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Arsène Lupin, le panache et le mystère


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© DELALANDE RAYMOND/SIPA

La série Arsène Lupin compte 17 romans et 39 nouvelles, ainsi que cinq pièces de théâtre. La série télévisée avec Omar Sy, diffusée dans le monde entier, va-t-elle relancer les ventes ? Qui était Maurice Leblanc (1864-1941), et qu’a-t-il écrit d’autre?


Qui n’a jamais croisé Arsène Lupin ? Difficile de lui échapper. Depuis des lustres, il est partout, dans les romans, le théâtre, les bandes dessinées, le cinéma, la chanson, la télévision. Ainsi a-t-il récemment occupé, plusieurs saisons durant, la plateforme vidéo Netflix.

Un héros insaisissable

Lupin est d’autant plus omniprésent qu’il se dissimule sous maints pseudonymes, de Raoul d’Andrésy à Horace Vermont, de Désiré Baudru à Guillaume Berlat, sans oublier Michel Beaumont ou Jean Dubreuil. Il n’hésite pas à endosser l’identité d’aristocrates comme le Baron Andredi, et de quelques hauts gradés de l’armée tels les colonels Beauvel ou Sparmiento, entre bien d’autres avatars liés aux nécessités d’intrigues dépassant le seul cadre policier.

Qui donc était ce personnage paraissant bénéficier, entre autres dons, de celui, d’ubiquité ? À en croire Jacques Lanzmann, chanté par Jacques Dutronc, « C’est le plus grand des voleurs / Oui, mais c’est un gentleman ». Paradoxe décliné entre 1907 et 1941 dans quelque dix-sept romans, trente-neuf nouvelles et cinq pièces de théâtre.

Maurice Leblanc, écrivain bifrons

Leur père, c’est Maurice Leblanc. Un auteur des plus prolixes dont l’œuvre ne se borne pas aux seules aventures du gentleman-cambrioleur. L’existence de l’écrivain, né à Rouen en 1864, mort à Perpignan en 1941, a été jalonnée par les conflits internationaux. Outre la guerre de 1870, les deux guerres mondiales de 14-18 et de 39-45 ont laissé leur empreinte sur son inspiration. On en trouve des traces dans son œuvre. Il débute en 1890 dans le journalisme, publie trois ans plus tard son premier roman, Une femme. Il a fréquenté, durant son adolescence, Flaubert et Maupassant dont l’influence est manifeste sur son style. Mais ses véritables débuts, il les fera dans le magazine Je sais tout, avec une nouvelle, L’Arrestation d’Arsène Lupin, calquée sur Les Aventures de Sherlock Holmes, de Conan Doyle. Nous sommes en 1905, la machine est lancée. Suivront Arsène Lupin, gentleman cambrioleur, puis Arsène Lupin contre Herlock Sholmès qui mettra en fureur Conan Doyle, vexé de voir ainsi son héros parodié. Qu’importe ? Le succès est au rendez-vous, concrétisé par la légion d’honneur attribuée au romancier.

A relire, du même auteur: Fernando Pessoa ou l’inconfort intellectuel

Dès lors, les aventures du gentleman cambrioleur s’enchaînent. Le héros séduit les foules. À la fois charmeur et escroc, épris de liberté jusqu’à friser l’anarchie, soucieux de justice sociale mais rompu aux rites de l’aristocratie, dépourvu de scrupules mais empreint de sensibilité, d’intelligence et d’humour, il a tout pour séduire les catégories de lecteurs les plus diverses. Au point de porter ombrage à son créateur dont la renommée est en passe d’être éclipsée par celle de son héros devenu emblématique. C’est ainsi que dans 813 (1910) le géniteur tente de se muer en parricide. Peine perdue : son rejeton ressuscitera dans Le Bouchon de cristal (1912). Lupin résistera jusqu’au bout, et même au-delà, jusqu’au Dernier amour d’Arsène Lupin, roman posthume publié en 2012.

Cryptage et décodage

Pour imposante et prégnante qu’elle soit, la saga lupinienne ne saurait éclipser le reste de la production de son auteur. Contes, nouvelles, romans, pièces de théâtre témoignent, outre de sa fécondité, de la variété de ses centres d’intérêt.

Cette œuvre composite en apparence a provoqué, jusqu’à nos jours, gloses et commentaires. Et si elle était cryptée ? Si un réseau subtil autant que secret reliait L’aiguille creuse à La Cagliostrio se venge ? En d’autres termes, si un autre Maurice Leblanc se cachait sous le conteur d’histoires policières ? Patrick Ferté en est convaincu. Il le démontre dans son Arsène Lupin, Supérieur inconnu1 et son argumentation est on ne peut plus cohérente. Pour lui, Leblanc était un initié, familier des arcanes et des signes occultes. Toute son œuvre est traversée de symboles, de cryptogrammes, de preuves que l’odyssée lupinienne tire sa cohérence du message codé qu’elle recèle. L’auteur établit des relations troublantes avec l’énigme de Gisors, ou encore le trésor de Rennes-le-Château, entre autres. Révélations stupéfiantes. Elles confèrent aux aventures d’Arsène Lupin une dimension aussi troublante qu’inattendue.

Enfin, parmi les gloses suscitées par le gentleman cambrioleur, comment ne pas citer la Revue des Etudes Lupiniennes2, un fanzine créé en 1967 par Jean-Claude Dinguirard, fervent lupinien, brillant universitaire, pionnier de l’ethnolinguistique et régent du Collège de Pataphysique ? Ce linguiste, prématurément disparu, a laissé une œuvre considérable témoignant de sa culture et de sa perspicacité, sans parler de son humour. La REL, diffusée principalement dans la région toulousaine entre 1967 et 1971, a été récemment exhumée par son fils Frédéric qui s’attache à ressusciter l’œuvre paternelle, contient des petits joyaux sur et autour de Lupin. À déguster sans modération !

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  1. Ed. Trédaniel, 2004. ↩︎
  2. data.bnf.fr ↩︎




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Journaliste et écrivain, a enseigné les lettres classiques au lycée et l'histoire du jazz à l'université.

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