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Bulletin de notes de Gabriel Attal: «encouragements» du conseil de classe!

Le nouveau ministre prend acte de la baisse générale du niveau


Bulletin de notes de Gabriel Attal: «encouragements» du conseil de classe!
Gabriel Attal, Paris, 22 novembre 2023 © Lionel Guericolas/MPP/SIPA

Parents et enseignants sont invités à rester dans leur rôle, et les élèves à accepter le redoublement. Les annonces de Gabriel Attal sont très satisfaisantes, mais à confirmer dans leur application, prévient notre contributeur


Cela pourrait se résumer à chacun dans son rôle, enseignants comme parents, et chaque élève à son niveau, selon ses capacités et son mérite. Mes premières réactions aux annonces ministérielles sont globalement positives, même si bien entendu, au regard de la situation de notre école, j’en attendais davantage, comme toujours, car je souhaite ardemment un changement en profondeur.

Déjà, sur la forme, nous recevons un mail en fin de matinée, avant que le ministre ne s’adresse aux médias en début d’après-midi, ce qui conforte l’idée d’être mieux reconnus dans notre professionnalisme, et mieux considérés au plus haut niveau. Un changement que beaucoup de collègues apprécieront car nous avons très mal vécu l’absence totale de communication, notamment pendant les deux années du Covid, où nous prenions nos directives en suivant les chaînes d’informations ! Gabriel Attal s’adresse à nous en priorité, et l’exprime : « Mais c’est à vous que je m’adresse d’abord. A vous que je fais mes annonces. C’est pour moi tout à la fois une question de respect et l’expression d’une conviction forte : c’est avec les professeurs, par les professeurs, grâce aux professeurs, que nous relèverons le défi de l’élévation du niveau. »

Collège inique

Sur le fond, je préfère surtout commenter les principales mesures annoncées pour le primaire, mais il est évident qu’il fallait casser la spirale négative du collège unique. Les classes de niveau vont donc dans le bon sens, même si d’autres transformations sont attendues, notamment en matière d’orientation et d’alternance. Car il est manifeste que les élèves du niveau faible auront besoin d’être soutenus dans les apprentissages et encadrés pour envisager leur professionnalisation, donc choisir les orientations adaptées. Et là, nous savons bien que c’est LE point faible parmi les nombreuses défaillances de l’Éducation nationale.

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Au sujet de l’école primaire, une mesure était particulièrement attendue, nous en parlions encore le midi même en salle des maîtres, à propos du redoublement. Laisser les parents décider au final de l’opportunité du redoublement – que l’on daigne enfin nommer alors qu’auparavant on l’habillait du doux euphémisme « maintien » – dénotait clairement de l’absence de reconnaissance du professionnalisme des enseignants et de la piètre place que la société leur accordait. Là, les collègues sont enfin reconnus et leur rôle est affirmé. Malgré tout, le redoublement ne peut pas être la solution à toutes les difficultés qui sont diverses et variées, et ne doit pas être source de conflits avec les familles. Car il apparaît toujours dans chaque situation difficile que le dialogue avec les parents et la clarification auprès de l’enfant/élève que sa famille et l’école ont le même discours et vont dans la même direction permettent de construire les bases de la progression de l’élève en rassurant l’enfant. Ainsi, je préconise un examen simple et assez court à faire passer aux élèves pour lesquels il y a désaccord entre l’école et les parents au sujet du redoublement. Cette épreuve écrite et orale de quelques heures au maximum, à effectuer en deux ou trois fois tout au plus, pourrait être sous la responsabilité de l’inspection de circonscription afin d’affirmer la neutralité dans la passation et l’évaluation de la situation scolaire. Cela permettrait de désamorcer les conflits et conforterait les deux parties, parents comme enseignants, car il est toujours très difficile d’être objectif sur la pertinence du passage ou non dans la classe supérieure. Nous savons souvent que les difficultés ne permettront pas à l’élève de suivre, mais nous savons aussi que le redoublement sera malheureusement souvent sans effet. Donc, une nouvelle fois se pose le problème de l’orientation et je suis intimement convaincu que c’est le sujet à traiter en priorité à l’Education nationale. A tous les niveaux, maternelle, élémentaire et bien sûr secondaire.

Retour aux fondamentaux

Des classes de niveau en élémentaire ne sont ni souhaitables ni envisageables, notamment en raison du faible nombre d’élèves de beaucoup d’écoles, mais nous pourrions tout à fait prévoir des classes passerelles qui permettraient à certains élèves de bénéficier d’une année supplémentaire, en faible effectif pour acquérir les notions de base de leur classe d’âge. Nous pourrions envisager deux classes passerelles, pas toujours dans la même école, l’une après le CE1, l’autre après le CM1, avant que les élèves concernés n’intègrent le niveau supérieur, donc le CE2 ou le CM2. Dans bien des cas, cela serait plus efficace, et pas nécessairement plus coûteux que de nombreux redoublements.

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La deuxième mesure principale pour l’école élémentaire concerne la lecture et les manuels scolaires, essentiellement en CP et CE1. Si j’estime que cela va dans le bon sens, j’ai malheureusement l’assurance d’être très minoritaire parmi les collègues. J’entends déjà certains hurler vivement : « Et ma liberté pédagogique ! » même si les mêmes ne savent pas souvent quoi faire de ladite liberté. Cela entérine également un retournement de position car depuis plusieurs années le discours officiel de la hiérarchie sur le terrain est très négatif au sujet de l’utilisation des manuels, ni manuel ni photocopie… donc il ne reste pas grand-chose. Évidemment, une nouvelle fois, les effets de cette mesure dépendront de son application et ainsi des manuels qui seront labellisés et financés par l’Éducation nationale, comme de l’utilisation – ou non – que les collègues en feront dans les classes.

En guise de conclusion de ces premières réactions « à chaud » j’ai une impression mitigée au sujet des contenus d’apprentissage. Si les changements de programme vont dans le sens d’une clarification au sujet des méthodes (très bien pour la méthode de Singapour en mathématiques) et du recentrage sur les matières fondamentales, les annonces ministérielles ne sont pas nettes au sujet des cycles. J’imagine que les attendus de fin d’année (et de mi-parcours) ajoutés à la possibilité accrue de faire redoubler les élèves actent la fin de la logique des cycles à l’école.

Malgré tout, nous attendions davantage de précisions afin d’avoir la certitude que nous en avons réellement fini avec cette absence de décision franche. Notre école a besoin de transformations profondes axées sur des éléments simples – programmes et organisation de la scolarité – clairs et communiqués à tous comme étant les nouveaux piliers, les repères stables et structurés à considérer pour enfin inverser la chute du niveau.




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Directeur d'école élémentaire, auteur de "Dans l'entre-moi - Le tourbillon de la vie", publié aux éditions Baudelaire

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