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Chanteuses hip-hop, futures académiciennes


Parmi les calamités qui ont marqué l’année 2020, il faut compter une poignée de disques de chanteuses ambitionnant de révolutionner la langue française.


Dans une actualité musicale en berne, il importait pour la presse autorisée de se pâmer devant ces nouvelles héroïnes, comme Aya Nakamura qui abreuve ses auditeurs d’un lourd sabir déroulé sur une musique conventionnelle. Pour France Info, la native de Bamako « fait bouger la langue française » grâce à un savant mélange de dialecte africain et de langage urbain. Karim, un « jeune de Montreuil », explique que ce langage est maintenant celui de toutes les cités : « Elle parle comme nous… Pour nous, c’est ça la langue française. » Une linguiste des éditions Le Petit Robert est appelée en renfort pour valider l’importance du basculement : niant tout appauvrissement de l’expression, elle souligne « un plaisir du verbe qui s’affranchit des règles ». Point de salut sans déconstruction de la syntaxe bourgeoise et du vocabulaire oppressif tout infesté de références coloniales ! La spécialiste admet néanmoins que ces nouveaux termes argotiques (« pookie » pour « balance », « Djo » pour « mec »), même s’ils dénotent une « bonne santé » de notre langue, n’ont pas encore vocation à entrer dans son dictionnaire.

Le phénomène Wejdene

Autre phénomène banlieusard qui fascine les rédactions parisiennes : Wejdene, très jeune chanteuse de Saint-Denis, dont les textes semblent échapper à toute logique. On peut y croiser des vers tels que « J’pourrais dead pour toi » ou « Tu hors de ma vue » (sic). Vanity Fair y voit un phénomène de société : la chanteuse rose bonbon, à la grammaire fautive, est carrément le « parfait reflet de notre époque ». Non seulement elle casse les codes, mais en plus elle est naturellement « féministe » comme toutes les super-héroïnes de la nouvelle culture de masse. Certes, chaque génération a son argot, sa stratégie pour faire corps contre les adultes. Certes, le langage a été mille fois trituré par les poètes. Mais comme le disait ma concierge, on peut violer la langue, à condition de lui faire de beaux enfants.

Avoir vingt ans en 2020, un enfer?

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Une certaine démagogie, au plus haut niveau de l’État, célèbre les sacrifices de la jeunesse en cette période de pandémie. On peut se demander ce qu’en auraient pensé ceux qui ont eu vingt ans à d’autres époques…


« J’avais vingt ans. Je ne laisserai personne dire que c’est le plus bel âge de la vie.
Tout menace de ruine un jeune homme : l’amour, les idées, la perte de sa famille, l’entrée parmi les grandes personnes. »
écrivait dans Aden Arabie Paul Nizan qui devait mourir en 1940, à trente-cinq ans, dans la poche de Dunkerque après avoir rompu avec le PCF au moment du pacte germano-soviétique.

Une drôle de petite musique

Une petite musique, initiée par le président de la République, court aujourd’hui dans les médias sur ce thème. Lors de son allocution télévisée du mois d’octobre, il avait déclaré : « C’est dur d’avoir vingt ans en 2020. » Et de nous montrer qu’après les restaurateurs et les gérants de salle de gym ou de discothèque, le jeune était la victime collatérale du virus la plus à plaindre. On pourrait déjà discuter de cette approche globale d’une génération où l’on retrouve, comme dans toute la société, de fortes différences de classe.

Tenter de gagner quelques billets en allant livrer des pizzas sous la pluie, craindre le moindre contrôle d’identité si on a la mauvaise couleur ou qu’on habite à la mauvaise adresse n’a pas grand chose de commun avec le fait d’avoir vingt ans dans la villa de papa-maman à l’île de Ré, en ayant amené sa petite copine ou son petit copain.

Si on élargit la perspective historique aux générations précédentes, cette considération sur les malheurs d’avoir vingt ans flirte dangereusement avec l’obscène. Dans le beau film de Lucas Belvaux, Des hommes, adapté du roman de Laurent Mauvignier qui ne sortira normalement que le 6 janvier et que nous avons eu le temps de voir en avant-première avant que le rideau de fer du confinement ne tombe à nouveau, il est question de la guerre d’Algérie et du sort des appelés. Ils avaient vingt ans quand ils sont allés se faire trouer la peau pour un pays qui n’était pas le leur et assister aux horreurs d’une guerre coloniale que Belvaux montre d’ailleurs équitablement partagées sur le terrain entre les deux parties.

Le film qui fait l’aller-retour entre aujourd’hui et l’époque, à travers des portraits d’appelés devenus vieux, notamment Depardieu, expose de manière parfaite qu’avoir vingt ans dans les Aurès pour reprendre un autre titre de film de René Vautier en 1972, était tout de même un peu plus éprouvant que d’avoir vingt ans et de suivre des cours en visio pour sauver des vieux, des vieux qui ont, qui sait ?, fait la guerre d’Algérie et qui risquent l’intubation en réa après avoir risqué une balle dans la peau ou un égorgement pendant une garde de nuit. Des vieux d’ailleurs dont les traumatismes liés à cette guerre n’ont jamais été pris en compte, ne serait-ce que sur le plan psychologique.

Bir-Hakeim n’est pas seulement une station de métro

On pourra penser aussi à ceux qui ont eu vingt ans en 1940. Un documentaire repassé sur LCP, à l’occasion de l’hommage rendu à Daniel Cordier, montrait l’engagement de ces jeunes de vingt ans qui refusaient l’abaissement pétainiste. S’être battu à un contre cent à Bir-Hakeim ou avoir risqué une arrestation à Lyon ou à Paris par la Gestapo demandait tout de même un peu plus de courage que d’être privé de teufs et de se rabattre sur un McDo devant Netflix.

On peut même remonter encore à la génération précédente et rappeler, au milieu de tous ces jeunes anonymes qui chantaient « Adieu la vie, Adieu l’amour », la belle figure d’Alain-Fournier, l’auteur du Grand Meaulnes, mort à vingt-sept ans en septembre 1914 autour de la tranchée de Calonne. Pas sûr, à ma connaissance, qu’il ait eu le temps avant de prendre un apéro sur FaceTime en maudissant l’époque.

Démagogie ambiante

Ce qui est demandé à la jeunesse est d’abord de ne pas contaminer les autres et, pour cela, de changer pour quelques mois de mode de vie. Alors oui, ce n’est pas drôle. Mais ce n’est quand même pas la mer à boire pour une génération qui n’a connu que la paix et un système qui, même en étant abimé, s’est chargé de les éduquer et de les soigner.

On a toujours raison de se révolter, bien sûr, mais d’abord de se révolter contre la démagogie ambiante qui vous plaint pour de bien mauvaises raisons.

Causeur: Trêve des confineurs!

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Découvrez le sommaire de notre numéro de décembre


Peur sur l’État. Au moment où le deuxième confinement commence à être levé, notre dossier du mois de décembre dissèque les décisions, règles, révisions et atermoiements qui ont caractérisé les actions de l’État au cours des derniers mois. Comme l’explique Elisabeth Lévy dans son introduction, « on a eu l’impression qu’un vent de panique soufflait sur nos gouvernants, du sommet de l’État à la base de l’administration, entraînant une conjonction paradoxale de paralysie et d’hyperactivité. »  Erwan Seznec, dans une enquête minutieuse, nous montre comment la double peur de la sanction pénale et de l’opinion publique a poussé l’exécutif et les fonctionnaires à surréagir pour se couvrir. Résultat : la machine technocratique, hypercentralisée, s’est emballée.

Couv 85Fidèle à sa devise, « surtout si vous n’êtes pas d’accord », Causeur a invité le député LREM, Ludovic Mendès, à défendre la majorité. Se confiant à Gil Mihaely, il maintient que son gouvernement a impliqué les collectivités dans la prise de décision, tout en assumant ses responsabilités et en disant la vérité aux Français. En revanche, pour Maxime Tandonnet, ancien conseiller de Nicolas Sarkozy, les mesures prises par le gouvernement dans la gestion de la crise ont enterré les dernières traditions de la démocratie libérale à la française. 

>>> Lire le magazine <<<

En dépit de la pandémie, la vie politique et économique continue. Jean-Luc Gréau et Philippe Murer réfutent les critiques de ceux qui veulent nous faire croire, qu’en matière d’émissions CO2, la France est le cancre de service : au contraire, elle est exemplaire ! Quant au nouveau règlement européen sur la migration et l’asile en cours de discussion, Jean-Jacques Leandri tire la sonnette d’alarme : cette loi, dont les médias parlent si peu, va encourager l’immigration clandestine, faciliter la vie aux terroristes et étendre les pouvoirs des technocrates. Outre-Altlantique, un nouveau président élu prétend défendre les intérêts des ouvriers américains. Gil Mihaely a fouillé dans le passé de Joe Biden et a trouvé que ses relations avec les banques qui ont contribué à l’appauvrissement des cols bleus font de lui le fossoyeur, plutôt que le sauveur, des classes moyennes. Toujours chez l’oncle Sam, Sylvie Perez nous raconte l’histoire passionnante d’une institution majeure vouée à la défense des droits constitutionnels, l’Union américaine pour les libertés civiles. Financée aujourd’hui par les opposants à Donald Trump, elle se mêle de politique et met en péril sa mission historique. 

Franck Ferrand, en conversation avec notre directrice de la rédaction, l’avoue : « je ne suis pas ce garçon poli et consensuel que les médias présentent. » On découvre que l’historien populaire est un souverainiste de choc qui, dans le conte politique qu’il publie aujourd’hui, imagine une nouvelle Jeanne d’Arc version XXIe siècle. En restant au cœur de l’histoire de France, Paul Thibaud a lu le dernier ouvrage de François Azouvi qui démonte la thèse dominante voulant que de Gaulle ait vendu aux Français de l’après-guerre un grand mythe de la résistance. À ce supposé « résistancialisme » s’est substitué, pour des raisons politiques, un « pénitentialisme » autodestructeur. Le philosophe Alain de Benoist, interviewé par Françoise Bonardel, rappelle que la liberté de l’individu dépend de la liberté de son pays. 

Pour les amateurs de formules élégantes, Thomas Morales a lu la réédition des chroniques cinématographiques du jeune Michel Audiard. Le critique qui a précédé le dialoguiste avait déjà de la verve. 

Si notre cochonnaille nationale est aujourd’hui quelque peu dévoyée par l’industrialisation agricole et suscite le rejet – parfois violent – de consommateurs musulmans, Emmanuel Tresmontant nous rassure : une bande héroïque d’éleveurs et de charcutiers mène la résistance. Les restos sont toujours fermés, mais les charcuteries sont ouvertes et les plus belles se visitent comme des bijouteries.

>>> Lire le magazine <<<

Petite sociologie du manifestant black-bloc

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Une bonne vieille manif’ est bien plus exaltante qu’une séance de paintball ou de laser-game…


Les bonnes vieilles manifs sont en train de se réinventer. Quel que soit l’objet de la protestation, elles s’accompagnent dorénavant d’actes spectaculaires de vandalisme et de violences inouïes envers les forces de l’ordre. Les vitrines sont défoncées, les voitures incendiées et les policiers poursuivis comme des cerfs lors des chasses à courre. Ces exactions sont le fait d’hommes jeunes, des racailles de banlieues ou des petits blancs de la classe moyenne ou supérieure, transformés en black-blocs. Débordant d’énergie, les jeunes mâles ont besoin d’occupation au risque de se transformer en machine à détruire.

L’État et les contribuables français rasent gratis pour occuper une frange de la jeunesse européenne désœuvrée et en manque de sensation forte

C’est ce qu’avait compris le sociologue Gaston Bouthoul. Pour lui, lorsqu’on constatait un « surplus d’hommes jeunes » (une portion significative d’entre eux étant « inoccupés » par l’activité économique), la situation devenait « explosive » et donc favorable au déclenchement de conflits armés.

Aujourd’hui, certains mâles dans la force de l’âge sont au chômage ou demeurent passifs devant des écrans d’ordinateur en ne comprenant pas toujours (et avec raison) l’utilité de leur travail. Ils connaissent véritablement un désœuvrement « physique ». Il y a bien des exutoires comme les terrains de sport, mais le jeu, s’il fatigue les corps, ne répond pas au besoin d’aventure. Le paintball et le laser-game peuvent les plonger dans des situations exaltantes de combat. Mais se faire peinturlurer ou dégommer au rayon laser ne dégage pas ce parfum de réalité qui seul peut faire monter l’adrénaline. La quête de sensations fortes qui ne s’arrête jamais mène ainsi certains énergumènes à fréquenter de manière assidue les défilés.

Masculinité toxique

Dans les manifs, le fait que tout soit si réel est une source incomparable de contentement. Il y a de vrais gens qui marchent, des cortèges bariolés dans lesquels on peut se faufiler. Il y a, sur le parcours, des boutiques et des voitures si rutilantes qu’elles font des cibles parfaites. Et bien sûr, il y a de vrais flics payés par l’État et armés jusqu’aux dents, des types des RG qui trainent leurs guêtres, des médias relayant des images et des sirènes hurlantes. 

A lire ensuite, Pierre Cretin: Marre des manifs!

Les jeunes têtes brûlées se retrouvent plongées dans l’atmosphère des jeux vidéos qu’elles apprécient tant. Les ressorts de l’action restent les mêmes : dans un décor époustouflant, il faut récolter des objets ou des pièces d’or (détruire ou saccager des boutiques ou du mobilier urbain) et combattre des ennemis avec des mitrailleuses (combattre les flics). C’est ainsi que par palier, on avance dans le jeu. Qu’on soit racaille ou petit bourgeois on adapte les règles. Entre deux combats, des boutiques de marques ou des signes ostensibles du capitalisme seront à collecter. Chaque joueur à son univers de prédilection…

Quand c’est gratuit, c’est meilleur

Mais, c’est sans conteste la gratuité qui rend ce passe-temps si exaltant. Au paintball ou le laser-game, vous devez vous acquitter d’une entrée. Débourser des euros, c’est acheter la mise en scène, le décor de carton-pâte et finalement payer le prix d’une certaine frustration. L’accès libre aux manifs est au contraire un label de qualité. Ce sont les vrais préfets de police et ministres de l’Intérieur que vous pourrez faire rougir de honte ou de colère. Tout est si authentique que les manifs de France attirent les Antifas des quatre coins d’Europe… L’État et les contribuables français rasent gratis pour occuper une frange de la jeunesse européenne désœuvrée et en manque de sensation forte.

A ne pas manquer, nouveau numéro, Causeur: Trêve des confineurs!

Sans l’ombre d’un doute, la comédie se poursuivra si le maître du jeu ne durcit pas les règles. Les CRS qui ressemblent à des Robocops sont d’une affligeante passivité. C’est bien eux que les images nous montrent en train de reculer ou de fuir. Sont-ce des fillettes, des incompétents ou obéissent-ils à des ordres aussi aberrants que « pas de blessé ni de mort » ? La réponse est évidente. L’activité des casseurs et des agresseurs est devenue un amusement parce qu’elle est « sans conséquence ». Dans les jeux vidéos, les joueurs se voyant toujours offrir de nouvelles « vies », revivent indéfiniment l’aventure en passant des nuits sans sommeil. Les autorités risquent de vivre un jour sans fin si elles régalent ainsi les joueurs d’opportunités. Pour que cesse cette désolante tradition de casse et de chasse aux flics, le mot d’ordre doit être limpide : passer à l’attaque et user de la violence légitime pour neutraliser les belligérants. Question d’honneur et de crédibilité, ces jeunes hommes doivent être châtiés sans ménagement car, depuis la nuit des temps, aucun ordre ne peut régner sans que des menaces substantielles (de douleur ou de possible mort) ne planent au-dessus des violents fauteurs de troubles. Dans le cas contraire, les défilés resteront des terrains de jeux toujours plus stimulants que tout ce que les industries du loisir et du divertissement ne seront jamais capables d’offrir.

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France Inter: et si on invitait des gens de gauche?

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Sur France Inter, les policiers en prennent pour leur grade… La radio de service public s’en donne à cœur joie sur la « violence policière ». À gauche toute! Lundi 30 novembre, entre 8h20 et 8h50, ça se passe comme ça sur France Inter


Dans l’émission matinale de France Inter[tooltips content= »Le 7/9 par Nicolas Demorand, Léa Salamé. »](1)[/tooltips] du lundi 30 novembre, lors du Grand entretien, étaient reçus deux invités: Sebastian Roché et Henri Leclerc. Oh ils ne débattirent de rien tant ils étaient d’accord sur tout ! et en particulier, sur le fait que les violences policières, ça suffit.

Les policiers cloués au pilori 

Sebastian Roché est chercheur au CNRS. Il est sociologue et criminologue. Il sait de quoi il parle. Ses recherches l’ont amené à faire des constatations d’importance sur « l’autorité ». Combien de jours, de semaines, de mois de travail pour parvenir aux conclusions qui vont suivre ? Combien de livres lus ? Combien de rapports ? Nous ne savons pas. Mais, visiblement, le chercheur y a trouvé le nécessaire à bricoler des âneries: «Une grande partie des Français refuse la violence policière. Dans nos sociétés, de plus en plus, on refuse que les autorités soient violentes: que ce soient les maris dans leurs couples, les prêtres vis-à-vis des enfants, ou les policiers. Aujourd’hui, le fait d’appartenir à une autorité n’autorise plus la violence.»

Pas d’amalgame ! sauf quand cela sert les démonstrations les plus désolantes. Violences policières, violences conjugales, patriarcat et pédophilie dans l’église à peine sous-entendue s’empilent afin de parfaire la figure du monstre autoritaire que combat «la société». Les maris et les prêtres seront contents d’apprendre qu’ils appartiennent à une « autorité ». Et sûrement nostalgiques du temps où cette « autorité » les autorisait à être violents. Cela remonte assurément, aurait dit Vialatte en riant sous cape, à la plus haute Antiquité.

La novlangue de gauche

Habitués à toutes les malversations intellectuelles, Nicolas Demorand et Léa Salamé n’ont pas cru bon de relever cette ineptie. Comme ils ne relèveront pas celle de Claude Askolovitch lors de sa toujours déroutante revue de presse : « Mars Actu jette le doute sur la rigueur de l’État, et sur nos peurs aussi, en racontant un collégien de 14 ans qui a été mis en examen pour apologie du terrorisme et chassé de son collège (marseillais) qu’il avait effrayé, affirmant qu’il connaissait le meurtrier du professeur Paty, et qu’il aurait fait comme lui ; mais vu de près ce grand dadais afghan parle si mal français, pensait-il ce qu’il a dit, l’a-t-il seulement dit, on a peur et on doute. » Tout devient curieux quand Askolovitch s’en mêle: pourquoi et comment cette histoire jette-t-elle un « doute sur la rigueur de l’État » ? Comment le site Mars Actu s’y prend-il pour « jeter un doute sur nos peurs » ? Et qu’est-ce que cela veut dire ? De quoi avons-nous peur: de l’État, du terrorisme, des propos du collégien ? De quoi doutons-nous: de l’État, de la véracité des propos du « grand dadais » ? L’askolovitchien reste décidément une langue difficile à décrypter.

Comme le sociologue, criminologue, et sûrement un peu décryptologue Sebastian Roché n’était plus là au moment de cette revue de presse, il n’a pas pu apporter son éclairage.

C’est bien dommage. Nous passons vraisemblablement à côté d’explications dévastatrices et hallucinantes. Vivement que France Inter convie à nouveau ce chercheur du CNRS qui, il y a peu, déclarait de façon assurée qu’« il n’y a en France aucun mécanisme d’ensauvagement »…

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Coexister: touchée, mais pas coulée

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En très bons termes avec l’Observatoire de la laïcité, taxée comme lui de naïveté, voire de complaisance envers les islamistes, l’association de «management de la diversité» va sans doute perdre son agrément pour intervenir dans les écoles, mais elle garde de la ressource et des alliés.


 

C’est ce qu’on appelle l’épreuve du terrain. Venue le 30 octobre à Poitiers rencontrer des jeunes issus de l’immigration, la toute nouvelle secrétaire d’État à la jeunesse Sarah El Haïry a eu le sentiment de tomber dans un piège. Les adolescents qui s’adressaient à elle déroulaient un argumentaire un peu trop calibré pour être tout à fait spontané, sur le thème de la laïcité qui opprime les croyants, dans la France islamophobe de 2020. Dans l’assistance, se trouvait la présidente de l’association Coexister, Radia Bakkouch. Elle n’est venue épauler la secrétaire d’État ni sur le moment, ni a posteriori dans les médias et sur les réseaux sociaux. Pire encore, le 12 novembre, l’hebdomadaire catholique La Vie publiait un article tournant un peu trop ouvertement la secrétaire d’État en ridicule. Il était signé de Laurent Grzybowski, père du fondateur de Coexister, Samuel Grzybowski.

À lire aussi: Sarah El Haïry contre le « séparatisme » poitevin

 

Bref, la benjamine du gouvernement avait pris une gifle. Fallait-il tendre l’autre joue ou sortir le fouet ? Évangiles selon Saint-Luc 6:29 ou selon Jean 2:15 ? L’option fouet l’a emporté. Comme l’annonçait le Point le 25 novembre, Coexister a reçu un avis défavorable à sa demande d’agrément « Education nationale ». Dans un second temps, l’association pourrait perdre l’agrément « Jeunesse et education populaire » qui lui permettait jusqu’à présent d’intervenir en milieu scolaire. Dommage collatéral, la perte de subventions conséquentes. Un coup dur, mais prévisible. Avant même l’épisode de Poitiers, le refus de Coexister de regarder en face l’intégrisme islamiste devenait embarrassant. Le jour de la mort de Samuel Paty, Radia Bakkouch a posté sur son compte Twitter un appel à marcher… contre l’islamophobie (voir ci-dessous).

coexister-islamLes puissants alliés de Coexister

Vengeance du pouvoir contre une petite association rebelle ? Pas vraiment. En 2013, la structure, prétendument créée spontanément par des lycéens quatre ans plus tôt (voir notre enquête publiée dans notre magazine d’octobre), a perdu sa reconnaissance d’intérêt général. Elle a trouvé les ressources financières et intellectuelles d’aller jusqu’en Conseil d’État pour la récupérer… En réalité, Coexister est seulement un élément d’un lobby discret mais puissant, qui s’active depuis des années pour que l’enseignement public ménage une place aux croyances à côté des savoirs.

Samuel Grzybowski (au centre), président de l’association Coexister, donne une conférence de presse au Mans, 2 juin 2014. © JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP
Samuel Grzybowski (au centre), président de l’association Coexister, donne une conférence de presse au Mans, 2 juin 2014. © JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP

Si demain Coexister n’intervient plus dans les écoles publiques, il restera Enquête. Cette association agréée par l’Éducation nationale élabore des « outils ludiques d’éducation à la laïcité et aux faits religieux pour développer chez les enfants un rapport apaisé et réfléchi à ces sujets ». Elle est financée par un fonds de dotation nommé « Coexister », hébergé 50 rue de Montreuil, à Paris, dans les locaux de… Coexister ! Les deux structures se connaissent très bien et se partagent le travail depuis des années. Enquête fait le primaire, Coexister le secondaire, schématiquement. Et pour les enseignants intéressés par le sujet, il y a le cours en ligne Agapan, monté par l’institution catholique du Collège des Bernardins, soutien de Coexister depuis la création de l’association, en 2009!

A lire aussi, Céline Pina: Ce que Matignon peut reprocher à Jean-Louis Bianco

Il apparait de plus en plus que des institutions catholiques ont cru jouer fin en retournant contre l’enseignement public son incapacité flagrante à regarder l’islamisme en face. L’anticléricalisme est admis, voire revendiqué, chez les professeurs. L’islamophobie reste inavouable et peut, à ce titre, servir de cheval de Troie pour faire reculer les rationalistes. Le « livret laïcité » de 2015 distribué aux enseignants préconisait « d’éviter la confrontation ou la comparaison du discours religieux et du savoir scientifique », comme si juifs et chrétiens ne conciliaient pas les deux sans grande difficulté depuis un siècle au moins. Pour l’islam, c’est une autre affaire. Citée par Laurent Grzyboswski, Farah, une des lycéennes de Poitiers envoyée au front contre Sarah El Haïry, déplorait que son professeur d’histoire ait « cherché à convaincre les musulmans de la classe que Dieu n’existait pas, que c’était prouvé par la science (…) J’ai failli porter plainte ». « Moi, je n’impose rien à personne, pourquoi est-ce que lui m’imposerait sa vision ? », se demandait-elle. Alors que l’Éducation nationale recrute pour remplacer Samuel Paty, c’est en définitive une bonne question. À quoi rime d’enseigner, si Enquête et Coexister sont d’intérêt général ?

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L’association Coexister nous a adressé le droit de réponse suivant :

« Un premier article sur Coexister le 14 octobre 2020, puis un second un mois et demi après, suivi par d’autres encore… C’est donc désormais acté, Causeur semble s’être pris de passion pour notre association. A croire que les crises sanitaires, sociales et économiques du moment ne sont finalement que bagatelles et qu’il est bien plus nécessaire de s’évertuer à dénoncer la grave menace que nous représentons.
Tant elle est fondée sur un substrat bancal d’éléments décontextualisés et de raccourcis approximatifs, cette obsession pourrait prêter à sourire si elle ne tendait pas vers la diffamation monomaniaque.

A l’école, lassociation promeut les principes laïcs

Prétendre que Coexister « affaiblit nos principes laïcs » c’est méconnaitre les fondements même de l’association. Gageons qu’il s’agisse d’ignorance plutôt que désinformation délibérée. La laïcité constitue le socle, le cœur et le vecteur de nos actions. Elle est inscrite sur notre logo 1, dans notre règlement intérieur, dans nos statuts. Nous la promouvons en milieux scolaires, sur les réseaux sociaux 2. Nous travaillons main dans la main avec l’Observatoire de la laïcité, structure étatique qui, depuis près de quinze ans, assiste le gouvernement dans son action visant au respect du principe de laïcité. Pour favoriser la cohésion sociale, nous nous attachons à défendre la laïcité exactement telle qu’elle a été promulguée par Aristide Briand et qu’elle est aujourd’hui inscrite dans le droit positif : un cadre juridique légal reposant sur quatre piliers que sont la liberté de conscience, l’égalité devant la loi, la stricte séparation des Églises et de l’État et la neutralité de l’État ainsi que de ses agents. Nous soutenons la pleine indépendance de la République vis-à-vis de toute idéologie ou pression qu’elle soit cultuelle et religieuse et excluons toute vision sociale théocratique. Ainsi, non seulement nous n’affaiblissons pas les principes laïcs mais, bien au contraire, nous nous efforçons inlassablement de les porter et de les défendre.

Coexister, association reconnue dintérêt général

Nous serions complaisants avec l’islamisme.
Les preuves ? Notre présidente, était présente lors de l’intervention de la Secrétaire d’État à la Jeunesse dans un Centre Social à Poitiers le 30 octobre dernier, au même titre que de nombreux représentants d’associations et d’organisations. Elle n’est pas intervenue pour couper court aux débats houleux sur la laïcité entre la représentante du gouvernement et les jeunes présents. Puis, deux semaines plus tard, un article à charge contre la Secrétaire d’État paraît dans l’hebdomadaire la Vie. Le lien entre les deux ? Hormis le fait que ce papier ait été rédigé par Laurent Grzybowski, qui soit dit en passant n’a aucun rôle à Coexister, nous n’en voyons aucun. Il est vrai que nous ne sommes pas à une inexactitude près… Par exemple, nous ne finançons pas ni n’hébergeons Enquête 3.
Quant à notre agrément, si nous n’avons pas encore obtenu l’agrément « Éducation nationale », il est exact que nous sommes reconnus Association d’intérêt général depuis de nombreuses années. Il est tout aussi vrai que nous ne sommes pas près de perdre l’agrément Jeunesse et Education Populaire reçu en 2018 puisqu’il a été renouvelé au mois d’août 2020 par le Ministère de l’Éducation nationale. Également, que nous sommes lauréats de « la France s’engage », label gouvernemental annuellement décerné aux organisations qui promeuvent l’innovation et l’action sociales. Si nous avons des « alliés », ce n’est pas parce que nous sommes « naïfs » voire « complaisants envers les islamistes » mais uniquement parce que nos 4 300 ateliers pédagogiques sur la laïcité mise en place dans 3 860 établissements scolaires auprès de 130 000 jeunes plaident pour nous. C’est aussi parce que nos douze années de travail de terrain sont nécessaires et reconnues comme tel, entre autres, par les instances gouvernementales ».

1 « Education Jeunesse Laïcité »
2 Par exemple, avec la vidéo « La laïcité en 3 minutes » initialement diffusée sur Youtube et Facebook, relayée par l’Observatoire de la Laïcité et visionnée des centaines de milliers de fois
3 Il suffit pour s’en convaincre de consulter la page Internet des partenaires financiers d’Enquête (https://www.enquete.asso.fr/partenaires/partenaires-financiers/) ; le siège de l’association est dans le 11ème alors que nous sommes installés dans le 10ème

Marre des manifs!

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En France, les manifestations se multiplient à un point qui en devient grotesque


Les gilets jaunes ont manifesté dans les grandes villes pendant des mois, manifs qui ont ruiné nombre de commerçants et démoralisé une grande partie de la population qui avait la nausée de voir chaque week-end se répéter les mêmes scènes de violence, toutes ces flammes, destructions et blessures.

Tout ça pour un résultat dont personne ne saurait trop dire en quoi il consiste. Mais les Français, dans leur majorité (paraît-il) approuvaient…

Marre de la casse

Les migrants manifestent, les anti-racistes manifestent, les opposants à la loi retraite manifestent, les écologistes manifestent, les anti-Amazon manifestent… On a l’impression que ça ne finira jamais. Ce pays aurait besoin d’un peu de calme et d’apaisement. C’est ce à quoi aspire l’immense majorité de la population. Pouvoir travailler et vivre tout simplement, dans un véritable sentiment de sécurité. Tout le monde en a marre de ces voitures qui brûlent, de ces vitrines cassées, de ces gens qui se tabassent entourés d’autant de gens qui les filment portable en main.

Et même si c’est le fait de groupuscules violents, organiser une manif aujourd’hui c’est prendre cette responsabilité et donner de belles occasions à ces violences. 

femmes gilets jaunes mai 68
Manifestation de femmes Gilets jaunes, Paris, janvier 2019. Sipa. Numéro de reportage : 00889879_000022

La démocratie ne peut-elle pas très bien vivre sans que constamment la rue se mobilise ? Il y a des assemblées et des institutions qui sont faites pour cela, de l’échelon national à l’échelon local. Il y a des syndicats pour dialoguer, voire lutter par la grève pour des revendications professionnelles. Lancer à tout propos des mots d’ordre de manifestation – et c’est aujourd’hui si aisé grâce aux réseaux sociaux, par ailleurs sources d’innombrable fausses informations – c’est abuser d’une arme qui ne devrait être utilisée que dans le plus grand péril.

L’article 24 a bon dos!

Un certain nombre de citoyens se rêvent en glorieux soldats de l’an II, en sans-culottes défenseurs du peuple opprimé, en résistants prêts à tout pour défendre et sauver nos sacro-saintes libertés. Mais c’est une vaste blague.

Qui peut croire sérieusement, même avec le fameux article 24, que nos libertés fondamentales soient réellement menacées ? Certainement pas tous ces éternels résistants, tous ces révolutionnaires de salon comme de pavé qui savent très bien au fond d’eux-mêmes que leurs mouvements de rue ne leur font prendre aucun risque vital. Seuls les commerçants riverains, déjà ruinés par le Covid, prennent le risque de voir détruire leurs boutiques. Mais ils adorent se prendre pour les résistants de notre époque. Il n’est que de lire le texte pompeux de la « coordination » qui affirmait maintenir la manif contre la loi « sécurité globale » quand elle était encore interdite:

« Nous irons et nous marcherons pour défendre cette liberté… nous avons déjà vu comment les vies de tant de femmes et d’hommes qui tentaient d’exprimer cette liberté ont été mutilées et détruites. Nous acceptons de prendre ce risque parce que ce pour quoi nous nous battons dépasse les risques que nous prendrons. »

N’est-ce pas beau comme du Victor Hugo ? Effectivement le risque était réel puisqu’il y a eu 98 blessés, parmi les forces de l’ordre, et un journaliste qui a reçu un (violent) coup de matraque.

Je me risque à un parallèle osé. Quand je pense à Daniel Cordier, qui vient de nous quitter, et donc à Jean Moulin et à tous les résistants qui ont engagé leur vie pour ressusciter une liberté qui était réellement sous la botte nazie, je me demande si cette belle liberté qu’ils nous ont donnée, nous la méritons vraiment.

Incertain 2022

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Sauf imprévu, Emmanuel Macron et Marine Le Pen seront candidats à l’élection présidentielle de 2022. Quant à Jean-Luc Mélenchon, il a déjà annoncé sa candidature. Mais bon nombre d’incertitudes subsistent sur les autres candidats potentiels…


L’avantage de la politique est qu’elle peut être médiocre au quotidien mais qu’elle n’interdit pas les échappées, les imaginations qui sont autant de consolations, de compensations. Puisque nous nous trouvons confrontés à une séquence dont le moins qu’on puisse dire est que le pouvoir n’en sort grandi sur presqu’aucun plan – et notamment pas sur celui du caractère et de la cohérence -, l’envie me prend de m’évader, de construire des châteaux en France et de me plonger dans un futur aux imprévisibles configurations. Rien n’est sûr, rien n’est acquis, tout est possible, il ne faut pas insulter l’avenir et les perdants d’aujourd’hui pourront être les vainqueurs de demain. Il est passionnant d’écouter les citoyens et de les sentir écartelés entre une démobilisation accrue ou un engagement sans enthousiasme. Il y a la résignation (et parfois une authentique satisfaction tout de même !) qui en conduit certains à vouloir réélire Emmanuel Macron parce que personne de légitime et de compétent, face aux crises, ne les surmonterait mieux que lui. L’avantage d’être au pouvoir est que d’y être est déjà une argumentation pour la suite !

On évoque le général Pierre de Villiers (…) mais ce dernier devrait alors sortir des banalités nobles qu’il affectionne au fil des entretiens et ne constitueraient pas un programme. Et les nostalgiques de Nicolas Sarkozy qui l’adorent à proportion de ses défaites…

Il y a ceux qui ont déjà pris le parti d’un second tour en 2022 opposant à nouveau Emmanuel Macron à Marine Le Pen.

À l’heure actuelle, que d’incertitudes sur le nom des candidats!

Il y a ceux qui prennent de haut Xavier Bertrand ou Bruno Retailleau en surestimant ceux qui nous gouvernent aujourd’hui. Cette condescendance est étrange, elle laisserait penser que la réalité présente est enthousiasmante et que nul ne pourrait proposer mieux.

Il y a ceux qui tiennent pour acquise la présence du RN au second tour mais qui n’excluent pas qu’on puisse avoir des surprises pour son adversaire.

D’aucuns en tiennent encore pour la possibilité d’un candidat LR dans la joute finale pendant que Christian Jacob se remet de l’abandon au moins implicite de François Baroin.

Anne Hidalgo, septembre 2020 © ISA HARSIN/SIPA Numéro de reportage: 00983572_000003.
Anne Hidalgo, septembre 2020 © ISA HARSIN/SIPA Numéro de reportage: 00983572_000003.

D’autres aspirent à une gauche unie qui ferait combattre ensemble socialistes et écologistes et dans cette éventualité le président sortant pourrait être battu dès le premier tour. Il m’apparaît qu’on tourne trop en dérision la volonté de quelques-uns de favoriser cette unité, qui est portée par Anne Hidalgo de manière de plus en plus explicite, malgré les difficultés qu’elle aura à surmonter. Ce seraient les mêmes, peut-être encore plus considérables, que celles risquant d’entraver un Arnaud Montebourg qui piaffe.

Unité d’une gauche socialiste et écologiste déjà mise à mal par la précipitation ambitieuse, pour la troisième fois, d’un Jean-Luc Mélenchon qui ne pouvait pas attendre: il aurait craint de perdre sa place dans le grand jeu présidentiel. Pourtant sa victoire en 2022 serait inconcevable. Sauf à ce que la succession de handicaps représente une force !

Une surprise attendue?

Les communistes également souhaiteraient avoir leur candidat.

Yannick Jadot ne refuserait pas l’honneur de porter les couleurs d’une gauche rassemblée sous ses deux espèces mais son désir d’apparaître comme un candidat ouvert, plausible et tolérant pourrait lui aliéner un certain nombre de voix que le sectarisme s’est approprié. Et Eric Piolle se ferait un plaisir de les prendre en charge !

Le paradoxe est que le monde politique présente des béances qui laissent passer des désirs, des attentes d’autres personnalités, peut-être encore inconnues, tels d’improbables Emmanuel Macron.

Robert Ménard aspire à une union des droites mais sans Marine Le Pen. Il affirme, lui, n’être pas intéressé par une telle démarche mais se veut, se vit tel un aiguillon.

Robert Ménard est maire de Béziers © Hannah Assouline
Robert Ménard est maire de Béziers © Hannah Assouline

On évoque le général Pierre de Villiers pour répondre à une part de cette France qui a envie d’un militaire à la tête du pays mais ce dernier devrait alors sortir des banalités nobles qu’il affectionne au fil des entretiens et ne constitueraient pas un programme. Et les nostalgiques de Nicolas Sarkozy qui l’adorent à proportion de ses défaites.

Tout ce qui va se dérouler l’année prochaine, avec les désastres économiques et sociaux à venir, va ajouter des incertitudes à cette immense hésitation démocratique. Sera-t-elle tentée d’aller vers la stabilité, l’adhésion au pouvoir en place ou prête à toutes les audaces, voire à toutes les imprudences ? On continuera le livre, ou on commencera à en écrire un autre ? La politique, quand on la rêve, a d’indicibles charmes. Qui sera capable, demain, de nous faire espérer sans nous désenchanter aussitôt ?

Moi, Emmanuel Macron, je me dis que...

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Julien Bayou, Anne Hathaway, profs de gauche: les progressistes débordés

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En croyant bien faire, les progressistes se font quand même remonter les bretelles par encore plus progressistes qu’eux.


Ivan Jablonka a écrit un ouvrage pour dénoncer le patriarcat (Des hommes justes – Du patriarcat aux nouvelles masculinités). Pensant avoir œuvré pour la bonne cause féministe, il attendait des acclamations. Catastrophe ! Mme Camille Froidevaux-Metterie, professeure à l’université de Reims, gifle la première : « On reste stupéfaite devant la superficialité de l’analyse et le mépris dans lequel sont tenues les autrices qui, depuis des décennies, ont pensé la domination patriarcale ». L’universitaire Marie-Jeanne Zenetti réfute l’affirmation d’autorité de Jablonka qu’« un rapport hétérosexuel “équitable” devrait comporter une stimulation clitoridienne par masturbation, caresse ou cunnilingus. » Depuis, dit-on, Ivan Jablonka relit le Kamasutra, Simone de Beauvoir et les tweets de Caroline de Haas, à la recherche du chaînon manquant à ses travaux sur « les nouvelles masculinités ».

À lire aussi, Jérôme Blanchet-Gravel: Après la bien-pensance, la bien-monstrance

Verushka Lieutenant-Duval est une professeure à l’université d’Ottawa qui dirige des cours sur l’art et le genre. Pendant un cours sur la théorie queer, elle a eu le malheur d’utiliser le mot « nigger ». Patatras ! Une étudiante est choquée par l’usage de ce mot, la professeure présente ses excuses et propose un débat qui n’aura jamais lieu : une Blanche, lui fait-on savoir, ne peut pas conduire un débat sur une discrimination concernant les gens de couleur. Courageusement, la direction de l’université suspend… la professeure. Après mille courbettes et des excuses réitérées, l’universitaire repentie a pu reprendre ses cours. Elle a promis de ne plus utiliser, en plus du mot « n…. » (nigger ou nègre), le mot « i….. » (indien) : « Mon objectif, ce n’est pas de blesser les étudiants. »

En Caroline du Sud, le professeur Greg Patton a utilisé un mot chinois, « ne-ga », pour illustrer son cours. Aïe ! Certains étudiants ont jugé ce mot trop proche du mot « nigger », ont crié au racisme, ont été affectés au point de préférer « ne pas continuer ce cours plutôt qu’avoir à endurer l’épuisement émotionnel d’avoir un enseignant qui ignore la diversité et les sensibilités culturelles. » Le Pr Patton s’est excusé et a promis de remplacer le mot chinois par un mot… portugais.

L'enseignante Verushka Lieutenant-Duval. Image: Capture d'écran YouYube / Radio-Canada Info.
L’enseignante Verushka Lieutenant-Duval. Image: Capture d’écran YouYube / Radio-Canada Info.

Le délit de réappropriation culturelle 

Jeannine Cummings et Kate Elizabeth Russel sont deux romancières américaines. La première a écrit un livre dépeignant l’aventure d’une mère mexicaine et de son fils pour entrer aux États-Unis (American Dirt). Malheur ! Mme Cummings n’étant pas mexicaine, 140 de ses confrères lui sont tombés sur le râble pour dénoncer une « réappropriation culturelle ». Le téméraire éditeur a immédiatement annulé la tournée de promotion de l’ouvrage. La deuxième a écrit un livre racontant l’histoire d’une élève de 15 ans sexuellement abusée par son professeur (My dark Vanessa). Certaines de ses consœurs dénoncent une romancière qui, n’ayant apparemment pas subi elle-même de violences sexuelles,  s’approprie « la souffrance des vraies victimes. » Du coup, Dame Russel a dû rédiger un communiqué pour dire qu’elle s’était inspirée de ses « propres expériences d’adolescentes avec des hommes plus âgés », et que, donc, elle savait de quoi elle parlait.

Anne Hathaway incarne, dans le film adapté d’une œuvre de Roald Dahl The Witches, une sorcière à trois doigts. Misère ! « De nombreuses personnes souffrant d’un handicap sur certains membres » ayant été blessées, l’actrice s’est confondue en excuses plus plates les unes que les autres : « En tant que personne qui déteste vraiment, vraiment la cruauté, je vous dois à tous des excuses pour la douleur causée. » Excuses acceptées par le Lucky Fin Project, organisation américaine qui « existe pour sensibiliser et célébrer les personnes nées avec une différence de membre. » Ouf !

A lire aussi: Causeur: le coup de gueule de Robert Ménard contre les maires écolos

Sia est une chanteuse australienne qui a mis en ligne la bande-annonce de son futur film Music dans lequel la danseuse Maddie Ziegler joue une autiste. Horreur ! Des organisations anglaises et américaines ont reproché à Sia de ne pas avoir recruté « un comédien sur le spectre de l’autisme. » (sic) De plus, elle a utilisé les termes « individus à capacités particulières » pour désigner les autistes et autres handicapés. Catastrophe ! Les organisations ad hoc y ont vu un signe de mépris envers les personnes handicapées et autistes. L’actrice sourde Marlee Martin demande à la chanteuse de ne « pas être sourd à ce qu’ils ont à dire. »

La sortie de piste de Julien Bayou

Julien Bayou (EELV) a parlé de « lynchage de policiers à Bastille » dans un tweet. Ouille ! La réalisatrice indigéniste Amandine Gay lui a vertement signalé que le terme de « lynchage » est réservé aux personnes noires, et que « son usage par des personnes blanches […] conduit à effacer l’expérience et les souffrances des personnes noires. » Non seulement Julien Bayou s’est excusé mais il a également remercié Mme Gay « d’avoir pris le temps d’une explication de texte argumentée. » Il est « preneur d’un échange pour déterminer comment qualifier le fait qu’une foule s’en prenne à un policier. » J’aimerais beaucoup entendre cet échange-là par exemple.

À lire aussi, Didier Desrimais: Antiracisme, féminisme, écologie: un air bien connu

Fini de rire ! s’exclamait Philippe Muray qui avait vu venir ces tristes figures. Ne nous reste plus que le rire jaune, celui qui naît à la lecture des aventures sinistres de ces progressistes pas assez progressistes qui se font morigéner par de plus bêtes qu’eux.

La face cachée du multiculturalisme

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Multiculturalisme, disent-ils

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Jadis, les étrangers qui arrivaient en France, qu’ils aient ou non demandé la nationalité française, y venaient parce que nous étions une référence culturelle d’exception.


Les aristocrates russes de Guerre et paix s’expriment en français — et pour eux c’est la langue de Voltaire (Stendhal en quittant Moscou en 1813 emporta avec lui un volume des Mélanges du philosophe de Ferney, et s’en voulut toute sa vie d’avoir dépareillé des œuvres complètes — qui ont dû disparaître dans l’incendie de la ville). Lorsque Simon Bolivar cherche un refuge entre deux révolutions sud-américaines, c’est à Paris qu’il se rend — et il y met à la mode la « cape à la Bolivar » qu’adoptèrent les Romantiques les plus chevelus. Lorsque Tourgueniev se cherche des amis, il est adopté par Maupassant, Zola et le cercle des Réalistes — qui ne l’étaient guère. Henry James avait fait de Paris sa capitale de cœur. Césaire ou Senghor n’ont jamais eu honte d’avoir fait leurs études dans la capitale française. Et Kundera (honte aux Nobels qui ne lui ont jamais donné un  prix qu’il méritait cent fois) a été adopté par le pays où il s’était réfugié quand les Russes sont venus troquer le velours de la révolution tchèque pour de l’acier sur chenilles.

Ok Boomer!

« Ah oui, mais c’est vieux tout ça, les temps ont changé » : une réflexion au moins aussi idiote que le « ok, boomer ! » qui est devenu le slogan de cette génération élevée dans une ignorance crasse, et s’indigne dès que l’on ne prend pas au sérieux les fariboles auxquelles elle s’accroche. Rappelez-vous, « T’es plus dans l’coup, papa ! » Chaque génération se croit plus intelligente que ses géniteurs.

A lire aussi, Driss Ghali: Le noir, le bibelot et le tapis de bain

Changement à vue. Les immigrés ne viennent plus en France que pour son généreux système social, ses allocations familiales et sa cécité idéologique. Il ne leur viendrait jamais à l’idée de dire, à propos d’un idiome qu’on ne leur demande même pas de baragouiner, qu’ils parlent « la langue de Molière » — ou de Voltaire, ou de Flaubert, ou de qui que ce soit antérieur à Virginie Despentes et Aya Nakamura. Les intellectuels étrangers n’ambitionnent plus de devenir français — pas même résidents français. Ils s’éparpillent désormais dans des pays qui n’ont pas tout à fait renoncé à la fierté d’être eux-mêmes. L’anglais reste la langue de Shakespeare (ou de Mark Twain). Les inscriptions d’étrangers dans les universités françaises sont en chute libre — sauf là où on leur fait payer en douce quelques milliers d’euros pour être titulaires de diplômes qu’ils n’auront pas passés, mais il s’agit alors d’étrangers du second rayon, si je puis dire : les plus doués à Oxford ou Harvard, les brêles à Toulon. L’époque où les Chinois, les Vietnamiens et les Algériens qui ont bâti des révolutions dans leurs pays venaient chercher à la Sorbonne une langue et une inspiration est révolue : désormais, AQMI parle et rêve en arabe — et pas l’arabe le plus littéraire…

Féminisme outrancier, anti-racisme systémique, évacuation des génies…

J’ai expliqué jadis, dans Voltaire ou le jihad, comment les intellectuels postmodernes, fascinés par l’OLP et autres causes perdues et délétères, ont renoncé à leur propre culture en inventant cette hydre monstrueuse, le multiculturalisme. Et comme souvent, l’idée s’est imposée, parce qu’elle flattait la foule des universitaires du second rayon qui l’ont ramassée dans la boue idéologique de la gauche et imposée dans les facultés d’abord, dans le secondaire ensuite. Feuilleter un manuel de Français de seconde, c’est plonger dans un monde étrange où le Tiers-Monde côtoie les journalistes de Libé : féminisme outrancier, anti-racisme systémique, évacuation des génies morts et blancs au profit de tiers-mondistes bêlants, LGBT for ever, intersectionnalité du fatras idéologique, les éditeurs vérifient scrupuleusement que tout y est avant d’oser sortir les nouveaux volumes. Exeunt les grands noms qui ont fait la culture nationale. Tout comme en Histoire, où l’on met désormais l’accent sur la sociologie historique, ont disparu les Journées qui ont fait la France. « Roman de l’Histoire ! », disent en se moquant les nouveaux dispensateurs d’ignorance.

Ce roman-là a fait frissonner et rêver des générations. Mais qu’importe aux iconoclastes qui se croient désormais professeurs et prophètes…

A lire aussi: Multiculturalisme, le mal-vivre ensemble

Le multiculturalisme est une illusion et une imposture. Dans un pays donné, c’est la culture de ce pays qui prime. Sa culture et sa langue. Et rien d’autre. Refuser d’enseigner l’une et l’autre, c’est se couper les mains face à des adversaires bien décidés à prendre le pouvoir.

Philippe Meirieu, histrion de la pédagogie

Les journalistes et les universitaires qui appuient ce tiers-mondisme du pauvre sont au mieux des collabos, au pire des soumis. Des ignorants, surtout. Ils mettent sur le même plan Montaigne (quand ils en ont entendu parler) et n’importe quel prêcheur de « principes démocratiques » — ces principes au nom desquels on vous décapitera demain. Elle a bon dos, la démocratie !

Philippe Meirieu en 2016. A la différence du spécialiste des sciences de l'éducation et de la pédagogie Philippe Meirieu, Ingrid Riocreux estime vain d'entamer le dialogue suite à l'assassinat du professeur de Conflans Sainte Honorine © Hannah ASSOULINE
Philippe Meirieu en 2016. A la différence du spécialiste des sciences de l’éducation et de la pédagogie Philippe Meirieu, Ingrid Riocreux estime vain d’entamer le dialogue suite à l’assassinat du professeur de Conflans Sainte Honorine © Hannah ASSOULINE

Et ce multiculturalisme-là s’est trouvé en Lionel Jospin, en 1989, le naïf qu’il lui fallait. La loi que le petit Lionel a sorti de l’arrière-slip de Philippe Meirieu, le même qui vient de refuser de participer au Grenelle de l’Education — faut-il qu’ils soient aveugles, au ministère, pour s’exposer au camouflet d’un histrion de la pédagogie. Les élèves et les parents, et les associations qui les alimentent en douce, s’en sont saisis et ont décrété que désormais, la parole d’un « apprenant », tout ignorant qu’il soit, tout imbibé d’idées reçues qu’il nous arrive, valait celle du professeur — qui a très vite admis cette équivalence, pour s’acheter la paix. Multiculturalisme un jour, et soumission toujours.

Je ne vois pas comment, en l’état, à moins d’un sursaut très violent et immédiat, nous pourrions inverser le mouvement. Nous sommes un pays en perdition, nous glissons vers le froid, et l’accent mis sur les hantises et la peur, depuis huit mois, symbolise bien cette déchéance : pendant que nous nous préoccupons du chiffon rouge agité par Olivier Véran, nous laissons la France déraper vers l’insignifiance. Cela fait les affaires des grands groupes, les seuls dont le gouvernement se soucie. Une révolution silencieuse, rythmée par les bulletins de santé de Jérôme Salomon, s’accomplit sous nos yeux, et nous laissons faire. Sodomisés un jour, sodomisés toujours.

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Chanteuses hip-hop, futures académiciennes

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Wejdene, jeune chanteuse de Saint-Denis. © D.R

Parmi les calamités qui ont marqué l’année 2020, il faut compter une poignée de disques de chanteuses ambitionnant de révolutionner la langue française.


Dans une actualité musicale en berne, il importait pour la presse autorisée de se pâmer devant ces nouvelles héroïnes, comme Aya Nakamura qui abreuve ses auditeurs d’un lourd sabir déroulé sur une musique conventionnelle. Pour France Info, la native de Bamako « fait bouger la langue française » grâce à un savant mélange de dialecte africain et de langage urbain. Karim, un « jeune de Montreuil », explique que ce langage est maintenant celui de toutes les cités : « Elle parle comme nous… Pour nous, c’est ça la langue française. » Une linguiste des éditions Le Petit Robert est appelée en renfort pour valider l’importance du basculement : niant tout appauvrissement de l’expression, elle souligne « un plaisir du verbe qui s’affranchit des règles ». Point de salut sans déconstruction de la syntaxe bourgeoise et du vocabulaire oppressif tout infesté de références coloniales ! La spécialiste admet néanmoins que ces nouveaux termes argotiques (« pookie » pour « balance », « Djo » pour « mec »), même s’ils dénotent une « bonne santé » de notre langue, n’ont pas encore vocation à entrer dans son dictionnaire.

Le phénomène Wejdene

Autre phénomène banlieusard qui fascine les rédactions parisiennes : Wejdene, très jeune chanteuse de Saint-Denis, dont les textes semblent échapper à toute logique. On peut y croiser des vers tels que « J’pourrais dead pour toi » ou « Tu hors de ma vue » (sic). Vanity Fair y voit un phénomène de société : la chanteuse rose bonbon, à la grammaire fautive, est carrément le « parfait reflet de notre époque ». Non seulement elle casse les codes, mais en plus elle est naturellement « féministe » comme toutes les super-héroïnes de la nouvelle culture de masse. Certes, chaque génération a son argot, sa stratégie pour faire corps contre les adultes. Certes, le langage a été mille fois trituré par les poètes. Mais comme le disait ma concierge, on peut violer la langue, à condition de lui faire de beaux enfants.

Avoir vingt ans en 2020, un enfer?

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Une certaine démagogie, au plus haut niveau de l’État, célèbre les sacrifices de la jeunesse en cette période de pandémie. On peut se demander ce qu’en auraient pensé ceux qui ont eu vingt ans à d’autres époques…


« J’avais vingt ans. Je ne laisserai personne dire que c’est le plus bel âge de la vie.
Tout menace de ruine un jeune homme : l’amour, les idées, la perte de sa famille, l’entrée parmi les grandes personnes. »
écrivait dans Aden Arabie Paul Nizan qui devait mourir en 1940, à trente-cinq ans, dans la poche de Dunkerque après avoir rompu avec le PCF au moment du pacte germano-soviétique.

Une drôle de petite musique

Une petite musique, initiée par le président de la République, court aujourd’hui dans les médias sur ce thème. Lors de son allocution télévisée du mois d’octobre, il avait déclaré : « C’est dur d’avoir vingt ans en 2020. » Et de nous montrer qu’après les restaurateurs et les gérants de salle de gym ou de discothèque, le jeune était la victime collatérale du virus la plus à plaindre. On pourrait déjà discuter de cette approche globale d’une génération où l’on retrouve, comme dans toute la société, de fortes différences de classe.

Tenter de gagner quelques billets en allant livrer des pizzas sous la pluie, craindre le moindre contrôle d’identité si on a la mauvaise couleur ou qu’on habite à la mauvaise adresse n’a pas grand chose de commun avec le fait d’avoir vingt ans dans la villa de papa-maman à l’île de Ré, en ayant amené sa petite copine ou son petit copain.

Si on élargit la perspective historique aux générations précédentes, cette considération sur les malheurs d’avoir vingt ans flirte dangereusement avec l’obscène. Dans le beau film de Lucas Belvaux, Des hommes, adapté du roman de Laurent Mauvignier qui ne sortira normalement que le 6 janvier et que nous avons eu le temps de voir en avant-première avant que le rideau de fer du confinement ne tombe à nouveau, il est question de la guerre d’Algérie et du sort des appelés. Ils avaient vingt ans quand ils sont allés se faire trouer la peau pour un pays qui n’était pas le leur et assister aux horreurs d’une guerre coloniale que Belvaux montre d’ailleurs équitablement partagées sur le terrain entre les deux parties.

Le film qui fait l’aller-retour entre aujourd’hui et l’époque, à travers des portraits d’appelés devenus vieux, notamment Depardieu, expose de manière parfaite qu’avoir vingt ans dans les Aurès pour reprendre un autre titre de film de René Vautier en 1972, était tout de même un peu plus éprouvant que d’avoir vingt ans et de suivre des cours en visio pour sauver des vieux, des vieux qui ont, qui sait ?, fait la guerre d’Algérie et qui risquent l’intubation en réa après avoir risqué une balle dans la peau ou un égorgement pendant une garde de nuit. Des vieux d’ailleurs dont les traumatismes liés à cette guerre n’ont jamais été pris en compte, ne serait-ce que sur le plan psychologique.

Bir-Hakeim n’est pas seulement une station de métro

On pourra penser aussi à ceux qui ont eu vingt ans en 1940. Un documentaire repassé sur LCP, à l’occasion de l’hommage rendu à Daniel Cordier, montrait l’engagement de ces jeunes de vingt ans qui refusaient l’abaissement pétainiste. S’être battu à un contre cent à Bir-Hakeim ou avoir risqué une arrestation à Lyon ou à Paris par la Gestapo demandait tout de même un peu plus de courage que d’être privé de teufs et de se rabattre sur un McDo devant Netflix.

On peut même remonter encore à la génération précédente et rappeler, au milieu de tous ces jeunes anonymes qui chantaient « Adieu la vie, Adieu l’amour », la belle figure d’Alain-Fournier, l’auteur du Grand Meaulnes, mort à vingt-sept ans en septembre 1914 autour de la tranchée de Calonne. Pas sûr, à ma connaissance, qu’il ait eu le temps avant de prendre un apéro sur FaceTime en maudissant l’époque.

Démagogie ambiante

Ce qui est demandé à la jeunesse est d’abord de ne pas contaminer les autres et, pour cela, de changer pour quelques mois de mode de vie. Alors oui, ce n’est pas drôle. Mais ce n’est quand même pas la mer à boire pour une génération qui n’a connu que la paix et un système qui, même en étant abimé, s’est chargé de les éduquer et de les soigner.

On a toujours raison de se révolter, bien sûr, mais d’abord de se révolter contre la démagogie ambiante qui vous plaint pour de bien mauvaises raisons.

Causeur: Trêve des confineurs!

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© Causeur

Découvrez le sommaire de notre numéro de décembre


Peur sur l’État. Au moment où le deuxième confinement commence à être levé, notre dossier du mois de décembre dissèque les décisions, règles, révisions et atermoiements qui ont caractérisé les actions de l’État au cours des derniers mois. Comme l’explique Elisabeth Lévy dans son introduction, « on a eu l’impression qu’un vent de panique soufflait sur nos gouvernants, du sommet de l’État à la base de l’administration, entraînant une conjonction paradoxale de paralysie et d’hyperactivité. »  Erwan Seznec, dans une enquête minutieuse, nous montre comment la double peur de la sanction pénale et de l’opinion publique a poussé l’exécutif et les fonctionnaires à surréagir pour se couvrir. Résultat : la machine technocratique, hypercentralisée, s’est emballée.

Couv 85Fidèle à sa devise, « surtout si vous n’êtes pas d’accord », Causeur a invité le député LREM, Ludovic Mendès, à défendre la majorité. Se confiant à Gil Mihaely, il maintient que son gouvernement a impliqué les collectivités dans la prise de décision, tout en assumant ses responsabilités et en disant la vérité aux Français. En revanche, pour Maxime Tandonnet, ancien conseiller de Nicolas Sarkozy, les mesures prises par le gouvernement dans la gestion de la crise ont enterré les dernières traditions de la démocratie libérale à la française. 

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En dépit de la pandémie, la vie politique et économique continue. Jean-Luc Gréau et Philippe Murer réfutent les critiques de ceux qui veulent nous faire croire, qu’en matière d’émissions CO2, la France est le cancre de service : au contraire, elle est exemplaire ! Quant au nouveau règlement européen sur la migration et l’asile en cours de discussion, Jean-Jacques Leandri tire la sonnette d’alarme : cette loi, dont les médias parlent si peu, va encourager l’immigration clandestine, faciliter la vie aux terroristes et étendre les pouvoirs des technocrates. Outre-Altlantique, un nouveau président élu prétend défendre les intérêts des ouvriers américains. Gil Mihaely a fouillé dans le passé de Joe Biden et a trouvé que ses relations avec les banques qui ont contribué à l’appauvrissement des cols bleus font de lui le fossoyeur, plutôt que le sauveur, des classes moyennes. Toujours chez l’oncle Sam, Sylvie Perez nous raconte l’histoire passionnante d’une institution majeure vouée à la défense des droits constitutionnels, l’Union américaine pour les libertés civiles. Financée aujourd’hui par les opposants à Donald Trump, elle se mêle de politique et met en péril sa mission historique. 

Franck Ferrand, en conversation avec notre directrice de la rédaction, l’avoue : « je ne suis pas ce garçon poli et consensuel que les médias présentent. » On découvre que l’historien populaire est un souverainiste de choc qui, dans le conte politique qu’il publie aujourd’hui, imagine une nouvelle Jeanne d’Arc version XXIe siècle. En restant au cœur de l’histoire de France, Paul Thibaud a lu le dernier ouvrage de François Azouvi qui démonte la thèse dominante voulant que de Gaulle ait vendu aux Français de l’après-guerre un grand mythe de la résistance. À ce supposé « résistancialisme » s’est substitué, pour des raisons politiques, un « pénitentialisme » autodestructeur. Le philosophe Alain de Benoist, interviewé par Françoise Bonardel, rappelle que la liberté de l’individu dépend de la liberté de son pays. 

Pour les amateurs de formules élégantes, Thomas Morales a lu la réédition des chroniques cinématographiques du jeune Michel Audiard. Le critique qui a précédé le dialoguiste avait déjà de la verve. 

Si notre cochonnaille nationale est aujourd’hui quelque peu dévoyée par l’industrialisation agricole et suscite le rejet – parfois violent – de consommateurs musulmans, Emmanuel Tresmontant nous rassure : une bande héroïque d’éleveurs et de charcutiers mène la résistance. Les restos sont toujours fermés, mais les charcuteries sont ouvertes et les plus belles se visitent comme des bijouteries.

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Petite sociologie du manifestant black-bloc

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Bordeaux, 28 novembre 2020 © UGO AMEZ/SIPA

Une bonne vieille manif’ est bien plus exaltante qu’une séance de paintball ou de laser-game…


Les bonnes vieilles manifs sont en train de se réinventer. Quel que soit l’objet de la protestation, elles s’accompagnent dorénavant d’actes spectaculaires de vandalisme et de violences inouïes envers les forces de l’ordre. Les vitrines sont défoncées, les voitures incendiées et les policiers poursuivis comme des cerfs lors des chasses à courre. Ces exactions sont le fait d’hommes jeunes, des racailles de banlieues ou des petits blancs de la classe moyenne ou supérieure, transformés en black-blocs. Débordant d’énergie, les jeunes mâles ont besoin d’occupation au risque de se transformer en machine à détruire.

L’État et les contribuables français rasent gratis pour occuper une frange de la jeunesse européenne désœuvrée et en manque de sensation forte

C’est ce qu’avait compris le sociologue Gaston Bouthoul. Pour lui, lorsqu’on constatait un « surplus d’hommes jeunes » (une portion significative d’entre eux étant « inoccupés » par l’activité économique), la situation devenait « explosive » et donc favorable au déclenchement de conflits armés.

Aujourd’hui, certains mâles dans la force de l’âge sont au chômage ou demeurent passifs devant des écrans d’ordinateur en ne comprenant pas toujours (et avec raison) l’utilité de leur travail. Ils connaissent véritablement un désœuvrement « physique ». Il y a bien des exutoires comme les terrains de sport, mais le jeu, s’il fatigue les corps, ne répond pas au besoin d’aventure. Le paintball et le laser-game peuvent les plonger dans des situations exaltantes de combat. Mais se faire peinturlurer ou dégommer au rayon laser ne dégage pas ce parfum de réalité qui seul peut faire monter l’adrénaline. La quête de sensations fortes qui ne s’arrête jamais mène ainsi certains énergumènes à fréquenter de manière assidue les défilés.

Masculinité toxique

Dans les manifs, le fait que tout soit si réel est une source incomparable de contentement. Il y a de vrais gens qui marchent, des cortèges bariolés dans lesquels on peut se faufiler. Il y a, sur le parcours, des boutiques et des voitures si rutilantes qu’elles font des cibles parfaites. Et bien sûr, il y a de vrais flics payés par l’État et armés jusqu’aux dents, des types des RG qui trainent leurs guêtres, des médias relayant des images et des sirènes hurlantes. 

A lire ensuite, Pierre Cretin: Marre des manifs!

Les jeunes têtes brûlées se retrouvent plongées dans l’atmosphère des jeux vidéos qu’elles apprécient tant. Les ressorts de l’action restent les mêmes : dans un décor époustouflant, il faut récolter des objets ou des pièces d’or (détruire ou saccager des boutiques ou du mobilier urbain) et combattre des ennemis avec des mitrailleuses (combattre les flics). C’est ainsi que par palier, on avance dans le jeu. Qu’on soit racaille ou petit bourgeois on adapte les règles. Entre deux combats, des boutiques de marques ou des signes ostensibles du capitalisme seront à collecter. Chaque joueur à son univers de prédilection…

Quand c’est gratuit, c’est meilleur

Mais, c’est sans conteste la gratuité qui rend ce passe-temps si exaltant. Au paintball ou le laser-game, vous devez vous acquitter d’une entrée. Débourser des euros, c’est acheter la mise en scène, le décor de carton-pâte et finalement payer le prix d’une certaine frustration. L’accès libre aux manifs est au contraire un label de qualité. Ce sont les vrais préfets de police et ministres de l’Intérieur que vous pourrez faire rougir de honte ou de colère. Tout est si authentique que les manifs de France attirent les Antifas des quatre coins d’Europe… L’État et les contribuables français rasent gratis pour occuper une frange de la jeunesse européenne désœuvrée et en manque de sensation forte.

A ne pas manquer, nouveau numéro, Causeur: Trêve des confineurs!

Sans l’ombre d’un doute, la comédie se poursuivra si le maître du jeu ne durcit pas les règles. Les CRS qui ressemblent à des Robocops sont d’une affligeante passivité. C’est bien eux que les images nous montrent en train de reculer ou de fuir. Sont-ce des fillettes, des incompétents ou obéissent-ils à des ordres aussi aberrants que « pas de blessé ni de mort » ? La réponse est évidente. L’activité des casseurs et des agresseurs est devenue un amusement parce qu’elle est « sans conséquence ». Dans les jeux vidéos, les joueurs se voyant toujours offrir de nouvelles « vies », revivent indéfiniment l’aventure en passant des nuits sans sommeil. Les autorités risquent de vivre un jour sans fin si elles régalent ainsi les joueurs d’opportunités. Pour que cesse cette désolante tradition de casse et de chasse aux flics, le mot d’ordre doit être limpide : passer à l’attaque et user de la violence légitime pour neutraliser les belligérants. Question d’honneur et de crédibilité, ces jeunes hommes doivent être châtiés sans ménagement car, depuis la nuit des temps, aucun ordre ne peut régner sans que des menaces substantielles (de douleur ou de possible mort) ne planent au-dessus des violents fauteurs de troubles. Dans le cas contraire, les défilés resteront des terrains de jeux toujours plus stimulants que tout ce que les industries du loisir et du divertissement ne seront jamais capables d’offrir.

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France Inter: et si on invitait des gens de gauche?

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Image: JOËL SAGET / AFP

Sur France Inter, les policiers en prennent pour leur grade… La radio de service public s’en donne à cœur joie sur la « violence policière ». À gauche toute! Lundi 30 novembre, entre 8h20 et 8h50, ça se passe comme ça sur France Inter


Dans l’émission matinale de France Inter[tooltips content= »Le 7/9 par Nicolas Demorand, Léa Salamé. »](1)[/tooltips] du lundi 30 novembre, lors du Grand entretien, étaient reçus deux invités: Sebastian Roché et Henri Leclerc. Oh ils ne débattirent de rien tant ils étaient d’accord sur tout ! et en particulier, sur le fait que les violences policières, ça suffit.

Les policiers cloués au pilori 

Sebastian Roché est chercheur au CNRS. Il est sociologue et criminologue. Il sait de quoi il parle. Ses recherches l’ont amené à faire des constatations d’importance sur « l’autorité ». Combien de jours, de semaines, de mois de travail pour parvenir aux conclusions qui vont suivre ? Combien de livres lus ? Combien de rapports ? Nous ne savons pas. Mais, visiblement, le chercheur y a trouvé le nécessaire à bricoler des âneries: «Une grande partie des Français refuse la violence policière. Dans nos sociétés, de plus en plus, on refuse que les autorités soient violentes: que ce soient les maris dans leurs couples, les prêtres vis-à-vis des enfants, ou les policiers. Aujourd’hui, le fait d’appartenir à une autorité n’autorise plus la violence.»

Pas d’amalgame ! sauf quand cela sert les démonstrations les plus désolantes. Violences policières, violences conjugales, patriarcat et pédophilie dans l’église à peine sous-entendue s’empilent afin de parfaire la figure du monstre autoritaire que combat «la société». Les maris et les prêtres seront contents d’apprendre qu’ils appartiennent à une « autorité ». Et sûrement nostalgiques du temps où cette « autorité » les autorisait à être violents. Cela remonte assurément, aurait dit Vialatte en riant sous cape, à la plus haute Antiquité.

La novlangue de gauche

Habitués à toutes les malversations intellectuelles, Nicolas Demorand et Léa Salamé n’ont pas cru bon de relever cette ineptie. Comme ils ne relèveront pas celle de Claude Askolovitch lors de sa toujours déroutante revue de presse : « Mars Actu jette le doute sur la rigueur de l’État, et sur nos peurs aussi, en racontant un collégien de 14 ans qui a été mis en examen pour apologie du terrorisme et chassé de son collège (marseillais) qu’il avait effrayé, affirmant qu’il connaissait le meurtrier du professeur Paty, et qu’il aurait fait comme lui ; mais vu de près ce grand dadais afghan parle si mal français, pensait-il ce qu’il a dit, l’a-t-il seulement dit, on a peur et on doute. » Tout devient curieux quand Askolovitch s’en mêle: pourquoi et comment cette histoire jette-t-elle un « doute sur la rigueur de l’État » ? Comment le site Mars Actu s’y prend-il pour « jeter un doute sur nos peurs » ? Et qu’est-ce que cela veut dire ? De quoi avons-nous peur: de l’État, du terrorisme, des propos du collégien ? De quoi doutons-nous: de l’État, de la véracité des propos du « grand dadais » ? L’askolovitchien reste décidément une langue difficile à décrypter.

Comme le sociologue, criminologue, et sûrement un peu décryptologue Sebastian Roché n’était plus là au moment de cette revue de presse, il n’a pas pu apporter son éclairage.

C’est bien dommage. Nous passons vraisemblablement à côté d’explications dévastatrices et hallucinantes. Vivement que France Inter convie à nouveau ce chercheur du CNRS qui, il y a peu, déclarait de façon assurée qu’« il n’y a en France aucun mécanisme d’ensauvagement »…

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Coexister: touchée, mais pas coulée

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Les locaux de l'association controversée, photographiés en 2018 © NICOLAS MESSYASZ/SIPA Numéro de reportage: 00877961_000002

En très bons termes avec l’Observatoire de la laïcité, taxée comme lui de naïveté, voire de complaisance envers les islamistes, l’association de «management de la diversité» va sans doute perdre son agrément pour intervenir dans les écoles, mais elle garde de la ressource et des alliés.


 

C’est ce qu’on appelle l’épreuve du terrain. Venue le 30 octobre à Poitiers rencontrer des jeunes issus de l’immigration, la toute nouvelle secrétaire d’État à la jeunesse Sarah El Haïry a eu le sentiment de tomber dans un piège. Les adolescents qui s’adressaient à elle déroulaient un argumentaire un peu trop calibré pour être tout à fait spontané, sur le thème de la laïcité qui opprime les croyants, dans la France islamophobe de 2020. Dans l’assistance, se trouvait la présidente de l’association Coexister, Radia Bakkouch. Elle n’est venue épauler la secrétaire d’État ni sur le moment, ni a posteriori dans les médias et sur les réseaux sociaux. Pire encore, le 12 novembre, l’hebdomadaire catholique La Vie publiait un article tournant un peu trop ouvertement la secrétaire d’État en ridicule. Il était signé de Laurent Grzybowski, père du fondateur de Coexister, Samuel Grzybowski.

À lire aussi: Sarah El Haïry contre le « séparatisme » poitevin

 

Bref, la benjamine du gouvernement avait pris une gifle. Fallait-il tendre l’autre joue ou sortir le fouet ? Évangiles selon Saint-Luc 6:29 ou selon Jean 2:15 ? L’option fouet l’a emporté. Comme l’annonçait le Point le 25 novembre, Coexister a reçu un avis défavorable à sa demande d’agrément « Education nationale ». Dans un second temps, l’association pourrait perdre l’agrément « Jeunesse et education populaire » qui lui permettait jusqu’à présent d’intervenir en milieu scolaire. Dommage collatéral, la perte de subventions conséquentes. Un coup dur, mais prévisible. Avant même l’épisode de Poitiers, le refus de Coexister de regarder en face l’intégrisme islamiste devenait embarrassant. Le jour de la mort de Samuel Paty, Radia Bakkouch a posté sur son compte Twitter un appel à marcher… contre l’islamophobie (voir ci-dessous).

coexister-islamLes puissants alliés de Coexister

Vengeance du pouvoir contre une petite association rebelle ? Pas vraiment. En 2013, la structure, prétendument créée spontanément par des lycéens quatre ans plus tôt (voir notre enquête publiée dans notre magazine d’octobre), a perdu sa reconnaissance d’intérêt général. Elle a trouvé les ressources financières et intellectuelles d’aller jusqu’en Conseil d’État pour la récupérer… En réalité, Coexister est seulement un élément d’un lobby discret mais puissant, qui s’active depuis des années pour que l’enseignement public ménage une place aux croyances à côté des savoirs.

Samuel Grzybowski (au centre), président de l’association Coexister, donne une conférence de presse au Mans, 2 juin 2014. © JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP
Samuel Grzybowski (au centre), président de l’association Coexister, donne une conférence de presse au Mans, 2 juin 2014. © JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP

Si demain Coexister n’intervient plus dans les écoles publiques, il restera Enquête. Cette association agréée par l’Éducation nationale élabore des « outils ludiques d’éducation à la laïcité et aux faits religieux pour développer chez les enfants un rapport apaisé et réfléchi à ces sujets ». Elle est financée par un fonds de dotation nommé « Coexister », hébergé 50 rue de Montreuil, à Paris, dans les locaux de… Coexister ! Les deux structures se connaissent très bien et se partagent le travail depuis des années. Enquête fait le primaire, Coexister le secondaire, schématiquement. Et pour les enseignants intéressés par le sujet, il y a le cours en ligne Agapan, monté par l’institution catholique du Collège des Bernardins, soutien de Coexister depuis la création de l’association, en 2009!

A lire aussi, Céline Pina: Ce que Matignon peut reprocher à Jean-Louis Bianco

Il apparait de plus en plus que des institutions catholiques ont cru jouer fin en retournant contre l’enseignement public son incapacité flagrante à regarder l’islamisme en face. L’anticléricalisme est admis, voire revendiqué, chez les professeurs. L’islamophobie reste inavouable et peut, à ce titre, servir de cheval de Troie pour faire reculer les rationalistes. Le « livret laïcité » de 2015 distribué aux enseignants préconisait « d’éviter la confrontation ou la comparaison du discours religieux et du savoir scientifique », comme si juifs et chrétiens ne conciliaient pas les deux sans grande difficulté depuis un siècle au moins. Pour l’islam, c’est une autre affaire. Citée par Laurent Grzyboswski, Farah, une des lycéennes de Poitiers envoyée au front contre Sarah El Haïry, déplorait que son professeur d’histoire ait « cherché à convaincre les musulmans de la classe que Dieu n’existait pas, que c’était prouvé par la science (…) J’ai failli porter plainte ». « Moi, je n’impose rien à personne, pourquoi est-ce que lui m’imposerait sa vision ? », se demandait-elle. Alors que l’Éducation nationale recrute pour remplacer Samuel Paty, c’est en définitive une bonne question. À quoi rime d’enseigner, si Enquête et Coexister sont d’intérêt général ?

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L’association Coexister nous a adressé le droit de réponse suivant :

« Un premier article sur Coexister le 14 octobre 2020, puis un second un mois et demi après, suivi par d’autres encore… C’est donc désormais acté, Causeur semble s’être pris de passion pour notre association. A croire que les crises sanitaires, sociales et économiques du moment ne sont finalement que bagatelles et qu’il est bien plus nécessaire de s’évertuer à dénoncer la grave menace que nous représentons.
Tant elle est fondée sur un substrat bancal d’éléments décontextualisés et de raccourcis approximatifs, cette obsession pourrait prêter à sourire si elle ne tendait pas vers la diffamation monomaniaque.

A l’école, lassociation promeut les principes laïcs

Prétendre que Coexister « affaiblit nos principes laïcs » c’est méconnaitre les fondements même de l’association. Gageons qu’il s’agisse d’ignorance plutôt que désinformation délibérée. La laïcité constitue le socle, le cœur et le vecteur de nos actions. Elle est inscrite sur notre logo 1, dans notre règlement intérieur, dans nos statuts. Nous la promouvons en milieux scolaires, sur les réseaux sociaux 2. Nous travaillons main dans la main avec l’Observatoire de la laïcité, structure étatique qui, depuis près de quinze ans, assiste le gouvernement dans son action visant au respect du principe de laïcité. Pour favoriser la cohésion sociale, nous nous attachons à défendre la laïcité exactement telle qu’elle a été promulguée par Aristide Briand et qu’elle est aujourd’hui inscrite dans le droit positif : un cadre juridique légal reposant sur quatre piliers que sont la liberté de conscience, l’égalité devant la loi, la stricte séparation des Églises et de l’État et la neutralité de l’État ainsi que de ses agents. Nous soutenons la pleine indépendance de la République vis-à-vis de toute idéologie ou pression qu’elle soit cultuelle et religieuse et excluons toute vision sociale théocratique. Ainsi, non seulement nous n’affaiblissons pas les principes laïcs mais, bien au contraire, nous nous efforçons inlassablement de les porter et de les défendre.

Coexister, association reconnue dintérêt général

Nous serions complaisants avec l’islamisme.
Les preuves ? Notre présidente, était présente lors de l’intervention de la Secrétaire d’État à la Jeunesse dans un Centre Social à Poitiers le 30 octobre dernier, au même titre que de nombreux représentants d’associations et d’organisations. Elle n’est pas intervenue pour couper court aux débats houleux sur la laïcité entre la représentante du gouvernement et les jeunes présents. Puis, deux semaines plus tard, un article à charge contre la Secrétaire d’État paraît dans l’hebdomadaire la Vie. Le lien entre les deux ? Hormis le fait que ce papier ait été rédigé par Laurent Grzybowski, qui soit dit en passant n’a aucun rôle à Coexister, nous n’en voyons aucun. Il est vrai que nous ne sommes pas à une inexactitude près… Par exemple, nous ne finançons pas ni n’hébergeons Enquête 3.
Quant à notre agrément, si nous n’avons pas encore obtenu l’agrément « Éducation nationale », il est exact que nous sommes reconnus Association d’intérêt général depuis de nombreuses années. Il est tout aussi vrai que nous ne sommes pas près de perdre l’agrément Jeunesse et Education Populaire reçu en 2018 puisqu’il a été renouvelé au mois d’août 2020 par le Ministère de l’Éducation nationale. Également, que nous sommes lauréats de « la France s’engage », label gouvernemental annuellement décerné aux organisations qui promeuvent l’innovation et l’action sociales. Si nous avons des « alliés », ce n’est pas parce que nous sommes « naïfs » voire « complaisants envers les islamistes » mais uniquement parce que nos 4 300 ateliers pédagogiques sur la laïcité mise en place dans 3 860 établissements scolaires auprès de 130 000 jeunes plaident pour nous. C’est aussi parce que nos douze années de travail de terrain sont nécessaires et reconnues comme tel, entre autres, par les instances gouvernementales ».

1 « Education Jeunesse Laïcité »
2 Par exemple, avec la vidéo « La laïcité en 3 minutes » initialement diffusée sur Youtube et Facebook, relayée par l’Observatoire de la Laïcité et visionnée des centaines de milliers de fois
3 Il suffit pour s’en convaincre de consulter la page Internet des partenaires financiers d’Enquête (https://www.enquete.asso.fr/partenaires/partenaires-financiers/) ; le siège de l’association est dans le 11ème alors que nous sommes installés dans le 10ème

Marre des manifs!

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Manifestants à Paris le 28 novembre 2020 © ISA HARSIN/SIPA Numéro de reportage: 00993091_000026.

En France, les manifestations se multiplient à un point qui en devient grotesque


Les gilets jaunes ont manifesté dans les grandes villes pendant des mois, manifs qui ont ruiné nombre de commerçants et démoralisé une grande partie de la population qui avait la nausée de voir chaque week-end se répéter les mêmes scènes de violence, toutes ces flammes, destructions et blessures.

Tout ça pour un résultat dont personne ne saurait trop dire en quoi il consiste. Mais les Français, dans leur majorité (paraît-il) approuvaient…

Marre de la casse

Les migrants manifestent, les anti-racistes manifestent, les opposants à la loi retraite manifestent, les écologistes manifestent, les anti-Amazon manifestent… On a l’impression que ça ne finira jamais. Ce pays aurait besoin d’un peu de calme et d’apaisement. C’est ce à quoi aspire l’immense majorité de la population. Pouvoir travailler et vivre tout simplement, dans un véritable sentiment de sécurité. Tout le monde en a marre de ces voitures qui brûlent, de ces vitrines cassées, de ces gens qui se tabassent entourés d’autant de gens qui les filment portable en main.

Et même si c’est le fait de groupuscules violents, organiser une manif aujourd’hui c’est prendre cette responsabilité et donner de belles occasions à ces violences. 

femmes gilets jaunes mai 68
Manifestation de femmes Gilets jaunes, Paris, janvier 2019. Sipa. Numéro de reportage : 00889879_000022

La démocratie ne peut-elle pas très bien vivre sans que constamment la rue se mobilise ? Il y a des assemblées et des institutions qui sont faites pour cela, de l’échelon national à l’échelon local. Il y a des syndicats pour dialoguer, voire lutter par la grève pour des revendications professionnelles. Lancer à tout propos des mots d’ordre de manifestation – et c’est aujourd’hui si aisé grâce aux réseaux sociaux, par ailleurs sources d’innombrable fausses informations – c’est abuser d’une arme qui ne devrait être utilisée que dans le plus grand péril.

L’article 24 a bon dos!

Un certain nombre de citoyens se rêvent en glorieux soldats de l’an II, en sans-culottes défenseurs du peuple opprimé, en résistants prêts à tout pour défendre et sauver nos sacro-saintes libertés. Mais c’est une vaste blague.

Qui peut croire sérieusement, même avec le fameux article 24, que nos libertés fondamentales soient réellement menacées ? Certainement pas tous ces éternels résistants, tous ces révolutionnaires de salon comme de pavé qui savent très bien au fond d’eux-mêmes que leurs mouvements de rue ne leur font prendre aucun risque vital. Seuls les commerçants riverains, déjà ruinés par le Covid, prennent le risque de voir détruire leurs boutiques. Mais ils adorent se prendre pour les résistants de notre époque. Il n’est que de lire le texte pompeux de la « coordination » qui affirmait maintenir la manif contre la loi « sécurité globale » quand elle était encore interdite:

« Nous irons et nous marcherons pour défendre cette liberté… nous avons déjà vu comment les vies de tant de femmes et d’hommes qui tentaient d’exprimer cette liberté ont été mutilées et détruites. Nous acceptons de prendre ce risque parce que ce pour quoi nous nous battons dépasse les risques que nous prendrons. »

N’est-ce pas beau comme du Victor Hugo ? Effectivement le risque était réel puisqu’il y a eu 98 blessés, parmi les forces de l’ordre, et un journaliste qui a reçu un (violent) coup de matraque.

Je me risque à un parallèle osé. Quand je pense à Daniel Cordier, qui vient de nous quitter, et donc à Jean Moulin et à tous les résistants qui ont engagé leur vie pour ressusciter une liberté qui était réellement sous la botte nazie, je me demande si cette belle liberté qu’ils nous ont donnée, nous la méritons vraiment.

Incertain 2022

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Marine Le Pen et Emmanuel Macron sur le perron de l'Élysée, lors d'une rencontre au sujet des règles de scrutin des élections européennes, 21 novembre 2017. © NICOLAS MESSYASZ/SIPA Numéro de reportage : 00833006_000003

Sauf imprévu, Emmanuel Macron et Marine Le Pen seront candidats à l’élection présidentielle de 2022. Quant à Jean-Luc Mélenchon, il a déjà annoncé sa candidature. Mais bon nombre d’incertitudes subsistent sur les autres candidats potentiels…


L’avantage de la politique est qu’elle peut être médiocre au quotidien mais qu’elle n’interdit pas les échappées, les imaginations qui sont autant de consolations, de compensations. Puisque nous nous trouvons confrontés à une séquence dont le moins qu’on puisse dire est que le pouvoir n’en sort grandi sur presqu’aucun plan – et notamment pas sur celui du caractère et de la cohérence -, l’envie me prend de m’évader, de construire des châteaux en France et de me plonger dans un futur aux imprévisibles configurations. Rien n’est sûr, rien n’est acquis, tout est possible, il ne faut pas insulter l’avenir et les perdants d’aujourd’hui pourront être les vainqueurs de demain. Il est passionnant d’écouter les citoyens et de les sentir écartelés entre une démobilisation accrue ou un engagement sans enthousiasme. Il y a la résignation (et parfois une authentique satisfaction tout de même !) qui en conduit certains à vouloir réélire Emmanuel Macron parce que personne de légitime et de compétent, face aux crises, ne les surmonterait mieux que lui. L’avantage d’être au pouvoir est que d’y être est déjà une argumentation pour la suite !

On évoque le général Pierre de Villiers (…) mais ce dernier devrait alors sortir des banalités nobles qu’il affectionne au fil des entretiens et ne constitueraient pas un programme. Et les nostalgiques de Nicolas Sarkozy qui l’adorent à proportion de ses défaites…

Il y a ceux qui ont déjà pris le parti d’un second tour en 2022 opposant à nouveau Emmanuel Macron à Marine Le Pen.

À l’heure actuelle, que d’incertitudes sur le nom des candidats!

Il y a ceux qui prennent de haut Xavier Bertrand ou Bruno Retailleau en surestimant ceux qui nous gouvernent aujourd’hui. Cette condescendance est étrange, elle laisserait penser que la réalité présente est enthousiasmante et que nul ne pourrait proposer mieux.

Il y a ceux qui tiennent pour acquise la présence du RN au second tour mais qui n’excluent pas qu’on puisse avoir des surprises pour son adversaire.

D’aucuns en tiennent encore pour la possibilité d’un candidat LR dans la joute finale pendant que Christian Jacob se remet de l’abandon au moins implicite de François Baroin.

Anne Hidalgo, septembre 2020 © ISA HARSIN/SIPA Numéro de reportage: 00983572_000003.
Anne Hidalgo, septembre 2020 © ISA HARSIN/SIPA Numéro de reportage: 00983572_000003.

D’autres aspirent à une gauche unie qui ferait combattre ensemble socialistes et écologistes et dans cette éventualité le président sortant pourrait être battu dès le premier tour. Il m’apparaît qu’on tourne trop en dérision la volonté de quelques-uns de favoriser cette unité, qui est portée par Anne Hidalgo de manière de plus en plus explicite, malgré les difficultés qu’elle aura à surmonter. Ce seraient les mêmes, peut-être encore plus considérables, que celles risquant d’entraver un Arnaud Montebourg qui piaffe.

Unité d’une gauche socialiste et écologiste déjà mise à mal par la précipitation ambitieuse, pour la troisième fois, d’un Jean-Luc Mélenchon qui ne pouvait pas attendre: il aurait craint de perdre sa place dans le grand jeu présidentiel. Pourtant sa victoire en 2022 serait inconcevable. Sauf à ce que la succession de handicaps représente une force !

Une surprise attendue?

Les communistes également souhaiteraient avoir leur candidat.

Yannick Jadot ne refuserait pas l’honneur de porter les couleurs d’une gauche rassemblée sous ses deux espèces mais son désir d’apparaître comme un candidat ouvert, plausible et tolérant pourrait lui aliéner un certain nombre de voix que le sectarisme s’est approprié. Et Eric Piolle se ferait un plaisir de les prendre en charge !

Le paradoxe est que le monde politique présente des béances qui laissent passer des désirs, des attentes d’autres personnalités, peut-être encore inconnues, tels d’improbables Emmanuel Macron.

Robert Ménard aspire à une union des droites mais sans Marine Le Pen. Il affirme, lui, n’être pas intéressé par une telle démarche mais se veut, se vit tel un aiguillon.

Robert Ménard est maire de Béziers © Hannah Assouline
Robert Ménard est maire de Béziers © Hannah Assouline

On évoque le général Pierre de Villiers pour répondre à une part de cette France qui a envie d’un militaire à la tête du pays mais ce dernier devrait alors sortir des banalités nobles qu’il affectionne au fil des entretiens et ne constitueraient pas un programme. Et les nostalgiques de Nicolas Sarkozy qui l’adorent à proportion de ses défaites.

Tout ce qui va se dérouler l’année prochaine, avec les désastres économiques et sociaux à venir, va ajouter des incertitudes à cette immense hésitation démocratique. Sera-t-elle tentée d’aller vers la stabilité, l’adhésion au pouvoir en place ou prête à toutes les audaces, voire à toutes les imprudences ? On continuera le livre, ou on commencera à en écrire un autre ? La politique, quand on la rêve, a d’indicibles charmes. Qui sera capable, demain, de nous faire espérer sans nous désenchanter aussitôt ?

Moi, Emmanuel Macron, je me dis que...

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Julien Bayou, Anne Hathaway, profs de gauche: les progressistes débordés

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Julien Bayou, secrétaire national du parti Europe Ecologie les Verts, lors du conseil fédéral de son parti au siège de la CFDT, le 19 septembre 2020.©SADAKA EDMOND/SIPA Numéro de reportage : 00982092_000009

En croyant bien faire, les progressistes se font quand même remonter les bretelles par encore plus progressistes qu’eux.


Ivan Jablonka a écrit un ouvrage pour dénoncer le patriarcat (Des hommes justes – Du patriarcat aux nouvelles masculinités). Pensant avoir œuvré pour la bonne cause féministe, il attendait des acclamations. Catastrophe ! Mme Camille Froidevaux-Metterie, professeure à l’université de Reims, gifle la première : « On reste stupéfaite devant la superficialité de l’analyse et le mépris dans lequel sont tenues les autrices qui, depuis des décennies, ont pensé la domination patriarcale ». L’universitaire Marie-Jeanne Zenetti réfute l’affirmation d’autorité de Jablonka qu’« un rapport hétérosexuel “équitable” devrait comporter une stimulation clitoridienne par masturbation, caresse ou cunnilingus. » Depuis, dit-on, Ivan Jablonka relit le Kamasutra, Simone de Beauvoir et les tweets de Caroline de Haas, à la recherche du chaînon manquant à ses travaux sur « les nouvelles masculinités ».

À lire aussi, Jérôme Blanchet-Gravel: Après la bien-pensance, la bien-monstrance

Verushka Lieutenant-Duval est une professeure à l’université d’Ottawa qui dirige des cours sur l’art et le genre. Pendant un cours sur la théorie queer, elle a eu le malheur d’utiliser le mot « nigger ». Patatras ! Une étudiante est choquée par l’usage de ce mot, la professeure présente ses excuses et propose un débat qui n’aura jamais lieu : une Blanche, lui fait-on savoir, ne peut pas conduire un débat sur une discrimination concernant les gens de couleur. Courageusement, la direction de l’université suspend… la professeure. Après mille courbettes et des excuses réitérées, l’universitaire repentie a pu reprendre ses cours. Elle a promis de ne plus utiliser, en plus du mot « n…. » (nigger ou nègre), le mot « i….. » (indien) : « Mon objectif, ce n’est pas de blesser les étudiants. »

En Caroline du Sud, le professeur Greg Patton a utilisé un mot chinois, « ne-ga », pour illustrer son cours. Aïe ! Certains étudiants ont jugé ce mot trop proche du mot « nigger », ont crié au racisme, ont été affectés au point de préférer « ne pas continuer ce cours plutôt qu’avoir à endurer l’épuisement émotionnel d’avoir un enseignant qui ignore la diversité et les sensibilités culturelles. » Le Pr Patton s’est excusé et a promis de remplacer le mot chinois par un mot… portugais.

L'enseignante Verushka Lieutenant-Duval. Image: Capture d'écran YouYube / Radio-Canada Info.
L’enseignante Verushka Lieutenant-Duval. Image: Capture d’écran YouYube / Radio-Canada Info.

Le délit de réappropriation culturelle 

Jeannine Cummings et Kate Elizabeth Russel sont deux romancières américaines. La première a écrit un livre dépeignant l’aventure d’une mère mexicaine et de son fils pour entrer aux États-Unis (American Dirt). Malheur ! Mme Cummings n’étant pas mexicaine, 140 de ses confrères lui sont tombés sur le râble pour dénoncer une « réappropriation culturelle ». Le téméraire éditeur a immédiatement annulé la tournée de promotion de l’ouvrage. La deuxième a écrit un livre racontant l’histoire d’une élève de 15 ans sexuellement abusée par son professeur (My dark Vanessa). Certaines de ses consœurs dénoncent une romancière qui, n’ayant apparemment pas subi elle-même de violences sexuelles,  s’approprie « la souffrance des vraies victimes. » Du coup, Dame Russel a dû rédiger un communiqué pour dire qu’elle s’était inspirée de ses « propres expériences d’adolescentes avec des hommes plus âgés », et que, donc, elle savait de quoi elle parlait.

Anne Hathaway incarne, dans le film adapté d’une œuvre de Roald Dahl The Witches, une sorcière à trois doigts. Misère ! « De nombreuses personnes souffrant d’un handicap sur certains membres » ayant été blessées, l’actrice s’est confondue en excuses plus plates les unes que les autres : « En tant que personne qui déteste vraiment, vraiment la cruauté, je vous dois à tous des excuses pour la douleur causée. » Excuses acceptées par le Lucky Fin Project, organisation américaine qui « existe pour sensibiliser et célébrer les personnes nées avec une différence de membre. » Ouf !

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Sia est une chanteuse australienne qui a mis en ligne la bande-annonce de son futur film Music dans lequel la danseuse Maddie Ziegler joue une autiste. Horreur ! Des organisations anglaises et américaines ont reproché à Sia de ne pas avoir recruté « un comédien sur le spectre de l’autisme. » (sic) De plus, elle a utilisé les termes « individus à capacités particulières » pour désigner les autistes et autres handicapés. Catastrophe ! Les organisations ad hoc y ont vu un signe de mépris envers les personnes handicapées et autistes. L’actrice sourde Marlee Martin demande à la chanteuse de ne « pas être sourd à ce qu’ils ont à dire. »

La sortie de piste de Julien Bayou

Julien Bayou (EELV) a parlé de « lynchage de policiers à Bastille » dans un tweet. Ouille ! La réalisatrice indigéniste Amandine Gay lui a vertement signalé que le terme de « lynchage » est réservé aux personnes noires, et que « son usage par des personnes blanches […] conduit à effacer l’expérience et les souffrances des personnes noires. » Non seulement Julien Bayou s’est excusé mais il a également remercié Mme Gay « d’avoir pris le temps d’une explication de texte argumentée. » Il est « preneur d’un échange pour déterminer comment qualifier le fait qu’une foule s’en prenne à un policier. » J’aimerais beaucoup entendre cet échange-là par exemple.

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Fini de rire ! s’exclamait Philippe Muray qui avait vu venir ces tristes figures. Ne nous reste plus que le rire jaune, celui qui naît à la lecture des aventures sinistres de ces progressistes pas assez progressistes qui se font morigéner par de plus bêtes qu’eux.

La face cachée du multiculturalisme

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Multiculturalisme, disent-ils

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Le journaliste Edwy Plenel prend la parole lors de la manifestation à la Place de la Bastille à Paris, contre la proposition de loi sur la sécurite globale menée par Gérald Darmanin, 28 novembre 2020 © ISA HARSIN/SIPA Numéro de reportage: 00993094_000010

Jadis, les étrangers qui arrivaient en France, qu’ils aient ou non demandé la nationalité française, y venaient parce que nous étions une référence culturelle d’exception.


Les aristocrates russes de Guerre et paix s’expriment en français — et pour eux c’est la langue de Voltaire (Stendhal en quittant Moscou en 1813 emporta avec lui un volume des Mélanges du philosophe de Ferney, et s’en voulut toute sa vie d’avoir dépareillé des œuvres complètes — qui ont dû disparaître dans l’incendie de la ville). Lorsque Simon Bolivar cherche un refuge entre deux révolutions sud-américaines, c’est à Paris qu’il se rend — et il y met à la mode la « cape à la Bolivar » qu’adoptèrent les Romantiques les plus chevelus. Lorsque Tourgueniev se cherche des amis, il est adopté par Maupassant, Zola et le cercle des Réalistes — qui ne l’étaient guère. Henry James avait fait de Paris sa capitale de cœur. Césaire ou Senghor n’ont jamais eu honte d’avoir fait leurs études dans la capitale française. Et Kundera (honte aux Nobels qui ne lui ont jamais donné un  prix qu’il méritait cent fois) a été adopté par le pays où il s’était réfugié quand les Russes sont venus troquer le velours de la révolution tchèque pour de l’acier sur chenilles.

Ok Boomer!

« Ah oui, mais c’est vieux tout ça, les temps ont changé » : une réflexion au moins aussi idiote que le « ok, boomer ! » qui est devenu le slogan de cette génération élevée dans une ignorance crasse, et s’indigne dès que l’on ne prend pas au sérieux les fariboles auxquelles elle s’accroche. Rappelez-vous, « T’es plus dans l’coup, papa ! » Chaque génération se croit plus intelligente que ses géniteurs.

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Changement à vue. Les immigrés ne viennent plus en France que pour son généreux système social, ses allocations familiales et sa cécité idéologique. Il ne leur viendrait jamais à l’idée de dire, à propos d’un idiome qu’on ne leur demande même pas de baragouiner, qu’ils parlent « la langue de Molière » — ou de Voltaire, ou de Flaubert, ou de qui que ce soit antérieur à Virginie Despentes et Aya Nakamura. Les intellectuels étrangers n’ambitionnent plus de devenir français — pas même résidents français. Ils s’éparpillent désormais dans des pays qui n’ont pas tout à fait renoncé à la fierté d’être eux-mêmes. L’anglais reste la langue de Shakespeare (ou de Mark Twain). Les inscriptions d’étrangers dans les universités françaises sont en chute libre — sauf là où on leur fait payer en douce quelques milliers d’euros pour être titulaires de diplômes qu’ils n’auront pas passés, mais il s’agit alors d’étrangers du second rayon, si je puis dire : les plus doués à Oxford ou Harvard, les brêles à Toulon. L’époque où les Chinois, les Vietnamiens et les Algériens qui ont bâti des révolutions dans leurs pays venaient chercher à la Sorbonne une langue et une inspiration est révolue : désormais, AQMI parle et rêve en arabe — et pas l’arabe le plus littéraire…

Féminisme outrancier, anti-racisme systémique, évacuation des génies…

J’ai expliqué jadis, dans Voltaire ou le jihad, comment les intellectuels postmodernes, fascinés par l’OLP et autres causes perdues et délétères, ont renoncé à leur propre culture en inventant cette hydre monstrueuse, le multiculturalisme. Et comme souvent, l’idée s’est imposée, parce qu’elle flattait la foule des universitaires du second rayon qui l’ont ramassée dans la boue idéologique de la gauche et imposée dans les facultés d’abord, dans le secondaire ensuite. Feuilleter un manuel de Français de seconde, c’est plonger dans un monde étrange où le Tiers-Monde côtoie les journalistes de Libé : féminisme outrancier, anti-racisme systémique, évacuation des génies morts et blancs au profit de tiers-mondistes bêlants, LGBT for ever, intersectionnalité du fatras idéologique, les éditeurs vérifient scrupuleusement que tout y est avant d’oser sortir les nouveaux volumes. Exeunt les grands noms qui ont fait la culture nationale. Tout comme en Histoire, où l’on met désormais l’accent sur la sociologie historique, ont disparu les Journées qui ont fait la France. « Roman de l’Histoire ! », disent en se moquant les nouveaux dispensateurs d’ignorance.

Ce roman-là a fait frissonner et rêver des générations. Mais qu’importe aux iconoclastes qui se croient désormais professeurs et prophètes…

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Le multiculturalisme est une illusion et une imposture. Dans un pays donné, c’est la culture de ce pays qui prime. Sa culture et sa langue. Et rien d’autre. Refuser d’enseigner l’une et l’autre, c’est se couper les mains face à des adversaires bien décidés à prendre le pouvoir.

Philippe Meirieu, histrion de la pédagogie

Les journalistes et les universitaires qui appuient ce tiers-mondisme du pauvre sont au mieux des collabos, au pire des soumis. Des ignorants, surtout. Ils mettent sur le même plan Montaigne (quand ils en ont entendu parler) et n’importe quel prêcheur de « principes démocratiques » — ces principes au nom desquels on vous décapitera demain. Elle a bon dos, la démocratie !

Philippe Meirieu en 2016. A la différence du spécialiste des sciences de l'éducation et de la pédagogie Philippe Meirieu, Ingrid Riocreux estime vain d'entamer le dialogue suite à l'assassinat du professeur de Conflans Sainte Honorine © Hannah ASSOULINE
Philippe Meirieu en 2016. A la différence du spécialiste des sciences de l’éducation et de la pédagogie Philippe Meirieu, Ingrid Riocreux estime vain d’entamer le dialogue suite à l’assassinat du professeur de Conflans Sainte Honorine © Hannah ASSOULINE

Et ce multiculturalisme-là s’est trouvé en Lionel Jospin, en 1989, le naïf qu’il lui fallait. La loi que le petit Lionel a sorti de l’arrière-slip de Philippe Meirieu, le même qui vient de refuser de participer au Grenelle de l’Education — faut-il qu’ils soient aveugles, au ministère, pour s’exposer au camouflet d’un histrion de la pédagogie. Les élèves et les parents, et les associations qui les alimentent en douce, s’en sont saisis et ont décrété que désormais, la parole d’un « apprenant », tout ignorant qu’il soit, tout imbibé d’idées reçues qu’il nous arrive, valait celle du professeur — qui a très vite admis cette équivalence, pour s’acheter la paix. Multiculturalisme un jour, et soumission toujours.

Je ne vois pas comment, en l’état, à moins d’un sursaut très violent et immédiat, nous pourrions inverser le mouvement. Nous sommes un pays en perdition, nous glissons vers le froid, et l’accent mis sur les hantises et la peur, depuis huit mois, symbolise bien cette déchéance : pendant que nous nous préoccupons du chiffon rouge agité par Olivier Véran, nous laissons la France déraper vers l’insignifiance. Cela fait les affaires des grands groupes, les seuls dont le gouvernement se soucie. Une révolution silencieuse, rythmée par les bulletins de santé de Jérôme Salomon, s’accomplit sous nos yeux, et nous laissons faire. Sodomisés un jour, sodomisés toujours.

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