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Meilleurs vœux 2011

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voeux

Mers chers concitoyennes, mes chers concitoyens,

Ce n’est pas sans une certaine émotion que je vous présente pour la première fois mes vœux et ceux de tout mon gouvernement d’Union Populaire. Je suis conscient que nous sortons d’une année éprouvante mais glorieuse. Etre obligé de vous souhaiter la bonne année depuis cette salle de la Mutualité et non depuis l’Elysée, encore en réparation après les derniers combats de juin où l’ancien président et sa bande de gardes du corps fanatisés préférèrent se faire sauter avec Eric Besson et Brice Hortefeux plutôt que de se rendre aux troupes de la Commune de Paris nous rappelle de bien sinistres heures.

Dès janvier 2010, en effet, alors que les tensions ethniques s’aggravaient à cause de cet ignoble débat sur l’identité nationale, nous avons senti le vent mauvais qui soufflait sur le pays.

Il y eut, fin janvier, les terribles ratonnades de Saint-Denis et de Marseille, qui firent plusieurs centaines de morts. Elles allèrent de pair avec une multitude d’attentats attribués aux islamistes et à des groupes gauchistes et dont il a été prouvé depuis qu’ils étaient soit suscités, soit pratiquement commandités par les services de l’antiterrorisme. Ils avaient déjà fait un coup d’essai, rappelez-vous, ces sinistres flics, en 2008 avec les jeunes anarcho-autonomes de Tarnac.

Là aussi ce furent des centaines de morts, notamment au marché de Wazemmes de Lille et aux puces de Saint-Ouen en février. Mais il y eut aussi, comme par hasard une semaine avant les élections régionales, l’attentat de Sablé sur Sarthe qui devait coûter la vie au Premier ministre et à l’ensemble de son cabinet.

Quels auraient été les résultats de ces élections ? Nul ne le saura. Les sondages trafiqués donnaient les habituels partis de gouvernement au coude à coude alors que ceux, plus sérieux, faits par l’Intérieur et qui demeuraient secrets donnaient les listes du Front de Gauche en tête dans dix-neuf régions, suivies hélas par un Front National regonflé par le climat de guerre civile qui gagnait partout.

Est-ce pour cela que mon prédécesseur, arguant de la violence dans le pays, suspendit le processus électoral, fit jouer l’article 16 qui lui donnait les pleins pouvoirs, nomma Besson à la tête d’un gouvernement resserré et suspendit les libertés publiques ? La suite est connue et les faits sont têtus. Ce fut une indignation complète. Malgré l’interdiction des journaux, les informations continuaient à circuler sur Internet. Les députés socialistes et Europe écologie ayant fui à Bruxelles auprès du Parlement européen, l’opposition s’organisa autour Front de Gauche et plus particulièrement autour du Parti Communiste qui renouait à nouveau avec ses vieux réflexes de la Résistance.

Assez vite, alors que la crise s’aggravait encore, que des émeutes de la faim sévissaient et que des supermarchés régulièrement pillés devenaient des forteresses, plusieurs grandes villes s’organisèrent en Commune. A Paris, Lyon, Lille, aidés par une partie de l’armée et des fonctionnaires de police et restés républicains, des zones entières du pays passèrent sous administration révolutionnaire. Unie sans distinction de couleur ni de religion, la jeunesse recréa des réseaux de solidarité qui assurèrent nourriture et soins en remplacement de services publics dévastés.

En juillet et en août, le pouvoir ancien bascula et ce furent les élections de la Constituante en septembre qui m’amenèrent à la lourde responsabilité qui est la mienne aujourd’hui.

Et pourtant, mes chers concitoyens, en cent jours à peine de gouvernement d’Union Populaire, que de choses accomplies !

En politique étrangère, d’abord, ou en sortant de l’Union européenne ultralibérale, nous avons développé un partenariat privilégié avec le Venezuela, la Colombie, l’Equateur et Cuba. Echangeant notre savoir-faire et nos technologies de pointes contre des matières premières à bas prix, nous avons pu assurer notre indépendance énergétique, relancer notre industrie et réduire le chômage, qui est actuellement, d’après les derniers chiffres qui m’ont été communiqués de moins de 250 000 personnes. Pendant que nous construisons des TGV chez notre camarade Chavez ou que nous fournissons nos ingénieurs des grandes écoles à Evo Morales, le pétrole et le gaz coulent à flot ici.

Un nouveau socialisme transatlantique se construit dans la fraternité et je peux déjà vous annoncer un projet d’Union des Républiques Socialistes et Bolivariennes qui comprendraient outre nos amis d’Amérique Latine, la France mais aussi notre petite sœur wallonne qui a suivi notre exemple et s’est détachée de la Belgique pour former la République de Liège. Notre premier projet industriel commun est, dans les dix ans, l’envoi d’un vol habité et l’établissement d’une colonie sur la Lune qui portera le nom de Louise Michel.

Cette relance de l’activité qui fait de nous un îlot de prospérité dans une Europe dévastée par la crise et les guerres ethniques nous a permis, sur le plan intérieur, d’assurer un salaire minimum de 2 500 euros tandis que nous plafonnions les plus hauts revenus à 10 000 euros, fidèle en cela à notre slogan de la campagne de septembre : « Au dessus de 10 000 euros, je prends tout » qui ne sera pas sans rappeler à certains de nos anciens un slogan célèbre de Georges Marchais.

La semaine de trente heures, les neuf semaines de congés payés et la retraite à cinquante ans viennent d’être votés par la constituante et entreront en vigueur le 15 janvier. Je frémis quand je pense que sans notre révolution, sans notre nouvelle Commune, nous serions à quelques mois d’une réélection probable du président Sarkozy qui a bien failli nous entraîner dans le chaos. Bien sûr, il a fallu forcer quelques mains, bien sûr il a fallu arrêter et emprisonner les responsables du MEDEF et les patrons du CAC 40. Néanmoins, comme notre nouvelle société se veut anti autoritaire, ils seront bientôt libérés et pourront prendre, malgré leur passé de délinquants, à nouveau leur place parmi nous en occupant des emplois de réinsertion : aides aux personnes âgées ou alphabétisation des travailleurs étrangers.

À ce propos, il a bien sûr fallu régler le problème de l’immigration. Non pas celle des pays africains puisque nos régularisations massives ont permis un boom démographique qui permettra de pérenniser nos retraites. Mais celle de tous ces milliers de jeunes Anglais, Espagnols, Allemands et Italiens qui fuient la terreur capitaliste de leurs pauvres pays. Nous ne pouvions pas leur fermer la porte, nous ne pouvions pas construire un mur car les murs tombent toujours à la fin. Alors nous les avons accueillis, fraternellement, fidèle à la constitution de 1793 et à son magnifique article 120 : « Le peuple français donne asile aux étrangers bannis de leur patrie pour cause de la liberté. Il le refuse aux tyrans. »

C’est donc, mes chers compatriotes, dans cette France ouverte et réellement socialiste, que l’on croyait il y a quelques mois encore impossible, que je vous souhaite une bonne et heureuse année.

Avec Causeur, commentez bien l’année !

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En cette période de l’année où chacun prend de bonnes résolutions, il n’y a, ne serait-ce que sémantiquement, aucune place pour l’irrésolution. Aussi, c’est solennellement que je le dis à tous ceux et toutes celles qui hésitent encore à s’abonner à Causeur, le mensuel : le doute, pour une fois, n’est pas de mise, foncez.
Tout d’abord, parce qu’en vrai, c’est beaucoup facile que d’arrêter de fumer, de boire ou de regarder Plus belle la vie. Ensuite parce que contrairement à ceux qui en janvier font des vœux contraignants et abstinents, et deviennent de ce fait vite insupportables à tout leur entourage, voire à eux-même l’abonné de Causeur, lui, est détendu par sa lecture, comblé par la masse de textes inédits, et heureux de permettre à son site préféré de continuer à exister. Et tout ça pour 45 Euros seulement les 12 numéros. Même en période de soldes, c’est vraiment donné !

Les inédits du mois de Janvier

  • L’assimilation, une chance pour la France, Élisabeth Lévy
  • Je pense donc je twitte, François Miclo
  • La Cé-non faite à Nadine, Raul Cazals
  • Des vœux et des aveux, Luc Rosenzweig
  • Le débat interdit, Élisabeth Lévy
  • Taisez-vous, les Français, Cyril Bennasar
  • Vox populi, vox diaboli, Luc Rosenzweig
  • Islamisme, antiracisme, même combat ? Florentin Piffard
  • Je préférerais ne pas, Jérôme Leroy
  • Vichy, le mot en trop, Odile Cohen
  • David Sylvian, ovni pop, Jean-François Baum
  • Jarmush, l’action pure, Bruno Maillé
  • Complètement marjo, Tristan Brillat
  • Vive la zoopolitique, François-Xavier Ajavon
  • Snipers du sens, Jérôme Leroy

2010, Odyssée des résolutions (7)

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Les résolutions de début d’année, on pourrait en prendre tout au long de 2010. Mais ce serait un peu exagéré et ça finirait par nous briser les œufs. Voici donc la dernière.

Quizz « Identité nationale »

Qui a déclaré, en 1989, à propos de l’immigration : « On doit se méfier du discours sur l’identité nationale, même s’il faut avoir le courage de dire que le seuil de tolérance est une réalité. (…) Une fois que vous vous lancez dans le discours sur l’identité, il n y a pas de raison de s’arrêter dans le rejet. Vous commencez par les arabes, puis vous passez aux juifs. Regardez Le Pen. Il me semblerait donc plus juste que nous parlions d’idéal national. » Avant de poursuivre, prudemment : « Il faut aussi renoncer aux fantaisies quasi-idéologiques style vote des étrangers, qui sont autant de provocations… » Posons le décor : Mitterrand est à l’Elysée, Rocard est à Matignon. Jacques Chirac, dans l’opposition, tente d’exploiter la notion d’identité nationale, utilisée par le FN et qui rencontre un franc succès populaire… Alors, qui a protesté à l’époque ? Un certain Philippe Séguin.

Maggie, I love you

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thatcher
 
Il y a vingt ans, une génération de jeunes Français très vaguement politisés par la lecture de Charlie Hebdo apprenait à détester Margaret Thatcher avec une chanson de Renaud. Les mêmes qui auront entendu les infos à la télé le 31 décembre seront rassurés d’apprendre que l’histoire leur donne raison et qu’en politique, la mode remplace la connaissance pour vous placer dans le bon camp.

Les archives qui viennent d’être ouvertes nous apprennent donc que la Dame de fer était avare mais vous le savez déjà si vous avez lu Jérôme Leroy, féroce et raciste.

Non seulement madame a eu le culot de répondre « chiche ! » aux terroristes emprisonnés qui avaient choisi de mourir de faim pour dénoncer sa politique, ce qui n’était pas très gentil, mais elle annotait les copies de ses ministres avec une sévérité rare (qui vaudrait aujourd’hui à n’importe quel professeur de France une protestation musclée) : « Très mauvais texte » ou « total manque de consistance » ou encore « trop faible » ou plus simplement « non » souligné rageusement plusieurs fois. Pour « rageusement » c’est la presse britannique qui souligne.

Quel mauvais caractère ! Pas de chance pour Maggie, elle n’était que femme politique et n’avait que la tâche de remettre un pays entier sur la voie salvatrice du libéralisme économique. Pas de quoi s’énerver. Si elle avait été cinéaste avec pour seule ambition celle de projeter son égo sur écran géant, toutes les chochottes susceptibles avec qui il faut prendre des gants y auraient sans doute vu l’exigence qui est le signe des grands génies.

Mais cet autoritarisme n’était pas le moindre de ses défauts, Maggie était aussi raciste. Face à l’exode des boat-people fuyant le Vietnam, elle propose de limiter le nombre des réfugiés accueillis sur le sol britannique et avoue avoir  « beaucoup moins de réticences vis-à-vis des Rhodésiens (nom des Zimbabwéens avant qu’ils soient libres et affamés), Polonais ou Hongrois, qui peuvent bien mieux s’intégrer à la société britannique ».

Quand on connait l’actualité de l’Angleterre et les problèmes que pose une immigration qui, pour une part, ne s’intègre pas parce qu’elle n’entend pas s’intégrer, on a envie de barrer rageusement les copies des journalistes qui osent intenter à Maggie un procès en racisme.

Le Premier ministre en remettait une couche en déclarant à ses collaborateurs : « On ne peut accorder des logements sociaux à des immigrants alors qu’on les refuse à des citoyens blancs. Il y aurait des révoltes si le gouvernement le faisait. » Depuis, le gouvernement a fait bien plus en faveur de ses citoyens issus de l’immigration mais heureusement, le légendaire flegme, la bonne éducation du peuple Anglais – et peut-être cette fameuse culture des Droits de l’Homme – ont jusqu’à aujourd’hui empêché ces révoltes redoutées. La civilisation anglaise, ça veut encore dire quelque chose.

Margaret Thatcher est aujourd’hui Alzheimer. Devant tant d’ingratitude, c’est tout ce que je lui souhaite !

Dernière Gitane pour la route

Président de la Cour des comptes, Philippe Séguin est décédé ce matin à l'âge de 66 ans.
Président de la Cour des comptes, Philippe Séguin est décédé ce matin à l'âge de 66 ans.

La voiture s’était arrêtée sur le bord de la nationale. Dans le matin brumeux de la campagne des Vosges, il avait fouillé ses poches et, comme il n’y avait rien trouvé d’autre qu’un briquet et un paquet de Gitanes vide, il m’en avait demandé une.

– Une blonde ? C’est pas des cigarettes d’homme, ça !…

Il en avait arraché le filtre, puis l’avait allumée dans une moue de dégoût. Chacun a sa manière d’allumer un clope ; il avait la sienne propre. Il joignait ses deux mains, les resserrait autour de sa bouche, moins pour protéger la flamme du vent que pour s’abstenir, un instant, du monde. Ce n’est pas la nicotine – et la mort qu’elle porte en elle – que le fumeur recherche dans la cigarette, mais une fuite, un retrait, un retour sur soi.

C’est drôle les souvenirs qui vous viennent en tête quand un ami s’en va. On voudrait se remémorer les moments héroïques, les pages de gloire, les illustres combats. Il y en eut. On voudrait nécrologiser comme pas un, sortir ses plus beaux mots, ceux qui vous tirent les larmes, vous nettoient en cinq-sec le pavé de la rue Soufflot et ouvrent en grand les portes du Panthéon. Mais on ne le peut pas. La vie s’accroche comme elle peut à la vie. Et l’on retient, vaille que vaille, les masques de l’éphémère, ceux que le prochain printemps aura emportés et qui sont, pour l’heure, plus précieux que tout. Des scènes banales de la vie quotidienne, une voix, un rire, une tape sur l’épaule. Notre mémoire est faillible, tout cela aura vite disparu.

Ce que la postérité retiendra de Philippe Séguin, c’est qu’il fut, dans l’histoire de la République, l’un des derniers hommes d’Etat à placer la France au-dessus de tout : au-dessus des partis, des ambitions personnelles, des clans et de l’actualité immédiate.

Ce que l’on retiendra de lui, c’est qu’il croyait tellement en la République qu’il s’était fixé pour exigence d’élever le débat public au-dessus de son niveau moyen. On se souviendra de ses discours, sur le « Munich social », sur l’exception d’irrecevabilité, ou celui encore qu’il prononça à la mort de Pierre Bérégovoy.

On se souviendra qu’il tenta, sa vie durant, de réconcilier les inconciliables : la vision sociale d’un Guy Mollet et la vision nationale d’un de Gaulle. « Le RPF, c’est le métro aux heures de pointe », avait dit Malraux. Avec Séguin, le RPR, c’était le CNR à tous les étages ! Nous fûmes toute une génération à y avoir cru, à cette « autre politique » qu’il avait voulu incarner, sans toutefois s’en donner les moyens.

Dire aujourd’hui que je dois tout à Philippe Séguin serait loin de la vérité. Il n’y a rien, sur l’histoire, le monde, la politique, que je ne tienne de lui, rien de ce que je sais qu’il ne m’ait enseigné ni incité à apprendre. Ce furent vingt ans de compagnonnage, faits parfois de ruptures et de longs silences, comme le jour où je m’avisai de confier à l’ami Askolovitch que je « redeviendrais séguiniste quand Philippe Séguin le serait redevenu lui aussi ». C’était après l’élection présidentielle de 1995, quand Jacques Chirac avait choisi de conduire une politique diamétralement opposée au discours qui l’avait fait élire. Longtemps Séguin m’en avait voulu. Puis on s’était réconcilié. C’est que vingt ans d’amitié viennent à bout de tout. Aujourd’hui, j’ai perdu mes vingt ans.

Sur une route des Vosges, un homme marche seul sur le bas-côté. Il s’arrête, jette un oeil et devine, au loin, dans la brume pesante, les collines de Barrès et la ligne bleue de Jules Ferry. « La voilà donc ma France. » Il fouille ses poches, en extirpe une Gitane sans filtre et tire une bouffée. La dernière pour la route.

François Miclo a été secrétaire général des « Amis de Philippe Séguin » dès 1990, puis vice-président national du Rassemblement pour une Autre Politique, mouvement des jeunes séguinistes fondé en 1994.

2010, Odyssée des résolutions (6)

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Une belle résolution pour 2010 : ne jamais perdre espoir.

Bourdivine surprise !

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Polytechniciens derrière leur drapeau un 9 novembre.
Polytechniciens derrière leur drapeau un 9 novembre.

La « triangulation », cette technique de prise et d’exercice du pouvoir dont Nicolas Sarkozy fait un usage immodéré pour semer le trouble chez l’adversaire s’est à nouveau invitée dans le débat public entre le vaccin en solde et l’identité nationale en promotion. Elle consiste à s’emparer des thèmes et des symboles qui font partie du patrimoine politique et culturel de la gauche, Guy Môquet, par exemple.

Acculé dans le coin droit du ring par des opposants qui l’accusent d’envoyer Eric Besson draguer dans l’égout lepéniste, Sarkozy, aidé de Luc Châtel et Valérie Pécresse, opère un changement de pied audacieux pour se poser en champion de la mobilité sociale.

Ce fameux ascenseur républicain qui doit propulser les filles et filles de prolos vers les hautes sphères est en panne ? Je m’en vais te le réparer vite fait en lançant dans l’arène publique un slogan bien troussé qui va semer la joie dans les HLM et la panique dans les lofts : 30 % de boursiers dans les Grandes écoles !

Les patrons de ces prestigieux établissements font alors valoir qu’ils ne sont pas, certes, opposés par principe à l’admission dans leurs établissements d’étudiants issus des milieux défavorisés, mais qu’il craignent une dévaluation des diplômes si les concours d’entrée sont « aménagés » pour leur faire de la place.

Le piège est parfait. On fait alors donner la garde, en l’espèce le duo de gauchistes patentés formé par Alain Minc et François Pinault pour mener la charge sabre au clair, dans une tribune du Monde contre les « réactionnaires » qui sont chargés de la formation des élites de la nation. L’autodidacte enrichi dans la vente de planches et la spéculation sur le sucre et le major de l’X et de l’ENA, cela a un parfum pré-révolutionnaire, ou alors je n’ai rien compris. On subodore une nuit du 4 août en plein hiver, avec quelques nobles s’alliant au Tiers-Etat pour terrasser les privilèges d’une aristocratie qui s’est insidieusement reconstituée au fil des dans les failles de l’élitisme républicain modèle IIIe République. Après un cours accéléré de sociologie bourdivine, les ministres compétents, Luc Châtel et Valérie Pécresse, menacent d’aller regarder les dessous des concours d’entrée pour y débusquer les chausse-trapes culturels destinés à éliminer les pauvres de Normale Sup, Polytechnique ou HEC.

Voilà comment l’on crée une polémique à la française, c’est-à-dire pesamment idéologique, et dénuée du moindre souci d’aborder le problème avec le minimum de pragmatisme permettant de résoudre le problème suivant :

Le système de reproduction de nos élites, qui favorise indubitablement les enfants issus de milieux économiquement favorisés et ceux des enseignants familiers des arcanes du système n’a pas produit, jusqu’à présent, une dégénérescence de ces dites élites, qui supportent fort bien la comparaison internationale. On vient même de l’étranger pour nous piquer quelques brillants sujets et leur offrir ceinture dorée et labos bien dotés.

Cependant, l’exclusion d’une partie de la population de ces enseignements d’excellence est un facteur de désintégration sociale qui s’ajoute au creusement des inégalités dans les revenus, l’habitat, les modes de consommation.

Comment faire en sorte que le remède administré pour corriger ce dernier inconvénient ne soit pas dommageable à la qualité des formations d’excellence ?

Les Etats-Unis ont créé une classe moyenne et moyenne supérieure noire en appliquant la discrimination positive au détriment de l’égalité formelle de tous devant l’accès au savoir. Ils ont choisi, pour un temps au moins, cette solution pour mettre fin à une situation de révolte violente des ghettos noirs à la fin des années 1960. C’était une décision politique, dont les résultats ont été relativement satisfaisants. Il existe toujours des ghettos noirs d’une pauvreté accablante, mais les leaders potentiels de la révolte en ont été extraits par le haut.

Cette politique est-elle nécessaire chez nous et surtout adaptée à la problématique des ghettos périurbains de la France d’aujourd’hui ?

Elle heurte de front cet élitisme républicain qui rejette toute distinction communautariste au non de la citoyenneté universelle. Il faut donc trouver autre chose et surtout quelque chose qui marche.

Cette idée de 30 % de boursiers dans les Grandes écoles ne restera qu’un slogan creux si on ne va pas voir de plus près ce qui empêche ces derniers d’y entrer. La théorie de la reproduction, développée par Bourdieu et ses disciples n’est pas intrinsèquement perverse, à condition de la compléter par un corollaire : les classes populaires ont aussi un penchant à souhaiter que leur progéniture ne s’éloigne pas trop du milieu dont ils sont issus. Des mentions TB au bac désespèrent leurs profs de terminale en allant se planquer dans un IUT au lieu d’intégrer une prépa de choc. Ma voisine, en dépit de mes encouragements, a préféré faire l’école d’infirmières alors que ses résultats brillants lui ouvraient une perspective de boursière en médecine. On veut bien grimper d’un étage, mais on craint de monter trop haut, donc de changer de monde. Si l’on commençait par inciter tous les bons élèves pas riches à risquer le possible, on aurait déjà fait un bon bout de chemin dans le sens souhaité par nos estimés dirigeants. C’est moins vendeur, en terme de com’ que 30 %, etc., et surtout cela ne permettrait pas à Minc et Pinault de faire les marioles. Impossible donc.

Le « No Sarkozy Day », c’est en mai 2012

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Le No Sarkozy Day est une initiative sincère et spontanée. Nous respectons la démarche et l’engagement qui ont amené les organisateurs à entreprendre cette action. Mais, nous blogueurs, nous ne pouvons nous y associer.

En premier lieu, Nicolas Sarkozy a été élu. Certes la France de Nicolas Sarkozy n’est pas une république irréprochable mais nous sommes attachés au principe démocratique. En tant que Président de la République, il bénéficie de la légitimité des urnes. Réclamer sa démission, c’est ouvrir une boîte de Pandore. Nous ne souhaitons pas jouer aux apprentis sorciers. Au contraire, Nicolas Sarkozy doit rester 5 ans au pouvoir, assumer ses erreurs jusqu’au bout. Le No Sarkozy Day doit avoir lieu le 7 mai 2012 et pas avant.

Ensuite, nous estimons que l’initiative est biaisée dès le départ. Le problème du No Sarkozy Day, c’est que le nom de Sarkozy soit l’unique vecteur de mobilisation. L’antisarkozysme primaire ne fera pas évoluer les mentalités, elle les confortera. Plutôt que de se focaliser sur l’homme, nous préférons nous concentrer sur le bilan désastreux de son action politique. Nous voulons bâtir une véritable alternative politique au sarkozysme qui soit à la fois construite et argumentée.

Nous pensons que cette opération se révélera contre-productive. Nous ne souhaitons pas être associés à cette initiative lancée sans concertation et qui relève plus du buzz marketing que de l’action politique. Le risque d’une instrumentalisation et d’une récupération politique d’un futur fiasco existe…

Texte paru sur Antidote.

Les 26 premiers blogs signataires : Laure Leforestier,Le Monolecte, Bah by CC, Le Volontaire, Partageons mon avis, Les jours et l’ennui de Seb Musset, Peuples, Intox2007.info, Falcon Hill, Disparitus, Sarkofrance, Back2basics, Neuromancien, Edelihan, l’hérétique, Marc Vasseur,Yann Savidan, Le Pavé, Hypos, H16, De tout et de rien, Des pas perdus, Piratages(s), Reversus, Romain Blachier, Antidote.

2010, Odyssée des résolutions (5)

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D’accord, il y a les contrôles renforcés aux aéroports, les scanners personnels et toutes ces mesures de sécurité qui vous rendent New York, la plus européenne des villes américaines, plus lointaine. Raison de plus pour prendre la résolution d’y aller en 2010, car, là-bas, même les murs ont la parole.

Meilleurs vœux 2011

317

voeux

Mers chers concitoyennes, mes chers concitoyens,

Ce n’est pas sans une certaine émotion que je vous présente pour la première fois mes vœux et ceux de tout mon gouvernement d’Union Populaire. Je suis conscient que nous sortons d’une année éprouvante mais glorieuse. Etre obligé de vous souhaiter la bonne année depuis cette salle de la Mutualité et non depuis l’Elysée, encore en réparation après les derniers combats de juin où l’ancien président et sa bande de gardes du corps fanatisés préférèrent se faire sauter avec Eric Besson et Brice Hortefeux plutôt que de se rendre aux troupes de la Commune de Paris nous rappelle de bien sinistres heures.

Dès janvier 2010, en effet, alors que les tensions ethniques s’aggravaient à cause de cet ignoble débat sur l’identité nationale, nous avons senti le vent mauvais qui soufflait sur le pays.

Il y eut, fin janvier, les terribles ratonnades de Saint-Denis et de Marseille, qui firent plusieurs centaines de morts. Elles allèrent de pair avec une multitude d’attentats attribués aux islamistes et à des groupes gauchistes et dont il a été prouvé depuis qu’ils étaient soit suscités, soit pratiquement commandités par les services de l’antiterrorisme. Ils avaient déjà fait un coup d’essai, rappelez-vous, ces sinistres flics, en 2008 avec les jeunes anarcho-autonomes de Tarnac.

Là aussi ce furent des centaines de morts, notamment au marché de Wazemmes de Lille et aux puces de Saint-Ouen en février. Mais il y eut aussi, comme par hasard une semaine avant les élections régionales, l’attentat de Sablé sur Sarthe qui devait coûter la vie au Premier ministre et à l’ensemble de son cabinet.

Quels auraient été les résultats de ces élections ? Nul ne le saura. Les sondages trafiqués donnaient les habituels partis de gouvernement au coude à coude alors que ceux, plus sérieux, faits par l’Intérieur et qui demeuraient secrets donnaient les listes du Front de Gauche en tête dans dix-neuf régions, suivies hélas par un Front National regonflé par le climat de guerre civile qui gagnait partout.

Est-ce pour cela que mon prédécesseur, arguant de la violence dans le pays, suspendit le processus électoral, fit jouer l’article 16 qui lui donnait les pleins pouvoirs, nomma Besson à la tête d’un gouvernement resserré et suspendit les libertés publiques ? La suite est connue et les faits sont têtus. Ce fut une indignation complète. Malgré l’interdiction des journaux, les informations continuaient à circuler sur Internet. Les députés socialistes et Europe écologie ayant fui à Bruxelles auprès du Parlement européen, l’opposition s’organisa autour Front de Gauche et plus particulièrement autour du Parti Communiste qui renouait à nouveau avec ses vieux réflexes de la Résistance.

Assez vite, alors que la crise s’aggravait encore, que des émeutes de la faim sévissaient et que des supermarchés régulièrement pillés devenaient des forteresses, plusieurs grandes villes s’organisèrent en Commune. A Paris, Lyon, Lille, aidés par une partie de l’armée et des fonctionnaires de police et restés républicains, des zones entières du pays passèrent sous administration révolutionnaire. Unie sans distinction de couleur ni de religion, la jeunesse recréa des réseaux de solidarité qui assurèrent nourriture et soins en remplacement de services publics dévastés.

En juillet et en août, le pouvoir ancien bascula et ce furent les élections de la Constituante en septembre qui m’amenèrent à la lourde responsabilité qui est la mienne aujourd’hui.

Et pourtant, mes chers concitoyens, en cent jours à peine de gouvernement d’Union Populaire, que de choses accomplies !

En politique étrangère, d’abord, ou en sortant de l’Union européenne ultralibérale, nous avons développé un partenariat privilégié avec le Venezuela, la Colombie, l’Equateur et Cuba. Echangeant notre savoir-faire et nos technologies de pointes contre des matières premières à bas prix, nous avons pu assurer notre indépendance énergétique, relancer notre industrie et réduire le chômage, qui est actuellement, d’après les derniers chiffres qui m’ont été communiqués de moins de 250 000 personnes. Pendant que nous construisons des TGV chez notre camarade Chavez ou que nous fournissons nos ingénieurs des grandes écoles à Evo Morales, le pétrole et le gaz coulent à flot ici.

Un nouveau socialisme transatlantique se construit dans la fraternité et je peux déjà vous annoncer un projet d’Union des Républiques Socialistes et Bolivariennes qui comprendraient outre nos amis d’Amérique Latine, la France mais aussi notre petite sœur wallonne qui a suivi notre exemple et s’est détachée de la Belgique pour former la République de Liège. Notre premier projet industriel commun est, dans les dix ans, l’envoi d’un vol habité et l’établissement d’une colonie sur la Lune qui portera le nom de Louise Michel.

Cette relance de l’activité qui fait de nous un îlot de prospérité dans une Europe dévastée par la crise et les guerres ethniques nous a permis, sur le plan intérieur, d’assurer un salaire minimum de 2 500 euros tandis que nous plafonnions les plus hauts revenus à 10 000 euros, fidèle en cela à notre slogan de la campagne de septembre : « Au dessus de 10 000 euros, je prends tout » qui ne sera pas sans rappeler à certains de nos anciens un slogan célèbre de Georges Marchais.

La semaine de trente heures, les neuf semaines de congés payés et la retraite à cinquante ans viennent d’être votés par la constituante et entreront en vigueur le 15 janvier. Je frémis quand je pense que sans notre révolution, sans notre nouvelle Commune, nous serions à quelques mois d’une réélection probable du président Sarkozy qui a bien failli nous entraîner dans le chaos. Bien sûr, il a fallu forcer quelques mains, bien sûr il a fallu arrêter et emprisonner les responsables du MEDEF et les patrons du CAC 40. Néanmoins, comme notre nouvelle société se veut anti autoritaire, ils seront bientôt libérés et pourront prendre, malgré leur passé de délinquants, à nouveau leur place parmi nous en occupant des emplois de réinsertion : aides aux personnes âgées ou alphabétisation des travailleurs étrangers.

À ce propos, il a bien sûr fallu régler le problème de l’immigration. Non pas celle des pays africains puisque nos régularisations massives ont permis un boom démographique qui permettra de pérenniser nos retraites. Mais celle de tous ces milliers de jeunes Anglais, Espagnols, Allemands et Italiens qui fuient la terreur capitaliste de leurs pauvres pays. Nous ne pouvions pas leur fermer la porte, nous ne pouvions pas construire un mur car les murs tombent toujours à la fin. Alors nous les avons accueillis, fraternellement, fidèle à la constitution de 1793 et à son magnifique article 120 : « Le peuple français donne asile aux étrangers bannis de leur patrie pour cause de la liberté. Il le refuse aux tyrans. »

C’est donc, mes chers compatriotes, dans cette France ouverte et réellement socialiste, que l’on croyait il y a quelques mois encore impossible, que je vous souhaite une bonne et heureuse année.

Avec Causeur, commentez bien l’année !

23

En cette période de l’année où chacun prend de bonnes résolutions, il n’y a, ne serait-ce que sémantiquement, aucune place pour l’irrésolution. Aussi, c’est solennellement que je le dis à tous ceux et toutes celles qui hésitent encore à s’abonner à Causeur, le mensuel : le doute, pour une fois, n’est pas de mise, foncez.
Tout d’abord, parce qu’en vrai, c’est beaucoup facile que d’arrêter de fumer, de boire ou de regarder Plus belle la vie. Ensuite parce que contrairement à ceux qui en janvier font des vœux contraignants et abstinents, et deviennent de ce fait vite insupportables à tout leur entourage, voire à eux-même l’abonné de Causeur, lui, est détendu par sa lecture, comblé par la masse de textes inédits, et heureux de permettre à son site préféré de continuer à exister. Et tout ça pour 45 Euros seulement les 12 numéros. Même en période de soldes, c’est vraiment donné !

Les inédits du mois de Janvier

  • L’assimilation, une chance pour la France, Élisabeth Lévy
  • Je pense donc je twitte, François Miclo
  • La Cé-non faite à Nadine, Raul Cazals
  • Des vœux et des aveux, Luc Rosenzweig
  • Le débat interdit, Élisabeth Lévy
  • Taisez-vous, les Français, Cyril Bennasar
  • Vox populi, vox diaboli, Luc Rosenzweig
  • Islamisme, antiracisme, même combat ? Florentin Piffard
  • Je préférerais ne pas, Jérôme Leroy
  • Vichy, le mot en trop, Odile Cohen
  • David Sylvian, ovni pop, Jean-François Baum
  • Jarmush, l’action pure, Bruno Maillé
  • Complètement marjo, Tristan Brillat
  • Vive la zoopolitique, François-Xavier Ajavon
  • Snipers du sens, Jérôme Leroy

2010, Odyssée des résolutions (7)

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Les résolutions de début d’année, on pourrait en prendre tout au long de 2010. Mais ce serait un peu exagéré et ça finirait par nous briser les œufs. Voici donc la dernière.

Quizz « Identité nationale »

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Qui a déclaré, en 1989, à propos de l’immigration : « On doit se méfier du discours sur l’identité nationale, même s’il faut avoir le courage de dire que le seuil de tolérance est une réalité. (…) Une fois que vous vous lancez dans le discours sur l’identité, il n y a pas de raison de s’arrêter dans le rejet. Vous commencez par les arabes, puis vous passez aux juifs. Regardez Le Pen. Il me semblerait donc plus juste que nous parlions d’idéal national. » Avant de poursuivre, prudemment : « Il faut aussi renoncer aux fantaisies quasi-idéologiques style vote des étrangers, qui sont autant de provocations… » Posons le décor : Mitterrand est à l’Elysée, Rocard est à Matignon. Jacques Chirac, dans l’opposition, tente d’exploiter la notion d’identité nationale, utilisée par le FN et qui rencontre un franc succès populaire… Alors, qui a protesté à l’époque ? Un certain Philippe Séguin.

Maggie, I love you

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thatcher
 
Il y a vingt ans, une génération de jeunes Français très vaguement politisés par la lecture de Charlie Hebdo apprenait à détester Margaret Thatcher avec une chanson de Renaud. Les mêmes qui auront entendu les infos à la télé le 31 décembre seront rassurés d’apprendre que l’histoire leur donne raison et qu’en politique, la mode remplace la connaissance pour vous placer dans le bon camp.

Les archives qui viennent d’être ouvertes nous apprennent donc que la Dame de fer était avare mais vous le savez déjà si vous avez lu Jérôme Leroy, féroce et raciste.

Non seulement madame a eu le culot de répondre « chiche ! » aux terroristes emprisonnés qui avaient choisi de mourir de faim pour dénoncer sa politique, ce qui n’était pas très gentil, mais elle annotait les copies de ses ministres avec une sévérité rare (qui vaudrait aujourd’hui à n’importe quel professeur de France une protestation musclée) : « Très mauvais texte » ou « total manque de consistance » ou encore « trop faible » ou plus simplement « non » souligné rageusement plusieurs fois. Pour « rageusement » c’est la presse britannique qui souligne.

Quel mauvais caractère ! Pas de chance pour Maggie, elle n’était que femme politique et n’avait que la tâche de remettre un pays entier sur la voie salvatrice du libéralisme économique. Pas de quoi s’énerver. Si elle avait été cinéaste avec pour seule ambition celle de projeter son égo sur écran géant, toutes les chochottes susceptibles avec qui il faut prendre des gants y auraient sans doute vu l’exigence qui est le signe des grands génies.

Mais cet autoritarisme n’était pas le moindre de ses défauts, Maggie était aussi raciste. Face à l’exode des boat-people fuyant le Vietnam, elle propose de limiter le nombre des réfugiés accueillis sur le sol britannique et avoue avoir  « beaucoup moins de réticences vis-à-vis des Rhodésiens (nom des Zimbabwéens avant qu’ils soient libres et affamés), Polonais ou Hongrois, qui peuvent bien mieux s’intégrer à la société britannique ».

Quand on connait l’actualité de l’Angleterre et les problèmes que pose une immigration qui, pour une part, ne s’intègre pas parce qu’elle n’entend pas s’intégrer, on a envie de barrer rageusement les copies des journalistes qui osent intenter à Maggie un procès en racisme.

Le Premier ministre en remettait une couche en déclarant à ses collaborateurs : « On ne peut accorder des logements sociaux à des immigrants alors qu’on les refuse à des citoyens blancs. Il y aurait des révoltes si le gouvernement le faisait. » Depuis, le gouvernement a fait bien plus en faveur de ses citoyens issus de l’immigration mais heureusement, le légendaire flegme, la bonne éducation du peuple Anglais – et peut-être cette fameuse culture des Droits de l’Homme – ont jusqu’à aujourd’hui empêché ces révoltes redoutées. La civilisation anglaise, ça veut encore dire quelque chose.

Margaret Thatcher est aujourd’hui Alzheimer. Devant tant d’ingratitude, c’est tout ce que je lui souhaite !

Dernière Gitane pour la route

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Président de la Cour des comptes, Philippe Séguin est décédé ce matin à l'âge de 66 ans.
Président de la Cour des comptes, Philippe Séguin est décédé ce matin à l'âge de 66 ans.
Président de la Cour des comptes, Philippe Séguin est décédé ce matin à l'âge de 66 ans.

La voiture s’était arrêtée sur le bord de la nationale. Dans le matin brumeux de la campagne des Vosges, il avait fouillé ses poches et, comme il n’y avait rien trouvé d’autre qu’un briquet et un paquet de Gitanes vide, il m’en avait demandé une.

– Une blonde ? C’est pas des cigarettes d’homme, ça !…

Il en avait arraché le filtre, puis l’avait allumée dans une moue de dégoût. Chacun a sa manière d’allumer un clope ; il avait la sienne propre. Il joignait ses deux mains, les resserrait autour de sa bouche, moins pour protéger la flamme du vent que pour s’abstenir, un instant, du monde. Ce n’est pas la nicotine – et la mort qu’elle porte en elle – que le fumeur recherche dans la cigarette, mais une fuite, un retrait, un retour sur soi.

C’est drôle les souvenirs qui vous viennent en tête quand un ami s’en va. On voudrait se remémorer les moments héroïques, les pages de gloire, les illustres combats. Il y en eut. On voudrait nécrologiser comme pas un, sortir ses plus beaux mots, ceux qui vous tirent les larmes, vous nettoient en cinq-sec le pavé de la rue Soufflot et ouvrent en grand les portes du Panthéon. Mais on ne le peut pas. La vie s’accroche comme elle peut à la vie. Et l’on retient, vaille que vaille, les masques de l’éphémère, ceux que le prochain printemps aura emportés et qui sont, pour l’heure, plus précieux que tout. Des scènes banales de la vie quotidienne, une voix, un rire, une tape sur l’épaule. Notre mémoire est faillible, tout cela aura vite disparu.

Ce que la postérité retiendra de Philippe Séguin, c’est qu’il fut, dans l’histoire de la République, l’un des derniers hommes d’Etat à placer la France au-dessus de tout : au-dessus des partis, des ambitions personnelles, des clans et de l’actualité immédiate.

Ce que l’on retiendra de lui, c’est qu’il croyait tellement en la République qu’il s’était fixé pour exigence d’élever le débat public au-dessus de son niveau moyen. On se souviendra de ses discours, sur le « Munich social », sur l’exception d’irrecevabilité, ou celui encore qu’il prononça à la mort de Pierre Bérégovoy.

On se souviendra qu’il tenta, sa vie durant, de réconcilier les inconciliables : la vision sociale d’un Guy Mollet et la vision nationale d’un de Gaulle. « Le RPF, c’est le métro aux heures de pointe », avait dit Malraux. Avec Séguin, le RPR, c’était le CNR à tous les étages ! Nous fûmes toute une génération à y avoir cru, à cette « autre politique » qu’il avait voulu incarner, sans toutefois s’en donner les moyens.

Dire aujourd’hui que je dois tout à Philippe Séguin serait loin de la vérité. Il n’y a rien, sur l’histoire, le monde, la politique, que je ne tienne de lui, rien de ce que je sais qu’il ne m’ait enseigné ni incité à apprendre. Ce furent vingt ans de compagnonnage, faits parfois de ruptures et de longs silences, comme le jour où je m’avisai de confier à l’ami Askolovitch que je « redeviendrais séguiniste quand Philippe Séguin le serait redevenu lui aussi ». C’était après l’élection présidentielle de 1995, quand Jacques Chirac avait choisi de conduire une politique diamétralement opposée au discours qui l’avait fait élire. Longtemps Séguin m’en avait voulu. Puis on s’était réconcilié. C’est que vingt ans d’amitié viennent à bout de tout. Aujourd’hui, j’ai perdu mes vingt ans.

Sur une route des Vosges, un homme marche seul sur le bas-côté. Il s’arrête, jette un oeil et devine, au loin, dans la brume pesante, les collines de Barrès et la ligne bleue de Jules Ferry. « La voilà donc ma France. » Il fouille ses poches, en extirpe une Gitane sans filtre et tire une bouffée. La dernière pour la route.

François Miclo a été secrétaire général des « Amis de Philippe Séguin » dès 1990, puis vice-président national du Rassemblement pour une Autre Politique, mouvement des jeunes séguinistes fondé en 1994.

2010, Odyssée des résolutions (6)

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Une belle résolution pour 2010 : ne jamais perdre espoir.

Bourdivine surprise !

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Polytechniciens derrière leur drapeau un 9 novembre.
Polytechniciens derrière leur drapeau un 9 novembre.
Polytechniciens derrière leur drapeau un 9 novembre.

La « triangulation », cette technique de prise et d’exercice du pouvoir dont Nicolas Sarkozy fait un usage immodéré pour semer le trouble chez l’adversaire s’est à nouveau invitée dans le débat public entre le vaccin en solde et l’identité nationale en promotion. Elle consiste à s’emparer des thèmes et des symboles qui font partie du patrimoine politique et culturel de la gauche, Guy Môquet, par exemple.

Acculé dans le coin droit du ring par des opposants qui l’accusent d’envoyer Eric Besson draguer dans l’égout lepéniste, Sarkozy, aidé de Luc Châtel et Valérie Pécresse, opère un changement de pied audacieux pour se poser en champion de la mobilité sociale.

Ce fameux ascenseur républicain qui doit propulser les filles et filles de prolos vers les hautes sphères est en panne ? Je m’en vais te le réparer vite fait en lançant dans l’arène publique un slogan bien troussé qui va semer la joie dans les HLM et la panique dans les lofts : 30 % de boursiers dans les Grandes écoles !

Les patrons de ces prestigieux établissements font alors valoir qu’ils ne sont pas, certes, opposés par principe à l’admission dans leurs établissements d’étudiants issus des milieux défavorisés, mais qu’il craignent une dévaluation des diplômes si les concours d’entrée sont « aménagés » pour leur faire de la place.

Le piège est parfait. On fait alors donner la garde, en l’espèce le duo de gauchistes patentés formé par Alain Minc et François Pinault pour mener la charge sabre au clair, dans une tribune du Monde contre les « réactionnaires » qui sont chargés de la formation des élites de la nation. L’autodidacte enrichi dans la vente de planches et la spéculation sur le sucre et le major de l’X et de l’ENA, cela a un parfum pré-révolutionnaire, ou alors je n’ai rien compris. On subodore une nuit du 4 août en plein hiver, avec quelques nobles s’alliant au Tiers-Etat pour terrasser les privilèges d’une aristocratie qui s’est insidieusement reconstituée au fil des dans les failles de l’élitisme républicain modèle IIIe République. Après un cours accéléré de sociologie bourdivine, les ministres compétents, Luc Châtel et Valérie Pécresse, menacent d’aller regarder les dessous des concours d’entrée pour y débusquer les chausse-trapes culturels destinés à éliminer les pauvres de Normale Sup, Polytechnique ou HEC.

Voilà comment l’on crée une polémique à la française, c’est-à-dire pesamment idéologique, et dénuée du moindre souci d’aborder le problème avec le minimum de pragmatisme permettant de résoudre le problème suivant :

Le système de reproduction de nos élites, qui favorise indubitablement les enfants issus de milieux économiquement favorisés et ceux des enseignants familiers des arcanes du système n’a pas produit, jusqu’à présent, une dégénérescence de ces dites élites, qui supportent fort bien la comparaison internationale. On vient même de l’étranger pour nous piquer quelques brillants sujets et leur offrir ceinture dorée et labos bien dotés.

Cependant, l’exclusion d’une partie de la population de ces enseignements d’excellence est un facteur de désintégration sociale qui s’ajoute au creusement des inégalités dans les revenus, l’habitat, les modes de consommation.

Comment faire en sorte que le remède administré pour corriger ce dernier inconvénient ne soit pas dommageable à la qualité des formations d’excellence ?

Les Etats-Unis ont créé une classe moyenne et moyenne supérieure noire en appliquant la discrimination positive au détriment de l’égalité formelle de tous devant l’accès au savoir. Ils ont choisi, pour un temps au moins, cette solution pour mettre fin à une situation de révolte violente des ghettos noirs à la fin des années 1960. C’était une décision politique, dont les résultats ont été relativement satisfaisants. Il existe toujours des ghettos noirs d’une pauvreté accablante, mais les leaders potentiels de la révolte en ont été extraits par le haut.

Cette politique est-elle nécessaire chez nous et surtout adaptée à la problématique des ghettos périurbains de la France d’aujourd’hui ?

Elle heurte de front cet élitisme républicain qui rejette toute distinction communautariste au non de la citoyenneté universelle. Il faut donc trouver autre chose et surtout quelque chose qui marche.

Cette idée de 30 % de boursiers dans les Grandes écoles ne restera qu’un slogan creux si on ne va pas voir de plus près ce qui empêche ces derniers d’y entrer. La théorie de la reproduction, développée par Bourdieu et ses disciples n’est pas intrinsèquement perverse, à condition de la compléter par un corollaire : les classes populaires ont aussi un penchant à souhaiter que leur progéniture ne s’éloigne pas trop du milieu dont ils sont issus. Des mentions TB au bac désespèrent leurs profs de terminale en allant se planquer dans un IUT au lieu d’intégrer une prépa de choc. Ma voisine, en dépit de mes encouragements, a préféré faire l’école d’infirmières alors que ses résultats brillants lui ouvraient une perspective de boursière en médecine. On veut bien grimper d’un étage, mais on craint de monter trop haut, donc de changer de monde. Si l’on commençait par inciter tous les bons élèves pas riches à risquer le possible, on aurait déjà fait un bon bout de chemin dans le sens souhaité par nos estimés dirigeants. C’est moins vendeur, en terme de com’ que 30 %, etc., et surtout cela ne permettrait pas à Minc et Pinault de faire les marioles. Impossible donc.

Le « No Sarkozy Day », c’est en mai 2012

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Le No Sarkozy Day est une initiative sincère et spontanée. Nous respectons la démarche et l’engagement qui ont amené les organisateurs à entreprendre cette action. Mais, nous blogueurs, nous ne pouvons nous y associer.

En premier lieu, Nicolas Sarkozy a été élu. Certes la France de Nicolas Sarkozy n’est pas une république irréprochable mais nous sommes attachés au principe démocratique. En tant que Président de la République, il bénéficie de la légitimité des urnes. Réclamer sa démission, c’est ouvrir une boîte de Pandore. Nous ne souhaitons pas jouer aux apprentis sorciers. Au contraire, Nicolas Sarkozy doit rester 5 ans au pouvoir, assumer ses erreurs jusqu’au bout. Le No Sarkozy Day doit avoir lieu le 7 mai 2012 et pas avant.

Ensuite, nous estimons que l’initiative est biaisée dès le départ. Le problème du No Sarkozy Day, c’est que le nom de Sarkozy soit l’unique vecteur de mobilisation. L’antisarkozysme primaire ne fera pas évoluer les mentalités, elle les confortera. Plutôt que de se focaliser sur l’homme, nous préférons nous concentrer sur le bilan désastreux de son action politique. Nous voulons bâtir une véritable alternative politique au sarkozysme qui soit à la fois construite et argumentée.

Nous pensons que cette opération se révélera contre-productive. Nous ne souhaitons pas être associés à cette initiative lancée sans concertation et qui relève plus du buzz marketing que de l’action politique. Le risque d’une instrumentalisation et d’une récupération politique d’un futur fiasco existe…

Texte paru sur Antidote.

Les 26 premiers blogs signataires : Laure Leforestier,Le Monolecte, Bah by CC, Le Volontaire, Partageons mon avis, Les jours et l’ennui de Seb Musset, Peuples, Intox2007.info, Falcon Hill, Disparitus, Sarkofrance, Back2basics, Neuromancien, Edelihan, l’hérétique, Marc Vasseur,Yann Savidan, Le Pavé, Hypos, H16, De tout et de rien, Des pas perdus, Piratages(s), Reversus, Romain Blachier, Antidote.

2010, Odyssée des résolutions (5)

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D’accord, il y a les contrôles renforcés aux aéroports, les scanners personnels et toutes ces mesures de sécurité qui vous rendent New York, la plus européenne des villes américaines, plus lointaine. Raison de plus pour prendre la résolution d’y aller en 2010, car, là-bas, même les murs ont la parole.