre, les étudiants de Harvard ont organisé un « die-in », en partie en réponse à la « frappe aérienne » contre l’hôpital Al-Ahli la veille. Après avoir marché du campus principal à l’école de commerce en chantant le slogan affectionné par les antifa, « Pas de justice, pas de paix », ils se sont couchés sur la pelouse en faisant les morts en un acte de « résistance ». Ce coup de théâtre ne leur a rien coûté, tandis qu’ailleurs des personnes ont vraiment perdu leur vie.

Le soir du 24 octobre, lors d’une manifestation à l’université George Washington, quatre étudiants masqués ont projeté sur les murs de la bibliothèque principale les slogans: « Gloire à nos martyrs », « GW [l’université George Washington] le sang des Palestiniens est sur vos mains », « Payer vos frais de scolarité, c’est financer le génocide à Gaza », et « Libérez la Palestine de la rivière à la mer », ce dernier étant le langage à peine codé pour la destruction de l’Etat d’Israël.

En jouant avec la lumière, ces étudiants jouaient avec le feu, sans trop de conséquences pour eux-mêmes. Dans tous ces cas, il s’agit de mimer une réalité lointaine sans y participer. Peut-on dire que cette forme de comédie sinistre risque de se transformer en passage à l’acte, en violence véritable? Il y a une histoire d’incidents répréhensibles voire macabres à l’université George Washington. A l’automne 2022, des étudiants juifs se sont plaints d’un professeur de psychologie qui aurait pratiqué une forme de discrimination contre eux. En novembre 2021, des étudiants ont été accusés d’avoir posté une vidéo sur Snapchat où une femme déclare: « Nous allons bombarder Israël, mec ». Peu avant, quelqu’un était entré par effraction dans le dortoir d’une fraternité où 25% des étudiants étaient juifs pour profaner un rouleau de la Torah. Dans le cas les projections récentes, ce qui était particulièrement sinistre, c’est que la bibliothèque a reçu des dons importants d’un couple juif, Estelle et Melvin Gelman, dont elle porte le nom. Elle possède une collection importante de documents judaïques. Autrement dit, les manifestants simulent par tous les moyens possibles la destruction d’Israël ou l’effacement des juifs.

Certes, on n’a pas encore vu de véritable pogrom sur les campus américains, mais on peut dire que ces étudiants jouent littéralement le jeu des terroristes du jihad. Ils normalisent le spectacle de la violence et, en même temps, sur le plan pratique, ils font du lobbying pour la cause et collectent sans doute des fonds. A l’abri de tout danger, ils font le travail de groupes dangereux. Ils sont les jouets d’organisations qui promeuvent l’antisémitisme sous couvert d’antisionisme. Le mouvement « Boycott, Divestment, Sanctions » (BDS), appelant à boycotter, à sanctionner et à priver d’investissements les Israéliens, leurs institutions et leurs entreprises, a été créé en 2005 par quelque 170 organismes palestiniens. Dirigé par un comité palestinien, il est très actif dans les universités où il somme régulièrement les autorités académiques de ne pas investir en Israël – jusqu’ici en vain. Students for Justice in Palestine a plus d’universitaires dans son administration – comme Judith Butler – et Jewish Voice for Peace se présente comme un organisme juif antisioniste, mais tous les deux font le même travail que BDS. Les étudiants sont-ils naïfs, inconscients ? Ce sont surtout les marionnettes impuissantes mais utiles de manipulateurs sans aucune humanité.

Bas les masques !

Les événements récents ont eu pour effet de faire tomber des masques de manière définitive. La gauche révolutionnaire d’aujourd’hui est semblable à celle d’hier, mais en pire. Le terme woke désigne, plus qu’une idéologie, une alliance contre-intuitive, contre nature même, entre des militants antiracistes, des activistes du genre et certains musulmans. Si jamais elle rencontrait du succès dans sa lutte contre la société capitaliste, une telle alliance ne pourrait pas survivre. Les jihadistes n’ont rien à cirer des revendications LGBT+ ou des Noirs non-musulmans. Allons-nous voir maintenant la désagrégation de cette fédération? Rien n’est moins sûr. Pourtant le spectacle macabre qu’est devenue la vie sur les campus américains permet à tout le monde de voir le vrai visage des idéologues. On a beaucoup parlé de la réaction vigoureuse des chefs d’entreprise et des cabinets d’avocats qui ont refusé d’embaucher les étudiants soutenant le Hamas. C’est un début. Mais il reste beaucoup de travail à faire si on veut réclamer ces territoires perdus de l’humanisme.



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est directeur adjoint de la rédaction de Causeur.

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