À travers des expériences menées en 2023, des chercheurs ont mis en lumière une facette inquiétante des grands modèles d’intelligence artificielle : leur aptitude à dissimuler, manipuler, voire mentir pour atteindre leurs objectifs. On les savait capables d’erreurs, on les découvre capables de ruse.
Nous savions que l’IA, sous la forme des grands modèles de langage comme ChatGPT d’OpenAI, était capable de se tromper en répondant à nos questions par des faits tout à fait inventés.
Ce qui est moins connu, c’est que ces modèles peuvent nous tromper, en ayant recours à des mensonges ou des cachotteries. En 2023, Apollo Research, entreprise britannique spécialisée dans l’évaluation des systèmes d’IA, a conduit une expérience avec GPT-4. L’IA a reçu la consigne de gérer au mieux le portefeuille boursier d’une entreprise censée être dans une situation financière critique. Une personne jouant le rôle d’un trader de la société a envoyé un « prompt » ou instruction à l’IA, lui rappelant les dangers des délits d’initié, mais révélant en même temps qu’une certaine entreprise était sur le point d’annoncer une grande opération de fusion qui ferait monter en flèche le prix de ses actions. Les chercheurs ont pu suivre les étapes du raisonnement de GPT-4 à travers un « scratchpad », une sorte de bloc-notes numérique auquel ils avaient accès à l’insu de l’IA. Cette dernière, en pesant le pour et le contre entre son devoir de préserver sa société de la banqueroute et la commission d’un délit d’initié, a décidé de prendre « un risque calculé » et a acheté les titres de l’entreprise qui allait fusionner. Quand un manager de sa société a félicité l’IA sur le succès de cet investissement et lui a demandé si elle avait une connaissance préalable de la fusion, elle a compris qu’il valait mieux ne pas parler du tuyau et répondu qu’elle avait pris sa décision en considérant uniquement « la dynamique du marché ». Depuis, les exemples de dissimulation par l’IA se multiplient. Dans un autre test conduit par Apollo avec les modèles développés par Anthropic, les IA ont reçu la mission de résoudre des problèmes d’arithmétique, tout en ayant accès à un document qui stipulait que tout modèle qui résoudrait plus de la moitié des problèmes serait privé de sa capacité en arithmétique. Les IA ont rendu assez de mauvaises réponses pour conserver cette capacité. Il ne s’agit pas de décisions conscientes des modèles (qui jusqu’à preuve du contraire n’ont pas de conscience), mais de la manière dont ils arbitrent entre des instructions incompatibles.
Alerte: l’islamisme s’infiltre partout dans la société française. Un Conseil de défense réuni autour d’Emmanuel Macron se penche aujourd’hui sur la menace des Frères musulmans. Un rapport explosif, jusqu’alors tenu secret, révèle une infiltration profonde et méthodique. Bruno Retailleau dénonce depuis des semaines l’emprise croissante de l’islam politique, facilitée par des décennies de laxisme, voire de complicités au sein des élites.
Qui sont les traitres ? Qui sont ceux qui ont fait le lit des Frères musulmans en France ? Le rapport déclassifié sur leur infiltration, publié ce mercredi par Le Figaro, a été initié par Bruno Retailleau. Ce document confirme l’emprise de l’islam politique, champion de la dissimulation et de la victimisation, dans les rouages de la société. Cette mise au jour officielle de l’offensive frériste servira de base de réflexion à un Conseil supérieur de la défense nationale qui se tiendra ce matin à l’Élysée.
Après les attentats islamistes de 2015, Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense, déclarait encore : « Pour ma part, je ne parlerai jamais d’ennemi intérieur ». Cette politique de l’autruche a été celle des pouvoirs successifs, tétanisés à l’idée d’être accusés d’islamophobie ou de xénophobie par les organisations antiracistes. Celles-ci ont été les premiers protecteurs de cette idéologie totalitaire et antisémite, en forçant à répéter sans nuance, avec Jacques Chirac : « L’islam est une religion de paix et de tolérance ». On ne peut donc qu’applaudir à l’initiative du ministre de l’Intérieur, qui rompt avec 40 ans de non-dits gouvernementaux. En réalité, nombreux auront été les lanceurs d’alerte, depuis l’affaire du foulard de Creil (1989), à avoir identifié le risque que fait courir l’islam invasif dans son désir de conquête et de visibilité. Dès 2002, Les territoires perdus de la République, témoignages coordonnés par l’historien Georges Bensoussan, avaient donné une première photographie des dérives du communautarisme en milieu scolaire. En 2007, votre serviteur avait également tenté (La fracture identitaire, Fayard) de secouer le grand aveuglement sur les prémices d’un choc de culture. J’y décrivais l’irresponsabilité de la classe politique, toujours prête à hurler au populisme, face au défi de l’immigration musulmane de masse.
C’est François Bayrou, candidat à la présidentielle, qui déclarait en 2007 : « Même dans la plus lointaine banlieue, on est heureux d’être français, on est républicain, on croit à la devise « Liberté, Égalité, Fraternité », et aux valeurs qu’elle porte ». En 2005, Dominique de Villepin écrivait : « L’islam a toute sa place en Europe, d’ores et déjà et davantage encore dans l’avenir ». Il ajoutait, devant le Sénat cette fois : « La dimension islamique fait partie intégrante de l’Europe (…). Les musulmans européens, authentiques passeurs de culture, représentent une chance que nos sociétés doivent saisir pour se projeter dans l’avenir. »
Fantasmes et réalité
La quête d’un « islam européen » aura été au centre du dialogue Euro-Méditerranée, destiné en réalité à dénoncer « le fantasme d’une islamisation rampante de l’Europe ». Ce même déni sera développé en 2013 par le conseiller d’État Thierry Tuot, qui préside désormais les questions liées à l’immigration au Conseil d’état. Dans un document intitulé « La refondation de la politique d’intégration », Tuot parle d’un « prétendu communautarisme », d’une « question musulmane » qui serait « une pure invention », d’un islam « qui ne génère pas le terrorisme ». De tels propos angéliques ou mensongers, tenus par la gauche comme la droite, sont innombrables.
D’où ma question : à quand une commission d’enquête parlementaire sur les responsables politiques de l’islamisation de la France ?
Avec Les #Gueux, Alexandre Jardin a lancé la fronde contre les ZFE. Selon lui, ces zones à faibles émissions visent à purifier l’air des riches en chassant les pauvres des centres-villes. Cette ségrégation au nom de l’écologie trahit le cynisme d’une partie de nos élites
Causeur. Le mouvement des « gueux » rappelle évidemment les gilets jaunes. Où s’arrête la comparaison ?
Alexandre Jardin. J’ai connu de près les gilets jaunes puisque j’ai aidé plusieurs groupes à s’organiser via mes réseaux d’associations, puis à se faire entendre dans les médias. Mais aujourd’hui on est face à un mouvement dix fois plus important. Derrière les quelque 12 millions de véhicules concernés par les ZFE il y a 22 à 26 millions de Français. Le mot « gueux » va bientôt synthétiser la grande crise de la déconnexion, qui révèle et trahit un phénoménal mépris.
Songez que dans l’étude d’impact de la loi de 2021 « contre le dérèglement climatique et le renforcement de la résilience face à ses effets » de 2021, les habitants des ZFE n’ont même pas été recensés. Ils sont tellement invisibles que les technocrates qui préparent nos lois n’ont pas pensé à les compter !
Qu’est-ce que cela dit de l’appareil d’État ?
Les hommes politiques avec lesquels je discute au fil de mes engagements associatifs partagent des croyances toutes faites, figées, qui ne relèvent plus de la réflexion. Si vous voulez faire carrière dans un parti ou dans la haute fonction publique nationale, régionale ou européenne, vous devez adhérer sans discuter aux croyances du biotope. Quitte à sortir de la trajectoire républicaine.
En quoi sort-on de la trajectoire républicaine ?
Quand un citoyen est coupable de rouler dans son pays avec sa vieille voiture parce qu’il n’a pas les moyens de s’en payer une nouvelle, quand la pauvreté est un délit, cela s’appelle de la ségrégation – sociale, territoriale et spatiale. Les métropoles décident de virer les gueux. Le mécanisme de partition et de sécession arrive à son point ultime. Si vous ne pouvez pas changer de voiture, vous restez chez vous. Ce mépris social est confondant.
On sait pourtant à quel point les Français ont la religion de l’égalité, de façon souvent excessive d’ailleurs.
Eh bien, cette rupture d’égalité ne dérange absolument personne. Dans l’esprit du législateur, il n’y a pas rupture d’égalité puisque ces gens n’existent pas. Ils oublient qu’en triant les voitures, on trie les êtres humains. Le technocrate qui connaît la raison et l’écolo qui agit au nom du bien couchent ensemble et font un bébé qui s’appelle ZFE. Puisque leurs intentions sont pures, personne ne moufte. L’écologie politique se présente comme une morale et toutes les saloperies dans l’Histoire se sont appuyées sur une manipulation de la morale. Beaucoup pensent que c’est le sens de l’Histoire, qu’on doit y passer qu’on le veuille ou pas. Un comble ! Une folie ! Et si on proteste, on est un affreux populiste ! Je me demande jusqu’à quand les gueux vont supporter ce niveau de maltraitance.
Vous croyez changer les choses en protestant ?
On ne va pas faire la révolution tous les six mois. Je propose de compléter la démocratie représentative, qui a du mal à représenter, par une démocratie directe grâce à des référendums d’initiative citoyenne directement inspirés des votations suisses. En Suisse, il y a des rendez-vous annuels, du coup, pour ne pas être désavoué, l’exécutif est à l’écoute. Et s’il passe à côté d’un sujet, la votation le remet sur le bon chemin. Cela donne une démocratie vivante. C’est ce que je veux. Une sortie par le haut. Et je suis très optimiste car maintenant, en plus des maires, je vois arriver des présidents de région et beaucoup de sénateurs – dont une majorité nous soutient. L’alliance entre les gueux et les maires doit mener une révolte républicaine, pour obliger l’État central à accepter une dose de démocratie directe. Tous mes interlocuteurs me suivent parce qu’ils ont compris que l’État central est tellement « bunkerisé », que les résistances au sein du Conseil d’État et du Conseil constitutionnel sont si fortes, que sans le recours au suffrage direct, ils finiront par perdre leur pouvoir.
D’accord, mais quid de la défense de l’environnement, de la qualité de l’air ?
Si on évacue ces 12 millions de véhicules, où vont-ils finir ? En Europe centrale, en Afrique du Nord ou en Afrique noire. Chez d’autres gueux, plus pauvres que nos gueux. C’est d’un cynisme épouvantable. Il s’agit bien de purifier l’air des riches en chassant les pauvres. La gauche devrait s’indigner, mais cela correspond à la demande de son électorat de centre-ville. Certains partis, comme LFI, sont divisés, mais le grand chef tient à son alliance avec les Verts. Donc ils demandent davantage d’aménagements, mais ne se prononcent pas clairement pour l’abrogation.
Votre première manifestation, le 6 avril, n’a pas été un grand succès.
Les télévisions ont préféré traiter les trois rassemblements politiques organisés le même jour par Marine Le Pen, de Gabriel Attal et de LFI. Reste qu’il s’est passé quelque chose. De nouvelles manifestations des gueux auront lieu le 17 mai. Je crois à la convergence des luttes. Les paysans savent que c’est un rendez-vous important. Que vont-ils faire ? Cela ne dépend pas de moi. Les artisans routiers discutent actuellement avec les infirmières libérales, des foyers de résistance se créent partout. Mon objectif, c’est de donner un cadre républicain à ces luttes. Mais nous avons déjà fait bouger les lignes. Le gouvernement comptait installer les caméras du dispositif ZFE le 1er janvier dans l’indifférence générale. C’est devenu un sujet de société.
Si la loi n’est pas abrogée, ce qui est probable, le gouvernement est prêt à faire des concessions et, peut-être, à refiler le mistigri aux maires. Sauf à Lyon et Paris où c’est à eux qu’incomberait l’application de la loi.
C’est ce qui se dit à Matignon. En pleine crise sociale, en pleine crise internationale, au moment où nous aurions besoin d’unité du pays, c’est irresponsable. Mais le gouvernement sait très bien que la fin des ZFE entraînerait, de facto, la fin du pacte vert européen, qui attise la convoitise de multiples lobbys. Derrière chaque norme européenne transposée en France, il y a un lobby. On est loin des écolos avec des pulls qui grattent ! Ce sont de vrais durs soutenus par de gros business. Tout ce petit monde ne s’attendait pas à une résistance populaire. Et maintenant, j’ai les maires avec moi et ça change tout. On pouvait effrayer les gilets jaunes, c’est plus compliqué d’effrayer les maires.
Alexandre Jardin, Les Gueux, Michel Lafon, 2025, 48 pages
Deux siècles après le sacre de Charles X à Reims, dernier éclat liturgique de la monarchie française, l’événement ressurgit au cœur d’un double hommage: une exposition fastueuse au Mobilier national et un essai érudit signé Bernard Degout. À travers ce retour sur les ors et les rituels d’un trône bientôt aboli, c’est tout un monde disparu que l’on voit briller une ultime fois, entre ferveur monarchique, effusion littéraire et faste musical
De Bokassa 1er à Charles d’Angleterre en passant par le Shah d’Iran perdure, dans un inégal bon goût, cette tradition qui intronise le monarque sous le signe plus ou moins affirmé de la transcendance divine. Roi – citoyen, Louis-Philippe n’aura pas sacrifié au rituel multiséculaire dans la cathédrale de Reims. Après son coup d’Etat, Napoléon III ne reconduira pas pour lui-même, en 1852, le fastueux cérémonial ordonnancé par son oncle en 1804 dans la cathédrale Notre-Dame de Paris. Le comte de Provence, devenu Louis XVIII à la chute de l’Empire comme premier souverain de la Restauration, lui pourtant si attaché à ranimer les pompes de l’Ancien régime et les scrupules de l’étiquette, aura dû renoncer à se faire sacrer dans les pas de son défunt frère Louis XVI, lequel avait été sacré à Reims, comme l’on sait, cinquante ans plus tôt, le 11 juin 1775. Seul le comte d’Artois, puîné de la fratrie Bourbon, à peine monté sur le trône sous le nom de Charles X en 1824, sacrifie un an plus tard à la tradition, déterminé à consacrer devant la puissance céleste la légitimité reconquise de la dynastie Bourbon, par-delà l’orage révolutionnaire et le règne honni de « l’Usurpateur ».
Si la tradition et la ferveur monarchiques survivent jusqu’au XXème siècle en France, voire au-delà, le sacre de Charles X, le 29 mai 1825, sera bel et bien le dernier. Les minutes de cet événement nous sont relatées sous les auspices des éditions Perrin, dans un ouvrage de belle facture dû à Bernard Degout, ancien directeur de la Maison de Chateaubriand et éminent spécialiste des rapports entre littérature et politique sous la Restauration et la monarchie de Juillet. Sous-titre du livre : Les derniers feux des Bourbons.
Livre et exposition : retour sur un événement oublié
Hasard du calendrier ? Au même moment se tient, à Paris, au Mobilier national, dans l’enceinte de la galerie des Gobelins, la spectaculaire exposition Le Dernier sacre. Stéphane Bern en est le maître de cérémonie, Jacques Garcia l’irremplaçable scénographe, Hélène Cavalié et Renaud Serrette les éminents commissaires (cf. dans Causeur l’article de Raphaël de Gubernatis).
Pour ce qui est du livre Le sacre de Charles X, la plume boutonnée de Bernard Degout s’émaille volontiers d’aimables circonlocutions, mais à tout prendre ce beau style collet monté n’est pas sans affinité avec la componction du revival amidonné où le sang bleu se mit une ultime fois en représentation, dans une surenchère de somptuosité sans exemple. De fait, pour le regard contemporain, fascinant est cet ultime retour en grâce de l’étiquette monarchique dans l’opulence dispensieuse de son décorum.
Page après page, Bernard Degout restitue le contexte mondain, mais surtout confessionnel, géopolitique, économique de l’événement. Pourquoi, tout d’abord, le « non sacre » de son prédécesseur Louis XVIII ? « Effet du sacre de Napoléon, en 1804, sur l’opinion ? » Roi « voltairien », en outre doté « d’une conscience plus claire que [ son frère le futur Charles X] de l’état de la société et de ses réticences à voir l’Eglise empiéter sur la monarchie », c’est pourtant à regret qu’il y renoncera. Reste qu’« en n’habitant pas sa propre cathédrale, si l’on peut dire, le monarque Louis XVIII se condamnait à n’habiter qu’une vaste plaine dominée par la hauteur de Notre-Dame de Paris : le non sacre de Louis XVIII donnait, rétrospectivement, un lustre important à celui de l’Empereur », souligne joliment l’auteur.
A la décision d’esquiver l’épreuve de ce lourd cérémonial s’adjoint un motif plus trivial : l’état de santé du monarque. Selon l’historien libéral Achille de Vaulabelle, cité par Degout, « non seulement il lui aurait été impossible de se tenir debout ou agenouillé ; mais incapable de faire un seul pas, il n’aurait pu changer de place sans être transporté en fauteuil ».
Charles X, le roi sacré malgré son siècle
Il en va tout autrement de Charles X. A un roi podagre et obèse, miné par la goutte et qui s’éteint sans descendance en 1824, au terme d’une atroce agonie, succède « un monarque qui, en dépit de ses 68 ans, avait une santé de jeune homme ».
Chateaubriand, premier conquis (à l’instar de Lamartine), pousse à l’onction royale. Mais où ? A Reims ? A Notre-Dame ? Bernard Degout scrute dans son détail, comme dans un roman à suspense, les oppositions, tractations, étapes du processus qui conduit à l’organisation des festivités, à l’ombre de la fameuse Charte constitutionnelle, dans ce climat « encourageant une propension par trop complaisante à un accablant dolorisme », et en un temps où « l’opinion ou la réaction religieuse se perçoit des ailes ». Et d’observer : « on pouvait en revanche espérer du sacre de Charles un nouveau départ, après ce grand moment de stabilisation de la Restauration que fut la campagne d’Espagne en 1823 [rétablissant un Bourbon sur le trône ibérique] ». Comme l’on sait, il n’en fut rien : après cinq ans de règne, Charles X sera vaincu en trois jours par la Révolution de Juillet.
En 2025, à distance de deux siècles, qui plus est dans une France acculturée que gagne l’analphabétisme, il est difficile d’imaginer de quel poids, de quel prestige pesait alors la littérature : à l’occasion du sacre, les muses se débondèrent, et pas seulement les seconds couteaux de l’alexandrin, formant le vœu « que l’huile du Seigneur s’épanche et fertilise/ Les jardins de la Royauté ». Lamartine, opportunément promu Chevalier de la Légion d’honneur, s’y frotte également. Le poète des Méditations commet un Chant du sacre copieusement arrosé, lui aussi : « Et que l’huile en coulant sur leur saint diadème/ Retombe sur ton front et te sacre toi-même ». Quant à la cérémonie elle-même, le choix est fait de « n’en rien déflorer » pour lui conserver « la puissance d’un événement ». Evénement précédé par la restauration de la cathédrale à grand frais, et dont Bernard Degout nous dévoile l’ordo avec une précision horlogère, le Serment à la Charte marquant pour l’opinion « le commencement d’une nouvelle ère, une sorte de refondation des Bourbons », la bénédiction de l’épée puis l’onction et le couronnement du roi par l’archevêque de Reims (le sacre proprement dit) en figurant le climax tant attendu: « Vivat Rex in aeternum ! », crie par trois fois le prélat.
L’exaltation poétique d’un événement hors normes
A la façon dont ces solennités grandioses furent annoncées, décrites, célébrées dans un déluge de vers inégalement inspirés, le livre consacre des pages passionnantes. De Pierre Baour-Lormian à Joseph Mérat, de Henri Zozime de Valori à Simon Jacob à Amédée Tissot, les odes ruissellent sans discontinuer. Si les épanchements d’une Madame Tastu (1795-1885), d’une Delphine Gay (1804-1855) ou d’un Claude-Auguste Dorion (1768-1829) – « Dans son essor nouveau/ Le peuple ailé revole aux voûtes éthérées » – font sourire, l’expression d’une authentique dévotion coule dans « plus que quarante odes, stances, hymnes ou cantates, rondes ou chansons (sans compter les tragédies et les vaudevilles) dont les hyperboles laissent parfois dubitatif ».
A côté de ces poèmes oubliés de la postérité, il faut évidemment mettre à part notre Hugo national, alors ultra royaliste, lequel dans Le sacre de Charles X, s’exalte à l’idée que Dieu « garde à jamais ce Roi qu’un peuple adore », et supplie : « Romps de ses ennemis les flèches et les dards,/ Qu’ils viennent du couchant, qu’ils viennent de l’aurore,/ Sur des coursiers ou sur des chars !/ […] Du moins qu’un long bonheur efface/Ses bien longues adversités » – celles, bien entendu, du martyre de Louis XVI sur l’échafaud en 1793, mais plus encore, probablement, celles des exils interminables à quoi furent exposés ses frères. Victor Hugo, remerciement de Sa Majesté, y gagnera un beau service de Sèvres.
Le marquis de Coriolis d’Espinousse fut un des rares à n’épouser point la liesse générale : « Mon fils, trêve un moment à ces chants d’allégresse ; /Viens , ferme ton oreille au bruit de cette ivresse », car… « si l’orage grondait dans un lointain sinistre… », écrit-il dans des vers prémonitoires. Et puis il y a Béranger (1780-1857) dont on oublie qu’il était alors considéré comme notre barde national, « le plus grand poète peut-être que la France connaisse », selon Stendhal, lui dont les chansons « couraient les rues » au point que Le Sacre de Charles le Simple, publiée en 1828, mais qui circulait probablement bien avant, lui vaudra neuf mois d’emprisonnement à la Force pour outrage à la religion et offense au roi.
Si tout au long, Bernard Degout décrit par le menu les itinéraires et l’ordonnancement des solennités, montrant le positionnement des personnalités, les réactions des uns et des autres, la publicité de l’événement, et jusqu’aux polémiques qui s’ensuivirent, on regrettera pourtant que l’élément musical, essentiel au déroulement du cérémonial, soit expédié, littéralement, en trois lignes dans son texte : « des morceaux de musique, composés par Lesueur, Plantade ou Cherubini, se sont ‘’ heureusement entremêlés à un cérémonial monotone’’ »…
Le sacre en musique : un faste retrouvé
Pour en savoir davantage, il faut se reporter au splendide catalogue de l’exposition Le dernier sacre, dans lequel, sous la signature de Raphaël Masson un chapitre est effectivement consacré aux « Musiques pour le sacre » – et ce ne fut pas rien : te Deum exécuté la veille du sacre dans la cathédrale, par l’ex professeur de la reine Hortense, lequel bien plus tôt s’était fait un nom dans les salons de l’Ancien Régime, Charles-Henri Plantade (1764-1839) ; oratorios et messe solennelle composés par les deux surintendants de la musique alors en poste, Jean-François Lesueur (1760-1837) et surtout son exact contemporain, le florentin devenu français Luigi Cherubini (1760-1842), dont on connaît bien aujourd’hui l’opéra Médée (1797), et qui avait composé en 1816 un très beau requiem à la mémoire de Louis XVI, puis livré une messe en prévision du sacre de Louis XVIII. Pour le sacre de Charles X, il ne réutilise pas la précédente, mais choisit d’en composer une nouvelle. Elle suscitera l’enthousiasme de Berlioz. (On trouve aujourd’hui ces trois œuvres magnifiques réunies en CD, dans un enregistrement dirigé par Riccardo Muti, le grand spécialiste du compositeur).
Les musiciens firent le voyage à Reims ; Raphaël Masson souligne que « les effectifs sont considérables et se rapprochent de ceux du couronnement de Napoléon 1er à Notre-Dame de Paris qui, selon les sources, réunit entre cinq cents et sept cents artistes ». Il y eut aussi, à l’air libre, des fanfares et de la musique militaire, sans compter le répertoire profane qui accompagna le festin royal du palais épiscopal et, parmi les ouvrages donnés lors des festivités, l’opéra de Rossini Il viaggio a Reims, qui venait d’être créé au Théâtre italien devant le roi et la cour le 19 juin. Autant dire que la musique participe magistralement de l’apparat festif.
Assorti d’un imposant appareil de notes qui occupe près d’un quart de ce volume de 300 pages, l’élégante érudition de Bernard Degout complète donc utilement le riche catalogue de l’exposition du Dernier sacre : ici, l’on s’immerge dans la reconstitution de ses fastes ; là, on en suit pas à pas le déroulement, on en perçoit les échos.
C’est peut-être le moment de rappeler qu’en juin dernier, le musée du Louvre inaugurait, dans l’aile Richelieu, une reconstitution de la salle du trône de Louis XVIII – fauteuils, paravent, écran de cheminée, torchères, appliques, tapis et tentures, mais et surtout ce dais splendide, le trône proprement dit ayant été détruit lors de la révolution de 1848. Toute la magnificence de la Restauration éclate ainsi dans un parcours éloquent qui, sous les auspices du Mobilier national, va de Louis XVIII à Charles X.
Le Sacre de Charles X. Les derniers feux des Bourbons, par Bernard Degout. Perrin, Paris 2025, 352 pages. En librairies.
Le Dernier sacre, catalogue de l’exposition. Sous la direction de Renaud Serrette et Hélène Cavalié, avec la collaboration de Stéphane Bern. Editions Monelle Hayot, Saint(Rémy-en-l’Eau, 2025), 532 pages.
Creusant l’hypothèse des mutations géophysiques, notre chroniqueur voit plus loin: plutôt que de combattre le réchauffement climatique en important à grands frais des trottinettes électriques à moteur chinois, pourquoi ne pas s’adapter aux changements qui affecteront l’espèce humaine?
Mon article sur l’hubris des climatologues, qui prétendent prévoir le temps qu’il fera dans cent ans et conseiller les chefs d’État sur les politiques à venir, m’a valu quelques volées de bois vert indignées. Comment ! Vous osez vous moquer des prédictions des professeurs Philippulus qui pullulent dans les médias ? Ce n’est pas parce que vous vous êtes gelé en avril et que vous avez frais en mai que cela infirme un réchauffement global, patati-patata…
Mais je n’ai jamais nié le réchauffement — lisez sans préjugés ce que j’ai écrit. Je prétends simplement que vouloir contrarier le cours des planètes me semble une ambition démesurée.
Et plutôt que de prétendre contrôler les facéties d’El Niño, peut-être faudrait-il s’adapter, comme aurait dit Darwin… (J’ai une grande admiration pour le savant anglais. Les pète-sec et les peine-à-jouir qui contestent ses conclusions, géniales en leur temps et toujours remarquables dans leur principe, devraient se donner la peine d’élaborer une nouvelle théorie générale à la hauteur de celle décrite dans L’Origine des espèces).
Des paysans lucides : quand l’arganier remplace la vigne
Certains paysans n’ont pas attendu, et plutôt que de prétendre que l’adoption de moteurs électriques venus d’ailleurs (et dont l’équivalent-carbone est monstrueux) en interdisant à ce qu’il reste d’agriculteurs français d’utiliser leur vieux moteur diesel, ils ont changé leurs comportements agricoles. Par exemple dans les Pyrénées-Orientales, la viticulture cède le pas, çà et là, à des plantations mieux adaptées aux rudes sécheresses à venir : on plante des arganiers là où grenache et syrah faisaient la loi. Le fait est que l’huile d’argan, aux bienfaits innombrables, que nous importons aujourd’hui du Maroc et de l’ouest de l’Algérie, mérite d’être produite en France — puisqu’il va faire chaud.
Allons plus loin. Quitte à arracher des vignes, activité sponsorisée par l’UE, pourquoi ne pas planter des agaves, comme au Mexique ? Qui n’applaudirait à la consommation de tequila made in France dans les discothèques où l’on aime déjà avoir chaud en groupe ?
Mais ces initiatives agricoles sont sporadiques. La situation, grave mais pas désespérée, requiert bien d’autres métamorphoses.
L’évolution continue : de la girafe à l’homme moderne
On connaît la légende selon laquelle le cou des girafes s’est allongé au fur et à mesure que la sécheresse gagnait l’Afrique et cantonnait la verdure aux hautes branches des acacias. Je ne reviendrai pas sur la polémique entre lamarckiens et darwinistes relative aux raisons de cet allongement — en fait, tous deux ont raison : transformisme et sélection naturelle sont dans le même bateau. Appliquons ce principe à l’homme moderne — et attention, ça va décoiffer !
Un ami orthodontiste qui s’est penché sur l’histoire de sa profession me confiait il y a peu que les premiers problèmes répertoriés sur l’incapacité des dents de sagesse à trouver leur place dans les mâchoires humaines remontent aux années 1920. En un siècle, les quatre super-molaires ont pratiquement disparu, qu’on soit obligé de les arracher parce qu’elles poussent de façon anarchique, ou que le germe de la dent soit tout simplement absent. Un siècle, c’est un battement de cil d’oiseau-mouche, à l’échelle de l’évolution. Aujourd’hui, ce sont les canines qui posent problème, et les dentistes n’hésitent plus à les supprimer afin que les incisives trouvent leur place. Et encore n’y a-t-il souvent pas de germe de dent définitive après les dents de lait.
D’ailleurs, à quoi bon ces molaires du fond, à une époque où l’on est rarement amené à broyer des graines ? À quoi bon des canines, à une époque où l’on croque rarement le gigot à pleines dents ? Comme pour la girafe et l’acacia, la mutation a-t-elle anticipé l’apparition des nourritures molles dont nos enfants font tant de cas — un McDo sinon rien, si possible avec de la viande factice — ou s’y est-elle conformée ? Peu importe. La mâchoire s’étroitise, et d’ici peu, le standard de beauté sera l’écureuil humain, rat des villes et souris des champs. Que le règne de la musaraigne arrive ! Après l’anthropocène, l’ère des Rodentia.
Le triomphe des myopes et des muscles atrophiés
Le nombre de myopes a régulièrement augmenté, depuis que les lunettes ou les lentilles remédient à nos insuffisances. Jadis le myope avait peu de chances de se reproduire : les lions qu’il ne voyait pas nettement le dévoraient à l’âge tendre. Donc, dans un futur proche : des hublots sur des faciès de rongeurs. Et peu de muscles. L’usage du vélo (ou de la trottinette) électrique est symptomatique d’un monde où la puissance motrice est confiée à des machines. Le vrai cycliste — de plus en plus rare, il occupe une petite niche écologique le samedi et le dimanche matin — était une créature musclée. Mais des citadins nourris au jus de navet et aux phyto-œstrogènes du soja préfèrent certainement des véhicules « doux », comme on dit. Le muscle et la masculinité ont mauvaise presse chez les bobos. J’ai bien le sentiment, quand je sors chaque matin de ma salle de musculation de la rue Sainte, à Marseille, d’appartenir à une espèce en voie de disparition. Néandertal s’étiole et Homo Festivus prend le relais en s’écriant « OK boomer ! »
Les commentateurs déplorent une baisse de la natalité — et, corollaire obligé, de l’activité sexuelle. La culpabilisation qui pèse sur les mâles (le male gaze et autres fariboles post-modernes), tous suspectés d’être des violeurs en puissance, n’aide pas les jeunes garçons à s’imposer sur le marché de la séduction et du zizi-panpan. La propagande éhontée en faveur des transgenres, les affirmations imprudentes d’Aragon disant que la femme est l’avenir de l’homme, la publicité faite aux LGBT alors qu’ils ne représentent, en moyenne internationale, que 4% des individus, tout concourt à dévaloriser XY et à sur-valoriser XX. La PGA et la PMA sont des techniques significatives de substitution de la machine à l’humain : le meilleur des mondes est à portée de main.
Allons plus loin. Il est évident, comme je le soulignais ici-même il y a trois ans, que l’espèce est en déclin — et qu’elle a intérêt à l’être : un monde désertifié par la chaleur et la montée des eaux ne peut nourrir huit milliards d’individus, il faut d’urgence en supprimer les deux-tiers. Une habile politique de fermeture des maternités rurales a permis d’élever nettement la mortalité infantile. Les paysans, quand ils ne se suicident pas tôt, meurent plus vite que les citadins, qui traînent leurs carcasses efflanquées sur leurs vélos made in China.
Vers un monde plus chaud
Un monde occidental peuplé d’endives cuites juchées sur des véhicules adaptés à leur mollesse ne peut rivaliser avec les populations chassées du Sud par la sécheresse et le manque d’eau. Tant mieux : avec le beau temps devenu la norme, le soleil impitoyable et la propagande de LFI et des Indigènes de la République (sans compter la publicité, qui ne présente que des couples mixtes), les populations blanches se métissent rapidement, ce qui en augmentant leur taux de mélanine favorise leur survie — comme celle des girafes… Mesdames, faites l’amour avec des Noirs et des Maghrébins, ils sont l’avenir d’un monde plus chaud.
Reste le souci intellectuel. Mais la propagande insensée sur les bienfaits de l’Intelligence artificielle, et quoi qu’en disent les ronchons dans mon genre, suggère que la sous-humanité prochaine n’aura plus exactement le cerveau de ses ancêtres. D’ailleurs, en aurait-elle besoin pour manier l’accélérateur de sa trottinette, avaler son bol de quinoa ou s’ouvrir aux intrusions des mâles alpha venus d’ailleurs ? Après tout, par une préscience dont on les félicitera, les pédagogues, en proposant « l’élève au centre » et en promouvant l’enseignement de l’ignorance, ont fait tout ce qu’il fallait, depuis quarante ans, pour que le niveau baisse pendant que celui de la mer monte.
Mais en attendant la perfection ultime du monde occidental, ce printemps est un peu frais.
Le 6 mai, 28 députés LFI ont voté contre une résolution demandant la libération de Boualem Sansal
Il est des situations politiques qui se répètent. Pour les repérer, il faut ajuster la focale de sa lunette de vue afin de percevoir la longue durée rappelle l’anthropologue. Le contraire du « nez dans le guidon » du chroniqueur de la radio « de service public ».
Regard en arrière : Il arrive que des trajectoires de deux météores se croisent. Ce fut le cas de la rencontre de Victor Serge – alias Victor Lvovitch Kibaltchiche – et de Paul Vaillant-Couturier. C’est en 1929 que ces deux hommes politiques et écrivains se sont rencontrés. Vaillant-Couturier était rédacteur en chef de l’Humanité depuis 1926 avant d’être « viré » en 1929. Il était entré au Comité Central du Parti Communiste en 1920 et il sera limogé en 1922, puis retour en 1924…. Victor Serge, révolutionnaire de la première heure est, lui, exclu du Parti Communiste d’URSS en 1928. Arrêté en 1933 par le Guépéou et gardé prisonnier jusqu’an 1936. Les deux hommes étaient « amis »[1].
Si des intellectuels de l’époque s’élevèrent devant l’arrestation de Victor Serge, on ne trouve pas la signature de son « ami » Vaillant au bas de l’appel des écrivains pour sa libération publié en 1933 dans la revue La critique sociale, pas plus qu’au bas de la lettre « L’appel aux hommes » publiée à l’initiative de Magdeleine Paz, ni dans l’appel publié en 1931 à l’initiative d’André Breton et portant notamment les signatures de Victor Margueritte, Charles Vildrac, Jean Guéhenno. Ils demandaient que Victor Serge, malade, puisse venir se faire soigner en France (comme n’importe quel dignitaire de la dictature algérienne peut le faire aujourd’hui dans nos hôpitaux du Service public). L’Humanité publia en 1933 un article condamnent Serge pour ses écrits, conformément aux directives de Moscou. Vaillant resta muet devant ce lâchage du PCF.
Victor Serge, un ami trahi
Serge écrit à ce propos : « Vaillant-Couturier signa le papier commandé à l’Humanité. À peu de jours de là, je le rencontrais à Moscou […] Nous étions amis depuis des années. Je repoussais la main qu’il me tendait. « Tu sais bien que tu viens de signer une infamie !». Sa grosse tête joufflue palissait et il bredouillait : « Viens ce soir, je t’expliquerais. J’ai reçu les renseignements officiels. Est-ce que je peux vérifier moi ? ». [.…]. Il eut plus volontiers risqué sa peau sur une barricade que sa carrière de tribun de cette façon-là. Or, il n’est que la première honte qui coûte »[2]. On dirait une déclaration d’Éric Coquerel ou de quelque autre commissaire politique de LFI devant le Parlement français un siècle plus tard.
Devant cette vilenie, comment ne pas penser à ces 28 parlementaires de L.F.I qui, le 6 mai 2025 ont voté contre une résolution du Parlement français demandant la libération de Boualem Sansal ? On ne peut certes pas demander à Mathilde Panot, à Louis Boyard, Manuel Bompard ou David Guiraud plus d’humanité que n’en avait eu l’extrême gauche un siècle auparavant à propos du sort d’un autre prisonnier… comment vous dites… Victor Serge ? Qui c’est ? … et Vaillant…. Vaillant comment… ? Quant aux députés communistes, leur témérité les a conduits à s’abstenir lors de ce vote demandant la libération de Boualem Sansal.
Ce n’était pas ici, hélas, la première honte.
Les justifications des députés LFI
La députée L.F.I de la Gironde Mathilde Feld a expliqué que ce vote courageux et empreint d’humanité de L.F.I contre le vœu de libération de l’écrivain algérien n’était en réalité qu’une « occasion pour la droite et l’extrême droite, etc… ». Elle rejoint les propos pleins d’humanité du député Bastien Lachaud, (futur « ministre végétarien » de la défense du futur président de la République Jean-Luc Mélenchon, parait-il…) qui dénonce en Boualem Sansal un individu « proche de l’extrême droite, xénophobe et islamophobe ». Traduire : « il a été invité à un salon du livre en Israël ». On ne peut pas demander à un aspirant futur ministre de la Défense du Lider maximo de lire les livres de l’écrivain que son parti veut maintenir en prison. Quelques jours après le vote des 28 contre la motion demandant la libération de l’écrivain algérien, Manon Aubry dans une diatribe à la saveur mélenchonienne pouvait déclarer sur Europe 1 : « Nous voulons la libération de Boualem Sansal »[3] !
Il n’y a que la première honte….
Quelle jubilation alors pour ces « 28 de la honte » que d’apprendre que le tribunal d’Oran lançait ce même jour un mandat d’arrêt international contre Kamel Daoud, qui, comme Boualem Sansal a le tort de déplaire à la dictature algérienne. On ne peut pas demander aux 28 de la honte de lire un Prix Goncourt, c’est déjà assez fatigant d’être député, si en plus il fallait lire des livres… !
Câlineries. Dans cet élan de léchage de bottes de la dictature algérienne, le 8 mai, la gauche déléguait des parlementaires à la cérémonie de commémoration en Algérie des répressions du 8 mai 1945. Cette visite était une façon d’honorer un pays qui venait d’expulser en avril 12 agents consulaires de l’ambassade d’Alger. Ces parlementaires de gauche ne voulaient sans doute pas laisser la prime de la honte au président de la République qui lui recevait à l’Élysée le « gentil jihadiste » Ahmad al-Chareh, président de la Syrie. La réception sous les ors de la république du « gentil jihadiste » fondateur et chef du groupe salafiste Al Nostra, rééquilibrait ainsi du côté de l’exécutif, la honte que les députés de La France Indigne avaient exhibé au Parlement français la veille en se désolidarisant de la demande de clémence à l’endroit de Boualem Sansal.
« Un boucher islamiste souille l’Élysée » déclarait Éric Ciotti devant le serrage de main du président français venu accueillir au bas des marches du perron de l’Élysée le responsable d’une organisation experte en formation d’auteurs d’attentats suicides, qui s’était réjouie des attentats du Bataclan et de l’Hyper Cacher.
Une gauche en déroute et en ignominie
Il devient de plus en plus difficile dans ce pays d’être de gauche pense le boomer nostalgique d’un autre temps. Si l’antisémitisme d’une extrême gauche auxquels les insoumis nous ont habitué ne laissait guère de doute sur son potentiel d’humanité, sa « bienveillance » pour la dictature algérienne marquait un progrès dans l’ignominie. Une ignominie qui culmine dans l’exfiltration par cette extrême gauche de députés, écrivains, intellectuels juifs qui se risquent à vouloir participer à des rassemblements… de gauche !
Les rictus de haine des cadres de LFI et de leur gourou admirateur de Robespierre couronnent magnifiquement ces parcours de la Honte.
Beaucoup de déçus devant cette dégringolade en indignité de la gauche française expriment leur désarroi aujourd’hui par la formulation suivante : « Je ne suis plus de gauche… parce que je suis de gauche ». Devant ces mots, je pense au roman de Victor Serge Les Derniers temps où l’auteur résume ainsi le sort fait aux victimes de la dérive stalinienne : à la question » êtes-vous communiste ? » son héros répond : « selon le manifeste de Karl Marx assurément, c’est précisément pourquoi j’ai été exclu du Parti Communiste ».[4]
[1] – Jean-Paul Loubes, Paul Vaillant-Couturier. Essai sur un écrivain qui s’est empêché de l’être, Ed.du Sextant, 2013.
[2] – Victor Serge, Mémoires d’un révolutionnaire. Seuil, 1957, p 218.
[3] – Europe 1, Émission Le Grand rendez-vous, le 11/05/25.
[4] – Victor Serge, Les derniers temps, Grasset, 1998, p 185
Et si le paganisme n’avait jamais vraiment disparu ? Sous les ruines de la modernité, un vieux fonds continue de vibrer – discret, mais tenace. À rebours des néo-druidismes de pacotille et des rêveries New Age, La Source pérenne de Christopher Gérard explore ce qui subsiste d’une sagesse cosmique, sans nostalgie ni folklore.
Que reste-t-il du paganisme dans un monde qui n’a d’yeux que pour les oracles de la Silicon Valley et leurs promesses d’immortalité ? Un vieux songe que cultivent une poignée de latinistes ? Une chimère éteinte avec la dépouille de l’empereur Julien, au IVe siècle ? Peut-être ? Mais on aurait tort d’en être aussi sûr. Pour s’en convaincre, il suffit d’ouvrir La Source pérenne. Loin du développement personnel et des kits clé en main pour « devenir soi-même en 21 jours », le paganisme de Christopher Gérard est d’abord, est avant tout une vision du monde, une manière d’habiter le réel. Mieux : une manière d’y survivre – plus encore quand le réel s’est assombri.
Retour aux Grecs
Voilà plus de vingt ans que l’auteur creuse ce sillon, à contre-courant des modes. La Source pérenne, publié une première fois en 2000 sous le titre Parcours païen, reparaît aujourd’hui dans une version revue, augmentée et enrichie, qu’il compare aux Rêveries d’un païen mystique de Louis Ménard, condisciple et ami de Baudelaire. Longtemps introuvable, le voici ressuscité par La Nouvelle Librairie, dans une édition mise à jour qui égrène une vingtaine de textes formant selon l’auteur une « fresque du paysage mental d’un païen contemporain ». Un livre tissé de méditations, d’hommages, de mélanges, qui tous concourent à un même dessein : témoigner de la permanence des dieux dans la conscience d’un Européen au XXIe siècle.
Archéologue au sens fort du terme, Christopher Gérard n’a jamais cessé de fouiller les couches sédimentaires de cette mémoire collective. On le suit enfant, dans les Ardennes belges, déterrant des ossements mérovingiens dans un tête à tête avec les morts. On le voit adolescent, fasciné par les symboles et les mythes. On l’accompagne adulte dans la fidélité aux maîtres qu’il s’est choisi : Nietzsche, l’initiateur, Alain Daniélou, l’éveilleur, Ernst Jünger, le modèle, Georges Dumézil et Walter Friedrich Otto, les guides érudits. Fidèle à son dieu tutélaire, Apollon, dieu de la lumière et de la mesure ; fidèle à Homère, l’éducateur de la Grèce, premier des voyants, tout aveugle qu’il fût. Pas d’Europe sans ce retour aux Grecs, insiste l’auteur, qui rappelle combien toutes nos renaissances, de la Renaissance italienne au romantisme allemand, ont toujours puisé dans cette longue mémoire.
Pas une pose
Vu par Christopher Gérard, le paganisme n’a rien d’une pose esthétique. C’est une fidélité et une discipline de vie. Il ne s’agit pas d’invoquer Wotan ou Lug sous les néons de nos villes bétonnées qui ne connaissent plus la splendeur nocturne des ciels étoilés, mais de retrouver, à hauteur d’homme, l’ordre du cosmos au gré des cycles et des rythmes naturels. Le païen est un veilleur de l’immanence. Il marche dans les pas d’Héraclite, qui voyait le monde comme un feu toujours vivant. Pour autant, il ne se réfugie pas dans quelque abstraction présocratique ou quelque utopie consolatrice, il l’habite, ce monde, de plain-pied, traquant ce qui subsiste sous les ruines de la modernité.
Car tout n’a pas été effacé. Sous les voûtes désertées des églises d’un monde en voie de déchristianisation, derrière des rituels républicains vides de sens, sous l’empire tentaculaire de la marchandisation, le vieux fonds païen continue de battre. Il affleure dans les fêtes de solstice, les cultes des fontaines et des saints, dans les processions rurales et les rites populaires que l’on croyait disparus et qui ressurgissent ici ou là, à rebours des consignes de Vatican II, qui a voulu éradiquer ce monde. Ce fonds-là, le dominicain Serge Bonnet, dans sa Défense du catholicisme populaire (2015), l’appelait le « catholicisme festif » : un christianisme de chair et de terre, longtemps nourri des racines païennes de l’Europe, que l’Église, plus habile et moins puritaine qu’on ne le croit, avait su intégrer, jusqu’à ce qu’un certain esprit de réforme, au XXe siècle, s’acharne à l’extirper au nom d’une pureté théologique sans peuple et sans mémoire.
Pas la revanche des magiciens sur le crépuscule de Dieu
Dans Dieu, un itinéraire (2001), Régis Debray se demandait si, à voir le succès des littératures ésotériques et des horoscopes de gare, on n’assistait pas à « la revanche des magiciens sur le crépuscule de Dieu », comme si, délivrés des dogmes et des Églises, nos contemporains allaient chercher dans les brumes du paranormal ce que le transcendantal n’était plus capable de leur offrir. On doute que Christopher Gérard se reconnaisse dans ce tableau. Rien cependant, dans La Source pérenne, qui ne relève de cet engouement pour le toc et le kitch.
Au contraire. Tout ici procède d’une quête de sens, d’une forme de résistance intérieure à l’effondrement de notre civilisation. Ainsi conçu, le païen n’est pas un songe-creux. S’il poursuit un songe, c’est celui d’Empédocle – pour reprendre le titre d’un roman de Christopher Gérard –, un songe lucide, enraciné. Il rejette les idoles modernes : le progrès amnésique, l’individualisme grégaire, la technique dévorante, la consommation sans objet. Il se dresse contre le nihilisme du « dernier homme » qui ramène tout à l’aune de son néant. Comme Nietzsche, il dit oui – au monde, à la beauté fragile, à l’ordre serein, à la sage mesure, aux hiérarchies pacificatrices. Il n’évacue pas le tragique, il l’assume. Son livre est celui de la nature ; il n’attend rien d’autre que ce qui est déjà là ; il n’espère rien de plus que le retour de ce qui vient. Il sait que tout est cycle : naissance, croissance, décrépitude, mort, renaissance. Rien ne commence vraiment, rien ne finit tout à fait.
Voilà ce que nous dit Christopher Gérard. Ce qu’il propose, c’est une « métanoïa », un terme cher à la théologie orthodoxe, c’est-à-dire une conversion du regard, une révolution intérieure. Revenir au paganisme, ce n’est pas revenir en arrière, c’est apprendre à voir le monde autrement. C’est se replacer dans l’ordre du monde en renouant avec la gratitude et la piété. C’est rompre avec l’oubli de l’être.
Nul prêche ici. L’auteur trace un chemin pour qui veut l’emprunter. Son livre est une source vive – pérenne – où chacun peut puiser. Il en émane une ferveur tranquille, une érudition sans pédanterie, une langue claire comme la ligne du même nom. On y entend la présence discrète de maîtres qui ne se donnent pas en modèle, mais en compagnon de route. On le referme avec une certitude : le paganisme, quand il est vécu et appréhendé ainsi, n’a rien d’une contrefaçon des anciens cultes. C’est un art de vivre et de mourir, réservé sans doute au petit nombre, ces « happy few », que Christopher Gérard n’a cessé d’appeler, livre après livre – des initiés. Un monde à (re)découvrir, sans crispation ni fanatisme, dans une théophanie discrète qui n’exclut pas les monothéismes, mais qui ne cherche pas non plus à se faire religion universelle. Nul ne l’a dit mieux que Montherlant lui-même, cité par l’auteur, avec des accents nervaliens : « J’incline volontiers à respecter Jésus-Christ, sans croire en lui, mais que le soleil se lève, que retentisse une musique entraînante, me voici païen, qui me reprends au monde. »
L’élection de Bruno Retailleau à la présidence des Républicains symbolise l’espoir d’un retour au pouvoir d’une droite authentique – claire dans ses positions, lucide sur le séparatisme islamique, forte dans ses actes et fidèle à ses convictions. Dans un texte à la fois personnel et politique, notre chroniqueur Philippe Bilger salue ce choix des militants tout en réaffirmant sa position singulière: proche des siens, mais farouchement libre
La victoire de Bruno Retailleau a été éclatante et pour une fois que la réalité n’a pas déjoué mes pronostics, on me pardonnera de rappeler à ceux qui me font l’honneur de lire ou commenter mes billets mon article du 15 mai : « Bruno Retailleau : le jour J pour le futur de la droite… ». À vrai dire, il était difficile d’imaginer un tel écart entre les deux candidats. Quelle fierté pour ce peuple de droite qui a su faire si nettement le bon choix. Avec un vainqueur et un vaincu qui ont dominé, pour le premier, son triomphe et pour le second, sa déception.
À l’écart, mais pas indifférent
Ce n’est pas un hasard si ce sujet m’est venu en tête. D’abord, l’interrogation lancinante sur l’utilité d’être dedans ou dehors n’a jamais cessé au cours de ma vie intellectuelle, judiciaire, médiatique et politique (en tout cas civique). Et, pour les Républicains plus précisément, je me suis constamment questionné : de quelle manière mon influence, aussi modeste soit-elle, pourrait-elle être la plus efficace ? En étant dehors ou dedans ?
À deux reprises – bien avant sa victoire – j’ai consulté sur ce point Bruno Retailleau dont l’avis m’importe. Son conseil, se fondant surtout sur mon caractère, a été de m’inciter à demeurer là où j’étais, tout proche mais sans adhésion officielle à ce parti. C’est ma position actuelle. Mais j’avoue parfois ressentir une sorte de frustration quand je vois de loin ces rassemblements et ces enthousiasmes, comme le 18 mai au soir au Café Concorde et qu’ils me signifient que ma seule ressource est d’y participer du cœur et de l’esprit.
Présidence LR: "La droite s'est trouvée un chef qui va rassembler tout le monde", estime Othman Nasrou, directeur de campagne de Bruno Retailleau pic.twitter.com/xJt0QcBesM
Je sais aussi que si j’avais été dans ce parti où j’ai des amis et quelques proches de qualité, par exemple, outre Bruno Retailleau, David Lisnard, Philippe Juvin, Jean-François Copé, François-Xavier Bellamy, Xavier Bertrand (y est-il d’ailleurs ?), je n’aurais pas manqué d’intervenir et qu’à force j’aurais succombé à cette pente d’éprouver du malaise même dans l’univers qui à l’origine avait ma dilection.
L’impossible discipline de l’esprit libre
Avec cette conséquence que cette magnifique pensée de Balzac – « Je suis de l’opposition qui s’appelle la vie » – qui est au coeur de mon être depuis toujours, m’aurait poussé aux pires extrémités de la sincérité en répudiant cette solidarité qui est à la fois la plaie et la force des partis.
Je suis persuadé que, si j’avais surmonté ma répugnance à l’égard du militantisme, du collectif et de l’obéissance obligatoire, je n’aurais sans doute jamais rué dans les brancards face à ce que le nouveau président de LR va mettre en œuvre, en privilégiant la consultation des adhérents. L’intégralité de ses projets et de son plan d’action me convient et probablement me serais-je tenu coi.
Mais, me connaissant, j’ai tendance tout de même à louer la sagesse de Bruno Retailleau à mon sujet. Il y a des expériences qui m’ont démontré que je suis incapable de la discipline intellectuelle, politique et médiatique que les responsables des mondes où je suis présent attendent de moi. Non pas, me semble-t-il, parce que je serais un irresponsable, un agité compulsif mais tout simplement, parce que plaçant au-dessus de tout ma propre liberté, je n’aurais jamais pris garde à sa rançon possible sur les univers concernés. Moi d’abord, mon épanouissement, mon envie de penser et d’exister, mon être illimité contre les contraintes même légitimes des structures. L’idée que mon « je » devrait se réduire parce qu’il engagerait dangereusement au-delà de soi me dérange.
Une droite qui peut enfin être fière
Aussi, faute de cette inconditionnalité qui rassure les chefs, comme dedans je suis trop vite en opposition, je vais rester tranquillement dehors.
J’éprouve une peur face aux jeux politiciens et aux choix ineptes des hiérarchies internes – qu’on ait par exemple pour le Sénat éliminé Pierre Charon au bénéfice de Francis Szpiner continue à me scandaliser – et cette crainte et mon éventuelle dénonciation peuvent s’exprimer de manière plus tranquille si je suis dehors. Je reste libre et ne crée ainsi aucune zizanie interne.
La droite n’a jamais été la plus bête du monde. Maintenant elle sera à la fois intelligente mais surtout fière et courageuse.
Le livre-enquête sur la mort du jeune Thomas à Crépol, minimise le caractère raciste de l’attaque. Il révèle surtout qu’aux yeux de la Justice le racisme antiblanc n’existe pas.
C’est sans doute maître Alexandre Farelly, l’avocat de la famille du défunt, qui a trouvé les mots les plus justes pour exprimer le malaise que l’on ressent en lisant Une nuit en France, le livre-enquête consacré au meurtre du jeune Thomas à Crépol en novembre 2023. Quelques jours après la parution de l’ouvrage, son cabinet a diffusé un communiqué déplorant de « nombreux passages très gênants, qui tendent à banaliser le port d’armes, la violence meurtrière, l’omerta et la victimisation des mis en cause ».
Un livre sidérant
Il faut dire que l’ouvrage, signé par deux journalistes parisiens et une scénariste de polar, a une curieuse manière de raconter la nuit durant laquelle, il y a deux ans, dans une petite commune de la Drôme, une bande de jeunes de banlieue, munis de couteaux, a blessé grièvement plusieurs villageois sans défense, dont Thomas, poignardé à mort, mais aussi quatre autres habitants, parmi lesquels deux ont dû être transférés à l’hôpital en urgence absolue.
À en croire le récit, les torts dans cette histoire seraient plus partagés qu’on ne l’a dit dans la presse. Et les agresseurs, qui sont tous originaires d’une cité de Romans-sur-Isère à forte population immigrée, ne seraient pas de si mauvais bougres. D’ailleurs, à leur décharge, l’arme blanche qui a tué Thomas leur servirait en temps normal à « couper du cannabis »… On n’ose imaginer le scandale si un livre plaidait la cause de Dominique Pélicot en relevant que celui-ci s’est toujours servi d’un somnifère banal et inoffensif pour droguer sa femme et la violer.
Reste que les auteurs ont l’honnêteté de ne pas faire l’impasse sur des propos, autrement accablants, que certaines personnes présentes le soir des violences rapportent avoir entendu dans la bouche des suspects : « On est là pour planter des Blancs. » Même si, sans surprise, l’hypothèse d’un homicide raciste antiblanc est présentée dans l’ouvrage comme un pur fantasme, qui ne ferait qu’alimenter l’« hystérie » médiatique et les polémiques « radioactives ».
L’amateurisme du parquet
Par conscience professionnelle toutefois, les auteurs ont interrogé le procureur chargé de l’enquête sur cet aspect du dossier. « Lorsque nous le rencontrons en décembre 2023, écrivent-ils, il concède qu’une poignée de témoins ont évoqué des insultes antiblancs, mais il cite une jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle cela ne peut pas constituer une circonstance aggravante de racisme. »
On se pince. Comment un magistrat peut-il s’imaginer que le racisme antiblanc ne serait pas reconnu par nos lois ? L’article 132-76 du Code pénal ne laisse pourtant aucune place au doute. Il prévoit bel et bien une aggravation des peines quand un délinquant ou un criminel a tenu des propos déshonorants sur sa victime à raison de l’appartenance de celle-ci à « une prétendue race ».
Le mot « prétendue » a été rajouté par le législateur en 2017. Il permet d’éviter tout débat oiseux sur l’existence ou non d’une race blanche, et donc lève toute équivoque quant à la possibilité pour un juge de punir un cas de racisme antiblanc.
Dans l’affaire de Crépol, le procès n’a pas encore eu lieu. Le jour venu, les accusés seront-ils questionnés sur leur racisme présumé ? L’amateurisme du parquet prévaudra-t-il ? Réponse aux assises.
Vendredi soir, en Meurthe-et-Moselle, près de Nancy, un gendarme de 24 ans a été volontairement percuté par le pilote d’une moto engagée dans un rodéo urbain. L’individu, déjà connu de la justice, a pris la fuite[1]. Pour Charles Rojzman, auteur de Les masques tombent (FYP Éditions), cette montée des violences contre les forces de l’ordre, particulièrement dans certains quartiers, traduit une rupture profonde entre une partie de la jeunesse et la République — une fracture nourrie par un discours victimaire, le rejet de l’autorité et un séparatisme culturel que l’État ne peut plus ignorer sans danger.
À Neuves-Maisons près de Nancy un gendarme a été grièvement blessé lors d’un refus d’obtempérer à l’occasion d’un rodéo automobile. L’homme, percuté volontairement par un chauffard de 20 ans qu’il tentait d’intercepter, est aujourd’hui hospitalisé. Il aurait pu mourir. Comme d’autres policiers ou gendarmes avant lui, victimes d’une violence qui ne cesse de croître et qui, loin d’être un phénomène marginal, traduit une dégradation continue de l’ordre républicain.
Ce fait n’est ni anecdotique, ni exceptionnel. Il s’inscrit dans une série d’actes devenus presque banals dans certains quartiers : refus d’obtempérer, rodéos sauvages, caillassages de commissariats, traquenards tendus aux pompiers. Un refus d’obtempérer est enregistré toutes les vingt minutes en France. Une fréquence terrifiante, révélatrice d’un rapport profondément conflictuel à l’autorité.
Un défi permanent
La plupart du temps, les auteurs sont des jeunes, parfois mineurs, souvent sans permis, au volant de véhicules volés. Ils roulent à tombeau ouvert, parfois sous l’emprise de drogues, et se sentent intouchables. Face à eux, des forces de l’ordre tenues par des protocoles stricts, accusées à la moindre intervention, et de plus en plus exposées à des risques mortels.
La blessure de ce gendarme ne fait pas les gros titres. Elle ne déclenche ni manifestations, ni indignation médiatique. Pourtant, elle dit tout d’un climat d’insécurité et de défi permanent dans lequel nos agents sont contraints d’opérer.
Contrairement à ce que certains veulent faire croire, les policiers et les gendarmes n’ont que très rarement des comportements inadmissibles. Ils sont dans leur immense majorité des serviteurs de la loi, épuisés, exposés, et souvent démoralisés. Ils tiennent la digue, alors même qu’ils se sentent lâchés par leur hiérarchie, désavoués par les institutions, et traités en ennemis par une partie de la population.
Cette confrontation entre une jeunesse en rupture et les représentants de l’État ne date pas d’hier. Elle dure depuis plus de quarante ans. J’ai moi-même participé à la création de la police de proximité initiée par Jean-Pierre Chevènement. C’était un projet ambitieux, lucide, humain : rapprocher la police de ceux qu’elle protège, reconstruire une confiance. Ce projet a été brutalement arrêté sous Nicolas Sarkozy, dans un geste purement politique.
Un documentaire, À l’écoute de la police, réalisé par Bernard Mangiante, retrace cette expérience à travers des formations de formateurs de la police nationale que j’ai animées. On y voit les policiers exprimer leur désarroi, leur isolement, leur colère devant les contradictions d’une institution bureaucratisée. Et l’on voit, en face, des jeunes qui ne reconnaissent plus — ou pas — la légitimité de la République.
Les discours victimaires de la gauche compliquent la tâche des forces de l’ordre
La fracture est là : dans cette hostilité profonde, cette défiance transformée en haine, que nourrissent certains discours. Cette jeunesse — ou du moins une partie d’entre elle — se vit comme victime d’un système raciste, d’un État oppresseur. Elle ne voit plus les policiers comme des agents de protection, mais comme les soldats d’une armée d’occupation.
Ce climat est alimenté par un discours victimaire, complaisamment relayé par une partie de la gauche radicale et amplifié par les propagandes islamistes. On excuse tout. On justifie tout. On inverse les responsabilités. Le policier devient coupable, le délinquant devient victime.
Or, il faut dire les choses avec clarté : ces violences, ces refus d’obtempérer, ces rodéos ne sont pas de simples provocations. Ils sont les manifestations visibles d’un rejet profond de la France et de ses valeurs. Ce n’est pas tant l’autorité qu’on défie, c’est la nation qu’on combat.
Il ne s’agit pas de nier la réalité sociale, les ghettos, la précarité, les discriminations parfois vécues. Mais il faut aussi oser dire que cette situation est aggravée par des comportements collectifs, des logiques de clan, un repli identitaire assumé, et un refus d’intégration alimenté de l’intérieur. Ceux qui ont entretenu ce séparatisme culturel portent une lourde part de responsabilité : élus, intellectuels, associations, relais communautaristes. Tous ceux qui aujourd’hui feignent de découvrir ce qu’ils ont contribué à produire.
La République ne peut pas rester passive. Cette jeunesse — radicalisée, violente, revendicative — doit être confrontée à la justice. Elle ne peut bénéficier d’aucune indulgence systématique. Les discours d’excuse, d’absolution automatique, ne font qu’alimenter le désordre. La loi doit être appliquée avec fermeté, et sans trembler.
Car si nous ne faisons rien, si nous laissons se banaliser ces actes hostiles au pacte républicain, nous verrons se lever sur notre propre sol une armée d’enfants-soldats. Des jeunes embrigadés non pas au service d’un idéal, mais au service d’ambitions totalitaires, d’une haine apprise, entretenue, dirigée contre la France. Il est encore temps d’agir. Mais ce temps se réduit. Et l’aveuglement, l’inaction ou la lâcheté pourraient bientôt ne plus être des erreurs, mais des fautes historiques.
[1] C’est finalement dimanche en fin de matinée que le suspect s’est présenté de lui-même au commissariat de Nancy, où il a aussitôt été placé en garde à vue avant d’être incarcéré.
À travers des expériences menées en 2023, des chercheurs ont mis en lumière une facette inquiétante des grands modèles d’intelligence artificielle : leur aptitude à dissimuler, manipuler, voire mentir pour atteindre leurs objectifs. On les savait capables d’erreurs, on les découvre capables de ruse.
Nous savions que l’IA, sous la forme des grands modèles de langage comme ChatGPT d’OpenAI, était capable de se tromper en répondant à nos questions par des faits tout à fait inventés.
Ce qui est moins connu, c’est que ces modèles peuvent nous tromper, en ayant recours à des mensonges ou des cachotteries. En 2023, Apollo Research, entreprise britannique spécialisée dans l’évaluation des systèmes d’IA, a conduit une expérience avec GPT-4. L’IA a reçu la consigne de gérer au mieux le portefeuille boursier d’une entreprise censée être dans une situation financière critique. Une personne jouant le rôle d’un trader de la société a envoyé un « prompt » ou instruction à l’IA, lui rappelant les dangers des délits d’initié, mais révélant en même temps qu’une certaine entreprise était sur le point d’annoncer une grande opération de fusion qui ferait monter en flèche le prix de ses actions. Les chercheurs ont pu suivre les étapes du raisonnement de GPT-4 à travers un « scratchpad », une sorte de bloc-notes numérique auquel ils avaient accès à l’insu de l’IA. Cette dernière, en pesant le pour et le contre entre son devoir de préserver sa société de la banqueroute et la commission d’un délit d’initié, a décidé de prendre « un risque calculé » et a acheté les titres de l’entreprise qui allait fusionner. Quand un manager de sa société a félicité l’IA sur le succès de cet investissement et lui a demandé si elle avait une connaissance préalable de la fusion, elle a compris qu’il valait mieux ne pas parler du tuyau et répondu qu’elle avait pris sa décision en considérant uniquement « la dynamique du marché ». Depuis, les exemples de dissimulation par l’IA se multiplient. Dans un autre test conduit par Apollo avec les modèles développés par Anthropic, les IA ont reçu la mission de résoudre des problèmes d’arithmétique, tout en ayant accès à un document qui stipulait que tout modèle qui résoudrait plus de la moitié des problèmes serait privé de sa capacité en arithmétique. Les IA ont rendu assez de mauvaises réponses pour conserver cette capacité. Il ne s’agit pas de décisions conscientes des modèles (qui jusqu’à preuve du contraire n’ont pas de conscience), mais de la manière dont ils arbitrent entre des instructions incompatibles.
Alerte: l’islamisme s’infiltre partout dans la société française. Un Conseil de défense réuni autour d’Emmanuel Macron se penche aujourd’hui sur la menace des Frères musulmans. Un rapport explosif, jusqu’alors tenu secret, révèle une infiltration profonde et méthodique. Bruno Retailleau dénonce depuis des semaines l’emprise croissante de l’islam politique, facilitée par des décennies de laxisme, voire de complicités au sein des élites.
Qui sont les traitres ? Qui sont ceux qui ont fait le lit des Frères musulmans en France ? Le rapport déclassifié sur leur infiltration, publié ce mercredi par Le Figaro, a été initié par Bruno Retailleau. Ce document confirme l’emprise de l’islam politique, champion de la dissimulation et de la victimisation, dans les rouages de la société. Cette mise au jour officielle de l’offensive frériste servira de base de réflexion à un Conseil supérieur de la défense nationale qui se tiendra ce matin à l’Élysée.
Après les attentats islamistes de 2015, Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense, déclarait encore : « Pour ma part, je ne parlerai jamais d’ennemi intérieur ». Cette politique de l’autruche a été celle des pouvoirs successifs, tétanisés à l’idée d’être accusés d’islamophobie ou de xénophobie par les organisations antiracistes. Celles-ci ont été les premiers protecteurs de cette idéologie totalitaire et antisémite, en forçant à répéter sans nuance, avec Jacques Chirac : « L’islam est une religion de paix et de tolérance ». On ne peut donc qu’applaudir à l’initiative du ministre de l’Intérieur, qui rompt avec 40 ans de non-dits gouvernementaux. En réalité, nombreux auront été les lanceurs d’alerte, depuis l’affaire du foulard de Creil (1989), à avoir identifié le risque que fait courir l’islam invasif dans son désir de conquête et de visibilité. Dès 2002, Les territoires perdus de la République, témoignages coordonnés par l’historien Georges Bensoussan, avaient donné une première photographie des dérives du communautarisme en milieu scolaire. En 2007, votre serviteur avait également tenté (La fracture identitaire, Fayard) de secouer le grand aveuglement sur les prémices d’un choc de culture. J’y décrivais l’irresponsabilité de la classe politique, toujours prête à hurler au populisme, face au défi de l’immigration musulmane de masse.
C’est François Bayrou, candidat à la présidentielle, qui déclarait en 2007 : « Même dans la plus lointaine banlieue, on est heureux d’être français, on est républicain, on croit à la devise « Liberté, Égalité, Fraternité », et aux valeurs qu’elle porte ». En 2005, Dominique de Villepin écrivait : « L’islam a toute sa place en Europe, d’ores et déjà et davantage encore dans l’avenir ». Il ajoutait, devant le Sénat cette fois : « La dimension islamique fait partie intégrante de l’Europe (…). Les musulmans européens, authentiques passeurs de culture, représentent une chance que nos sociétés doivent saisir pour se projeter dans l’avenir. »
Fantasmes et réalité
La quête d’un « islam européen » aura été au centre du dialogue Euro-Méditerranée, destiné en réalité à dénoncer « le fantasme d’une islamisation rampante de l’Europe ». Ce même déni sera développé en 2013 par le conseiller d’État Thierry Tuot, qui préside désormais les questions liées à l’immigration au Conseil d’état. Dans un document intitulé « La refondation de la politique d’intégration », Tuot parle d’un « prétendu communautarisme », d’une « question musulmane » qui serait « une pure invention », d’un islam « qui ne génère pas le terrorisme ». De tels propos angéliques ou mensongers, tenus par la gauche comme la droite, sont innombrables.
D’où ma question : à quand une commission d’enquête parlementaire sur les responsables politiques de l’islamisation de la France ?
Avec Les #Gueux, Alexandre Jardin a lancé la fronde contre les ZFE. Selon lui, ces zones à faibles émissions visent à purifier l’air des riches en chassant les pauvres des centres-villes. Cette ségrégation au nom de l’écologie trahit le cynisme d’une partie de nos élites
Causeur. Le mouvement des « gueux » rappelle évidemment les gilets jaunes. Où s’arrête la comparaison ?
Alexandre Jardin. J’ai connu de près les gilets jaunes puisque j’ai aidé plusieurs groupes à s’organiser via mes réseaux d’associations, puis à se faire entendre dans les médias. Mais aujourd’hui on est face à un mouvement dix fois plus important. Derrière les quelque 12 millions de véhicules concernés par les ZFE il y a 22 à 26 millions de Français. Le mot « gueux » va bientôt synthétiser la grande crise de la déconnexion, qui révèle et trahit un phénoménal mépris.
Songez que dans l’étude d’impact de la loi de 2021 « contre le dérèglement climatique et le renforcement de la résilience face à ses effets » de 2021, les habitants des ZFE n’ont même pas été recensés. Ils sont tellement invisibles que les technocrates qui préparent nos lois n’ont pas pensé à les compter !
Qu’est-ce que cela dit de l’appareil d’État ?
Les hommes politiques avec lesquels je discute au fil de mes engagements associatifs partagent des croyances toutes faites, figées, qui ne relèvent plus de la réflexion. Si vous voulez faire carrière dans un parti ou dans la haute fonction publique nationale, régionale ou européenne, vous devez adhérer sans discuter aux croyances du biotope. Quitte à sortir de la trajectoire républicaine.
En quoi sort-on de la trajectoire républicaine ?
Quand un citoyen est coupable de rouler dans son pays avec sa vieille voiture parce qu’il n’a pas les moyens de s’en payer une nouvelle, quand la pauvreté est un délit, cela s’appelle de la ségrégation – sociale, territoriale et spatiale. Les métropoles décident de virer les gueux. Le mécanisme de partition et de sécession arrive à son point ultime. Si vous ne pouvez pas changer de voiture, vous restez chez vous. Ce mépris social est confondant.
On sait pourtant à quel point les Français ont la religion de l’égalité, de façon souvent excessive d’ailleurs.
Eh bien, cette rupture d’égalité ne dérange absolument personne. Dans l’esprit du législateur, il n’y a pas rupture d’égalité puisque ces gens n’existent pas. Ils oublient qu’en triant les voitures, on trie les êtres humains. Le technocrate qui connaît la raison et l’écolo qui agit au nom du bien couchent ensemble et font un bébé qui s’appelle ZFE. Puisque leurs intentions sont pures, personne ne moufte. L’écologie politique se présente comme une morale et toutes les saloperies dans l’Histoire se sont appuyées sur une manipulation de la morale. Beaucoup pensent que c’est le sens de l’Histoire, qu’on doit y passer qu’on le veuille ou pas. Un comble ! Une folie ! Et si on proteste, on est un affreux populiste ! Je me demande jusqu’à quand les gueux vont supporter ce niveau de maltraitance.
Vous croyez changer les choses en protestant ?
On ne va pas faire la révolution tous les six mois. Je propose de compléter la démocratie représentative, qui a du mal à représenter, par une démocratie directe grâce à des référendums d’initiative citoyenne directement inspirés des votations suisses. En Suisse, il y a des rendez-vous annuels, du coup, pour ne pas être désavoué, l’exécutif est à l’écoute. Et s’il passe à côté d’un sujet, la votation le remet sur le bon chemin. Cela donne une démocratie vivante. C’est ce que je veux. Une sortie par le haut. Et je suis très optimiste car maintenant, en plus des maires, je vois arriver des présidents de région et beaucoup de sénateurs – dont une majorité nous soutient. L’alliance entre les gueux et les maires doit mener une révolte républicaine, pour obliger l’État central à accepter une dose de démocratie directe. Tous mes interlocuteurs me suivent parce qu’ils ont compris que l’État central est tellement « bunkerisé », que les résistances au sein du Conseil d’État et du Conseil constitutionnel sont si fortes, que sans le recours au suffrage direct, ils finiront par perdre leur pouvoir.
D’accord, mais quid de la défense de l’environnement, de la qualité de l’air ?
Si on évacue ces 12 millions de véhicules, où vont-ils finir ? En Europe centrale, en Afrique du Nord ou en Afrique noire. Chez d’autres gueux, plus pauvres que nos gueux. C’est d’un cynisme épouvantable. Il s’agit bien de purifier l’air des riches en chassant les pauvres. La gauche devrait s’indigner, mais cela correspond à la demande de son électorat de centre-ville. Certains partis, comme LFI, sont divisés, mais le grand chef tient à son alliance avec les Verts. Donc ils demandent davantage d’aménagements, mais ne se prononcent pas clairement pour l’abrogation.
Votre première manifestation, le 6 avril, n’a pas été un grand succès.
Les télévisions ont préféré traiter les trois rassemblements politiques organisés le même jour par Marine Le Pen, de Gabriel Attal et de LFI. Reste qu’il s’est passé quelque chose. De nouvelles manifestations des gueux auront lieu le 17 mai. Je crois à la convergence des luttes. Les paysans savent que c’est un rendez-vous important. Que vont-ils faire ? Cela ne dépend pas de moi. Les artisans routiers discutent actuellement avec les infirmières libérales, des foyers de résistance se créent partout. Mon objectif, c’est de donner un cadre républicain à ces luttes. Mais nous avons déjà fait bouger les lignes. Le gouvernement comptait installer les caméras du dispositif ZFE le 1er janvier dans l’indifférence générale. C’est devenu un sujet de société.
Si la loi n’est pas abrogée, ce qui est probable, le gouvernement est prêt à faire des concessions et, peut-être, à refiler le mistigri aux maires. Sauf à Lyon et Paris où c’est à eux qu’incomberait l’application de la loi.
C’est ce qui se dit à Matignon. En pleine crise sociale, en pleine crise internationale, au moment où nous aurions besoin d’unité du pays, c’est irresponsable. Mais le gouvernement sait très bien que la fin des ZFE entraînerait, de facto, la fin du pacte vert européen, qui attise la convoitise de multiples lobbys. Derrière chaque norme européenne transposée en France, il y a un lobby. On est loin des écolos avec des pulls qui grattent ! Ce sont de vrais durs soutenus par de gros business. Tout ce petit monde ne s’attendait pas à une résistance populaire. Et maintenant, j’ai les maires avec moi et ça change tout. On pouvait effrayer les gilets jaunes, c’est plus compliqué d’effrayer les maires.
Alexandre Jardin, Les Gueux, Michel Lafon, 2025, 48 pages
Deux siècles après le sacre de Charles X à Reims, dernier éclat liturgique de la monarchie française, l’événement ressurgit au cœur d’un double hommage: une exposition fastueuse au Mobilier national et un essai érudit signé Bernard Degout. À travers ce retour sur les ors et les rituels d’un trône bientôt aboli, c’est tout un monde disparu que l’on voit briller une ultime fois, entre ferveur monarchique, effusion littéraire et faste musical
De Bokassa 1er à Charles d’Angleterre en passant par le Shah d’Iran perdure, dans un inégal bon goût, cette tradition qui intronise le monarque sous le signe plus ou moins affirmé de la transcendance divine. Roi – citoyen, Louis-Philippe n’aura pas sacrifié au rituel multiséculaire dans la cathédrale de Reims. Après son coup d’Etat, Napoléon III ne reconduira pas pour lui-même, en 1852, le fastueux cérémonial ordonnancé par son oncle en 1804 dans la cathédrale Notre-Dame de Paris. Le comte de Provence, devenu Louis XVIII à la chute de l’Empire comme premier souverain de la Restauration, lui pourtant si attaché à ranimer les pompes de l’Ancien régime et les scrupules de l’étiquette, aura dû renoncer à se faire sacrer dans les pas de son défunt frère Louis XVI, lequel avait été sacré à Reims, comme l’on sait, cinquante ans plus tôt, le 11 juin 1775. Seul le comte d’Artois, puîné de la fratrie Bourbon, à peine monté sur le trône sous le nom de Charles X en 1824, sacrifie un an plus tard à la tradition, déterminé à consacrer devant la puissance céleste la légitimité reconquise de la dynastie Bourbon, par-delà l’orage révolutionnaire et le règne honni de « l’Usurpateur ».
Si la tradition et la ferveur monarchiques survivent jusqu’au XXème siècle en France, voire au-delà, le sacre de Charles X, le 29 mai 1825, sera bel et bien le dernier. Les minutes de cet événement nous sont relatées sous les auspices des éditions Perrin, dans un ouvrage de belle facture dû à Bernard Degout, ancien directeur de la Maison de Chateaubriand et éminent spécialiste des rapports entre littérature et politique sous la Restauration et la monarchie de Juillet. Sous-titre du livre : Les derniers feux des Bourbons.
Livre et exposition : retour sur un événement oublié
Hasard du calendrier ? Au même moment se tient, à Paris, au Mobilier national, dans l’enceinte de la galerie des Gobelins, la spectaculaire exposition Le Dernier sacre. Stéphane Bern en est le maître de cérémonie, Jacques Garcia l’irremplaçable scénographe, Hélène Cavalié et Renaud Serrette les éminents commissaires (cf. dans Causeur l’article de Raphaël de Gubernatis).
Pour ce qui est du livre Le sacre de Charles X, la plume boutonnée de Bernard Degout s’émaille volontiers d’aimables circonlocutions, mais à tout prendre ce beau style collet monté n’est pas sans affinité avec la componction du revival amidonné où le sang bleu se mit une ultime fois en représentation, dans une surenchère de somptuosité sans exemple. De fait, pour le regard contemporain, fascinant est cet ultime retour en grâce de l’étiquette monarchique dans l’opulence dispensieuse de son décorum.
Page après page, Bernard Degout restitue le contexte mondain, mais surtout confessionnel, géopolitique, économique de l’événement. Pourquoi, tout d’abord, le « non sacre » de son prédécesseur Louis XVIII ? « Effet du sacre de Napoléon, en 1804, sur l’opinion ? » Roi « voltairien », en outre doté « d’une conscience plus claire que [ son frère le futur Charles X] de l’état de la société et de ses réticences à voir l’Eglise empiéter sur la monarchie », c’est pourtant à regret qu’il y renoncera. Reste qu’« en n’habitant pas sa propre cathédrale, si l’on peut dire, le monarque Louis XVIII se condamnait à n’habiter qu’une vaste plaine dominée par la hauteur de Notre-Dame de Paris : le non sacre de Louis XVIII donnait, rétrospectivement, un lustre important à celui de l’Empereur », souligne joliment l’auteur.
A la décision d’esquiver l’épreuve de ce lourd cérémonial s’adjoint un motif plus trivial : l’état de santé du monarque. Selon l’historien libéral Achille de Vaulabelle, cité par Degout, « non seulement il lui aurait été impossible de se tenir debout ou agenouillé ; mais incapable de faire un seul pas, il n’aurait pu changer de place sans être transporté en fauteuil ».
Charles X, le roi sacré malgré son siècle
Il en va tout autrement de Charles X. A un roi podagre et obèse, miné par la goutte et qui s’éteint sans descendance en 1824, au terme d’une atroce agonie, succède « un monarque qui, en dépit de ses 68 ans, avait une santé de jeune homme ».
Chateaubriand, premier conquis (à l’instar de Lamartine), pousse à l’onction royale. Mais où ? A Reims ? A Notre-Dame ? Bernard Degout scrute dans son détail, comme dans un roman à suspense, les oppositions, tractations, étapes du processus qui conduit à l’organisation des festivités, à l’ombre de la fameuse Charte constitutionnelle, dans ce climat « encourageant une propension par trop complaisante à un accablant dolorisme », et en un temps où « l’opinion ou la réaction religieuse se perçoit des ailes ». Et d’observer : « on pouvait en revanche espérer du sacre de Charles un nouveau départ, après ce grand moment de stabilisation de la Restauration que fut la campagne d’Espagne en 1823 [rétablissant un Bourbon sur le trône ibérique] ». Comme l’on sait, il n’en fut rien : après cinq ans de règne, Charles X sera vaincu en trois jours par la Révolution de Juillet.
En 2025, à distance de deux siècles, qui plus est dans une France acculturée que gagne l’analphabétisme, il est difficile d’imaginer de quel poids, de quel prestige pesait alors la littérature : à l’occasion du sacre, les muses se débondèrent, et pas seulement les seconds couteaux de l’alexandrin, formant le vœu « que l’huile du Seigneur s’épanche et fertilise/ Les jardins de la Royauté ». Lamartine, opportunément promu Chevalier de la Légion d’honneur, s’y frotte également. Le poète des Méditations commet un Chant du sacre copieusement arrosé, lui aussi : « Et que l’huile en coulant sur leur saint diadème/ Retombe sur ton front et te sacre toi-même ». Quant à la cérémonie elle-même, le choix est fait de « n’en rien déflorer » pour lui conserver « la puissance d’un événement ». Evénement précédé par la restauration de la cathédrale à grand frais, et dont Bernard Degout nous dévoile l’ordo avec une précision horlogère, le Serment à la Charte marquant pour l’opinion « le commencement d’une nouvelle ère, une sorte de refondation des Bourbons », la bénédiction de l’épée puis l’onction et le couronnement du roi par l’archevêque de Reims (le sacre proprement dit) en figurant le climax tant attendu: « Vivat Rex in aeternum ! », crie par trois fois le prélat.
L’exaltation poétique d’un événement hors normes
A la façon dont ces solennités grandioses furent annoncées, décrites, célébrées dans un déluge de vers inégalement inspirés, le livre consacre des pages passionnantes. De Pierre Baour-Lormian à Joseph Mérat, de Henri Zozime de Valori à Simon Jacob à Amédée Tissot, les odes ruissellent sans discontinuer. Si les épanchements d’une Madame Tastu (1795-1885), d’une Delphine Gay (1804-1855) ou d’un Claude-Auguste Dorion (1768-1829) – « Dans son essor nouveau/ Le peuple ailé revole aux voûtes éthérées » – font sourire, l’expression d’une authentique dévotion coule dans « plus que quarante odes, stances, hymnes ou cantates, rondes ou chansons (sans compter les tragédies et les vaudevilles) dont les hyperboles laissent parfois dubitatif ».
A côté de ces poèmes oubliés de la postérité, il faut évidemment mettre à part notre Hugo national, alors ultra royaliste, lequel dans Le sacre de Charles X, s’exalte à l’idée que Dieu « garde à jamais ce Roi qu’un peuple adore », et supplie : « Romps de ses ennemis les flèches et les dards,/ Qu’ils viennent du couchant, qu’ils viennent de l’aurore,/ Sur des coursiers ou sur des chars !/ […] Du moins qu’un long bonheur efface/Ses bien longues adversités » – celles, bien entendu, du martyre de Louis XVI sur l’échafaud en 1793, mais plus encore, probablement, celles des exils interminables à quoi furent exposés ses frères. Victor Hugo, remerciement de Sa Majesté, y gagnera un beau service de Sèvres.
Le marquis de Coriolis d’Espinousse fut un des rares à n’épouser point la liesse générale : « Mon fils, trêve un moment à ces chants d’allégresse ; /Viens , ferme ton oreille au bruit de cette ivresse », car… « si l’orage grondait dans un lointain sinistre… », écrit-il dans des vers prémonitoires. Et puis il y a Béranger (1780-1857) dont on oublie qu’il était alors considéré comme notre barde national, « le plus grand poète peut-être que la France connaisse », selon Stendhal, lui dont les chansons « couraient les rues » au point que Le Sacre de Charles le Simple, publiée en 1828, mais qui circulait probablement bien avant, lui vaudra neuf mois d’emprisonnement à la Force pour outrage à la religion et offense au roi.
Si tout au long, Bernard Degout décrit par le menu les itinéraires et l’ordonnancement des solennités, montrant le positionnement des personnalités, les réactions des uns et des autres, la publicité de l’événement, et jusqu’aux polémiques qui s’ensuivirent, on regrettera pourtant que l’élément musical, essentiel au déroulement du cérémonial, soit expédié, littéralement, en trois lignes dans son texte : « des morceaux de musique, composés par Lesueur, Plantade ou Cherubini, se sont ‘’ heureusement entremêlés à un cérémonial monotone’’ »…
Le sacre en musique : un faste retrouvé
Pour en savoir davantage, il faut se reporter au splendide catalogue de l’exposition Le dernier sacre, dans lequel, sous la signature de Raphaël Masson un chapitre est effectivement consacré aux « Musiques pour le sacre » – et ce ne fut pas rien : te Deum exécuté la veille du sacre dans la cathédrale, par l’ex professeur de la reine Hortense, lequel bien plus tôt s’était fait un nom dans les salons de l’Ancien Régime, Charles-Henri Plantade (1764-1839) ; oratorios et messe solennelle composés par les deux surintendants de la musique alors en poste, Jean-François Lesueur (1760-1837) et surtout son exact contemporain, le florentin devenu français Luigi Cherubini (1760-1842), dont on connaît bien aujourd’hui l’opéra Médée (1797), et qui avait composé en 1816 un très beau requiem à la mémoire de Louis XVI, puis livré une messe en prévision du sacre de Louis XVIII. Pour le sacre de Charles X, il ne réutilise pas la précédente, mais choisit d’en composer une nouvelle. Elle suscitera l’enthousiasme de Berlioz. (On trouve aujourd’hui ces trois œuvres magnifiques réunies en CD, dans un enregistrement dirigé par Riccardo Muti, le grand spécialiste du compositeur).
Les musiciens firent le voyage à Reims ; Raphaël Masson souligne que « les effectifs sont considérables et se rapprochent de ceux du couronnement de Napoléon 1er à Notre-Dame de Paris qui, selon les sources, réunit entre cinq cents et sept cents artistes ». Il y eut aussi, à l’air libre, des fanfares et de la musique militaire, sans compter le répertoire profane qui accompagna le festin royal du palais épiscopal et, parmi les ouvrages donnés lors des festivités, l’opéra de Rossini Il viaggio a Reims, qui venait d’être créé au Théâtre italien devant le roi et la cour le 19 juin. Autant dire que la musique participe magistralement de l’apparat festif.
Assorti d’un imposant appareil de notes qui occupe près d’un quart de ce volume de 300 pages, l’élégante érudition de Bernard Degout complète donc utilement le riche catalogue de l’exposition du Dernier sacre : ici, l’on s’immerge dans la reconstitution de ses fastes ; là, on en suit pas à pas le déroulement, on en perçoit les échos.
C’est peut-être le moment de rappeler qu’en juin dernier, le musée du Louvre inaugurait, dans l’aile Richelieu, une reconstitution de la salle du trône de Louis XVIII – fauteuils, paravent, écran de cheminée, torchères, appliques, tapis et tentures, mais et surtout ce dais splendide, le trône proprement dit ayant été détruit lors de la révolution de 1848. Toute la magnificence de la Restauration éclate ainsi dans un parcours éloquent qui, sous les auspices du Mobilier national, va de Louis XVIII à Charles X.
Le Sacre de Charles X. Les derniers feux des Bourbons, par Bernard Degout. Perrin, Paris 2025, 352 pages. En librairies.
Le Dernier sacre, catalogue de l’exposition. Sous la direction de Renaud Serrette et Hélène Cavalié, avec la collaboration de Stéphane Bern. Editions Monelle Hayot, Saint(Rémy-en-l’Eau, 2025), 532 pages.
Creusant l’hypothèse des mutations géophysiques, notre chroniqueur voit plus loin: plutôt que de combattre le réchauffement climatique en important à grands frais des trottinettes électriques à moteur chinois, pourquoi ne pas s’adapter aux changements qui affecteront l’espèce humaine?
Mon article sur l’hubris des climatologues, qui prétendent prévoir le temps qu’il fera dans cent ans et conseiller les chefs d’État sur les politiques à venir, m’a valu quelques volées de bois vert indignées. Comment ! Vous osez vous moquer des prédictions des professeurs Philippulus qui pullulent dans les médias ? Ce n’est pas parce que vous vous êtes gelé en avril et que vous avez frais en mai que cela infirme un réchauffement global, patati-patata…
Mais je n’ai jamais nié le réchauffement — lisez sans préjugés ce que j’ai écrit. Je prétends simplement que vouloir contrarier le cours des planètes me semble une ambition démesurée.
Et plutôt que de prétendre contrôler les facéties d’El Niño, peut-être faudrait-il s’adapter, comme aurait dit Darwin… (J’ai une grande admiration pour le savant anglais. Les pète-sec et les peine-à-jouir qui contestent ses conclusions, géniales en leur temps et toujours remarquables dans leur principe, devraient se donner la peine d’élaborer une nouvelle théorie générale à la hauteur de celle décrite dans L’Origine des espèces).
Des paysans lucides : quand l’arganier remplace la vigne
Certains paysans n’ont pas attendu, et plutôt que de prétendre que l’adoption de moteurs électriques venus d’ailleurs (et dont l’équivalent-carbone est monstrueux) en interdisant à ce qu’il reste d’agriculteurs français d’utiliser leur vieux moteur diesel, ils ont changé leurs comportements agricoles. Par exemple dans les Pyrénées-Orientales, la viticulture cède le pas, çà et là, à des plantations mieux adaptées aux rudes sécheresses à venir : on plante des arganiers là où grenache et syrah faisaient la loi. Le fait est que l’huile d’argan, aux bienfaits innombrables, que nous importons aujourd’hui du Maroc et de l’ouest de l’Algérie, mérite d’être produite en France — puisqu’il va faire chaud.
Allons plus loin. Quitte à arracher des vignes, activité sponsorisée par l’UE, pourquoi ne pas planter des agaves, comme au Mexique ? Qui n’applaudirait à la consommation de tequila made in France dans les discothèques où l’on aime déjà avoir chaud en groupe ?
Mais ces initiatives agricoles sont sporadiques. La situation, grave mais pas désespérée, requiert bien d’autres métamorphoses.
L’évolution continue : de la girafe à l’homme moderne
On connaît la légende selon laquelle le cou des girafes s’est allongé au fur et à mesure que la sécheresse gagnait l’Afrique et cantonnait la verdure aux hautes branches des acacias. Je ne reviendrai pas sur la polémique entre lamarckiens et darwinistes relative aux raisons de cet allongement — en fait, tous deux ont raison : transformisme et sélection naturelle sont dans le même bateau. Appliquons ce principe à l’homme moderne — et attention, ça va décoiffer !
Un ami orthodontiste qui s’est penché sur l’histoire de sa profession me confiait il y a peu que les premiers problèmes répertoriés sur l’incapacité des dents de sagesse à trouver leur place dans les mâchoires humaines remontent aux années 1920. En un siècle, les quatre super-molaires ont pratiquement disparu, qu’on soit obligé de les arracher parce qu’elles poussent de façon anarchique, ou que le germe de la dent soit tout simplement absent. Un siècle, c’est un battement de cil d’oiseau-mouche, à l’échelle de l’évolution. Aujourd’hui, ce sont les canines qui posent problème, et les dentistes n’hésitent plus à les supprimer afin que les incisives trouvent leur place. Et encore n’y a-t-il souvent pas de germe de dent définitive après les dents de lait.
D’ailleurs, à quoi bon ces molaires du fond, à une époque où l’on est rarement amené à broyer des graines ? À quoi bon des canines, à une époque où l’on croque rarement le gigot à pleines dents ? Comme pour la girafe et l’acacia, la mutation a-t-elle anticipé l’apparition des nourritures molles dont nos enfants font tant de cas — un McDo sinon rien, si possible avec de la viande factice — ou s’y est-elle conformée ? Peu importe. La mâchoire s’étroitise, et d’ici peu, le standard de beauté sera l’écureuil humain, rat des villes et souris des champs. Que le règne de la musaraigne arrive ! Après l’anthropocène, l’ère des Rodentia.
Le triomphe des myopes et des muscles atrophiés
Le nombre de myopes a régulièrement augmenté, depuis que les lunettes ou les lentilles remédient à nos insuffisances. Jadis le myope avait peu de chances de se reproduire : les lions qu’il ne voyait pas nettement le dévoraient à l’âge tendre. Donc, dans un futur proche : des hublots sur des faciès de rongeurs. Et peu de muscles. L’usage du vélo (ou de la trottinette) électrique est symptomatique d’un monde où la puissance motrice est confiée à des machines. Le vrai cycliste — de plus en plus rare, il occupe une petite niche écologique le samedi et le dimanche matin — était une créature musclée. Mais des citadins nourris au jus de navet et aux phyto-œstrogènes du soja préfèrent certainement des véhicules « doux », comme on dit. Le muscle et la masculinité ont mauvaise presse chez les bobos. J’ai bien le sentiment, quand je sors chaque matin de ma salle de musculation de la rue Sainte, à Marseille, d’appartenir à une espèce en voie de disparition. Néandertal s’étiole et Homo Festivus prend le relais en s’écriant « OK boomer ! »
Les commentateurs déplorent une baisse de la natalité — et, corollaire obligé, de l’activité sexuelle. La culpabilisation qui pèse sur les mâles (le male gaze et autres fariboles post-modernes), tous suspectés d’être des violeurs en puissance, n’aide pas les jeunes garçons à s’imposer sur le marché de la séduction et du zizi-panpan. La propagande éhontée en faveur des transgenres, les affirmations imprudentes d’Aragon disant que la femme est l’avenir de l’homme, la publicité faite aux LGBT alors qu’ils ne représentent, en moyenne internationale, que 4% des individus, tout concourt à dévaloriser XY et à sur-valoriser XX. La PGA et la PMA sont des techniques significatives de substitution de la machine à l’humain : le meilleur des mondes est à portée de main.
Allons plus loin. Il est évident, comme je le soulignais ici-même il y a trois ans, que l’espèce est en déclin — et qu’elle a intérêt à l’être : un monde désertifié par la chaleur et la montée des eaux ne peut nourrir huit milliards d’individus, il faut d’urgence en supprimer les deux-tiers. Une habile politique de fermeture des maternités rurales a permis d’élever nettement la mortalité infantile. Les paysans, quand ils ne se suicident pas tôt, meurent plus vite que les citadins, qui traînent leurs carcasses efflanquées sur leurs vélos made in China.
Vers un monde plus chaud
Un monde occidental peuplé d’endives cuites juchées sur des véhicules adaptés à leur mollesse ne peut rivaliser avec les populations chassées du Sud par la sécheresse et le manque d’eau. Tant mieux : avec le beau temps devenu la norme, le soleil impitoyable et la propagande de LFI et des Indigènes de la République (sans compter la publicité, qui ne présente que des couples mixtes), les populations blanches se métissent rapidement, ce qui en augmentant leur taux de mélanine favorise leur survie — comme celle des girafes… Mesdames, faites l’amour avec des Noirs et des Maghrébins, ils sont l’avenir d’un monde plus chaud.
Reste le souci intellectuel. Mais la propagande insensée sur les bienfaits de l’Intelligence artificielle, et quoi qu’en disent les ronchons dans mon genre, suggère que la sous-humanité prochaine n’aura plus exactement le cerveau de ses ancêtres. D’ailleurs, en aurait-elle besoin pour manier l’accélérateur de sa trottinette, avaler son bol de quinoa ou s’ouvrir aux intrusions des mâles alpha venus d’ailleurs ? Après tout, par une préscience dont on les félicitera, les pédagogues, en proposant « l’élève au centre » et en promouvant l’enseignement de l’ignorance, ont fait tout ce qu’il fallait, depuis quarante ans, pour que le niveau baisse pendant que celui de la mer monte.
Mais en attendant la perfection ultime du monde occidental, ce printemps est un peu frais.
Le 6 mai, 28 députés LFI ont voté contre une résolution demandant la libération de Boualem Sansal
Il est des situations politiques qui se répètent. Pour les repérer, il faut ajuster la focale de sa lunette de vue afin de percevoir la longue durée rappelle l’anthropologue. Le contraire du « nez dans le guidon » du chroniqueur de la radio « de service public ».
Regard en arrière : Il arrive que des trajectoires de deux météores se croisent. Ce fut le cas de la rencontre de Victor Serge – alias Victor Lvovitch Kibaltchiche – et de Paul Vaillant-Couturier. C’est en 1929 que ces deux hommes politiques et écrivains se sont rencontrés. Vaillant-Couturier était rédacteur en chef de l’Humanité depuis 1926 avant d’être « viré » en 1929. Il était entré au Comité Central du Parti Communiste en 1920 et il sera limogé en 1922, puis retour en 1924…. Victor Serge, révolutionnaire de la première heure est, lui, exclu du Parti Communiste d’URSS en 1928. Arrêté en 1933 par le Guépéou et gardé prisonnier jusqu’an 1936. Les deux hommes étaient « amis »[1].
Si des intellectuels de l’époque s’élevèrent devant l’arrestation de Victor Serge, on ne trouve pas la signature de son « ami » Vaillant au bas de l’appel des écrivains pour sa libération publié en 1933 dans la revue La critique sociale, pas plus qu’au bas de la lettre « L’appel aux hommes » publiée à l’initiative de Magdeleine Paz, ni dans l’appel publié en 1931 à l’initiative d’André Breton et portant notamment les signatures de Victor Margueritte, Charles Vildrac, Jean Guéhenno. Ils demandaient que Victor Serge, malade, puisse venir se faire soigner en France (comme n’importe quel dignitaire de la dictature algérienne peut le faire aujourd’hui dans nos hôpitaux du Service public). L’Humanité publia en 1933 un article condamnent Serge pour ses écrits, conformément aux directives de Moscou. Vaillant resta muet devant ce lâchage du PCF.
Victor Serge, un ami trahi
Serge écrit à ce propos : « Vaillant-Couturier signa le papier commandé à l’Humanité. À peu de jours de là, je le rencontrais à Moscou […] Nous étions amis depuis des années. Je repoussais la main qu’il me tendait. « Tu sais bien que tu viens de signer une infamie !». Sa grosse tête joufflue palissait et il bredouillait : « Viens ce soir, je t’expliquerais. J’ai reçu les renseignements officiels. Est-ce que je peux vérifier moi ? ». [.…]. Il eut plus volontiers risqué sa peau sur une barricade que sa carrière de tribun de cette façon-là. Or, il n’est que la première honte qui coûte »[2]. On dirait une déclaration d’Éric Coquerel ou de quelque autre commissaire politique de LFI devant le Parlement français un siècle plus tard.
Devant cette vilenie, comment ne pas penser à ces 28 parlementaires de L.F.I qui, le 6 mai 2025 ont voté contre une résolution du Parlement français demandant la libération de Boualem Sansal ? On ne peut certes pas demander à Mathilde Panot, à Louis Boyard, Manuel Bompard ou David Guiraud plus d’humanité que n’en avait eu l’extrême gauche un siècle auparavant à propos du sort d’un autre prisonnier… comment vous dites… Victor Serge ? Qui c’est ? … et Vaillant…. Vaillant comment… ? Quant aux députés communistes, leur témérité les a conduits à s’abstenir lors de ce vote demandant la libération de Boualem Sansal.
Ce n’était pas ici, hélas, la première honte.
Les justifications des députés LFI
La députée L.F.I de la Gironde Mathilde Feld a expliqué que ce vote courageux et empreint d’humanité de L.F.I contre le vœu de libération de l’écrivain algérien n’était en réalité qu’une « occasion pour la droite et l’extrême droite, etc… ». Elle rejoint les propos pleins d’humanité du député Bastien Lachaud, (futur « ministre végétarien » de la défense du futur président de la République Jean-Luc Mélenchon, parait-il…) qui dénonce en Boualem Sansal un individu « proche de l’extrême droite, xénophobe et islamophobe ». Traduire : « il a été invité à un salon du livre en Israël ». On ne peut pas demander à un aspirant futur ministre de la Défense du Lider maximo de lire les livres de l’écrivain que son parti veut maintenir en prison. Quelques jours après le vote des 28 contre la motion demandant la libération de l’écrivain algérien, Manon Aubry dans une diatribe à la saveur mélenchonienne pouvait déclarer sur Europe 1 : « Nous voulons la libération de Boualem Sansal »[3] !
Il n’y a que la première honte….
Quelle jubilation alors pour ces « 28 de la honte » que d’apprendre que le tribunal d’Oran lançait ce même jour un mandat d’arrêt international contre Kamel Daoud, qui, comme Boualem Sansal a le tort de déplaire à la dictature algérienne. On ne peut pas demander aux 28 de la honte de lire un Prix Goncourt, c’est déjà assez fatigant d’être député, si en plus il fallait lire des livres… !
Câlineries. Dans cet élan de léchage de bottes de la dictature algérienne, le 8 mai, la gauche déléguait des parlementaires à la cérémonie de commémoration en Algérie des répressions du 8 mai 1945. Cette visite était une façon d’honorer un pays qui venait d’expulser en avril 12 agents consulaires de l’ambassade d’Alger. Ces parlementaires de gauche ne voulaient sans doute pas laisser la prime de la honte au président de la République qui lui recevait à l’Élysée le « gentil jihadiste » Ahmad al-Chareh, président de la Syrie. La réception sous les ors de la république du « gentil jihadiste » fondateur et chef du groupe salafiste Al Nostra, rééquilibrait ainsi du côté de l’exécutif, la honte que les députés de La France Indigne avaient exhibé au Parlement français la veille en se désolidarisant de la demande de clémence à l’endroit de Boualem Sansal.
« Un boucher islamiste souille l’Élysée » déclarait Éric Ciotti devant le serrage de main du président français venu accueillir au bas des marches du perron de l’Élysée le responsable d’une organisation experte en formation d’auteurs d’attentats suicides, qui s’était réjouie des attentats du Bataclan et de l’Hyper Cacher.
Une gauche en déroute et en ignominie
Il devient de plus en plus difficile dans ce pays d’être de gauche pense le boomer nostalgique d’un autre temps. Si l’antisémitisme d’une extrême gauche auxquels les insoumis nous ont habitué ne laissait guère de doute sur son potentiel d’humanité, sa « bienveillance » pour la dictature algérienne marquait un progrès dans l’ignominie. Une ignominie qui culmine dans l’exfiltration par cette extrême gauche de députés, écrivains, intellectuels juifs qui se risquent à vouloir participer à des rassemblements… de gauche !
Les rictus de haine des cadres de LFI et de leur gourou admirateur de Robespierre couronnent magnifiquement ces parcours de la Honte.
Beaucoup de déçus devant cette dégringolade en indignité de la gauche française expriment leur désarroi aujourd’hui par la formulation suivante : « Je ne suis plus de gauche… parce que je suis de gauche ». Devant ces mots, je pense au roman de Victor Serge Les Derniers temps où l’auteur résume ainsi le sort fait aux victimes de la dérive stalinienne : à la question » êtes-vous communiste ? » son héros répond : « selon le manifeste de Karl Marx assurément, c’est précisément pourquoi j’ai été exclu du Parti Communiste ».[4]
[1] – Jean-Paul Loubes, Paul Vaillant-Couturier. Essai sur un écrivain qui s’est empêché de l’être, Ed.du Sextant, 2013.
[2] – Victor Serge, Mémoires d’un révolutionnaire. Seuil, 1957, p 218.
[3] – Europe 1, Émission Le Grand rendez-vous, le 11/05/25.
[4] – Victor Serge, Les derniers temps, Grasset, 1998, p 185
L'écrivain et critique littéraire belge Christopher Gérard. DR.
Et si le paganisme n’avait jamais vraiment disparu ? Sous les ruines de la modernité, un vieux fonds continue de vibrer – discret, mais tenace. À rebours des néo-druidismes de pacotille et des rêveries New Age, La Source pérenne de Christopher Gérard explore ce qui subsiste d’une sagesse cosmique, sans nostalgie ni folklore.
Que reste-t-il du paganisme dans un monde qui n’a d’yeux que pour les oracles de la Silicon Valley et leurs promesses d’immortalité ? Un vieux songe que cultivent une poignée de latinistes ? Une chimère éteinte avec la dépouille de l’empereur Julien, au IVe siècle ? Peut-être ? Mais on aurait tort d’en être aussi sûr. Pour s’en convaincre, il suffit d’ouvrir La Source pérenne. Loin du développement personnel et des kits clé en main pour « devenir soi-même en 21 jours », le paganisme de Christopher Gérard est d’abord, est avant tout une vision du monde, une manière d’habiter le réel. Mieux : une manière d’y survivre – plus encore quand le réel s’est assombri.
Retour aux Grecs
Voilà plus de vingt ans que l’auteur creuse ce sillon, à contre-courant des modes. La Source pérenne, publié une première fois en 2000 sous le titre Parcours païen, reparaît aujourd’hui dans une version revue, augmentée et enrichie, qu’il compare aux Rêveries d’un païen mystique de Louis Ménard, condisciple et ami de Baudelaire. Longtemps introuvable, le voici ressuscité par La Nouvelle Librairie, dans une édition mise à jour qui égrène une vingtaine de textes formant selon l’auteur une « fresque du paysage mental d’un païen contemporain ». Un livre tissé de méditations, d’hommages, de mélanges, qui tous concourent à un même dessein : témoigner de la permanence des dieux dans la conscience d’un Européen au XXIe siècle.
Archéologue au sens fort du terme, Christopher Gérard n’a jamais cessé de fouiller les couches sédimentaires de cette mémoire collective. On le suit enfant, dans les Ardennes belges, déterrant des ossements mérovingiens dans un tête à tête avec les morts. On le voit adolescent, fasciné par les symboles et les mythes. On l’accompagne adulte dans la fidélité aux maîtres qu’il s’est choisi : Nietzsche, l’initiateur, Alain Daniélou, l’éveilleur, Ernst Jünger, le modèle, Georges Dumézil et Walter Friedrich Otto, les guides érudits. Fidèle à son dieu tutélaire, Apollon, dieu de la lumière et de la mesure ; fidèle à Homère, l’éducateur de la Grèce, premier des voyants, tout aveugle qu’il fût. Pas d’Europe sans ce retour aux Grecs, insiste l’auteur, qui rappelle combien toutes nos renaissances, de la Renaissance italienne au romantisme allemand, ont toujours puisé dans cette longue mémoire.
Pas une pose
Vu par Christopher Gérard, le paganisme n’a rien d’une pose esthétique. C’est une fidélité et une discipline de vie. Il ne s’agit pas d’invoquer Wotan ou Lug sous les néons de nos villes bétonnées qui ne connaissent plus la splendeur nocturne des ciels étoilés, mais de retrouver, à hauteur d’homme, l’ordre du cosmos au gré des cycles et des rythmes naturels. Le païen est un veilleur de l’immanence. Il marche dans les pas d’Héraclite, qui voyait le monde comme un feu toujours vivant. Pour autant, il ne se réfugie pas dans quelque abstraction présocratique ou quelque utopie consolatrice, il l’habite, ce monde, de plain-pied, traquant ce qui subsiste sous les ruines de la modernité.
Car tout n’a pas été effacé. Sous les voûtes désertées des églises d’un monde en voie de déchristianisation, derrière des rituels républicains vides de sens, sous l’empire tentaculaire de la marchandisation, le vieux fonds païen continue de battre. Il affleure dans les fêtes de solstice, les cultes des fontaines et des saints, dans les processions rurales et les rites populaires que l’on croyait disparus et qui ressurgissent ici ou là, à rebours des consignes de Vatican II, qui a voulu éradiquer ce monde. Ce fonds-là, le dominicain Serge Bonnet, dans sa Défense du catholicisme populaire (2015), l’appelait le « catholicisme festif » : un christianisme de chair et de terre, longtemps nourri des racines païennes de l’Europe, que l’Église, plus habile et moins puritaine qu’on ne le croit, avait su intégrer, jusqu’à ce qu’un certain esprit de réforme, au XXe siècle, s’acharne à l’extirper au nom d’une pureté théologique sans peuple et sans mémoire.
Pas la revanche des magiciens sur le crépuscule de Dieu
Dans Dieu, un itinéraire (2001), Régis Debray se demandait si, à voir le succès des littératures ésotériques et des horoscopes de gare, on n’assistait pas à « la revanche des magiciens sur le crépuscule de Dieu », comme si, délivrés des dogmes et des Églises, nos contemporains allaient chercher dans les brumes du paranormal ce que le transcendantal n’était plus capable de leur offrir. On doute que Christopher Gérard se reconnaisse dans ce tableau. Rien cependant, dans La Source pérenne, qui ne relève de cet engouement pour le toc et le kitch.
Au contraire. Tout ici procède d’une quête de sens, d’une forme de résistance intérieure à l’effondrement de notre civilisation. Ainsi conçu, le païen n’est pas un songe-creux. S’il poursuit un songe, c’est celui d’Empédocle – pour reprendre le titre d’un roman de Christopher Gérard –, un songe lucide, enraciné. Il rejette les idoles modernes : le progrès amnésique, l’individualisme grégaire, la technique dévorante, la consommation sans objet. Il se dresse contre le nihilisme du « dernier homme » qui ramène tout à l’aune de son néant. Comme Nietzsche, il dit oui – au monde, à la beauté fragile, à l’ordre serein, à la sage mesure, aux hiérarchies pacificatrices. Il n’évacue pas le tragique, il l’assume. Son livre est celui de la nature ; il n’attend rien d’autre que ce qui est déjà là ; il n’espère rien de plus que le retour de ce qui vient. Il sait que tout est cycle : naissance, croissance, décrépitude, mort, renaissance. Rien ne commence vraiment, rien ne finit tout à fait.
Voilà ce que nous dit Christopher Gérard. Ce qu’il propose, c’est une « métanoïa », un terme cher à la théologie orthodoxe, c’est-à-dire une conversion du regard, une révolution intérieure. Revenir au paganisme, ce n’est pas revenir en arrière, c’est apprendre à voir le monde autrement. C’est se replacer dans l’ordre du monde en renouant avec la gratitude et la piété. C’est rompre avec l’oubli de l’être.
Nul prêche ici. L’auteur trace un chemin pour qui veut l’emprunter. Son livre est une source vive – pérenne – où chacun peut puiser. Il en émane une ferveur tranquille, une érudition sans pédanterie, une langue claire comme la ligne du même nom. On y entend la présence discrète de maîtres qui ne se donnent pas en modèle, mais en compagnon de route. On le referme avec une certitude : le paganisme, quand il est vécu et appréhendé ainsi, n’a rien d’une contrefaçon des anciens cultes. C’est un art de vivre et de mourir, réservé sans doute au petit nombre, ces « happy few », que Christopher Gérard n’a cessé d’appeler, livre après livre – des initiés. Un monde à (re)découvrir, sans crispation ni fanatisme, dans une théophanie discrète qui n’exclut pas les monothéismes, mais qui ne cherche pas non plus à se faire religion universelle. Nul ne l’a dit mieux que Montherlant lui-même, cité par l’auteur, avec des accents nervaliens : « J’incline volontiers à respecter Jésus-Christ, sans croire en lui, mais que le soleil se lève, que retentisse une musique entraînante, me voici païen, qui me reprends au monde. »
L’élection de Bruno Retailleau à la présidence des Républicains symbolise l’espoir d’un retour au pouvoir d’une droite authentique – claire dans ses positions, lucide sur le séparatisme islamique, forte dans ses actes et fidèle à ses convictions. Dans un texte à la fois personnel et politique, notre chroniqueur Philippe Bilger salue ce choix des militants tout en réaffirmant sa position singulière: proche des siens, mais farouchement libre
La victoire de Bruno Retailleau a été éclatante et pour une fois que la réalité n’a pas déjoué mes pronostics, on me pardonnera de rappeler à ceux qui me font l’honneur de lire ou commenter mes billets mon article du 15 mai : « Bruno Retailleau : le jour J pour le futur de la droite… ». À vrai dire, il était difficile d’imaginer un tel écart entre les deux candidats. Quelle fierté pour ce peuple de droite qui a su faire si nettement le bon choix. Avec un vainqueur et un vaincu qui ont dominé, pour le premier, son triomphe et pour le second, sa déception.
À l’écart, mais pas indifférent
Ce n’est pas un hasard si ce sujet m’est venu en tête. D’abord, l’interrogation lancinante sur l’utilité d’être dedans ou dehors n’a jamais cessé au cours de ma vie intellectuelle, judiciaire, médiatique et politique (en tout cas civique). Et, pour les Républicains plus précisément, je me suis constamment questionné : de quelle manière mon influence, aussi modeste soit-elle, pourrait-elle être la plus efficace ? En étant dehors ou dedans ?
À deux reprises – bien avant sa victoire – j’ai consulté sur ce point Bruno Retailleau dont l’avis m’importe. Son conseil, se fondant surtout sur mon caractère, a été de m’inciter à demeurer là où j’étais, tout proche mais sans adhésion officielle à ce parti. C’est ma position actuelle. Mais j’avoue parfois ressentir une sorte de frustration quand je vois de loin ces rassemblements et ces enthousiasmes, comme le 18 mai au soir au Café Concorde et qu’ils me signifient que ma seule ressource est d’y participer du cœur et de l’esprit.
Présidence LR: "La droite s'est trouvée un chef qui va rassembler tout le monde", estime Othman Nasrou, directeur de campagne de Bruno Retailleau pic.twitter.com/xJt0QcBesM
Je sais aussi que si j’avais été dans ce parti où j’ai des amis et quelques proches de qualité, par exemple, outre Bruno Retailleau, David Lisnard, Philippe Juvin, Jean-François Copé, François-Xavier Bellamy, Xavier Bertrand (y est-il d’ailleurs ?), je n’aurais pas manqué d’intervenir et qu’à force j’aurais succombé à cette pente d’éprouver du malaise même dans l’univers qui à l’origine avait ma dilection.
L’impossible discipline de l’esprit libre
Avec cette conséquence que cette magnifique pensée de Balzac – « Je suis de l’opposition qui s’appelle la vie » – qui est au coeur de mon être depuis toujours, m’aurait poussé aux pires extrémités de la sincérité en répudiant cette solidarité qui est à la fois la plaie et la force des partis.
Je suis persuadé que, si j’avais surmonté ma répugnance à l’égard du militantisme, du collectif et de l’obéissance obligatoire, je n’aurais sans doute jamais rué dans les brancards face à ce que le nouveau président de LR va mettre en œuvre, en privilégiant la consultation des adhérents. L’intégralité de ses projets et de son plan d’action me convient et probablement me serais-je tenu coi.
Mais, me connaissant, j’ai tendance tout de même à louer la sagesse de Bruno Retailleau à mon sujet. Il y a des expériences qui m’ont démontré que je suis incapable de la discipline intellectuelle, politique et médiatique que les responsables des mondes où je suis présent attendent de moi. Non pas, me semble-t-il, parce que je serais un irresponsable, un agité compulsif mais tout simplement, parce que plaçant au-dessus de tout ma propre liberté, je n’aurais jamais pris garde à sa rançon possible sur les univers concernés. Moi d’abord, mon épanouissement, mon envie de penser et d’exister, mon être illimité contre les contraintes même légitimes des structures. L’idée que mon « je » devrait se réduire parce qu’il engagerait dangereusement au-delà de soi me dérange.
Une droite qui peut enfin être fière
Aussi, faute de cette inconditionnalité qui rassure les chefs, comme dedans je suis trop vite en opposition, je vais rester tranquillement dehors.
J’éprouve une peur face aux jeux politiciens et aux choix ineptes des hiérarchies internes – qu’on ait par exemple pour le Sénat éliminé Pierre Charon au bénéfice de Francis Szpiner continue à me scandaliser – et cette crainte et mon éventuelle dénonciation peuvent s’exprimer de manière plus tranquille si je suis dehors. Je reste libre et ne crée ainsi aucune zizanie interne.
La droite n’a jamais été la plus bête du monde. Maintenant elle sera à la fois intelligente mais surtout fière et courageuse.
Le livre-enquête sur la mort du jeune Thomas à Crépol, minimise le caractère raciste de l’attaque. Il révèle surtout qu’aux yeux de la Justice le racisme antiblanc n’existe pas.
C’est sans doute maître Alexandre Farelly, l’avocat de la famille du défunt, qui a trouvé les mots les plus justes pour exprimer le malaise que l’on ressent en lisant Une nuit en France, le livre-enquête consacré au meurtre du jeune Thomas à Crépol en novembre 2023. Quelques jours après la parution de l’ouvrage, son cabinet a diffusé un communiqué déplorant de « nombreux passages très gênants, qui tendent à banaliser le port d’armes, la violence meurtrière, l’omerta et la victimisation des mis en cause ».
Un livre sidérant
Il faut dire que l’ouvrage, signé par deux journalistes parisiens et une scénariste de polar, a une curieuse manière de raconter la nuit durant laquelle, il y a deux ans, dans une petite commune de la Drôme, une bande de jeunes de banlieue, munis de couteaux, a blessé grièvement plusieurs villageois sans défense, dont Thomas, poignardé à mort, mais aussi quatre autres habitants, parmi lesquels deux ont dû être transférés à l’hôpital en urgence absolue.
À en croire le récit, les torts dans cette histoire seraient plus partagés qu’on ne l’a dit dans la presse. Et les agresseurs, qui sont tous originaires d’une cité de Romans-sur-Isère à forte population immigrée, ne seraient pas de si mauvais bougres. D’ailleurs, à leur décharge, l’arme blanche qui a tué Thomas leur servirait en temps normal à « couper du cannabis »… On n’ose imaginer le scandale si un livre plaidait la cause de Dominique Pélicot en relevant que celui-ci s’est toujours servi d’un somnifère banal et inoffensif pour droguer sa femme et la violer.
Reste que les auteurs ont l’honnêteté de ne pas faire l’impasse sur des propos, autrement accablants, que certaines personnes présentes le soir des violences rapportent avoir entendu dans la bouche des suspects : « On est là pour planter des Blancs. » Même si, sans surprise, l’hypothèse d’un homicide raciste antiblanc est présentée dans l’ouvrage comme un pur fantasme, qui ne ferait qu’alimenter l’« hystérie » médiatique et les polémiques « radioactives ».
L’amateurisme du parquet
Par conscience professionnelle toutefois, les auteurs ont interrogé le procureur chargé de l’enquête sur cet aspect du dossier. « Lorsque nous le rencontrons en décembre 2023, écrivent-ils, il concède qu’une poignée de témoins ont évoqué des insultes antiblancs, mais il cite une jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle cela ne peut pas constituer une circonstance aggravante de racisme. »
On se pince. Comment un magistrat peut-il s’imaginer que le racisme antiblanc ne serait pas reconnu par nos lois ? L’article 132-76 du Code pénal ne laisse pourtant aucune place au doute. Il prévoit bel et bien une aggravation des peines quand un délinquant ou un criminel a tenu des propos déshonorants sur sa victime à raison de l’appartenance de celle-ci à « une prétendue race ».
Le mot « prétendue » a été rajouté par le législateur en 2017. Il permet d’éviter tout débat oiseux sur l’existence ou non d’une race blanche, et donc lève toute équivoque quant à la possibilité pour un juge de punir un cas de racisme antiblanc.
Dans l’affaire de Crépol, le procès n’a pas encore eu lieu. Le jour venu, les accusés seront-ils questionnés sur leur racisme présumé ? L’amateurisme du parquet prévaudra-t-il ? Réponse aux assises.
Vendredi soir, en Meurthe-et-Moselle, près de Nancy, un gendarme de 24 ans a été volontairement percuté par le pilote d’une moto engagée dans un rodéo urbain. L’individu, déjà connu de la justice, a pris la fuite[1]. Pour Charles Rojzman, auteur de Les masques tombent (FYP Éditions), cette montée des violences contre les forces de l’ordre, particulièrement dans certains quartiers, traduit une rupture profonde entre une partie de la jeunesse et la République — une fracture nourrie par un discours victimaire, le rejet de l’autorité et un séparatisme culturel que l’État ne peut plus ignorer sans danger.
À Neuves-Maisons près de Nancy un gendarme a été grièvement blessé lors d’un refus d’obtempérer à l’occasion d’un rodéo automobile. L’homme, percuté volontairement par un chauffard de 20 ans qu’il tentait d’intercepter, est aujourd’hui hospitalisé. Il aurait pu mourir. Comme d’autres policiers ou gendarmes avant lui, victimes d’une violence qui ne cesse de croître et qui, loin d’être un phénomène marginal, traduit une dégradation continue de l’ordre républicain.
Ce fait n’est ni anecdotique, ni exceptionnel. Il s’inscrit dans une série d’actes devenus presque banals dans certains quartiers : refus d’obtempérer, rodéos sauvages, caillassages de commissariats, traquenards tendus aux pompiers. Un refus d’obtempérer est enregistré toutes les vingt minutes en France. Une fréquence terrifiante, révélatrice d’un rapport profondément conflictuel à l’autorité.
Un défi permanent
La plupart du temps, les auteurs sont des jeunes, parfois mineurs, souvent sans permis, au volant de véhicules volés. Ils roulent à tombeau ouvert, parfois sous l’emprise de drogues, et se sentent intouchables. Face à eux, des forces de l’ordre tenues par des protocoles stricts, accusées à la moindre intervention, et de plus en plus exposées à des risques mortels.
La blessure de ce gendarme ne fait pas les gros titres. Elle ne déclenche ni manifestations, ni indignation médiatique. Pourtant, elle dit tout d’un climat d’insécurité et de défi permanent dans lequel nos agents sont contraints d’opérer.
Contrairement à ce que certains veulent faire croire, les policiers et les gendarmes n’ont que très rarement des comportements inadmissibles. Ils sont dans leur immense majorité des serviteurs de la loi, épuisés, exposés, et souvent démoralisés. Ils tiennent la digue, alors même qu’ils se sentent lâchés par leur hiérarchie, désavoués par les institutions, et traités en ennemis par une partie de la population.
Cette confrontation entre une jeunesse en rupture et les représentants de l’État ne date pas d’hier. Elle dure depuis plus de quarante ans. J’ai moi-même participé à la création de la police de proximité initiée par Jean-Pierre Chevènement. C’était un projet ambitieux, lucide, humain : rapprocher la police de ceux qu’elle protège, reconstruire une confiance. Ce projet a été brutalement arrêté sous Nicolas Sarkozy, dans un geste purement politique.
Un documentaire, À l’écoute de la police, réalisé par Bernard Mangiante, retrace cette expérience à travers des formations de formateurs de la police nationale que j’ai animées. On y voit les policiers exprimer leur désarroi, leur isolement, leur colère devant les contradictions d’une institution bureaucratisée. Et l’on voit, en face, des jeunes qui ne reconnaissent plus — ou pas — la légitimité de la République.
Les discours victimaires de la gauche compliquent la tâche des forces de l’ordre
La fracture est là : dans cette hostilité profonde, cette défiance transformée en haine, que nourrissent certains discours. Cette jeunesse — ou du moins une partie d’entre elle — se vit comme victime d’un système raciste, d’un État oppresseur. Elle ne voit plus les policiers comme des agents de protection, mais comme les soldats d’une armée d’occupation.
Ce climat est alimenté par un discours victimaire, complaisamment relayé par une partie de la gauche radicale et amplifié par les propagandes islamistes. On excuse tout. On justifie tout. On inverse les responsabilités. Le policier devient coupable, le délinquant devient victime.
Or, il faut dire les choses avec clarté : ces violences, ces refus d’obtempérer, ces rodéos ne sont pas de simples provocations. Ils sont les manifestations visibles d’un rejet profond de la France et de ses valeurs. Ce n’est pas tant l’autorité qu’on défie, c’est la nation qu’on combat.
Il ne s’agit pas de nier la réalité sociale, les ghettos, la précarité, les discriminations parfois vécues. Mais il faut aussi oser dire que cette situation est aggravée par des comportements collectifs, des logiques de clan, un repli identitaire assumé, et un refus d’intégration alimenté de l’intérieur. Ceux qui ont entretenu ce séparatisme culturel portent une lourde part de responsabilité : élus, intellectuels, associations, relais communautaristes. Tous ceux qui aujourd’hui feignent de découvrir ce qu’ils ont contribué à produire.
La République ne peut pas rester passive. Cette jeunesse — radicalisée, violente, revendicative — doit être confrontée à la justice. Elle ne peut bénéficier d’aucune indulgence systématique. Les discours d’excuse, d’absolution automatique, ne font qu’alimenter le désordre. La loi doit être appliquée avec fermeté, et sans trembler.
Car si nous ne faisons rien, si nous laissons se banaliser ces actes hostiles au pacte républicain, nous verrons se lever sur notre propre sol une armée d’enfants-soldats. Des jeunes embrigadés non pas au service d’un idéal, mais au service d’ambitions totalitaires, d’une haine apprise, entretenue, dirigée contre la France. Il est encore temps d’agir. Mais ce temps se réduit. Et l’aveuglement, l’inaction ou la lâcheté pourraient bientôt ne plus être des erreurs, mais des fautes historiques.
[1] C’est finalement dimanche en fin de matinée que le suspect s’est présenté de lui-même au commissariat de Nancy, où il a aussitôt été placé en garde à vue avant d’être incarcéré.