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La langue française: chef d’oeuvre en péril

La langue française doit désormais être accueillante à tous, quitte à changer les règles


La langue française: chef d’oeuvre en péril
Fautes d’orthographe dans le cahier d'une écolière de la Sarthe, 28 octobre 2019.© GILE Michel/SIPA Numéro de reportage : 00939234_000001

Au nom de l’égalité, certains voudraient simplifier les règles de la langue française.


Dans le Hors Série de Valeurs Actuelles, intitulé « La Langue française, chef-d’œuvre en péril », on lit cette phrase  : « Il y a deux sortes d’ouvrages : ceux qu’on a lu et ceux qu’on lit tout le temps. » Cette faute d’orthographe, attribuée indûment à un Académicien, est tellement récurrente qu’on doit s’interroger sur ces claviers d’ordinateur qui imposent, depuis quelque temps, une « simplification » de notre langue. Après le lexique, dégenré et envahi sur les écrans télé par le globish, auquel on enlève toute trace d’étymologie avec la suppression arbitraire de circonflexes, ce qui aboutit à la confusion entre passé simple et imparfait du subjonctif, c’est au disque dur de la grammaire qu’on s’attaque désormais. Des linguistes ont beau avancer que le français aurait des racines dans la langue arabe, notre orthographe qui n’est pas phonétique témoigne de son étymologie latine, et notre grammaire est très structurée.

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La langue doit être accueillante

On connaît Madame Eliane Viennot, militante influente de la démasculinisation de notre langue, et sa revendication pour « les accords de proximité » des mots afin de lutter contre l’accord au masculin, véritable « marqueur, social et sexiste ». Son autre cheval de bataille est la règle de l’accord du participe passé, qu’elle juge « liberticide, mortifère, antidémocratique, inutile et source d’une insécurité linguistique pour ceux qui ne savent pas le français. » Moins on suit d’études, plus on aura de difficultés à rédiger correctement, écrivait-elle, dans une tribune du Monde. Dit autrement : plus on est analphabète, moins on sait écrire. La langue se doit donc d’être « accueillante » à tous. C’est désormais ce qu’on voit et lit partout.

Imposée par les nouveaux claviers d’ordinateur, la suppression de cette « règle homicide » du participe passé est loin d’être anodine. Dans la phrase « Il y a deux sortes d’ouvrages : ceux qu’on a lu, totalement fous, et ceux qu’on lit », à quoi se rapporteraient le participe lu et l’adjectif fous ? À rien. On supprime tout simplement la proposition relative et son pronom. On dira que l’accord de l’adjectif fous s’impose « par le sens. » Sauf qu’un adjectif s’accorde avec un nom ou un pronom auquel il se rapporte. On dira encore que « les propositions subordonnées », ça n’existe plus. Que tout ça, c’est du blablabla. Parce que manier sa langue correctement, alors que d’autres le savent, c’est sans importance ?

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L’humanité se divise entre « les gras et les maigres ». Les nantis et les laissés pour compte. La langue est un trésor. Savoir s’exprimer donne savoir et pouvoir. La Rue de Grenelle et l’Académie Française, qui a fléchi au féminisme avec les auteures et les professeures, se rendent-elles compte de l’état de notre langue devenue, pour le coup, profondément inégalitaire ? À seigneur, tout honneur. Aux seigneurs de la pensée, tous les honneurs, avec les places qui leur sont dues. Aux autres, l’assistanat et les écrans.  Puisque l’État montre en ce moment qu’il a des milliards dans ses tiroirs, pourquoi ne pas en débloquer un seul pour rendre le métier d’enseignant attirant, afin que nos enfants apprennent à lire, écrire, compter et en être heureux ?

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Marie-Hélène Verdier est agrégée de Lettres classiques et a enseigné au lycée Louis-le-Grand, à Paris. Poète, écrivain et chroniqueuse, elle est l'auteur de l'essai "La guerre au français" publié au Cerf.

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