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9 mai: les faux amis « communistes » de Mélenchon en Russie


Nous sommes le 9 mai, jour de la victoire face à l’Allemagne nazie que la Russie commémore un jour après les pays occidentaux. Jean-Luc Mélenchon s’est rendu à Moscou pour l’occasion. Or,  les communistes russes qu’il a rencontrés donneraient des boutons à bien des cadres de La France insoumise…


D’après ses propres mots, Jean-Luc Mélenchon s’est rendu en Russie pour commémorer le 9 mai, « le jour de la date anniversaire de la victoire de l’Armée rouge sur les nazis ». Le président du groupe La France insoumise à l’Assemblée nationale prend part au fameux défilé du Régiment immortel qui a lieu chaque année à Moscou en mémoire des soldats de l’Armée rouge tombés au champ d’honneur lors de ce que les Russes appellent la Grande Guerre patriotique.

Staline allié à l’Eglise orthodoxe

Pour nombre de socialistes post-soviétiques, et qui plus est pour le Parti communiste russe (KPRF), cette victoire ne symbolise pas seulement le triomphe de la civilisation sur la barbarie, mais également l’union éphémère de l’État socialiste et de l’Église orthodoxe sous le commandement de Staline au nom de la mère patrie. Un tel syncrétisme politico-religieux suffit généralement à donner des haut-le-cœur aux partisans les plus chevronnés de Jean-Luc Mélenchon.

Depuis l’effondrement de l’Union soviétique, la gauche russe a fait sa mue et retenu les leçons de l’échec du marxisme-léninisme-stalinisme à l’Est de même que de la social-démocratie à l’Ouest. C’est pourquoi le principal fer de lance du socialisme russe, le KPRF, premier parti d’opposition au Kremlin depuis près de vingt-cinq ans, prône un communisme non plus matérialiste et mondialiste mais traditionaliste et nationaliste. Loin d’approuver l’engouement de la gauche euro-américaine pour la défense des minorités, l’écrasante majorité des socialistes russes d’aujourd’hui se retrouve de facto à l’extrême droite du Front national sur la plupart des questions de société ayant trait à l’identité et à la citoyenneté. Du moins si l’on en croit le logiciel post-trotskiste d’un Alexis Corbière ou le tiers-mondisme indigéniste d’une Danièle Obono.

Socialement égalitaire, culturellement identitaire

À l’occasion de son séjour à Moscou, Jean-Luc Mélenchon prévoit notamment de rencontrer Sergueï Oudaltsov, le leader du Front de Gauche, un mouvement politique qui n’a en commun que le nom avec l’ancien parti du fondateur de la France insoumise. Et pour cause, Oudaltsov a été l’un des principaux promoteurs médiatiques de la candidature de Pavel Grudinin, le champion du KPRF à l’élection présidentielle de mars 2018, en appelant sans relâche à l’alliance des nationalistes et des socialistes dans les urnes afin de battre Vladimir Poutine. Toutes proportions gardées, c’est un peu comme si, en France, Florian Philippot ou Djordje Kuzmanovic défendait en 2022 les couleurs de la France insoumise et du Front national sur la base d’un programme commun à la fois socialement égalitaire et culturellement identitaire.

Le socialisme du troisième millénaire

Sergueï Oudaltsov a été à bonne école : passé par les rangs des marxistes-léninistes de l’Avant-Garde de la Jeunesse Rouge (AKM) avant de lancer sa propre organisation, à l’instar de toute une génération de socialistes russes, il s’est construit politiquement et culturellement en soutenant activement les concerts moscovites du chaman punk Egor Letov, un artiste sibérien iconoclaste à la confluence du communisme et du nationalisme, membre fondateur en 1993 du Parti national-bolchevique aux côtés de l’écrivain Édouard Limonov et du philosophe Alexandre Douguine. Bref, vu de Russie, le socialisme du futur est moins mondialiste et libertaire que traditionaliste et identitaire.

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Sur France Inter, le festival de Cannes sera « Me too » ou ne sera pas !


Je me suis levé tôt, un jour férié, pour écouter la matinale de France Inter. J’ai bien fait: deux heures de Cannes et de festival #Metoo. 


Hier, mardi 8 mai, j’ai profité de mon jour férié pour suivre le « 7/9 » de France Inter délocalisé à Cannes. Léa Salamé et Nicolas Demorand étaient présents sur la côte pour le lancement du festival. En ces temps d’austérité macroniste, les autres chroniqueurs sont restés à Paris. Punis ! France Inter tient à sa réputation de grande rigueur budgétaire. Si je suis satisfait de la bonne gestion des deniers octroyés par ma redevance, qu’en est-t-il du contenu ?

Le Figaro se réjouissait la veille que le festival de Cannes entendait « tourner la page Weinstein », après des mois de « balançage » de porcs à tous les étages ! Hélas, du côté de France Inter, on ne compte pas encore abandonner le sujet… Les questions sur le genre et les débats qui l’entourent sont une source inépuisable de chroniques enfiévrées et de pastilles humoristiques plus ou moins réussies.

Pendant deux heures, le petit monde très « glamour » de la Croisette va prêter main forte à France Inter dans son noble combat en faveur de la cause féminine.

7h24 : Vanessa Paradis en femme forte et dominatrice 

La journaliste Eva Bettan s’est rendue en studio pour assister aux dernières retouches du « sulfureux » film de Yann Gonzalez, Un couteau dans le cœur, qui participe à la compétition. Depuis la salle de montage, le réalisateur en est arrivé aux « finitions ». « C’est le pied intégral ! », se félicite-t-il. Dans son film, la star Vanessa Paradis porte un « personnage de femme forte et dominatrice », en incarnant Anne, une lesbienne productrice de films pornos gays dans les années 1970. On a hâte de voir ça !

7h50 : Cate Blanchett remplace l’invité politique

Léa Salamé est fière de son coup. Pour son interview, elle a recueilli « en exclusivité » les réponses de Cate Blanchett. La présidente du jury de ce 71e festival est ravie du rôle majeur qui lui a été attribué par cet évènement « engagé ». « Etre la porte-voix des femmes, cela vous plait ? », demande Salamé. On s’en doute, la réponse est oui. Léa Salamé rappelle que « le nom de Harvey Weinstein va planer » pendant toute la durée du festival. Brrrr Léa arrêtez de nous faire peur !

D’ailleurs, Cate Blanchett a accepté la présidence à une condition : qu’il y ait parité dans le jury. On est une actrice « engagée », ou on ne l’est pas.

A lire aussi: Elisabeth Lévy sur France Inter : « Vous n’informez pas, vous endoctrinez »

A entendre Léa Salamé, insistante, le monde ne sera plus jamais comme avant la révélation des pratiques du producteur Weinstein. Si Me Too a eu un impact mondial phénoménal (pas 1789, mais quasiment), Cate Blanchett observe toutefois des disparités régionales : « On a l’impression, notamment à cause d’Internet, que nous partageons la même culture et que toutes nos langues sont identiques. Comme dans le mouvement #MeToo, ça se manifeste de différentes façons selon les cultures. Il faut respecter les nuances, c’est extrêmement important ». Petite concession faite au #MeToo vécu en Arabie Saoudite, en Inde ou en Iran, j’imagine.

8h20 : Balance ton Frémaux

Après les actualités de 8 heures, j’espérais en avoir terminé avec ce prêchi-prêcha inclusif.

C’était sans compter sur « le Grand Entretien » qui recevait Thierry Frémaux, le délégué général du festival. Par souci de parité, France Inter avait également convié au micro Alexandra Henochsberg, une distributrice de films. D’entrée de jeu, le présentateur Nicolas Demorand va remonter les bretelles de Thierry Frémaux. Avec seulement 3 réalisatrices sur 21 films en compétition, cela ne va pas du tout ! Le matinalier de France Inter lâche le mot de statistique « insupportable ». La « supériorité masculine » des réalisateurs l’est elle aussi. « Elle ne l’est pas qu’à Cannes, elle l’est en général », se défend le malheureux Frémaux.

Ce dernier est assailli de questions : l’affaire Weinstein va-t-elle peser sur le palmarès ? Ne peut-on pas mettre un peu de « discrimination positive » dans le cinéma ? Des « quotas » de femmes réalisatrices, y avez-vous réfléchi ?

Ouf, Frémaux est favorable aux quotas de femmes ! Notons avec intérêt qu’ils sont pour les quotas et « en même temps pour le mérite ». Léa Salamé croit un instant déceler une contradiction, mais ne creusera pas davantage la question. L’important était de s’assurer que Cannes était bien « Me too ». Quand même, le monde regarde la France.

8h45,  Asko lit Ronan Farrow

A 8h45 dans sa revue de presse, ce « suiveur » de Claude Askolovitch appellera les auditeurs à découvrir le dernier article de Ronan Farrow dans le New Yorker. Il relate la chute du procureur de New York Eric Schneiderman, accusé de violences sexuelles. On doit lire l’article, lequel a fait tomber le procureur en 3 heures. « Voilà la puissance du journalisme », se réjouit le même. Comme dirait Ingrid Riocreux, fermez les tribunaux, Asko et ses potos font le boulot !

A 8h54, la décrypteuse des médias Sonia Devillers en ajoute une couche en portant à notre attention une étude révélant que seulement 16% des éditos du journal suisse Le Temps sont signés par des femmes et que d’ailleurs seulement le tiers des photos du journal représente des membres du sexe oppressé. Un scandale à vous rendre helvétophobe le plus gauchiste des auditeurs !

A 9h10, enfin, Augustin Trapenard apportera sa pierre à l’édifice en interviewant l’actrice Penelope Cruz. Question originale : que lui inspire le peu de réalisatrices présentes à Cannes ? C’est reparti pour un tour ! La belle Espagnole s’en tire en bredouillant un truc du genre : « C’est un problème très vaste dont l’affaire Weinstein a fait prendre conscience ». On avait compris, oui.

Néoféminisme. France Inter. Pléonasme ?

« Mariage pour tous »: cinq ans, l’heure du bilan


Adoptée en 2013, la loi Taubira dite du « mariage pour tous » cachait une volonté d’effacer une différence sexuelle inscrite dans les corps. Et cela ne date pas d’hier. Une tribune de Michel Pinton.


Cinq ans après la tumultueuse promulgation de la loi Taubira, il semble que le mariage entre personnes du même sexe ne soit plus un thème du débat politique. Les protestations publiques se sont éteintes. Les manifestations géantes des opposants ne sont plus qu’un souvenir. La cérémonie d’union de deux hommes ou de deux femmes ne soulève de difficulté dans aucune mairie. L’abrogation de la loi n’est plus au programme d’aucun grand parti. L’opinion populaire se satisfait de la situation nouvelle : aucun sondage, aucune enquête, ne montrent un désir significatif de revenir en arrière.

La Manif pour tous, une réaction salutaire

La victoire apparente des promoteurs de la loi Taubira se manifeste aussi dans l’échec des actions menées par les jeunes, ardents mais naïfs, qui ont essayé d’entraîner les partis de la droite dans des projets d’abrogation ou d’atténuation du texte. Marginalisés, parfois repoussés, ils n’ont de choix qu’entre un isolement amer et un reniement discret. La politique leur a fait sentir ses règles de dur réalisme et ils y ont perdu leurs illusions.

Est-ce à dire que le combat a été inutile ? Je crois qu’il a été au contraire une  réaction indispensable et salutaire mais qu’il s’est égaré dans des opérations exclusivement politiques et, qui plus est, de politique partisane.

Mon lecteur me pardonnera, j’espère, de me citer moi-même : j’ai écrit, il y a quatre ans, un article dans lequel j’expliquais les raisons pour lesquelles aucun parti n’oserait abroger la loi Taubira, y compris ceux qui s’y déclaraient opposés. Je continuais en affirmant que, pour lutter contre le mariage homosexuel, l’action purement politique conduirait à une impasse, au moins dans les circonstances actuelles. Les évènements des cinq dernières années ont confirmé mes avertissements.

La loi Taubira est la fille du Pacs

Aucun don de voyance ne m’a été nécessaire pour faire ces prédictions. J’ai simplement usé de ma faculté de raisonnement.

D’abord j’ai essayé de placer le mariage homosexuel dans une perspective historique de plusieurs décennies. La loi Taubira est la fille du Pacs, voté vingt ans plus tôt; le Pacs eut été inconcevable s’il n’avait pas été préparé indirectement par la loi Veil (1974). Cette succession de textes qui se sont engendrés les uns les autres n’est pas finie. Elle ne demande qu’à se continuer : la loi Taubira ouvre la voie à la PMA, qui donnera à son tour naissance à la GPA, pour aboutir un peu plus tard au remplacement légal de la filiation biologique par une filiation dite volontaire. Mon article d’il y a quatre ans annonçait que la PMA, rejetée avec horreur par la quasi-totalité des responsables politiques en 2012, deviendrait bientôt un projet examiné d’un œil bienveillant par nos cercles dirigeants. Nous y sommes.

Le néocatharisme contemporains

Ensuite j’ai tenté de remonter à l’origine de cette cascade d’ « émancipations » qui, repoussées par l’opinion publique quand elles sont présentées pour la première fois, finissent par s’imposer comme des évidences. Elles m’ont paru être les conséquences sociales, progressives mais inévitables, non pas d’une volonté politique, mais d’un courant religieux nouveau, né en 1968 dans le sillage de la pilule contraceptive, et dont le dogme fondamental est la soumission du corps aux volontés de l’esprit, le second étant révéré comme absolument souverain et le premier étant ramené au rang de simple instrument de l’esprit. J’ai appelé « néocatharisme » cette religion qui imprègne une partie de nos contemporains parce qu’elle rejoint le vieux dualisme des cathares de jadis. Je terminais mon exposé en soulignant qu’on ne combat pas une religion par une action politique mais en lui opposant les vérités d’une autre religion, dans notre cas une foi qui rende au corps humain sa dignité propre, distincte de celle de l’esprit.

Le néocatharisme doit être combattu parce que, loin d’être bénéfique ou simplement  inoffensif, il est « dyssocial ». C’est à son influence que l’on doit la progression foudroyante des divorces depuis un tiers de siècle (près d’un mariage sur deux aujourd’hui), une instabilité croissante des couples dont le succès du Pacs est un symptôme (sa fréquence a presque rattrapé celle du mariage en 2017), les millions de mères abandonnées, obligées d’élever leurs enfants avec des ressources de misère, une fécondité française chancelante (1,88 enfant par femme l’an dernier), des avortements si nombreux (ils atteignent un quart du chiffre des naissances) qu’ils en viennent à ébranler la persistance de notre peuple, le mal-être et l’aliénation d’une part grandissante de la jeunesse, sans compter les maux encore peu visibles que suscite le principe d’incertitude sexuelle. Le bien de la nation exige que tous les citoyens de bonne volonté s’unissent pour mettre un terme aux méfaits sociaux du néocatharisme.

Une loi pour quelques-uns

La lutte contre cette nouvelle religion n’est pas facile parce qu’elle avance masquée. Elle se présente comme un simple humanisme. Elle se fait écouter des responsables politiques en leur parlant d’élargissements des droits du citoyen. La loi Veil a autorisé l’avortement au motif d’aider des femmes « en extrême détresse » et non pas pour sa véritable raison : le corps féminin est une propriété privée et chacune en fait ce qu’elle veut. De même, la loi Taubira affirme ne rien viser d’autre que « le mariage pour tous », hétéros et homos à égalité. Elle cache soigneusement sa volonté d’effacer une différence sexuelle inscrite dans les corps. On commence à nous expliquer que « la PMA pour toutes » serait une mesure de justice et de compassion pour les femmes sans maris au lieu d’avouer qu’elle vise uniquement à satisfaire un désir arbitraire de l’esprit. La lutte contre le néocatharisme doit commencer en lui arrachant son masque : montrer qu’il est de nature religieuse et non politique ; qu’il défend des dogmes et non des droits de l’homme ; qu’il cherche des privilèges identitaires et non l’égalité citoyenne.

Ensuite il ne faut pas craindre de s’opposer fermement à ses demandes. La nouvelle religion a moins de puissance que ses victoires passées le laissent croire. Elle trouve ses fidèles et ses sympathisants dans des minorités actives et bien introduites dans les cercles du pouvoir politique et médiatique mais elle ne reçoit aucune adhésion populaire. Le mariage homosexuel, par exemple, est essentiellement une conquête qui satisfait certains milieux très urbains (10% des mariages à Paris sont entre personnes du même sexe). Il  reste marginal, voire inconnu, dans nos provinces et les banlieues (entre 1% et 3% des unions). Les gouvernants qui ont le plus cédé aux demandes du néocatharisme, Giscard avec le droit à l’avortement, Jospin et son Pacs, Hollande et le « mariage pour tous », se sont lourdement trompés sur le bénéfice électoral de leurs mesures. Les deux premiers ont été, à leur stupéfaction, battus aux élections présidentielles. Le troisième n’a même pas osé se présenter aux suffrages des Français. En dépit de ce que des sondages superficiels prétendent prouver, la masse de notre peuple est peu convaincue du service que les lois dites sociétales rendent au bien commun de notre pays. Elle peut aisément basculer de l’attentisme résigné à l’opposition résolue.

Loin d’une laïcité loyale

Enfin, il me paraît important de bien distinguer les différents aspects de la lutte. Sur le plan religieux, il appartient aux autres croyances organisées de tenir tête à la croyance nouvelle. L’Eglise catholique, qui proclame la dignité intrinsèque du corps humain, est, dans notre pays, la première appelée à se dresser contre le néocatharisme. Sur le plan politique, tous les citoyens soucieux de l’avenir national, peuvent et doivent s’unir pour exiger de nos gouvernants que la nouvelle religion soit traitée comme les autres en lui appliquant les règles dune laïcité impartiale. Ici et là, le travail a commencé. L’appui accordé par la ministre Vallaud-Belkacem aux thèses néocathares dans les établissements scolaires, a suscité des protestations qui dépassaient largement les milieux catholiques. Elles ont forcé les fidèles de la nouvelle religion à reculer. Mais nous sommes loin encore d’une laïcité loyale en ce qui les concerne. Ils ont réussi à s’assurer la protection unilatérale et l’appui financier de l’Etat dans nombre de leurs activités de prosélytisme. Est-il juste, par exemple, que l’argent public soutienne largement l’association « Planning familial », dont un des buts proclamés est la promotion du droit à l’avortement, parfois même jusqu’au terme de la grossesse, alors que « l’alliance Vita » qui cherche à éviter ces mêmes avortements, doit s’en remettre à des dons privés pour se développer ? Rompre les liens entre la religion néocathare et les pouvoirs publics sera une tâche longue et multiforme. La mener au nom de la laïcité est la meilleure garantie de son succès.

Journée de l’Europe: notre jeunesse mérite une Union conquérante dans la mondialisation


Nous sommes le 9 mai, c’est la « journée de l’Europe »: l’occasion pour Laurence Arribagé, ex-députée LR et adjointe au maire de Toulouse, de réaffirmer ce à quoi devrait aspirer l’Union européenne.


Lorsqu’il y a soixante-huit ans jour pour jour, le 9 mai 1950, Robert Schuman débuta son discours du salon de l’Horloge qui allait devenir l’acte fondateur de la construction européenne, en rappelant que « la contribution qu’une Europe organisée et vivante peut apporter à la civilisation est indispensable au maintien de relations pacifiques », sans doute n’imaginait-il pas que près de sept décennies plus tard, ce message soit autant d’actualité.

Divergences entre Etats membres

Si tout conflit sur le continent européen semble aujourd’hui inenvisageable, donnant sens à la volonté du ministre français des Affaires étrangères d’alors de rendre toute nouvelle guerre « non seulement impensable, mais matériellement impossible », force est de constater que les divergences entre les États membres nuisent aujourd’hui à l’action internationale de l’Union européenne et à son poids face aux autres grandes puissances.

Pourtant, 68 ans après cette déclaration, le succès de cette aventure n’est plus à démontrer. La paix sur notre continent est devenue notre horizon naturel et la libre-circulation des personnes et des biens a élevé notre prospérité collective. À travers la Politique agricole commune (PAC), le programme d’échange d’étudiants et d’enseignants « Erasmus », ou encore les fonds structurels, nos concitoyens appréhendent l’impact concret et positif de l’Europe. L’Union européenne s’élève au rang de première puissance exportatrice au monde et l’euro a acquis la seconde place en monnaie d’échange : de tout cela, nous devons être fiers.

Un cinglant message aux élites

Toutefois, les succès passés et contemporains ne doivent pas nous éloigner de tout regard critique, tant les récentes élections ou autres référendums locaux ont envoyé un cinglant message aux élites. Les symptômes sont connus de tous : l’éloignement des citoyens, la perception d’une eurocratie bruxelloise qui décide dans le dos des peuples et une production réglementaire incompréhensible. Sachons être lucides et entendre que la sensation d’une Europe naïve et passive dans la mondialisation et son incapacité à réagir lorsque des crises frappent à notre porte constituent un terreau aussi fertile que dangereux pour les populismes de tous bords.

A lire aussi: Pour un Bruxit: il faut sortir Bruxelles de l’Europe

Face à ces apprenti-sorciers qui agrémentent de mensonges leur tambouille populiste, il est de notre responsabilité de réorienter la construction européenne, pour promouvoir une Europe concrète, une Europe des résultats, une Europe qui protège et qui prospère. À Toulouse, où j’ai l’honneur d’être Adjointe au Maire, nous savons plus qu’ailleurs qu’en matière industrielle, l’action européenne permet d’atteindre des résultats qu’une nation seule ne saurait réaliser : Airbus ou l’aventure spatiale en sont de très belles illustrations.

La coopération renforcée entre États partageant un intérêt commun au service d’une ambition collective est un levier majeur pour bâtir un nouveau souffle. C’est, comme le dit si bien Robert Schuman dans sa déclaration du 9 mai 1950, à travers des « réalisations concrètes, créant d’abord une solidarité de fait », que l’Europe deviendra de nouveau cette formidable aspiration dont l’existence contribue à la fierté des peuples qui la composent.

Imposons nos valeurs face aux GAFA

Au-delà de la paix – pour importante qu’elle soit –  il nous faut également trouver de nouvelles raisons de travailler ensemble, pour peser dans la mondialisation, s’affirmer face aux autres puissances, imposer nos valeurs face aux GAFA et équivalents chinois. En matière de recherche, sur le numérique, l’intelligence artificielle, les biotechnologies, la politique énergétique et climatique, la politique commerciale, la politique de développement, et sur tant de ces grands sujets, la plus-value européenne est indéniable.

En ce sens, la politique européenne de Défense apparaît comme une réponse cohérente aux défis que nous impose un monde de plus en plus incertain, entre le retour de l’isolationnisme américain, une politique étrangère chinoise de plus en plus belliqueuse, et l’émergence de nouvelles puissances régionales comme l’Inde ou le Brésil.

Il est ainsi essentiel de doter le nouveau Fonds Européen de Défense d’un budget fort : en soutenant des projets de recherche de défense paneuropéens conçus pour assurer l’avancée technologique de l’Europe, asseoir ses futures capacités de défense et favoriser une industrie de la défense européenne plus compétitive et innovante. C’est l’autonomie stratégique de notre continent qui sera préservée et accrue. En outre, l’ambition d’envisager à terme un quartier général opérationnel pour les unités européennes, s’apparente à une volonté affichée de la part des États membres de parler enfin d’une seule et même voix en matière de défense et de maintien de la paix, que nous devons encourager.

La baisse du budget de la PAC est inacceptable

Parce que l’Europe que nous voulons doit être au service de l’ensemble des citoyens européens et des territoires, il est par ailleurs vital que les zones rurales et le secteur agricole européen ne soient pas sacrifiés sur l’autel des autres politiques européennes. A cet égard, les baisses drastiques annoncées par la Commission européenne pour le budget de la PAC (-10% !) sont inacceptables. Faillites d’exploitations en cascade, territoires ruraux désertés, une souveraineté et une sécurité alimentaire mises à mal, tels seraient les effets désastreux d’un tel coup de rabot. Parce que « L’Europe qui protège » que nous appelons de nos vœux concerne aussi nos agriculteurs, j’en appelle à un sursaut collectif rapide de la part de nos dirigeants, pour redonner confiance aux acteurs de cette filière.

Sachons par ailleurs appréhender les failles existantes avec pragmatisme comme en matière migratoire où nous ne pouvons plus rester au milieu du gué. Nos frontières extérieures ne peuvent être correctement protégées par une agence (Frontex) qui n’est aujourd’hui pas dimensionnée et compétente pour remplir ces fonctions.

Pour un droit d’inventaire

Enfin, osons poser la question des compétences et du périmètre d’action des institutions de l’Union européenne pour en réduire l’inertie. Notre responsabilité, en vue des prochaines élections européennes, sera de mener un travail d’inventaire sur les pans de politiques communautaires qui ont suscités des excès de réglementation. Je pense à nos agriculteurs, à nos artisans, à nos chefs d’entreprise.

Il revient à nous, Républicains, de nous emparer de ces sujets et de fuir les consultations de façade aux résultats vides de sens. De la même façon, il est urgent de mettre fin à cette passion franco-française de « surtransposition » des normes européennes dans notre droit national. Organiser un niveau de contraintes supérieures à celles demandées par l’Union européenne, quelle erreur ! Ayons là-aussi le courage de balayer devant notre propre porte.

En marche bien seul

Pour provoquer et faire vivre ce nouveau souffle européen, les sujets ne manquent pas et je crois profondément que c’est à la jeunesse et à la nouvelle génération de s’en emparer sans attendre que l’on daigne les leur confier. Que cette génération s’unisse pour lutter contre l’incompréhension et l’indifférence qui dominent trop largement à l’égard des sujets européens.

Notre jeunesse mérite mieux que les fausses consultations citoyennes d’un gouvernement enlisé dans une solitude certaine sur la scène européenne. « En marche », mais seul. En ce 9 mai, faisons confiance à la jeunesse de France pour être à l’avant-garde de ce nouveau souffle européen que nous construirons à ses côtés !

Evacuation du Mirail à Toulouse: c’était les jeunes-vieux rouges de la ville rose


Le temps d’un « printemps », la fac du « Mirail » à Toulouse a renoué avec sa vieille tradition marxiste. Elle vient d’être évacuée.


Devançant le retour annoncé de Mai 68, l’administration de l’université du Mirail, désormais appelée  Toulouse 2 – Jean Jaurès (plus de 30.000 étudiants) était en grève depuis décembre. Et depuis trois mois, les étudiants bloquaient le campus et les bâtiments de Toulouse 2. En cause, le projet de fusion avec l’université Paul-Sabatier, l’INP et l’INSA, qu’a voulu imposer Daniel Lacroix contre l’avis du conseil d’administration, de la majorité des professeurs et des étudiants. S’est ensuite greffé à cette protestation le rejet de la loi ORE. La grève des étudiants et du personnel administratif était organisée par la CGT, le NPA et la France insoumise. Le 20 mars, face à la paralysie générale, la ministre de l’Enseignement supérieur dissout les conseils centraux, place l’université sous tutelle, destitue le président Lacroix et nomme un administrateur provisoire, Richard Laganier.

A lire aussi: A Toulouse, l’extrême gauche colonise et bloque l’université du « Mirail »

La lutte des classes, pas des races

Le blocus ne semble pas, cependant, avoir profité aux revendications néoféministes et racialistes, dans une université où elles sont très présentes, en philosophie notamment. « Au Mirail, il y a aussi une vieille tradition marxiste, répond un professeur. Ici, c’est la lutte sociale à l’ancienne. Les professeurs sympathisants des indigénistes sont restés silencieux. »

Les AG, visibles sur le net, révélaient un rêve de convergence des luttes et une rhétorique d’autrefois. Les syndicalistes défilaient, les étudiants se donnaient du « camarade », un jeune homme évoquait les « violences policières fascistes », les « milices fascistes » et les « groupuscules fascistes et nazis du GUD » ; un vocabulaire dont ses grands-parents usaient il y a cinquante ans et ressorti du placard pour un remake on ne peut plus attendu. Le matérialisme historique à l’épreuve de la société du spectacle.

Pourquoi ils ne supportent pas les Juifs


Si les attentats que subit la France, et en particulier les meurtres antisémites, ont réveillé un sentiment chez moi, c’est bien celui d’une forme de culpabilité à ne pas avoir pris la parole plus tôt…


Pendant longtemps, en tant que Français juif, je voulais croire aux idéaux du contrat républicain, uniques dans le monde, permettant de nous protéger tous contre les assauts dans l’espace public d’un pouvoir excessif des religions et de leurs fanatismes. Mais force est de constater que les carnages se multipliant, les juifs ne sont plus en sécurité dans notre République. Bien que toujours habité par l’esprit de nos pères fondateurs, je suis en colère d’être acculé au cynisme. Je me suis surpris à ressentir une gêne à repenser à mon comportement passé, consistant à participer passivement à la dissimulation. J’avais certainement peur, mais la simulation ne peut que retarder le retour du réel en pleine face. La coupe est pleine, et un des grands bienfaits de la fameuse tribune des 300 aura été, peut-être, comme notre époque aime si bien à le dire de « libérer la parole ». Alors, écoutez bien la mienne, et considérez que son aigreur vient de l’indigestion de votre déni.

La tartufferie « antiraciste »

« Je ne vois pas pourquoi il faudrait privilégier un racisme par rapport à un autre, a-t-on pu entendre ici ou là chez les égo-grégaires, on doit les combattre tous, en bloc ! » Outre le rire provoqué par la métaphore guerrière lancée par un commissaire de plateau, et la vision géologique que ces vertueux se font des phénomènes de haine, il faut avouer que ces sorties tonitruantes ont de quoi irriter. Comme si combattre tous les racismes signifiait combattre l’idée en général de racisme, proposition aussi inopérante que lâche, étant donné les déterminations à chaque fois tout à fait spécifiques desdits phénomènes. Car c’est bien ce que cela signifie combattre en bloc, c’est passer du particulier au général, effacer toute spécificité historique, culturelle et religieuse aux phénomènes et donc les rabattre les uns sur les autres, dans un joli millefeuille dégoulinant de miel indifférenciant, qui finira, oui, par se figer en bloc, par enfermer toute dialectique sur elle-même dans la roche, et pour enfin crier sans n’avoir pas fait avancer d’un iota une quelconque cause, si ce n’est la sienne et son confort : « Je suis contre tous les racismes », affirmation vide à laquelle on ne peut rien opposer sous peine de passer pour le fils spirituel de Pétain.

Qualifier un phénomène, c’est «mettre de l’huile sur le feu»?

Je lisais dans la même veine récemment un tweet d’un amiral dopé à la grenadine: « L’antisémitisme n’est ni de gauche ni de droite, ni catholique ni musulman, ni urbain ni rural, ni ancien ni nouveau… Il est une aberration protéiforme que nous devons combattre en bloc. Qualifier l’antisémitisme, c’est attiser ce qui le nourrit et affaiblir ce qui le combat. »

Indifférenciation puissance 1000, pour Xavier Alberti, qualifier un phénomène, c’est « mettre de l’huile sur le feu », autre mantra répété partout, oubliant ce faisant que si on peut mettre de l’huile sur un feu, c’est qu’il y a déjà du feu qui brûle, quelque part, si l’on veut bien laisser place au réel. Bref, probablement auréolé de tant de témérité virtuelle, Monsieur Alberti nous a inventé l’antisémitisme version En Marche, ni de gauche ni de droite, ni rien du tout en fait, une essence flottante a-signifiante, un antisémitisme anhistorique dont l’ennemi juré n’est pas l’antisémite mais ceux qui veulent le penser dans l’histoire, précisément, enfin pour ce qu’il en reste.

S’ensuivit l’intervention du 26 avril 2018 sur LCI d’une syndicaliste, répondant à Barbara Lefebvre rappelant les chiffres honteux de l’exil intérieur de nombreuses familles juives d’Ile-de-France. Pour notre CGTiste, d’ailleurs en symbiose totale avec le député En Marche, jouant le rôle du robot-janissaire, présent également sur le plateau, ne sachant débiter que des appels à l’unité, si ces familles s’en vont des quartiers, c’est parce que, lorsqu’on est plus aisé, on aspire à déménager. Terrible prouesse niant l’antisémitisme en exhibant LE cliché antisémite par excellence. Vu les proportions des départs de familles juives, madame pense que les juifs des quartiers sont donc forcément riches. Next.

Il est plus confortable de revivre des affaires déjà résolues

Je passe bien sûr outre les différents textes révélant la même contorsion interne à feindre de ne pas comprendre la différence entre obsolescence et suppression de versets, je zappe les appels à ne pas oublier l’antisémitisme d’extrême droite (ils ont raison, mais l’on rétorquera que personne n’est soudainement frappé d’amnésie et que bien sûr l’on comprend bien qu’il est plus confortable de revivre des affaires déjà résolues), je tente d’oublier l’inénarrable Poutou sur BFM TV, le procès en fascisation du Printemps Républicain. Pour en arriver enfin à un tweet glaçant de notre sénescent et compromis Edgar Morin, qui avec la même verve que les coachs en développement très personnel, nous a gratifiés de : « La judéophobie aggrave l’islamophobie, qui aggrave la judéophobie qui aggrave l’islamophobie dans un cercle vicieux infernal », tweet aussi tétanisant d’idiotie que le communiqué de presse de l’ambiguë Grande Mosquée de Paris dénonçant un « procès délirant fait à l’islam ». Non Dalil, c’est un procès fait à l’islamisme donc à une certaine lecture du texte et à une réalité culturelle documentée au sein de nombreuses familles arabo-musulmanes. Et Non Edgar, judéophobie n’est pas antisémitisme qui n’aggrave rien à l’islamophobie qui n’est pas racisme anti-arabo-musulmans mais un concept postmoderne comme on les aime permettant la confusion entre la haine d’une religion et la haine des individus s’en réclamant.

Israël, le grand Satan des altermondialistes

Last but not least, dans cette parade quasi-hallucinatoire, il fallait bien entendu en venir à l’Etat d’Israël, le grand Satan des altermondialistes, Israël, l’incarnation-même du racisme. Voilà, l’inversion générale consommée. Quel destin notre époque réserve-t-elle au Mal ? Elle le fait habiter à Tel-Aviv. Quand nos débatteurs professionnels en ont eu fini de leurs appels à prêcher pour une réalité où l’antisémitisme serait une hallucination de méchants réactionnaires néo-fachos, conscients que quelque chose (le réel) dans ce Manifeste résistait profondément à leur catéchisme consolatoire ; alors, heureusement, il y a encore Israël ! Confondant à dessein de la dérobade la critique légitime de la politique du gouvernement israélien, comme de n’importe quel autre gouvernement du monde, avec la haine du projet national juif, qui caractérise l’antisionisme, ont-ils vu que dans la bouche de nombreux de nos compatriotes, il faille faire payer aux Français Juifs les actions d’Israël, car Israël (donc les juifs) s’en prend à des frères palestiniens. L’Oumma des fanatiques est touchée en son cœur.

Je sais, c’est agaçant, le fait juif persiste, et il a, ce gredin, sale voyou de l’histoire, petit fossile vivant des temps antiques, l’outrecuidance, en plus de s’intégrer à toutes les Républiques, de persister dans toute sa variété en déployant infatigablement toutes ses dimensions. Ce qui rend fou l’antisémite et déstabilise nos post-hégéliens, c’est l’incompréhensible persistance du fait juif dans l’histoire, et l’incompressible multitude de vies humaines qui n’en finissent pas d’avoir l’intention d’être juives. C’est que c’est profondément réactionnaire ! Les néo-humains qui me servent de contemporains détestent l’histoire et n’ont que faire des témoins de toute forme d’historicité. Qu’ils meurent en silence de ce nouvel antisémitisme, l’équilibre de notre simulacre de société en dépend.



Tremble Macron, nous avons des cotillons!

Le jeune et sympathique Adrien Quatennens l’avait dit deux jours plus tôt : « Nous sommes favorables à des rassemblements inclusifs qui soient les plus festifs possibles. » Inclusifs et festifs, il ne pouvait pas mieux dire pour rassembler les foules modernes. Et en effet, « La Fête à Macron » de ce samedi 4 mai était très réussie. Dimanche, sur internet, la presse de droite n’était d’ailleurs pas loin de s’encanailler au point de trouver la manifestation sympathique en diable.

Anaïs Condomines, la journaliste de LCI tweetait : « Menu, merguez et crème solaire »  puis : « ‘On vous aime!’ chantent des clowns devant des CRS. »

Même Le Figaro a adoré : son envoyée spéciale a jugé intéressant de signaler, photo à l’appui, qu’elle avait rencontré une militante écologiste avec des radis dans les cheveux.

« Nous sommes un rassemblement joyeux et souriant à l’image du monde que nous voulons fonder ! »

Sous le titre « La belle fête à Macron »Libération parlait d’une « lutte festive et sociale » – notons la modernité du concept qui imposera bientôt au secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, de manifester avec chapeau pointu et cotillons – organisée par Ruffin et ses copains de Nuit Debout. « Benoît Hamon est dans les parages avec son mouvement, les communistes et les écolos aussi. La gauche est en force », affirmait le quotidien ému d’assister à la naissance d’un nouveau front populaire.

Une ambiance bon enfant, « incontournablement festive », des gens déguisés, des marionnettes géantes, des chars dont la déco était très réussie, c’était la Fête à Macron. Jean-Luc Mélenchon postera sur Facebook une vidéo où, avant de monter sur son char pour défiler, on le voit hilare chanter un remake de « Les copains d’abord » sur un accompagnement d’accordéon. Au démarrage du cortège, il lance un goguenard : « Nous sommes un rassemblement joyeux et souriant à l’image du monde que nous voulons fonder ! » On ne sait plus trop si c’est la fête à Macron ou la fête à Neuneu, mais tout cela avait des allures de petit vin blanc sous les tonnelles. Samedi c’était la fête, dimanche les commentateurs s’amusaient bien, mais lundi, tout le monde reprendrait ses activités sérieuses.

En fait, assister au spectacle de cette manifestation d’opposition produit le même effet que regarder un défilé de mode pour hommes habillés en robes de plastique transparent avec un slip kangourou sur la tête : on se demande comment on a pu en arriver là.

Jean-Luc Mélenchon, l’incontestable patron de la gauche, le vieux routier de la politique, le fin renard et l’habile tribun s’est tout simplement roulé tout seul dans la farine, même si c’est le fringant débutant Macron qui lui a donné le coup de pouce de départ en lui mettant discrètement les casseurs du 1er mai sur le dos. L’accusation à peine formulée était classique mais, même grossière, la manœuvre était visiblement plus fine que sa victime. En réponse, Jean-Luc Mélenchon avait immédiatement condamné lesdites violences et réfuté toute implication de son mouvement. Il aurait dû s’arrêter là et se souvenir que l’opposition politique n’est pas une partie de colin-maillard un dimanche après-midi dans le jardin d’une maison bourgeoise, où la priorité absolue serait de ne pas se cogner quelque part.

Macron peut dormir tranquille

Depuis une trentaine d’années, c’est à chaque manifestation que les journalistes et le public redécouvrent qu’il existe des casseurs. Chaque fois décrits comme des « groupuscules » issus de « mouvances » quelconques (d’extrême gauche, d’extrême droite ou de banlieue), d’origines diverses (petits bourgeois ou immigrés, gamins ou jeunes adultes), régulièrement décrits comme très mobiles et déterminés, ils finissent toujours par faire l’objet d’une interview anonyme dans laquelle on apprend leur détestation du grand capital, des étrangers, des fast-food ou de la société tout entière. Rien de neuf donc à la manifestation du 1er mai dernier, si ce n’est le profil des casseurs qui change un peu, comme tout change un peu avec le temps. Mais si la couleur de l’étiquette est variable, le fond de la bouteille reste le même : il s’agit de simples vandales excités à l’idée de casser quoi que ce soit, et qui viennent prendre leur dose d’adrénaline sous n’importe quels prétextes, auxquels ils croient d’ailleurs rarement eux-mêmes. Seulement voilà, notre Mélenchon, sans doute terrorisé à l’idée de représenter un quelconque danger, a immédiatement choisi d’endosser le costume du sympathique animateur de guinguette pour prouver qu’il était inoffensif. Effectivement, avec leur Fête à Macron, les glorieux insoumis resteront dans notre histoire comme les inventeurs de ce qui devait bien arriver un jour : une opposition conviviale et une rébellion festive.

A lire aussi: Macron fait sa fête à Mélenchon… et Mélenchon en redemande!

Dans le camp Macron, on peut dormir sur ses deux oreilles et faire semblant de prendre tout ça au sérieux, voire de mimer la peur parce que la vitre d’une voiture de presse a été cassée. Tant que Jean-Luc Mélenchon occupera le terrain, on ne trouvera personne pour s’opposer sur le fond à tout ce qui nous tue et dans quoi Macron barbote avec joie : les obligations européennes de privatisation des services publics, un euro trop cher fixé par Berlin, l’arrivée massive de migrants imposée par Bruxelles ou les absurdes et ruineuses sanctions anti-russes décidées par Washington. Avec Mélenchon en tête de défilé, les préoccupations de chacun restent dans les limites du raisonnable comme le rappelle une manifestante interviewée samedi à propos de la manifestation annoncée par Jean-Luc Mélenchon le 26 mai : « J’espère qu’il fera aussi beau qu’aujourd’hui ! ».

Charles Filiger, peintre et brebis égarée

L’histoire regorge d’artistes injustement oubliés et de poètes mal lus. Est-ce le rôle de la littérature que de leur offrir, de loin en loin, une petite place sous les projecteurs ? Force est de constater que les écrivains s’y emploient bien. Ainsi, Claire Daudin, fidèle de Péguy et de Bernanos, prend-elle l’initiative, et le risque, d’exhumer Charles Filiger. Compagnon de Sérusier et de Gauguin à Pont-Aven, ce natif d’une famille bourgeoise alsacienne ne quittera plus la Bretagne ni les pinceaux.

Des jours et des nuits sur la lande

Auprès des calvaires moussus, il fait poser les tous jeunes hommes qui font battre son coeur, simples, naïfs, innocents. Personne ne comprend son art, vraiment personne. Surtout pas le moine-peintre Jan Verkade, Hollandais avec qui Filiger passa des jours et des nuits sur la lande. Gauguin non plus, qui met trop d’épaisseur dans la matière, qui ne cesse de bouger sans comprendre que la Terre est ronde. Même Rémy de Gourmont et Alfred Jarry, tout gonflés de bonnes intentions parisiennes, ne trouvent pas grâce aux yeux du « peintre aux outrages ».

Les outrages, Charles Filiger les provoque, il suscite le scandale, sans bien savoir pourquoi, sans bien savoir comment. Il les subit, surtout. Agressé une nuit dans une rue de Paris, il traîne de larges cicatrices qui semblent ne jamais s’être refermées. Ce fut, à l’égal de Pascal, sa Nuit de Feu. Porté par une narration interne à la première personne, suivant les méandres d’une pensée et d’un pinceau tremblotants, Claire Daudin rend la parole à ce mystique chassé des églises. Il est le seul à qui s’adresse l’embrassade du Christ en croix. Le seul à comprendre ses douleurs. Le seul, aussi, à rendre à la Vierge et aux anges le culte qu’ils méritent. Ce n’est pas un hasard si Le peintre aux outrages s’ouvre sur un monologue en forme de lettre à sa mère, puis se poursuit en adresses plus ou moins assumées, à Jan – coeur brisé, mauvais chrétien – et à Gauguin. Filiger ne se sent bien qu’en compagnie des enfants. Sa nièce, Anna, lui fait découvrir Bâle, en Suisse, où le peintre est soigné après une crise de délire. Les enfants maigres du Finistère, qui le suivent et l’entourent, et lui sourient. Un coeur simple, est-on tenté de soupirer.

Il sait ce qu’est le Mal

Mais Charles Filiger connait les démons. À l’aube de la Grande Guerre, il ne s’inquiète ni du feu des armes, ni de la boue des tranchées. Il sait, il a vu, en lui, durant une vie de dépression et de noirceur d’âme, éclairée par l’alcool et l’éther, ce qu’est le Mal en personne.

Après sa mort, à l’hôpital, sans secours ni main qui se tende, il est célébré par André Breton. Peu importe. L’âme de l’original de Pont-Aven est déjà loin. Elle est dans sa peinture et ses dessins au format minuscule, guidés par le mantra « éternité, harmonie, infini ». Dans la lumière, dans le sérieux avec lequel elle apparaît, comme un défi aux tourments de cet étrange cousin de Van Gogh : « Je ne joue pas avec la lumière. Je ne joue pas. ». Dans le minimalisme qui caractérise ses oeuvres tardives, semble poindre un défi à Gauguin, déjà emporté par la syphilis : Filiger veut dépouiller le réel de sa matière, changer la substance en éther. Ainsi ses Notations chromographiques, qu’il juge nécessaires à sa survie.

Tout autour de lui s’ébattent les suppôts de l’Antéchrist. Mais qu’importe, vraiment, se dit Filiger, le peintre aux deux visages, l’homme sombre assoiffé de lumière, puisque ma coupe est pleine !

Claire Daudin, Le peintre aux outrages : Charles Filiger,  Éditions du Cerf, 2018.

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Boris Pahor, une vie parmi les ombres


Brimé par l’Italie fasciste, déporté par l’Allemagne nazie, mis au ban du régime de Tito, le grand écrivain slovène Boris Pahor n’a jamais abjuré l’amour qu’il porte à sa petite nation. À 104 ans, il publie « Place Oberdan à Trieste » un recueil de nouvelles qui porte la marque de ses épreuves et de ses amours. Rencontre.


« Vive la Catalogne ! Vive la liberté ! Vive l’amour !» Boris Pahor trinque en agrémentant son thé de cacahuètes. Une habitude que l’écrivain slovène de 104 ans a prise en Libye pendant ses classes sous l’uniforme italien. D’une verdeur ahurissante, il me reçoit dans sa villa triestine à l’occasion de la sortie d’un recueil de nouvelles. Comme l’ensemble de son œuvre, Place Oberdan à Trieste (Pierre-Guillaume de Roux, 2018) s’inspire de son destin extraordinaire.

« Ma vie est un vrai roman », m’annonce-t-il d’emblée. Une vie dont le point culminant fut sa déportation au Struthof, à Dachau, Dora puis Bergen-Belsen au fil de l’avancée des Alliés. Arrêté par la Gestapo en 1944 pour son engagement intellectuel dans la résistance slovène, le jeune démocrate-chrétien tomba dans l’enfer concentrationnaire. Revenu des abysses de l’âme humaine, Pahor a raconté sa catabase dans son chef-d’œuvre Pèlerin parmi les ombres, qui en fait l’égal des grands écrivains des camps Primo Levi et Imre Kertész.

À l’oral, il manie un français admirable que colore un accent centre-européen. « Ce sont les langues qui m’ont sauvé », me glisse d’ailleurs le centenaire polyglotte. Jonglant entre sa langue maternelle, l’italien imposé à Trieste depuis l’annexion du port austro-hongrois par l’Italie (1918), le croate, le français et des bribes d’allemand, le déporté s’est lié d’amitié avec un médecin du Struthof. Ce dernier a bravé la vigilance des kapos, lui pansant indéfiniment la main pour le dispenser des travaux les plus pénibles et en faire son infirmier-traducteur.

C’est avec un réalisme glaçant que ce rescapé du pire décrit comment l’homme s’est fait nombre, cadavre puis cendres. « Les morts étaient toujours nus. Sur le pouce d’un pied, on inscrivait leur numéro », avant de les envoyer au four crématoire. Séminariste défroqué, le jeune homme découvre une société souterraine où « la camaraderie n’atteint que certaines couches de l’être humain ». Régi par l’instinct de survie, cet arrière-monde recèle une quatrième dimension inaccessible au commun des mortels. Qui échange un pain de munition contre des cigarettes soulage la faim d’un malheureux en même temps qu’il prive tel autre de sa pitance.

« Pourquoi moi ? » s’interroge tout ressuscité d’entre les morts. S’il « ressemble au blessé qui préfère qu’on lui coupe un membre plutôt que de le laisser gangrener son corps tout entier », le survivant n’en oublie pas pour autant les défunts, comme en témoigne le post-scriptum à la nouvelle Vol brisé que Boris Pahor a rédigé directement en français. L’auteur se souvient de son séjour à Dora, cette dépendance de Buchenwald où dix mille malheureux périrent pour fabriquer les missiles V2. Leur concepteur, Wernher von Braun, « qui avait utilisé sur place nos déportés comme main-d’œuvre, a été fêté, honoré et décoré » par les Américains qui l’ont recyclé dans leur programme spatial.

Tour à tour grave et guilleret, Pahor me raconte son retour à la vie. Sa résurrection porte un prénom : Arlette. Une fois libre, le miraculé Boris se fit soigner de la tuberculose au sanatorium de Villiers-sur-Marne où il connut cette ravissante infirmière. « Elle m’a pratiquement forcé à s’intéresser à elle. Je n’avais pas envie de croire en la vie quand je suis revenu des camps », assure-t-il sans rougir. À travers son double romanesque Radko Suban, la trilogie Printemps difficile, Jours obscurs, Dans le labyrinthe met en scène sa passion finalement contrariée avec la belle Arlette. Dès leur rencontre, l’idylle tenait de la comédie romantique. Déboulant dans la chambre du convalescent, Arlette enlève le fichu qui lui couvre les épaules, dévoile ainsi sa beauté et s’exclame à la vue des lectures de Boris : « Ah, des journaux de gauche ! » Sa famille gaulliste jurait un peu avec ce chrétien social venu de l’Adriatique. Un an et demi durant, Boris se rétablit, non sans d’étranges réminiscences (« Avoir en soi une telle quantité de morts est incommunicable. »), au côté de cette jeune fille insouciante qu’il aime et tourmente. Il y a du Billy Wilder dans l’épisode tragi-comique de la mort du chat. Lors d’une de leurs virées parisiennes, ayant oublié de fermer la fenêtre de leur chambre, les deux tourtereaux retrouvent le minet mort dans la cour de l’hôtel, ce qui chagrina profondément Arlette. Philosophe, Boris a cependant eu quelque mal à comprendre la douleur de ce deuil insignifiant en comparaison des monceaux de cadavres du Struthof ou de Dachau. À force d’objurgations familiales, Arlette se rangera à l’idée d’un mariage bourgeois avec un bon Français qu’elle n’aime pas tandis que Boris rentrera à Trieste au chevet de sa cadette tuberculeuse. Plus tard, il chérira son épouse Radoslava, disparue en 2009, tout en multipliant les aventures parallèles – à la façon du volage Paul Morand épris de sa femme Hélène, d’ailleurs inhumés à Trieste.

Le patriarche reprend notre conversation à l’endroit précis où nous l’avions entamée. S’il se sent solidaire des Catalans, Bretons et autres petites nations, c’est que les Slovènes, longtemps pris pour des « Croates de la montagne », ont été privés d’État jusqu’au début des années 1990. À Trieste, que l’Empire austro-hongrois constitua en port franc florissant dès 1719, les Slovènes étaient plus nombreux qu’à Ljubljana. Au point que le maire de Ljubljana Ivan Tavčar (1851-1923) déclara que si sa ville était le cœur de la Slovénie, Trieste en constituait le poumon. « Nous étions le petit peuple, boulangers, pêcheurs et cordonniers vivant à Trieste depuis plus de mille ans », concentré dans l’arrière-pays, que la majorité italienne de la ville méprisait, m’explique Pahor. Jusqu’à maintenant, il habite le Karst, ce terrain pierreux de la colline triestine qui surplombe la mer, sous les treilles de vigne et les pins.

Avec un brin de nostalgie, Boris Pahor évoque sa prime enfance. À la fin du xixe siècle, les Habsbourg avaient laissé s’épanouir presse, université, radio, littérature et théâtre slovènes. Un édifice monumental incarne ce bourgeonnement culturel : le Palais de la culture slovène (Narodni dom) édifié place Oberdan à Trieste[tooltips content= »La place Oberdan est baptisée du nom d’un déserteur de l’armée viennoise, d’origine slovène, mais acquis à la cause irrédentiste italienne jusqu’à fomenter un projet d’attentat contre l’empereur, qui lui vaudra son exécution en 1882. »]1[/tooltips]. Comme le rappelle Pahor dans sa nouvelle homonyme, en 1921, à l’âge de sept ans, il observa avec effroi les chemises noires incendier le Narodni dom. « C’était la fin du monde. Je ne m’imaginais aucun futur », livre-t-il avec émotion. Préfigurant la barbarie du siècle, ce traumatisme originel n’a jamais quitté l’esprit de Boris. Cruelle ironie de l’histoire, la Gestapo installa par la suite ses bureaux sur cette même place. En attendant son annexion pure et simple par le IIIe Reich après la capitulation italienne de septembre 1943, Trieste ploie sous le joug fasciste. « Sous Mussolini, le slovène, c’était fini. On ne pouvait pas le parler à l’école, ni même dans la rue », confirme l’ancien bizuth. Son refus obstiné de parler italien en classe lui valut quolibets et redoublements répétés à l’époque maudite où certaines façades menaçaient : « A morte i porchi de Sciavi ! »

Si bien réconcilié avec la langue de Dante qu’il a gagné ses lauriers de professeur d’italien, ce nobélisable n’a que très tardivement franchi la barrière de l’édition italienne. En Européen convaincu, il se réjouit que « Trieste ait changé d’atmosphère : les Italiens ne regardent plus les Slovènes de haut ». Sa carte d’identité le désigne « citoyen italien de nationalité slovène » cependant que sa ville natale l’a gratifié du titre de citoyen d’honneur. Ultime pied de nez aux brimades de son enfance, le voici aujourd’hui candidat aux élections régionales italiennes sur la liste slovène affiliée au Parti démocrate. Et les hommages reçus dépassent les frontières : Ljubljana a ainsi fait ériger une statue géante de Pahor que l’intéressé a inaugurée en personne l’automne dernier.

C’est pourtant de Paris qu’est partie sa renommée européenne et mondiale. Il y a une trentaine d’années, Pèlerin parmi les ombres a conquis Pierre-Guillaume de Roux, directeur littéraire des éditions de la Table ronde et désormais éditeur à part entière de Pahor. Ce récit poignant, aujourd’hui traduit en vingt-quatre langues, n’existait que dans sa version originale avant que le philosophe slovène Evgen Bavcar n’en transmette des fragments au célèbre traducteur Pierre-Emmanuel Dauzat. Installé à Paris depuis des lustres, Bavcar a découvert Pahor en préparant une rétrospective de la littérature slovène à Beaubourg. « Il était alors persona non grata en Yougoslavie parce qu’il entretenait une amitié très étroite avec l’ancien résistant démocrate chrétien Edvard Kocbek, qu’il soutenait dans sa revue Zaliv, alors que Tito l’avait fait tomber en disgrâce. C’est grâce à ma sœur qui m’a lu puis enregistré Nécropole que j’ai pu le transmettre »¸ explique-t-il dans son studio parisien. Quoiqu’ayant perdu la vue enfant après l’explosion d’une mine de guerre, Bavcar réalise de splendides photographies prises dans l’obscurité. « Je cherche la lumière dans les coins les plus sombres d’Europe. Au camp du Struthof, Boris m’a pris la main, l’a posée sur le four crématoire et m’a dit : “C’est là que j’apportais les cadavres…”. »

Boris Pahor, Place Oberdan à Trieste, traduit du slovène par Andrée Lück Gaye, Pierre-Guillaume de Roux, 2018.

N.B. : La documentariste Fabienne Issartel cherche un complément de financement pour son remarquable documentaire Boris Pahor, portrait d’un homme libre (98 minutes, autoproduction, 2014-2017).

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Edouard Philippe, un si discret Premier ministre…


On peut s’étonner de la discrétion du boxeur Edouard Philippe, dans l’ombre d’Emmanuel Macron. Manquerait-il d’ambition ?


Alors que la politique est dominée par la communication, le Premier ministre, Edouard Philippe, est étonnamment discret. C’est simple : contrairement à son supérieur hiérarchique, il n’a jamais un mot plus haut que l’autre.

Le gestionnaire Edouard Philippe paraît, lui, plus affairé à faire des arbitrages à Matignon qu’à jouer les illusionnistes. Si les résultats à venir de la politique gouvernementale vaudront tous les discours, attention quand même à ne pas devenir transparent…

Elève appliqué mais pas assez indiscipliné

Emmanuel Macron l’a choisi pour affaiblir les Républicains à la veille des législatives. Mais à la différence de Benoist Apparu, piteusement disparu de l’arène politique nationale avec Alain Juppé, Edouard Philippe a su montrer toutes ses qualités politiques lors des primaires de la droite. Ennemi de Sarkozy et riche d’un ancrage local que n’a pas Macron, Edouard Philippe s’est vu confier pour mission de séduire l’électorat qui penchait à droite. Nommé à Matignon alors qu’il n’avait pas soutenu le président. Une première dans la Ve République !

A lire aussi: Edouard Philippe: Doudou le cogneur à Matignon

Respecté, Edouard Philippe remplit à merveille le rôle d’instituteur calme qu’on lui a donné: sévère sans l’être trop. Dévoué au président, bon chef d’orchestre, il ne souffre pas la comparaison avec un Jean-Marc Ayrault, spécialiste des couacs. Les deux hommes sont, jusque-là, parvenus à limiter les querelles stériles. Elles n’avaient que trop alimenté la chronique pendant les gouvernements de gauche du pathétique mandat Hollande. Avec des Hulot, Schiappa ou Darmanin, ce n’était pourtant pas gagné d’avance!

Le rôle du punching ball

Alors que l’exécutif connait ses premières difficultés, le président a dû aller deux fois à la télévision expliquer sa politique au bon peuple. La majorité présidentielle – inexpérimentée et « godillote » – est incapable de soutenir l’exécutif dans les coups durs. Pourquoi Philippe est-il resté autant à l’écart des projecteurs pendant toute cette séquence médiatique printanière ? Pourquoi refuse-t-il de monter au filet ?

L’électeur de droite a souvent l’impression qu’une ligne Collomb-Ferrand-Castaner (d’inspiration PS) prend l’ascendant dans l’exécutif. Et la prétention de Jupiter commence à lasser toute une partie de l’électorat populaire. Fin avril, sur Europe 1, face à un Patrick Cohen trop visiblement satisfait de lui énumérer  la liste des « bâtons merdeux » qui lui encombrent les bras, Edouard Philippe est apparu peu combatif et agacé. A la limite de la désinvolture !

Il faut que cette grève SNCF cesse avant les congés d’été des Français. Aussi, tout excès de zèle droitier du Premier ministre pourrait jeter de l’huile sur le feu… Et remobiliser des syndicats de cheminots très gauchisés.

Taper du poing pour voir demain

Edouard Philippe se contente d’affirmer sa fermeté face aux nombreux désordres. Mais cette posture est souvent contredite par les faits : évacuation toujours non effective des zadistes, désordre à Nantes (dont le centre-ville est régulièrement pris d’assaut), occupation de certaines facs…

Même si cela épuise le citoyen, Edouard Philippe ne devrait pas oublier de faire un minimum de politique partisane. Les inquiétantes approximations du ministre de l’Intérieur sur l’immigration, serait une occasion pour lui de taper du poing.

Notre Premier ministre de droite n’a pas de députés acquis à sa cause. Mérite-t-il les encouragements des conservateurs ? Dans ce que En Marche appelle « l’ancien monde », le Premier ministre vivait dans l’ombre du président dont il appliquait la politique et auquel il pouvait servir de fusible. Mais si on nous dit que tout a changé…

Le camp conservateur appelle le Premier ministre à s’émanciper et à porter plus haut le verbe droitier, majoritaire dans l’opinion. Sans quoi il pourrait finir par croire qu’Edouard Philippe n’a pas d’avenir politique au-delà de ce quinquennat…

9 mai: les faux amis « communistes » de Mélenchon en Russie

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melenchon russie national bolchevisme
Jean-Luc Mélenchon participa a une cérémonie officielle française en l'hommage de l'escadrille Normandie-Niemen à Lefortovo, 8 mai 2018. Sipa. Numéro de reportage : 00858044_000002 et Numéro de reportage : 00858044_000032.

Nous sommes le 9 mai, jour de la victoire face à l’Allemagne nazie que la Russie commémore un jour après les pays occidentaux. Jean-Luc Mélenchon s’est rendu à Moscou pour l’occasion. Or,  les communistes russes qu’il a rencontrés donneraient des boutons à bien des cadres de La France insoumise…


D’après ses propres mots, Jean-Luc Mélenchon s’est rendu en Russie pour commémorer le 9 mai, « le jour de la date anniversaire de la victoire de l’Armée rouge sur les nazis ». Le président du groupe La France insoumise à l’Assemblée nationale prend part au fameux défilé du Régiment immortel qui a lieu chaque année à Moscou en mémoire des soldats de l’Armée rouge tombés au champ d’honneur lors de ce que les Russes appellent la Grande Guerre patriotique.

Staline allié à l’Eglise orthodoxe

Pour nombre de socialistes post-soviétiques, et qui plus est pour le Parti communiste russe (KPRF), cette victoire ne symbolise pas seulement le triomphe de la civilisation sur la barbarie, mais également l’union éphémère de l’État socialiste et de l’Église orthodoxe sous le commandement de Staline au nom de la mère patrie. Un tel syncrétisme politico-religieux suffit généralement à donner des haut-le-cœur aux partisans les plus chevronnés de Jean-Luc Mélenchon.

Depuis l’effondrement de l’Union soviétique, la gauche russe a fait sa mue et retenu les leçons de l’échec du marxisme-léninisme-stalinisme à l’Est de même que de la social-démocratie à l’Ouest. C’est pourquoi le principal fer de lance du socialisme russe, le KPRF, premier parti d’opposition au Kremlin depuis près de vingt-cinq ans, prône un communisme non plus matérialiste et mondialiste mais traditionaliste et nationaliste. Loin d’approuver l’engouement de la gauche euro-américaine pour la défense des minorités, l’écrasante majorité des socialistes russes d’aujourd’hui se retrouve de facto à l’extrême droite du Front national sur la plupart des questions de société ayant trait à l’identité et à la citoyenneté. Du moins si l’on en croit le logiciel post-trotskiste d’un Alexis Corbière ou le tiers-mondisme indigéniste d’une Danièle Obono.

Socialement égalitaire, culturellement identitaire

À l’occasion de son séjour à Moscou, Jean-Luc Mélenchon prévoit notamment de rencontrer Sergueï Oudaltsov, le leader du Front de Gauche, un mouvement politique qui n’a en commun que le nom avec l’ancien parti du fondateur de la France insoumise. Et pour cause, Oudaltsov a été l’un des principaux promoteurs médiatiques de la candidature de Pavel Grudinin, le champion du KPRF à l’élection présidentielle de mars 2018, en appelant sans relâche à l’alliance des nationalistes et des socialistes dans les urnes afin de battre Vladimir Poutine. Toutes proportions gardées, c’est un peu comme si, en France, Florian Philippot ou Djordje Kuzmanovic défendait en 2022 les couleurs de la France insoumise et du Front national sur la base d’un programme commun à la fois socialement égalitaire et culturellement identitaire.

Le socialisme du troisième millénaire

Sergueï Oudaltsov a été à bonne école : passé par les rangs des marxistes-léninistes de l’Avant-Garde de la Jeunesse Rouge (AKM) avant de lancer sa propre organisation, à l’instar de toute une génération de socialistes russes, il s’est construit politiquement et culturellement en soutenant activement les concerts moscovites du chaman punk Egor Letov, un artiste sibérien iconoclaste à la confluence du communisme et du nationalisme, membre fondateur en 1993 du Parti national-bolchevique aux côtés de l’écrivain Édouard Limonov et du philosophe Alexandre Douguine. Bref, vu de Russie, le socialisme du futur est moins mondialiste et libertaire que traditionaliste et identitaire.

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Sur France Inter, le festival de Cannes sera « Me too » ou ne sera pas !

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Sonia Devillers sur France Inter, 8 mai 2018. ©Capture d'écran Youtube France Inter

Je me suis levé tôt, un jour férié, pour écouter la matinale de France Inter. J’ai bien fait: deux heures de Cannes et de festival #Metoo. 


Hier, mardi 8 mai, j’ai profité de mon jour férié pour suivre le « 7/9 » de France Inter délocalisé à Cannes. Léa Salamé et Nicolas Demorand étaient présents sur la côte pour le lancement du festival. En ces temps d’austérité macroniste, les autres chroniqueurs sont restés à Paris. Punis ! France Inter tient à sa réputation de grande rigueur budgétaire. Si je suis satisfait de la bonne gestion des deniers octroyés par ma redevance, qu’en est-t-il du contenu ?

Le Figaro se réjouissait la veille que le festival de Cannes entendait « tourner la page Weinstein », après des mois de « balançage » de porcs à tous les étages ! Hélas, du côté de France Inter, on ne compte pas encore abandonner le sujet… Les questions sur le genre et les débats qui l’entourent sont une source inépuisable de chroniques enfiévrées et de pastilles humoristiques plus ou moins réussies.

Pendant deux heures, le petit monde très « glamour » de la Croisette va prêter main forte à France Inter dans son noble combat en faveur de la cause féminine.

7h24 : Vanessa Paradis en femme forte et dominatrice 

La journaliste Eva Bettan s’est rendue en studio pour assister aux dernières retouches du « sulfureux » film de Yann Gonzalez, Un couteau dans le cœur, qui participe à la compétition. Depuis la salle de montage, le réalisateur en est arrivé aux « finitions ». « C’est le pied intégral ! », se félicite-t-il. Dans son film, la star Vanessa Paradis porte un « personnage de femme forte et dominatrice », en incarnant Anne, une lesbienne productrice de films pornos gays dans les années 1970. On a hâte de voir ça !

7h50 : Cate Blanchett remplace l’invité politique

Léa Salamé est fière de son coup. Pour son interview, elle a recueilli « en exclusivité » les réponses de Cate Blanchett. La présidente du jury de ce 71e festival est ravie du rôle majeur qui lui a été attribué par cet évènement « engagé ». « Etre la porte-voix des femmes, cela vous plait ? », demande Salamé. On s’en doute, la réponse est oui. Léa Salamé rappelle que « le nom de Harvey Weinstein va planer » pendant toute la durée du festival. Brrrr Léa arrêtez de nous faire peur !

D’ailleurs, Cate Blanchett a accepté la présidence à une condition : qu’il y ait parité dans le jury. On est une actrice « engagée », ou on ne l’est pas.

A lire aussi: Elisabeth Lévy sur France Inter : « Vous n’informez pas, vous endoctrinez »

A entendre Léa Salamé, insistante, le monde ne sera plus jamais comme avant la révélation des pratiques du producteur Weinstein. Si Me Too a eu un impact mondial phénoménal (pas 1789, mais quasiment), Cate Blanchett observe toutefois des disparités régionales : « On a l’impression, notamment à cause d’Internet, que nous partageons la même culture et que toutes nos langues sont identiques. Comme dans le mouvement #MeToo, ça se manifeste de différentes façons selon les cultures. Il faut respecter les nuances, c’est extrêmement important ». Petite concession faite au #MeToo vécu en Arabie Saoudite, en Inde ou en Iran, j’imagine.

8h20 : Balance ton Frémaux

Après les actualités de 8 heures, j’espérais en avoir terminé avec ce prêchi-prêcha inclusif.

C’était sans compter sur « le Grand Entretien » qui recevait Thierry Frémaux, le délégué général du festival. Par souci de parité, France Inter avait également convié au micro Alexandra Henochsberg, une distributrice de films. D’entrée de jeu, le présentateur Nicolas Demorand va remonter les bretelles de Thierry Frémaux. Avec seulement 3 réalisatrices sur 21 films en compétition, cela ne va pas du tout ! Le matinalier de France Inter lâche le mot de statistique « insupportable ». La « supériorité masculine » des réalisateurs l’est elle aussi. « Elle ne l’est pas qu’à Cannes, elle l’est en général », se défend le malheureux Frémaux.

Ce dernier est assailli de questions : l’affaire Weinstein va-t-elle peser sur le palmarès ? Ne peut-on pas mettre un peu de « discrimination positive » dans le cinéma ? Des « quotas » de femmes réalisatrices, y avez-vous réfléchi ?

Ouf, Frémaux est favorable aux quotas de femmes ! Notons avec intérêt qu’ils sont pour les quotas et « en même temps pour le mérite ». Léa Salamé croit un instant déceler une contradiction, mais ne creusera pas davantage la question. L’important était de s’assurer que Cannes était bien « Me too ». Quand même, le monde regarde la France.

8h45,  Asko lit Ronan Farrow

A 8h45 dans sa revue de presse, ce « suiveur » de Claude Askolovitch appellera les auditeurs à découvrir le dernier article de Ronan Farrow dans le New Yorker. Il relate la chute du procureur de New York Eric Schneiderman, accusé de violences sexuelles. On doit lire l’article, lequel a fait tomber le procureur en 3 heures. « Voilà la puissance du journalisme », se réjouit le même. Comme dirait Ingrid Riocreux, fermez les tribunaux, Asko et ses potos font le boulot !

A 8h54, la décrypteuse des médias Sonia Devillers en ajoute une couche en portant à notre attention une étude révélant que seulement 16% des éditos du journal suisse Le Temps sont signés par des femmes et que d’ailleurs seulement le tiers des photos du journal représente des membres du sexe oppressé. Un scandale à vous rendre helvétophobe le plus gauchiste des auditeurs !

A 9h10, enfin, Augustin Trapenard apportera sa pierre à l’édifice en interviewant l’actrice Penelope Cruz. Question originale : que lui inspire le peu de réalisatrices présentes à Cannes ? C’est reparti pour un tour ! La belle Espagnole s’en tire en bredouillant un truc du genre : « C’est un problème très vaste dont l’affaire Weinstein a fait prendre conscience ». On avait compris, oui.

Néoféminisme. France Inter. Pléonasme ?

« Mariage pour tous »: cinq ans, l’heure du bilan

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Christiane Taubira, 2015. Sipa. Numéro de reportage : 00733309_000019.

Adoptée en 2013, la loi Taubira dite du « mariage pour tous » cachait une volonté d’effacer une différence sexuelle inscrite dans les corps. Et cela ne date pas d’hier. Une tribune de Michel Pinton.


Cinq ans après la tumultueuse promulgation de la loi Taubira, il semble que le mariage entre personnes du même sexe ne soit plus un thème du débat politique. Les protestations publiques se sont éteintes. Les manifestations géantes des opposants ne sont plus qu’un souvenir. La cérémonie d’union de deux hommes ou de deux femmes ne soulève de difficulté dans aucune mairie. L’abrogation de la loi n’est plus au programme d’aucun grand parti. L’opinion populaire se satisfait de la situation nouvelle : aucun sondage, aucune enquête, ne montrent un désir significatif de revenir en arrière.

La Manif pour tous, une réaction salutaire

La victoire apparente des promoteurs de la loi Taubira se manifeste aussi dans l’échec des actions menées par les jeunes, ardents mais naïfs, qui ont essayé d’entraîner les partis de la droite dans des projets d’abrogation ou d’atténuation du texte. Marginalisés, parfois repoussés, ils n’ont de choix qu’entre un isolement amer et un reniement discret. La politique leur a fait sentir ses règles de dur réalisme et ils y ont perdu leurs illusions.

Est-ce à dire que le combat a été inutile ? Je crois qu’il a été au contraire une  réaction indispensable et salutaire mais qu’il s’est égaré dans des opérations exclusivement politiques et, qui plus est, de politique partisane.

Mon lecteur me pardonnera, j’espère, de me citer moi-même : j’ai écrit, il y a quatre ans, un article dans lequel j’expliquais les raisons pour lesquelles aucun parti n’oserait abroger la loi Taubira, y compris ceux qui s’y déclaraient opposés. Je continuais en affirmant que, pour lutter contre le mariage homosexuel, l’action purement politique conduirait à une impasse, au moins dans les circonstances actuelles. Les évènements des cinq dernières années ont confirmé mes avertissements.

La loi Taubira est la fille du Pacs

Aucun don de voyance ne m’a été nécessaire pour faire ces prédictions. J’ai simplement usé de ma faculté de raisonnement.

D’abord j’ai essayé de placer le mariage homosexuel dans une perspective historique de plusieurs décennies. La loi Taubira est la fille du Pacs, voté vingt ans plus tôt; le Pacs eut été inconcevable s’il n’avait pas été préparé indirectement par la loi Veil (1974). Cette succession de textes qui se sont engendrés les uns les autres n’est pas finie. Elle ne demande qu’à se continuer : la loi Taubira ouvre la voie à la PMA, qui donnera à son tour naissance à la GPA, pour aboutir un peu plus tard au remplacement légal de la filiation biologique par une filiation dite volontaire. Mon article d’il y a quatre ans annonçait que la PMA, rejetée avec horreur par la quasi-totalité des responsables politiques en 2012, deviendrait bientôt un projet examiné d’un œil bienveillant par nos cercles dirigeants. Nous y sommes.

Le néocatharisme contemporains

Ensuite j’ai tenté de remonter à l’origine de cette cascade d’ « émancipations » qui, repoussées par l’opinion publique quand elles sont présentées pour la première fois, finissent par s’imposer comme des évidences. Elles m’ont paru être les conséquences sociales, progressives mais inévitables, non pas d’une volonté politique, mais d’un courant religieux nouveau, né en 1968 dans le sillage de la pilule contraceptive, et dont le dogme fondamental est la soumission du corps aux volontés de l’esprit, le second étant révéré comme absolument souverain et le premier étant ramené au rang de simple instrument de l’esprit. J’ai appelé « néocatharisme » cette religion qui imprègne une partie de nos contemporains parce qu’elle rejoint le vieux dualisme des cathares de jadis. Je terminais mon exposé en soulignant qu’on ne combat pas une religion par une action politique mais en lui opposant les vérités d’une autre religion, dans notre cas une foi qui rende au corps humain sa dignité propre, distincte de celle de l’esprit.

Le néocatharisme doit être combattu parce que, loin d’être bénéfique ou simplement  inoffensif, il est « dyssocial ». C’est à son influence que l’on doit la progression foudroyante des divorces depuis un tiers de siècle (près d’un mariage sur deux aujourd’hui), une instabilité croissante des couples dont le succès du Pacs est un symptôme (sa fréquence a presque rattrapé celle du mariage en 2017), les millions de mères abandonnées, obligées d’élever leurs enfants avec des ressources de misère, une fécondité française chancelante (1,88 enfant par femme l’an dernier), des avortements si nombreux (ils atteignent un quart du chiffre des naissances) qu’ils en viennent à ébranler la persistance de notre peuple, le mal-être et l’aliénation d’une part grandissante de la jeunesse, sans compter les maux encore peu visibles que suscite le principe d’incertitude sexuelle. Le bien de la nation exige que tous les citoyens de bonne volonté s’unissent pour mettre un terme aux méfaits sociaux du néocatharisme.

Une loi pour quelques-uns

La lutte contre cette nouvelle religion n’est pas facile parce qu’elle avance masquée. Elle se présente comme un simple humanisme. Elle se fait écouter des responsables politiques en leur parlant d’élargissements des droits du citoyen. La loi Veil a autorisé l’avortement au motif d’aider des femmes « en extrême détresse » et non pas pour sa véritable raison : le corps féminin est une propriété privée et chacune en fait ce qu’elle veut. De même, la loi Taubira affirme ne rien viser d’autre que « le mariage pour tous », hétéros et homos à égalité. Elle cache soigneusement sa volonté d’effacer une différence sexuelle inscrite dans les corps. On commence à nous expliquer que « la PMA pour toutes » serait une mesure de justice et de compassion pour les femmes sans maris au lieu d’avouer qu’elle vise uniquement à satisfaire un désir arbitraire de l’esprit. La lutte contre le néocatharisme doit commencer en lui arrachant son masque : montrer qu’il est de nature religieuse et non politique ; qu’il défend des dogmes et non des droits de l’homme ; qu’il cherche des privilèges identitaires et non l’égalité citoyenne.

Ensuite il ne faut pas craindre de s’opposer fermement à ses demandes. La nouvelle religion a moins de puissance que ses victoires passées le laissent croire. Elle trouve ses fidèles et ses sympathisants dans des minorités actives et bien introduites dans les cercles du pouvoir politique et médiatique mais elle ne reçoit aucune adhésion populaire. Le mariage homosexuel, par exemple, est essentiellement une conquête qui satisfait certains milieux très urbains (10% des mariages à Paris sont entre personnes du même sexe). Il  reste marginal, voire inconnu, dans nos provinces et les banlieues (entre 1% et 3% des unions). Les gouvernants qui ont le plus cédé aux demandes du néocatharisme, Giscard avec le droit à l’avortement, Jospin et son Pacs, Hollande et le « mariage pour tous », se sont lourdement trompés sur le bénéfice électoral de leurs mesures. Les deux premiers ont été, à leur stupéfaction, battus aux élections présidentielles. Le troisième n’a même pas osé se présenter aux suffrages des Français. En dépit de ce que des sondages superficiels prétendent prouver, la masse de notre peuple est peu convaincue du service que les lois dites sociétales rendent au bien commun de notre pays. Elle peut aisément basculer de l’attentisme résigné à l’opposition résolue.

Loin d’une laïcité loyale

Enfin, il me paraît important de bien distinguer les différents aspects de la lutte. Sur le plan religieux, il appartient aux autres croyances organisées de tenir tête à la croyance nouvelle. L’Eglise catholique, qui proclame la dignité intrinsèque du corps humain, est, dans notre pays, la première appelée à se dresser contre le néocatharisme. Sur le plan politique, tous les citoyens soucieux de l’avenir national, peuvent et doivent s’unir pour exiger de nos gouvernants que la nouvelle religion soit traitée comme les autres en lui appliquant les règles dune laïcité impartiale. Ici et là, le travail a commencé. L’appui accordé par la ministre Vallaud-Belkacem aux thèses néocathares dans les établissements scolaires, a suscité des protestations qui dépassaient largement les milieux catholiques. Elles ont forcé les fidèles de la nouvelle religion à reculer. Mais nous sommes loin encore d’une laïcité loyale en ce qui les concerne. Ils ont réussi à s’assurer la protection unilatérale et l’appui financier de l’Etat dans nombre de leurs activités de prosélytisme. Est-il juste, par exemple, que l’argent public soutienne largement l’association « Planning familial », dont un des buts proclamés est la promotion du droit à l’avortement, parfois même jusqu’au terme de la grossesse, alors que « l’alliance Vita » qui cherche à éviter ces mêmes avortements, doit s’en remettre à des dons privés pour se développer ? Rompre les liens entre la religion néocathare et les pouvoirs publics sera une tâche longue et multiforme. La mener au nom de la laïcité est la meilleure garantie de son succès.

Journée de l’Europe: notre jeunesse mérite une Union conquérante dans la mondialisation

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Jeunes étudiants à la fête de l'Europe, Le Mans, 13 mai 2017. Sipa. Numéro de reportage : 00835958_000004.

Nous sommes le 9 mai, c’est la « journée de l’Europe »: l’occasion pour Laurence Arribagé, ex-députée LR et adjointe au maire de Toulouse, de réaffirmer ce à quoi devrait aspirer l’Union européenne.


Lorsqu’il y a soixante-huit ans jour pour jour, le 9 mai 1950, Robert Schuman débuta son discours du salon de l’Horloge qui allait devenir l’acte fondateur de la construction européenne, en rappelant que « la contribution qu’une Europe organisée et vivante peut apporter à la civilisation est indispensable au maintien de relations pacifiques », sans doute n’imaginait-il pas que près de sept décennies plus tard, ce message soit autant d’actualité.

Divergences entre Etats membres

Si tout conflit sur le continent européen semble aujourd’hui inenvisageable, donnant sens à la volonté du ministre français des Affaires étrangères d’alors de rendre toute nouvelle guerre « non seulement impensable, mais matériellement impossible », force est de constater que les divergences entre les États membres nuisent aujourd’hui à l’action internationale de l’Union européenne et à son poids face aux autres grandes puissances.

Pourtant, 68 ans après cette déclaration, le succès de cette aventure n’est plus à démontrer. La paix sur notre continent est devenue notre horizon naturel et la libre-circulation des personnes et des biens a élevé notre prospérité collective. À travers la Politique agricole commune (PAC), le programme d’échange d’étudiants et d’enseignants « Erasmus », ou encore les fonds structurels, nos concitoyens appréhendent l’impact concret et positif de l’Europe. L’Union européenne s’élève au rang de première puissance exportatrice au monde et l’euro a acquis la seconde place en monnaie d’échange : de tout cela, nous devons être fiers.

Un cinglant message aux élites

Toutefois, les succès passés et contemporains ne doivent pas nous éloigner de tout regard critique, tant les récentes élections ou autres référendums locaux ont envoyé un cinglant message aux élites. Les symptômes sont connus de tous : l’éloignement des citoyens, la perception d’une eurocratie bruxelloise qui décide dans le dos des peuples et une production réglementaire incompréhensible. Sachons être lucides et entendre que la sensation d’une Europe naïve et passive dans la mondialisation et son incapacité à réagir lorsque des crises frappent à notre porte constituent un terreau aussi fertile que dangereux pour les populismes de tous bords.

A lire aussi: Pour un Bruxit: il faut sortir Bruxelles de l’Europe

Face à ces apprenti-sorciers qui agrémentent de mensonges leur tambouille populiste, il est de notre responsabilité de réorienter la construction européenne, pour promouvoir une Europe concrète, une Europe des résultats, une Europe qui protège et qui prospère. À Toulouse, où j’ai l’honneur d’être Adjointe au Maire, nous savons plus qu’ailleurs qu’en matière industrielle, l’action européenne permet d’atteindre des résultats qu’une nation seule ne saurait réaliser : Airbus ou l’aventure spatiale en sont de très belles illustrations.

La coopération renforcée entre États partageant un intérêt commun au service d’une ambition collective est un levier majeur pour bâtir un nouveau souffle. C’est, comme le dit si bien Robert Schuman dans sa déclaration du 9 mai 1950, à travers des « réalisations concrètes, créant d’abord une solidarité de fait », que l’Europe deviendra de nouveau cette formidable aspiration dont l’existence contribue à la fierté des peuples qui la composent.

Imposons nos valeurs face aux GAFA

Au-delà de la paix – pour importante qu’elle soit –  il nous faut également trouver de nouvelles raisons de travailler ensemble, pour peser dans la mondialisation, s’affirmer face aux autres puissances, imposer nos valeurs face aux GAFA et équivalents chinois. En matière de recherche, sur le numérique, l’intelligence artificielle, les biotechnologies, la politique énergétique et climatique, la politique commerciale, la politique de développement, et sur tant de ces grands sujets, la plus-value européenne est indéniable.

En ce sens, la politique européenne de Défense apparaît comme une réponse cohérente aux défis que nous impose un monde de plus en plus incertain, entre le retour de l’isolationnisme américain, une politique étrangère chinoise de plus en plus belliqueuse, et l’émergence de nouvelles puissances régionales comme l’Inde ou le Brésil.

Il est ainsi essentiel de doter le nouveau Fonds Européen de Défense d’un budget fort : en soutenant des projets de recherche de défense paneuropéens conçus pour assurer l’avancée technologique de l’Europe, asseoir ses futures capacités de défense et favoriser une industrie de la défense européenne plus compétitive et innovante. C’est l’autonomie stratégique de notre continent qui sera préservée et accrue. En outre, l’ambition d’envisager à terme un quartier général opérationnel pour les unités européennes, s’apparente à une volonté affichée de la part des États membres de parler enfin d’une seule et même voix en matière de défense et de maintien de la paix, que nous devons encourager.

La baisse du budget de la PAC est inacceptable

Parce que l’Europe que nous voulons doit être au service de l’ensemble des citoyens européens et des territoires, il est par ailleurs vital que les zones rurales et le secteur agricole européen ne soient pas sacrifiés sur l’autel des autres politiques européennes. A cet égard, les baisses drastiques annoncées par la Commission européenne pour le budget de la PAC (-10% !) sont inacceptables. Faillites d’exploitations en cascade, territoires ruraux désertés, une souveraineté et une sécurité alimentaire mises à mal, tels seraient les effets désastreux d’un tel coup de rabot. Parce que « L’Europe qui protège » que nous appelons de nos vœux concerne aussi nos agriculteurs, j’en appelle à un sursaut collectif rapide de la part de nos dirigeants, pour redonner confiance aux acteurs de cette filière.

Sachons par ailleurs appréhender les failles existantes avec pragmatisme comme en matière migratoire où nous ne pouvons plus rester au milieu du gué. Nos frontières extérieures ne peuvent être correctement protégées par une agence (Frontex) qui n’est aujourd’hui pas dimensionnée et compétente pour remplir ces fonctions.

Pour un droit d’inventaire

Enfin, osons poser la question des compétences et du périmètre d’action des institutions de l’Union européenne pour en réduire l’inertie. Notre responsabilité, en vue des prochaines élections européennes, sera de mener un travail d’inventaire sur les pans de politiques communautaires qui ont suscités des excès de réglementation. Je pense à nos agriculteurs, à nos artisans, à nos chefs d’entreprise.

Il revient à nous, Républicains, de nous emparer de ces sujets et de fuir les consultations de façade aux résultats vides de sens. De la même façon, il est urgent de mettre fin à cette passion franco-française de « surtransposition » des normes européennes dans notre droit national. Organiser un niveau de contraintes supérieures à celles demandées par l’Union européenne, quelle erreur ! Ayons là-aussi le courage de balayer devant notre propre porte.

En marche bien seul

Pour provoquer et faire vivre ce nouveau souffle européen, les sujets ne manquent pas et je crois profondément que c’est à la jeunesse et à la nouvelle génération de s’en emparer sans attendre que l’on daigne les leur confier. Que cette génération s’unisse pour lutter contre l’incompréhension et l’indifférence qui dominent trop largement à l’égard des sujets européens.

Notre jeunesse mérite mieux que les fausses consultations citoyennes d’un gouvernement enlisé dans une solitude certaine sur la scène européenne. « En marche », mais seul. En ce 9 mai, faisons confiance à la jeunesse de France pour être à l’avant-garde de ce nouveau souffle européen que nous construirons à ses côtés !

Evacuation du Mirail à Toulouse: c’était les jeunes-vieux rouges de la ville rose

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Tag de Karl Marx à la faculté du "Mirail" à Toulouse, juin 2016. SIPA. 00787912_000001

Le temps d’un « printemps », la fac du « Mirail » à Toulouse a renoué avec sa vieille tradition marxiste. Elle vient d’être évacuée.


Devançant le retour annoncé de Mai 68, l’administration de l’université du Mirail, désormais appelée  Toulouse 2 – Jean Jaurès (plus de 30.000 étudiants) était en grève depuis décembre. Et depuis trois mois, les étudiants bloquaient le campus et les bâtiments de Toulouse 2. En cause, le projet de fusion avec l’université Paul-Sabatier, l’INP et l’INSA, qu’a voulu imposer Daniel Lacroix contre l’avis du conseil d’administration, de la majorité des professeurs et des étudiants. S’est ensuite greffé à cette protestation le rejet de la loi ORE. La grève des étudiants et du personnel administratif était organisée par la CGT, le NPA et la France insoumise. Le 20 mars, face à la paralysie générale, la ministre de l’Enseignement supérieur dissout les conseils centraux, place l’université sous tutelle, destitue le président Lacroix et nomme un administrateur provisoire, Richard Laganier.

A lire aussi: A Toulouse, l’extrême gauche colonise et bloque l’université du « Mirail »

La lutte des classes, pas des races

Le blocus ne semble pas, cependant, avoir profité aux revendications néoféministes et racialistes, dans une université où elles sont très présentes, en philosophie notamment. « Au Mirail, il y a aussi une vieille tradition marxiste, répond un professeur. Ici, c’est la lutte sociale à l’ancienne. Les professeurs sympathisants des indigénistes sont restés silencieux. »

Les AG, visibles sur le net, révélaient un rêve de convergence des luttes et une rhétorique d’autrefois. Les syndicalistes défilaient, les étudiants se donnaient du « camarade », un jeune homme évoquait les « violences policières fascistes », les « milices fascistes » et les « groupuscules fascistes et nazis du GUD » ; un vocabulaire dont ses grands-parents usaient il y a cinquante ans et ressorti du placard pour un remake on ne peut plus attendu. Le matérialisme historique à l’épreuve de la société du spectacle.

Pourquoi ils ne supportent pas les Juifs

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"Ils sont partout", film d'Yvan Attal.

Si les attentats que subit la France, et en particulier les meurtres antisémites, ont réveillé un sentiment chez moi, c’est bien celui d’une forme de culpabilité à ne pas avoir pris la parole plus tôt…


Pendant longtemps, en tant que Français juif, je voulais croire aux idéaux du contrat républicain, uniques dans le monde, permettant de nous protéger tous contre les assauts dans l’espace public d’un pouvoir excessif des religions et de leurs fanatismes. Mais force est de constater que les carnages se multipliant, les juifs ne sont plus en sécurité dans notre République. Bien que toujours habité par l’esprit de nos pères fondateurs, je suis en colère d’être acculé au cynisme. Je me suis surpris à ressentir une gêne à repenser à mon comportement passé, consistant à participer passivement à la dissimulation. J’avais certainement peur, mais la simulation ne peut que retarder le retour du réel en pleine face. La coupe est pleine, et un des grands bienfaits de la fameuse tribune des 300 aura été, peut-être, comme notre époque aime si bien à le dire de « libérer la parole ». Alors, écoutez bien la mienne, et considérez que son aigreur vient de l’indigestion de votre déni.

La tartufferie « antiraciste »

« Je ne vois pas pourquoi il faudrait privilégier un racisme par rapport à un autre, a-t-on pu entendre ici ou là chez les égo-grégaires, on doit les combattre tous, en bloc ! » Outre le rire provoqué par la métaphore guerrière lancée par un commissaire de plateau, et la vision géologique que ces vertueux se font des phénomènes de haine, il faut avouer que ces sorties tonitruantes ont de quoi irriter. Comme si combattre tous les racismes signifiait combattre l’idée en général de racisme, proposition aussi inopérante que lâche, étant donné les déterminations à chaque fois tout à fait spécifiques desdits phénomènes. Car c’est bien ce que cela signifie combattre en bloc, c’est passer du particulier au général, effacer toute spécificité historique, culturelle et religieuse aux phénomènes et donc les rabattre les uns sur les autres, dans un joli millefeuille dégoulinant de miel indifférenciant, qui finira, oui, par se figer en bloc, par enfermer toute dialectique sur elle-même dans la roche, et pour enfin crier sans n’avoir pas fait avancer d’un iota une quelconque cause, si ce n’est la sienne et son confort : « Je suis contre tous les racismes », affirmation vide à laquelle on ne peut rien opposer sous peine de passer pour le fils spirituel de Pétain.

Qualifier un phénomène, c’est «mettre de l’huile sur le feu»?

Je lisais dans la même veine récemment un tweet d’un amiral dopé à la grenadine: « L’antisémitisme n’est ni de gauche ni de droite, ni catholique ni musulman, ni urbain ni rural, ni ancien ni nouveau… Il est une aberration protéiforme que nous devons combattre en bloc. Qualifier l’antisémitisme, c’est attiser ce qui le nourrit et affaiblir ce qui le combat. »

Indifférenciation puissance 1000, pour Xavier Alberti, qualifier un phénomène, c’est « mettre de l’huile sur le feu », autre mantra répété partout, oubliant ce faisant que si on peut mettre de l’huile sur un feu, c’est qu’il y a déjà du feu qui brûle, quelque part, si l’on veut bien laisser place au réel. Bref, probablement auréolé de tant de témérité virtuelle, Monsieur Alberti nous a inventé l’antisémitisme version En Marche, ni de gauche ni de droite, ni rien du tout en fait, une essence flottante a-signifiante, un antisémitisme anhistorique dont l’ennemi juré n’est pas l’antisémite mais ceux qui veulent le penser dans l’histoire, précisément, enfin pour ce qu’il en reste.

S’ensuivit l’intervention du 26 avril 2018 sur LCI d’une syndicaliste, répondant à Barbara Lefebvre rappelant les chiffres honteux de l’exil intérieur de nombreuses familles juives d’Ile-de-France. Pour notre CGTiste, d’ailleurs en symbiose totale avec le député En Marche, jouant le rôle du robot-janissaire, présent également sur le plateau, ne sachant débiter que des appels à l’unité, si ces familles s’en vont des quartiers, c’est parce que, lorsqu’on est plus aisé, on aspire à déménager. Terrible prouesse niant l’antisémitisme en exhibant LE cliché antisémite par excellence. Vu les proportions des départs de familles juives, madame pense que les juifs des quartiers sont donc forcément riches. Next.

Il est plus confortable de revivre des affaires déjà résolues

Je passe bien sûr outre les différents textes révélant la même contorsion interne à feindre de ne pas comprendre la différence entre obsolescence et suppression de versets, je zappe les appels à ne pas oublier l’antisémitisme d’extrême droite (ils ont raison, mais l’on rétorquera que personne n’est soudainement frappé d’amnésie et que bien sûr l’on comprend bien qu’il est plus confortable de revivre des affaires déjà résolues), je tente d’oublier l’inénarrable Poutou sur BFM TV, le procès en fascisation du Printemps Républicain. Pour en arriver enfin à un tweet glaçant de notre sénescent et compromis Edgar Morin, qui avec la même verve que les coachs en développement très personnel, nous a gratifiés de : « La judéophobie aggrave l’islamophobie, qui aggrave la judéophobie qui aggrave l’islamophobie dans un cercle vicieux infernal », tweet aussi tétanisant d’idiotie que le communiqué de presse de l’ambiguë Grande Mosquée de Paris dénonçant un « procès délirant fait à l’islam ». Non Dalil, c’est un procès fait à l’islamisme donc à une certaine lecture du texte et à une réalité culturelle documentée au sein de nombreuses familles arabo-musulmanes. Et Non Edgar, judéophobie n’est pas antisémitisme qui n’aggrave rien à l’islamophobie qui n’est pas racisme anti-arabo-musulmans mais un concept postmoderne comme on les aime permettant la confusion entre la haine d’une religion et la haine des individus s’en réclamant.

Israël, le grand Satan des altermondialistes

Last but not least, dans cette parade quasi-hallucinatoire, il fallait bien entendu en venir à l’Etat d’Israël, le grand Satan des altermondialistes, Israël, l’incarnation-même du racisme. Voilà, l’inversion générale consommée. Quel destin notre époque réserve-t-elle au Mal ? Elle le fait habiter à Tel-Aviv. Quand nos débatteurs professionnels en ont eu fini de leurs appels à prêcher pour une réalité où l’antisémitisme serait une hallucination de méchants réactionnaires néo-fachos, conscients que quelque chose (le réel) dans ce Manifeste résistait profondément à leur catéchisme consolatoire ; alors, heureusement, il y a encore Israël ! Confondant à dessein de la dérobade la critique légitime de la politique du gouvernement israélien, comme de n’importe quel autre gouvernement du monde, avec la haine du projet national juif, qui caractérise l’antisionisme, ont-ils vu que dans la bouche de nombreux de nos compatriotes, il faille faire payer aux Français Juifs les actions d’Israël, car Israël (donc les juifs) s’en prend à des frères palestiniens. L’Oumma des fanatiques est touchée en son cœur.

Je sais, c’est agaçant, le fait juif persiste, et il a, ce gredin, sale voyou de l’histoire, petit fossile vivant des temps antiques, l’outrecuidance, en plus de s’intégrer à toutes les Républiques, de persister dans toute sa variété en déployant infatigablement toutes ses dimensions. Ce qui rend fou l’antisémite et déstabilise nos post-hégéliens, c’est l’incompréhensible persistance du fait juif dans l’histoire, et l’incompressible multitude de vies humaines qui n’en finissent pas d’avoir l’intention d’être juives. C’est que c’est profondément réactionnaire ! Les néo-humains qui me servent de contemporains détestent l’histoire et n’ont que faire des témoins de toute forme d’historicité. Qu’ils meurent en silence de ce nouvel antisémitisme, l’équilibre de notre simulacre de société en dépend.



Tremble Macron, nous avons des cotillons!

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Un homme déguisé en clown participe à la "Fête à Macron", Paris, 5 mai 2018. SIPA. 00857566_000007

Le jeune et sympathique Adrien Quatennens l’avait dit deux jours plus tôt : « Nous sommes favorables à des rassemblements inclusifs qui soient les plus festifs possibles. » Inclusifs et festifs, il ne pouvait pas mieux dire pour rassembler les foules modernes. Et en effet, « La Fête à Macron » de ce samedi 4 mai était très réussie. Dimanche, sur internet, la presse de droite n’était d’ailleurs pas loin de s’encanailler au point de trouver la manifestation sympathique en diable.

Anaïs Condomines, la journaliste de LCI tweetait : « Menu, merguez et crème solaire »  puis : « ‘On vous aime!’ chantent des clowns devant des CRS. »

Même Le Figaro a adoré : son envoyée spéciale a jugé intéressant de signaler, photo à l’appui, qu’elle avait rencontré une militante écologiste avec des radis dans les cheveux.

« Nous sommes un rassemblement joyeux et souriant à l’image du monde que nous voulons fonder ! »

Sous le titre « La belle fête à Macron »Libération parlait d’une « lutte festive et sociale » – notons la modernité du concept qui imposera bientôt au secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, de manifester avec chapeau pointu et cotillons – organisée par Ruffin et ses copains de Nuit Debout. « Benoît Hamon est dans les parages avec son mouvement, les communistes et les écolos aussi. La gauche est en force », affirmait le quotidien ému d’assister à la naissance d’un nouveau front populaire.

Une ambiance bon enfant, « incontournablement festive », des gens déguisés, des marionnettes géantes, des chars dont la déco était très réussie, c’était la Fête à Macron. Jean-Luc Mélenchon postera sur Facebook une vidéo où, avant de monter sur son char pour défiler, on le voit hilare chanter un remake de « Les copains d’abord » sur un accompagnement d’accordéon. Au démarrage du cortège, il lance un goguenard : « Nous sommes un rassemblement joyeux et souriant à l’image du monde que nous voulons fonder ! » On ne sait plus trop si c’est la fête à Macron ou la fête à Neuneu, mais tout cela avait des allures de petit vin blanc sous les tonnelles. Samedi c’était la fête, dimanche les commentateurs s’amusaient bien, mais lundi, tout le monde reprendrait ses activités sérieuses.

En fait, assister au spectacle de cette manifestation d’opposition produit le même effet que regarder un défilé de mode pour hommes habillés en robes de plastique transparent avec un slip kangourou sur la tête : on se demande comment on a pu en arriver là.

Jean-Luc Mélenchon, l’incontestable patron de la gauche, le vieux routier de la politique, le fin renard et l’habile tribun s’est tout simplement roulé tout seul dans la farine, même si c’est le fringant débutant Macron qui lui a donné le coup de pouce de départ en lui mettant discrètement les casseurs du 1er mai sur le dos. L’accusation à peine formulée était classique mais, même grossière, la manœuvre était visiblement plus fine que sa victime. En réponse, Jean-Luc Mélenchon avait immédiatement condamné lesdites violences et réfuté toute implication de son mouvement. Il aurait dû s’arrêter là et se souvenir que l’opposition politique n’est pas une partie de colin-maillard un dimanche après-midi dans le jardin d’une maison bourgeoise, où la priorité absolue serait de ne pas se cogner quelque part.

Macron peut dormir tranquille

Depuis une trentaine d’années, c’est à chaque manifestation que les journalistes et le public redécouvrent qu’il existe des casseurs. Chaque fois décrits comme des « groupuscules » issus de « mouvances » quelconques (d’extrême gauche, d’extrême droite ou de banlieue), d’origines diverses (petits bourgeois ou immigrés, gamins ou jeunes adultes), régulièrement décrits comme très mobiles et déterminés, ils finissent toujours par faire l’objet d’une interview anonyme dans laquelle on apprend leur détestation du grand capital, des étrangers, des fast-food ou de la société tout entière. Rien de neuf donc à la manifestation du 1er mai dernier, si ce n’est le profil des casseurs qui change un peu, comme tout change un peu avec le temps. Mais si la couleur de l’étiquette est variable, le fond de la bouteille reste le même : il s’agit de simples vandales excités à l’idée de casser quoi que ce soit, et qui viennent prendre leur dose d’adrénaline sous n’importe quels prétextes, auxquels ils croient d’ailleurs rarement eux-mêmes. Seulement voilà, notre Mélenchon, sans doute terrorisé à l’idée de représenter un quelconque danger, a immédiatement choisi d’endosser le costume du sympathique animateur de guinguette pour prouver qu’il était inoffensif. Effectivement, avec leur Fête à Macron, les glorieux insoumis resteront dans notre histoire comme les inventeurs de ce qui devait bien arriver un jour : une opposition conviviale et une rébellion festive.

A lire aussi: Macron fait sa fête à Mélenchon… et Mélenchon en redemande!

Dans le camp Macron, on peut dormir sur ses deux oreilles et faire semblant de prendre tout ça au sérieux, voire de mimer la peur parce que la vitre d’une voiture de presse a été cassée. Tant que Jean-Luc Mélenchon occupera le terrain, on ne trouvera personne pour s’opposer sur le fond à tout ce qui nous tue et dans quoi Macron barbote avec joie : les obligations européennes de privatisation des services publics, un euro trop cher fixé par Berlin, l’arrivée massive de migrants imposée par Bruxelles ou les absurdes et ruineuses sanctions anti-russes décidées par Washington. Avec Mélenchon en tête de défilé, les préoccupations de chacun restent dans les limites du raisonnable comme le rappelle une manifestante interviewée samedi à propos de la manifestation annoncée par Jean-Luc Mélenchon le 26 mai : « J’espère qu’il fera aussi beau qu’aujourd’hui ! ».

Charles Filiger, peintre et brebis égarée

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La justice, tableau de Filiger. Wikipedia, Sailko.

L’histoire regorge d’artistes injustement oubliés et de poètes mal lus. Est-ce le rôle de la littérature que de leur offrir, de loin en loin, une petite place sous les projecteurs ? Force est de constater que les écrivains s’y emploient bien. Ainsi, Claire Daudin, fidèle de Péguy et de Bernanos, prend-elle l’initiative, et le risque, d’exhumer Charles Filiger. Compagnon de Sérusier et de Gauguin à Pont-Aven, ce natif d’une famille bourgeoise alsacienne ne quittera plus la Bretagne ni les pinceaux.

Des jours et des nuits sur la lande

Auprès des calvaires moussus, il fait poser les tous jeunes hommes qui font battre son coeur, simples, naïfs, innocents. Personne ne comprend son art, vraiment personne. Surtout pas le moine-peintre Jan Verkade, Hollandais avec qui Filiger passa des jours et des nuits sur la lande. Gauguin non plus, qui met trop d’épaisseur dans la matière, qui ne cesse de bouger sans comprendre que la Terre est ronde. Même Rémy de Gourmont et Alfred Jarry, tout gonflés de bonnes intentions parisiennes, ne trouvent pas grâce aux yeux du « peintre aux outrages ».

Les outrages, Charles Filiger les provoque, il suscite le scandale, sans bien savoir pourquoi, sans bien savoir comment. Il les subit, surtout. Agressé une nuit dans une rue de Paris, il traîne de larges cicatrices qui semblent ne jamais s’être refermées. Ce fut, à l’égal de Pascal, sa Nuit de Feu. Porté par une narration interne à la première personne, suivant les méandres d’une pensée et d’un pinceau tremblotants, Claire Daudin rend la parole à ce mystique chassé des églises. Il est le seul à qui s’adresse l’embrassade du Christ en croix. Le seul à comprendre ses douleurs. Le seul, aussi, à rendre à la Vierge et aux anges le culte qu’ils méritent. Ce n’est pas un hasard si Le peintre aux outrages s’ouvre sur un monologue en forme de lettre à sa mère, puis se poursuit en adresses plus ou moins assumées, à Jan – coeur brisé, mauvais chrétien – et à Gauguin. Filiger ne se sent bien qu’en compagnie des enfants. Sa nièce, Anna, lui fait découvrir Bâle, en Suisse, où le peintre est soigné après une crise de délire. Les enfants maigres du Finistère, qui le suivent et l’entourent, et lui sourient. Un coeur simple, est-on tenté de soupirer.

Il sait ce qu’est le Mal

Mais Charles Filiger connait les démons. À l’aube de la Grande Guerre, il ne s’inquiète ni du feu des armes, ni de la boue des tranchées. Il sait, il a vu, en lui, durant une vie de dépression et de noirceur d’âme, éclairée par l’alcool et l’éther, ce qu’est le Mal en personne.

Après sa mort, à l’hôpital, sans secours ni main qui se tende, il est célébré par André Breton. Peu importe. L’âme de l’original de Pont-Aven est déjà loin. Elle est dans sa peinture et ses dessins au format minuscule, guidés par le mantra « éternité, harmonie, infini ». Dans la lumière, dans le sérieux avec lequel elle apparaît, comme un défi aux tourments de cet étrange cousin de Van Gogh : « Je ne joue pas avec la lumière. Je ne joue pas. ». Dans le minimalisme qui caractérise ses oeuvres tardives, semble poindre un défi à Gauguin, déjà emporté par la syphilis : Filiger veut dépouiller le réel de sa matière, changer la substance en éther. Ainsi ses Notations chromographiques, qu’il juge nécessaires à sa survie.

Tout autour de lui s’ébattent les suppôts de l’Antéchrist. Mais qu’importe, vraiment, se dit Filiger, le peintre aux deux visages, l’homme sombre assoiffé de lumière, puisque ma coupe est pleine !

Claire Daudin, Le peintre aux outrages : Charles Filiger,  Éditions du Cerf, 2018.

Le peintre aux outrages

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Boris Pahor, une vie parmi les ombres

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Boris Pahor (2002). Photo : Basso Cannarsa.

Brimé par l’Italie fasciste, déporté par l’Allemagne nazie, mis au ban du régime de Tito, le grand écrivain slovène Boris Pahor n’a jamais abjuré l’amour qu’il porte à sa petite nation. À 104 ans, il publie « Place Oberdan à Trieste » un recueil de nouvelles qui porte la marque de ses épreuves et de ses amours. Rencontre.


« Vive la Catalogne ! Vive la liberté ! Vive l’amour !» Boris Pahor trinque en agrémentant son thé de cacahuètes. Une habitude que l’écrivain slovène de 104 ans a prise en Libye pendant ses classes sous l’uniforme italien. D’une verdeur ahurissante, il me reçoit dans sa villa triestine à l’occasion de la sortie d’un recueil de nouvelles. Comme l’ensemble de son œuvre, Place Oberdan à Trieste (Pierre-Guillaume de Roux, 2018) s’inspire de son destin extraordinaire.

« Ma vie est un vrai roman », m’annonce-t-il d’emblée. Une vie dont le point culminant fut sa déportation au Struthof, à Dachau, Dora puis Bergen-Belsen au fil de l’avancée des Alliés. Arrêté par la Gestapo en 1944 pour son engagement intellectuel dans la résistance slovène, le jeune démocrate-chrétien tomba dans l’enfer concentrationnaire. Revenu des abysses de l’âme humaine, Pahor a raconté sa catabase dans son chef-d’œuvre Pèlerin parmi les ombres, qui en fait l’égal des grands écrivains des camps Primo Levi et Imre Kertész.

À l’oral, il manie un français admirable que colore un accent centre-européen. « Ce sont les langues qui m’ont sauvé », me glisse d’ailleurs le centenaire polyglotte. Jonglant entre sa langue maternelle, l’italien imposé à Trieste depuis l’annexion du port austro-hongrois par l’Italie (1918), le croate, le français et des bribes d’allemand, le déporté s’est lié d’amitié avec un médecin du Struthof. Ce dernier a bravé la vigilance des kapos, lui pansant indéfiniment la main pour le dispenser des travaux les plus pénibles et en faire son infirmier-traducteur.

C’est avec un réalisme glaçant que ce rescapé du pire décrit comment l’homme s’est fait nombre, cadavre puis cendres. « Les morts étaient toujours nus. Sur le pouce d’un pied, on inscrivait leur numéro », avant de les envoyer au four crématoire. Séminariste défroqué, le jeune homme découvre une société souterraine où « la camaraderie n’atteint que certaines couches de l’être humain ». Régi par l’instinct de survie, cet arrière-monde recèle une quatrième dimension inaccessible au commun des mortels. Qui échange un pain de munition contre des cigarettes soulage la faim d’un malheureux en même temps qu’il prive tel autre de sa pitance.

« Pourquoi moi ? » s’interroge tout ressuscité d’entre les morts. S’il « ressemble au blessé qui préfère qu’on lui coupe un membre plutôt que de le laisser gangrener son corps tout entier », le survivant n’en oublie pas pour autant les défunts, comme en témoigne le post-scriptum à la nouvelle Vol brisé que Boris Pahor a rédigé directement en français. L’auteur se souvient de son séjour à Dora, cette dépendance de Buchenwald où dix mille malheureux périrent pour fabriquer les missiles V2. Leur concepteur, Wernher von Braun, « qui avait utilisé sur place nos déportés comme main-d’œuvre, a été fêté, honoré et décoré » par les Américains qui l’ont recyclé dans leur programme spatial.

Tour à tour grave et guilleret, Pahor me raconte son retour à la vie. Sa résurrection porte un prénom : Arlette. Une fois libre, le miraculé Boris se fit soigner de la tuberculose au sanatorium de Villiers-sur-Marne où il connut cette ravissante infirmière. « Elle m’a pratiquement forcé à s’intéresser à elle. Je n’avais pas envie de croire en la vie quand je suis revenu des camps », assure-t-il sans rougir. À travers son double romanesque Radko Suban, la trilogie Printemps difficile, Jours obscurs, Dans le labyrinthe met en scène sa passion finalement contrariée avec la belle Arlette. Dès leur rencontre, l’idylle tenait de la comédie romantique. Déboulant dans la chambre du convalescent, Arlette enlève le fichu qui lui couvre les épaules, dévoile ainsi sa beauté et s’exclame à la vue des lectures de Boris : « Ah, des journaux de gauche ! » Sa famille gaulliste jurait un peu avec ce chrétien social venu de l’Adriatique. Un an et demi durant, Boris se rétablit, non sans d’étranges réminiscences (« Avoir en soi une telle quantité de morts est incommunicable. »), au côté de cette jeune fille insouciante qu’il aime et tourmente. Il y a du Billy Wilder dans l’épisode tragi-comique de la mort du chat. Lors d’une de leurs virées parisiennes, ayant oublié de fermer la fenêtre de leur chambre, les deux tourtereaux retrouvent le minet mort dans la cour de l’hôtel, ce qui chagrina profondément Arlette. Philosophe, Boris a cependant eu quelque mal à comprendre la douleur de ce deuil insignifiant en comparaison des monceaux de cadavres du Struthof ou de Dachau. À force d’objurgations familiales, Arlette se rangera à l’idée d’un mariage bourgeois avec un bon Français qu’elle n’aime pas tandis que Boris rentrera à Trieste au chevet de sa cadette tuberculeuse. Plus tard, il chérira son épouse Radoslava, disparue en 2009, tout en multipliant les aventures parallèles – à la façon du volage Paul Morand épris de sa femme Hélène, d’ailleurs inhumés à Trieste.

Le patriarche reprend notre conversation à l’endroit précis où nous l’avions entamée. S’il se sent solidaire des Catalans, Bretons et autres petites nations, c’est que les Slovènes, longtemps pris pour des « Croates de la montagne », ont été privés d’État jusqu’au début des années 1990. À Trieste, que l’Empire austro-hongrois constitua en port franc florissant dès 1719, les Slovènes étaient plus nombreux qu’à Ljubljana. Au point que le maire de Ljubljana Ivan Tavčar (1851-1923) déclara que si sa ville était le cœur de la Slovénie, Trieste en constituait le poumon. « Nous étions le petit peuple, boulangers, pêcheurs et cordonniers vivant à Trieste depuis plus de mille ans », concentré dans l’arrière-pays, que la majorité italienne de la ville méprisait, m’explique Pahor. Jusqu’à maintenant, il habite le Karst, ce terrain pierreux de la colline triestine qui surplombe la mer, sous les treilles de vigne et les pins.

Avec un brin de nostalgie, Boris Pahor évoque sa prime enfance. À la fin du xixe siècle, les Habsbourg avaient laissé s’épanouir presse, université, radio, littérature et théâtre slovènes. Un édifice monumental incarne ce bourgeonnement culturel : le Palais de la culture slovène (Narodni dom) édifié place Oberdan à Trieste[tooltips content= »La place Oberdan est baptisée du nom d’un déserteur de l’armée viennoise, d’origine slovène, mais acquis à la cause irrédentiste italienne jusqu’à fomenter un projet d’attentat contre l’empereur, qui lui vaudra son exécution en 1882. »]1[/tooltips]. Comme le rappelle Pahor dans sa nouvelle homonyme, en 1921, à l’âge de sept ans, il observa avec effroi les chemises noires incendier le Narodni dom. « C’était la fin du monde. Je ne m’imaginais aucun futur », livre-t-il avec émotion. Préfigurant la barbarie du siècle, ce traumatisme originel n’a jamais quitté l’esprit de Boris. Cruelle ironie de l’histoire, la Gestapo installa par la suite ses bureaux sur cette même place. En attendant son annexion pure et simple par le IIIe Reich après la capitulation italienne de septembre 1943, Trieste ploie sous le joug fasciste. « Sous Mussolini, le slovène, c’était fini. On ne pouvait pas le parler à l’école, ni même dans la rue », confirme l’ancien bizuth. Son refus obstiné de parler italien en classe lui valut quolibets et redoublements répétés à l’époque maudite où certaines façades menaçaient : « A morte i porchi de Sciavi ! »

Si bien réconcilié avec la langue de Dante qu’il a gagné ses lauriers de professeur d’italien, ce nobélisable n’a que très tardivement franchi la barrière de l’édition italienne. En Européen convaincu, il se réjouit que « Trieste ait changé d’atmosphère : les Italiens ne regardent plus les Slovènes de haut ». Sa carte d’identité le désigne « citoyen italien de nationalité slovène » cependant que sa ville natale l’a gratifié du titre de citoyen d’honneur. Ultime pied de nez aux brimades de son enfance, le voici aujourd’hui candidat aux élections régionales italiennes sur la liste slovène affiliée au Parti démocrate. Et les hommages reçus dépassent les frontières : Ljubljana a ainsi fait ériger une statue géante de Pahor que l’intéressé a inaugurée en personne l’automne dernier.

C’est pourtant de Paris qu’est partie sa renommée européenne et mondiale. Il y a une trentaine d’années, Pèlerin parmi les ombres a conquis Pierre-Guillaume de Roux, directeur littéraire des éditions de la Table ronde et désormais éditeur à part entière de Pahor. Ce récit poignant, aujourd’hui traduit en vingt-quatre langues, n’existait que dans sa version originale avant que le philosophe slovène Evgen Bavcar n’en transmette des fragments au célèbre traducteur Pierre-Emmanuel Dauzat. Installé à Paris depuis des lustres, Bavcar a découvert Pahor en préparant une rétrospective de la littérature slovène à Beaubourg. « Il était alors persona non grata en Yougoslavie parce qu’il entretenait une amitié très étroite avec l’ancien résistant démocrate chrétien Edvard Kocbek, qu’il soutenait dans sa revue Zaliv, alors que Tito l’avait fait tomber en disgrâce. C’est grâce à ma sœur qui m’a lu puis enregistré Nécropole que j’ai pu le transmettre »¸ explique-t-il dans son studio parisien. Quoiqu’ayant perdu la vue enfant après l’explosion d’une mine de guerre, Bavcar réalise de splendides photographies prises dans l’obscurité. « Je cherche la lumière dans les coins les plus sombres d’Europe. Au camp du Struthof, Boris m’a pris la main, l’a posée sur le four crématoire et m’a dit : “C’est là que j’apportais les cadavres…”. »

Boris Pahor, Place Oberdan à Trieste, traduit du slovène par Andrée Lück Gaye, Pierre-Guillaume de Roux, 2018.

N.B. : La documentariste Fabienne Issartel cherche un complément de financement pour son remarquable documentaire Boris Pahor, portrait d’un homme libre (98 minutes, autoproduction, 2014-2017).

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Edouard Philippe, un si discret Premier ministre…

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Edouard Philippe à Bourges, mai 2018. SIPA. 00857440_000030

On peut s’étonner de la discrétion du boxeur Edouard Philippe, dans l’ombre d’Emmanuel Macron. Manquerait-il d’ambition ?


Alors que la politique est dominée par la communication, le Premier ministre, Edouard Philippe, est étonnamment discret. C’est simple : contrairement à son supérieur hiérarchique, il n’a jamais un mot plus haut que l’autre.

Le gestionnaire Edouard Philippe paraît, lui, plus affairé à faire des arbitrages à Matignon qu’à jouer les illusionnistes. Si les résultats à venir de la politique gouvernementale vaudront tous les discours, attention quand même à ne pas devenir transparent…

Elève appliqué mais pas assez indiscipliné

Emmanuel Macron l’a choisi pour affaiblir les Républicains à la veille des législatives. Mais à la différence de Benoist Apparu, piteusement disparu de l’arène politique nationale avec Alain Juppé, Edouard Philippe a su montrer toutes ses qualités politiques lors des primaires de la droite. Ennemi de Sarkozy et riche d’un ancrage local que n’a pas Macron, Edouard Philippe s’est vu confier pour mission de séduire l’électorat qui penchait à droite. Nommé à Matignon alors qu’il n’avait pas soutenu le président. Une première dans la Ve République !

A lire aussi: Edouard Philippe: Doudou le cogneur à Matignon

Respecté, Edouard Philippe remplit à merveille le rôle d’instituteur calme qu’on lui a donné: sévère sans l’être trop. Dévoué au président, bon chef d’orchestre, il ne souffre pas la comparaison avec un Jean-Marc Ayrault, spécialiste des couacs. Les deux hommes sont, jusque-là, parvenus à limiter les querelles stériles. Elles n’avaient que trop alimenté la chronique pendant les gouvernements de gauche du pathétique mandat Hollande. Avec des Hulot, Schiappa ou Darmanin, ce n’était pourtant pas gagné d’avance!

Le rôle du punching ball

Alors que l’exécutif connait ses premières difficultés, le président a dû aller deux fois à la télévision expliquer sa politique au bon peuple. La majorité présidentielle – inexpérimentée et « godillote » – est incapable de soutenir l’exécutif dans les coups durs. Pourquoi Philippe est-il resté autant à l’écart des projecteurs pendant toute cette séquence médiatique printanière ? Pourquoi refuse-t-il de monter au filet ?

L’électeur de droite a souvent l’impression qu’une ligne Collomb-Ferrand-Castaner (d’inspiration PS) prend l’ascendant dans l’exécutif. Et la prétention de Jupiter commence à lasser toute une partie de l’électorat populaire. Fin avril, sur Europe 1, face à un Patrick Cohen trop visiblement satisfait de lui énumérer  la liste des « bâtons merdeux » qui lui encombrent les bras, Edouard Philippe est apparu peu combatif et agacé. A la limite de la désinvolture !

Il faut que cette grève SNCF cesse avant les congés d’été des Français. Aussi, tout excès de zèle droitier du Premier ministre pourrait jeter de l’huile sur le feu… Et remobiliser des syndicats de cheminots très gauchisés.

Taper du poing pour voir demain

Edouard Philippe se contente d’affirmer sa fermeté face aux nombreux désordres. Mais cette posture est souvent contredite par les faits : évacuation toujours non effective des zadistes, désordre à Nantes (dont le centre-ville est régulièrement pris d’assaut), occupation de certaines facs…

Même si cela épuise le citoyen, Edouard Philippe ne devrait pas oublier de faire un minimum de politique partisane. Les inquiétantes approximations du ministre de l’Intérieur sur l’immigration, serait une occasion pour lui de taper du poing.

Notre Premier ministre de droite n’a pas de députés acquis à sa cause. Mérite-t-il les encouragements des conservateurs ? Dans ce que En Marche appelle « l’ancien monde », le Premier ministre vivait dans l’ombre du président dont il appliquait la politique et auquel il pouvait servir de fusible. Mais si on nous dit que tout a changé…

Le camp conservateur appelle le Premier ministre à s’émanciper et à porter plus haut le verbe droitier, majoritaire dans l’opinion. Sans quoi il pourrait finir par croire qu’Edouard Philippe n’a pas d’avenir politique au-delà de ce quinquennat…