Accueil Site Page 1645

Violences: comme un pavé dans la mare du président


Emmanuel Macron avait l’intention d’incarner le parti de l’Ordre. Mais les violences du 1er mai ont sérieusement écorné l’image qu’il comptait renvoyer, au point de voir resurgir l’ombre d’un ancien président…


La semaine du fameux match opposant Emmanuel Macron au duo autoproclamé  « irrévérencieux » Bourdin-Plenel – qui, à leur corps défendant, a bien profité au président – le locataire de l’Elysée avait programmé une séquence. Dès le lundi matin, avant même que nous apprenions qu’il irait se mesurer aux vedettes de Mediapart et BFM TV, les forces de police s’approchaient de Notre-Dame-Des-Landes. Il devait aussi aller le jeudi midi discuter avec Jean-Pierre Pernaut, l’homme qui murmure à l’oreille des retraités de France. Toute la semaine était placée sous le signe du parti de l’Ordre, comme on disait au mitan du XIXe siècle. Autorité et Réconciliation, nous susurrait-on du côté du Château.

Le parti de l’Ordre vacille déjà

Bref, il s’agissait de gagner des points à droite, d’étouffer Laurent Wauquiez, dont on craint qu’il n’arrive peu à peu à reconstituer le socle réuni par François Fillon il y a un an. Qui sait si ces vingt points ne suffiront pas, en 2022, pour accrocher le strapontin du second tour ? Avec une abstention forte des Insoumis, prônée par ses dirigeants, ce serait alors gagné pour l’homme à la parka rouge. Il fallait donc priver Wauquiez d’oxygène immédiatement. L’isoler, le pilonner, le moquer, le trianguler, aller sur son terrain. Le sondage indiquant le président de LR à 8% arrivait à point, juste après ladite séquence. « Jupiter » pouvait savourer son bon coup, sous les vivas de la foule médiatique.

Sauf que.

Lorsqu’on joue à incarner le parti de l’Ordre, il faut pouvoir l’assumer au-delà d’une séquence d’une semaine et deux émissions de télé réussies. Et de quoi s’aperçoit-on depuis quinze jours ? Notre-Dame-Des-Landes n’a toujours pas été évacuée de ses zadistes ; les images de Tolbiac vandalisée ont été vues par toute la France ; du côté de la frontière franco-italienne, Génération Identitaire joue aux garde-frontières, sous le regard passif du ministre de l’Intérieur ; et des centaines de militants cagoulés s’installent en tête de la manif du 1er mai, et commettent leurs exactions habituelles. Ce printemps 2018 n’est pas terminé que le parti de l’Ordre vacille déjà.

Chienlit, Kärcher et Jupiter

Cette perception ne se traduira pas immédiatement dans les études d’opinion mais l’idée qu’il vacille avance imperturbablement. Le charisme et l’énergie du ministre de l’Intérieur commencent à être mis en cause et il se pourrait bien que cela soit en partie injuste. Celui qui a voulu s’ériger en parti de l’Ordre, et le marteler dans cette première quinzaine d’avril, c’est « Jupiter » lui-même. Jupiter contre la chienlit ! Et si la chienlit s’installe, c’est donc Jupiter qui sera le seul responsable. Le seul coupable.

Il me revient une expression célèbre. Un ministre de l’Intérieur, qui ne pensait pas à l’Elysée qu’en se rasant, avait un jour évoqué la volonté de passer le Kärcher dans des territoires perdus de la République. Il avait tout fait pour qu’on l’associe à cet outil de nettoyage germanique. Il n’est pas complètement impossible que cela put l’aider à accéder au pouvoir suprême quelques années plus tard. Mais le Kärcher fut remisé dans un placard. Et, dans l’électorat populaire, on a beaucoup dit en 2012 que le président sortant n’avait pas perdu parce qu’il avait voulu passer le Kärcher, mais parce qu’il y avait piteusement renoncé. On évoque souvent les bonnes relations entre Emmanuel Macron et cet ancien président. Sans doute ce dernier aurait pu mettre en garde l’actuel chef de l’Etat. Malheureusement, il aurait fallu que lui-même, pour prodiguer un tel conseil, ait quelque capacité à l’autocritique.

Evidemment, comme le style de Nicolas Sarkozy – tout le monde l’aura reconnu, sous son loup – et celui d’Emmanuel Macron sont fort différents, le parallélisme des situations n’est pas parfait. « Jupiter » se meut bien plus en douceur, dans le style gaullo-mitterrandien. Mais l’intention était malgré tout la même. Incarner l’Ordre. L’Autorité de l’Etat. Qu’on le fasse en plastronnant ou lors d’une séquence de communication réussie, il faut pouvoir assumer derrière. Dans le cas contraire, tout cela apparaît tôt ou tard, comme un lancer de boomerang mal ajusté. Et il n’est pas facile de rattraper l’objet dans ces conditions.

Dérapage

Price: 19,06 €

25 used & new available from 0,52 €

Écoute-moi bien, petit con de casseur privilégié

Ecoute petit con, toi qui contestes qui revendiques et qui protestes, qui brailles et qui manifestes, qui défiles dans nos villes et qui nous les casses, de plus en plus souvent et de plus en plus fort, je te connais comme si je t’avais fait. Je te connais comme si j’étais ton père parce que j’en ai l’âge mais surtout parce que moi aussi à vingt ans, j’étais anarchiste. Moi aussi, j’ai aimé la joie de l’émeute, le parfum du gaz et le goût de la bagarre. J’ai aimé ces moments volés à l’ordre urbain monotone, ces chamboule-tout jouissifs quand les bagnoles s’arrêtent et vont rouler ailleurs parce que tel est notre bon plaisir, quand on se moque que le petit bonhomme du feu devienne vert ou rouge pour traverser, parce qu’on traverse tout et partout, quand le petit bonhomme ordinaire qui d’habitude attend son tour n’attend plus, parce que le petit bonhomme c’est nous, par centaines et par milliers, et le feu aussi, et que la rue est à nous.

Rebelle à manger du foin

Moi aussi j’ai eu des plaisirs incendiaires, pour rire, pour voir, pour vivre ces instants précieux comme des extases, comme des orgasmes, quand la liberté est plus qu’une idée, quand elle est une sensation, et parce qu’un soir, une idiote dans mon genre s’est offerte en me glissant sur l’oreiller : « J’aime bien les rebelles ». Moi aussi tu vois, ne te déplaise cet insupportable ton paternel, j’ai été comme toi. Et puis je suis devenu un autre ou bien moi-même et si je ne suis plus dupe de certaines attitudes insurrectionnelles et de certains discours révolutionnaires, je le dois à d’autres. Sans eux, qui sait ce que je serais devenu ? Qui sait sans quelques voix honnêtes et amies, et sans la bienveillance de ce que j’appelais alors et que tu appelles encore l’état policier, je ne serais pas resté rebelle à manger du foin ? Comme Coupat, de son prénom Julien. Au risque de me fâcher, on ne m’a pas lâché, on ne m’a pas laissé seul et à la merci des escroqueries et des démagogies, on ne m’a pas abandonné, seul et hypnotisé, au fond d’une impasse idéologique, caressé par Gérard Miller. C’est pourquoi à mon tour, je me sens tenu à un devoir, celui d’être adulte, et investi d’une mission, celle de te mettre en garde, petit con.

Saint Malik te protège

Si tu peux nuire, brûler, détruire et casser en toute impunité ou presque, dans un cadre policier et judiciaire qui te protège plus qu’il ne te dissuade, si tu continues d’agresser des flics, sans que jamais ils ne répliquent  vraiment et létalement  sauf accident, si tu ressors des gardes à vue avec un titre de gloire et une bonne histoire à raconter sur l’oreiller à une idiote dans ton genre, c’est parce que tu es protégé, privilégié. Tu as un ange gardien qui arrête les balles avant qu’elles ne soient tirées, un saint patron qui empêche toute répression, c’est le patron des casseurs : Il s’appelle Malik Oussékine. Depuis que les forces de l’ordre l’ont laissé, un soir d’émeutes étudiantes, par terre et le nez dans le ruisseau, cardiaque et sur le carreau, Il règne sur les esprits de nos dirigeants. A toute tentation répressive Il oppose un veto, à toute envie de changement, Il impose un statu quo. Voilà pourquoi, manifs après manifs, tu peux jouer au garnement, au gamin turbulent sans risquer de verser une seule goutte de sang, enfin de ton sang. N’oublie pas quand tu salis ces murs que d’autres nettoieront pour nourrir une famille, par des graffitis à la gloire du PCM (parti communiste maoïste), que tu ne vis ni sous Franco, ni sous Mao, ni sous Maduro, et que c’est parce que la démocratie est plus libérale que populaire, et la république bonne fille, que tu ne risques ni le camp, ni les champs, ni les saints sacrements. Connais-tu cette devise CRS ? Des bosses, pas des trous. Autrement dit, on tape, on ne tue pas. Elle est française, penses-y avant d’accuser la société et de la brutaliser, et remercie d’être né ici.

Prends garde au peuple

Si tu peux jouer à la guérilla urbaine comme dans tes jeux vidéo mais dans des décors réels payés par le travail des besogneux que tu méprises, toi qui dans ta version politisée dénonces l’idéologie du travail, toi qui prends chaque mois ton RSA, et subsistes grâce à cette mendicité institutionnelle, en tendant la main pour vivre aux crochets de ceux qui se retroussent les manches, c’est parce que nous autres couillons de payants le voulons bien, même si tu ne le vaux pas. Si tu ne crèves pas de faim dans la rue, c’est par la charité de ceux dont tu brises les vitrines, dont tu brûles les voitures et dont tu finis par casser les couilles. S’il t’arrivait de te laisser griser par tes discours, n’oublie jamais que tu n’es pas le peuple, tu n’es qu’une infime minorité, un groupuscule, une secte. Le peuple, c’est cette masse de gens au bureau, au champ, à l’atelier, à l’usine, au volant d’un camion ou d’un bus et j’en oublie, qui s’échangent le résultat de leurs travails. Ceux-là ne se paient pas de mots, et quand ils t’entendent, ils rigolent. Ils se paient ta fiole, jusqu’au moment où ils te voient casser l’outil ou le fruit de leur labeur, et là ils ne rigolent plus.

Karchër pays de ton enfance

Et voilà où je voulais en venir : prends garde, sois toi aussi mesuré, fais attention de ne pas aller trop loin et de ne pas épuiser la patience de tous ces braves gens contre qui tu pars en guerre avec le courage du cagoulé au milieu des foules. Retiens tes violences, espace-les, fais-toi un peu oublier car les pouvoirs de saint Malik pourraient un jour être épuisés, comme tous ceux qui te regardent, de te voir détruire ce qu’ils contribuent à construire. Las de te voir toujours recommencer à mettre à terre ce qu’elle relève inlassablement, une France qui se lève tôt pourrait avoir envie de Kärcher, et pourrait mettre au pouvoir une équipe qui tienne ses promesses. Et alors gare à tes fesses car je ne pourrai plus rien pour toi, mon cher petit con.

Arménie: l’identité guidant le peuple


Depuis le début du mois d’avril, l’Arménie est à nouveau secouée par des manifestations contre le pouvoir en place et l’emprise de la corruption sur les activités du pays. Mais au fond, les Arméniens luttent encore et toujours pour défendre leur identité…


Petit pays montagneux enclavé dans le Caucase méridional, l’Arménie est, depuis avril, le théâtre d’une révolution pacifique qui est en train de bousculer l’échiquier politique locale. Les contestataires tentent de modifier en profondeur l’actuel système politique, où une poignée d’oligarques détient l’essentiel de l’économie nationale et des postes de pouvoir.

Les manifestations proprement dites ont démarré le 12 avril par le blocage, par des manifestants, de plusieurs routes d’Erevan, la capitale du pays. Ces dernières n’étaient que l’aboutissement d’autres initiatives qui, elles, avaient commencé le 31 mars. C’est à cette date que Nikol Pachinian, député membre du parti politique Contrat civil et de la coalition d’opposition Yelk, a entamé une marche de 200 kilomètres de Gyumri, la deuxième ville d’Arménie, à Erevan. Nommée « Mon pas », l’initiative visait à protester contre l’élection au poste de Premier ministre de l’ancien président Serge Sarkissian, élu en 2008 et en 2013. Très impopulaire, les protestataires lui reprochent d’avoir été élu à l’aide de fraudes et d’être au centre du système oligarchique en place.

Militaires et prêtres aux côtés des manifestants

La marche a vite pris de l’ampleur. Des dizaines de milliers de citoyens ont rejoint Nikol Pachinian. Face à l’ampleur des manifestations, le gouvernement a rapidement décidé de mobiliser la police. Plusieurs centaines de citoyens, d’activistes et de journalistes ont été interpellés, blessés ou arrêtés durant les onze jours de protestations.

Le 17 avril, Serge Sarkissian est élu Premier ministre par son propre parti, le Parti républicain d’Arménie (HHK), majoritaire à l’Assemblée nationale, qui verrouille le système politique, social et économique du pays. Il est alors contraint, face à la montée des manifestations, désormais étendues au reste du pays, d’accepter de rencontrer Nikol Pachinian, devenu entre-temps le leader de la protestation. La rencontre aura lieu le 22 avril, face aux caméras, et durera trois minutes. Le néo Premier ministre déclare à cette occasion : « Vous n’avez tiré aucune leçon du 1er mars 2008 », référence explicite aux manifestations contre sa propre élection. Cette contestation, à laquelle avait participé Nikol Pachinian, s’était soldée par la mort de dix manifestants, tués par la police. Aucune enquête n’avait suivi.

Nikol Pachinian est arrêté à la sortie de la rencontre avec Sarkissian, et cela malgré son immunité parlementaire. Il sera libéré le lendemain, 23 avril, date à laquelle Serge Sarkissian accepte finalement de démissionner. Un certain nombre d’observateurs, dont Richard Giragosian, directeur du think-thank indépendant Regional Studies Center, basé à Erevan, soulignent l’importance de l’armée dans la chute de Sarkissian. Quelques heures avant, une centaine de militaires avaient en effet abandonné leurs casernes pour s’unir aux manifestants. Des prêtres de l’Église apostolique arménienne avaient, avant eux, rejoint le mouvement.

Sarkissian renonce, mais…

Karen Karapetyan, politique arménien proche de Moscou et ancien directeur de GazProm Armenia, lui succède en tant que Premier ministre par intérim et annonce, le 25 avril, l’organisation de nouvelles élections législatives. Pachinian, que Karapetyan a refusé de rencontrer, et les manifestants s’y opposent, accusant le gouvernement et Karapetyan de vouloir mettre en place des élections truquées pour permettre au HHK de rester au pouvoir, et demandent la création d’un gouvernement de transition.

Finalement, le 28 avril, le HHK déclare qu’il ne présentera pas de candidats et Nikol Pachinian est, lui, officiellement désigné candidat par sa coalition, Yelk, qui reçoit le support d’Arménie prospère, le parti de l’homme d’affaires, Gagik Tsarukyan, précédemment soutien du HHK.

La séance parlementaire pendant laquelle plusieurs députés interrogent les candidats au poste de Premier ministre, pour ensuite procéder à un vote, dure 9 heures et est suivi par l’ensemble du pays, y compris dans les rues et dans les places. Nikol Pachinian répond à 26 questions, dont 16 posées par le HHK, là où la précédente session de Serge Sarkissian avait duré 5 heures, pour seulement 8 questions, dont 4 posées par des membres de son propre parti.

La candidature de Nikol Pachinian est finalement rejetée par 56 votes sur 102. Les protestations se poursuivent, et de nouvelles élections sont organisées pour le 8 mai. Elections au cours desquelles, le HHK a déclaré qu’il votera pour le candidat qui aura obtenu le support d’un tiers du parlement.

Une longue marche contre la corruption

L’hostilité de la population à l’égard de Serge Sarkissian n’est pas le fruit d’un vague ras-le-bol né sur les réseaux sociaux. Il trouve son origine dans une longue et complexe concaténation de causes et d’effets.

Le système oligarque local est étroitement lié à la corruption endémique qui sévit dans le pays. Selon l’ONG, Transparency International, l’Arménie occupe la 107ème place sur 180 des pays répertoriés dans son indice de la corruption étatique (la France est 23ème). Une quarantaine d’oligarques contrôlent en effet l’essentiel des activités industrielles, commerciales et banquières d’Arménie, rendant extrêmement difficiles les initiatives privées. Cette emprise sur les activités du pays crée une périphérie misérable. Selon les données du Service national des statistiques d’Arménie de 2016, 29,4% de la population est en état de pauvreté.

Des élections régulièrement considérées comme truquées ont poussé la population arménienne à organiser des manifestations. Elles ont pris la forme de marches, initiatives citoyennes, blocage de routes. Cela n’a pas suffi à éviter la réforme constitutionnelle de 2015 par referendum, fortement soutenue par Serge Sarkissian et le HHK, et contestée par l’opposition. En prévision de la fin du mandat de Sarkissian, elle a transformé le système politique arménien, auparavant sémi-présidentiel en un régime parlementaire, où le pouvoir réel est détenu par le Premier ministre.

L’identité, un trésor arménien bien gardé

Mais le vrai point de saturation pour la population a probablement été la profonde crise sociale et militaire de 2016. En avril, des affrontements sur la ligne du cessez-le-feu entre l’Azerbaïdjan et le Haut-Karabagh a fait des dizaines de morts. Ils ont même eu pour conséquence la perte de huit kilomètres de territoire au profit de l’Azerbaïdjan. Région peuplée majoritairement d’Arméniens mais placée en territoire azerbaïdjanais par Staline en 1921, le Haut-Karabagh a déclaré son indépendance en 1991, à l’occasion de la dislocation de l’URSS. Une longue guerre, de 1991 à 1994, s’est soldée par la victoire des troupes arméniennes et la signature d’un cessez-le-feu qui ne mit pas un terme à la guerre. Raison pour laquelle l’Azerbaïdjan et le Haut-Karabagh, soutenu par l’Arménie, demeurent en état de guerre latente. Les affrontements de 2016 ont révélé le réel état de l’armée arménienne, contrainte à combattre avec du matériel obsolète, alors que le gouvernement octroi à la police une grande partie du budget destiné à la défense.

C’est ce qui a conduit, à l’été de la même année, à une tentative de soulèvement lancée par le groupe armé, « Sasna Tserer », composé essentiellement par des vétérans de la guerre de 1991-1994. Au cours de cette « crise des otages », le groupe avait pris possession du commissariat de police du quartier d’Erebouni, dans la périphérie d’Erevan, et appelé la population et l’armée à renverser le régime de Serge Sarkissan. La crise a duré un mois et s’est terminée par la reddition du groupe, accompagnée de trois morts, de plusieurs dizaines de blessés et d’un grand nombre d’arrestations.

L’annonce de la candidature de Serge Sarkissian au poste de Premier ministre et la perspective d’un prolongement indéfini du HHK au pouvoir a donc été la goutte qui a fait déborder le vase.

L’Arménie, un pays sous influences…

La révolte en cours n’est pas sans conséquences sur la politique internationale de l’Arménie. Le petit pays caucasien se trouve en effet au carrefour de plusieurs intérêts internationaux : à la frontière de la Turquie, de la Géorgie (pro-occidentale depuis 2003), de l’Azerbaïdjan et de l’Iran. Deux frontières, celles avec l’Azerbaïdjan et avec la Turquie, sont fermées et militarisées en raison du conflit du Haut-Karabagh.

Pays faisant partie du Conseil de l’Europe, l’Arménie est étroitement liée à la Russie. 80% des Arméniens qui émigrent partent en Russie, et leurs familles dépendent en partie de ce qu’ils leur envoient. Erevan est également membre de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC), sorte d’OTAN qui réunit plusieurs Etats de l’ancien espace soviétique et de l’Union économique eurasiatique (UEE), dominée par la Russie depuis 2014. Trois garnisons russes sont présentes sur le territoire arménien : à Erevan, Gyumri et Meghi, à la frontière avec l’Iran, et des soldats russes patrouillent le long de la frontière avec la Turquie.

La position stratégique de l’Arménie est donc fondamentale pour les projets russes, tant économiquement que militairement. Même l’opposant au régime, Nikol Pachinian, a donc très vite déclaré que l’Arménie aurait honoré les alliances avec la Russie même en cas de changement de pouvoir.

…qui tient à son indépendance

Nikol Pachinian a pourtant déclaré que les manifestations en cours n’étaient pas un nouvel « Euromaidan » : « Pas un seul centime a été pris de la part d’une agence étrangère pour ce mouvement ». Un peuple n’a peut-être pas besoin d’Open Society Foundations ou des États-Unis pour décider de son destin.

Situation incompréhensible pour l’occidental désormais habitué à marcher en un monde toujours plus ouvert et sans repère, errant dans une société liquide et désincarnée où l’individualisme est souverain, l’Arménie est habité par un peuple pour qui l’indépendance de son pays est une évidence. Cela crée de l’unité, qui va souvent au-delà des divisions individuelles. Les Arméniens sont Arméniens, se sentent Arméniens et savent que leur identité est étroitement liée au bien-être de leur pays et au souvenir de leur histoire commune, qui ne se réduit pas au seul génocide de 1915. Le système oligarque bafoue et manipule depuis trois décennies l’orgueil de ce peuple, et la guerre avec l’Azerbaïdjan demeure une épée de Damoclès au-dessus de la tête de la première nation chrétienne de l’histoire. Pour que l’Arménie vive que son peuple demeure arménien, il faut que cet état de fait change : telle est la raison ce mouvement de fond.

Arménie : A l'ombre de la montagne sacrée

Price: 9,00 €

8 used & new available from 8,76 €

Histoire de l'Arménie: des origines à nos jours

Price: 32,00 €

30 used & new available from 9,26 €

Facs occupées, les bidonvilles de l’ignorance


Les acteurs du mouvement étudiant sont les premières victimes de la non-sélection qui sévit dans toutes les écoles de France et dont ils veulent le maintien.


À Paris-I comme à Montpellier, à Strasbourg, à Nantes ou à Toulouse, les étudiants en colère ont voulu être à la hauteur de leurs glorieux aînés. Ils ont rejoué 68 qui rejouait déjà la Commune, la révolution d’Octobre, la Résistance. Le mouvement de 2018 est la copie d’une copie, l’imitation d’une imitation, le pastiche d’un carnaval. Mais, en 68, ceux qui voulaient liquider l’héritage étaient des héritiers. Ils avaient lu des livres, leur vocabulaire, leur syntaxe, leurs références en faisaient foi. Ceux qui ont voulu remettre 68 au goût du jour sont les produits d’une école qui, au nom de l’égalité, a supprimé les humanités. Ces « inhéritiers » ne sont pas seulement parodiques, ils sont pathétiques. Ils sont les premières victimes de la non-sélection qui sévit dans toutes les écoles de France et dont ils veulent le maintien à l’entrée de l’Université en oubliant que la sélection a été mise en œuvre par les fondateurs de l’école républicaine pour lutter contre la reproduction sociale.

« Sionisme = racisme antigoy »

« Soyez réalistes, demandez l’impossible », écrivent-ils sur leurs banderoles, mais ce mouvement n’a rien de ludique, de festif ou d’utopique. Devenus zones universitaires à défendre, les temples du savoir ont été dégradés et transformés en bidonvilles de l’ignorance avec une passion pour la laideur qui laisse pantois. Les grévistes de Tolbiac ont, dès le début de leur occupation, mis à sac le local de l’Union des étudiants juifs de France en laissant derrière eux ce graffiti instructif : « Sionisme = racisme antigoy ».

En 1968, enfin, on disait beaucoup de bêtises, mais tout le monde parlait avec tout le monde. En 2018, la contestation est sous cloche. Allergiques à la divergence, les nouveaux révoltés s’épanouissent dans le vandalisme, réclament la généralisation de l’écriture inclusive, organisent des « réunions non mixtes d’étudiant.e.s racisé.e.s » et, à part Alexis Corbière et Olivier Besancenot, personne n’a envie de parler avec eux.

L'identité malheureuse

Price: 8,50 €

36 used & new available from 1,98 €

La seule exactitude

Price: 9,00 €

25 used & new available from 1,37 €

Génération «J'ai le droit »: La faillite de notre éducation

Price: 18,00 €

42 used & new available from 2,26 €

Monsieur Mélenchon, le gauchisme est le pire ennemi du mouvement social

J’ai toujours gardé dans mes archives l’article signé de Georges Marchais en première page de L’Humanité, le 3 mai 1968. Le jour où les « événements » ont commencé. Le texte, émanant de la direction du Parti et non du seul Marchais, dénonçait les gauchistes à la Cohn-Bendit : « Non satisfaits de l’agitation qu’ils mènent dans les milieux étudiants – agitation qui va à l’encontre des intérêts de la masse des étudiants et favorise les provocations fascistes – voilà que ces pseudo-révolutionnaires émettent maintenant la prétention de donner des leçons au mouvement ouvrier. »

« Personne ne peut croire qu’en cassant une vitrine de McDo, on fait un acte révolutionnaire »

Écoutant, hier, Jean-Luc Mélenchon chez Jean-Jacques Bourdin, j’ai entendu comme un écho à propos des casseurs de la manifestation du 1er mai qualifiés de « violents qui ont servi la soupe à nos adversaires ». Dénonçant les fils à papa qui font péter les vitrines de McDo, il assène « personne ne peut croire qu’en cassant une vitrine de McDo, on fait un acte révolutionnaire ». Il ne va pas qualifier les « black blocs » de provocateurs manipulés ou en tout cas utilisés par le pouvoir mais on n’en est pas loin. Allez camarade Mélenchon, encore un effort pour être enfin sérieux sur cette question du gauchisme qui aujourd’hui comme hier, constitue un obstacle à la constitution de « l’unité populaire » que vous appelez de vos vœux. Et ne laissez pas vos militants applaudir ou participer aux débordements infantiles comme ceux qui se sont déroulés à la faculté de Tolbiac. Ne les laissez pas non plus traiter les policiers de « grosses merdes » devant les caméras gourmandes des chaînes d’info, pour venir ensuite pleurnicher en leur demandant de vous protéger, comme récemment Coquerel après son entartage et Corbière député d’un territoire perdu.

Puisqu’avec le 50e anniversaire de mai 68, le temps est aux réminiscences, j’ai celle de la grande manifestation de la sidérurgie le 23 mars 1979 qui fut dévoyée par le même genre de casseurs qui avaient tranquillement poursuivi leur saccage tout le long du parcours. En ce temps-là, ils s’appelaient eux-mêmes les « autonomes ». Il se trouve que pour différentes raisons j’ai été très concerné professionnellement par ce qui s’était produit. Avec l’aide de la CGT, j’ai publié à cette époque un livre qui décortiquait les mécanismes d’une incontestable provocation à dimension policière. Celle à laquelle nous avons assisté le 1er mai en est la jumelle. Comment en effet comprendre qu’un bloc compact de 1200 manifestants cagoulés et harnachés ait pu prendre tranquillement la tête du cortège et se livrer à des dégradations massives et surtout spectaculaires devant les caméras. À qui fera-t-on croire que ceux qui dirigent et manipulent ces groupes violents ne sont pas connus et fichés par la police ? À qui fera-t-on croire que ces mouvements, qui ne sont que les héritiers d’une forme désormais ancienne de gauchisme européen, ne sont pas surveillés et infiltrés ? Il était impossible de prévenir l’émeute ? Impossible d’intervenir quand elle se déroulait ?

Ennemis de casse

Je ne dis pas que le maintien de l’ordre est facile mais pour bien connaître les lieux où se sont déroulés les principaux incidents, il n’aurait pas été très compliqué de commencer par embarquer, avant la manif, leurs chefs qui sont évidemment connus. Ensuite d’isoler les casseurs, en particulier sur le pont d’Austerlitz. Pour enfin les disperser et en coffrer un certain nombre. Quant à la justification de la « modération » dans la répression par la peur d’un mort qui permettrait de mettre le pouvoir en difficulté, c’est un argument dénué de sérieux. Le syndrome « Malik Oussekine » n’opère plus depuis longtemps. Et les techniques du maintien de l’ordre ont fait suffisamment de progrès pour éviter qu’un drame se produise. On me dira que le pouvoir actuel ne serait pas capable d’être cynique et calculateur et d’organiser ainsi la disqualification du mouvement ? Allons, la méthode est aussi vieille que l’État, même si je sais que le dire aujourd’hui vous expose immédiatement à la stupide accusation de « complotisme ».

Je ne dis pas non plus que tous ceux qui appartiennent à ces groupes violents sont des flics. Il y a là un mélange d’enfants gâtés de la petite bourgeoisie en mal de sensations, de vrais anars, de déclassés et de marginaux qui forment un lumpen intellectuel complètement disponible pour servir de masse de manœuvre, pour le plus grand profit de ceux qui tiennent le manche. Il est cependant essentiel d’affirmer que leurs buts et leurs méthodes sont étrangères à celle du mouvement populaire indispensable pour lutter contre ce pouvoir et sa politique.

Qu’au contraire, ils le sabotent et qu’il est indispensable de les considérer et de les traiter comme des adversaires.

La Provocation (Notre temps)

Price: 13,30 €

8 used & new available from

Ces « petits riens » de l’islamisme « soft » qui s’infiltrent dans notre quotidien


Témoignage d’un musulman de Suisse excédé par ces « petits riens » qui, à force de se répéter, illustrent les tentatives d’intrusion de certains islamistes dans la sphère privée.


Août 2002. Mon oncle Driss ne s’était jamais vraiment relevé de la chute des deux tours new-yorkaises. En plus, quelques mois plus tôt, Jean-Marie Le Pen avait accédé au second tour de l’élection présidentielle française. « Je l’avais prédit. Si nous continuons de nous voiler la face, nous l’aurons bientôt dans le baba », avait-il dit sur son lit d’hôpital en crachant ses poumons.

Car à force de fumer, Tonton avait eu des métastases dans tout le corps. Il avait beau depuis son enfance faire ses cinq prières quotidiennes et connaître par cœur le Coran, son Dieu n’avait pas été très généreux. Mon oncle avait à peine 50 ans. Il était sur le point de s’en aller. Le temps était splendide, à croire que le ciel auquel il croyait tant avait ouvert ses volets pour mieux l’accueillir.

« Si un musulman meurt en présence de femmes… »

Nous étions à son chevet. Il murmurait : « Maman ! » Un aide-soignant que nous apprécions beaucoup nous avait rejoints. Comme nous, il était né dans le sud de l’Algérie. Nous lui faisions confiance. Il parlait à mon oncle en tamachek – la langue des Touaregs – et lui apportait des mets « du pays », dont le fameux « elftat », des crêpes rudimentaires enrobées de sauce piquante et de viande de mouton.

Alors que mon oncle avait de plus en plus de peine à sussurer « maman », cette blouse blanche m’avait attiré en dehors de sa chambre d’agonisant pour me dire ceci : « Momo  (c’est mon surnom), il ne faut pas que les deux filles de Driss et son épouse restent dans cette chambre. Car si un musulman meurt en présence de femmes, son âme sera souillée et il ne pourra pas aller au paradis. » Fin de citation.

Je n’avais pas eu d’autre alternative que de l’empoigner par sa barbichette et l’expulser manu militari. « Tu n’es pas digne de partager de notre souffrance. Va-t’en. »

« Vous êtes musulman, comme moi »

J’espérais que ces intrusions indécentes d’islamistes dans nos vies privées fussent exceptionnelles. Hélas, sans être envahissantes, elles ne sont pas rares et ne
font pas la « une » des journaux.

Petit florilège.

Ce soir-là de 2015, président d’une société locale permettant à des enfants et à des adolescents d’apprendre à peu de frais à jouer d’un instrument de musique (cotisation annuelle de 80 francs suisses), je devais m’acquitter d’une épouvantable corvée : dire à une jeune musicienne qu’elle n’était plus la bienvenue car malgré de nombreux rappels, ses parents n’avaient pas payé leur cotisation. Visiblement triste, la gamine m’avais alors dit : « Monsieur ! Allez-voir mon papa, il m’attend à la sortie. »

A lire aussi: La France doit exiger l’autocritique des représentants de l’islam

Effectivement, il était là, à bord d’une rutilante BMW. Il commença par m’expliquer que comme il était « au social », il n’avait pas les moyens de dépenser quatre fois 20 francs
par an pour que sa fillette puisse apprendre à jouer de la flûte traversière et s’intégrer à un groupe. Puis, constatant mon scepticisme, il m’interpella en ces termes : « Eh ! Mais si vous vous prénommez ‘Mohamed’, c’est que vous êtes musulman comme moi ! Dans ce cas, je paie. »

Fin de citation.

Quelques mois plus tôt, notre section locale du PS avait vécu une séance épouvantablement houleuse. Enjeu : la désignation de nos candidats et candidates au Conseil municipal. Je m’étais inconsciemment porté volontaire – face à une femme. Un quasi tabou. « Parqués » (car il n’existe hélas pas d’autre mot) au fond
de la salle, une vingtaine de travailleurs turcs membres d’un syndicat très influent. Ils avaient été convoqués pour répondre aux ordres de leur « chef », devenu depuis député. Ils avaient pour mission de me barrer la route. Mais découvrant mon prénom, l’un d’entre eux m’avait attiré à l’écart et m’avait dit : « Tu es musulman comme nous ? Alors nous allons voter pour toi et contre cette femme. » Heureusement, j’avais été battu pour une petite voix. La mienne !

« Nous seuls connaissons la vérité »

Et que dire de cette Suissesse convertie – c’est son droit légitime – qui refuse de me serrer la main, alors que je lui avais si souvent fait la bise auparavant ? « Si des connaissances me voient serrant la main d’un homme, ils risquent de me dénoncer à mon mari », avait-elle dit pour se faire pardonner.

Et que dire de cette autre femme au visage aussi pur que celui de Claudia Cardinale dans Il était une fois dans l’Ouest ? Elle s’était mise à porter un discret foulard, puis un fichu plus impressionnant et désormais un niqab ! « Nous seuls connaissons la vérité », m’avait jeté à la figure cette ancienne copine du quartier.

A lire aussi: Femmes, je vous hais: islamistes et masculinistes, même combat

Et que dire aussi de cette pizzeria, peut-être une des meilleures de la ville ? Qui propose de véritables filets d’anchois ou des merguez à damner un apôtre ! Malheureusement, son gérant refuse de servir du vin à ses clients. Tant pis pour lui.

Que dire enfin de cette vieille connaissance qui s’inquiétait de mon éternel célibat ? Ce quasi compatriote me proposait sans vergogne de me faire rencontrer de jeunes musulmanes. « Elles sont dociles ! », m’avait-il assuré. « Tu n’aurais pas plutôt une Juive ? », avais-je rétorqué par pure provocation. Il ne m’adresse plus la parole.

Ad libitum.

Une grosse poignée d’islamistes pourrissent notre quotidien

Ces petites scènes de la vie quotidienne ont pour la plupart eu lieu dans « ma » ville
: Bienne. Quelque 55 000 habitants. Un modèle d’une commune multi-ethnique qui a prospéré grâce à l’apport successif de travaileurs du Seeland, du Jura, de Toscane
et des Pouilles, d’Andalousie et de Galice, du Portugal, de Serbie et du Kosovo. Où l’école et l’entreprise ont été de formidables lieux d’intégration – sans oublier les nombreux clubs sportifs, les fanfares et les troupes de théâtre, les bistrots et même les cimetières.

Une politique intelligente en matière de logements avait jusqu’alors évité la création de « ghettos » ethniques.

Parfois cependant, j’ai des doutes. Au nom du magnifique multiculturalisme dont je suis un fruit, certains semblent prêts à renier leurs valeurs et à céder au mortifère relativisme culturel. N’osent plus dire que certains principes, acquis au terme de longues luttes, et souvent encore fragiles, ne sont pas négociables. Par exemple, l’égalité entre hommes et femmes (il y a du boulot !), la lutte contre l’homophobie, l’antisémitisme et toutes les formes de xénophobie, la dénonciation des dérives communautaristes et la réaffirmation que dans une civilisation des Lumières, la Loi prime sur la foi.

A lire aussi: Antisémitisme: ils en ont parlé ! Enfin presque…

Il y a cinquante ans presque jour pour jour, j’avais, sans le demander, débarqué dans cette ville à mes yeux exemplaire : ouverte, modeste, laborieuse et innovante.

Mais cette image engageante ne doit pas masquer une triste réalité : à force de sectarisme et de revendications impossibles à justifier, une grosse poignée d’islamistes nous pourrissent l’existence au quotidien et donnent une image désastreuse de l’écrasante majorité de celles et ceux qui voudraient simplement pratiquer leur religion discrètement. Ou qui s’y réfèrent pour des raisons purement culturelles.

J’en fais partie. Car je le confesse. Je n’ai de profondément musulman que deux particularités : mon prénom, qui est bigrement typé, et mon prépuce, qui est pareillement coupé.

La stratégie de l'intimidation: Du terrorisme jihadiste à l'islamiquement correct

Price: 23,00 €

18 used & new available from 11,95 €

Gauchos, hors de nos facs !


Dans les universités, de jeunes gauchistes aussi incultes que sectaires expriment dans un sabir « postcolonial » leur refus de toute sélection. Signe du déclin du savoir, certains professeurs se joignent au mouvement, feignant de croire que 80% d’une classe d’âge a les capacités de suivre des études. Triste printemps. 


Si on vous demande quel est le point commun entre l’École normale supérieure, la vieille Sorbonne (Paris-IV) et l’École des hautes études en sciences sociales, vous répondrez peut-être que ce sont des temples du savoir, et plus spécifiquement, des établissements de pointe dans le domaine des humanités, pour les deux premières, des sciences humaines et sociales, comme on les a baptisées dans la langue triomphante du progrès, pour la troisième. Ce trio d’excellence constitue aussi un modèle (très) réduit d’un système d’enseignement supérieur qui, derrière ses apparences et ses prétentions jacobines, se caractérise par une extrême diversité des statuts. Normale-Sup est une grande école, à laquelle on accède par un concours extrêmement difficile, la Sorbonne une université classique, ce qui signifie qu’elle ne peut vraiment choisir ses étudiants qu’après la licence. Quant à l’École des hautes études, qui fut longtemps un haut lieu de l’histoire en France, elle était à l’origine exclusivement dédiée à la formation doctorale – l’enseignement de la recherche par la recherche. La prise du pouvoir par la sociologie bourdieusienne et le ronronnement égalisateur qui l’a accompagnée ont mis fin à cet odieux privilège. « Ces gens-là n’ont rien à dire sur le réel et ceux qui s’intéressent au réel sont marginalisés, commente un historien goguenard. Au passage, cela a signé la fin du climat intellectuel et de l’esprit de dialogue qui permettaient à des gens très différents de se respecter. » Si elle conserve, mais pour combien de temps, le droit de sélectionner ses étudiants, l’École délivre désormais des masters, ce qui signifie qu’elle commence à rentrer dans le rang universitaire. Pour nombre de professeurs, cette banalisation est encore insuffisante : ils se sont mobilisés contre l’adhésion de l’EHESS à PSL (Paris sciences et lettres), regroupement créé par la loi Pécresse et dont font également partie l’ENS, Dauphine et plusieurs grandes écoles et formations scientifiques. Un regroupement jugé trop « élitiste » – quel scandale en effet qu’une école élitiste… On se demande ce que serait son antonyme : une école moyenne ?

« À l’EHESS, si on veut obtenir des financements, il faut utiliser l’écriture inclusive »

Rome ne s’est pas défaite en un jour. En dépit des nombreux efforts déployés pour en finir avec ce détestable élitisme, ces trois établissements restent sans doute ce que nous avons de mieux en matière d’études littéraires, au sens large. Pour anecdotique qu’il paraisse, leur autre point commun, qu’ils partagent certainement avec un grand nombre de facs, est doublement emblématique du désastre intellectuel de l’Université d’une part, de la terreur et de la sottise idéologiques qui y règnent, de l’autre.

La nouvelle mode qui fait donc fureur chez d’éminents professeurs aussi bien que chez les étudiants bloqueurs, c’est l’écriture inclusive, cet idiome immonde qui ressemble à une plaisanterie, en tout cas c’est ce qu’on croyait quand les points, les tirets et les « é-e » sont apparus. Sauf que, comme le révèle le témoignage publié page 70 sur Normale-Sup, ainsi que d’autres, recueillis auprès de chercheurs et d’enseignants de la Sorbonne et de l’EHESS, on ne plaisante plus du tout avec ça. Les commissaires politiques, aussi nombreux et agressifs chez les profs que chez les élèves, traquent les déviants. Si bien que des adultes raisonnables, de peur d’être dénoncés, essaient d’éviter toute allusion genrée dans leurs courriers électroniques ou, pis encore, se soumettent à cette lubie d’adolescents qui, en dépit de tout le fatras sociologisant qu’ils ingurgitent, croient toujours que le mot chien mord. « À l’EHESS, si on veut obtenir des financements, il faut écrire dans ce jargon », observe l’historien qui préfère en rire. Le climat est encore plus plombé à Normale-Sup : le destin d’une école qui a formé tant de penseurs et de citoyens illustres, de Péguy à Pompidou en passant par Sartre et Aron, est un véritable crève-cœur.

« Ce sont les profs qui tiennent le plus au mythe égalitariste »

Les bloqueurs et saccageurs du triste printemps étudiant auquel on a assisté se réclamaient de Mai 68, qui, observe Alain Finkielkraut (page 63), rejouait déjà la Commune et 1917. Si l’on excepte leur talent pour les happenings animaliers plus ou moins drôles qui font plutôt l’ordinaire de YouTube, la fierté avec laquelle ils exhibent leur incompétence et l’arrogance avec laquelle ils jettent à la poubelle de l’histoire tout ce qui les a précédés, et même tout ce qui n’est pas eux, évoquent plutôt les sinistres gardes rouges de la révolution culturelle chinoise – que révéraient, il est vrai, les plus intellectuels de leurs glorieux aînés. Sauf que cette fois, leurs aînés consentent à leur propre destitution, comme le révèle le grand nombre de professeurs qui se sont solidarisés avec le mouvement anti-sélection. Ainsi a-t-on pu entendre, sur France Culture, l’inénarrable Nicolas Offenstadt raconter fièrement à un journaliste ravi par tant d’audace que, pendant le blocage, ses cours continuaient mais qu’ils ne portaient pas sur le programme, car cela reviendrait à briser la grève. Sur l’engagement des professeurs contre la sélection, Marcel Gauchet a sa petite idée : « Ce sont les profs qui tiennent le plus au mythe égalitariste en vertu duquel un doctorat de sociologie à Trifouilly-les-Oies vaut la même chose qu’un diplôme de physique à Orsay, qui est la poursuite du mythe selon lequel un bac pro passé à Saint-Denis équivaut au bac d’Henri-IV. Tout le monde sait que c’est faux, mais peu importe. On fait semblant d’y croire. »

De fait, la mobilisation contre une sélection qui a déjà cours dans toutes les formations appréciées par les employeurs aura plus tenu de la commedia dell’arte que de la lutte sociale. Les étudiants en grève étaient pathétiques dans leur volonté de s’illusionner et dans leur refus de la méritocratie. Mais ceux qui, dans la classe politique et dans le monde universitaire, les ont encouragés dans leurs illusions, sont, eux, des cyniques qui attendent une rétribution électorale de leur démagogie, ou veulent simplement faire jeune. « Tout le monde convient que l’absence de sélection est une folie, mais une opinion et une classe politique divisées interdisent toute remise en cause d’un statu quo pourtant jugé quasi-unanimement coûteux et cruel, à la fois pour la collectivité et pour les individus, car ses premières victimes sont les jeunes envoyés à l’université comme à l’abattoir », écrit Antoine Compagnon[tooltips content= »Antoine Compagnon, « Bac sélection université », in Le Débat, n° 199, mars-avril 2018. »]1[/tooltips]. On dirait en effet que même Emmanuel Macron n’ose pas utiliser le mot honni et qu’on préfère laisser des dizaines de milliers de jeunes traîner dans des facs-dortoirs plutôt que de leur dire la vérité : prétendre que tous les bacheliers sont aujourd’hui capables de suivre des études universitaires est un énorme bobard. Tout le reste est littérature.

« A 10 000 euros l’année, à Sciences-Po, les blocages ne durent jamais longtemps »

Beaucoup de jeunes, du reste, refusent de s’en laisser conter. Ils optent pour des formations sélectives, de plus en plus souvent privées, dont on apprend, dans la vaste enquête menée par Anne-Sophie Nogaret et Erwan Seznec (pages 64-65), qu’elles concernent déjà plus de 70 % des étudiants en premier cycle. « Éviter le premier cycle de la fac est un sport national », analyse Marcel Gauchet. Cela explique aussi le succès des prépas littéraires qui, loin de l’agitation de Paris-I, Rennes-II et autres ZAD universitaires dont certaines, dirait-on, sont en grève depuis 1968, permettent aux plus méritants d’atterrir directement en master, là où les choses sérieuses commencent.

Parler de la crise de l’Université est donc un abus de langage, voire un amalgame éhonté : la catastrophe intellectuelle et le désastre idéologique – ainsi que le refus pavlovien de la sélection qui va généralement avec – concernent essentiellement les premiers cycles de lettres et de sciences sociales. Quels que soient les défauts de la loi ORE (Orientation et réussite des étudiants) – qui a par exemple oublié de préciser comment et par qui seraient examinés les dossiers de candidatures –, le mouvement étudiant serait passé inaperçu dans les facs de droit, de médecine et de sciences si beaucoup ne partageaient pas des locaux avec les amphis de lettres. Et même parmi les étudiants en lettres, les grévistes étaient ultra minoritaires. Il est vrai que, relookée en temple de l’avant-garde culturelle, la vénérable Sciences-Po a rejoint, quelques heures durant, les camarades en lutte. On a pu voir flotter sur la façade de cette école éminemment sélective un large calicot orné d’un slogan même pas drôle contre la sélection, sans oublier l’inévitable drapeau palestinien, symbole de la solidarité entre les opprimés de Saint-Germain-des-Prés et ceux de Gaza. Seulement, comme me l’a dit un ami étudiant, « à 10 000 euros l’année, à Sciences-Po, les blocages ne durent jamais longtemps ». On pourra voir dans ce constat la validation de la théorie de Jean-Philippe Vincent (pages 72-75) qui tient la gratuité de l’enseignement supérieur pour l’origine de tous les maux qui le rongent.

Racisme d’Etat et dur destin des personnes racisé.e.s

Le tout petit printemps étudiant – qui ne paraît pas devoir résister aux vacances du même nom – n’aura sans doute pas d’autre conséquence que quelques millions de dégâts matériels et des examens retardés. Il est plus inquiétant que l’emprise extrême gauchiste se soit propagée dans des hauts lieux que leur recrutement sélectif n’a pas protégés contre l’importation enthousiaste de tous les articles de la foi postmoderne made in USA. À l’École des hautes études, où 200 professeurs ont signé pendant la campagne un manifeste pour Mélenchon, on ne compte plus les séminaires sur les migrants et sur le genre. « Des pseudo-révolutionnaires sérieux comme des papes arrivent à pourrir les entreprises les plus poétiques comme les activités de ce groupe qui défendait les polyamoureux », confie pour sa part un sociologue. Et ils parviennent aussi à propager, au-delà de l’écriture inclusive, l’attirail idéologique de la lutte contre une domination multiforme et sans visage – mais qui finit toujours par avoir celui d’un vieux mâle blanc ou d’un juif riche et libidineux –, le tout noyé dans la sauce postcoloniale qu’affectionnent les Indigènes de la République. Ainsi peut-on entendre en toute occasion des jeunes gens propres sur eux pérorer sur le racisme d’État et le dur destin des personnes racisé.e.s, avec l’air aussi satisfait que s’ils avaient pris le palais d’Hiver.

On pourrait, là encore, se contenter d’en rire – et comment ne pas rire, quand on lit dans le communiqué de Sciences po des phrases telles que : « Face à la vaste entreprise néolibérale et raciste menée sur tous les fronts par Macron, nous considérons comme essentiel de nous mobiliser de manière concrète, en bloquant les lieux de production des richesses et du savoir. » ? Sauf que ce triomphe du dogmatisme, du sectarisme et de l’esprit de sérieux dans des lieux qui devraient être voués à la liberté de penser condamne à mort l’enseignement des humanités, qui demande ironie, hauteur et dialectique. Le marché fabriquera toujours les bataillons de cadres et d’ingénieurs que réclame l’économie, mais seule la puissance publique peut investir des milliards dans un enseignement de haut niveau qui ne sert à rien – sinon, bien sûr, à s’assurer que les chefs-d’œuvre créés et transmis par nos prédécesseurs ne disparaîtront jamais de la mémoire humaine. Certes, ces temps-ci, la puissance publique a d’autres chats à fouetter et, apparemment, d’autres urgences à financer. En imaginant même que la contrainte budgétaire disparaisse par magie et que l’on sorte du formol des professeurs suffisamment compétents pour transmettre cet héritage, il faudrait encore que quelqu’un en veuille.

Génération «J'ai le droit »: La faillite de notre éducation

Price: 18,00 €

42 used & new available from 2,26 €

Les Rien-pensants

Price: 23,56 €

24 used & new available from 3,38 €

L’antisémitisme est-il devenu une maladie psychiatrique ?

Il y a un an, Sarah Halimi, 65 ans, était battue avec un acharnement bestial au cri d’Allahou Akbar, d’invocation du « Sheitan », de versets du Coran et d’insultes, puis défenestrée par Kobili Traoré, un voisin qu’elle connaissait depuis plus de vingt ans.

Son visage et son corps témoignaient du calvaire enduré : hématomes, plaies déchirées, zones contuses avec plaies, hémorragies, larges zones ecchymotiques, fracas multi-fragmentaire, fractures et autres plaies nombreuses. Les premiers policiers sur site n’ont pas réussi à l’identifier en dépit de ses papiers d’identité. Son visage, méconnaissable, était déformé par les coups. Mais le légiste est formel : la mort sera due à un polytraumatisme par chute d’un lieu élevé. Elle était donc encore en vie quand son assassin l’a jetée par-dessus le balcon hurlant aux policiers en contrebas qu’une femme allait se suicider. Voilà une conscience bien aiguisée pour un homme dont le discernement aurait été altéré par des « bouffées délirantes aiguës ».

Poursuivi par le « Sheitan »

Pendant les 20 minutes qu’a duré la mise à mort de Sarah Halimi, certains voisins, après avoir prévenu la police, ont assisté – impuissants – à cette scène d’horreur. Leurs témoignages sont glaçants.

Qu’ils aient habité dans le même immeuble ou de l’autre côté de la cour, à une vingtaine de mètres, que leurs chambres aient donné sur rue ou sur cour, ils sont unanimes. C’est à travers les fenêtres fermées, parfois en dépit d’un double vitrage, qu’ils ont été réveillés par les cris « d’une femme d’un certain âge qui est en train de souffrir le martyre », « le bruit de la viande qui se fait cogner », le « bruit des coups de poings sur la chair », « un bruit lourd et sourd comme une personne qui tape quelqu’un allongé par terre ». Ils évoquent un « acharnement bestial », une « torture ». Cela donne une idée terrifiante du supplice qu’a subi Sarah Halimi.

A lire aussi: Sarah Halimi : autopsie d’un crime antisémite

Traore, qui habitait à l’étage inférieur depuis plus de vingt ans, savait parfaitement dans quel appartement il se rendait en passant par le balcon mitoyen. Il savait qu’il se retrouverait chez Sarah Halimi, dont tous les voisins savaient qu’elle était juive orthodoxe et dont la porte d’entrée portait une mezouza (objet de culte juif) sur le montant extérieur. Il n’y allait pas par hasard. C’est bien Sarah Halimi qui était visée. D’ailleurs, il n’a été violent avec personne d’autre tout au long de cette journée pendant laquelle il s’est dit poursuivi par le « Sheitan ». Sarah Halimi, elle, a été sauvagement frappée avec les poings et probablement avec un téléphone retrouvé maculé de sang. Son tortionnaire s’est acharné sur son visage pour en effacer les traits et l’a jetée par-dessus le balcon, comme pour expulser un corps étranger de l’immeuble, un corps de juif.

A ce jour pourtant, et en dépit de tous ces éléments, les circonstances aggravantes de la préméditation et d’actes de tortures et de barbarie, n’ont pas été retenues…

Coupable mais pas responsable ?

Une expertise et un complément d’expertise par le Docteur Zagury ont révélé que Traoré souffrait d’un discernement altéré mais pas aboli. Une nuance qui n’en est pas une puisqu’elle permettrait un renvoi devant la Cour d’Assises. Depuis son crime, Traoré n’a pas effectué le moindre jour de détention et a pu profiter de la visite de sa famille. Interné, il bénéficie d’un traitement et va mieux, petit à petit.

Une nouvelle expertise psychiatrique a pourtant été ordonnée par le magistrat instructeur, qui a désigné un collège de trois experts, pas moins. En cas de confirmation de l’altération du discernement, ce sera le renvoi en Cour d’assises et il deviendra compliqué de le contester. Traoré devra alors répondre de ses actes. Si, en revanche, le collège d’experts venait à se prononcer pour l’abolition du discernement, le risque serait un procès escamoté. Personne n’oserait l’imaginer…

Restons prudents…

Il y a moins d’un mois, c’est une autre femme juive, Mireille Knoll, âgée de 85 ans, qui était assassinée chez elle, elle aussi par un voisin qu’elle connaissait depuis son enfance. Mais cette fois-ci, il y a un complice. Assassinée de onze coups de couteau, là encore au cri d’Allahou akbar, puis le corps brûlé pour tenter d’effacer le crime ou la victime. Peut-être bien les deux. Aucune « trace de lutte ou de maintien » n’auraient été relevées sur le corps de Madame Knoll. Et pour cause. Sérieusement handicapée par la maladie de Parkinson, l’assassin pouvait commettre son crime ignoble sans trop d’inquiétude. Il savait que sa victime ne pourrait pas se défendre. Pire que ça, Mireille Knoll a été assassinée dans son lit médicalisé. Rien, et certainement pas la victime, n’aurait pu empêcher les mis en cause de voler les maigres ressources de cette dernière si tel avait été leur objectif. Tuer n’était pas nécessaire. Il y avait donc d’autres motivations à ce crime épouvantable.

Une motivation antisémite par exemple. Le voisin meurtrier de Madame Knoll savait qu’elle était juive et aurait confié à son complice que « les juifs étaient toujours riches ». Sempiternels clichés. La cambrioler aurait suffi. La poignarder au cri d’Allahou akbar, c’était en plus. Il n’est pas interdit aux voyous d’être antisémites.

A ce titre et contrairement à l’affaire de Sarah Halimi, la circonstance aggravante d’antisémitisme a immédiatement été retenue. Mais il convient de rester prudent. On apprend que le bourreau de Mireille Knoll était alcoolique et aurait été interné en hôpital psychiatrique.

A ce rythme, la France risque de devenir un immense asile de fous.

Causeur: Mouvement étudiant, le printemps de l’ignorance

En mai, certains ont décidé de faire ce qui leur plaît. « La mobilisation contre une sélection qui a déjà cours dans toutes les formations appréciées par les employeurs aura plus tenu de la commedia dell’arte que de la lutte sociale. Les étudiants en grève étaient pathétiques dans leur volonté de s’illusionner et dans leur refus de la méritocratie », s’alarme Elisabeth Lévy. Voici une bonne raison de consacrer tout un dossier au mouvement étudiant. Vous en avez rêvé, Causeur s’est dévoué. Sous la plume d’Anne-Sophie Nogaret et Erwan Seznec, votre magazine préféré a roulé sa bosse dans les facs occupées, de Saint-Denis à Toulouse.

>>> Lisez Causeur <<<

Heurs et malheurs de l’université

Un drôle de salmigondis idéologique s’y déploie, mélange d’indigénisme anti-blanc, d’antis…ionisme et de prêchi-prêcha LGBT qui ont fort peu à voir avec les difficultés de l’université. Il faut croire que la convergence des luttes a bon dos. Le professeur Jean-Philippe Vincent ne s’y trompe d’ailleurs pas et identifie les sources du mal dans la gratuité d’une université ouverte à tous dont le taux d’échec favorise des syndicats aussi contestataires qu’ultraminoritaires. Bref, « les bidonvilles de l’ignorance » que brosse Alain Finkielkraut s’arc-boutent sur leurs faux privilèges.

Mais l’actualité ne se résume (heureusement) pas aux heurs et malheurs de l’université française. Le grand penseur Pierre Manent nous a accordé un grand entretien autour de la religion des droits de l’homme, de la nécessité de l’enracinement de l’homme, cet animal politique qu’on réduit trop souvent à une abstraction.

ZAD, une chance pour la France gauchiste?

De Paris à Berlin, Luc Rosenzweig analyse l’échec du projet fédéraliste du président Macron, dirigeant européen unitaire pour 27, comme on disait dans l’ancien monde. Chez les plus jeunes,  l’heure est plutôt au repli identitaire. Comme le confirment les sociologues Olivier Galland et Anne Muxel, auteurs d’une étude sur les lycéens pour le compte du CNRS, la génération Z sanctifie l’individu, ses options religieuses et ses penchants violents, quitte à condamner le « blasphème ». Leur étude sur un panel de lycéens démontre l’absence de corrélation entre détresse sociale et radicalisation islamique : une bombe sociologique ! Elisabeth Lévy s’interroge sur le devenir de cette génération a priori perdue pour la France, sachant qu’une majorité des interrogés impute les attentats du 11 septembre à la CIA. Quant à Cyril Bennasar, il voit dans le phénomène des ZAD l’opportunité de parquer gentiment une ribambelle de gauchistes en mode amish.

Au rayon des restes du monde, Ana Pouvreau et Mark Porter analyse les dessous du  mariage entre Harry et Megan de Windsor. Un évènement enduit de politiquement correct inscrit dans la stratégie de reconquête médiatique de la Reine. Saluons enfin la nouvelle chronique de notre collaborateur Patrice Jean, romancier génial de L’homme surnuméraire, qui met en scène un certain Pichonneau à la découverte du monde post-moderne.

Delacroix sans bannière

Place à la culture. En hommage au dernier livre de notre ami Jean-Michel Delacomptée, Benoît Duteurtre prononce une ode à la francophonie. Le Brexit étant acté, une occasion unique se présente pour la France de Rivarol vouée à briller en Europe et dans le monde. Preuve de notre grandeur passée, Eugène Delacroix  droit à son exposition montre au Louvre et à son portrait de l’artiste en jeune homme signé Pierre Lamalattie. Pour laisser libre cours à ma gérontophilie, j’ai rencontré à Trieste l’immense écrivain slovène Boris Pahor, 105 ans, dont l’œuvre se confond avec la vie tumultueuse. Fin prêts ? Lisez !

La tentation radicale. Enquête auprès des lycéens

Price: 24,27 €

26 used & new available from 2,27 €


La loi naturelle et les droits de l'homme: Essai de philosophie pratique

Price: 22,00 €

10 used & new available from 18,50 €


La mort de Fernand Ochsé

Price: 19,00 €

27 used & new available from 0,51 €


L'homme surnuméraire

Price: 20,00 €

19 used & new available from 12,34 €

Violences: comme un pavé dans la mare du président

0
Un pavé sur les bords de la Seine à paris, 1er mai 2018. SIPA. 00857106_000052

Emmanuel Macron avait l’intention d’incarner le parti de l’Ordre. Mais les violences du 1er mai ont sérieusement écorné l’image qu’il comptait renvoyer, au point de voir resurgir l’ombre d’un ancien président…


La semaine du fameux match opposant Emmanuel Macron au duo autoproclamé  « irrévérencieux » Bourdin-Plenel – qui, à leur corps défendant, a bien profité au président – le locataire de l’Elysée avait programmé une séquence. Dès le lundi matin, avant même que nous apprenions qu’il irait se mesurer aux vedettes de Mediapart et BFM TV, les forces de police s’approchaient de Notre-Dame-Des-Landes. Il devait aussi aller le jeudi midi discuter avec Jean-Pierre Pernaut, l’homme qui murmure à l’oreille des retraités de France. Toute la semaine était placée sous le signe du parti de l’Ordre, comme on disait au mitan du XIXe siècle. Autorité et Réconciliation, nous susurrait-on du côté du Château.

Le parti de l’Ordre vacille déjà

Bref, il s’agissait de gagner des points à droite, d’étouffer Laurent Wauquiez, dont on craint qu’il n’arrive peu à peu à reconstituer le socle réuni par François Fillon il y a un an. Qui sait si ces vingt points ne suffiront pas, en 2022, pour accrocher le strapontin du second tour ? Avec une abstention forte des Insoumis, prônée par ses dirigeants, ce serait alors gagné pour l’homme à la parka rouge. Il fallait donc priver Wauquiez d’oxygène immédiatement. L’isoler, le pilonner, le moquer, le trianguler, aller sur son terrain. Le sondage indiquant le président de LR à 8% arrivait à point, juste après ladite séquence. « Jupiter » pouvait savourer son bon coup, sous les vivas de la foule médiatique.

Sauf que.

Lorsqu’on joue à incarner le parti de l’Ordre, il faut pouvoir l’assumer au-delà d’une séquence d’une semaine et deux émissions de télé réussies. Et de quoi s’aperçoit-on depuis quinze jours ? Notre-Dame-Des-Landes n’a toujours pas été évacuée de ses zadistes ; les images de Tolbiac vandalisée ont été vues par toute la France ; du côté de la frontière franco-italienne, Génération Identitaire joue aux garde-frontières, sous le regard passif du ministre de l’Intérieur ; et des centaines de militants cagoulés s’installent en tête de la manif du 1er mai, et commettent leurs exactions habituelles. Ce printemps 2018 n’est pas terminé que le parti de l’Ordre vacille déjà.

Chienlit, Kärcher et Jupiter

Cette perception ne se traduira pas immédiatement dans les études d’opinion mais l’idée qu’il vacille avance imperturbablement. Le charisme et l’énergie du ministre de l’Intérieur commencent à être mis en cause et il se pourrait bien que cela soit en partie injuste. Celui qui a voulu s’ériger en parti de l’Ordre, et le marteler dans cette première quinzaine d’avril, c’est « Jupiter » lui-même. Jupiter contre la chienlit ! Et si la chienlit s’installe, c’est donc Jupiter qui sera le seul responsable. Le seul coupable.

Il me revient une expression célèbre. Un ministre de l’Intérieur, qui ne pensait pas à l’Elysée qu’en se rasant, avait un jour évoqué la volonté de passer le Kärcher dans des territoires perdus de la République. Il avait tout fait pour qu’on l’associe à cet outil de nettoyage germanique. Il n’est pas complètement impossible que cela put l’aider à accéder au pouvoir suprême quelques années plus tard. Mais le Kärcher fut remisé dans un placard. Et, dans l’électorat populaire, on a beaucoup dit en 2012 que le président sortant n’avait pas perdu parce qu’il avait voulu passer le Kärcher, mais parce qu’il y avait piteusement renoncé. On évoque souvent les bonnes relations entre Emmanuel Macron et cet ancien président. Sans doute ce dernier aurait pu mettre en garde l’actuel chef de l’Etat. Malheureusement, il aurait fallu que lui-même, pour prodiguer un tel conseil, ait quelque capacité à l’autocritique.

Evidemment, comme le style de Nicolas Sarkozy – tout le monde l’aura reconnu, sous son loup – et celui d’Emmanuel Macron sont fort différents, le parallélisme des situations n’est pas parfait. « Jupiter » se meut bien plus en douceur, dans le style gaullo-mitterrandien. Mais l’intention était malgré tout la même. Incarner l’Ordre. L’Autorité de l’Etat. Qu’on le fasse en plastronnant ou lors d’une séquence de communication réussie, il faut pouvoir assumer derrière. Dans le cas contraire, tout cela apparaît tôt ou tard, comme un lancer de boomerang mal ajusté. Et il n’est pas facile de rattraper l’objet dans ces conditions.

Dérapage

Price: 19,06 €

25 used & new available from 0,52 €

Écoute-moi bien, petit con de casseur privilégié

0
Un casseur dans Paris, 1er mai 2018. SIPA. 00857106_000054

Ecoute petit con, toi qui contestes qui revendiques et qui protestes, qui brailles et qui manifestes, qui défiles dans nos villes et qui nous les casses, de plus en plus souvent et de plus en plus fort, je te connais comme si je t’avais fait. Je te connais comme si j’étais ton père parce que j’en ai l’âge mais surtout parce que moi aussi à vingt ans, j’étais anarchiste. Moi aussi, j’ai aimé la joie de l’émeute, le parfum du gaz et le goût de la bagarre. J’ai aimé ces moments volés à l’ordre urbain monotone, ces chamboule-tout jouissifs quand les bagnoles s’arrêtent et vont rouler ailleurs parce que tel est notre bon plaisir, quand on se moque que le petit bonhomme du feu devienne vert ou rouge pour traverser, parce qu’on traverse tout et partout, quand le petit bonhomme ordinaire qui d’habitude attend son tour n’attend plus, parce que le petit bonhomme c’est nous, par centaines et par milliers, et le feu aussi, et que la rue est à nous.

Rebelle à manger du foin

Moi aussi j’ai eu des plaisirs incendiaires, pour rire, pour voir, pour vivre ces instants précieux comme des extases, comme des orgasmes, quand la liberté est plus qu’une idée, quand elle est une sensation, et parce qu’un soir, une idiote dans mon genre s’est offerte en me glissant sur l’oreiller : « J’aime bien les rebelles ». Moi aussi tu vois, ne te déplaise cet insupportable ton paternel, j’ai été comme toi. Et puis je suis devenu un autre ou bien moi-même et si je ne suis plus dupe de certaines attitudes insurrectionnelles et de certains discours révolutionnaires, je le dois à d’autres. Sans eux, qui sait ce que je serais devenu ? Qui sait sans quelques voix honnêtes et amies, et sans la bienveillance de ce que j’appelais alors et que tu appelles encore l’état policier, je ne serais pas resté rebelle à manger du foin ? Comme Coupat, de son prénom Julien. Au risque de me fâcher, on ne m’a pas lâché, on ne m’a pas laissé seul et à la merci des escroqueries et des démagogies, on ne m’a pas abandonné, seul et hypnotisé, au fond d’une impasse idéologique, caressé par Gérard Miller. C’est pourquoi à mon tour, je me sens tenu à un devoir, celui d’être adulte, et investi d’une mission, celle de te mettre en garde, petit con.

Saint Malik te protège

Si tu peux nuire, brûler, détruire et casser en toute impunité ou presque, dans un cadre policier et judiciaire qui te protège plus qu’il ne te dissuade, si tu continues d’agresser des flics, sans que jamais ils ne répliquent  vraiment et létalement  sauf accident, si tu ressors des gardes à vue avec un titre de gloire et une bonne histoire à raconter sur l’oreiller à une idiote dans ton genre, c’est parce que tu es protégé, privilégié. Tu as un ange gardien qui arrête les balles avant qu’elles ne soient tirées, un saint patron qui empêche toute répression, c’est le patron des casseurs : Il s’appelle Malik Oussékine. Depuis que les forces de l’ordre l’ont laissé, un soir d’émeutes étudiantes, par terre et le nez dans le ruisseau, cardiaque et sur le carreau, Il règne sur les esprits de nos dirigeants. A toute tentation répressive Il oppose un veto, à toute envie de changement, Il impose un statu quo. Voilà pourquoi, manifs après manifs, tu peux jouer au garnement, au gamin turbulent sans risquer de verser une seule goutte de sang, enfin de ton sang. N’oublie pas quand tu salis ces murs que d’autres nettoieront pour nourrir une famille, par des graffitis à la gloire du PCM (parti communiste maoïste), que tu ne vis ni sous Franco, ni sous Mao, ni sous Maduro, et que c’est parce que la démocratie est plus libérale que populaire, et la république bonne fille, que tu ne risques ni le camp, ni les champs, ni les saints sacrements. Connais-tu cette devise CRS ? Des bosses, pas des trous. Autrement dit, on tape, on ne tue pas. Elle est française, penses-y avant d’accuser la société et de la brutaliser, et remercie d’être né ici.

Prends garde au peuple

Si tu peux jouer à la guérilla urbaine comme dans tes jeux vidéo mais dans des décors réels payés par le travail des besogneux que tu méprises, toi qui dans ta version politisée dénonces l’idéologie du travail, toi qui prends chaque mois ton RSA, et subsistes grâce à cette mendicité institutionnelle, en tendant la main pour vivre aux crochets de ceux qui se retroussent les manches, c’est parce que nous autres couillons de payants le voulons bien, même si tu ne le vaux pas. Si tu ne crèves pas de faim dans la rue, c’est par la charité de ceux dont tu brises les vitrines, dont tu brûles les voitures et dont tu finis par casser les couilles. S’il t’arrivait de te laisser griser par tes discours, n’oublie jamais que tu n’es pas le peuple, tu n’es qu’une infime minorité, un groupuscule, une secte. Le peuple, c’est cette masse de gens au bureau, au champ, à l’atelier, à l’usine, au volant d’un camion ou d’un bus et j’en oublie, qui s’échangent le résultat de leurs travails. Ceux-là ne se paient pas de mots, et quand ils t’entendent, ils rigolent. Ils se paient ta fiole, jusqu’au moment où ils te voient casser l’outil ou le fruit de leur labeur, et là ils ne rigolent plus.

Karchër pays de ton enfance

Et voilà où je voulais en venir : prends garde, sois toi aussi mesuré, fais attention de ne pas aller trop loin et de ne pas épuiser la patience de tous ces braves gens contre qui tu pars en guerre avec le courage du cagoulé au milieu des foules. Retiens tes violences, espace-les, fais-toi un peu oublier car les pouvoirs de saint Malik pourraient un jour être épuisés, comme tous ceux qui te regardent, de te voir détruire ce qu’ils contribuent à construire. Las de te voir toujours recommencer à mettre à terre ce qu’elle relève inlassablement, une France qui se lève tôt pourrait avoir envie de Kärcher, et pourrait mettre au pouvoir une équipe qui tienne ses promesses. Et alors gare à tes fesses car je ne pourrai plus rien pour toi, mon cher petit con.

Arménie: l’identité guidant le peuple

0
Un manifestant pro-Pachinian brandit le drapeau arménien lors d'une manifestation à Erevan, le 30 avril 2018. ©VANO SHLAMOV / AFP

Depuis le début du mois d’avril, l’Arménie est à nouveau secouée par des manifestations contre le pouvoir en place et l’emprise de la corruption sur les activités du pays. Mais au fond, les Arméniens luttent encore et toujours pour défendre leur identité…


Petit pays montagneux enclavé dans le Caucase méridional, l’Arménie est, depuis avril, le théâtre d’une révolution pacifique qui est en train de bousculer l’échiquier politique locale. Les contestataires tentent de modifier en profondeur l’actuel système politique, où une poignée d’oligarques détient l’essentiel de l’économie nationale et des postes de pouvoir.

Les manifestations proprement dites ont démarré le 12 avril par le blocage, par des manifestants, de plusieurs routes d’Erevan, la capitale du pays. Ces dernières n’étaient que l’aboutissement d’autres initiatives qui, elles, avaient commencé le 31 mars. C’est à cette date que Nikol Pachinian, député membre du parti politique Contrat civil et de la coalition d’opposition Yelk, a entamé une marche de 200 kilomètres de Gyumri, la deuxième ville d’Arménie, à Erevan. Nommée « Mon pas », l’initiative visait à protester contre l’élection au poste de Premier ministre de l’ancien président Serge Sarkissian, élu en 2008 et en 2013. Très impopulaire, les protestataires lui reprochent d’avoir été élu à l’aide de fraudes et d’être au centre du système oligarchique en place.

Militaires et prêtres aux côtés des manifestants

La marche a vite pris de l’ampleur. Des dizaines de milliers de citoyens ont rejoint Nikol Pachinian. Face à l’ampleur des manifestations, le gouvernement a rapidement décidé de mobiliser la police. Plusieurs centaines de citoyens, d’activistes et de journalistes ont été interpellés, blessés ou arrêtés durant les onze jours de protestations.

Le 17 avril, Serge Sarkissian est élu Premier ministre par son propre parti, le Parti républicain d’Arménie (HHK), majoritaire à l’Assemblée nationale, qui verrouille le système politique, social et économique du pays. Il est alors contraint, face à la montée des manifestations, désormais étendues au reste du pays, d’accepter de rencontrer Nikol Pachinian, devenu entre-temps le leader de la protestation. La rencontre aura lieu le 22 avril, face aux caméras, et durera trois minutes. Le néo Premier ministre déclare à cette occasion : « Vous n’avez tiré aucune leçon du 1er mars 2008 », référence explicite aux manifestations contre sa propre élection. Cette contestation, à laquelle avait participé Nikol Pachinian, s’était soldée par la mort de dix manifestants, tués par la police. Aucune enquête n’avait suivi.

Nikol Pachinian est arrêté à la sortie de la rencontre avec Sarkissian, et cela malgré son immunité parlementaire. Il sera libéré le lendemain, 23 avril, date à laquelle Serge Sarkissian accepte finalement de démissionner. Un certain nombre d’observateurs, dont Richard Giragosian, directeur du think-thank indépendant Regional Studies Center, basé à Erevan, soulignent l’importance de l’armée dans la chute de Sarkissian. Quelques heures avant, une centaine de militaires avaient en effet abandonné leurs casernes pour s’unir aux manifestants. Des prêtres de l’Église apostolique arménienne avaient, avant eux, rejoint le mouvement.

Sarkissian renonce, mais…

Karen Karapetyan, politique arménien proche de Moscou et ancien directeur de GazProm Armenia, lui succède en tant que Premier ministre par intérim et annonce, le 25 avril, l’organisation de nouvelles élections législatives. Pachinian, que Karapetyan a refusé de rencontrer, et les manifestants s’y opposent, accusant le gouvernement et Karapetyan de vouloir mettre en place des élections truquées pour permettre au HHK de rester au pouvoir, et demandent la création d’un gouvernement de transition.

Finalement, le 28 avril, le HHK déclare qu’il ne présentera pas de candidats et Nikol Pachinian est, lui, officiellement désigné candidat par sa coalition, Yelk, qui reçoit le support d’Arménie prospère, le parti de l’homme d’affaires, Gagik Tsarukyan, précédemment soutien du HHK.

La séance parlementaire pendant laquelle plusieurs députés interrogent les candidats au poste de Premier ministre, pour ensuite procéder à un vote, dure 9 heures et est suivi par l’ensemble du pays, y compris dans les rues et dans les places. Nikol Pachinian répond à 26 questions, dont 16 posées par le HHK, là où la précédente session de Serge Sarkissian avait duré 5 heures, pour seulement 8 questions, dont 4 posées par des membres de son propre parti.

La candidature de Nikol Pachinian est finalement rejetée par 56 votes sur 102. Les protestations se poursuivent, et de nouvelles élections sont organisées pour le 8 mai. Elections au cours desquelles, le HHK a déclaré qu’il votera pour le candidat qui aura obtenu le support d’un tiers du parlement.

Une longue marche contre la corruption

L’hostilité de la population à l’égard de Serge Sarkissian n’est pas le fruit d’un vague ras-le-bol né sur les réseaux sociaux. Il trouve son origine dans une longue et complexe concaténation de causes et d’effets.

Le système oligarque local est étroitement lié à la corruption endémique qui sévit dans le pays. Selon l’ONG, Transparency International, l’Arménie occupe la 107ème place sur 180 des pays répertoriés dans son indice de la corruption étatique (la France est 23ème). Une quarantaine d’oligarques contrôlent en effet l’essentiel des activités industrielles, commerciales et banquières d’Arménie, rendant extrêmement difficiles les initiatives privées. Cette emprise sur les activités du pays crée une périphérie misérable. Selon les données du Service national des statistiques d’Arménie de 2016, 29,4% de la population est en état de pauvreté.

Des élections régulièrement considérées comme truquées ont poussé la population arménienne à organiser des manifestations. Elles ont pris la forme de marches, initiatives citoyennes, blocage de routes. Cela n’a pas suffi à éviter la réforme constitutionnelle de 2015 par referendum, fortement soutenue par Serge Sarkissian et le HHK, et contestée par l’opposition. En prévision de la fin du mandat de Sarkissian, elle a transformé le système politique arménien, auparavant sémi-présidentiel en un régime parlementaire, où le pouvoir réel est détenu par le Premier ministre.

L’identité, un trésor arménien bien gardé

Mais le vrai point de saturation pour la population a probablement été la profonde crise sociale et militaire de 2016. En avril, des affrontements sur la ligne du cessez-le-feu entre l’Azerbaïdjan et le Haut-Karabagh a fait des dizaines de morts. Ils ont même eu pour conséquence la perte de huit kilomètres de territoire au profit de l’Azerbaïdjan. Région peuplée majoritairement d’Arméniens mais placée en territoire azerbaïdjanais par Staline en 1921, le Haut-Karabagh a déclaré son indépendance en 1991, à l’occasion de la dislocation de l’URSS. Une longue guerre, de 1991 à 1994, s’est soldée par la victoire des troupes arméniennes et la signature d’un cessez-le-feu qui ne mit pas un terme à la guerre. Raison pour laquelle l’Azerbaïdjan et le Haut-Karabagh, soutenu par l’Arménie, demeurent en état de guerre latente. Les affrontements de 2016 ont révélé le réel état de l’armée arménienne, contrainte à combattre avec du matériel obsolète, alors que le gouvernement octroi à la police une grande partie du budget destiné à la défense.

C’est ce qui a conduit, à l’été de la même année, à une tentative de soulèvement lancée par le groupe armé, « Sasna Tserer », composé essentiellement par des vétérans de la guerre de 1991-1994. Au cours de cette « crise des otages », le groupe avait pris possession du commissariat de police du quartier d’Erebouni, dans la périphérie d’Erevan, et appelé la population et l’armée à renverser le régime de Serge Sarkissan. La crise a duré un mois et s’est terminée par la reddition du groupe, accompagnée de trois morts, de plusieurs dizaines de blessés et d’un grand nombre d’arrestations.

L’annonce de la candidature de Serge Sarkissian au poste de Premier ministre et la perspective d’un prolongement indéfini du HHK au pouvoir a donc été la goutte qui a fait déborder le vase.

L’Arménie, un pays sous influences…

La révolte en cours n’est pas sans conséquences sur la politique internationale de l’Arménie. Le petit pays caucasien se trouve en effet au carrefour de plusieurs intérêts internationaux : à la frontière de la Turquie, de la Géorgie (pro-occidentale depuis 2003), de l’Azerbaïdjan et de l’Iran. Deux frontières, celles avec l’Azerbaïdjan et avec la Turquie, sont fermées et militarisées en raison du conflit du Haut-Karabagh.

Pays faisant partie du Conseil de l’Europe, l’Arménie est étroitement liée à la Russie. 80% des Arméniens qui émigrent partent en Russie, et leurs familles dépendent en partie de ce qu’ils leur envoient. Erevan est également membre de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC), sorte d’OTAN qui réunit plusieurs Etats de l’ancien espace soviétique et de l’Union économique eurasiatique (UEE), dominée par la Russie depuis 2014. Trois garnisons russes sont présentes sur le territoire arménien : à Erevan, Gyumri et Meghi, à la frontière avec l’Iran, et des soldats russes patrouillent le long de la frontière avec la Turquie.

La position stratégique de l’Arménie est donc fondamentale pour les projets russes, tant économiquement que militairement. Même l’opposant au régime, Nikol Pachinian, a donc très vite déclaré que l’Arménie aurait honoré les alliances avec la Russie même en cas de changement de pouvoir.

…qui tient à son indépendance

Nikol Pachinian a pourtant déclaré que les manifestations en cours n’étaient pas un nouvel « Euromaidan » : « Pas un seul centime a été pris de la part d’une agence étrangère pour ce mouvement ». Un peuple n’a peut-être pas besoin d’Open Society Foundations ou des États-Unis pour décider de son destin.

Situation incompréhensible pour l’occidental désormais habitué à marcher en un monde toujours plus ouvert et sans repère, errant dans une société liquide et désincarnée où l’individualisme est souverain, l’Arménie est habité par un peuple pour qui l’indépendance de son pays est une évidence. Cela crée de l’unité, qui va souvent au-delà des divisions individuelles. Les Arméniens sont Arméniens, se sentent Arméniens et savent que leur identité est étroitement liée au bien-être de leur pays et au souvenir de leur histoire commune, qui ne se réduit pas au seul génocide de 1915. Le système oligarque bafoue et manipule depuis trois décennies l’orgueil de ce peuple, et la guerre avec l’Azerbaïdjan demeure une épée de Damoclès au-dessus de la tête de la première nation chrétienne de l’histoire. Pour que l’Arménie vive que son peuple demeure arménien, il faut que cet état de fait change : telle est la raison ce mouvement de fond.

Arménie : A l'ombre de la montagne sacrée

Price: 9,00 €

8 used & new available from 8,76 €

Histoire de l'Arménie: des origines à nos jours

Price: 32,00 €

30 used & new available from 9,26 €

Facs occupées, les bidonvilles de l’ignorance

0
L'université Paris-VIII occupée, Saint-Denis, 11 avril 2018. ©DB

Les acteurs du mouvement étudiant sont les premières victimes de la non-sélection qui sévit dans toutes les écoles de France et dont ils veulent le maintien.


À Paris-I comme à Montpellier, à Strasbourg, à Nantes ou à Toulouse, les étudiants en colère ont voulu être à la hauteur de leurs glorieux aînés. Ils ont rejoué 68 qui rejouait déjà la Commune, la révolution d’Octobre, la Résistance. Le mouvement de 2018 est la copie d’une copie, l’imitation d’une imitation, le pastiche d’un carnaval. Mais, en 68, ceux qui voulaient liquider l’héritage étaient des héritiers. Ils avaient lu des livres, leur vocabulaire, leur syntaxe, leurs références en faisaient foi. Ceux qui ont voulu remettre 68 au goût du jour sont les produits d’une école qui, au nom de l’égalité, a supprimé les humanités. Ces « inhéritiers » ne sont pas seulement parodiques, ils sont pathétiques. Ils sont les premières victimes de la non-sélection qui sévit dans toutes les écoles de France et dont ils veulent le maintien à l’entrée de l’Université en oubliant que la sélection a été mise en œuvre par les fondateurs de l’école républicaine pour lutter contre la reproduction sociale.

« Sionisme = racisme antigoy »

« Soyez réalistes, demandez l’impossible », écrivent-ils sur leurs banderoles, mais ce mouvement n’a rien de ludique, de festif ou d’utopique. Devenus zones universitaires à défendre, les temples du savoir ont été dégradés et transformés en bidonvilles de l’ignorance avec une passion pour la laideur qui laisse pantois. Les grévistes de Tolbiac ont, dès le début de leur occupation, mis à sac le local de l’Union des étudiants juifs de France en laissant derrière eux ce graffiti instructif : « Sionisme = racisme antigoy ».

En 1968, enfin, on disait beaucoup de bêtises, mais tout le monde parlait avec tout le monde. En 2018, la contestation est sous cloche. Allergiques à la divergence, les nouveaux révoltés s’épanouissent dans le vandalisme, réclament la généralisation de l’écriture inclusive, organisent des « réunions non mixtes d’étudiant.e.s racisé.e.s » et, à part Alexis Corbière et Olivier Besancenot, personne n’a envie de parler avec eux.

L'identité malheureuse

Price: 8,50 €

36 used & new available from 1,98 €

La seule exactitude

Price: 9,00 €

25 used & new available from 1,37 €

Génération «J'ai le droit »: La faillite de notre éducation

Price: 18,00 €

42 used & new available from 2,26 €

Monsieur Mélenchon, le gauchisme est le pire ennemi du mouvement social

0
Jean-Luc Mélenchon chez Jean-Jacques Bourdin, 2 mai 2018. Capture d'écran: BFM TV

J’ai toujours gardé dans mes archives l’article signé de Georges Marchais en première page de L’Humanité, le 3 mai 1968. Le jour où les « événements » ont commencé. Le texte, émanant de la direction du Parti et non du seul Marchais, dénonçait les gauchistes à la Cohn-Bendit : « Non satisfaits de l’agitation qu’ils mènent dans les milieux étudiants – agitation qui va à l’encontre des intérêts de la masse des étudiants et favorise les provocations fascistes – voilà que ces pseudo-révolutionnaires émettent maintenant la prétention de donner des leçons au mouvement ouvrier. »

« Personne ne peut croire qu’en cassant une vitrine de McDo, on fait un acte révolutionnaire »

Écoutant, hier, Jean-Luc Mélenchon chez Jean-Jacques Bourdin, j’ai entendu comme un écho à propos des casseurs de la manifestation du 1er mai qualifiés de « violents qui ont servi la soupe à nos adversaires ». Dénonçant les fils à papa qui font péter les vitrines de McDo, il assène « personne ne peut croire qu’en cassant une vitrine de McDo, on fait un acte révolutionnaire ». Il ne va pas qualifier les « black blocs » de provocateurs manipulés ou en tout cas utilisés par le pouvoir mais on n’en est pas loin. Allez camarade Mélenchon, encore un effort pour être enfin sérieux sur cette question du gauchisme qui aujourd’hui comme hier, constitue un obstacle à la constitution de « l’unité populaire » que vous appelez de vos vœux. Et ne laissez pas vos militants applaudir ou participer aux débordements infantiles comme ceux qui se sont déroulés à la faculté de Tolbiac. Ne les laissez pas non plus traiter les policiers de « grosses merdes » devant les caméras gourmandes des chaînes d’info, pour venir ensuite pleurnicher en leur demandant de vous protéger, comme récemment Coquerel après son entartage et Corbière député d’un territoire perdu.

Puisqu’avec le 50e anniversaire de mai 68, le temps est aux réminiscences, j’ai celle de la grande manifestation de la sidérurgie le 23 mars 1979 qui fut dévoyée par le même genre de casseurs qui avaient tranquillement poursuivi leur saccage tout le long du parcours. En ce temps-là, ils s’appelaient eux-mêmes les « autonomes ». Il se trouve que pour différentes raisons j’ai été très concerné professionnellement par ce qui s’était produit. Avec l’aide de la CGT, j’ai publié à cette époque un livre qui décortiquait les mécanismes d’une incontestable provocation à dimension policière. Celle à laquelle nous avons assisté le 1er mai en est la jumelle. Comment en effet comprendre qu’un bloc compact de 1200 manifestants cagoulés et harnachés ait pu prendre tranquillement la tête du cortège et se livrer à des dégradations massives et surtout spectaculaires devant les caméras. À qui fera-t-on croire que ceux qui dirigent et manipulent ces groupes violents ne sont pas connus et fichés par la police ? À qui fera-t-on croire que ces mouvements, qui ne sont que les héritiers d’une forme désormais ancienne de gauchisme européen, ne sont pas surveillés et infiltrés ? Il était impossible de prévenir l’émeute ? Impossible d’intervenir quand elle se déroulait ?

Ennemis de casse

Je ne dis pas que le maintien de l’ordre est facile mais pour bien connaître les lieux où se sont déroulés les principaux incidents, il n’aurait pas été très compliqué de commencer par embarquer, avant la manif, leurs chefs qui sont évidemment connus. Ensuite d’isoler les casseurs, en particulier sur le pont d’Austerlitz. Pour enfin les disperser et en coffrer un certain nombre. Quant à la justification de la « modération » dans la répression par la peur d’un mort qui permettrait de mettre le pouvoir en difficulté, c’est un argument dénué de sérieux. Le syndrome « Malik Oussekine » n’opère plus depuis longtemps. Et les techniques du maintien de l’ordre ont fait suffisamment de progrès pour éviter qu’un drame se produise. On me dira que le pouvoir actuel ne serait pas capable d’être cynique et calculateur et d’organiser ainsi la disqualification du mouvement ? Allons, la méthode est aussi vieille que l’État, même si je sais que le dire aujourd’hui vous expose immédiatement à la stupide accusation de « complotisme ».

Je ne dis pas non plus que tous ceux qui appartiennent à ces groupes violents sont des flics. Il y a là un mélange d’enfants gâtés de la petite bourgeoisie en mal de sensations, de vrais anars, de déclassés et de marginaux qui forment un lumpen intellectuel complètement disponible pour servir de masse de manœuvre, pour le plus grand profit de ceux qui tiennent le manche. Il est cependant essentiel d’affirmer que leurs buts et leurs méthodes sont étrangères à celle du mouvement populaire indispensable pour lutter contre ce pouvoir et sa politique.

Qu’au contraire, ils le sabotent et qu’il est indispensable de les considérer et de les traiter comme des adversaires.

La Provocation (Notre temps)

Price: 13,30 €

8 used & new available from

Brautigan, Rosset, Léautaud, etc.

0

Ces « petits riens » de l’islamisme « soft » qui s’infiltrent dans notre quotidien

0
Kenza Drider, qui porte le niqab, voulait se présenter à l'élection présidentielle 2012 en France. Ici à Paris en décembre 2012. SIPA. 00629048_000022

Témoignage d’un musulman de Suisse excédé par ces « petits riens » qui, à force de se répéter, illustrent les tentatives d’intrusion de certains islamistes dans la sphère privée.


Août 2002. Mon oncle Driss ne s’était jamais vraiment relevé de la chute des deux tours new-yorkaises. En plus, quelques mois plus tôt, Jean-Marie Le Pen avait accédé au second tour de l’élection présidentielle française. « Je l’avais prédit. Si nous continuons de nous voiler la face, nous l’aurons bientôt dans le baba », avait-il dit sur son lit d’hôpital en crachant ses poumons.

Car à force de fumer, Tonton avait eu des métastases dans tout le corps. Il avait beau depuis son enfance faire ses cinq prières quotidiennes et connaître par cœur le Coran, son Dieu n’avait pas été très généreux. Mon oncle avait à peine 50 ans. Il était sur le point de s’en aller. Le temps était splendide, à croire que le ciel auquel il croyait tant avait ouvert ses volets pour mieux l’accueillir.

« Si un musulman meurt en présence de femmes… »

Nous étions à son chevet. Il murmurait : « Maman ! » Un aide-soignant que nous apprécions beaucoup nous avait rejoints. Comme nous, il était né dans le sud de l’Algérie. Nous lui faisions confiance. Il parlait à mon oncle en tamachek – la langue des Touaregs – et lui apportait des mets « du pays », dont le fameux « elftat », des crêpes rudimentaires enrobées de sauce piquante et de viande de mouton.

Alors que mon oncle avait de plus en plus de peine à sussurer « maman », cette blouse blanche m’avait attiré en dehors de sa chambre d’agonisant pour me dire ceci : « Momo  (c’est mon surnom), il ne faut pas que les deux filles de Driss et son épouse restent dans cette chambre. Car si un musulman meurt en présence de femmes, son âme sera souillée et il ne pourra pas aller au paradis. » Fin de citation.

Je n’avais pas eu d’autre alternative que de l’empoigner par sa barbichette et l’expulser manu militari. « Tu n’es pas digne de partager de notre souffrance. Va-t’en. »

« Vous êtes musulman, comme moi »

J’espérais que ces intrusions indécentes d’islamistes dans nos vies privées fussent exceptionnelles. Hélas, sans être envahissantes, elles ne sont pas rares et ne
font pas la « une » des journaux.

Petit florilège.

Ce soir-là de 2015, président d’une société locale permettant à des enfants et à des adolescents d’apprendre à peu de frais à jouer d’un instrument de musique (cotisation annuelle de 80 francs suisses), je devais m’acquitter d’une épouvantable corvée : dire à une jeune musicienne qu’elle n’était plus la bienvenue car malgré de nombreux rappels, ses parents n’avaient pas payé leur cotisation. Visiblement triste, la gamine m’avais alors dit : « Monsieur ! Allez-voir mon papa, il m’attend à la sortie. »

A lire aussi: La France doit exiger l’autocritique des représentants de l’islam

Effectivement, il était là, à bord d’une rutilante BMW. Il commença par m’expliquer que comme il était « au social », il n’avait pas les moyens de dépenser quatre fois 20 francs
par an pour que sa fillette puisse apprendre à jouer de la flûte traversière et s’intégrer à un groupe. Puis, constatant mon scepticisme, il m’interpella en ces termes : « Eh ! Mais si vous vous prénommez ‘Mohamed’, c’est que vous êtes musulman comme moi ! Dans ce cas, je paie. »

Fin de citation.

Quelques mois plus tôt, notre section locale du PS avait vécu une séance épouvantablement houleuse. Enjeu : la désignation de nos candidats et candidates au Conseil municipal. Je m’étais inconsciemment porté volontaire – face à une femme. Un quasi tabou. « Parqués » (car il n’existe hélas pas d’autre mot) au fond
de la salle, une vingtaine de travailleurs turcs membres d’un syndicat très influent. Ils avaient été convoqués pour répondre aux ordres de leur « chef », devenu depuis député. Ils avaient pour mission de me barrer la route. Mais découvrant mon prénom, l’un d’entre eux m’avait attiré à l’écart et m’avait dit : « Tu es musulman comme nous ? Alors nous allons voter pour toi et contre cette femme. » Heureusement, j’avais été battu pour une petite voix. La mienne !

« Nous seuls connaissons la vérité »

Et que dire de cette Suissesse convertie – c’est son droit légitime – qui refuse de me serrer la main, alors que je lui avais si souvent fait la bise auparavant ? « Si des connaissances me voient serrant la main d’un homme, ils risquent de me dénoncer à mon mari », avait-elle dit pour se faire pardonner.

Et que dire de cette autre femme au visage aussi pur que celui de Claudia Cardinale dans Il était une fois dans l’Ouest ? Elle s’était mise à porter un discret foulard, puis un fichu plus impressionnant et désormais un niqab ! « Nous seuls connaissons la vérité », m’avait jeté à la figure cette ancienne copine du quartier.

A lire aussi: Femmes, je vous hais: islamistes et masculinistes, même combat

Et que dire aussi de cette pizzeria, peut-être une des meilleures de la ville ? Qui propose de véritables filets d’anchois ou des merguez à damner un apôtre ! Malheureusement, son gérant refuse de servir du vin à ses clients. Tant pis pour lui.

Que dire enfin de cette vieille connaissance qui s’inquiétait de mon éternel célibat ? Ce quasi compatriote me proposait sans vergogne de me faire rencontrer de jeunes musulmanes. « Elles sont dociles ! », m’avait-il assuré. « Tu n’aurais pas plutôt une Juive ? », avais-je rétorqué par pure provocation. Il ne m’adresse plus la parole.

Ad libitum.

Une grosse poignée d’islamistes pourrissent notre quotidien

Ces petites scènes de la vie quotidienne ont pour la plupart eu lieu dans « ma » ville
: Bienne. Quelque 55 000 habitants. Un modèle d’une commune multi-ethnique qui a prospéré grâce à l’apport successif de travaileurs du Seeland, du Jura, de Toscane
et des Pouilles, d’Andalousie et de Galice, du Portugal, de Serbie et du Kosovo. Où l’école et l’entreprise ont été de formidables lieux d’intégration – sans oublier les nombreux clubs sportifs, les fanfares et les troupes de théâtre, les bistrots et même les cimetières.

Une politique intelligente en matière de logements avait jusqu’alors évité la création de « ghettos » ethniques.

Parfois cependant, j’ai des doutes. Au nom du magnifique multiculturalisme dont je suis un fruit, certains semblent prêts à renier leurs valeurs et à céder au mortifère relativisme culturel. N’osent plus dire que certains principes, acquis au terme de longues luttes, et souvent encore fragiles, ne sont pas négociables. Par exemple, l’égalité entre hommes et femmes (il y a du boulot !), la lutte contre l’homophobie, l’antisémitisme et toutes les formes de xénophobie, la dénonciation des dérives communautaristes et la réaffirmation que dans une civilisation des Lumières, la Loi prime sur la foi.

A lire aussi: Antisémitisme: ils en ont parlé ! Enfin presque…

Il y a cinquante ans presque jour pour jour, j’avais, sans le demander, débarqué dans cette ville à mes yeux exemplaire : ouverte, modeste, laborieuse et innovante.

Mais cette image engageante ne doit pas masquer une triste réalité : à force de sectarisme et de revendications impossibles à justifier, une grosse poignée d’islamistes nous pourrissent l’existence au quotidien et donnent une image désastreuse de l’écrasante majorité de celles et ceux qui voudraient simplement pratiquer leur religion discrètement. Ou qui s’y réfèrent pour des raisons purement culturelles.

J’en fais partie. Car je le confesse. Je n’ai de profondément musulman que deux particularités : mon prénom, qui est bigrement typé, et mon prépuce, qui est pareillement coupé.

La stratégie de l'intimidation: Du terrorisme jihadiste à l'islamiquement correct

Price: 23,00 €

18 used & new available from 11,95 €

Gauchos, hors de nos facs !

0
Blocage de la faculté de Tolbiac, Paris, 12 avril 2018. ©Stringer

Dans les universités, de jeunes gauchistes aussi incultes que sectaires expriment dans un sabir « postcolonial » leur refus de toute sélection. Signe du déclin du savoir, certains professeurs se joignent au mouvement, feignant de croire que 80% d’une classe d’âge a les capacités de suivre des études. Triste printemps. 


Si on vous demande quel est le point commun entre l’École normale supérieure, la vieille Sorbonne (Paris-IV) et l’École des hautes études en sciences sociales, vous répondrez peut-être que ce sont des temples du savoir, et plus spécifiquement, des établissements de pointe dans le domaine des humanités, pour les deux premières, des sciences humaines et sociales, comme on les a baptisées dans la langue triomphante du progrès, pour la troisième. Ce trio d’excellence constitue aussi un modèle (très) réduit d’un système d’enseignement supérieur qui, derrière ses apparences et ses prétentions jacobines, se caractérise par une extrême diversité des statuts. Normale-Sup est une grande école, à laquelle on accède par un concours extrêmement difficile, la Sorbonne une université classique, ce qui signifie qu’elle ne peut vraiment choisir ses étudiants qu’après la licence. Quant à l’École des hautes études, qui fut longtemps un haut lieu de l’histoire en France, elle était à l’origine exclusivement dédiée à la formation doctorale – l’enseignement de la recherche par la recherche. La prise du pouvoir par la sociologie bourdieusienne et le ronronnement égalisateur qui l’a accompagnée ont mis fin à cet odieux privilège. « Ces gens-là n’ont rien à dire sur le réel et ceux qui s’intéressent au réel sont marginalisés, commente un historien goguenard. Au passage, cela a signé la fin du climat intellectuel et de l’esprit de dialogue qui permettaient à des gens très différents de se respecter. » Si elle conserve, mais pour combien de temps, le droit de sélectionner ses étudiants, l’École délivre désormais des masters, ce qui signifie qu’elle commence à rentrer dans le rang universitaire. Pour nombre de professeurs, cette banalisation est encore insuffisante : ils se sont mobilisés contre l’adhésion de l’EHESS à PSL (Paris sciences et lettres), regroupement créé par la loi Pécresse et dont font également partie l’ENS, Dauphine et plusieurs grandes écoles et formations scientifiques. Un regroupement jugé trop « élitiste » – quel scandale en effet qu’une école élitiste… On se demande ce que serait son antonyme : une école moyenne ?

« À l’EHESS, si on veut obtenir des financements, il faut utiliser l’écriture inclusive »

Rome ne s’est pas défaite en un jour. En dépit des nombreux efforts déployés pour en finir avec ce détestable élitisme, ces trois établissements restent sans doute ce que nous avons de mieux en matière d’études littéraires, au sens large. Pour anecdotique qu’il paraisse, leur autre point commun, qu’ils partagent certainement avec un grand nombre de facs, est doublement emblématique du désastre intellectuel de l’Université d’une part, de la terreur et de la sottise idéologiques qui y règnent, de l’autre.

La nouvelle mode qui fait donc fureur chez d’éminents professeurs aussi bien que chez les étudiants bloqueurs, c’est l’écriture inclusive, cet idiome immonde qui ressemble à une plaisanterie, en tout cas c’est ce qu’on croyait quand les points, les tirets et les « é-e » sont apparus. Sauf que, comme le révèle le témoignage publié page 70 sur Normale-Sup, ainsi que d’autres, recueillis auprès de chercheurs et d’enseignants de la Sorbonne et de l’EHESS, on ne plaisante plus du tout avec ça. Les commissaires politiques, aussi nombreux et agressifs chez les profs que chez les élèves, traquent les déviants. Si bien que des adultes raisonnables, de peur d’être dénoncés, essaient d’éviter toute allusion genrée dans leurs courriers électroniques ou, pis encore, se soumettent à cette lubie d’adolescents qui, en dépit de tout le fatras sociologisant qu’ils ingurgitent, croient toujours que le mot chien mord. « À l’EHESS, si on veut obtenir des financements, il faut écrire dans ce jargon », observe l’historien qui préfère en rire. Le climat est encore plus plombé à Normale-Sup : le destin d’une école qui a formé tant de penseurs et de citoyens illustres, de Péguy à Pompidou en passant par Sartre et Aron, est un véritable crève-cœur.

« Ce sont les profs qui tiennent le plus au mythe égalitariste »

Les bloqueurs et saccageurs du triste printemps étudiant auquel on a assisté se réclamaient de Mai 68, qui, observe Alain Finkielkraut (page 63), rejouait déjà la Commune et 1917. Si l’on excepte leur talent pour les happenings animaliers plus ou moins drôles qui font plutôt l’ordinaire de YouTube, la fierté avec laquelle ils exhibent leur incompétence et l’arrogance avec laquelle ils jettent à la poubelle de l’histoire tout ce qui les a précédés, et même tout ce qui n’est pas eux, évoquent plutôt les sinistres gardes rouges de la révolution culturelle chinoise – que révéraient, il est vrai, les plus intellectuels de leurs glorieux aînés. Sauf que cette fois, leurs aînés consentent à leur propre destitution, comme le révèle le grand nombre de professeurs qui se sont solidarisés avec le mouvement anti-sélection. Ainsi a-t-on pu entendre, sur France Culture, l’inénarrable Nicolas Offenstadt raconter fièrement à un journaliste ravi par tant d’audace que, pendant le blocage, ses cours continuaient mais qu’ils ne portaient pas sur le programme, car cela reviendrait à briser la grève. Sur l’engagement des professeurs contre la sélection, Marcel Gauchet a sa petite idée : « Ce sont les profs qui tiennent le plus au mythe égalitariste en vertu duquel un doctorat de sociologie à Trifouilly-les-Oies vaut la même chose qu’un diplôme de physique à Orsay, qui est la poursuite du mythe selon lequel un bac pro passé à Saint-Denis équivaut au bac d’Henri-IV. Tout le monde sait que c’est faux, mais peu importe. On fait semblant d’y croire. »

De fait, la mobilisation contre une sélection qui a déjà cours dans toutes les formations appréciées par les employeurs aura plus tenu de la commedia dell’arte que de la lutte sociale. Les étudiants en grève étaient pathétiques dans leur volonté de s’illusionner et dans leur refus de la méritocratie. Mais ceux qui, dans la classe politique et dans le monde universitaire, les ont encouragés dans leurs illusions, sont, eux, des cyniques qui attendent une rétribution électorale de leur démagogie, ou veulent simplement faire jeune. « Tout le monde convient que l’absence de sélection est une folie, mais une opinion et une classe politique divisées interdisent toute remise en cause d’un statu quo pourtant jugé quasi-unanimement coûteux et cruel, à la fois pour la collectivité et pour les individus, car ses premières victimes sont les jeunes envoyés à l’université comme à l’abattoir », écrit Antoine Compagnon[tooltips content= »Antoine Compagnon, « Bac sélection université », in Le Débat, n° 199, mars-avril 2018. »]1[/tooltips]. On dirait en effet que même Emmanuel Macron n’ose pas utiliser le mot honni et qu’on préfère laisser des dizaines de milliers de jeunes traîner dans des facs-dortoirs plutôt que de leur dire la vérité : prétendre que tous les bacheliers sont aujourd’hui capables de suivre des études universitaires est un énorme bobard. Tout le reste est littérature.

« A 10 000 euros l’année, à Sciences-Po, les blocages ne durent jamais longtemps »

Beaucoup de jeunes, du reste, refusent de s’en laisser conter. Ils optent pour des formations sélectives, de plus en plus souvent privées, dont on apprend, dans la vaste enquête menée par Anne-Sophie Nogaret et Erwan Seznec (pages 64-65), qu’elles concernent déjà plus de 70 % des étudiants en premier cycle. « Éviter le premier cycle de la fac est un sport national », analyse Marcel Gauchet. Cela explique aussi le succès des prépas littéraires qui, loin de l’agitation de Paris-I, Rennes-II et autres ZAD universitaires dont certaines, dirait-on, sont en grève depuis 1968, permettent aux plus méritants d’atterrir directement en master, là où les choses sérieuses commencent.

Parler de la crise de l’Université est donc un abus de langage, voire un amalgame éhonté : la catastrophe intellectuelle et le désastre idéologique – ainsi que le refus pavlovien de la sélection qui va généralement avec – concernent essentiellement les premiers cycles de lettres et de sciences sociales. Quels que soient les défauts de la loi ORE (Orientation et réussite des étudiants) – qui a par exemple oublié de préciser comment et par qui seraient examinés les dossiers de candidatures –, le mouvement étudiant serait passé inaperçu dans les facs de droit, de médecine et de sciences si beaucoup ne partageaient pas des locaux avec les amphis de lettres. Et même parmi les étudiants en lettres, les grévistes étaient ultra minoritaires. Il est vrai que, relookée en temple de l’avant-garde culturelle, la vénérable Sciences-Po a rejoint, quelques heures durant, les camarades en lutte. On a pu voir flotter sur la façade de cette école éminemment sélective un large calicot orné d’un slogan même pas drôle contre la sélection, sans oublier l’inévitable drapeau palestinien, symbole de la solidarité entre les opprimés de Saint-Germain-des-Prés et ceux de Gaza. Seulement, comme me l’a dit un ami étudiant, « à 10 000 euros l’année, à Sciences-Po, les blocages ne durent jamais longtemps ». On pourra voir dans ce constat la validation de la théorie de Jean-Philippe Vincent (pages 72-75) qui tient la gratuité de l’enseignement supérieur pour l’origine de tous les maux qui le rongent.

Racisme d’Etat et dur destin des personnes racisé.e.s

Le tout petit printemps étudiant – qui ne paraît pas devoir résister aux vacances du même nom – n’aura sans doute pas d’autre conséquence que quelques millions de dégâts matériels et des examens retardés. Il est plus inquiétant que l’emprise extrême gauchiste se soit propagée dans des hauts lieux que leur recrutement sélectif n’a pas protégés contre l’importation enthousiaste de tous les articles de la foi postmoderne made in USA. À l’École des hautes études, où 200 professeurs ont signé pendant la campagne un manifeste pour Mélenchon, on ne compte plus les séminaires sur les migrants et sur le genre. « Des pseudo-révolutionnaires sérieux comme des papes arrivent à pourrir les entreprises les plus poétiques comme les activités de ce groupe qui défendait les polyamoureux », confie pour sa part un sociologue. Et ils parviennent aussi à propager, au-delà de l’écriture inclusive, l’attirail idéologique de la lutte contre une domination multiforme et sans visage – mais qui finit toujours par avoir celui d’un vieux mâle blanc ou d’un juif riche et libidineux –, le tout noyé dans la sauce postcoloniale qu’affectionnent les Indigènes de la République. Ainsi peut-on entendre en toute occasion des jeunes gens propres sur eux pérorer sur le racisme d’État et le dur destin des personnes racisé.e.s, avec l’air aussi satisfait que s’ils avaient pris le palais d’Hiver.

On pourrait, là encore, se contenter d’en rire – et comment ne pas rire, quand on lit dans le communiqué de Sciences po des phrases telles que : « Face à la vaste entreprise néolibérale et raciste menée sur tous les fronts par Macron, nous considérons comme essentiel de nous mobiliser de manière concrète, en bloquant les lieux de production des richesses et du savoir. » ? Sauf que ce triomphe du dogmatisme, du sectarisme et de l’esprit de sérieux dans des lieux qui devraient être voués à la liberté de penser condamne à mort l’enseignement des humanités, qui demande ironie, hauteur et dialectique. Le marché fabriquera toujours les bataillons de cadres et d’ingénieurs que réclame l’économie, mais seule la puissance publique peut investir des milliards dans un enseignement de haut niveau qui ne sert à rien – sinon, bien sûr, à s’assurer que les chefs-d’œuvre créés et transmis par nos prédécesseurs ne disparaîtront jamais de la mémoire humaine. Certes, ces temps-ci, la puissance publique a d’autres chats à fouetter et, apparemment, d’autres urgences à financer. En imaginant même que la contrainte budgétaire disparaisse par magie et que l’on sorte du formol des professeurs suffisamment compétents pour transmettre cet héritage, il faudrait encore que quelqu’un en veuille.

Génération «J'ai le droit »: La faillite de notre éducation

Price: 18,00 €

42 used & new available from 2,26 €

Les Rien-pensants

Price: 23,56 €

24 used & new available from 3,38 €

L’antisémitisme est-il devenu une maladie psychiatrique ?

0
Riccardo di Segni, rabbin de la grande synagogue de Rome rend hommage à Mireille Knoll, mars 2018. SIPA. AP22183739_000002

Il y a un an, Sarah Halimi, 65 ans, était battue avec un acharnement bestial au cri d’Allahou Akbar, d’invocation du « Sheitan », de versets du Coran et d’insultes, puis défenestrée par Kobili Traoré, un voisin qu’elle connaissait depuis plus de vingt ans.

Son visage et son corps témoignaient du calvaire enduré : hématomes, plaies déchirées, zones contuses avec plaies, hémorragies, larges zones ecchymotiques, fracas multi-fragmentaire, fractures et autres plaies nombreuses. Les premiers policiers sur site n’ont pas réussi à l’identifier en dépit de ses papiers d’identité. Son visage, méconnaissable, était déformé par les coups. Mais le légiste est formel : la mort sera due à un polytraumatisme par chute d’un lieu élevé. Elle était donc encore en vie quand son assassin l’a jetée par-dessus le balcon hurlant aux policiers en contrebas qu’une femme allait se suicider. Voilà une conscience bien aiguisée pour un homme dont le discernement aurait été altéré par des « bouffées délirantes aiguës ».

Poursuivi par le « Sheitan »

Pendant les 20 minutes qu’a duré la mise à mort de Sarah Halimi, certains voisins, après avoir prévenu la police, ont assisté – impuissants – à cette scène d’horreur. Leurs témoignages sont glaçants.

Qu’ils aient habité dans le même immeuble ou de l’autre côté de la cour, à une vingtaine de mètres, que leurs chambres aient donné sur rue ou sur cour, ils sont unanimes. C’est à travers les fenêtres fermées, parfois en dépit d’un double vitrage, qu’ils ont été réveillés par les cris « d’une femme d’un certain âge qui est en train de souffrir le martyre », « le bruit de la viande qui se fait cogner », le « bruit des coups de poings sur la chair », « un bruit lourd et sourd comme une personne qui tape quelqu’un allongé par terre ». Ils évoquent un « acharnement bestial », une « torture ». Cela donne une idée terrifiante du supplice qu’a subi Sarah Halimi.

A lire aussi: Sarah Halimi : autopsie d’un crime antisémite

Traore, qui habitait à l’étage inférieur depuis plus de vingt ans, savait parfaitement dans quel appartement il se rendait en passant par le balcon mitoyen. Il savait qu’il se retrouverait chez Sarah Halimi, dont tous les voisins savaient qu’elle était juive orthodoxe et dont la porte d’entrée portait une mezouza (objet de culte juif) sur le montant extérieur. Il n’y allait pas par hasard. C’est bien Sarah Halimi qui était visée. D’ailleurs, il n’a été violent avec personne d’autre tout au long de cette journée pendant laquelle il s’est dit poursuivi par le « Sheitan ». Sarah Halimi, elle, a été sauvagement frappée avec les poings et probablement avec un téléphone retrouvé maculé de sang. Son tortionnaire s’est acharné sur son visage pour en effacer les traits et l’a jetée par-dessus le balcon, comme pour expulser un corps étranger de l’immeuble, un corps de juif.

A ce jour pourtant, et en dépit de tous ces éléments, les circonstances aggravantes de la préméditation et d’actes de tortures et de barbarie, n’ont pas été retenues…

Coupable mais pas responsable ?

Une expertise et un complément d’expertise par le Docteur Zagury ont révélé que Traoré souffrait d’un discernement altéré mais pas aboli. Une nuance qui n’en est pas une puisqu’elle permettrait un renvoi devant la Cour d’Assises. Depuis son crime, Traoré n’a pas effectué le moindre jour de détention et a pu profiter de la visite de sa famille. Interné, il bénéficie d’un traitement et va mieux, petit à petit.

Une nouvelle expertise psychiatrique a pourtant été ordonnée par le magistrat instructeur, qui a désigné un collège de trois experts, pas moins. En cas de confirmation de l’altération du discernement, ce sera le renvoi en Cour d’assises et il deviendra compliqué de le contester. Traoré devra alors répondre de ses actes. Si, en revanche, le collège d’experts venait à se prononcer pour l’abolition du discernement, le risque serait un procès escamoté. Personne n’oserait l’imaginer…

Restons prudents…

Il y a moins d’un mois, c’est une autre femme juive, Mireille Knoll, âgée de 85 ans, qui était assassinée chez elle, elle aussi par un voisin qu’elle connaissait depuis son enfance. Mais cette fois-ci, il y a un complice. Assassinée de onze coups de couteau, là encore au cri d’Allahou akbar, puis le corps brûlé pour tenter d’effacer le crime ou la victime. Peut-être bien les deux. Aucune « trace de lutte ou de maintien » n’auraient été relevées sur le corps de Madame Knoll. Et pour cause. Sérieusement handicapée par la maladie de Parkinson, l’assassin pouvait commettre son crime ignoble sans trop d’inquiétude. Il savait que sa victime ne pourrait pas se défendre. Pire que ça, Mireille Knoll a été assassinée dans son lit médicalisé. Rien, et certainement pas la victime, n’aurait pu empêcher les mis en cause de voler les maigres ressources de cette dernière si tel avait été leur objectif. Tuer n’était pas nécessaire. Il y avait donc d’autres motivations à ce crime épouvantable.

Une motivation antisémite par exemple. Le voisin meurtrier de Madame Knoll savait qu’elle était juive et aurait confié à son complice que « les juifs étaient toujours riches ». Sempiternels clichés. La cambrioler aurait suffi. La poignarder au cri d’Allahou akbar, c’était en plus. Il n’est pas interdit aux voyous d’être antisémites.

A ce titre et contrairement à l’affaire de Sarah Halimi, la circonstance aggravante d’antisémitisme a immédiatement été retenue. Mais il convient de rester prudent. On apprend que le bourreau de Mireille Knoll était alcoolique et aurait été interné en hôpital psychiatrique.

A ce rythme, la France risque de devenir un immense asile de fous.

Causeur: Mouvement étudiant, le printemps de l’ignorance

0

En mai, certains ont décidé de faire ce qui leur plaît. « La mobilisation contre une sélection qui a déjà cours dans toutes les formations appréciées par les employeurs aura plus tenu de la commedia dell’arte que de la lutte sociale. Les étudiants en grève étaient pathétiques dans leur volonté de s’illusionner et dans leur refus de la méritocratie », s’alarme Elisabeth Lévy. Voici une bonne raison de consacrer tout un dossier au mouvement étudiant. Vous en avez rêvé, Causeur s’est dévoué. Sous la plume d’Anne-Sophie Nogaret et Erwan Seznec, votre magazine préféré a roulé sa bosse dans les facs occupées, de Saint-Denis à Toulouse.

>>> Lisez Causeur <<<

Heurs et malheurs de l’université

Un drôle de salmigondis idéologique s’y déploie, mélange d’indigénisme anti-blanc, d’antis…ionisme et de prêchi-prêcha LGBT qui ont fort peu à voir avec les difficultés de l’université. Il faut croire que la convergence des luttes a bon dos. Le professeur Jean-Philippe Vincent ne s’y trompe d’ailleurs pas et identifie les sources du mal dans la gratuité d’une université ouverte à tous dont le taux d’échec favorise des syndicats aussi contestataires qu’ultraminoritaires. Bref, « les bidonvilles de l’ignorance » que brosse Alain Finkielkraut s’arc-boutent sur leurs faux privilèges.

Mais l’actualité ne se résume (heureusement) pas aux heurs et malheurs de l’université française. Le grand penseur Pierre Manent nous a accordé un grand entretien autour de la religion des droits de l’homme, de la nécessité de l’enracinement de l’homme, cet animal politique qu’on réduit trop souvent à une abstraction.

ZAD, une chance pour la France gauchiste?

De Paris à Berlin, Luc Rosenzweig analyse l’échec du projet fédéraliste du président Macron, dirigeant européen unitaire pour 27, comme on disait dans l’ancien monde. Chez les plus jeunes,  l’heure est plutôt au repli identitaire. Comme le confirment les sociologues Olivier Galland et Anne Muxel, auteurs d’une étude sur les lycéens pour le compte du CNRS, la génération Z sanctifie l’individu, ses options religieuses et ses penchants violents, quitte à condamner le « blasphème ». Leur étude sur un panel de lycéens démontre l’absence de corrélation entre détresse sociale et radicalisation islamique : une bombe sociologique ! Elisabeth Lévy s’interroge sur le devenir de cette génération a priori perdue pour la France, sachant qu’une majorité des interrogés impute les attentats du 11 septembre à la CIA. Quant à Cyril Bennasar, il voit dans le phénomène des ZAD l’opportunité de parquer gentiment une ribambelle de gauchistes en mode amish.

Au rayon des restes du monde, Ana Pouvreau et Mark Porter analyse les dessous du  mariage entre Harry et Megan de Windsor. Un évènement enduit de politiquement correct inscrit dans la stratégie de reconquête médiatique de la Reine. Saluons enfin la nouvelle chronique de notre collaborateur Patrice Jean, romancier génial de L’homme surnuméraire, qui met en scène un certain Pichonneau à la découverte du monde post-moderne.

Delacroix sans bannière

Place à la culture. En hommage au dernier livre de notre ami Jean-Michel Delacomptée, Benoît Duteurtre prononce une ode à la francophonie. Le Brexit étant acté, une occasion unique se présente pour la France de Rivarol vouée à briller en Europe et dans le monde. Preuve de notre grandeur passée, Eugène Delacroix  droit à son exposition montre au Louvre et à son portrait de l’artiste en jeune homme signé Pierre Lamalattie. Pour laisser libre cours à ma gérontophilie, j’ai rencontré à Trieste l’immense écrivain slovène Boris Pahor, 105 ans, dont l’œuvre se confond avec la vie tumultueuse. Fin prêts ? Lisez !

La tentation radicale. Enquête auprès des lycéens

Price: 24,27 €

26 used & new available from 2,27 €


La loi naturelle et les droits de l'homme: Essai de philosophie pratique

Price: 22,00 €

10 used & new available from 18,50 €


La mort de Fernand Ochsé

Price: 19,00 €

27 used & new available from 0,51 €


L'homme surnuméraire

Price: 20,00 €

19 used & new available from 12,34 €