Accueil Culture Un «Barbier…» décoiffant clôture la saison lyrique parisienne!

Un «Barbier…» décoiffant clôture la saison lyrique parisienne!

« Le Barbier de Séville » de Rossini, à l’Opéra-Bastille à Paris à partir du 13 juin


Un «Barbier…» décoiffant clôture la saison lyrique parisienne!
"Le Barbier de Séville" à l'Opéra-Bastille, 7 juin 2025 © Agathe Poupeney / Opéra national de Paris

Plongé dans un décor façon Almodóvar transposé dans un quartier populaire andalou, ce Barbier de Séville survolté et jubilatoire, servi par une mise en scène virevoltante et une distribution éclatante, offre à l’Opéra-Bastille un final de saison à pas manquer, selon notre critique musical.


C’est la cinquième reprise de ce Barbier de Séville d’anthologie, production du Grand Théâtre de Genève millésimée 2010, accueillie une nouvelle fois cette année par l’Opéra-Bastille jusqu’au 13 juillet, en guise d’ultime feu d’artifice estival, la saison lyrique rouvrant en septembre prochain avec La Bohème – reprise de la très belle mise en scène de Paul Guth, dans un casting superlatif.  

Un must

Le prolifique Rossini (1792-1868) n’a pas 25 ans quand il pond, en trois semaines, sur un livret d’un certain Cesare Sterbini, cette adaptation lyrique de la pièce de Beaumarchais, initialement baptisée par le compositeur Almaviva, ou l’inutile précaution, et dont l’écrivain résume ainsi l’intrigue : « Un vieillard amoureux [Bartholo] prétend épouser demain sa pupille [Rosine, dont il convoite la dot] ; un jeune Amant plus adroit le prévient [le comte d’Almaviva], et ce jour même en fait sa femme, à la barbe [grâce au valet barbier Figaro] et dans la maison du Tuteur ».

Triomphe (presque) immédiat de ce must du lyrique créé à Rome en 1816, promis comme l’on sait à une postérité sans équivalent dans le répertoire. Flanqué de son décorateur attitré Paolo Fantin, le scénographe d’origine vénitienne Damiano Michieletto projette sur ce chef d’œuvre une fraîcheur bienvenue, en choisissant de transposer l’action à l’époque contemporaine et à la situer dans un quartier populaire sévillan (mais qui tout aussi bien pourrait être madrilène).

A lire aussi, Henri Beaumont: Les «Très Riches Heures» du Duc de Berry, l’exposition évènement

Rue taguée, antennes satellites accrochée sur la façade crépie couleur vieux-rose, enseigne au néon blanc signalant le snack bar « Barracuda » dans lequel s’affaire la tenancière, poubelle attendant le passage de la benne, fenêtres aux volets peints en verts, linge séchant aux balcons des trois étages de l’édifice, voisins livrés à leurs occupations du jour dans l’atardecer ibérique éclairé d’ampoules jaunes… Peu préoccupé du panneau « interdiction de stationner », Almaviva a garé sa « caisse à savon » vulgaire et rutilante au pied de l’immeuble (quand s’achève le deuxième acte, c’est juché sur une moto qu’il sortira de scène).

Comme un film d’Almodovar

Très ingénieux, ce dispositif scénographique parfaitement réaliste, comme tout droit sorti d’un film d’Almodovar, réservera au spectateur la surprise de pivoter sur lui-même, dans un tourbillon parfaitement en phase avec le tempo allègre, voire délirant de la partition, révélant de proche en proche, comme dans un écorché d’architecture, toutes les entrailles de l’édifice :  double volée d’escaliers conduisant aux étages, pièces aux murs de papiers peints, mobilier en formica, loge minuscule du concierge, etc. Dans un ballet millimétré, les protagonistes circulent sur ce plateau qui s’emballe, finit par tourbillonner telle une toupie, le sortilège de cette régie de haute précision s’accordant impeccablement avec l’alacrité, le pétillement, la virtuosité presque « gaguesque » de la musique, dont le rythme pétaradant et les vocalises proprement vertigineuses exigent des chanteurs, pour être convaincants, qu’ils soient également doués d’une vitalité de tous les instants.

C’est peu dire que le ténor sud-africain Levy Sekgapane fait l’affaire en Almaviva, rôle qu’il chantait déjà merveilleusement il y a trois ans, sa présence scénique bondissante, enjouée sans cabotinage, ajoutant à la perfection ouvragée de son vibrato. Dans celui de Rosina, on découvre pour cette reprise parisienne la mezzo-soprano américaine Isabel Leonard, laquelle n’en est pourtant pas, et de loin, à une prise de rôle : elle l’a déjà chanté maintes fois – entre autres au Metropolitan Opera (à partir du 28 juin à Paris, le rôle est confié à la mezzo colorature Aidul Akmetshina, qui le chantait déjà en 2022 ici même – et fort bien). Bartolo quant à lui ne saurait être mieux campé que par la basse italienne Carlo Lepore cette fois encore, lequel affuble cet emploi d’une veine bouffonne, histrionique, parodique irrésistibles. Si, au soir de la première, le baryton italien Mattia Olivieri incarnait un Figaro moins éloquent qu’attendu, il faut saluer globalement une distribution de haut vol jusque dans les seconds rôles. Au pupitre, le chef vénézuélien Diego Matheuz dirige l’orchestre et les chœurs maison sans faire d’étincelles (mais il faut bien dire que l’immensité de la salle de la Bastille ne se prête pas particulièrement au volume sonore propre à l’opera buffa). Quoiqu’il en soit Il Barbiere di Siviglia sort vainqueur de cette production qui, étonnamment, n’a pas pris une ride : comme on dit, « ça fonctionne » – et c’est là l’essentiel. Le public ravi applaudit à tout rompre, d’ailleurs.    


Le Barbier de Séville. Opera buffa en deux actes de Gioacchino Rossini. Avec Levy Sekgapane, Isabel Leonard/Aigul Akhmestshina, Mattia Olivieri, Carlo Lepore… Direction: Diego Matheuz. Mise en scène : Damiano Michieletto. Orchestre et chœurs de l’Opéra national de Paris.

Durée : 3h15

Opéra – Bastille, les 13, 16, 19, 25, 28 juin, 2, 5, 8, 11 juillet à 19h30 ; les 22 juin et 13 juillet à 14h30.




Article précédent Aux Champs-Élysées
Article suivant La guerre des juifs

RÉAGISSEZ À CET ARTICLE

Pour laisser un commentaire sur un article, nous vous invitons à créer un compte Disqus ci-dessous (bouton S'identifier) ou à vous connecter avec votre compte existant.
Une tenue correcte est exigée. Soyez courtois et évitez le hors sujet.
Notre charte de modération