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Antiracisme, féminisme, écologie: un air bien connu

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Aucune fausse note!


Artiste, footballeur ou sœur d’Adama Traoré, chacun y va de sa dénonciation du « racisme systémique » français. Le pianiste Alexandre Tharaud, qui vient de donner un entretien à l’excellente revue de musique classique Diapason, n’échappe pas à la règle. Après quelques considérations sur sa carrière et sur le temps qui passe, l’artiste enfile les perles.

couv-diapason-nov-2020Oui, dit-il, les « cheffes » et les « compositrices » commencent à être reconnues, mais « en revanche, en termes d’origine, le manque de mixité dans les orchestres me met de plus en plus mal à l’aise, surtout en France. » Il voit, ajoute-t-il, beaucoup plus de chanteurs, de solistes et de chefs noirs de l’autre côté de l’Atlantique qu’en Europe. 

La population noire étant proportionnellement beaucoup plus élevée aux États-Unis qu’en Europe, ceci pourrait expliquer cela, mais, pour suivre d’assez près les orchestres symphoniques européens et américains, je ne saurais pas dire ce qui justifie les allégations du pianiste. Je vois aussi peu de musiciens noirs dans les orchestres de Boston ou New-York que dans ceux de Londres, Berlin ou Paris. En revanche, les musiciens d’origine asiatique, excellents musiciens de pupitre ou éminents solistes, sont de plus en plus nombreux dans les rangs de ces grands orchestres. Il n’empêche, Tharaud tranche : « je trouve, hélas, que le racisme reste présent dans la musique classique en France, comme dans tant d’autres secteurs de la vie sociale. » 

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Le pianiste a également fait une découverte surprenante : les « compositeurs non-blancs » sont « trop souvent mis de côté du répertoire des concerts. » Premièrement, avant la deuxième moitié du XXe siècle les compositeurs de musique dite classique sont très majoritairement des Européens. Deuxièmement, les programmes des plus grandes salles proposent essentiellement de faire entendre la musique d’avant 1950 – ce qui est regrettable mais c’est ainsi. Nous aimerions par conséquent bien savoir de quels « compositeurs non-blancs mis de côté » parle exactement Alexandre Tharaud ? 

Sa riche et talentueuse discographie confirme d’ailleurs cet état de fait : Ravel, Chopin, Grieg, Rameau, Bach, Couperin, Satie, Milhaud, Poulenc, Brahms, Rachmaninov, Debussy, Beethoven… pas un seul compositeur non-blanc ! Dans un disque récent (Contemporary Concertos, Janvier 2020), Alexandre Tharaud aurait pu rétablir la balance et combattre ce racisme musical qui le chagrine tant. Mais le sort s’acharne, les compositeurs contemporains joués par Tharaud dans ce disque sont tous des compositeurs blancs.

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Le pianiste joue la partition progressiste jusqu’au bout : il demande que ne soit pas éludée « la charge négative de certaines œuvres ou titres », et aimerait voir « expliquer le racisme, par un texte dans la partition ou une introduction avant le concert. » A-t-il l’intention, pour parfaire le tableau, de mettre un genou à terre au début de chacune de ses prochaines représentations ? Réponse au prochain concert… lequel se tiendra uniquement dans « une salle à l’acoustique parfaite […] construite au milieu des bois », car Alexandre Tharaud ne manque pas de cocher aussi la case écologique et est prêt à lutter contre les « mauvaises habitudes du monde d’avant » : « il n’est pas possible de continuer à prendre l’avion tous les jours. »

Alexandre Tharaud n’est pas une exception dans le monde artistique. C’est à qui dégoulinera le plus en se couvrant de cendres devant l’autel des bonnes causes ! Ce monde est devenu le monde des béni-oui-oui qui se ripolinent la conscience en recyclant les poncifs vertueux. C’est « le monde de ceux qui font les malins », dirait Péguy, de ceux qui nous en remontrent, et qui n’ont de cesse de faire de la France le pire des pays, le plus raciste, le plus intolérant, le plus minable. Eh bien ! Qu’ils restent en Amérique s’ils y trouvent leur bonheur, et qu’ils nous fichent la paix une fois pour toutes.

La France parle trop et ne punit pas assez

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La nouvelle loi en préparation « contre les séparatismes » montre surtout la faiblesse de la France. On va encore légiférer, parler, discuter, débattre, ergoter sur les mots… Au lieu d’agir.


Une nouvelle loi se prépare contre « les séparatismes ». On ne parle déjà plus de l’islam politique, ni de l’islam radical, ni même « du » séparatisme. On noie déjà le poisson. Après cela, on discutera, on débattra, on ergotera, on se disputera, on s’insultera même, mais on n’agira pas. C’est devenu, dans notre pays, comme une seconde nature.

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Bourguiba et « L’État, c’est moi »

Lorsque, en 57, Bourguiba arrive au pouvoir en Tunisie, il charge immédiatement l’avocat Ahmed Mestiri, son jeune Ministre de la Justice, de mettre en place les dites « Lois de statut personnel ». Il est tellement persuadé de l’importance fondamentale de ces lois qu’il dira plus tard à un autre Ministre, Béji Caïd Essebsi (devenu à son tour, en 2014, Président de la République), qu’il ne savait pas s’il aurait pu les promulguer s’il avait attendu seulement 6 mois…

Comme on le sait, ces lois imposent à la Tunisie un certain nombre de dispositions laïques, surtout concernant les femmes : égalité hommes/femmes, droit au divorce pour les femmes, etc… Ces lois libératrices mettent très clairement le pouvoir religieux de la Zitouna, la grande mosquée de Tunis, sous la coupe du pouvoir politique. Les tunisiennes y sont très attachées, mais aussi leurs maris, qui sont heureux de vivre avec des femmes libres, plutôt qu’avec des esclaves sociales. C’est si vrai que lorsque, au moment de la rédaction de la Constitution, après la Révolution du Jasmin de 2010, les constituants majoritaires d’Ennahda, le parti des Frères Musulmans, voudront subrepticement remplacer l’expression « égales de l’homme » par le mot « complémentaires », elles descendront en masse dans la rue pour protester, et leurs maris les y suivront, fiers de les soutenir. Ennahda retirera vite sa proposition.

On connaît les Lois de statut personnel. Mais ce qu’on ne sait pas, en général, c’est que parallèlement à cela, Bourguiba fait construire, dans tous les villages ou presque, des mosquées modestes, pour que les « petites gens » puissent y prier pacifiquement.

Par ces deux actes politiques parallèles, audacieux et même magistraux, Bourguiba dépolitise en une seule fois l’islam de son pays. Il coupe définitivement les velléités politiques du pouvoir islamique de la Zitouna, tant par le haut (lois de statut personnel) que par le bas (mosquées provinciales). Il ne parle pas, il ne disserte pas sur l’islam radical, ni sur l’islam politique, ni sur l’islam tout court, mais il affirme simplement, par les actes, la primauté et la verticalité du pouvoir politique. « L’État, c’est moi », en quelque sorte. Malgré les vicissitudes ultérieures, la Tunisie vit encore sous ces lois, et les tunisiens et tunisiennes y restent très attachés. Elles sont une de leurs fiertés.

Immédiatement, alors, se pose une question : « Pourquoi ce que Bourguiba a su faire, dans un pays de culture totalement musulmane, pour réduire le pouvoir islamique, nos dirigeants n’arrivent pas à le faire, dans un pays laïque et de culture chrétienne ? Pourquoi cette faiblesse ? Notre problème n’est-il pas, simplement, que nous avons oublié ce que signifie l’expression verticalité du pouvoir, et même le sens du mot autorité ? ».

« Monzon parle peu et frappe beaucoup »

En 1972, à La Défense, avait eu lieu un championnat du monde de boxe qui avait opposé un jeune français prometteur, Jean-Claude Bouttier, et le champion du monde argentin de l’époque, Carlos Monzon. Dans le journal « l’Équipe », les deux managers avaient résumé la tactique de leurs champions. Ainsi, celui de Bouttier avait déclaré : « Si Jean-Claude parvient, par des esquives rotatives, à éviter dans un premier temps les crochets de son adversaire, il devrait pouvoir ensuite, par des jabs bien ajustés, prendre un certain avantage, puis, à partir du 8ème round, peut-être, placer une droite… ». De son côté, le manager de Monzon avait résumé les choses : « C’est simple. Carlos parle peu et frappe beaucoup ». Lors du combat, Monzon a tellement massacré Bouttier que celui-ci a ensuite abandonné la boxe.

À lire aussi, Simon Moos: L’ennemi est l’islamisme, mais qui sommes-nous?

On parle, on discute, on fait des lois, mais on ne règle pas le problème islamiste en France. A-t-on encore besoin de lois ? Le problème n’est-il pas le fait que, tout simplement, la France parle trop et ne punit pas assez ?

La vie à la campagne

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Joseph de Pesquidoux (1869-1946) raconte les coutumes rurales gasconnes de 1914 à 1922


Aujourd’hui, la ruralité s’étudie dans des colloques à défaut de se vivre, les pieds dans la terre. Un peu honteux d’avoir délaissé pendant des décennies ce sujet en or, fatigués aussi par la sociologie des cités et l’amertume du périurbain, les penseurs ont découvert ce nouvel eldorado. On s’y rend en TER ou en Intercités quand ces trains ont décidé de bien fonctionner.

Le rural meurt en silence

Un champ d’enquêtes et de situations aussi dramatiques que le quotidien déprimant des tours bétonnées est là, juste à côté, parfois à cent cinquante kilomètres de Paris. Carnets à la main, ils interrogent, ils sondent, ils ratissent le Morvan, le Nivernais ou le Bourbonnais à la recherche de ce rural, étrange citoyen qui meurt dans le silence et dont l’image s’effacera bientôt des livres d’Histoire. Ils sont même surpris de son existence, on le croyait parti à la ville depuis longtemps, jadis son exode avait fait l’objet de nombreux ouvrages, il subsiste néanmoins dans le dénuement des services publics.

chez-nous-en-gascogneIl est folklorique par bien des aspects, d’abord il se déplace uniquement en voiture, fait ses courses dans des supermarchés, n’a pas de librairie dans un rayon de cinquante kilomètres, n’est pas forcément un paysan, ses enfants sont souvent pensionnaires au lycée le plus proche et il évite de tomber malade, cela l’obligerait à changer carrément de département, voire de région. Sa qualité de vie est toute relative.

L’appel du jardin

On fantasme sur le bon air qu’il respire, les étendues qu’il dispose et sa tranquillité d’esprit par rapport aux citadins entassés, mal-logés et abandonnés des pouvoirs successifs. Ce virus nous aura appris que le mal-être français se moque des limites entre la ville et la campagne. Il essaime généreusement sur l’ensemble du territoire. Partout, les coutures cèdent, la sécurité fait défaut et les vieux chaînons d’entraide ne résistent pas à la férocité de la mondialisation. Au printemps dernier pourtant, les agences immobilières de province avaient été assaillies de demandes, l’appel du jardin avait sonné. Combien de ces visites aux beaux jours, l’odeur du gazon coupé dans les narines se sont concrétisées par des achats fermes à l’automne, sous une pluie peu amène ? Si vivre à la campagne est un rêve pour beaucoup d’entre nous, le réaliser s’avère aussi difficile que d’obtenir un rendez-vous chez un ophtalmologue dans le Berry en moins de dix-huit mois ! Et même si le prix de l’habitat peut sembler « bas » pour un habitant des métropoles, il est parfois trompeur, il recèle mille déconvenues.

Le Virgile Gascon

C’est pourquoi, même avec la généralisation du télétravail, un retour massif de la population dans les profondeurs de notre pays n’est pas d’actualité. Et puis, cette campagne vénérée a beaucoup changé en cinquante ans. J’entends encore à la veillée, les histoires de ma grand-mère, narrant les comices agricoles d’antan, les fanfares locales, les concours de musique et le bal des conscrits. Vient de paraître aux éditions Le Festin, dans leur collection « Les Merveilles », un texte oublié d’un auteur tout aussi oublié : Chez nous en Gascogne de Joseph de Pesquidoux, « chroniques sur les travaux, les coutumes et les jeux en Gascogne » comme le rappelle Serge Airoldi dans une très belle préface. Ce châtelain-académicien a fini sa vie au Houga dans le Gers, il est l’auteur notamment de La Glèbe, Le Livre de raison ou La Harde, il fut surnommé par l’Express, « le Virgile gascon » et son talent de conteur fut salué, en son temps, par Gide.

Ce recueil de textes écrits entre 1914 et 1922 a le charme d’un tracteur vert SFV (Société Française de Vierzon) dodelinant sur un chemin vicinal. Le seigneur de Pesquidoux, avec une langue charnue et le ton juste du bon pédagogue, c’est-à-dire qui a plaisir à instruire sans ennuyer, à décrire précisément les gestes sans noyer dans les détails, nous fait découvrir la course landaise, la chasse aux palombes, la fête du cochon, la culture du maïs ou le fonctionnement d’un alambic défendant fièrement l’eau-de-vie.

Nous irons tous en Gascogne

Ce qui lui vaudrait aujourd’hui une haine sanitaire tenace. « Car la vraie, la pure eau-de-vie n’est pas un poison, mais un stimulant et un cordial. Un quasi-centenaire de mon pays, qui savoure chaque jour son petit verre d’Armagnac, a coutume de dire : c’est le lait des vieillards » écrit-il, avec jubilation. Et quand Pesquidoux parle des sabots d’aulne, d’ormeau, de noyer ou de hêtre, c’est toute une France qui apparaît sous nos yeux : « J’ai porté des sabots à l’âge où nous avons tous les pieds véloces d’Atalante ou d’Achille. J’avais vingt ans et je servais, de rouge et bleu vêtu, de l’azur sur du sang, au 9e Chasseurs à cheval ».

Quand l’autorisation de se déplacer sera royalement accordée aux Français, nous irons tous en Gascogne !

Chez nous en Gascogne de Joseph de Pesquidoux – Le Festin

Le vieil homme et la fille à lunettes

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Le vieil homme sait qu’il y a des choses qu’il ne faut pas faire, surtout quand on est un lettré comme il se flatte de l’être. On peut certes annoter un livre, mais en déchirer des pages, voilà qui est hors de question. C’est pourtant ce qu’il fait, préférant feuilleter quelques chapitres, si possible brefs, que de s’encombrer avec un pavé qui le décourage d’emblée : il ne sait que trop combien la vie est brève et les sommes philosophiques assommantes.

Contre la littérature pour femmes délaissées

Il est vrai qu’il a travaillé pendant près de quarante ans dans l’édition. Et qu’il a appris à très vite reconnaître non seulement la valeur d’un livre et la technique de son auteur pour épater d’éventuels gogos. Seul ce qui peut être exprimé en quelques lignes le retient encore. C’est dire qu’il ne se sent vraiment à son aise qu’entouré de notes fugitives et d’aphorismes cinglants.

Il a abandonné l’érudition quand il a pigé qu’elle n’était jamais qu’une fuite loin de notre propre vie, de même qu’il a renoncé aux pamphlets tant les polémiques le lassent et mis une croix définitive sur les pavés qui s’adressent à des femmes délaissées en quête du Prince Charmant. Quant à celles, abusées ou non, qui veulent se venger de leur passé – elles sont innombrables – il jette sur leurs livres un regard apitoyé : sans doute n’ont-elles rien compris à la littérature, ce qui n’est pas grave, mais moins encore à la vie, ce qui est plus fâcheux.

Le sourire des jeunes filles myopes

Le vieil homme en était là dans ses réflexions, lorsque subitement il décida d’entrer chez un opticien pour vérifier sa vue déclinante. On le pria d’attendre quelques minutes. Observant les jeunes filles qui s’affairaient dans le magasin, il songea à son ami Ceronetti qui lui avait dit, ce qu’il avait eu maintes fois l’occasion de vérifier, qu’un sourire des plus enchanteurs et des plus énigmatiques est le patrimoine exclusif des jeunes filles myopes qui portent des lunettes aux verres clairs, avec une monture invisible.

Ce genre de jeunes filles, avait-il ajouté, n’est pas si rare : d’ordinaire, elles ont des cheveux blonds ou châtain clair, une allure très svelte. Derrière leurs verres, la lumière de leurs yeux est pâle. Leur regard que la nature a limité se dirige vers des lointains inconnus. Leur sourire, quand il se manifeste, est d’une luminosité extrême. On jurerait qu’il annonce pour ceux qui les aiment ou les aimeront, un bonheur supérieur à la félicité commune.

Mourir de soif auprès de la fontaine

Le vieil homme se souvient avoir connu des jeunes filles au sourire énigmatique et aux lunettes claires. Il aimerait les passer en revue. Il aimerait plus encore savoir s’il en existe encore. Il est trop tard : l’examen de sa vue débute. Le résultat n’est pas fameux. Mais qu’est-ce qui peut l’être encore à son âge ? En sortant son portefeuille pour régler les vingt-cinq francs de la consultation, il en extrait une page déchirée d’un essai qu’il ne sait plus à qui attribuer. Plus tard dans un café, il lira ceci qui s’adresse directement à lui :« Dans l’une des maximes à la visée éthique du “Dhammapada” on trouve cette image d’un vieux : il dépérit comme un héron sur un lac sans poissons. » Il songe que cette maxime conviendrait encore mieux à son besoin d’amour. Il est trop tard. Comme Villon, « il meurt de soif auprès de la fontaine. » Ceux qui l’observent chez Nespresso le trouvent plutôt affable : il n’a pas l’air de mourir de soif. Il convient de donner le change quand les jeunes filles éthérées à lunettes ont disparu et que soi-même on est si proche du gouffre. On lui apporte un second ristretto qu’il dégustera en lisant la presse. Il faut bien feindre d’être encore vivant, se dit-il. Sans conviction.

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LGBTHOVEN


Plus que le critique, le comédien, le musicien et le danseur, c’est l’ouvreuse qui passe sa vie dans les salles de spectacle. Laissons donc sa petite lampe éclairer notre lanterne!


Pauvre Ludwig ! Ce n’était pas assez de perdre l’oreille à 25 ans. Pas assez de voir son anniversaire saboté par un microbe (né en 1770, 2020 est son quart de millénaire, la fiesta promettait). Pas assez. Il faut encore se faire gommer par les effacistes.

Du passé faisons table rase…

« Cancel culture » qu’ils disent. Culture à effacer avec Colbert, Schœlcher, Polanski et Woody. Donc, comme cadeau de deux-cent-cinquantenaire, les effacistes effacent Beethoven. Son crime ? Avoir composé la Cinquième symphonie. Pompompompom : cri primal du colon dominateur. Quelques Black Lives Avengers comme le critique James Bennett II avaient lancé l’alerte. Deux thermidoriens new age, le journaliste pop Charlie Harding et son double musicologue Nate Sloan, rejoignent aujourd’hui le comité de salut public sur le média américain Vox. « Depuis la création en 1808, écrivent nos experts, les auditoires ont interprété ce parcours [du pompompompom initial à l’ut final, NDLR] comme une métaphore de la résilience personnelle de Beethoven face à la surdité. » Mais en vrai, ce que raconte la Cinquième, c’est la marche triomphale du macho « blanc et riche » à la tête de sa légion réactionnaire. « Pour d’autres groupes – personnes LGBTQ+, personnes de couleur – la symphonie de Beethoven peut surtout rappeler que la musique classique est une histoire de l’exclusion et de l’élitisme. »

À lire aussi, Jeremy Stubbs : La « cancel culture », cette effrayante intolérance progressiste

Selon cette théorie pas tellement nouvelle, Mozart était cool parce qu’on pouvait applaudir entre les mouvements de ses concertos et bouffer des chips pendant ses opéras, alors que Beethoven aurait inventé l’Œuvre avec un gros Œ, qui domine, qui intimide, qui écrase le public. Pas tousser, pas hurler, pas bouger, « signifiants de la classe bourgeoise ». D’où « un mur entre la musique classique et un public nouveau et divers. » Mur inauguré truelle en main par Beethoven. Et vive la pop citoyenne qui vous cause d’égal à égal.
Vous direz : laissez ces tarés tarer. Mais voyez-vous, ces maîtres-là ont des disciples, plein de disciples, chaque semaine plus nombreux. Et depuis que Notre Castex a fermé les salles de concert, si on ne vole pas au secours du brave Ludwig, qu’est-ce qu’il va devenir ?
Alors. Déjà tomber sur Beethoven relève du parfait opportunisme, genre tu vas voir comment ton anniv ça être ta fête. Bach non plus, il n’en a rien à foutre de ton moi écoresponsable : il compose directement pour Dieu, pour prouver Dieu comme dirait Pascal. Et le mégalo Michel-Ange, tu crois qu’il t’inclut inclusivement ? Depuis que l’art est art y’en a des qui chatouillent et des qui gratouillent (et des qui ni l’un ni l’autre). Et puis ?

À qui le tour ?

Et puis, question mur, la pop ne se gêne pas tant. Le Floyd, dans The Wall justement, il se mouche du genou ? D’ailleurs qui leur a dit, aux effacistes, que Beethoven était un militant hétéro à la recherche des bourgeois en fleur ? Il leur crachait dessus, aux bourgeois. Depuis deux siècles la Cinquième reste un mystère sans classe, à la fois le plus écrasant et le plus populaire.

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Élitiste ? Si on admet que le marché a changé d’élite. À l’époque de Beethoven, ses patrons roulaient en carrosse et lui en carriole ; à l’époque de Rihanna, Madame roule en Lamborghini et ses fans en métro. Cherchez le bourgeois.
Et maintenant à qui le tour ? Accusé de child abuse, voilà un candidat solide, qui s’écriait « I’m not gay », n’aimait la peau que blanche, se voyait très au-dessus de nous autres et se comparait publiquement à Jésus. Je propose donc d’effacer Michael Jackson.

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Luc-Olivier d’Algange ou l’Europe secrète

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On réédite quatre titres de l’écrivain néo-païen qui en appelle au déconfinement de la pensée. 


Lecteur de Balzac, disciple du gnostique Raymond Abellio et du mystique monarchiste Henry Montaigu, Luc-Olivier d’Algange poursuit depuis des décennies une quête exigeante, nourrie d’immenses lectures, de Platon à Nietzsche, et dont l’objectif est toujours de « sauvegarder en soi, contre les ricaneurs, le sens de la tragédie et de la joie ».

Pensée orphique et contre modernité

Même s’il en appelle parfois au Christ, un Christ solaire et victorieux à des années lumières du dolorisme ecclésiastique, Luc-Olivier d’Algange se révèle Hellène, adepte d’une pensée de type orphique. Contre-moderne résolu, allergique aux « voies ferrées » de l’infralittérature officielle, il résiste à toutes les formes d’hébétude et d’anesthésie, à la massification globale comme aux formes nouvelles d’obscurantisme.

Il y a chez lui du paladin de l’ancienne France royale et du mystique de l’Allemagne secrète. Par son travail de recherche et d’approfondissement effectué dans la solitude et dans l’indifférence aux modes, l’homme prépare un « dé-confinement » esthétique et spirituel, une sortie de la Caverne ainsi qu’un recours à l’essentielle leçon des Grecs, nos Pères : faire de l’homme « la mesure de toute chose » pour citer le Protagoras de Platon. Il s’agit bien de faire contrepoids aux langueurs du déclin : « L’exil intérieur est source de folles sagesses dont aucune ne se soumet à la tristesse ».

Ombre de Venise et souvenir de Dominique de Roux

C’est dire s’il faut applaudir la réédition revue et augmentée de quatre de ses livres dans la belle collection Théôria que dirige Pierre-Marie Sigaud chez L’Harmattan, et qui a pris la suite de la regrettée collection Delphica des éditions L’Âge d’Homme. Il s’y retrouve en bonne compagnie aux côtés de Françoise Bonardel, de Jean Borella ou de Frithjof Schuon. L’ombre de Venise, le salut aux mânes de Dominique de Roux, les relectures de Dante et d’Hölderlin, l’alchimie et Henry Corbin peuplent des pages marquées au sceau de l’exigence.

Luc-Olivier d’Algange ou le Bon Européen, celui « qui ne se soumet point au temps » !

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M. le président, il faut économiser sa honte!

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Après les violences subies par Michel Zecler lors de son interpellation par des policiers, le président semble rejoindre ceux qui s’indignent et ont manifesté bruyamment ce samedi 28 novembre. L’analyse de Philippe Bilger.


Le président de la République a délivré un long message sur Facebook où il faisait part de sa « honte » face aux images « insupportables » de la brutalité durable et raciste dont Michel Zecler, un producteur noir, a été la victime à l’intérieur du studio comme à l’extérieur de la part de trois fonctionnaires de police, un quatrième jetant une bombe lacrymogène.


Pourquoi ces vidéos ont-elles indigné bien au-delà du cercle des opposants compulsifs de la police quoi qu’elle fasse, des idéologues aspirant à ce qu’elle seule soit livrée pieds et poings liés à ceux voulant « bouffer du flic »?

Parce que ce déchaînement de violence, apparemment, a surgi comme une malfaisance inspirée par rien d’autre que le besoin de libérer une agressivité folle à l’encontre de cet homme traité de « sale nègre ». Parce que ce dernier, contrairement à tant de polémiques imputant à la police les comportements non civiques de ceux la fuyant ou se battant avec elle, n’a eu rigoureusement rien à se reprocher, bien au contraire, dans cette trop longue fureur exclusivement policière.

Cet unanimisme mêlant président, ministres, élus, droite et gauche, journalistes, célébrités, footballeurs, humanistes patentés et compassionnels conjoncturels, pourrait réjouir alors que tout démontre que notre démocratie est rien moins qu’unie. Pourquoi cependant, face à un tel maelström, est-ce que je me sens un peu gêné, comme si c’était trop?

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Ces dernières semaines, tant de choses nous ont sollicités qui sur les plans sanitaire, de l’ordre, de la sécurité et de la police ne brillaient pas par la cohérence et la limpidité qu’on a le droit de réfléchir au-delà de cet odieux épisode. La gestion totalement erratique d’un article 24 pourtant nécessaire pour protéger la police, notamment dans sa sphère privée, a constitué cet article comme un repoussoir instrumentalisé par les journalistes avant que le Premier ministre ajoute à la confusion par ses fluctuations.

La sincérité de Gérald Darmanin questionnée

Si le président de la République a semblé transmettre récemment des dates susceptibles de nous rassurer sur l’existence d’un dessein gouvernemental, il n’empêche que tous les exclus de novembre et de décembre, rejetés jusqu’en janvier, sont dans un état de désespérance et de colère où l’incompréhension le dispute à un sentiment puissant d’injustice. Il apparaît qu’il y aurait un « sanitaire » deux poids deux mesures et qu’on peut craindre que notre société déjà largement éprouvée s’enfonce l’année prochaine dans un gouffre tragiquement mesurable.

Sur la police elle-même, on est heureux d’apprendre que le préfet de police a demandé à ses troupes de respecter « une ligne républicaine ». Je suis persuadé qu’il ne s’oublie pas dans cet avertissement. Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin devient une cible commode. Il est vrai que lui-même mène une politique qui ne plaît pas à ce qu’il y a de gauche dans LREM et le fait de telle manière en mêlant, ces derniers jours, juste rigueur et démagogie précipitée qu’il peut faire douter de la constance et de la sincérité de son projet. Il donne trop l’impression d’avoir des embardées contradictoires plus qu’une plénitude digne de ce nom.

Gerald Darmanin photographié avant son entretien au journal de 20 heures de France 2, le 26 novembre 2020 © Thomas COEX / AFP.
Gerald Darmanin photographié avant son entretien au journal de 20 heures de France 2, le 26 novembre 2020 © Thomas COEX / AFP.

Mais à tout seigneur tout honneur. Le président de la République n’a pas seulement eu « honte ». Il a affirmé qu’il « croyait en la République exemplaire et en une police exemplaire » et qu’il attendait rapidement qu’on lui soumette des mesures pour lutter contre les discriminations dans la police. Incitant à ne jamais succomber à la violence, d’où qu’elle vienne, il ne risquait pas, avec ces nobles banalités, d’être contredit. L’action est malaisée: le verbe généreux compense et console.

Le terme « croire » est signifiant. Il manifeste comme l’exigence ne relève pas de la volonté mais du souhait.

Pour cette République exemplaire, serait-ce enfin l’irruption bienfaisante d’un nouveau monde de l’éthique quand depuis 2017 l’ancien a dominé?

Pour cette police exemplaire, il convient surtout de ne pas tirer de la brutalité inouïe que Michel Zecler a subie, des conclusions qui globaliseraient.

Mais qu’on me permette de ne pas tomber dans une absurde stupéfaction révélant à la fois une méconnaissance de la réalité et une naïveté face à la difficulté des missions policières. Dans la mesure où j’ai toujours soutenu que l’usage de la force légitime par la police était conforme à l’esprit républicain, je n’ai jamais minimisé les rares violences illégitimes que certains fonctionnaires pouvaient commettre, de sorte que je ne suis pas surpris, mais tétanisé par leur caractère délibéré.

Les manifestants du 28 novembre oublient les violences dont sont victimes les policiers

Je n’oublie pas non plus que pendant qu’on compatissait avec ce producteur, d’autres policiers, au quotidien, étaient victimes de scandaleuses résistances, de graves atteintes et que par exemple dans le même trait de temps une quinzaine de voyous, en Seine-et-Marne, s’en prenaient à des fonctionnaires attirés dans un guet-apens.

A lire aussi, du même auteur: Ils voient dans les nécessaires lois sécuritaires notre « asservissement de demain »…

Je ne rappelle pas ces évidences pour faire preuve de mauvaise foi mais pour mettre sur un plateau de la balance l’intolérable d’agressions ponctuelles comme celle à l’égard de Michel Zecler, et sur l’autre les mille offenses verbales et physiques causées à des policiers dans l’accomplissement de leur mission. Il me semble que ma démarche n’est pas inutile alors qu’une foule impressionnante défile à Paris le 28 novembre, mais contre les seules violences policières et la loi « sécurité globale » qui n’avait rien de liberticide.

Mollo!

En même temps, dans cet étrange climat où le pouvoir semble même dépassé par le cours d’événements qu’il a pourtant initiés, la cote du président monte, celle de plusieurs ministres, comme si le pays ne se sentait pas vraiment concerné dans ses profondeurs par l’écume des anecdotes politiciennes mais jugeait passable, voire en progrès l’action du gouvernement. Mais de grâce, que le président économise sa honte et économisons la nôtre avec lui! On a pu déjà en dépenser beaucoup depuis 2017 et il y aura, dans notre avenir agité, mille opportunités d’indignation, de mépris, de révolte: il faudra qu’il nous en reste encore.

Car un pouvoir jamais assez exemplaire, une police jamais assez exemplaire et des citoyens jamais assez républicains !

Le Mur des cons

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Des contradictions de la République et de l’idolâtrie dans l’islam

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Michel Orcel explore deux paradoxes du conflit qui nous oppose à l’islamisme: la République oublie qu’elle est la fille de la Terreur, tandis que l’islamiste ne se rend pas compte qu’il commet le péché d’idolâtrie en condamnant les caricatures.


L’épouvantable décapitation d’un professeur de collège au prétexte qu’il avait choqué la foi religieuse de quelques adolescents nous invite à observer d’abord que c’est au seul concept de République que nos hommes politiques se réfèrent pour condamner cette exécution. Référence absurde, car il existe toutes sortes de républiques où la liberté ne s’exerce pas, et surtout parce qu’aucun régime n’a mieux développé que la Révolution française la décapitation de masse pour justifier une idéologie totalitaire.

La République française n’est pas un principe, mais un régime

Et qu’on ne nous rétorque pas, comme certains, qu’il y a rupture entre la Révolution et la Ve République : sa devise, son hymne, ses principes, sa négation des corps intermédiaires, son centralisme, sa prétention à créer un homme nouveau délivré de toutes contingences naturelles ou historiques (« mariage pour tous », lois dites bioéthiques, extension de l’avortement, PMA « pour toutes et tous », etc.), enfin le gouvernement actuel d’un parti si autoritariste qu’il en est venu à réprimer violemment des manifestations pacifiques, contrôler nos plus simples sorties ou interdire momentanément l’exercice du culte, montrent assez que notre République est historiquement la fille de la Révolution jacobine.
La République française n’est pas un principe, mais un régime ; et la France transcende de loin l’histoire si récente et si meurtrière de ce régime-là. Ce n’est donc pas tant la République que bouleverse cette décapitation (une république qui, à travers l’immigration, est largement responsable, par laxisme, angélisme, calcul ou complicité, de l’émergence d’un islamisme aujourd’hui meurtrier) que la France : le vin, la musique, la politesse, la galanterie, la pensée libre, ne sont pas républicaines, mais françaises.

Évidemment, aménager la loi pour de petits groupes (les juifs de France au XIXe siècle, par exemple) est tout à fait concevable : l’ancienne France était même fondée sur des privilèges divers et variés, qui respectaient les coutumes locales, les droits corporatifs, les libertés communales. N’ayons pas peur de dire que la réification des personnes à l’état d’individus interchangeables telle que l’a conçue et voulue la République rousseauiste et jacobine – Georges Bernanos ou François Furet, pour ne citer qu’eux, l’avaient bien vu – a fait le lit de tous les terrorismes.

L’islam contemporain est-il en mesure de nous respecter ?

Les mesures radicales qu’il serait nécessaire d’adopter pour endiguer la terreur islamiste qui gagne notre pays (mesures que je ne suis pas seul à préconiser mais qui semblent impossibles dans le cadre législatif européen), ce n’est pas un islamophobe, loin s’en faut, qui les soutient ici. Si la civilisation musulmane est endormie depuis plusieurs siècles, on ne saurait ignorer ses très riches apports, pas plus que l’abondance et la profondeur de sa poésie et de sa mystique, par exemple. J’aime et respecte l’islam – que j’ai longuement fréquenté –, et la figure de Lyautey m’est très chère. Pour protéger l’islam marocain des insolences coloniales, il fit édicter l’interdiction des lieux de culte aux non-musulmans. Mais la France n’est pas un pays musulman et nous devons aux fidèles de cette religion le respect qu’on doit à tout homme, dans la mesure où il accepte notre culture et nos lois. Or telle est la question qui se pose aujourd’hui : l’islam contemporain est-il en mesure de nous respecter ? L’islam d’aujourd’hui – c’est-à-dire le fondamentalisme islamique – a-t-il encore quelque chose à voir avec l’islam traditionnel, historiquement si proche de nous encore, et si amical : pensons aux unités musulmanes de l’armée française actives jusqu’à la guerre d’Indochine, à leur double allégeance manifestée notamment dans leurs insignes et leurs devises (« Allahou akbar »[tooltips content= »5e Régiment de tirailleurs algériens. »](1)[/tooltips] ! ou « Dieu, l’islam et la France »[tooltips content= »200e bataillon de pionniers nord-africains. « ](2)[/tooltips]), aux harkis, ou même aux vieux et respectueux Algériens transplantés en France que nous avons tous connus dans notre jeunesse ?…

À lire aussi, André Sénik : Le couac de Jean-Yves Le Drian doit être corrigé

Je ne serai pas le premier à répondre par la négative. Dans l’islam traditionnel, le djihad offensif était considéré comme désormais clos depuis le XIVe siècle. Seul l’agression du dar al-islam appelait à la guerre sainte (l’Algérie avec le grand Abdelkader, qui, une fois défait, devint un ami de la France et un défenseur des chrétiens de Syrie, en est le meilleur exemple). Ajoutons que terorisme et suicide sont rigoureusement contraires à la tradition musulmane du « petit » djihad (la guerre sainte). Même le précédent des Assassins (Hashashins), auquel certains ont eu recours pour trouver une généalogie au djihadisme moderne, est tout à fait inopérant, non seulement parce qu’il s’agissait d’actions émanant d’une minuscule secte ismaélite, mais aussi parce que leurs victimes n’étaient que des souverains. D’autres facteurs marquent donc la rupture doctrinale entre l’islam ancien et l’islamisme qui se développe chaque jour un peu plus dans le monde musulman.

Islam : l’ancien et le nouveau

Le facteur essentiel est très évidemment la mondialisation, et son corollaire : la puissance des États les plus riches. Le wahhabisme saoudien, qui, voilà un siècle encore, n’était qu’une petite secte hérétique de l’islam, a diffusé sa doctrine dans le monde musulman, soit directement, soit à travers la mouvance salafiste, qui en est dogmatiquement très proche. Alors que l’ancien islam présentait un éventail très varié de coutumes et de croyances ainsi qu’une littérature foisonnante (juridique, littéraire, spirituelle), le fondamentalisme favorise l’extrême pauvreté de la pensée et l’adoption de règles passe-partout, fort commodes pour enrôler les masses incultes, en jouant sur le réflexe communautariste de l’oumma. Et il n’est pas peu curieux d’observer que la secte wahhabite, qui passe son temps à lutter contre toute vénération qui ne s’adresse pas à Dieu (la majorité des sanctuaires et lieux historiques de La Mecque ont été détruits, et le tombeau même du prophète a été menacé, sous prétexte qu’ils suscitent des vénérations idolâtriques), n’a eu d’autre résultat que de favoriser, non seulement la mondialisation du « voile », mais l’idolâtrie de la figure du prophète…

À lire aussi, Ferghane Azihari : Islam radical: et si la solution passait par l’apostasie des musulmans?

Sans revenir aux origines de l’islam et en s’en tenant à l’histoire canonique, la figure de Mahomet a été à la fois contestée, et très tôt vénérée. Vénérée comme celle d’un homme choisi par Dieu, comme un véhicule de la parole divine ; mais jamais comme un dieu, cela va de soi. Cette vénération, associée à l’iconoclasme sémite (partagé avec le judaïsme), a beaucoup réduit la représentation picturale du prophète, dont on trouve cependant de belles et nombreuses traces (le visage découvert ou voilé d’un linge blanc) dans le monde persan, l’Inde moghole ou l’empire ottoman. Si elle n’est pas courante, la figuration du prophète jouit donc d’une réelle tradition. Par ailleurs, le prophète de l’islam s’est toujours gardé de se comparer aux grands prophètes juifs, notamment Jésus, « Verbe de Dieu » (IV, 171), dont les miracles sont chantés dans le Coran, et annonce clairement : « Je ne suis qu’un simple mortel, envoyé par Dieu à mes semblables » (Coran XVII, 93). Si la tradition légendaire lui attribue quelques prodiges, le prophète admettait lui-même que son seul miracle était la descente du Coran – ce qui revenait à attribuer le miracle à Dieu et à confirmer la nature purement humaine de son envoyé.

Le paradoxe du péché d’idolâtrie

Ce petit excursus nous permet de revenir à l’objet de cet article : l’islamisme – même s’il a déjà gangréné les représentations officielles (les Musulmans de France, le CCIF, etc.) – ne représente heureusement pas la pensée de tous les musulmans français, dont beaucoup sont parfaitement intégrés à notre culture.

On comprend néanmoins que la masse des fidèles, même modérés, puissent être violemment choqués par des caricatures auxquelles leur histoire ne les a pas habitués ; mais, en s’enflammant contre elles au point de justifier le meurtre de leurs auteurs ou de ceux qui les colportent, les fondamentalistes (et ils sont de plus en plus nombreux : les services secrets viennent d’en avertir l’Élysée) commettent sans en avoir conscience le péché le plus condamnable de l’islam : l’idolâtrie.

Ils divinisent le prophète et se font ainsi les spectateurs d’une adoration qui, aux yeux de l’islam, est considérée comme impie. Ajoutons que ces musulmans auraient beaucoup à apprendre des chrétiens occidentaux, lesquels, depuis des décennies, supportent les railleries les plus ordurières au sujet du Christ (notamment dans Charlie Hebdo), parce qu’ils savent bien que ces figurations ne sauraient affecter en quoi que ce soit la nature du Dieu infini dans lequel ils croient.

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Et Diego s’envola avec la balle…

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Thomas Morales se souvient de ses douze ans: dimanche 22 juin 1986 – Costa Brava/Stade Azteca


Cette année-là, nous étions partis en Espagne plus tôt, pour affaires. J’avais 12 ans et abrégé une année scolaire pour le moins chaotique et déprimante. Une raquette de tennis de marque Le Coq Sportif, témoignage d’un autre mois de juin, Roland-Garros 1983, m’accompagnait dans tous mes déplacements. Je me souviens que Miguel Bosé chantait à la radio le titre Nena. Je m’empiffrais de churros l’après-midi et fit honneur à la boisson locale, le Fanta naranja et limón durant tout l’été. Peu rassurante, la Guardia Civil faisait des rondes dans un Land Rover badgé Santana.

L’été espagnol

Il y avait comme un parfum d’Occupation dans l’air, malgré la poussée culturelle de la Movida. De jeunes catalans sortaient du lycée en bermuda, au guidon de petites Montesa de trial. Mon père m’avait promis de ramener une cinquante centimètres cube dans notre pluvieux Berry. Les mères espagnoles de la classe aisée portaient des colliers de perles sur des polos Lacoste de couleur jaune paille ou bleu lavande. Il y avait encore dans les rues, quelques grosses voitures américaines assoupies, comme à la Havane, héritage d’une industrie du tourisme en pleine expansion, largement amorcée en son temps par Franco et l’arrivée de capitaux étrangers, dès les années 1950. Les socialistes au pouvoir continuaient cette même politique économique, jouant sur une peseta basse, donc attractive. Felipe González ressemblait à un Michel Leeb mexicain. L’immobilier assurait des fortunes aussi rapides que suspectes.

Un voisin britannique, vieux lord maquillé comme une poule de luxe sorti d’une nouvelle de Truman Capote, quittait tous les soirs à 21 heures sa villa au volant d’une Rolls-Royce Silver Shadow. De ma terrasse, j’observais son manège espérant capter l’attention d’une Hollandaise âgée de quinze/seize ans arrivée avec sa famille dans un break Chevrolet Caprice. Son profil d’Anita Ekberg batave m’avait tapé dans l’œil. Sur le court en terre battue, ma mère me faisait travailler mon revers, insistant sur l’amplitude du geste comme aux grandes heures de Suzanne Lenglen.

Une orange déguisée en footballeur

Nous armions démesurément nos coups ce qui donnait une certaine élégance à nos mouvements à défaut d’efficacité tennistique. Chez nous, formés à l’école du rugby, le football était banni par idéologie et par esprit de dissidence. Je ne fus jamais inscrit au club de mon village ce qui handicapa largement mon insertion et ma sociabilité. Ah si j’avais tapé dans un ballon rond, j’aurais eu certainement une autre carrière ! Ce sport nous apparaissait alors dépourvu d’intérêt et de profondeur nostalgique. Réfractaires au ballon, nous subissions donc la méfiance de notre entourage et la hargne des supporters.

A relire, du même auteur: Le logo des JO et les athlètes de l’écrit

À dire vrai, je m’étais passionné, en secret, quatre ans plus tôt, toujours en Espagne, pour Naranjito, la mascotte de la Coupe du Monde 1982, une orange déguisée en footballeur. J’achetais alors tous les produits dérivés de cet étrange personnage, des timbres édités par la Poste espagnole aux figurines en plastique. Est-ce à cause des caprices de la météo ou du tennis-elbow de mon père que ce dimanche-là, nous fumes contraints de regarder la télévision ? Nous n’avions aucunement envie de communier sur l’autel de la baballe et de nous vautrer dans l’émotion collective. Nous nous pensions bien au-delà des cultures de masse et des foules ahuries. L’Argentine affrontait l’Angleterre dans un quart de finale devenu aujourd’hui homérique, sanctifié par toute la planète. Du football, nous ne connaissions que les ânonneurs de pelouses, les pousseurs affabulateurs et le pragmatisme viril des Allemands. Des gesticulateurs aussi peu recommandables que des politiciens en campagne électorale.

Râblé comme un plâtrier

Viva les bleus tube à l’irrédentisme joyeux entonné par l’immense Carlos n’avait pas réussi à nous intéresser à l’événement. Ce jour-là pourtant, nous étions devant notre poste, les commentateurs en castillan dans les oreilles et rencontrions, pour la première fois, la foulée céleste de Diego Armando Maradona. La patte gauche de dieu nous faucha en pleine soirée. Le ballon collé à ses basques. Bas, démesurément bas. Au ras de la terre.

Râblé comme un plâtrier, un maçon ou un carreleur, le numéro 10 courait jusqu’au but. Inarrêtable. Celui qui le stopperait n’était pas du genre humain. Avec cette geste communicative, la violence naturelle et jouissive du buteur, il ne reculerait pas, il driblerait, il se jouerait de la défense, la narguerait, avec la volonté de l’humilier. Ce n’était pas très propre, pas tellement fluide, mais époustouflant d’adresse, de vista et de combat au corps-à-corps.

Le commentateur pouvait alors s’interroger, les larmes dans la voix : de que planeta viniste, oui on se le demande aujourd’hui encore de quelle planète pouvait-il bien venir ce gars-là, né dans la banlieue sud de Buenos Aires ? Le commentateur utilisait des formules magiques : barrilete cosmico et corrida memorable. Bulldozer féerique de tout un peuple en liesse. Ce jour-là, nous avons appris que le football était une terre nouvelle et qu’un Argentin d’1,65 mètre était son conquistador éclairé. « Je veux dire que les autres existent plus ! Les autres romanciers !… tous ceux qu’ont pas encore appris à écrire en « style émotif »….y a plus eu de nageurs « à la brasse » une fois le crawl découvert »…

S’il l’avait connu, Céline aurait pu rajouter qu’après Maradona, le football n’était plus un jeu lointainement inventé par les Français et popularisé par les Anglais mais une affaire argentine. Cette année-là, j’ai troqué ma raquette pour le maillot de l’albicéleste.

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Le noir, le bibelot et le tapis de bain

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Montées en épingle par le petit marigot politico-médiatique, les images de la bavure policière sur le producteur de rap Michel Zecler permettent aussi de remettre une pièce dans la machine de la victimisation racialiste. Les difficultés importantes de la police nationale, que la loi “sécurité globale” entendait combattre, sont-elles oubliées ?


 

Aux yeux des élites françaises et occidentales, le noir est devenu une sorte de bibelot, un objet fragile et précieux que l’on installe dans la pièce la plus luxueuse de la maison, là où on fait salon en compagnie de la bonne société. Un fétiche rapporté d’un voyage lointain, un masque africain qu’il faut garder à une certaine température et sous certaines conditions d’humidité. Et à chaque fois que la femme de ménage passe, on a un haut-le-cœur de crainte qu’elle ne fasse tomber le bibelot ou qu’elle marque de ses gros doigts sa délicate texture.

C’est ainsi que l’on peut décrire l’état d’esprit de nos élites. Dès qu’un noir est victime de violence, le racisme est systématiquement convoqué comme la seule et unique explication. Et ce n’est pas n’importe quel racisme, c’est le racisme systémique issu du privilège blanc c’est-à-dire un crime collectif qui exige bien entendu une punition collective de tous les Français, tous coupables au fond. 

La vidéosurveillance ne dit pas le réel

Le tabassage d’un producteur musical par des policiers indignes de leur uniforme est une répétition générale de ce que nous venons de décrire. La femme de ménage blanche a encore cassé le bibelot noir. O indignation, ô exaspération, les élites font la moue, elles sont désolées de la grossièreté des manières de leurs sous-fifres.  

Des images de vidéosurveillance montrent le producteur de rap battu par la police © MICHEL ZECLER / GS GROUP / AFP
Des images de vidéosurveillance montrent le producteur de rap battu par la police © MICHEL ZECLER / GS GROUP / AFP

Personne n’attend les résultats de l’enquête pour être sûr que les policiers étaient motivés par le racisme. Moi, je n’en sais rien et vous non plus ne devriez pas sauter aux conclusions car une vidéo n’a jamais remplacé la vérité. Si la vidéosurveillance urbaine disait le réel, nous pourrions économiser des centaines de postes de commissaire et de magistrat ! Les seuls qui savent réellement ce qui s’est passé cette nuit-là dans le 17e arrondissement sont les mis en cause (les policiers) et les victimes (le producteur et les jeunes musiciens). Si on les laisse s’exprimer sans mettre de mots à leur bouche, l’on entendra peut-être les échos de la peur (toujours mauvaise conseillère), de la colère (ennemie du discernement) et peut-être du racisme le plus abject.  

A lire aussi: Ils voient dans les nécessaires lois sécuritaires notre «asservissement de demain»…

Or, nos élites se fichent éperdument de la vérité et de la justice, elles courent après la nausée (pensez à la une de Libération le 27 novembre). Cette nausée leur permet de poser leur supériorité morale et de se distinguer de la plèbe qui ne peut goûter de tels tourments. Le peuple est trop occupé à survivre pour s’autoflageller. Le luxe a été toujours le privilège du petit nombre.

liberation-uneEt peu importe que ce hobby de riches finisse par créer chez certains noirs un syndrome de persécution qui les amène à craindre réellement la police et les blancs qui sont leurs concitoyens, leurs collègues et leurs frères. Victimes éternelles et systémiques, ces noirs sont repoussés dans les marges, loin des centres de décision et des cercles d’influence.

Si Frantz Fanon était encore de ce monde, il serait très en colère contre cette nouvelle aliénation de l’homme noir, sans cesse empêché d’être un homme comme les autres. Ses drames sont toujours vus comme le fruit d’un complot ourdi par les méchants blancs. Et ses succès sont toujours présentés comme des justes réparations

Fétichisation raciale

L’arabe lui aussi a été fétichisé par les bien-pensants qui le placent au-delà de tout, même de la morale la plus basique. Il a le droit de voler et de détruire car lui, plus que tout autre, est victime de la pauvreté et des discriminations. Pensez toujours au bibelot que l’on pose soigneusement sur un meuble en acajou, derrière une vitrine qui l’isole de la poussière, du froid et de la chaleur c’est-à-dire de la vie. On l’aime mais on le méprise en même temps car on l’estime indigne de vivre dans la réalité, celle des droits et des devoirs. Le monde des adultes en somme.  

La gouvernance dont je viens d’esquisser les contours a pensé aussi aux blancs et aux Français de souche. Elle leur assigne le rôle du tapis de bain. Leur place est symboliquement par terre, au contact du carrelage froid et humide.

A lire aussi, Driss Ghali: Carrefour et le racisme imaginaire

Le blanc est le souffre-douleur. Les faits divers dont il est la victime sont passés sous silence. Quand il est attaqué par un noir, un arabe ou un tchétchène, ce n’est jamais un crime raciste mais un simple contentieux qui mérite une médiation et non une punition.

Du matin au soir, il est l’objet d’un procès de Nuremberg, instruit à charge par les universités et les médias autorisés. Certains jours, le service public audiovisuel me rappelle un peu la Radio des Mille Collines, dans sa monomanie obsessive et sa diabolisation systématique d’une partie de la population. Le blanc est coupable de tous les crimes imprescriptibles : esclavage, colonialisme, racisme, machisme, masculinité toxique, homophobie, réchauffement climatique etc. De là à considérer licite sa disparition, de là à justifier les agressions dont il est victime au quotidien, il n’y a qu’un pas… 

Naufrage

Pas besoin d’être gaulois pour être blanc, il suffit d’être policier : combien de gardiens de la paix issus de l’immigration ont été agressés voire tués sans que cela ne fasse la une des journaux ? L’on peut aussi être déclassé c’est-à-dire passer du statut du bibelot au statut du tapis de bain si on « pense mal » ou l’on « s’exprime mal ». C’est ce qui arrive, je crois, à votre humble serviteur à chaque fois qu’il n’adopte pas le point de vue attendu d’un maghrébin. Je suis, comme tant d’autres, assigné à résidence : je dois condamner la colonisation, excuser la délinquance et disculper l’Islam de toute dérive fanatique. Sinon, eh bien sinon je deviens un « arabe de service » donc un compagnon de route et d’infortune du Français de souche.

Défaite de la pensée. Naufrage de l’esprit français. Le pays des Lumières s’est laissé brûler par le soleil américain. À force de nous frotter au contre-modèle anglo-saxon, nous sommes en train de devenir une annexe du Bronx où rien ne pousse à part le ressentiment croisé. Un mur de lamentation doublé d’un mur de séparation entre les races et les religions. Quelle honte.

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La mission première de la génération actuelle est de dynamiter ce mur. Elle doit recommencer à penser l’homme dans sa plénitude. Elle doit faire l’autodafé de l’idéologie dominante qui réduit tout à la couleur de la peau, au genre et à l’orientation sexuelle. Si les élites nous veulent myopes, achetons-nous des lunettes pour voir loin. Si les puissants nous prennent par les émotions (pour ne pas dire autre chose), réfugions-nous dans les idées. Prendre de la hauteur, c’est déjà résister.

Quand quelqu’un vous intime de vous agenouiller au nom du racisme, méfiez-vous. Dans neuf cas sur dix, il veut vous empêcher de voir la pleine lune et vous priver de sa lumière céleste. Rebellez-vous quitte à lui mordre le doigt. 

L’imbroglio de l’article 24

La loi sécurité globale est bien mal partie! Et l’on peut redouter que le déni d’autorité et la haine anti-flic aient encore de beaux jours devant eux.

D’importantes manifestations sont prévues ce samedi pour protester contre le fameux article 24 (qui veut punir la diffusion malveillante d’images de policiers). Des députés de la majorité LREM, Richard Ferrand et le président du Sénat Gérard Larcher pestent contre la nomination – voulue par le Premier ministre – d’une commission indépendante, chargée de réécrire l’article incriminé.

Les images de l’arrestation violente du producteur de musique dans le 17e par des policiers douteux sont venues perturber, encore d’avantage, cette situation politique déjà passablement compliquée autour de la loi “sécurité globale”.

Pendant ce temps, l’écrasante majorité de policiers fait convenablement son travail et est oubliée, quand elle n’est pas vilipendée dans son ensemble par des médias mainstream trop contents de nous rejouer une affaire George Floyd, version tricolore. Pendant que toute l’attention est portée sur une bavure, pendant que médias et politiques pinaillent, les violences contre les forces de l’ordre ont doublé en dix ans, 7399 policiers ont été blessés en intervention en 2019 (soit une vingtaine par jour!) et 59 se sont suicidés. Depuis janvier, 63 commissariats ont été ciblés par des attaques.
La rédaction.

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Antiracisme, féminisme, écologie: un air bien connu

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Le pianiste Alexandre Tharaud en février 2020 © SADAKA EDMOND/SIPA Numéro de reportage : 00943594_000174.

Aucune fausse note!


Artiste, footballeur ou sœur d’Adama Traoré, chacun y va de sa dénonciation du « racisme systémique » français. Le pianiste Alexandre Tharaud, qui vient de donner un entretien à l’excellente revue de musique classique Diapason, n’échappe pas à la règle. Après quelques considérations sur sa carrière et sur le temps qui passe, l’artiste enfile les perles.

couv-diapason-nov-2020Oui, dit-il, les « cheffes » et les « compositrices » commencent à être reconnues, mais « en revanche, en termes d’origine, le manque de mixité dans les orchestres me met de plus en plus mal à l’aise, surtout en France. » Il voit, ajoute-t-il, beaucoup plus de chanteurs, de solistes et de chefs noirs de l’autre côté de l’Atlantique qu’en Europe. 

La population noire étant proportionnellement beaucoup plus élevée aux États-Unis qu’en Europe, ceci pourrait expliquer cela, mais, pour suivre d’assez près les orchestres symphoniques européens et américains, je ne saurais pas dire ce qui justifie les allégations du pianiste. Je vois aussi peu de musiciens noirs dans les orchestres de Boston ou New-York que dans ceux de Londres, Berlin ou Paris. En revanche, les musiciens d’origine asiatique, excellents musiciens de pupitre ou éminents solistes, sont de plus en plus nombreux dans les rangs de ces grands orchestres. Il n’empêche, Tharaud tranche : « je trouve, hélas, que le racisme reste présent dans la musique classique en France, comme dans tant d’autres secteurs de la vie sociale. » 

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Le pianiste a également fait une découverte surprenante : les « compositeurs non-blancs » sont « trop souvent mis de côté du répertoire des concerts. » Premièrement, avant la deuxième moitié du XXe siècle les compositeurs de musique dite classique sont très majoritairement des Européens. Deuxièmement, les programmes des plus grandes salles proposent essentiellement de faire entendre la musique d’avant 1950 – ce qui est regrettable mais c’est ainsi. Nous aimerions par conséquent bien savoir de quels « compositeurs non-blancs mis de côté » parle exactement Alexandre Tharaud ? 

Sa riche et talentueuse discographie confirme d’ailleurs cet état de fait : Ravel, Chopin, Grieg, Rameau, Bach, Couperin, Satie, Milhaud, Poulenc, Brahms, Rachmaninov, Debussy, Beethoven… pas un seul compositeur non-blanc ! Dans un disque récent (Contemporary Concertos, Janvier 2020), Alexandre Tharaud aurait pu rétablir la balance et combattre ce racisme musical qui le chagrine tant. Mais le sort s’acharne, les compositeurs contemporains joués par Tharaud dans ce disque sont tous des compositeurs blancs.

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Le pianiste joue la partition progressiste jusqu’au bout : il demande que ne soit pas éludée « la charge négative de certaines œuvres ou titres », et aimerait voir « expliquer le racisme, par un texte dans la partition ou une introduction avant le concert. » A-t-il l’intention, pour parfaire le tableau, de mettre un genou à terre au début de chacune de ses prochaines représentations ? Réponse au prochain concert… lequel se tiendra uniquement dans « une salle à l’acoustique parfaite […] construite au milieu des bois », car Alexandre Tharaud ne manque pas de cocher aussi la case écologique et est prêt à lutter contre les « mauvaises habitudes du monde d’avant » : « il n’est pas possible de continuer à prendre l’avion tous les jours. »

Alexandre Tharaud n’est pas une exception dans le monde artistique. C’est à qui dégoulinera le plus en se couvrant de cendres devant l’autel des bonnes causes ! Ce monde est devenu le monde des béni-oui-oui qui se ripolinent la conscience en recyclant les poncifs vertueux. C’est « le monde de ceux qui font les malins », dirait Péguy, de ceux qui nous en remontrent, et qui n’ont de cesse de faire de la France le pire des pays, le plus raciste, le plus intolérant, le plus minable. Eh bien ! Qu’ils restent en Amérique s’ils y trouvent leur bonheur, et qu’ils nous fichent la paix une fois pour toutes.

La France parle trop et ne punit pas assez

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L'Argentin Carlos Monzon (D) affronte le Français Jean-Claude Bouttier (G) lors du championnat du monde de boxe des poids moyens au stade de Colombes, le 17 juin 1972. Jean-Claude Bouttier abandonne à l'appel du treizième round, Carlos Monzon conserve ainsi son titre de champion du monde de sa catégorie. AFP

La nouvelle loi en préparation « contre les séparatismes » montre surtout la faiblesse de la France. On va encore légiférer, parler, discuter, débattre, ergoter sur les mots… Au lieu d’agir.


Une nouvelle loi se prépare contre « les séparatismes ». On ne parle déjà plus de l’islam politique, ni de l’islam radical, ni même « du » séparatisme. On noie déjà le poisson. Après cela, on discutera, on débattra, on ergotera, on se disputera, on s’insultera même, mais on n’agira pas. C’est devenu, dans notre pays, comme une seconde nature.

À lire aussi, Jean-Luc Vannier: «La laïcité est donc la religion de la France ?»

Bourguiba et « L’État, c’est moi »

Lorsque, en 57, Bourguiba arrive au pouvoir en Tunisie, il charge immédiatement l’avocat Ahmed Mestiri, son jeune Ministre de la Justice, de mettre en place les dites « Lois de statut personnel ». Il est tellement persuadé de l’importance fondamentale de ces lois qu’il dira plus tard à un autre Ministre, Béji Caïd Essebsi (devenu à son tour, en 2014, Président de la République), qu’il ne savait pas s’il aurait pu les promulguer s’il avait attendu seulement 6 mois…

Comme on le sait, ces lois imposent à la Tunisie un certain nombre de dispositions laïques, surtout concernant les femmes : égalité hommes/femmes, droit au divorce pour les femmes, etc… Ces lois libératrices mettent très clairement le pouvoir religieux de la Zitouna, la grande mosquée de Tunis, sous la coupe du pouvoir politique. Les tunisiennes y sont très attachées, mais aussi leurs maris, qui sont heureux de vivre avec des femmes libres, plutôt qu’avec des esclaves sociales. C’est si vrai que lorsque, au moment de la rédaction de la Constitution, après la Révolution du Jasmin de 2010, les constituants majoritaires d’Ennahda, le parti des Frères Musulmans, voudront subrepticement remplacer l’expression « égales de l’homme » par le mot « complémentaires », elles descendront en masse dans la rue pour protester, et leurs maris les y suivront, fiers de les soutenir. Ennahda retirera vite sa proposition.

On connaît les Lois de statut personnel. Mais ce qu’on ne sait pas, en général, c’est que parallèlement à cela, Bourguiba fait construire, dans tous les villages ou presque, des mosquées modestes, pour que les « petites gens » puissent y prier pacifiquement.

Par ces deux actes politiques parallèles, audacieux et même magistraux, Bourguiba dépolitise en une seule fois l’islam de son pays. Il coupe définitivement les velléités politiques du pouvoir islamique de la Zitouna, tant par le haut (lois de statut personnel) que par le bas (mosquées provinciales). Il ne parle pas, il ne disserte pas sur l’islam radical, ni sur l’islam politique, ni sur l’islam tout court, mais il affirme simplement, par les actes, la primauté et la verticalité du pouvoir politique. « L’État, c’est moi », en quelque sorte. Malgré les vicissitudes ultérieures, la Tunisie vit encore sous ces lois, et les tunisiens et tunisiennes y restent très attachés. Elles sont une de leurs fiertés.

Immédiatement, alors, se pose une question : « Pourquoi ce que Bourguiba a su faire, dans un pays de culture totalement musulmane, pour réduire le pouvoir islamique, nos dirigeants n’arrivent pas à le faire, dans un pays laïque et de culture chrétienne ? Pourquoi cette faiblesse ? Notre problème n’est-il pas, simplement, que nous avons oublié ce que signifie l’expression verticalité du pouvoir, et même le sens du mot autorité ? ».

« Monzon parle peu et frappe beaucoup »

En 1972, à La Défense, avait eu lieu un championnat du monde de boxe qui avait opposé un jeune français prometteur, Jean-Claude Bouttier, et le champion du monde argentin de l’époque, Carlos Monzon. Dans le journal « l’Équipe », les deux managers avaient résumé la tactique de leurs champions. Ainsi, celui de Bouttier avait déclaré : « Si Jean-Claude parvient, par des esquives rotatives, à éviter dans un premier temps les crochets de son adversaire, il devrait pouvoir ensuite, par des jabs bien ajustés, prendre un certain avantage, puis, à partir du 8ème round, peut-être, placer une droite… ». De son côté, le manager de Monzon avait résumé les choses : « C’est simple. Carlos parle peu et frappe beaucoup ». Lors du combat, Monzon a tellement massacré Bouttier que celui-ci a ensuite abandonné la boxe.

À lire aussi, Simon Moos: L’ennemi est l’islamisme, mais qui sommes-nous?

On parle, on discute, on fait des lois, mais on ne règle pas le problème islamiste en France. A-t-on encore besoin de lois ? Le problème n’est-il pas le fait que, tout simplement, la France parle trop et ne punit pas assez ?

La vie à la campagne

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Paysage du Gers © FRILET/SIPA Numéro de reportage: 00327712_000022.

Joseph de Pesquidoux (1869-1946) raconte les coutumes rurales gasconnes de 1914 à 1922


Aujourd’hui, la ruralité s’étudie dans des colloques à défaut de se vivre, les pieds dans la terre. Un peu honteux d’avoir délaissé pendant des décennies ce sujet en or, fatigués aussi par la sociologie des cités et l’amertume du périurbain, les penseurs ont découvert ce nouvel eldorado. On s’y rend en TER ou en Intercités quand ces trains ont décidé de bien fonctionner.

Le rural meurt en silence

Un champ d’enquêtes et de situations aussi dramatiques que le quotidien déprimant des tours bétonnées est là, juste à côté, parfois à cent cinquante kilomètres de Paris. Carnets à la main, ils interrogent, ils sondent, ils ratissent le Morvan, le Nivernais ou le Bourbonnais à la recherche de ce rural, étrange citoyen qui meurt dans le silence et dont l’image s’effacera bientôt des livres d’Histoire. Ils sont même surpris de son existence, on le croyait parti à la ville depuis longtemps, jadis son exode avait fait l’objet de nombreux ouvrages, il subsiste néanmoins dans le dénuement des services publics.

chez-nous-en-gascogneIl est folklorique par bien des aspects, d’abord il se déplace uniquement en voiture, fait ses courses dans des supermarchés, n’a pas de librairie dans un rayon de cinquante kilomètres, n’est pas forcément un paysan, ses enfants sont souvent pensionnaires au lycée le plus proche et il évite de tomber malade, cela l’obligerait à changer carrément de département, voire de région. Sa qualité de vie est toute relative.

L’appel du jardin

On fantasme sur le bon air qu’il respire, les étendues qu’il dispose et sa tranquillité d’esprit par rapport aux citadins entassés, mal-logés et abandonnés des pouvoirs successifs. Ce virus nous aura appris que le mal-être français se moque des limites entre la ville et la campagne. Il essaime généreusement sur l’ensemble du territoire. Partout, les coutures cèdent, la sécurité fait défaut et les vieux chaînons d’entraide ne résistent pas à la férocité de la mondialisation. Au printemps dernier pourtant, les agences immobilières de province avaient été assaillies de demandes, l’appel du jardin avait sonné. Combien de ces visites aux beaux jours, l’odeur du gazon coupé dans les narines se sont concrétisées par des achats fermes à l’automne, sous une pluie peu amène ? Si vivre à la campagne est un rêve pour beaucoup d’entre nous, le réaliser s’avère aussi difficile que d’obtenir un rendez-vous chez un ophtalmologue dans le Berry en moins de dix-huit mois ! Et même si le prix de l’habitat peut sembler « bas » pour un habitant des métropoles, il est parfois trompeur, il recèle mille déconvenues.

Le Virgile Gascon

C’est pourquoi, même avec la généralisation du télétravail, un retour massif de la population dans les profondeurs de notre pays n’est pas d’actualité. Et puis, cette campagne vénérée a beaucoup changé en cinquante ans. J’entends encore à la veillée, les histoires de ma grand-mère, narrant les comices agricoles d’antan, les fanfares locales, les concours de musique et le bal des conscrits. Vient de paraître aux éditions Le Festin, dans leur collection « Les Merveilles », un texte oublié d’un auteur tout aussi oublié : Chez nous en Gascogne de Joseph de Pesquidoux, « chroniques sur les travaux, les coutumes et les jeux en Gascogne » comme le rappelle Serge Airoldi dans une très belle préface. Ce châtelain-académicien a fini sa vie au Houga dans le Gers, il est l’auteur notamment de La Glèbe, Le Livre de raison ou La Harde, il fut surnommé par l’Express, « le Virgile gascon » et son talent de conteur fut salué, en son temps, par Gide.

Ce recueil de textes écrits entre 1914 et 1922 a le charme d’un tracteur vert SFV (Société Française de Vierzon) dodelinant sur un chemin vicinal. Le seigneur de Pesquidoux, avec une langue charnue et le ton juste du bon pédagogue, c’est-à-dire qui a plaisir à instruire sans ennuyer, à décrire précisément les gestes sans noyer dans les détails, nous fait découvrir la course landaise, la chasse aux palombes, la fête du cochon, la culture du maïs ou le fonctionnement d’un alambic défendant fièrement l’eau-de-vie.

Nous irons tous en Gascogne

Ce qui lui vaudrait aujourd’hui une haine sanitaire tenace. « Car la vraie, la pure eau-de-vie n’est pas un poison, mais un stimulant et un cordial. Un quasi-centenaire de mon pays, qui savoure chaque jour son petit verre d’Armagnac, a coutume de dire : c’est le lait des vieillards » écrit-il, avec jubilation. Et quand Pesquidoux parle des sabots d’aulne, d’ormeau, de noyer ou de hêtre, c’est toute une France qui apparaît sous nos yeux : « J’ai porté des sabots à l’âge où nous avons tous les pieds véloces d’Atalante ou d’Achille. J’avais vingt ans et je servais, de rouge et bleu vêtu, de l’azur sur du sang, au 9e Chasseurs à cheval ».

Quand l’autorisation de se déplacer sera royalement accordée aux Français, nous irons tous en Gascogne !

Chez nous en Gascogne de Joseph de Pesquidoux – Le Festin

Le vieil homme et la fille à lunettes

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Image d'illustration Ramiz Dedaković / Unsplash

Le vieil homme sait qu’il y a des choses qu’il ne faut pas faire, surtout quand on est un lettré comme il se flatte de l’être. On peut certes annoter un livre, mais en déchirer des pages, voilà qui est hors de question. C’est pourtant ce qu’il fait, préférant feuilleter quelques chapitres, si possible brefs, que de s’encombrer avec un pavé qui le décourage d’emblée : il ne sait que trop combien la vie est brève et les sommes philosophiques assommantes.

Contre la littérature pour femmes délaissées

Il est vrai qu’il a travaillé pendant près de quarante ans dans l’édition. Et qu’il a appris à très vite reconnaître non seulement la valeur d’un livre et la technique de son auteur pour épater d’éventuels gogos. Seul ce qui peut être exprimé en quelques lignes le retient encore. C’est dire qu’il ne se sent vraiment à son aise qu’entouré de notes fugitives et d’aphorismes cinglants.

Il a abandonné l’érudition quand il a pigé qu’elle n’était jamais qu’une fuite loin de notre propre vie, de même qu’il a renoncé aux pamphlets tant les polémiques le lassent et mis une croix définitive sur les pavés qui s’adressent à des femmes délaissées en quête du Prince Charmant. Quant à celles, abusées ou non, qui veulent se venger de leur passé – elles sont innombrables – il jette sur leurs livres un regard apitoyé : sans doute n’ont-elles rien compris à la littérature, ce qui n’est pas grave, mais moins encore à la vie, ce qui est plus fâcheux.

Le sourire des jeunes filles myopes

Le vieil homme en était là dans ses réflexions, lorsque subitement il décida d’entrer chez un opticien pour vérifier sa vue déclinante. On le pria d’attendre quelques minutes. Observant les jeunes filles qui s’affairaient dans le magasin, il songea à son ami Ceronetti qui lui avait dit, ce qu’il avait eu maintes fois l’occasion de vérifier, qu’un sourire des plus enchanteurs et des plus énigmatiques est le patrimoine exclusif des jeunes filles myopes qui portent des lunettes aux verres clairs, avec une monture invisible.

Ce genre de jeunes filles, avait-il ajouté, n’est pas si rare : d’ordinaire, elles ont des cheveux blonds ou châtain clair, une allure très svelte. Derrière leurs verres, la lumière de leurs yeux est pâle. Leur regard que la nature a limité se dirige vers des lointains inconnus. Leur sourire, quand il se manifeste, est d’une luminosité extrême. On jurerait qu’il annonce pour ceux qui les aiment ou les aimeront, un bonheur supérieur à la félicité commune.

Mourir de soif auprès de la fontaine

Le vieil homme se souvient avoir connu des jeunes filles au sourire énigmatique et aux lunettes claires. Il aimerait les passer en revue. Il aimerait plus encore savoir s’il en existe encore. Il est trop tard : l’examen de sa vue débute. Le résultat n’est pas fameux. Mais qu’est-ce qui peut l’être encore à son âge ? En sortant son portefeuille pour régler les vingt-cinq francs de la consultation, il en extrait une page déchirée d’un essai qu’il ne sait plus à qui attribuer. Plus tard dans un café, il lira ceci qui s’adresse directement à lui :« Dans l’une des maximes à la visée éthique du “Dhammapada” on trouve cette image d’un vieux : il dépérit comme un héron sur un lac sans poissons. » Il songe que cette maxime conviendrait encore mieux à son besoin d’amour. Il est trop tard. Comme Villon, « il meurt de soif auprès de la fontaine. » Ceux qui l’observent chez Nespresso le trouvent plutôt affable : il n’a pas l’air de mourir de soif. Il convient de donner le change quand les jeunes filles éthérées à lunettes ont disparu et que soi-même on est si proche du gouffre. On lui apporte un second ristretto qu’il dégustera en lisant la presse. Il faut bien feindre d’être encore vivant, se dit-il. Sans conviction.

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LGBTHOVEN

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© Soleil

Plus que le critique, le comédien, le musicien et le danseur, c’est l’ouvreuse qui passe sa vie dans les salles de spectacle. Laissons donc sa petite lampe éclairer notre lanterne!


Pauvre Ludwig ! Ce n’était pas assez de perdre l’oreille à 25 ans. Pas assez de voir son anniversaire saboté par un microbe (né en 1770, 2020 est son quart de millénaire, la fiesta promettait). Pas assez. Il faut encore se faire gommer par les effacistes.

Du passé faisons table rase…

« Cancel culture » qu’ils disent. Culture à effacer avec Colbert, Schœlcher, Polanski et Woody. Donc, comme cadeau de deux-cent-cinquantenaire, les effacistes effacent Beethoven. Son crime ? Avoir composé la Cinquième symphonie. Pompompompom : cri primal du colon dominateur. Quelques Black Lives Avengers comme le critique James Bennett II avaient lancé l’alerte. Deux thermidoriens new age, le journaliste pop Charlie Harding et son double musicologue Nate Sloan, rejoignent aujourd’hui le comité de salut public sur le média américain Vox. « Depuis la création en 1808, écrivent nos experts, les auditoires ont interprété ce parcours [du pompompompom initial à l’ut final, NDLR] comme une métaphore de la résilience personnelle de Beethoven face à la surdité. » Mais en vrai, ce que raconte la Cinquième, c’est la marche triomphale du macho « blanc et riche » à la tête de sa légion réactionnaire. « Pour d’autres groupes – personnes LGBTQ+, personnes de couleur – la symphonie de Beethoven peut surtout rappeler que la musique classique est une histoire de l’exclusion et de l’élitisme. »

À lire aussi, Jeremy Stubbs : La « cancel culture », cette effrayante intolérance progressiste

Selon cette théorie pas tellement nouvelle, Mozart était cool parce qu’on pouvait applaudir entre les mouvements de ses concertos et bouffer des chips pendant ses opéras, alors que Beethoven aurait inventé l’Œuvre avec un gros Œ, qui domine, qui intimide, qui écrase le public. Pas tousser, pas hurler, pas bouger, « signifiants de la classe bourgeoise ». D’où « un mur entre la musique classique et un public nouveau et divers. » Mur inauguré truelle en main par Beethoven. Et vive la pop citoyenne qui vous cause d’égal à égal.
Vous direz : laissez ces tarés tarer. Mais voyez-vous, ces maîtres-là ont des disciples, plein de disciples, chaque semaine plus nombreux. Et depuis que Notre Castex a fermé les salles de concert, si on ne vole pas au secours du brave Ludwig, qu’est-ce qu’il va devenir ?
Alors. Déjà tomber sur Beethoven relève du parfait opportunisme, genre tu vas voir comment ton anniv ça être ta fête. Bach non plus, il n’en a rien à foutre de ton moi écoresponsable : il compose directement pour Dieu, pour prouver Dieu comme dirait Pascal. Et le mégalo Michel-Ange, tu crois qu’il t’inclut inclusivement ? Depuis que l’art est art y’en a des qui chatouillent et des qui gratouillent (et des qui ni l’un ni l’autre). Et puis ?

À qui le tour ?

Et puis, question mur, la pop ne se gêne pas tant. Le Floyd, dans The Wall justement, il se mouche du genou ? D’ailleurs qui leur a dit, aux effacistes, que Beethoven était un militant hétéro à la recherche des bourgeois en fleur ? Il leur crachait dessus, aux bourgeois. Depuis deux siècles la Cinquième reste un mystère sans classe, à la fois le plus écrasant et le plus populaire.

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Élitiste ? Si on admet que le marché a changé d’élite. À l’époque de Beethoven, ses patrons roulaient en carrosse et lui en carriole ; à l’époque de Rihanna, Madame roule en Lamborghini et ses fans en métro. Cherchez le bourgeois.
Et maintenant à qui le tour ? Accusé de child abuse, voilà un candidat solide, qui s’écriait « I’m not gay », n’aimait la peau que blanche, se voyait très au-dessus de nous autres et se comparait publiquement à Jésus. Je propose donc d’effacer Michael Jackson.

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Luc-Olivier d’Algange ou l’Europe secrète

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Luc-Olivier d'Algange D.R.

On réédite quatre titres de l’écrivain néo-païen qui en appelle au déconfinement de la pensée. 


Lecteur de Balzac, disciple du gnostique Raymond Abellio et du mystique monarchiste Henry Montaigu, Luc-Olivier d’Algange poursuit depuis des décennies une quête exigeante, nourrie d’immenses lectures, de Platon à Nietzsche, et dont l’objectif est toujours de « sauvegarder en soi, contre les ricaneurs, le sens de la tragédie et de la joie ».

Pensée orphique et contre modernité

Même s’il en appelle parfois au Christ, un Christ solaire et victorieux à des années lumières du dolorisme ecclésiastique, Luc-Olivier d’Algange se révèle Hellène, adepte d’une pensée de type orphique. Contre-moderne résolu, allergique aux « voies ferrées » de l’infralittérature officielle, il résiste à toutes les formes d’hébétude et d’anesthésie, à la massification globale comme aux formes nouvelles d’obscurantisme.

Il y a chez lui du paladin de l’ancienne France royale et du mystique de l’Allemagne secrète. Par son travail de recherche et d’approfondissement effectué dans la solitude et dans l’indifférence aux modes, l’homme prépare un « dé-confinement » esthétique et spirituel, une sortie de la Caverne ainsi qu’un recours à l’essentielle leçon des Grecs, nos Pères : faire de l’homme « la mesure de toute chose » pour citer le Protagoras de Platon. Il s’agit bien de faire contrepoids aux langueurs du déclin : « L’exil intérieur est source de folles sagesses dont aucune ne se soumet à la tristesse ».

Ombre de Venise et souvenir de Dominique de Roux

C’est dire s’il faut applaudir la réédition revue et augmentée de quatre de ses livres dans la belle collection Théôria que dirige Pierre-Marie Sigaud chez L’Harmattan, et qui a pris la suite de la regrettée collection Delphica des éditions L’Âge d’Homme. Il s’y retrouve en bonne compagnie aux côtés de Françoise Bonardel, de Jean Borella ou de Frithjof Schuon. L’ombre de Venise, le salut aux mânes de Dominique de Roux, les relectures de Dante et d’Hölderlin, l’alchimie et Henry Corbin peuplent des pages marquées au sceau de l’exigence.

Luc-Olivier d’Algange ou le Bon Européen, celui « qui ne se soumet point au temps » !

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M. le président, il faut économiser sa honte!

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Graves débordements lors des manifestations anti-police le 28 novembre 2020, Paris © Francois Mori/AP/SIPA Numéro de reportage: AP22517666_000025

Après les violences subies par Michel Zecler lors de son interpellation par des policiers, le président semble rejoindre ceux qui s’indignent et ont manifesté bruyamment ce samedi 28 novembre. L’analyse de Philippe Bilger.


Le président de la République a délivré un long message sur Facebook où il faisait part de sa « honte » face aux images « insupportables » de la brutalité durable et raciste dont Michel Zecler, un producteur noir, a été la victime à l’intérieur du studio comme à l’extérieur de la part de trois fonctionnaires de police, un quatrième jetant une bombe lacrymogène.


Pourquoi ces vidéos ont-elles indigné bien au-delà du cercle des opposants compulsifs de la police quoi qu’elle fasse, des idéologues aspirant à ce qu’elle seule soit livrée pieds et poings liés à ceux voulant « bouffer du flic »?

Parce que ce déchaînement de violence, apparemment, a surgi comme une malfaisance inspirée par rien d’autre que le besoin de libérer une agressivité folle à l’encontre de cet homme traité de « sale nègre ». Parce que ce dernier, contrairement à tant de polémiques imputant à la police les comportements non civiques de ceux la fuyant ou se battant avec elle, n’a eu rigoureusement rien à se reprocher, bien au contraire, dans cette trop longue fureur exclusivement policière.

Cet unanimisme mêlant président, ministres, élus, droite et gauche, journalistes, célébrités, footballeurs, humanistes patentés et compassionnels conjoncturels, pourrait réjouir alors que tout démontre que notre démocratie est rien moins qu’unie. Pourquoi cependant, face à un tel maelström, est-ce que je me sens un peu gêné, comme si c’était trop?

A lire aussi, Driss Ghali: Le noir, le bibelot et le tapis de bain

Ces dernières semaines, tant de choses nous ont sollicités qui sur les plans sanitaire, de l’ordre, de la sécurité et de la police ne brillaient pas par la cohérence et la limpidité qu’on a le droit de réfléchir au-delà de cet odieux épisode. La gestion totalement erratique d’un article 24 pourtant nécessaire pour protéger la police, notamment dans sa sphère privée, a constitué cet article comme un repoussoir instrumentalisé par les journalistes avant que le Premier ministre ajoute à la confusion par ses fluctuations.

La sincérité de Gérald Darmanin questionnée

Si le président de la République a semblé transmettre récemment des dates susceptibles de nous rassurer sur l’existence d’un dessein gouvernemental, il n’empêche que tous les exclus de novembre et de décembre, rejetés jusqu’en janvier, sont dans un état de désespérance et de colère où l’incompréhension le dispute à un sentiment puissant d’injustice. Il apparaît qu’il y aurait un « sanitaire » deux poids deux mesures et qu’on peut craindre que notre société déjà largement éprouvée s’enfonce l’année prochaine dans un gouffre tragiquement mesurable.

Sur la police elle-même, on est heureux d’apprendre que le préfet de police a demandé à ses troupes de respecter « une ligne républicaine ». Je suis persuadé qu’il ne s’oublie pas dans cet avertissement. Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin devient une cible commode. Il est vrai que lui-même mène une politique qui ne plaît pas à ce qu’il y a de gauche dans LREM et le fait de telle manière en mêlant, ces derniers jours, juste rigueur et démagogie précipitée qu’il peut faire douter de la constance et de la sincérité de son projet. Il donne trop l’impression d’avoir des embardées contradictoires plus qu’une plénitude digne de ce nom.

Gerald Darmanin photographié avant son entretien au journal de 20 heures de France 2, le 26 novembre 2020 © Thomas COEX / AFP.
Gerald Darmanin photographié avant son entretien au journal de 20 heures de France 2, le 26 novembre 2020 © Thomas COEX / AFP.

Mais à tout seigneur tout honneur. Le président de la République n’a pas seulement eu « honte ». Il a affirmé qu’il « croyait en la République exemplaire et en une police exemplaire » et qu’il attendait rapidement qu’on lui soumette des mesures pour lutter contre les discriminations dans la police. Incitant à ne jamais succomber à la violence, d’où qu’elle vienne, il ne risquait pas, avec ces nobles banalités, d’être contredit. L’action est malaisée: le verbe généreux compense et console.

Le terme « croire » est signifiant. Il manifeste comme l’exigence ne relève pas de la volonté mais du souhait.

Pour cette République exemplaire, serait-ce enfin l’irruption bienfaisante d’un nouveau monde de l’éthique quand depuis 2017 l’ancien a dominé?

Pour cette police exemplaire, il convient surtout de ne pas tirer de la brutalité inouïe que Michel Zecler a subie, des conclusions qui globaliseraient.

Mais qu’on me permette de ne pas tomber dans une absurde stupéfaction révélant à la fois une méconnaissance de la réalité et une naïveté face à la difficulté des missions policières. Dans la mesure où j’ai toujours soutenu que l’usage de la force légitime par la police était conforme à l’esprit républicain, je n’ai jamais minimisé les rares violences illégitimes que certains fonctionnaires pouvaient commettre, de sorte que je ne suis pas surpris, mais tétanisé par leur caractère délibéré.

Les manifestants du 28 novembre oublient les violences dont sont victimes les policiers

Je n’oublie pas non plus que pendant qu’on compatissait avec ce producteur, d’autres policiers, au quotidien, étaient victimes de scandaleuses résistances, de graves atteintes et que par exemple dans le même trait de temps une quinzaine de voyous, en Seine-et-Marne, s’en prenaient à des fonctionnaires attirés dans un guet-apens.

A lire aussi, du même auteur: Ils voient dans les nécessaires lois sécuritaires notre « asservissement de demain »…

Je ne rappelle pas ces évidences pour faire preuve de mauvaise foi mais pour mettre sur un plateau de la balance l’intolérable d’agressions ponctuelles comme celle à l’égard de Michel Zecler, et sur l’autre les mille offenses verbales et physiques causées à des policiers dans l’accomplissement de leur mission. Il me semble que ma démarche n’est pas inutile alors qu’une foule impressionnante défile à Paris le 28 novembre, mais contre les seules violences policières et la loi « sécurité globale » qui n’avait rien de liberticide.

Mollo!

En même temps, dans cet étrange climat où le pouvoir semble même dépassé par le cours d’événements qu’il a pourtant initiés, la cote du président monte, celle de plusieurs ministres, comme si le pays ne se sentait pas vraiment concerné dans ses profondeurs par l’écume des anecdotes politiciennes mais jugeait passable, voire en progrès l’action du gouvernement. Mais de grâce, que le président économise sa honte et économisons la nôtre avec lui! On a pu déjà en dépenser beaucoup depuis 2017 et il y aura, dans notre avenir agité, mille opportunités d’indignation, de mépris, de révolte: il faudra qu’il nous en reste encore.

Car un pouvoir jamais assez exemplaire, une police jamais assez exemplaire et des citoyens jamais assez républicains !

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Des contradictions de la République et de l’idolâtrie dans l’islam

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Manifestations des Indonésiens musulmans suite aux déclarations de Macron défendant le droit à la caricature, Jakarta, 2 novembre 2020. © INA Photo Agency/Sipa USA/SIPA Numéro de reportage : SIPAUSA30241760_000003

Michel Orcel explore deux paradoxes du conflit qui nous oppose à l’islamisme: la République oublie qu’elle est la fille de la Terreur, tandis que l’islamiste ne se rend pas compte qu’il commet le péché d’idolâtrie en condamnant les caricatures.


L’épouvantable décapitation d’un professeur de collège au prétexte qu’il avait choqué la foi religieuse de quelques adolescents nous invite à observer d’abord que c’est au seul concept de République que nos hommes politiques se réfèrent pour condamner cette exécution. Référence absurde, car il existe toutes sortes de républiques où la liberté ne s’exerce pas, et surtout parce qu’aucun régime n’a mieux développé que la Révolution française la décapitation de masse pour justifier une idéologie totalitaire.

La République française n’est pas un principe, mais un régime

Et qu’on ne nous rétorque pas, comme certains, qu’il y a rupture entre la Révolution et la Ve République : sa devise, son hymne, ses principes, sa négation des corps intermédiaires, son centralisme, sa prétention à créer un homme nouveau délivré de toutes contingences naturelles ou historiques (« mariage pour tous », lois dites bioéthiques, extension de l’avortement, PMA « pour toutes et tous », etc.), enfin le gouvernement actuel d’un parti si autoritariste qu’il en est venu à réprimer violemment des manifestations pacifiques, contrôler nos plus simples sorties ou interdire momentanément l’exercice du culte, montrent assez que notre République est historiquement la fille de la Révolution jacobine.
La République française n’est pas un principe, mais un régime ; et la France transcende de loin l’histoire si récente et si meurtrière de ce régime-là. Ce n’est donc pas tant la République que bouleverse cette décapitation (une république qui, à travers l’immigration, est largement responsable, par laxisme, angélisme, calcul ou complicité, de l’émergence d’un islamisme aujourd’hui meurtrier) que la France : le vin, la musique, la politesse, la galanterie, la pensée libre, ne sont pas républicaines, mais françaises.

Évidemment, aménager la loi pour de petits groupes (les juifs de France au XIXe siècle, par exemple) est tout à fait concevable : l’ancienne France était même fondée sur des privilèges divers et variés, qui respectaient les coutumes locales, les droits corporatifs, les libertés communales. N’ayons pas peur de dire que la réification des personnes à l’état d’individus interchangeables telle que l’a conçue et voulue la République rousseauiste et jacobine – Georges Bernanos ou François Furet, pour ne citer qu’eux, l’avaient bien vu – a fait le lit de tous les terrorismes.

L’islam contemporain est-il en mesure de nous respecter ?

Les mesures radicales qu’il serait nécessaire d’adopter pour endiguer la terreur islamiste qui gagne notre pays (mesures que je ne suis pas seul à préconiser mais qui semblent impossibles dans le cadre législatif européen), ce n’est pas un islamophobe, loin s’en faut, qui les soutient ici. Si la civilisation musulmane est endormie depuis plusieurs siècles, on ne saurait ignorer ses très riches apports, pas plus que l’abondance et la profondeur de sa poésie et de sa mystique, par exemple. J’aime et respecte l’islam – que j’ai longuement fréquenté –, et la figure de Lyautey m’est très chère. Pour protéger l’islam marocain des insolences coloniales, il fit édicter l’interdiction des lieux de culte aux non-musulmans. Mais la France n’est pas un pays musulman et nous devons aux fidèles de cette religion le respect qu’on doit à tout homme, dans la mesure où il accepte notre culture et nos lois. Or telle est la question qui se pose aujourd’hui : l’islam contemporain est-il en mesure de nous respecter ? L’islam d’aujourd’hui – c’est-à-dire le fondamentalisme islamique – a-t-il encore quelque chose à voir avec l’islam traditionnel, historiquement si proche de nous encore, et si amical : pensons aux unités musulmanes de l’armée française actives jusqu’à la guerre d’Indochine, à leur double allégeance manifestée notamment dans leurs insignes et leurs devises (« Allahou akbar »[tooltips content= »5e Régiment de tirailleurs algériens. »](1)[/tooltips] ! ou « Dieu, l’islam et la France »[tooltips content= »200e bataillon de pionniers nord-africains. « ](2)[/tooltips]), aux harkis, ou même aux vieux et respectueux Algériens transplantés en France que nous avons tous connus dans notre jeunesse ?…

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Je ne serai pas le premier à répondre par la négative. Dans l’islam traditionnel, le djihad offensif était considéré comme désormais clos depuis le XIVe siècle. Seul l’agression du dar al-islam appelait à la guerre sainte (l’Algérie avec le grand Abdelkader, qui, une fois défait, devint un ami de la France et un défenseur des chrétiens de Syrie, en est le meilleur exemple). Ajoutons que terorisme et suicide sont rigoureusement contraires à la tradition musulmane du « petit » djihad (la guerre sainte). Même le précédent des Assassins (Hashashins), auquel certains ont eu recours pour trouver une généalogie au djihadisme moderne, est tout à fait inopérant, non seulement parce qu’il s’agissait d’actions émanant d’une minuscule secte ismaélite, mais aussi parce que leurs victimes n’étaient que des souverains. D’autres facteurs marquent donc la rupture doctrinale entre l’islam ancien et l’islamisme qui se développe chaque jour un peu plus dans le monde musulman.

Islam : l’ancien et le nouveau

Le facteur essentiel est très évidemment la mondialisation, et son corollaire : la puissance des États les plus riches. Le wahhabisme saoudien, qui, voilà un siècle encore, n’était qu’une petite secte hérétique de l’islam, a diffusé sa doctrine dans le monde musulman, soit directement, soit à travers la mouvance salafiste, qui en est dogmatiquement très proche. Alors que l’ancien islam présentait un éventail très varié de coutumes et de croyances ainsi qu’une littérature foisonnante (juridique, littéraire, spirituelle), le fondamentalisme favorise l’extrême pauvreté de la pensée et l’adoption de règles passe-partout, fort commodes pour enrôler les masses incultes, en jouant sur le réflexe communautariste de l’oumma. Et il n’est pas peu curieux d’observer que la secte wahhabite, qui passe son temps à lutter contre toute vénération qui ne s’adresse pas à Dieu (la majorité des sanctuaires et lieux historiques de La Mecque ont été détruits, et le tombeau même du prophète a été menacé, sous prétexte qu’ils suscitent des vénérations idolâtriques), n’a eu d’autre résultat que de favoriser, non seulement la mondialisation du « voile », mais l’idolâtrie de la figure du prophète…

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Sans revenir aux origines de l’islam et en s’en tenant à l’histoire canonique, la figure de Mahomet a été à la fois contestée, et très tôt vénérée. Vénérée comme celle d’un homme choisi par Dieu, comme un véhicule de la parole divine ; mais jamais comme un dieu, cela va de soi. Cette vénération, associée à l’iconoclasme sémite (partagé avec le judaïsme), a beaucoup réduit la représentation picturale du prophète, dont on trouve cependant de belles et nombreuses traces (le visage découvert ou voilé d’un linge blanc) dans le monde persan, l’Inde moghole ou l’empire ottoman. Si elle n’est pas courante, la figuration du prophète jouit donc d’une réelle tradition. Par ailleurs, le prophète de l’islam s’est toujours gardé de se comparer aux grands prophètes juifs, notamment Jésus, « Verbe de Dieu » (IV, 171), dont les miracles sont chantés dans le Coran, et annonce clairement : « Je ne suis qu’un simple mortel, envoyé par Dieu à mes semblables » (Coran XVII, 93). Si la tradition légendaire lui attribue quelques prodiges, le prophète admettait lui-même que son seul miracle était la descente du Coran – ce qui revenait à attribuer le miracle à Dieu et à confirmer la nature purement humaine de son envoyé.

Le paradoxe du péché d’idolâtrie

Ce petit excursus nous permet de revenir à l’objet de cet article : l’islamisme – même s’il a déjà gangréné les représentations officielles (les Musulmans de France, le CCIF, etc.) – ne représente heureusement pas la pensée de tous les musulmans français, dont beaucoup sont parfaitement intégrés à notre culture.

On comprend néanmoins que la masse des fidèles, même modérés, puissent être violemment choqués par des caricatures auxquelles leur histoire ne les a pas habitués ; mais, en s’enflammant contre elles au point de justifier le meurtre de leurs auteurs ou de ceux qui les colportent, les fondamentalistes (et ils sont de plus en plus nombreux : les services secrets viennent d’en avertir l’Élysée) commettent sans en avoir conscience le péché le plus condamnable de l’islam : l’idolâtrie.

Ils divinisent le prophète et se font ainsi les spectateurs d’une adoration qui, aux yeux de l’islam, est considérée comme impie. Ajoutons que ces musulmans auraient beaucoup à apprendre des chrétiens occidentaux, lesquels, depuis des décennies, supportent les railleries les plus ordurières au sujet du Christ (notamment dans Charlie Hebdo), parce qu’ils savent bien que ces figurations ne sauraient affecter en quoi que ce soit la nature du Dieu infini dans lequel ils croient.

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Et Diego s’envola avec la balle…

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© Colorsport / Shutterstock / SIPA Numéro de reportage: Shutterstock40808452_000003

Thomas Morales se souvient de ses douze ans: dimanche 22 juin 1986 – Costa Brava/Stade Azteca


Cette année-là, nous étions partis en Espagne plus tôt, pour affaires. J’avais 12 ans et abrégé une année scolaire pour le moins chaotique et déprimante. Une raquette de tennis de marque Le Coq Sportif, témoignage d’un autre mois de juin, Roland-Garros 1983, m’accompagnait dans tous mes déplacements. Je me souviens que Miguel Bosé chantait à la radio le titre Nena. Je m’empiffrais de churros l’après-midi et fit honneur à la boisson locale, le Fanta naranja et limón durant tout l’été. Peu rassurante, la Guardia Civil faisait des rondes dans un Land Rover badgé Santana.

L’été espagnol

Il y avait comme un parfum d’Occupation dans l’air, malgré la poussée culturelle de la Movida. De jeunes catalans sortaient du lycée en bermuda, au guidon de petites Montesa de trial. Mon père m’avait promis de ramener une cinquante centimètres cube dans notre pluvieux Berry. Les mères espagnoles de la classe aisée portaient des colliers de perles sur des polos Lacoste de couleur jaune paille ou bleu lavande. Il y avait encore dans les rues, quelques grosses voitures américaines assoupies, comme à la Havane, héritage d’une industrie du tourisme en pleine expansion, largement amorcée en son temps par Franco et l’arrivée de capitaux étrangers, dès les années 1950. Les socialistes au pouvoir continuaient cette même politique économique, jouant sur une peseta basse, donc attractive. Felipe González ressemblait à un Michel Leeb mexicain. L’immobilier assurait des fortunes aussi rapides que suspectes.

Un voisin britannique, vieux lord maquillé comme une poule de luxe sorti d’une nouvelle de Truman Capote, quittait tous les soirs à 21 heures sa villa au volant d’une Rolls-Royce Silver Shadow. De ma terrasse, j’observais son manège espérant capter l’attention d’une Hollandaise âgée de quinze/seize ans arrivée avec sa famille dans un break Chevrolet Caprice. Son profil d’Anita Ekberg batave m’avait tapé dans l’œil. Sur le court en terre battue, ma mère me faisait travailler mon revers, insistant sur l’amplitude du geste comme aux grandes heures de Suzanne Lenglen.

Une orange déguisée en footballeur

Nous armions démesurément nos coups ce qui donnait une certaine élégance à nos mouvements à défaut d’efficacité tennistique. Chez nous, formés à l’école du rugby, le football était banni par idéologie et par esprit de dissidence. Je ne fus jamais inscrit au club de mon village ce qui handicapa largement mon insertion et ma sociabilité. Ah si j’avais tapé dans un ballon rond, j’aurais eu certainement une autre carrière ! Ce sport nous apparaissait alors dépourvu d’intérêt et de profondeur nostalgique. Réfractaires au ballon, nous subissions donc la méfiance de notre entourage et la hargne des supporters.

A relire, du même auteur: Le logo des JO et les athlètes de l’écrit

À dire vrai, je m’étais passionné, en secret, quatre ans plus tôt, toujours en Espagne, pour Naranjito, la mascotte de la Coupe du Monde 1982, une orange déguisée en footballeur. J’achetais alors tous les produits dérivés de cet étrange personnage, des timbres édités par la Poste espagnole aux figurines en plastique. Est-ce à cause des caprices de la météo ou du tennis-elbow de mon père que ce dimanche-là, nous fumes contraints de regarder la télévision ? Nous n’avions aucunement envie de communier sur l’autel de la baballe et de nous vautrer dans l’émotion collective. Nous nous pensions bien au-delà des cultures de masse et des foules ahuries. L’Argentine affrontait l’Angleterre dans un quart de finale devenu aujourd’hui homérique, sanctifié par toute la planète. Du football, nous ne connaissions que les ânonneurs de pelouses, les pousseurs affabulateurs et le pragmatisme viril des Allemands. Des gesticulateurs aussi peu recommandables que des politiciens en campagne électorale.

Râblé comme un plâtrier

Viva les bleus tube à l’irrédentisme joyeux entonné par l’immense Carlos n’avait pas réussi à nous intéresser à l’événement. Ce jour-là pourtant, nous étions devant notre poste, les commentateurs en castillan dans les oreilles et rencontrions, pour la première fois, la foulée céleste de Diego Armando Maradona. La patte gauche de dieu nous faucha en pleine soirée. Le ballon collé à ses basques. Bas, démesurément bas. Au ras de la terre.

Râblé comme un plâtrier, un maçon ou un carreleur, le numéro 10 courait jusqu’au but. Inarrêtable. Celui qui le stopperait n’était pas du genre humain. Avec cette geste communicative, la violence naturelle et jouissive du buteur, il ne reculerait pas, il driblerait, il se jouerait de la défense, la narguerait, avec la volonté de l’humilier. Ce n’était pas très propre, pas tellement fluide, mais époustouflant d’adresse, de vista et de combat au corps-à-corps.

Le commentateur pouvait alors s’interroger, les larmes dans la voix : de que planeta viniste, oui on se le demande aujourd’hui encore de quelle planète pouvait-il bien venir ce gars-là, né dans la banlieue sud de Buenos Aires ? Le commentateur utilisait des formules magiques : barrilete cosmico et corrida memorable. Bulldozer féerique de tout un peuple en liesse. Ce jour-là, nous avons appris que le football était une terre nouvelle et qu’un Argentin d’1,65 mètre était son conquistador éclairé. « Je veux dire que les autres existent plus ! Les autres romanciers !… tous ceux qu’ont pas encore appris à écrire en « style émotif »….y a plus eu de nageurs « à la brasse » une fois le crawl découvert »…

S’il l’avait connu, Céline aurait pu rajouter qu’après Maradona, le football n’était plus un jeu lointainement inventé par les Français et popularisé par les Anglais mais une affaire argentine. Cette année-là, j’ai troqué ma raquette pour le maillot de l’albicéleste.

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Le noir, le bibelot et le tapis de bain

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Le producteur de rap frappé par la police répond aux journalistes alors qu'il se rend à l'IGPN, le 26 novembre 2020 © Thibault Camus/AP/SIPA Numéro de reportage : AP22517147_000001

Montées en épingle par le petit marigot politico-médiatique, les images de la bavure policière sur le producteur de rap Michel Zecler permettent aussi de remettre une pièce dans la machine de la victimisation racialiste. Les difficultés importantes de la police nationale, que la loi “sécurité globale” entendait combattre, sont-elles oubliées ?


 

Aux yeux des élites françaises et occidentales, le noir est devenu une sorte de bibelot, un objet fragile et précieux que l’on installe dans la pièce la plus luxueuse de la maison, là où on fait salon en compagnie de la bonne société. Un fétiche rapporté d’un voyage lointain, un masque africain qu’il faut garder à une certaine température et sous certaines conditions d’humidité. Et à chaque fois que la femme de ménage passe, on a un haut-le-cœur de crainte qu’elle ne fasse tomber le bibelot ou qu’elle marque de ses gros doigts sa délicate texture.

C’est ainsi que l’on peut décrire l’état d’esprit de nos élites. Dès qu’un noir est victime de violence, le racisme est systématiquement convoqué comme la seule et unique explication. Et ce n’est pas n’importe quel racisme, c’est le racisme systémique issu du privilège blanc c’est-à-dire un crime collectif qui exige bien entendu une punition collective de tous les Français, tous coupables au fond. 

La vidéosurveillance ne dit pas le réel

Le tabassage d’un producteur musical par des policiers indignes de leur uniforme est une répétition générale de ce que nous venons de décrire. La femme de ménage blanche a encore cassé le bibelot noir. O indignation, ô exaspération, les élites font la moue, elles sont désolées de la grossièreté des manières de leurs sous-fifres.  

Des images de vidéosurveillance montrent le producteur de rap battu par la police © MICHEL ZECLER / GS GROUP / AFP
Des images de vidéosurveillance montrent le producteur de rap battu par la police © MICHEL ZECLER / GS GROUP / AFP

Personne n’attend les résultats de l’enquête pour être sûr que les policiers étaient motivés par le racisme. Moi, je n’en sais rien et vous non plus ne devriez pas sauter aux conclusions car une vidéo n’a jamais remplacé la vérité. Si la vidéosurveillance urbaine disait le réel, nous pourrions économiser des centaines de postes de commissaire et de magistrat ! Les seuls qui savent réellement ce qui s’est passé cette nuit-là dans le 17e arrondissement sont les mis en cause (les policiers) et les victimes (le producteur et les jeunes musiciens). Si on les laisse s’exprimer sans mettre de mots à leur bouche, l’on entendra peut-être les échos de la peur (toujours mauvaise conseillère), de la colère (ennemie du discernement) et peut-être du racisme le plus abject.  

A lire aussi: Ils voient dans les nécessaires lois sécuritaires notre «asservissement de demain»…

Or, nos élites se fichent éperdument de la vérité et de la justice, elles courent après la nausée (pensez à la une de Libération le 27 novembre). Cette nausée leur permet de poser leur supériorité morale et de se distinguer de la plèbe qui ne peut goûter de tels tourments. Le peuple est trop occupé à survivre pour s’autoflageller. Le luxe a été toujours le privilège du petit nombre.

liberation-uneEt peu importe que ce hobby de riches finisse par créer chez certains noirs un syndrome de persécution qui les amène à craindre réellement la police et les blancs qui sont leurs concitoyens, leurs collègues et leurs frères. Victimes éternelles et systémiques, ces noirs sont repoussés dans les marges, loin des centres de décision et des cercles d’influence.

Si Frantz Fanon était encore de ce monde, il serait très en colère contre cette nouvelle aliénation de l’homme noir, sans cesse empêché d’être un homme comme les autres. Ses drames sont toujours vus comme le fruit d’un complot ourdi par les méchants blancs. Et ses succès sont toujours présentés comme des justes réparations

Fétichisation raciale

L’arabe lui aussi a été fétichisé par les bien-pensants qui le placent au-delà de tout, même de la morale la plus basique. Il a le droit de voler et de détruire car lui, plus que tout autre, est victime de la pauvreté et des discriminations. Pensez toujours au bibelot que l’on pose soigneusement sur un meuble en acajou, derrière une vitrine qui l’isole de la poussière, du froid et de la chaleur c’est-à-dire de la vie. On l’aime mais on le méprise en même temps car on l’estime indigne de vivre dans la réalité, celle des droits et des devoirs. Le monde des adultes en somme.  

La gouvernance dont je viens d’esquisser les contours a pensé aussi aux blancs et aux Français de souche. Elle leur assigne le rôle du tapis de bain. Leur place est symboliquement par terre, au contact du carrelage froid et humide.

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Le blanc est le souffre-douleur. Les faits divers dont il est la victime sont passés sous silence. Quand il est attaqué par un noir, un arabe ou un tchétchène, ce n’est jamais un crime raciste mais un simple contentieux qui mérite une médiation et non une punition.

Du matin au soir, il est l’objet d’un procès de Nuremberg, instruit à charge par les universités et les médias autorisés. Certains jours, le service public audiovisuel me rappelle un peu la Radio des Mille Collines, dans sa monomanie obsessive et sa diabolisation systématique d’une partie de la population. Le blanc est coupable de tous les crimes imprescriptibles : esclavage, colonialisme, racisme, machisme, masculinité toxique, homophobie, réchauffement climatique etc. De là à considérer licite sa disparition, de là à justifier les agressions dont il est victime au quotidien, il n’y a qu’un pas… 

Naufrage

Pas besoin d’être gaulois pour être blanc, il suffit d’être policier : combien de gardiens de la paix issus de l’immigration ont été agressés voire tués sans que cela ne fasse la une des journaux ? L’on peut aussi être déclassé c’est-à-dire passer du statut du bibelot au statut du tapis de bain si on « pense mal » ou l’on « s’exprime mal ». C’est ce qui arrive, je crois, à votre humble serviteur à chaque fois qu’il n’adopte pas le point de vue attendu d’un maghrébin. Je suis, comme tant d’autres, assigné à résidence : je dois condamner la colonisation, excuser la délinquance et disculper l’Islam de toute dérive fanatique. Sinon, eh bien sinon je deviens un « arabe de service » donc un compagnon de route et d’infortune du Français de souche.

Défaite de la pensée. Naufrage de l’esprit français. Le pays des Lumières s’est laissé brûler par le soleil américain. À force de nous frotter au contre-modèle anglo-saxon, nous sommes en train de devenir une annexe du Bronx où rien ne pousse à part le ressentiment croisé. Un mur de lamentation doublé d’un mur de séparation entre les races et les religions. Quelle honte.

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La mission première de la génération actuelle est de dynamiter ce mur. Elle doit recommencer à penser l’homme dans sa plénitude. Elle doit faire l’autodafé de l’idéologie dominante qui réduit tout à la couleur de la peau, au genre et à l’orientation sexuelle. Si les élites nous veulent myopes, achetons-nous des lunettes pour voir loin. Si les puissants nous prennent par les émotions (pour ne pas dire autre chose), réfugions-nous dans les idées. Prendre de la hauteur, c’est déjà résister.

Quand quelqu’un vous intime de vous agenouiller au nom du racisme, méfiez-vous. Dans neuf cas sur dix, il veut vous empêcher de voir la pleine lune et vous priver de sa lumière céleste. Rebellez-vous quitte à lui mordre le doigt. 

L’imbroglio de l’article 24

La loi sécurité globale est bien mal partie! Et l’on peut redouter que le déni d’autorité et la haine anti-flic aient encore de beaux jours devant eux.

D’importantes manifestations sont prévues ce samedi pour protester contre le fameux article 24 (qui veut punir la diffusion malveillante d’images de policiers). Des députés de la majorité LREM, Richard Ferrand et le président du Sénat Gérard Larcher pestent contre la nomination – voulue par le Premier ministre – d’une commission indépendante, chargée de réécrire l’article incriminé.

Les images de l’arrestation violente du producteur de musique dans le 17e par des policiers douteux sont venues perturber, encore d’avantage, cette situation politique déjà passablement compliquée autour de la loi “sécurité globale”.

Pendant ce temps, l’écrasante majorité de policiers fait convenablement son travail et est oubliée, quand elle n’est pas vilipendée dans son ensemble par des médias mainstream trop contents de nous rejouer une affaire George Floyd, version tricolore. Pendant que toute l’attention est portée sur une bavure, pendant que médias et politiques pinaillent, les violences contre les forces de l’ordre ont doublé en dix ans, 7399 policiers ont été blessés en intervention en 2019 (soit une vingtaine par jour!) et 59 se sont suicidés. Depuis janvier, 63 commissariats ont été ciblés par des attaques.
La rédaction.

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