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Femmes, je vous hais: islamistes et masculinistes, même combat

L'internationale du féminicide s'élargit


Femmes, je vous hais: islamistes et masculinistes, même combat
Scène de recueillement à Toronto après l'attentat du du 24 avril 2018. SIPA. AP22194415_000001

Une nouvelle attaque au véhicule bélier s’est déroulée il y a moins d’une semaine, le 24 avril, dans un des quartiers les plus vivants de Toronto, semant sur son passage un spectacle de désolation et de mort. Comme à Nice, comme à Londres, comme à Berlin, les principaux médias ont immédiatement imputé au véhicule lui-même la folie furieuse de son chauffeur afin de ne pas avoir à nommer (par prudence ou par lâcheté) le réel et ses causes. C’est donc une « camionnette folle » cette fois-ci, après les désormais célèbres « camion fou » et « voiture folle » qui, prise d’une crise de soudaine démence s’est ruée sur certains passants en zigzaguant habilement afin de faire le plus grand nombre de victimes choisies sur une distance d’environ deux kilomètres.

« Seulement » la haine des femmes

Tout dans le déroulement de cet attentat et dans son modus operandi semblait le raccrocher aux crimes islamistes dont les métropoles occidentales subissent les assauts répétés et auxquels il faut bien dire que les opinions publiques se sont en quelque sorte accoutumées : la nouvelle arrive, on intègre l’information, on l’évalue rapidement selon le nombre de victimes, on fustige son traitement médiatique et l’inefficacité politique, on se prépare à subir douloureusement la moraline padamalgamiste du chef d’Etat concerné qui ne saurait manquer de s’abattre à la manière d’un châtiment collectif – en l’occurrence ici celle, inégalable, du Premier ministre canadien Justin Trudeau -, on s’indigne, les tempéraments les plus doux disposent en offrande nounours, lumignons et roses blanches puis chacun reprend le cours de ses activités jusqu’à la prochaine attaque.

Sauf que, cette fois-ci, l’on apprend vite que le conducteur du véhicule, un certain Alek Minassian, étudiant de 25 ans originaire de l’Ontario, est l’auteur de la tuerie et que celle-ci n’aurait aucun rapport avec l’islamisme. L’individu serait « simplement » animé par une haine farouche envers les femmes, ce qui expliquerait que ce soit elles qu’il ait frappées quasi exclusivement dans sa course meurtrière. Il n’en faut pas davantage pour que l’événement soit illico presto rétrogradé au rang de simple fait divers tragique. Circulez (prudemment si possible), il n’y a rien à voir !

Si l’on considère pourtant que le terrorisme est un moyen utilisé par une idéologie – et pas forcément par une organisation structurée – afin de semer la terreur dans les populations civiles, cet acte constitue bien un acte terroriste, ayant fait en l’occurrence 10 morts et 14 blessés. De la même façon d’ailleurs, les actes islamistes commis par des personnes isolées pudiquement qualifiées de « loups solitaires » ou de « déséquilibrés », demeurent des actes terroristes (comme si, du reste, un terroriste pouvait être quoi que ce soit d’autre que déséquilibré psychiquement…) dans la mesure où ils sont commis au nom d’une idéologie criminelle qui utilise la terreur pour se faire entendre et gagner du terrain.

Accusées, couchez-vous

Avant son passage à l’acte, le tueur a laissé un message sur son compte Facebook permettant de le relier sans la moindre ambiguïté à la mouvance masculiniste, en l’occurrence les Incel (pour « célibataires involontaires »).

Ces individus mâles occidentaux, dont la prose désaxée permet à elle seule d’expliquer le célibat, oscillent constamment entre l’auto-complaisance geignarde, la victimisation et l’agressivité haineuse. Tout leur malheur vient des femmes qui, du fait de leur émancipation, ne sont plus des objets à libre disposition sexuelle. Ces dernières sont donc coupables du célibat involontaire des plaignants, préférant prétendument se tourner vers les hommes beaux et musclés, dénommés dans ce crypto-langage masculiniste les Chads. Il ne semble pas le moins du monde traverser l’esprit dérangé de ces curieux personnages que les femmes puissent aussi préférablement se tourner vers des hommes faisant bel usage de leur organe principal, à savoir leur cerveau…

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Comme dans tout système victimaire, l’individu ne se reconnaît pas responsable de sa situation : il en projette la faute sur quelqu’un d’extérieur à lui, sur une catégorie de personnes qu’il va rendre coupables à sa place de son malheur. On sait combien par exemple l’antisémitisme fonctionne selon le même processus mental. Le fantasme de toute puissance chez ces individus le dispute à l’impuissance réelle à laquelle leurs médiocres aptitudes relationnelles les réduit. La société occidentale démocratique est à leurs yeux le relais institutionnel des femmes libres, ces « féminazies » qui, en imposant leur domination sur le monde auraient réduit les hommes à la portion congrue. Cette idéologie, extrêmement virulente et active, est relayée par certains hommes divorcés qui ne supportent pas que celle qu’ils considéraient comme leur chose leur échappe, ou encore qui n’acceptent pas les décisions de justice confiant la garde des enfants du couple à la mère, ou tout simplement par certains hommes frustrés et vierges (comme c’est le cas revendiqué de nombreux Incel), c’est-à-dire des êtres no-life, socialement perturbés, et qui n’ont pas eu à perdre leur femme dans quelque divorce houleux puisqu’ils n’en ont jamais eu. La séduction heureuse (qui n’est pas la chasse), les efforts intellectuels, la construction sociale, sans même aller jusqu’à parler de sentiments, tout ceci ne les concerne pas puisque seule compte une sorte de retour fantasmatique à l’état de nature, état dans lequel leur propre naturel plaintif les placerait du reste en mauvaise posture.

Dans ce système idéologique, les femmes sont donc coupables, y compris de ce qu’elles subissent. La question du viol, par exemple, n’en est pas une : c’est bien fait pour elles, ce n’est que justice. Les femmes sont là, à disposition, pour être violées. En cas de désaccord, de résistance, le féminicide règle la question. En l’occurrence : tuer des femmes parce que ce sont des femmes.

L’internationale du féminicide

On le voit, les similarités avec la conception radicale islamiste de la condition féminine sont nombreuses. La femme violée est coupable car aguicheuse et non voilée, responsable de sa propre souillure, elle ne vaut pas même une pièce de deux euros qui peut passer de mains en mains, selon Hani Ramadan, le frère de celui qui ne semble pas penser bien différemment dans l’intimité révélée des chambres d’hôtel européennes: voilée ou violée, il faut choisir, et encore, la garantie de protection de la mode dite pudique n’est que superficielle. La femme qui ne se soumet pas à cet ordonnancement primaire et archaïque du monde peut/doit souffrir ou mourir. Les violences, les mariages arrangés, la polygamie, les crimes dits d’ « honneur » et qui font en réalité honte à l’humanité, les mutilations génitales que Justin Trudeau hésite à qualifier de « barbares » de peur d’en froisser les auteurs : tout ceci porte la même idéologie qui tient les femmes pour inférieures aux hommes et responsables de leurs problèmes. Et l’on se souvient bien sûr de ces deux jeunes filles égorgées et poignardées par un islamiste à Marseille en octobre 2017 ; l’on se souvient du tueur islamiste de la Manchester Arena qui visait spécifiquement des adolescentes au concert d’Ariana Grande lors de sa tournée Dangerous Woman Tour (tiens, tiens…) ; l’on se souvient des 276 jeunes nigérianes enlevées dans leur école par le groupe islamiste Boko Haram ; l’on se souvient du sort ignoble réservé aux femmes yézidis tombées entre les mains de l’Etat islamique en Irak et en Syrie…

Il n’y a donc pas que le modus operandi qui permette de faire le lien entre l’attaque de Toronto et l’idéologie islamiste : masculinistes et islamistes sont porteurs de la même vision, qui hait la démocratie occidentale et qui hait les femmes. Cette haine ne laisse d’ailleurs pas de surprendre par son intensité et son incohérence structurelle, au point qu’on peut se demander pourquoi ces hommes qui, de leur propre aveu, n’aiment pas les femmes, n’assumeraient pas une bonne fois pour toutes leur clair penchant, demeurant entre eux afin d’y accomplir leurs besognes sexuelles, ce qui permettrait à l’autre moitié de l’humanité de vivre paisiblement. Le mystère de cet acharnement demeure hélas entier, par-delà la question du pouvoir, et plusieurs millénaires de psychanalyse n’y suffiraient probablement pas…

Mais si la percée idéologique islamiste est actuellement la plus active et la plus virulente dans ce domaine, il ne faut pas s’y tromper : elle ne fait que créer un vigoureux appel d’air plus ou moins décomplexé là où une partie importante de la population mondiale se retrouve hélas. En Chine, en Inde, au Mexique – où désormais la notion de « féminicide » est inscrite dans les lois tant la violence meurtrière contre les femmes s’y exerce à plein comme dans la tristement célèbre Ciudad Juarez -, ce ne sont pas des islamistes qui tuent, torturent, réduisent les femmes en esclavage. Alek Minassian (pas davantage que son héros Elliot Rodger, cet autre masculiniste auquel il a rendu hommage sur Facebook juste avant la tuerie et qui assassina six personnes en 2014 en Californie) n’est pas islamiste, même s’il partage la même haine viscérale des femmes.

Les femmes, c’est la civilisation

Or, s’en prendre aux femmes, c’est de facto s’en prendre à la démocratie puisque l’égalité hommes-femmes fournit le paradigme de ce qu’est la démocratie : celle-ci instaure une égalité de droit là où la nature a créé une inégalité des forces physiques. La démocratie est une élévation de l’humanité par rapport à l’état de nature. L’islamisme, le masculinisme, la violence endémique contre les femmes en de nombreux points du globe (en France, une femme meurt tous les 2,5 jours sous les coups de son conjoint ou ex-conjoint) ne sont que le reflet d’une sourde, paresseuse et imbécile jouissance de l’état de nature.

Les sociétés occidentales ont considérablement progressé dans ces domaines, même si rien n’est jamais ni parfait ni définitivement acquis (comme le prouve par exemple la régression de la condition des jeunes filles dans de nombreux territoires perdus de la République). Et ce sont précisément ces progrès que les arriérés du monde entier ne tolèrent pas, ce que la penseuse féministe Susan Faludi appelle le Backlash, ce retour de manivelle qui suit chaque amélioration de la situation féminine. Le spectre de la dystopie The Handmaid’s Tale n’est jamais très loin.

#Metoo, idiotes utiles

Dans ce dispositif occidental et progressiste, les attaques sans discernement qui sont menées par un certain néo-féminisme borné contre les hommes et, d’une manière générale, contre tout ce qui est masculin, ne rendent pas service à la cause qu’elles croient défendre. Les outrances de #balancetonporc et autres #metoo, le principe généralisé du lynchage tenant lieu de justice, les hystéries maladives visant la pénalisation de la drague ou des regards trop appuyés, la maltraitance inclusive et obsessionnelle de la culture et du langage, la dévirilisation systématique de ce dernier dans laquelle excelle précisément la figure molle et pathétique de Justin Trudeau (on se souvient de son accablant « peoplekind, not mankind ») créent et alimentent un climat misandre de guerre des sexes bien inutile. Il n’existe pas dans l’histoire de l’humanité de noble combat qui ne soit toujours guetté par le danger de sa radicalisation outrancière, ce qui à terme le décrédibilise et fournit des armes idéologiques à ses adversaires. Le néo-féminisme dans ses élucubrations actuelles en est un bon exemple.

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Ce que combattent les masculinistes, les islamistes et tous leurs complaisants zélateurs, mais aussi de l’autre côté les femmes qui nourrissent cette misandrie contemporaine selon laquelle tous les hommes seraient des requins ou des porcs (lorsqu’on dit « balance ton porc », on sous-entend bien que tout le monde en a un sous la main, de porc, ou sinon, au pire, on l’inventera), c’est la possibilité même d’une entente harmonieuse, mixte et équilibrée, entre les deux sexes dans un cadre institutionnel qui garantisse la liberté de chacun. Cette concorde entre hommes et femmes suppose toutefois que l’on ne s’acharne pas à vouloir à toute force en éradiquer les aspérités, les différences, les points de friction, les oppositions qui, précisément, en créent la dynamique. Car, à vouloir trop chasser le naturel, il faut toujours s’attendre à le voir resurgir violemment au galop et sous une forme incontrôlable.

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Chroniqueuse et essayiste. Auteur de "Liberté d'inexpression, des formes contemporaines de la censure", aux éditions de l'Artilleur, septembre 2020.

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