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Dessine-moi un jardin !

La chronique du dimanche de « Monsieur Nostalgie »


Dessine-moi un jardin !
Patrick Cloux © Le mot et le reste

Patrick Cloux, l’Auvergnat de Paris, l’écrivain des zones vertes nous propose une déambulation mi-savante, mi-poétique dans les Jardins Parisiens aux éditions Le mot et le reste…


Il n’est pas le premier, il ne sera certainement pas le dernier à braquer son stylo plume sur la capitale, son onde et ses contreforts, ses pelouses et ses bosquets. Paris aura fait verser beaucoup d’encre depuis des siècles. « Je pars en grand retard » avoue-t-il, tant la ville lumière demeure une source d’inspiration et d’éclosion, un marchepied à la littérature d’évasion urbaine. Chacun veut, un jour, se mesurer à cet escargot recroquevillé sur lui-même, veut en tirer une sonate ou un requiem, veut planter son drapeau au sommet des Buttes-Chaumont. Chaque écrivain, selon son humeur et sa verve, doit s’attaquer à ce Parnasse-là. 

À nous deux, Paris !

Lui dire, les yeux dans les yeux : à nous deux maintenant ! Tu ne me résisteras pas tour boulonnée et avenues percées par feu le baron Haussmann, je dirai ta vérité à la face du monde, je serai le seul à comprendre ton magma. Certains à la manière de Jacques Réda ou d’Éric Hazan ont bâti leur carrière sur les fondations de la vieille ville, ont su la faire parler, lui faire avouer ses rides et ses pleurs, ses lanternes magiques et ses corps-à-corps, ses lamentations et ses plaisirs dans la nuit. Patrick Cloux, en jardinier des herbes folles, avance sur ce terrain damassé avec des précautions de sioux. Il tapisse son livre de références historiques et d’émotions printanières, il baguenaude d’Est en Ouest, de Montsouris cher à Léo Malet à l’excentré Boulogne-Billancourt ; il furète et se laisse surprendre par l’apparition du vert dans la grisaille. Peu d’écrivains auront si bien décrit l’effraction du végétal dans l’univers bétonné, la juxtaposition heureuse et étrange du pavé luisant et d’une nature impatiente. Cloux n’est pas un écrivain amer, il n’est pas réfractaire au bonheur dans le pré, ce qui donne à la lecture de son ouvrage la force des convertis et des idées de sorties pour ce mois de juin.  

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Avec Jardins Parisiens sous le bras, on se prend à aimer de nouveau certains coins oubliés qui nous rappellent comme dans une chanson d’Eddy Mitchell les étreintes du passé. Les parcs et les squares sont les témoins de nos amours anciennes, les traverser, des années après, c’est rallumer les lucioles du souvenir. Je ne peux m’empêcher d’enjamber le square Viviani, face à Notre-Dame, sans penser à Philippe Noiret en costume en seersucker et à Annie Girardot en commissaire frivole. Cloux m’a donné envie de retourner, tout-là bas, près de l’Autoroute A13 et de la Normandie naissante, revoir le jardin japonisant d’Albert-Khan ou de me perdre dans la Cité Universitaire et d’y croiser le fantôme d’une étudiante américaine dans le décor d’une Nouvelle-Angleterre recréé artificiellement dans ce Paris bleu de chauffe, non loin des ateliers Panhard. Cloux ne se jette pas dans les débats stériles sur la végétalisation ou non de l’espace urbain, il est professeur en classe verte, plutôt même instituteur de l’œil lorsqu’il explique la genèse du Parc Monceau ou les secrets des serres botaniques. Il ne joue pas les fiers-à-bras des Halles qui savent tout et surplombent leur sujet. 

Coulée verte

Cloux possède la fibre nostalgique des amoureux de Peynet. Dupe de rien, ni des transformations récentes, ni des réactionnaires enchaînés, il trace sa propre coulée verte. Il s’empourpre quand ses promenades le poussent dans les villas fleuries. « Une sorte de course aux trésors pour les découvrir, les approcher, en démasquer l’existence, justifie de vraies promenades. Elles sont des pépites, des géodes. Un cristal soudain quand on tombe dessus par chance » écrit-il. Elles s’appellent, pêle-mêle, villa Riberolle, villa Brune, villa d’Alésia, villa de l’Adour ou villa Georgina. Cloux réhabilite le Luxembourg, lui redonne son romantisme de lycéen, trop souvent on moque ce parc bourgeois de la Rive Gauche, son entre-soi et ses belles manières exclusives, le provincial y voit autre chose, les tremblements de la jeunesse et la rêverie des esprits libres. « Tant de choses inédites et troublantes me plaisent au jardin du Luxembourg, cette grande cour de collège où on passe en rentrant comme en une rue traversière » lâche-t-il dans un cri extatique

Jardins Parisiens de Patrick Cloux – Le mot et le reste – 224 pages

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Journaliste et écrivain. À paraître : "Tendre est la province", Éditions Equateurs, 2024

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