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« Nous sommes dans l’instant, tandis que l’Islam est dans l’éternité »

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Dans La France s’éteint, l’Islam s’embrase…, Henri Rey-Flaud analyse l’antagonisme entre Occident et civilisation islamique par le prisme des mœurs. Le pire est-il à venir? Entretien avec le psychanalyste érudit.


Causeur. Pourquoi mettez-vous une majuscule à « Islam » dans le titre de votre livre?

Henri Rey-Flaud. Parce que l’islam avec une minuscule, c’est une religion et que l’Islam avec une majuscule, c’est un mouvement de culture et de civilisation que je considère comme prodigieux. La grande différence entre l’Islam et l’Europe occidentale, c’est que l’Europe occidentale s’est construite sur environ vingt-cinq siècles, tandis que l’Islam s’est construit en quatorze siècles.

Emmanuel Macron a-t-il eu raison de déclarer lors du discours des Mureaux qu’il faut «faire émerger une meilleure compréhension de l’islam»?

Dans ce qui se joue aujourd’hui, à peu près tout le monde dans l’espace politique est complètement à côté de la plaque. Emmanuel Macron n’a aucune idée des enjeux fantastiques que pose la rencontre de l’Islam et de l’Occident. Le roi Hassan II, qui était lui un esprit supérieur, est tout de suite allé au cœur du problème ! « Les Marocains ne seront jamais des Français », a-t-il dit lors de son entretien avec Anne Sinclair. Cela est aussi vrai des Tunisiens, des Algériens ou des Turcs. Ces gens-là ne seront jamais français, non pas qu’il y ait un rejet par la France mais parce que ce sont des cultures antinomiques. Ce qui me semble approprié pour résumer ma pensée, c’est une phrase de Freud: « l’ours et la baleine ne se sont jamais disputés parce qu’ils ne se sont jamais rencontrés ». L’Islam et l’Occident, c’est l’ours et la baleine.

Le psychanalyste et critique littéraire français Henri Rey-Flaud. Photo: D.R.
Le psychanalyste et critique littéraire français Henri Rey-Flaud. Photo: D.R.

Vous utilisez cette personnification dans votre ouvrage, vous utilisez aussi la métaphore de « l’incertain mariage de l’huile et du vinaigre ». A vous lire, ce mariage semble même être plus qu’incertain…

J’ai une profonde admiration pour la culture musulmane et pour l’Islam, mais je pense que l’avenir en France se présente très mal. Prenons l’exemple du Maroc, qui est un pays que j’aime beaucoup et que je connais bien. Il y a dans mes amis ou collègues marocains un noyau auquel on ne peut pas toucher. On a beau échanger sur beaucoup de choses, cette espèce de mur de verre est bien là, il ne permet pas d’établir ce que j’appellerais une communication absolue. L’Islam est une civilisation de la certitude.

Dans dix ans, les Algériens seront soixante-dix millions, la population en Algérie sera plus nombreuse que la population française en France! (…) À partir du moment où vous donnez un accommodement, il viendra une autre chose, puis une autre, puis une autre jusqu’à ce que l’Islam ait totalement assimilé l’Occident.

Justement, pouvez-vous nous en dire plus sur cette opposition que vous faites entre le doute chrétien et la certitude islamique?

La civilisation de l’Occident a été fondée sur l’examen. « La seule chose que je sais c’est que je ne sais rien », disait déjà Socrate. « Je pense donc je suis », disait Descartes. Freud disait que nos pensées ne viennent d’ailleurs que de notre personne immédiate. L’islam sort de la parole de Mahomet, de la prise de la dictée sous l’ange Gabriel. Quiconque remet en cause le discours d’Allah est un blasphémateur. Et le sacré est partout dans le monde islamique, dès qu’on touche à quoi que ce soit, on touche donc au sacré. Les Arabes, au fond d’eux-mêmes, sont animés par cette certitude. Cela est profondément opposé au doute, à l’esprit d’examen qui est au fondement de l’Occident.

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On pourrait vous suspecter d’essentialisme…

Je ne sais pas ce qu’il faut mettre sous ce mot. Ce que j’ai écrit et que je maintiens, c’est que l’aventure de Mahomet est l’aventure la plus prodigieuse de toute l’histoire de l’humanité. Un seul homme a créé cet élan spirituel qui se répand encore aujourd’hui.

D’aucuns disent que cela s’est fait par la conquête…

La conquête, elle est à la fois par les armes et par les esprits, les deux sont complètement liés.

En quoi cette conquête serait-elle plus prodigieuse que celle des Amériques par Hernan Cortés ou Francisco Pizarro?

La conquête des Amériques, c’étaient des gens qui allaient conquérir des terres qu’ils ne connaissaient pas, tandis que ce qui anime le fond de la conquête islamique, c’est que toute terre est en attente d’être rattachée à l’islam. Dans Les Droits de l’homme selon l’islam, texte présenté à l’Assemblée générale de l’ONU, il est écrit que « l’islam a vocation à devenir la religion universelle de l’humanité ». Cela signifie que selon ce texte, le jour où toute l’humanité partagera la foi musulmane, on aura atteint la fin de l’Histoire. Mahomet était un chef de tribu dérisoire dans un pays désertique. Lui et ses successeurs ont fait une conquête inouïe en très peu de temps. Il suffit de voir les splendeurs de Cordoue pour comprendre que cette civilisation est fantastique et qu’ils n’étaient pas uniquement des guerriers. Colomb, Cortés et compagnie n’étaient, eux, que des aventuriers.

Venons-en à la question des mœurs. « A Rome, fais comme les Romains », aurait dit Ambroise de Milan à Saint Augustin. Cette maxime n’est-elle pas valable pour n’importe quelle nation dans le monde, notamment la France?

Les Arabes ne vous diront jamais qu’ils vont vivre en France comme des Français. Tahar Ben Jelloun a écrit que toutes les nations arabes peuvent vivre en accord avec la République. Cela veut dire que la République est assez vaste pour que diverses formes de cultures puissent trouver un lieu d’accueil dans la République. Mais la République n’est pas une coquille vide! J’adore l’Italie et le Maroc. Je me sens plus chez moi en Italie que dans le nord de la France. En revanche, quand je suis au Maroc, je fais attention car je suis dans une autre culture.

Justement, les gens qui viennent de l’Islam ne devraient-ils pas adopter la culture française ?

Ils ne le peuvent absolument pas ! De Gaulle disait qu’on ne pouvait pas accorder la citoyenneté française aux Algériens car si on accordait cette citoyenneté, les Algériens, alors français, viendraient en France. Et il en déduisait alors la fameuse phrase « mon pays ne s’appellerait plus Colombey-les-Deux-Eglises mais Colombey les deux mosquées ». A l’époque, il y avait dix millions d’Algériens de souche et un million de pieds noirs. Aujourd’hui, l’Algérie comporte quarante millions de citoyens, la population a été multipliée par quatre. Cela veut dire que dans dix ans, les Algériens seront soixante-dix millions, la population en Algérie sera plus nombreuse que la population française en France. Les tenants de l’Algérie française étaient complètement aveugles sur la réalité, la partie était injouable. En revanche, le général De Gaulle était un visionnaire.

Venons-en à l’identité française. La France est-elle encore frappée de cette « culpabilité ouvrant sur un univers morbide de la faute » dont vous parlez ?

La France est dans une crise d’identité. Il en est de même en Italie. Le raidissement identitaire que l’on voit en Hongrie ou en Pologne traduit lui aussi une crise d’identité. L’Europe n’est pas parvenue à créer une identité européenne. À l’époque de Giscard D’Estaing ou de Jacques Delors on pensait que cela pouvait se faire. Aujourd’hui, je crois que le grand élan européen est retombé. Et la France s’éteint, il suffit de voir la façon dont les Français vivent aujourd’hui le Covid. L’élan identitaire qui a eu lieu en France au moment de la guerre de 14-18 n’est même pas imaginable aujourd’hui. Ces quatre années ont été terribles. Aujourd’hui, si vous dites aux gens qu’ils ne pourront pas fêter Noël, ils ont le sentiment que c’est liberticide. Je ne sais pas où va la France mais je pense qu’on aura un grand coup de théâtre avant les élections de 2022. Dans quel sens? Je n’en ai aucune idée, mais il ne se passera sûrement pas ce qu’on attend.

Vous soulignez un risque d’apartheid en France, terme qui renvoie à un développement séparé, mais n’est-ce pas déjà le cas?

C’est vrai qu’il a déjà commencé. Il y a eu cette idéologie multiculturaliste qui s’est développée, il y a eu beaucoup de lâchetés, Emmanuel Macron a étendu le regroupement familial aux frères et sœurs des mineurs réfugiés. Le Conseil de l’Europe décide aussi du regroupement familial. Les pays comme la Hongrie qui sont très anti immigration sont en passe d’être condamnés pour cela. En France, il y a eu cette idéologie dite humaniste. Il y a des Français d’origine maghrébine qui sont de plus en plus rattachés à leur pays d’origine. On parle là de gens qui ont 30, 40 ans.

A lire aussi: Cambadélis: « Le multiculturalisme n’est pas en contradiction avec les principes républicains »

Vous écrivez d’ailleurs que « tant que les Arabes parleront arabe en France, il n’y aura pas pour eux d’intégration possible dans la collectivité nationale ». Mais les anciennes générations de Nord-Africains qui ne parlaient pas forcément bien français donnent l’impression d’être plus intégrées que les plus jeunes dont vous parlez…

Les gens dont je parle, qui sont mes analysants, m’ont dit que leurs parents leur avaient dit que la France était un pays qui les accueillait, qu’il fallait absolument apprendre la langue, les mœurs des Français, se fondre dans la population et être reconnaissant envers le pays d’accueil. Ils parlent un français impeccable, sans aucun accent. Mais ils se sont sentis de plus en plus maghrébins au fil des années, de plus en plus étrangers dans leur propre pays et leurs enfants sont totalement opposés à la France. Là on va vers une scission.

Emmanuel Macron a-t-il eu raison de dire qu’il faut promouvoir l’apprentissage de la langue arabe?

Les hommes politiques français, y compris Emmanuel Macron, n’ont aucune vision historique. La langue arabe n’est pas une langue comme une autre, c’est l’identité arabe. Avec le paradoxe qu’aucun Arabe en France ne parle l’arabe de Mahomet. Cette langue coranique est l’équivalent pour eux du latin pour nous, et ils se rattachent à cette langue comme à ce qui fonde leur identité. Quand on dit aux parents des enfants d’origines arabe qu’on va créer des cours d’arabe dans les collèges français, ils répondent que ce n’est pas le bon arabe. Au Maroc par exemple, les petits enfants apprennent l’arabe sur le Coran, c’est le seul support. Apprendre un arabe vernaculaire avec un autre support serait pour eux une hérésie.

« Est démocratique un État qui ne se propose pas d’éliminer les conflits, mais d’inventer les procédures leur permettant de s’exprimer et de rester négociables », écrivez vous en citant Paul Ricœur. Peut-on imaginer des accommodements « raisonnables » tels que des tribunaux islamiques en France, comme c’est le cas au Royaume-Uni?

Aujourd’hui c’est impensable. Même le Canada, qui a proposé un moment qu’il y ait des tribunaux islamiques, a fait marcher arrière, car il y a des femmes canadiennes qui ont porté plainte. Terra-Nova a songé un moment à faire un régime juridique spécialement pour les musulmans, heureusement ils ont reculé. À partir du moment où vous donnez un accommodement, il viendra une autre chose, puis une autre, puis une autre jusqu’à ce que l’Islam ait totalement assimilé l’Occident.

Vous évoquez parfois la guerre des Balkans. Une guerre civile est-elle envisageable en France?

Le conflit des Balkans remonte à huit siècles et n’est pas du tout réglé. Pour la France, c’est très difficile de prédire car la situation que nous vivons actuellement est inédite. Certes, il y a eu des guerres de religions mais entre gens de la même trame. Henri IV, qui était un roi protestant, est devenu un roi catholique. J’imagine mal Macron se convertir à l’islam aujourd’hui (rires). On est dans une situation totalement instable. La France s’est éteinte, la France a perdu la foi en elle-même et en Dieu. La grande force de l’islam, c’est qu’il est source d’élan. Aujourd’hui en France, l’islam est pratiquement la seule source de spiritualité. L’islam se développe car il y a dessous un terreau fécond. « Le désert s’accroît, malheur à celui qui protège le désert », disait Nietzsche. L’horizon proposé par De Gaulle a complètement disparu, la seule chose qui mobilise les jeunes aujourd’hui c’est la fête. Nous sommes dans la jouissance de l’instant, tandis que l’Islam est dans l’éternité. Cela est valable pour le reste de l’Europe. Venise, Florence et Rome et Paris sont des villes musée tandis que l’Islam est vivant. Je crains donc que l’Islam soit la veine féconde sur le territoire français. Je pense qu’une population qui est animée par l’esprit est à peu près sûre de gagner contre une population dont les jeunes ne pensent qu’à jouir de l’instant.

La France s’éteint, l’Islam s’embrase…, Henri Rey-Flaud, Editions PUF.

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Les coiffeurs ne se poilent pas


#Moncoiffeurapoil


L’année 2020 n’aura pas été placée sous le signe de l’élégance, surtout sur le plan capillaire. Les salons de coiffure sont, comme chacun sait, restés fermés pendant les deux confinements, avant de rouvrir début décembre. D’où leurs protestations.

Début novembre, un coiffeur du Havre s’est fait photographier nu, un sèche-cheveux à la main (la décence sauvegardée par sa jambe repliée sur ses parties intimes) sur un des fauteuils à shampooing de son salon. Le message (emprunté, semble-t-il, à un photographe picard) : « Quitte à se faire mettre à poil par le gouvernement, autant le faire moi-même. » Le hashtag « Moncoiffeurapoil » était né.

Des centaines de coiffeurs désœuvrés ont partagé eux aussi une photo d’eux dans le plus simple appareil, slogans bien en vue sur des pancartes couvrant ce qui devait l’être. C’était l’occasion de rappeler l’importance de leur filière, deuxième métier artisanal de France, fort de 85 192 salons, 200 000 travailleurs déclarés, 6 milliards de chiffre d’affaires. Mais au-delà du rappel des ravages économiques qu’ils subissent, les coiffeurs voulaient aussi, comme toutes les activités décrétées « non essentielles », affirmer leur importance dans le tissu social. « Après le premier confinement, les gens se sont pressés dans les salons de coiffure pour qu’on s’occupe d’eux. Le dernier jour d’ouverture avant ce deuxième confinement, nous avons tous été submergés par des demandes de rendez-vous », témoignait Julie Léonard, interrogée par Le Réveil normand.

Dans cette atmosphère morose, rien ne vaut une coupe de cheveux pour relever un peu la tête.

Génération Covid: la jeunesse sacrifiée

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Une tribune libre de Jordan Bardella, vice-président du Rassemblement national et député français au Parlement européen.


Lorsqu’Emmanuel Macron a déclaré en octobre qu’il était « dur d’avoir vingt ans » en 2020, les réactions n’ont pas manqué, souvent moqueuses, répondant qu’avoir vingt ans en 1914 était une autre paire de manches. À l’évidence, la jeunesse française n’est pas sommée de monter au front, mais cette comparaison est malvenue et interdit de saisir toutes les formes de détresse qui s’accumulent gravement au sein de cette « génération Covid ».

C’est certes le lot de toute la population que d’être soumise aux mesures et aux contraintes motivées par le contexte sanitaire et que l’accoutumance nous ferait presque considérer comme « normales » si l’on n’y prenait garde. Pourtant, la jeunesse mérite une attention toute particulière. Elle que l’on sait être très largement protégée des formes graves du virus prend de plein fouet les dommages collatéraux économiques, sociaux, psychologiques et, disons-le, anthropologiques de l’épidémie.

Quelles perspectives pour l’apprenti en filière professionnelle qui espérait décrocher rapidement son premier CDI, mais qui voit les entreprises plus frileuses que jamais à l’idée d’embaucher ? Alors que les bars et restaurants ne rouvriront finalement pas fin janvier, que devient l’étudiante qui ne parvenait à financer ses études et payer son loyer qu’à l’aide de son emploi dans la restauration, et désormais obligée de demander l’aide des Restos du Cœur ? Quelles possibilités de rebond pour ce jeune indépendant qui venait fièrement de « se lancer » et qui restera des années durant dépendant d’aides de l’État ?

Il y a ces tristes réalités matérielles, qui viennent d’ailleurs se superposer à un phénomène déjà installé de chômage de masse et de précarité tous azimuts. Il y a aussi une détresse psychologique qui s’est aggravée et dont on ne mesure certainement pas encore le caractère inédit. L’étudiant du supérieur, à peine diplômé du Baccalauréat, censé vivre « les plus belles années de la vie », est bien souvent claquemuré dans ses neufs mètres carrés, obligé de vivre sa « vie étudiante » par procuration et n’aura siégé dans les amphithéâtres que le temps d’un examen.

Les chiffres sont là, inquiétants : selon un sondage Odoxa-Dentsu, c’est pour les 15-30 que le second confinement et les mesures qui l’accompagnent ont été le plus dur à vivre. L’enquête nationale réalisée par l’Observatoire de la vie étudiante montre que la moitié des étudiants ont déjà souffert de solitude ou d’isolement au cours du premier confinement. Si l’état psychologique des Français dans leur ensemble s’est considérablement aggravé, la situation de cette jeunesse qui sera la France de demain doit nous préoccuper au plus haut point.

Car au-delà des réalités matérielles, c’est une vie sociale minimale qui est imposée, régulée, administrée, et qu’a si bien incarné l’attestation. C’est la « vie nue », la vie réduite aux seuls besoins élémentaires – et encore. Une jeunesse qu’on dévitalise, privée d’accès au sport et dépouillée de toute sociabilité nocturne si indispensable quoique l’on puisse parfois penser de certaines dérives « festivistes ».

Comme si ce n’était pas suffisant, on n’en finit plus d’assommer de culpabilité la jeunesse française, elle qui est déjà partout sommée de « sauver la planète ». Au nom d’un détournement du principe de précaution appliqué à la santé, on affirme que chacun de ses faits et gestes décidera de la survie ou de la mort des plus fragiles. Une pression insupportable pour des jeunes générations qui ont le sentiment de sacrifier leurs belles années tandis que les générations plus âgées ont fait de « jouissez jeunesse » le credo de leur vie.

Cette crise multiple vient renforcer une leçon philosophique dont l’évidence nous avait peut-être échappé avant ces confinements et couvre-feu successifs : l’homme est et reste un animal social, qui peut bien supporter quelques « distanciations » lorsqu’elles sont temporaires et qu’il peut les anticiper, mais qui est incapable de vivre durablement à distance et en « télé-réalité ».

Nous aurons des obligations à l’endroit de la jeunesse française. La sortie de crise sanitaire actée, et même dès aujourd’hui, c’est une politique sur le qui-vive social qu’elle sera en droit d’exiger. Il faudra se libérer des injonctions supranationales à la rigueur qui ne manqueront pas de tomber et qui conditionneront d’ailleurs peut-être le si vanté plan de relance européen. Aussi, faire renouer cette jeunesse avec la confiance en l’avenir passera par la proposition d’une vision de long terme : projeter la France dans les grands défis technologiques et industriels de demain, qui seront les pourvoyeurs des emplois dont elle aura besoin. Tout devra par ailleurs être mis en œuvre pour que la jeunesse française ne se retrouve plus en proie à une insécurité physique et culturelle grandissante qui assombrit d’autant plus son horizon. Sortons de cette épreuve en étant persuadés que l’on juge l’avenir d’une nation au sort que l’on réserve à ses forces vives.

Philippe Juvin: il l’aurait méritée, il ne l’aura pas!

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Le chef des urgences de l’hôpital européen Georges Pompidou Philippe Juvin aurait dû faire partie de la promotion de la Légion d’honneur, mais Matignon se serait rétracté à son sujet. En cause, l’engagement politique à droite du maire de La Garenne-Colombes… Et surtout ses propos critiques envers la politique sanitaire de l’exécutif dans un livre qu’il publie jeudi…


Si c’est vrai, c’est une vilenie.

Je devine bien quels sont les ressorts, tous médiocres, de cette offense personnelle. Je n’imagine pas que le Premier ministre, qui a d’autres chats à fouetter et qui estime, je présume, Philippe Juvin, soit derrière cette mauvaise manière. Ils étaient peu ou prou de la même famille politique. J’ose espérer que le président de la République, même s’il avait glissé il y a quelques mois une acidité contre Philippe Juvin en laissant entendre qu’il était plus dans les médias que dans son service à l’Hôpital Pompidou – accusation injuste et mensongère – n’est pour rien dans cet épisode navrant. Ne reste que le ministre de la Santé qui critiqué de toutes parts n’a pas pu tout le temps bénéficier de la comparaison confortable avec Agnès Buzyn, qui l’avait précédé.

Paul Morand a écrit que la pire des jalousies est celle qui se développe dans le même milieu professionnel.

On imagine très bien que les analyses, les recommandations et les critiques de plus en plus vives de Philippe Juvin, représentant éminent du corps médical et disposant d’une liberté de parole à cause de sa carrière politique, aient sans doute à la longue irrité Olivier Véran et que ce dernier ne soit pas étranger à ce coup fourré.

La compétence, le talent, une liberté d’esprit, une réussite reconnue et incontestable à la tête des urgences de l’hôpital Pompidou, autant d’insupportables dispositions pour quelqu’un qui, comme Olivier Véran se bat contre l’épidémie en étant contraint de nous dire que les manques et les carences était délibérés et qu’on faisait mieux que les autres.

Bassesse politique aussi. Philippe Juvin est maire de La Garenne-Colombes, il a été député européen, il est un proche de Nicolas Sarkozy et si celui-ci avait été réélu en 2012 ou avait réussi son retour en 2017, Philippe Juvin aurait été son probable ministre de la Santé. Le professeur Juvin a même laissé entendre qu’il aurait pu être candidat à la primaire de la droite et du centre…

Par ailleurs, ce qui rend cette existence encore plus éclatante, Philippe Juvin a accompli des missions humanitaires dangereuses en tant que médecin militaire en Afghanistan. C’est sans doute trop dans un univers qui supporte l’éclat mais grisailleux, la dénonciation mais feutrée, le courage mais virtuel. Trop brillant à l’évidence, trop entier, Philippe Juvin n’avait pas droit à cette distinction puisque plus que tout autre il y avait droit. Il y a des qualités qui sont des handicaps et des insuffisances qui sont des garanties.

La Légion d’honneur a été souvent donnée à des personnalités qui ne la méritaient pas, à cause d’un clientélisme forcené. Si on la retire dorénavant, par décret d’autorité et de jalousie, à des lumières pour qu’elles ne fassent pas d’ombre à ceux qu’elles indisposent, où ira-t-on ? On pourrait qualifier ces péripéties de dérisoires. Mais rien de ce qui concerne l’honneur ne l’est.

Je ne tromperai jamais leur confiance

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Causeur: Assimilez-vous!

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Découvrez le sommaire de notre numéro de janvier


« Assimilez-vous ! » Tel est l’appel lancé aux jeunes de l’immigration dans notre premier numéro de 2021. Cet appel s’incarne dans la personne d’Albert Batihe, entrepreneur fils d’immigrés camerounais, qui figure sur la couverture. Présentant notre dossier sur l’assimilation, Elisabeth Lévy déplore son état actuel : « Grippée depuis plusieurs décennies, la machine à fabriquer des Français (…) finit de rouiller dans un coin. » Qui l’a envoyée définitivement à la casse ? Personne d’autre que le président lui-même qui, dans son interview accordée à l’Express le 22 décembre, qualifie l’assimilation de notion « problématique. » La notion de « diversité » qui la remplace aujourd’hui ne demande plus à la minorité de s’adapter à la majorité, mais – toujours selon notre directrice de rédaction – « traite la majorité comme une minorité parmi d’autres, un peu moins égale que les autres puisqu’elle doit payer ses privilèges passés. » Albert Batihe raconte à Gil Mihaely son parcours de fils d’immigrés qui a su non seulement s’adapter à la société française mais y réussir. Selon lui, l’obstacle principal à l’assimilation vient de la culture familiale et communautaire.  L’historien Pierre Vermeren m’explique que la machine à assimiler avait été conçue à l’origine pour transformer les paysans français en citoyens mais qu’elle a été démantelée par les élites qui avaient la charge de l’entretenir. Frédéric Ferney reste plus optimiste : pour lui, un immigré est « un Français en puissance – ce n’est qu’une question de temps. » Le haut fonctionnaire, Michel Aubouin et l’anthropologue Philippe d’Iribarne soulignent le rôle crucial joué dans l’assimilation par la langue française et les codes non écrits.

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Côté actu, Stéphane Germain aborde une facette particulière de la liberté d’expression qui est le droit à l’humour. La volonté de tenir celui-ci sous surveillance réunit deux groupes que tout devrait opposer : les néoféministes et les salafistes. Sauf qu’ils partagent une même détestation pour le rire et la pensée libre. Moins drôle, Guy Daniel identifie une des causes des difficultés actuelles de la Police nationale aujourd’hui : sa hiérarchie est dominée par les commissaires qui sont des hauts fonctionnaires rarement issus du rang et connaissant mal le terrain. Frédéric Rouvillois, en conversation avec Elisabeth Lévy, porte son regard d’historien sur le phénomène du macronisme qu’il identifie comme une forme d’utopie dans la lignée du saint-simonisme : le président, derrière une façade démocratique, met en place une oligarchie d’experts. À l’international, un autre expert éminent, Jean-François Colosimo, explique à Gil Mihaely combien l’histoire de la Turquie moderne, derrière les revirements apparents, est marquée par une profonde continuité, le pays restant prisonnier des traumatismes de sa naissance.

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Il est toujours bien de prendre de la distance par rapport aux contingences du quotidien.

Bérénice Levet nous permet d’entrer dans le regard désabusé que pose Régis Debray sur son passé et le nôtre dans son dernier livre, D’un siècle l’autre. Elle trouve dans la lecture de son œuvre « l’une des plus exaltantes écoles de conservatisme politique qui soient. » Renaud Camus est poursuivi pour injure raciale par des associatifs qui n’ont jamais lu ses livres. L’auteur du Grand remplacement confie à Elisabeth Lévy et Martin Pimentel qu’« une vérité n’est plus tout à fait une vérité s’il est interdit de la contester. » Pour Jérôme Leroy, rendant compte de publications récentes d’ouvrages d’Octave Mirbeau et de l’Anglais Chesterton, une des armes les plus puissantes pour dénoncer la dangereuse folie d’une époque c’est le rire à la fois inquiet et salvateur. Si tout cela donne faim, Emmanuel Tresmontant nous révèle les secrets de la gastronomie italienne, sans oublier des adresses où l’on peut en profiter à Paris.

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«C’est la pression à la normalisation qui est affreuse, pas nos visages»


France 2 diffuse ce soir le film « La Disgrâce ». Entre les murs du mythique studio Harcourt, le réalisateur Didier Cros donne la parole à ceux dont le visage a été meurtri.


Dans la délicatesse d’un arpège de piano, des voix émergent. Leurs silhouettes se joignent à l’atmosphère si particulière du studio, où depuis 1934, tant de grands noms sont venus se faire tirer le portrait. Aujourd’hui, trois femmes, et deux hommes, prennent place pour le maquillage. Un profil, un regard, une main, nous sont distillés ; les traits se dessinent peu à peu. À travers de longs cheveux commencent à émerger les stigmates, puis c’est avec une gravité sensuelle, cash et sans artifice que nous sont dévoilés les acteurs.

Mort sociale

Patrica n’a pas besoin de sa crinière blonde pour briller sous la caméra. L’œil de verre qu’elle porte est à peine moins étincelant que celui qui a été épargné par le jet d’acide lancé par son ex-compagnon : « Je suis morte socialement. Trois mois de coma. ». Cette mère de famille raconte comment est survenue la rencontre avec ce nouveau visage. Alors que les miroirs sont bannis dans les centres pour grands brûlés, c’est en ouvrant un placard d’hôpital que son reflet lui est apparu – nez à nez avec ce nouveau « moi », cette image qu’elle renverra désormais à tous ceux qui croiseront sa route, et qu’elle-même ne pourra plus jamais éviter. Pourtant, son affliction semble diluée dans une incroyable capacité de résilience : « Mon visage a été touché gravement à l’acide, et je suis debout ; et je vis. »

Au fil des mots, des sourires remplis de grâce et des larmes, nous faisons la connaissance de Ghuilem. Au-delà de la maladie génétique qui a déformé sa figure, il nous confie ses « blessures psychologiques et narcissiques ». Lui, que l’on vouait pendant ses études à travailler derrière un ordinateur pour y dissimuler sa « disgrâce », a ignoré le regard de ses camarades et professeurs. Dans leurs réprobations, il a surtout puisé la motivation pour décrocher un doctorat – sa « revanche ».

Défiguré ça veut dire sans figure, mais c’est faux

Il y a aussi Gaëlle, blessée au Bataclan, la mâchoire et le bras déchirés par les balles. Avec la douleur d’avoir perdu celui qui partageait sa vie, et après les incessantes séances au bloc-opératoire, elle appréhende l’existence de manière « désinhibée », avec une fougue remplie d’humour : « Ça me relaxe de remettre les gens à leur place », quand les passants la dévisagent.

A lire aussi: Médine, un islamiste au Bataclan ?

Puis Jenny, gravement blessée durant ses premiers mois, et qui n’a toujours eu face à elle qu’un visage modelé par les dizaines d’opérations. Avec le chant comme exutoire, la jeune femme à la vivacité et au sourire inébranlables clame que « défigurée ça veut dire sans figure, mais c’est faux ! ».

Image: capture d'écran France 2
Image: capture d’écran France 2

Enfin, il y a cet homme d’1m90, aux épaules massives et à la chevelure interminable. Stéphane a subi une reconstruction faciale suite à un cancer. Sa nouvelle mâchoire provient de son péroné. Sa langue a été prélevée sur un muscle pectoral. Pour réapprendre à parler, les médecins lui prescrivaient vingt à trente minutes de « grimaces » quotidiennes – exercice qu’il effectuait avec sa petite nièce, et qui lui apportait la légèreté nécessaire pour avancer. Le regard des autres, il l’évoque également, parlant d’une « obligation de paraître, de critères très stricts, qui excluent ce qui n’y correspond pas », avant d’aiguiser son propos : « C’est la pression à la normalisation qui est affreuse, pas nos visages. ».

Un ostracisme autorisé

Je connaissais Stéphane avant sa participation au film, et j’ai pu, sur une chaise de bar ou dans une rame de métro, sonder cette pression à laquelle chacun des protagonistes fait allusion. L’insistance, l’indécence des regards qui s’abattent sur eux à chaque foulée. Alors que de nos jours le racisme et le droit à la différence sont mis à toutes les sauces possibles et imaginables, l’ostracisme qu’ils subissent devrait être dénoncée comme la plus grande des discriminations. Mais elle reste pourtant sourde – ce à quoi Didier Cros tente de remédier.

À travers les témoignages qu’il recueille, il agite sous notre face de gens « normaux » de quoi nous inciter à rompre avec la tyrannie de l’apparence. Il nous invite à prendre du recul sur ce monde d’images, la futilité qui le caractérise, et la soumission qu’il exerce sur nous. La Disgrâce est l’anti-Instagram. C’est un reflet inversé de la société actuelle, une fenêtre ouvrant sur l’humain – sans filtres ni oreilles de lapin –, avec pour seuls propos la réalité du cœur.

Diffusion ce mardi 5 janvier à 23h10, sur France 2.

Lieuron et Aulnay-sous-Bois: notre laxisme sur le banc des accusés

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Du vendredi 31 décembre 2020 au 3 janvier 2021, la bêtise et la violence ont frappé encore plus gravement que d’habitude. À la rave party de Lieuron, et à Aulnay-sous-Bois dans la cité des 3 000.


Ici une free party dispersée seulement au bout de 36 heures. Un énorme matériel. Une organisation programmée, structurée. Des gendarmes blessés, de la drogue, au moins 2 500 personnes se moquant des précautions sanitaires et de diffuser le virus, l’arrogance de l’un des organisateurs se disant prêt à recommencer, un seul individu déféré au parquet de Rennes contre lequel, paraît-il, une instruction étant ouverte, la détention sera requise. Bref, un scandale de laxisme et d’impuissance.

Le Coran, ça part en couille! Nique-le sa race!

Là, deux motards de la CSI 93, effectuant un contrôle routier, sont gravement agressés par une bande d’une quinzaine de voyous. Les policiers sont hospitalisés. Leur hiérarchie a exprimé son soutien – quel baume pour eux ! – et les agresseurs, dont l’un a déjà été interpellé, sont recherchés.

Ces deux épisodes sont caractéristiques d’une France dévoyée. La sécurité et le civisme sont au rancart, relégués, abandonnés. Il est impossible de demeurer indifférent face à ces scènes de la vie que j’ose qualifier d’ordinaire. 

Sans doute, magistrat, ai-je trop plaidé en faveur de l’état de droit quand la société le permettait encore. Aujourd’hui, le monde le rend vain, presque ridicule. C’est une abstraction sur des réalités épouvantables. Le débat ne peut se contenter de se situer au niveau de la lutte contre le terrorisme puisqu’en amont, la France n’est même pas capable d’assurer la sécurité ordinaire de ses citoyens et de ceux qui sont chargés d’y veiller, de faire respecter ses lois partout et tout le temps.

Il est insupportable que les délinquants gagnent à tout coup!

Qu’on me pardonne mais je devine par avance ce qu’on va me répliquer et qui ne doit plus avoir cours. Non, la société n’est pas coupable, non, la jeunesse n’est pas une catégorie d’âge qu’on doit mépriser à force de complaisance aveugle, non, les cités ne doivent pas être traitées à part, non, cela ne change rien qu’ils soient Français ou étrangers, en situation régulière ou illégale, non, Mediapart n’aura pas raison en affirmant que la police était coupable et les jeunes de Leurion des révoltés, non, il n’y a pas une fatalité de l’air du temps qui rendrait inefficace toute action, non, l’autorité de l’Etat n’est pas impossible à instaurer ou à restaurer, non, la France ne devrait pas être impuissante face à sa part dévoyée, non, l’humanisme n’est pas forcément une bénédiction octroyée à ceux qui le foulent aux pieds. 

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Ce qui a suscité mon exaspération est d’une part la honte que chacun de nous doit éprouver face à la lenteur faiblarde et vaudevillesque ayant tant bien que mal mis fin à la free party et d’autre part la certitude, si on demeure dans nos chemins usuels, d’un hiatus déprimant, infiniment long, mollement répressif (dans le meilleur des cas) entre ces réalités insupportables et leur traitement judiciaire. Mes mauvaises pensées se rapportent surtout à ce dernier point. Monte en moi une aspiration à l’ordre, une volonté de gestion expéditive, un désir de manu militari qui, pour Lieuron par exemple, n’auraient même pas nécessité cette multitude bureaucratique d’amendes mais l’expulsion immédiate de tous ces transgresseurs irresponsables et contents d’eux. J’entends bien que d’une certaine manière la France devrait s’inventer moins précautionneuse, plus ferme, plus assurée de son bon droit et de ses devoirs, plus réactive face à ce qui la trouble ou qu’elle attend (les vaccins), moins soucieuse des formes et des garanties qui au fond donnent bonne conscience à son impuissance.

La démocratie ne doit pas avoir peur de sa force

Il est insupportable que les délinquants gagnent à tout coup. Parce que nos réponses sont trop douces et limitées pour des malfaisances ne s’assignant aucune limite. Quand on aura appréhendé, si on y parvient, la plupart (tous, ce serait inconcevable !) des voyous d’Aulnay-sous-Bois, il y aura les dénégations, la mauvaise foi, les dissimulations à cause des difficultés de la preuve individuelle (au lieu de revenir au bon sens d’un collectif solidairement fautif), la lenteur des investigations, la phase judiciaire, le temps qui passera, un ou deux mis en cause, en définitive et au mieux, renvoyés devant le tribunal correctionnel, de faibles sanctions parce que l’effervescence indignée d’Aulnay en date du 3 janvier sera devenue une tiède et molle dénonciation, presque un oubli. Alors que ces délinquants, dans tous les cas, méritent autant d’énergie pour leur appréhension qu’on en met dans des affaires médiatiquement et politiquement signalées, un traitement urgent, non bureaucratique, des évidences de leur implication, un jugement à la hauteur de la gravité intrinsèque de ce qu’ils auront perpétré en bande et une exécution de leur peine jusqu’au terme avec moins de pleurs sur la prison que d’obsession de sauvegarder, grâce à elle, policiers, citoyens, honnêtes gens.

Rien n’est encore perdu. On peut toujours arracher l’humanisme des mains de ceux qu’il protège injustement, abusivement, pour en faire don à une démocratie métamorphosée qui n’aura plus peur de sa force puisqu’elle la saura légitime.

La trompette et le violon

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« Je pense que Zhang Zhang oublie un peu trop vite d’où elle vient », a bassement asséné le trompettiste Ibrahim Maalouf à la violoniste Zhang Zhang, qui lui reprochait ses propos racialistes. Cette dernière n’apprécie pas les vues du Franco-libanais sur la composition ethnique des orchestres. Nous non plus. Analyse


Le trompettiste Ibrahim Maalouf n’a rien trouvé de mieux à faire que de reprocher à l’orchestre philharmonique de Vienne son « manque de diversité ethnique » tout en soulignant, délicieuse ironie, l’excellence de sa musique. On en conclut, bien sûr, que les Blancs n’ont pas besoin de la « diversité » pour atteindre l’excellence !

Et je ne le dis pas simplement pour tourner en dérision les propos d’Ibrahim Maalouf et les retourner contre lui. C’est probablement vraiment le cœur du problème à ses yeux, cet impensable qu’il ne supporte pas et que la réalité l’oblige à penser.

Je ne reviendrai pas sur le passé d’Ibrahim Maalouf, notamment judiciaire : ce n’est pas le sujet ici. Je veux rappeler, en revanche, ses propos odieux au sujet de Mila, lorsqu’il s’était permis de mettre un coup de gueule légitime contre l’homophobie d’une religion sur le même plan « immoral mais légal » (sic) que les pratiques sexuelles de Gabriel Matzneff ou l’exil fiscal. Relativisme sans vergogne et réécriture militante du réel (voir notre capture ci-dessous).

maalouf-milaL’idéologie diversitaire ne s’en prend qu’aux pays occidentaux

Voici donc Ibrahim Maalouf qui sur le réseau social Twitter réclame plus de « diversité » dans les orchestres classiques, à Vienne et en France bien sûr. N’espérez pas qu’il déplore le manque de Blancs ou d’Asiatiques dans les orchestres d’Afrique sub-saharienne ! Ceux qui célèbrent à longueur de temps la « diversité » ont beau dire qu’elle est une chance, on attend toujours qu’ils œuvrent aussi à faire bénéficier de cette chance les pays des peuples « racisés ».

Répondant aux critiques ayant suivi ce tweet, notre trompettiste pro-diversité mais anti-blasphème prétend simplement rêver « d’un orchestre classique avec des Français issus de toutes les origines » (sic). Mensonge, et mensonge révélateur !

Le message initial d’Ibrahim Maalouf n’était pas de souhaiter qu’il y ait un orchestre classique rassemblant des Français de toutes origines, mais de reprocher à un orchestre en particulier et aux orchestres classiques en général de ne pas tous se conformer à ce modèle de la « diversité ». Comme si ce modèle était obligatoire, ou devait le devenir.

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Et on le verra, il ne s’agit pas d’intégrer dans l’orchestre des musiciens quelles que soient leurs origines, pour ne pas se priver de leurs talents. 

La violoniste Zhang Zhang ne joue pas la même partition

Ibrahim Maalouf veut la « diversité » comme une fin en soi. Pourquoi ?

C’est ma foi fort simple. De même que le « progressisme » woke ne supporte pas le génie d’Homère parce qu’il lui renvoie en miroir sa propre médiocrité, il ne supporte pas de devoir constater que les Blancs n’ont pas besoin de la « diversité » pour exceller.

Contrairement à ce qu’affirme à longueur de temps l’idéologie décoloniale, les peuples occidentaux ne sont pas des êtres ontologiquement inférieurs qui ne pourraient trouver leur salut que dans l’Autre ou le Racisé. À ces militants qui font de leur couleur de peau l’alpha et l’oméga de leur être, le philharmonique de Vienne, tout comme Homère, tout comme les cathédrales gothiques, rappelle que ce à quoi ils s’identifient n’est nullement indispensable à la grandeur, et qu’il existe dans le monde bien des choses belles et bonnes qui se sont faites sans eux.

Alors Ibrahim Maalouf se plaint d’être attaqué par la « fachosphère ». Mais voilà un grain de sable dans son scénario. Sublime grain de sable : Zhang Zhang, premier violon à l’orchestre philharmonique de Monte-Carlo, très engagée dans des actions humanitaires à travers le monde, de l’Afghanistan aux Philippines en passant par le Congo et… Nice ! D’origine chinoise, comme son nom le laisse deviner, mais ce serait ne rien comprendre à ce qu’elle crée, à ce qu’elle défend ni à ce qu’elle est que de vouloir faire de ses origines une case qui l’enfermerait. Elle est intervenue dans le débat avec tact, expliquant simplement que le recrutement dans les orchestres symphoniques se fait par concours, et qu’un paravent sépare les candidats du jury, qui ne les voit donc pas et se contente de les écouter : seule la qualité de la musique détermine le choix des artistes, pas leur couleur de peau, leur sexe/genre, ni leurs origines ethniques. Magnifique exemple balayant toutes les discriminations !

Et Zhang Zhang poursuit en faisant l’éloge de ce langage d’harmonies capable de toucher et de rassembler les humains quelles que soient leurs origines. « Laissez l’art en dehors de vos manœuvres politiques sordides ! » s’exclame-t-elle. Elle dont la famille a souffert de la dictature communiste sait bien, hélas, la réalité des « révolutions culturelles » : « cancel culture » qui appauvrit l’écriture des idéogrammes pour rendre un peuple entier incapable de comprendre la magnificence de son passé, et on repense à cette école du Massachusetts qui censure Homère, ou aux gardes rouges voulant abattre la tombe de Confucius comme d’autres détruisent les statues de Colbert ou les vestiges de Palmyre…

L’Occident n’a pas à s’excuser des merveilles qu’il a offertes au monde

À court d’arguments, Ibrahim Maalouf s’en est finalement pris à Zhang Zhang de la même manière qu’il s’en était pris à Mila : bassement. Illustration parfaite, encore, du fait que les adeptes de la tyrannie des minorités ne supportent pas ce qui dépasse les étroites limites des groupes dans lesquelles ils se reconnaissent : l’universelle dignité humaine et l’élan vers la grandeur. Tout être humain les porte en lui, en deçà et au-delà de ses appartenances propres, dans ce qui lui est le plus intimement personnel, et qui simultanément le relie à tous ses semblables.

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En affirmant que les Blancs seraient ontologiquement inférieurs, les militants « woke » font ce qu’ont toujours fait les racistes, sexistes et autres abrutis du même ordre : ils rejettent ce qui fait l’universelle potentialité de splendeur et d’humanité de l’Homme, et se vautrent dans la fange.

N’en déplaise à ces fanatiques, une violoniste de talent qui a la sagesse d’affirmer que « les musiciens devraient servir la musique, tout en ne devenant jamais plus importants que la musique » n’a pas à s’excuser d’avoir eu le courage de faire de son expérience du déracinement une porte sur l’universel plutôt qu’un prétexte à l’égoïsme tribal. Et l’Occident n’a pas à s’excuser des beautés auxquelles il a donné et continue à donner naissance. Ses peuples n’ont pas à s’excuser des merveilles qu’ils ont offertes au monde, ils n’ont pas à feindre d’être devenus incapables d’exceller par eux-mêmes, ils n’ont pas à renoncer à leur pleine appartenance à l’humanité.

Un affreux «Bojo»


Quel sera le rôle de Boris Johnson, le fougueux Premier ministre de Sa Majesté, à l’heure du Brexit? Petite mythologie du Royaume séparé mais pas encore désuni.


La scène se passe au sein de l’Union européenne, c’est-à-dire nulle part.
Dans la nuit du 31 décembre 2020, le Brexit est tombé sur le Royaume-Uni comme une hache. Et alors ?… Les Anglais sont plus forts quand ils se battent seuls. Contre le pape, Hitler ou Gandhi – ce « fakir », disait Chuchill. À Azincourt, Dunkerque ou Twickenham ! Contre toute l’Europe, si nécessaire. Against the odds, contre vents et marées.
C’est leur histoire.
L’Angleterre est une contrée humide et sauvage qu’habitent des guerriers, des commerçants, des jardiniers – splendides dans l’adversité, impassibles dans la défaite, féroces dans la rébellion. La bière y est plus noire et plus amère, l’herbe plus verte, les dimanches plus tristes, mais leurs cimetières de campagne (et leurs pubs) sont les plus gais du monde.
L’Angleterre est une île – la possibilité d’une île ! Car une nation, les Anglais le savent, c’est d’abord un espace mental – une idée avant d’être un peuple. De Gaulle le savait, le maréchal Göring et Jacques Delors l’ont appris à leurs dépens : l’Angleterre s’oppose, l’Angleterre résiste.
God save the Queen… Grrr !
L’Angleterre est une fiction, l’Europe aussi ; la seule différence, c’est que les Anglais croient à leur destin. Sans preuves, malgré les preuves, contre les preuves. On les soupçonne d’entendre une aberrante chanson douce dans les grelots d’un no deal que « les 27 » agitent avec effroi et de caresser encore leur vieux rêve impérial. Ne sont-ils pas les inventeurs du parapluie, du chemin de fer et de l’Habeas corpus ?
Quand les Français disent oui, les Anglais disent non.
Une si longue histoire depuis les hordes de Pictes, férus de guérilla sylvestre et collectionneurs de crânes, qui repoussèrent les légions romaines en l’an 43. Depuis Robin des Bois et Ivanhoé qui n’ont jamais existé. Depuis Cromwell, plus fou que Lénine, et Wellington qui ne quittait pas son châle et son ombrelle à cheval. Jusqu’à Churchill, un bouledogue, et Mme Thatcher, un oursin. Deux belles figures d’obstinés. Les gens de Bruxelles n’ont-ils pas lu cela dans les livres ?
Car les Anglais sont à la fois romantiques et matter-of-fact. Et ils ont toujours su comment transformer une île déserte en île au trésor, quoique privés de leur tasse de thé (et de la lecture du Times), en se souvenant de Long John Silver le pirate ou de Robinson Crusoé, avec un éventail et un perroquet sur l’épaule.
Au fond, c’est toujours le même refrain : « We shall defend our island whatever the cost may be. » Vraiment ? « Never give in, never, never, never ! » martelait Churchill sous les bombes. Comme ses prestigieux devanciers qu’il croit pouvoir imiter, « Bojo », le Premier ministre du gouvernement de Sa Majesté, se sent passionnément relié à ce grand récit national qui allie la hache et la rose, lions et licornes, conspiration des Poudres et prodiges d’archers, Blitz et tempêtes providentielles, princes noirs et reines vierges. Sa conviction : England can take it. Sa devise : Business as usual. Son mantra : Get Brexit done !
Aïe ! Le réel, c’est ça l’écueil. On a beau sauter sur sa chaise comme un cabri en répétant « Brexit ! Brexit ! Brexit ! », personne ne sait exactement ce que cela veut dire. Est-ce une saignée salutaire – un désastre ou une aubaine ? Est-ce « l’enfant monstrueux du thatchérisme et du mécontentement populaire », comme le dit Andrew Adonis, un ancien ministre de Tony Blair ? Non, pour « Bojo », c’est un acte de souveraineté reconquise. Il veut le croire, et il le croit, lui qui n’y croyait pas parce qu’il ne croit à rien.
Cela permet par exemple de vacciner la population contre le Covid avant tout le monde en Europe. Well done ! Et tant pis pour les embouteillages de poids lourds à la frontière de Calais, la fin de la libre circulation des personnes et des biens, les querelles entre Irlandais et tous les petits désagréments subsidiaires qui s’ensuivent.
« Bojo » a décidé que grâce à lui, ce serait une « chance » pour l’Angleterre. Après sa première entrevue avec la reine, à Buckingham Palace, celle-ci aurait murmuré : « I don’t see why anyone would want the job. » Façon de dire : « Vous ne seriez pas un peu opportuniste, jeune homme ? »
L’est-il ? Oui, il s’en cache à peine, il n’a rien d’un visionnaire. Mais que veut-il ? Ambitieux et fantasque, provocant et blagueur, parfaitement sincère dans ses préjugés de caste (hérités d’Eton et Bailliol College) et tout aussi désinvolte dans ses revirements, Boris est celui qu’on préfère haïr ou adorer ; il fait de son mieux pour cela, il se croit tout permis, et il s’en amuse.
Un dangereux optimiste ou un démagogue ? Il s’engage d’instinct, sans précaution, par une poussée de tout son être plutôt que par fidélité à un idéal. Il a ce don – même Macron le reconnaît – de susciter autour de sa personne une sorte de chaleur spontanée et comique. Il pète le feu, il parade, il brille mais est-il sérieux ? Aux yeux de ses adversaires, c’est un funambule, un plaisantin, mais ses amis, hélas, pensent la même chose !
Jusqu’ici, sa carrière ressemblait à une préface un peu illisible et bâclée, mais préface à quoi ? On devine déjà un peu de mélancolie sous son air las – et une candeur brutale qui sous sa mauvaise foi le retient d’être entièrement cynique. Avec sa tête de mauvais ange et son crâne de poussin ébouriffé, Bojo est devenu une sorte de joker, mais qui sera-t-il devant la postérité : un nouveau William Pitt, le Patriote qui résista au blocus de Napoléon, ou bien l’affreux « Bojo » qui se croyait le fils d’Ivanhoé et ne fut que le fou mal-aimé d’une vieille reine ? Un protecteur ou un cascadeur ? Un sauveur ou un entrepreneur de pompes funèbres ?
Son rêve, ce serait de s’entendre dire devant une foule en liesse : « Britain is great again ! » comme « Maggie » après la victoire des Malouines. Son programme ? C’est plus flou. Il y a juste une chose que « Bojo » doit apprendre : les Anglais sont le seul peuple de la terre auquel il ne faut pas mentir. Well, good luck Mr Punch !

Covid: et si le recours aux militaires était la solution aux cafouillages technocratiques?

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La campagne de vaccination peine à démarrer dans l’hexagone


Depuis un an, on ne cesse de s’interroger, de se lamenter, de s’insurger, de se désespérer face à l’incurie, l’impéritie, l’imprévision ou l’irresponsabilité de l’exécutif dans la crise sanitaire. Après le scandale des masques et l’échec de la stratégie des tests, voilà que menace le fiasco des vaccins. On a critiqué à juste titre l’approche technocratique, la morgue et le mépris du pouvoir à l’égard des citoyens et de la représentation nationale. Mais, malgré les rodomontades présidentielles sur « la guerre contre le virus » et la mise en place d’un « conseil de défense sanitaire », on semble avoir oublié un acteur essentiel en temps de crise majeure et surtout en situation de guerre : nos forces armées. Car en matière de logistique notamment, les militaires sont entraînés à réagir en urgence sur divers terrains d’intervention. 

Le fiasco de la vaccination par étapes

Car il y a bien urgence sur tous les fronts de la pandémie. Il y a toujours urgence à prescrire précocement antibiotiques et stimulateurs des défenses naturelles pour tenter de minimiser les effets de la maladie à ses débuts et éviter ainsi l’hospitalisation. Pourtant, même si cela ne fait plus polémique, les autorités sanitaires persistent à refuser ces types de traitements empiriques alors qu’en milieux hospitaliers des progrès ont été faits grâce aux acquis de l’expérience tâtonnante. Et désormais il y a urgence à vacciner le plus grand nombre possible de personnes pour tendre le plus tôt possible à un certain niveau d’immunité collective permettant de freiner à la fois la propagation du virus et la multiplication de ses mutations. Pourtant, le gouvernement a préféré imaginer une programmation de la vaccination par étapes et en faisant abstraction du facteur temps, plutôt que de mettre en œuvre une logistique de campagne permettant de donner rapidement accès au vaccin à la partie de la population désireuse d’en bénéficier.

Plutôt que d’agir de façon chaotique et calamiteuse en naviguant à vue, pourquoi ne pas confier aux Forces armées des missions qu’elles sont en mesure de mener à bien?

Mais tout au long de cette période épidémique, le gouvernement a multiplié les nouvelles instances et conçu des plans d’action à partir de modélisations abstraites.  Cette stratégie s’est révélée systématiquement erronée. Les organismes créés se sont avérés soit tyranniques, exacerbant colères et états dépressifs dans la population, soit inefficaces ou mort-nés, augmentant le trouble et le scepticisme et partant alimentant la tendance complotiste. Avec le Comité scientifique en premier lieu, érigé en père fouettard, le gouvernement a oscillé entre retranchement derrière l’autorité médicale pour imposer des mesures parfois excessives, et refus par démagogie, de certaines autres mesures préconisées, en prenant de graves risques. Puis le « CARE », Comité Analyse Recherche et Expertise, plus spécifiquement consacré « aux diagnostics et aux traitements », instauré quelques temps après le Conseil scientifique pour venir « en appui » de celui-ci, a pour sa part, disparu semble-t-il, sans laisser de trace. 

L’ANRS et de REACTing fusionnent

Aucune instance n’a donc donné d’éclaircissements satisfaisants ni à propos des évaluations de médicaments existants sur le marché, ni eu égard à l’efficacité comparée des différents tests et de leurs usages potentiels. Silence sur l’arrêt de l’essai européen « Discovery » et pas davantage d’information sur l’essai Solidarity évaluant quatre traitements dont le remdésivir et l’hydroxychloroquine, selon des protocoles d’administration discutables. Encore moins de commentaires sur la panique conduisant à interdire l’hydroxychloroquine et l’erreur symétrique de l’achat massif précipité de remdésivir. Quant aux tests salivaires, ils sont totalement ignorés alors qu’ils auraient à peu près le même niveau de fiabilité que les tests par écouvillonnage rhinopharyngé (relativement douloureux et nécessitant du personnel spécialisé pour le prélèvement). Cela est d’autant plus incompréhensible que différents tests salivaires sont déjà utilisés avec succès dans une vingtaine de pays (dont la Belgique, le Canada et les États-Unis) et que « EasyCov » conçu avec des chercheurs du CNRS de Montpellier, est un test salivaire français éprouvé. 

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Enfin, quant aux organismes censés réagir aux urgences sanitaires, la logique bureaucratique a encore sévi. La « task force » de l’INSERM, REACTting (REsearch and ACTion targeting emerging infectious diseases) « rassemblant des équipes et laboratoires d’excellence, afin de préparer et coordonner la recherche pour faire face aux crises sanitaires liées aux maladies infectieuses émergentes » n’a guère brillé ces derniers mois. Au demeurant, sa fusion hâtive et brutale le 1er janvier avec une agence qui elle, a pendant une trentaine d’années fait ses preuves dans son domaine, n’est guère rassurante. En effet, tandis que l’ANRS (Agence nationale de recherche sur le Sida, les hépatites et les IST) a été performante et novatrice tant du point de vue de l’articulation avec les associations de patients qu’au niveau de la coopération internationale, la nouvelle structure qui l’a absorbée (en écartant d’ailleurs absurdement du nouvel organigramme l’ancien directeur) devra désormais partager avec l’ensemble des recherches sur toutes les autres maladies infectieuses émergentes, un budget globalement réduit et dont la pérennité n’est pas assurée.

La compétence militaire écartée

Cette « fusion-réduction » pourrait-on dire, laisse donc présager hélas, d’aussi mauvais résultats que la fusion de même type réalisée en 2015 entre l’Institut de veille sanitaire et l’EPRUS.  L’agence « Santé Publique France », née de cette fusion, n’a pas été depuis lors des plus compétentes en effet, dans la gestion des stocks de matériel médical (en particulier des masques…) ou des dispositifs de testing, et maintenant de la vaccination. Or une des causes de cette perte de compétence et d’efficacité se trouve sans doute dans le renoncement à la ressource des forces armées nationales. L’EPRUS (Etablissement de Préparation et de Réponse aux Urgences sanitaires) créé en 2007 et qui assura jusqu’en 2014 « la gestion des moyens de lutte contre les menaces sanitaires graves tant du point de vue humain (réserve sanitaire) que du point de vue matériel (produits de service) », en France et à l’étranger, tout en étant sous la tutelle du ministère de la Santé, était articulé étroitement au ministère de la Défense. Lors de missions menées en Afrique notamment, la collaboration civils/militaires s’était d’ailleurs montrée très efficace à plusieurs reprises.

Alors, dans la crise sanitaire actuelle de la covid, pourquoi ne pas avoir fait appel au personnel et à l’expérience logistique de nos militaires ? Nos voisins en Allemagne, n’utilisent-ils pas l’Armée pour organiser la vaccination de masse ? Plutôt que d’agir de façon chaotique et calamiteuse en naviguant à vue en fonction de l’opinion publique, pourquoi ne pas confier aux Forces armées des missions qu’elles sont en mesure de mener à bien ? Mais sans doute notre gouvernement d’experts qui refuse d’entendre notamment les élus locaux, se considère-t-il supérieur à tous dans tous les domaines, y compris aux militaires dans leur champ de compétence…

« Nous sommes dans l’instant, tandis que l’Islam est dans l’éternité »

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Dans La France s’éteint, l’Islam s’embrase…, Henri Rey-Flaud analyse l’antagonisme entre Occident et civilisation islamique par le prisme des mœurs. Le pire est-il à venir? Entretien avec le psychanalyste érudit.


Causeur. Pourquoi mettez-vous une majuscule à « Islam » dans le titre de votre livre?

Henri Rey-Flaud. Parce que l’islam avec une minuscule, c’est une religion et que l’Islam avec une majuscule, c’est un mouvement de culture et de civilisation que je considère comme prodigieux. La grande différence entre l’Islam et l’Europe occidentale, c’est que l’Europe occidentale s’est construite sur environ vingt-cinq siècles, tandis que l’Islam s’est construit en quatorze siècles.

Emmanuel Macron a-t-il eu raison de déclarer lors du discours des Mureaux qu’il faut «faire émerger une meilleure compréhension de l’islam»?

Dans ce qui se joue aujourd’hui, à peu près tout le monde dans l’espace politique est complètement à côté de la plaque. Emmanuel Macron n’a aucune idée des enjeux fantastiques que pose la rencontre de l’Islam et de l’Occident. Le roi Hassan II, qui était lui un esprit supérieur, est tout de suite allé au cœur du problème ! « Les Marocains ne seront jamais des Français », a-t-il dit lors de son entretien avec Anne Sinclair. Cela est aussi vrai des Tunisiens, des Algériens ou des Turcs. Ces gens-là ne seront jamais français, non pas qu’il y ait un rejet par la France mais parce que ce sont des cultures antinomiques. Ce qui me semble approprié pour résumer ma pensée, c’est une phrase de Freud: « l’ours et la baleine ne se sont jamais disputés parce qu’ils ne se sont jamais rencontrés ». L’Islam et l’Occident, c’est l’ours et la baleine.

Le psychanalyste et critique littéraire français Henri Rey-Flaud. Photo: D.R.
Le psychanalyste et critique littéraire français Henri Rey-Flaud. Photo: D.R.

Vous utilisez cette personnification dans votre ouvrage, vous utilisez aussi la métaphore de « l’incertain mariage de l’huile et du vinaigre ». A vous lire, ce mariage semble même être plus qu’incertain…

J’ai une profonde admiration pour la culture musulmane et pour l’Islam, mais je pense que l’avenir en France se présente très mal. Prenons l’exemple du Maroc, qui est un pays que j’aime beaucoup et que je connais bien. Il y a dans mes amis ou collègues marocains un noyau auquel on ne peut pas toucher. On a beau échanger sur beaucoup de choses, cette espèce de mur de verre est bien là, il ne permet pas d’établir ce que j’appellerais une communication absolue. L’Islam est une civilisation de la certitude.

Dans dix ans, les Algériens seront soixante-dix millions, la population en Algérie sera plus nombreuse que la population française en France! (…) À partir du moment où vous donnez un accommodement, il viendra une autre chose, puis une autre, puis une autre jusqu’à ce que l’Islam ait totalement assimilé l’Occident.

Justement, pouvez-vous nous en dire plus sur cette opposition que vous faites entre le doute chrétien et la certitude islamique?

La civilisation de l’Occident a été fondée sur l’examen. « La seule chose que je sais c’est que je ne sais rien », disait déjà Socrate. « Je pense donc je suis », disait Descartes. Freud disait que nos pensées ne viennent d’ailleurs que de notre personne immédiate. L’islam sort de la parole de Mahomet, de la prise de la dictée sous l’ange Gabriel. Quiconque remet en cause le discours d’Allah est un blasphémateur. Et le sacré est partout dans le monde islamique, dès qu’on touche à quoi que ce soit, on touche donc au sacré. Les Arabes, au fond d’eux-mêmes, sont animés par cette certitude. Cela est profondément opposé au doute, à l’esprit d’examen qui est au fondement de l’Occident.

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On pourrait vous suspecter d’essentialisme…

Je ne sais pas ce qu’il faut mettre sous ce mot. Ce que j’ai écrit et que je maintiens, c’est que l’aventure de Mahomet est l’aventure la plus prodigieuse de toute l’histoire de l’humanité. Un seul homme a créé cet élan spirituel qui se répand encore aujourd’hui.

D’aucuns disent que cela s’est fait par la conquête…

La conquête, elle est à la fois par les armes et par les esprits, les deux sont complètement liés.

En quoi cette conquête serait-elle plus prodigieuse que celle des Amériques par Hernan Cortés ou Francisco Pizarro?

La conquête des Amériques, c’étaient des gens qui allaient conquérir des terres qu’ils ne connaissaient pas, tandis que ce qui anime le fond de la conquête islamique, c’est que toute terre est en attente d’être rattachée à l’islam. Dans Les Droits de l’homme selon l’islam, texte présenté à l’Assemblée générale de l’ONU, il est écrit que « l’islam a vocation à devenir la religion universelle de l’humanité ». Cela signifie que selon ce texte, le jour où toute l’humanité partagera la foi musulmane, on aura atteint la fin de l’Histoire. Mahomet était un chef de tribu dérisoire dans un pays désertique. Lui et ses successeurs ont fait une conquête inouïe en très peu de temps. Il suffit de voir les splendeurs de Cordoue pour comprendre que cette civilisation est fantastique et qu’ils n’étaient pas uniquement des guerriers. Colomb, Cortés et compagnie n’étaient, eux, que des aventuriers.

Venons-en à la question des mœurs. « A Rome, fais comme les Romains », aurait dit Ambroise de Milan à Saint Augustin. Cette maxime n’est-elle pas valable pour n’importe quelle nation dans le monde, notamment la France?

Les Arabes ne vous diront jamais qu’ils vont vivre en France comme des Français. Tahar Ben Jelloun a écrit que toutes les nations arabes peuvent vivre en accord avec la République. Cela veut dire que la République est assez vaste pour que diverses formes de cultures puissent trouver un lieu d’accueil dans la République. Mais la République n’est pas une coquille vide! J’adore l’Italie et le Maroc. Je me sens plus chez moi en Italie que dans le nord de la France. En revanche, quand je suis au Maroc, je fais attention car je suis dans une autre culture.

Justement, les gens qui viennent de l’Islam ne devraient-ils pas adopter la culture française ?

Ils ne le peuvent absolument pas ! De Gaulle disait qu’on ne pouvait pas accorder la citoyenneté française aux Algériens car si on accordait cette citoyenneté, les Algériens, alors français, viendraient en France. Et il en déduisait alors la fameuse phrase « mon pays ne s’appellerait plus Colombey-les-Deux-Eglises mais Colombey les deux mosquées ». A l’époque, il y avait dix millions d’Algériens de souche et un million de pieds noirs. Aujourd’hui, l’Algérie comporte quarante millions de citoyens, la population a été multipliée par quatre. Cela veut dire que dans dix ans, les Algériens seront soixante-dix millions, la population en Algérie sera plus nombreuse que la population française en France. Les tenants de l’Algérie française étaient complètement aveugles sur la réalité, la partie était injouable. En revanche, le général De Gaulle était un visionnaire.

Venons-en à l’identité française. La France est-elle encore frappée de cette « culpabilité ouvrant sur un univers morbide de la faute » dont vous parlez ?

La France est dans une crise d’identité. Il en est de même en Italie. Le raidissement identitaire que l’on voit en Hongrie ou en Pologne traduit lui aussi une crise d’identité. L’Europe n’est pas parvenue à créer une identité européenne. À l’époque de Giscard D’Estaing ou de Jacques Delors on pensait que cela pouvait se faire. Aujourd’hui, je crois que le grand élan européen est retombé. Et la France s’éteint, il suffit de voir la façon dont les Français vivent aujourd’hui le Covid. L’élan identitaire qui a eu lieu en France au moment de la guerre de 14-18 n’est même pas imaginable aujourd’hui. Ces quatre années ont été terribles. Aujourd’hui, si vous dites aux gens qu’ils ne pourront pas fêter Noël, ils ont le sentiment que c’est liberticide. Je ne sais pas où va la France mais je pense qu’on aura un grand coup de théâtre avant les élections de 2022. Dans quel sens? Je n’en ai aucune idée, mais il ne se passera sûrement pas ce qu’on attend.

Vous soulignez un risque d’apartheid en France, terme qui renvoie à un développement séparé, mais n’est-ce pas déjà le cas?

C’est vrai qu’il a déjà commencé. Il y a eu cette idéologie multiculturaliste qui s’est développée, il y a eu beaucoup de lâchetés, Emmanuel Macron a étendu le regroupement familial aux frères et sœurs des mineurs réfugiés. Le Conseil de l’Europe décide aussi du regroupement familial. Les pays comme la Hongrie qui sont très anti immigration sont en passe d’être condamnés pour cela. En France, il y a eu cette idéologie dite humaniste. Il y a des Français d’origine maghrébine qui sont de plus en plus rattachés à leur pays d’origine. On parle là de gens qui ont 30, 40 ans.

A lire aussi: Cambadélis: « Le multiculturalisme n’est pas en contradiction avec les principes républicains »

Vous écrivez d’ailleurs que « tant que les Arabes parleront arabe en France, il n’y aura pas pour eux d’intégration possible dans la collectivité nationale ». Mais les anciennes générations de Nord-Africains qui ne parlaient pas forcément bien français donnent l’impression d’être plus intégrées que les plus jeunes dont vous parlez…

Les gens dont je parle, qui sont mes analysants, m’ont dit que leurs parents leur avaient dit que la France était un pays qui les accueillait, qu’il fallait absolument apprendre la langue, les mœurs des Français, se fondre dans la population et être reconnaissant envers le pays d’accueil. Ils parlent un français impeccable, sans aucun accent. Mais ils se sont sentis de plus en plus maghrébins au fil des années, de plus en plus étrangers dans leur propre pays et leurs enfants sont totalement opposés à la France. Là on va vers une scission.

Emmanuel Macron a-t-il eu raison de dire qu’il faut promouvoir l’apprentissage de la langue arabe?

Les hommes politiques français, y compris Emmanuel Macron, n’ont aucune vision historique. La langue arabe n’est pas une langue comme une autre, c’est l’identité arabe. Avec le paradoxe qu’aucun Arabe en France ne parle l’arabe de Mahomet. Cette langue coranique est l’équivalent pour eux du latin pour nous, et ils se rattachent à cette langue comme à ce qui fonde leur identité. Quand on dit aux parents des enfants d’origines arabe qu’on va créer des cours d’arabe dans les collèges français, ils répondent que ce n’est pas le bon arabe. Au Maroc par exemple, les petits enfants apprennent l’arabe sur le Coran, c’est le seul support. Apprendre un arabe vernaculaire avec un autre support serait pour eux une hérésie.

« Est démocratique un État qui ne se propose pas d’éliminer les conflits, mais d’inventer les procédures leur permettant de s’exprimer et de rester négociables », écrivez vous en citant Paul Ricœur. Peut-on imaginer des accommodements « raisonnables » tels que des tribunaux islamiques en France, comme c’est le cas au Royaume-Uni?

Aujourd’hui c’est impensable. Même le Canada, qui a proposé un moment qu’il y ait des tribunaux islamiques, a fait marcher arrière, car il y a des femmes canadiennes qui ont porté plainte. Terra-Nova a songé un moment à faire un régime juridique spécialement pour les musulmans, heureusement ils ont reculé. À partir du moment où vous donnez un accommodement, il viendra une autre chose, puis une autre, puis une autre jusqu’à ce que l’Islam ait totalement assimilé l’Occident.

Vous évoquez parfois la guerre des Balkans. Une guerre civile est-elle envisageable en France?

Le conflit des Balkans remonte à huit siècles et n’est pas du tout réglé. Pour la France, c’est très difficile de prédire car la situation que nous vivons actuellement est inédite. Certes, il y a eu des guerres de religions mais entre gens de la même trame. Henri IV, qui était un roi protestant, est devenu un roi catholique. J’imagine mal Macron se convertir à l’islam aujourd’hui (rires). On est dans une situation totalement instable. La France s’est éteinte, la France a perdu la foi en elle-même et en Dieu. La grande force de l’islam, c’est qu’il est source d’élan. Aujourd’hui en France, l’islam est pratiquement la seule source de spiritualité. L’islam se développe car il y a dessous un terreau fécond. « Le désert s’accroît, malheur à celui qui protège le désert », disait Nietzsche. L’horizon proposé par De Gaulle a complètement disparu, la seule chose qui mobilise les jeunes aujourd’hui c’est la fête. Nous sommes dans la jouissance de l’instant, tandis que l’Islam est dans l’éternité. Cela est valable pour le reste de l’Europe. Venise, Florence et Rome et Paris sont des villes musée tandis que l’Islam est vivant. Je crains donc que l’Islam soit la veine féconde sur le territoire français. Je pense qu’une population qui est animée par l’esprit est à peu près sûre de gagner contre une population dont les jeunes ne pensent qu’à jouir de l’instant.

La France s’éteint, l’Islam s’embrase…, Henri Rey-Flaud, Editions PUF.

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Les coiffeurs ne se poilent pas

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Redoutant de finir à poil après le confinement et la fermeture de son salon, ce coiffeur du Havre a pris les devants et pose tout nu dans son salon ! © Art&Fact / Étienne Delauney.

#Moncoiffeurapoil


L’année 2020 n’aura pas été placée sous le signe de l’élégance, surtout sur le plan capillaire. Les salons de coiffure sont, comme chacun sait, restés fermés pendant les deux confinements, avant de rouvrir début décembre. D’où leurs protestations.

Début novembre, un coiffeur du Havre s’est fait photographier nu, un sèche-cheveux à la main (la décence sauvegardée par sa jambe repliée sur ses parties intimes) sur un des fauteuils à shampooing de son salon. Le message (emprunté, semble-t-il, à un photographe picard) : « Quitte à se faire mettre à poil par le gouvernement, autant le faire moi-même. » Le hashtag « Moncoiffeurapoil » était né.

Des centaines de coiffeurs désœuvrés ont partagé eux aussi une photo d’eux dans le plus simple appareil, slogans bien en vue sur des pancartes couvrant ce qui devait l’être. C’était l’occasion de rappeler l’importance de leur filière, deuxième métier artisanal de France, fort de 85 192 salons, 200 000 travailleurs déclarés, 6 milliards de chiffre d’affaires. Mais au-delà du rappel des ravages économiques qu’ils subissent, les coiffeurs voulaient aussi, comme toutes les activités décrétées « non essentielles », affirmer leur importance dans le tissu social. « Après le premier confinement, les gens se sont pressés dans les salons de coiffure pour qu’on s’occupe d’eux. Le dernier jour d’ouverture avant ce deuxième confinement, nous avons tous été submergés par des demandes de rendez-vous », témoignait Julie Léonard, interrogée par Le Réveil normand.

Dans cette atmosphère morose, rien ne vaut une coupe de cheveux pour relever un peu la tête.

Génération Covid: la jeunesse sacrifiée

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Jordan Bardella, Paris, La Palmeraie, mai 2019 Photo: Thibault Camus / SIPA AP22340015_000071

Une tribune libre de Jordan Bardella, vice-président du Rassemblement national et député français au Parlement européen.


Lorsqu’Emmanuel Macron a déclaré en octobre qu’il était « dur d’avoir vingt ans » en 2020, les réactions n’ont pas manqué, souvent moqueuses, répondant qu’avoir vingt ans en 1914 était une autre paire de manches. À l’évidence, la jeunesse française n’est pas sommée de monter au front, mais cette comparaison est malvenue et interdit de saisir toutes les formes de détresse qui s’accumulent gravement au sein de cette « génération Covid ».

C’est certes le lot de toute la population que d’être soumise aux mesures et aux contraintes motivées par le contexte sanitaire et que l’accoutumance nous ferait presque considérer comme « normales » si l’on n’y prenait garde. Pourtant, la jeunesse mérite une attention toute particulière. Elle que l’on sait être très largement protégée des formes graves du virus prend de plein fouet les dommages collatéraux économiques, sociaux, psychologiques et, disons-le, anthropologiques de l’épidémie.

Quelles perspectives pour l’apprenti en filière professionnelle qui espérait décrocher rapidement son premier CDI, mais qui voit les entreprises plus frileuses que jamais à l’idée d’embaucher ? Alors que les bars et restaurants ne rouvriront finalement pas fin janvier, que devient l’étudiante qui ne parvenait à financer ses études et payer son loyer qu’à l’aide de son emploi dans la restauration, et désormais obligée de demander l’aide des Restos du Cœur ? Quelles possibilités de rebond pour ce jeune indépendant qui venait fièrement de « se lancer » et qui restera des années durant dépendant d’aides de l’État ?

Il y a ces tristes réalités matérielles, qui viennent d’ailleurs se superposer à un phénomène déjà installé de chômage de masse et de précarité tous azimuts. Il y a aussi une détresse psychologique qui s’est aggravée et dont on ne mesure certainement pas encore le caractère inédit. L’étudiant du supérieur, à peine diplômé du Baccalauréat, censé vivre « les plus belles années de la vie », est bien souvent claquemuré dans ses neufs mètres carrés, obligé de vivre sa « vie étudiante » par procuration et n’aura siégé dans les amphithéâtres que le temps d’un examen.

Les chiffres sont là, inquiétants : selon un sondage Odoxa-Dentsu, c’est pour les 15-30 que le second confinement et les mesures qui l’accompagnent ont été le plus dur à vivre. L’enquête nationale réalisée par l’Observatoire de la vie étudiante montre que la moitié des étudiants ont déjà souffert de solitude ou d’isolement au cours du premier confinement. Si l’état psychologique des Français dans leur ensemble s’est considérablement aggravé, la situation de cette jeunesse qui sera la France de demain doit nous préoccuper au plus haut point.

Car au-delà des réalités matérielles, c’est une vie sociale minimale qui est imposée, régulée, administrée, et qu’a si bien incarné l’attestation. C’est la « vie nue », la vie réduite aux seuls besoins élémentaires – et encore. Une jeunesse qu’on dévitalise, privée d’accès au sport et dépouillée de toute sociabilité nocturne si indispensable quoique l’on puisse parfois penser de certaines dérives « festivistes ».

Comme si ce n’était pas suffisant, on n’en finit plus d’assommer de culpabilité la jeunesse française, elle qui est déjà partout sommée de « sauver la planète ». Au nom d’un détournement du principe de précaution appliqué à la santé, on affirme que chacun de ses faits et gestes décidera de la survie ou de la mort des plus fragiles. Une pression insupportable pour des jeunes générations qui ont le sentiment de sacrifier leurs belles années tandis que les générations plus âgées ont fait de « jouissez jeunesse » le credo de leur vie.

Cette crise multiple vient renforcer une leçon philosophique dont l’évidence nous avait peut-être échappé avant ces confinements et couvre-feu successifs : l’homme est et reste un animal social, qui peut bien supporter quelques « distanciations » lorsqu’elles sont temporaires et qu’il peut les anticiper, mais qui est incapable de vivre durablement à distance et en « télé-réalité ».

Nous aurons des obligations à l’endroit de la jeunesse française. La sortie de crise sanitaire actée, et même dès aujourd’hui, c’est une politique sur le qui-vive social qu’elle sera en droit d’exiger. Il faudra se libérer des injonctions supranationales à la rigueur qui ne manqueront pas de tomber et qui conditionneront d’ailleurs peut-être le si vanté plan de relance européen. Aussi, faire renouer cette jeunesse avec la confiance en l’avenir passera par la proposition d’une vision de long terme : projeter la France dans les grands défis technologiques et industriels de demain, qui seront les pourvoyeurs des emplois dont elle aura besoin. Tout devra par ailleurs être mis en œuvre pour que la jeunesse française ne se retrouve plus en proie à une insécurité physique et culturelle grandissante qui assombrit d’autant plus son horizon. Sortons de cette épreuve en étant persuadés que l’on juge l’avenir d’une nation au sort que l’on réserve à ses forces vives.

Philippe Juvin: il l’aurait méritée, il ne l’aura pas!

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Le chef des urgences de l’hôpital européen Georges Pompidou Philippe Juvin aurait dû faire partie de la promotion de la Légion d’honneur, mais Matignon se serait rétracté à son sujet. En cause, l’engagement politique à droite du maire de La Garenne-Colombes… Et surtout ses propos critiques envers la politique sanitaire de l’exécutif dans un livre qu’il publie jeudi…


Si c’est vrai, c’est une vilenie.

Je devine bien quels sont les ressorts, tous médiocres, de cette offense personnelle. Je n’imagine pas que le Premier ministre, qui a d’autres chats à fouetter et qui estime, je présume, Philippe Juvin, soit derrière cette mauvaise manière. Ils étaient peu ou prou de la même famille politique. J’ose espérer que le président de la République, même s’il avait glissé il y a quelques mois une acidité contre Philippe Juvin en laissant entendre qu’il était plus dans les médias que dans son service à l’Hôpital Pompidou – accusation injuste et mensongère – n’est pour rien dans cet épisode navrant. Ne reste que le ministre de la Santé qui critiqué de toutes parts n’a pas pu tout le temps bénéficier de la comparaison confortable avec Agnès Buzyn, qui l’avait précédé.

Paul Morand a écrit que la pire des jalousies est celle qui se développe dans le même milieu professionnel.

On imagine très bien que les analyses, les recommandations et les critiques de plus en plus vives de Philippe Juvin, représentant éminent du corps médical et disposant d’une liberté de parole à cause de sa carrière politique, aient sans doute à la longue irrité Olivier Véran et que ce dernier ne soit pas étranger à ce coup fourré.

La compétence, le talent, une liberté d’esprit, une réussite reconnue et incontestable à la tête des urgences de l’hôpital Pompidou, autant d’insupportables dispositions pour quelqu’un qui, comme Olivier Véran se bat contre l’épidémie en étant contraint de nous dire que les manques et les carences était délibérés et qu’on faisait mieux que les autres.

Bassesse politique aussi. Philippe Juvin est maire de La Garenne-Colombes, il a été député européen, il est un proche de Nicolas Sarkozy et si celui-ci avait été réélu en 2012 ou avait réussi son retour en 2017, Philippe Juvin aurait été son probable ministre de la Santé. Le professeur Juvin a même laissé entendre qu’il aurait pu être candidat à la primaire de la droite et du centre…

Par ailleurs, ce qui rend cette existence encore plus éclatante, Philippe Juvin a accompli des missions humanitaires dangereuses en tant que médecin militaire en Afghanistan. C’est sans doute trop dans un univers qui supporte l’éclat mais grisailleux, la dénonciation mais feutrée, le courage mais virtuel. Trop brillant à l’évidence, trop entier, Philippe Juvin n’avait pas droit à cette distinction puisque plus que tout autre il y avait droit. Il y a des qualités qui sont des handicaps et des insuffisances qui sont des garanties.

La Légion d’honneur a été souvent donnée à des personnalités qui ne la méritaient pas, à cause d’un clientélisme forcené. Si on la retire dorénavant, par décret d’autorité et de jalousie, à des lumières pour qu’elles ne fassent pas d’ombre à ceux qu’elles indisposent, où ira-t-on ? On pourrait qualifier ces péripéties de dérisoires. Mais rien de ce qui concerne l’honneur ne l’est.

Je ne tromperai jamais leur confiance

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Causeur: Assimilez-vous!

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Le Causeur de janvier 2021 est disponible ! © Hannah Assouline / Causeur

Découvrez le sommaire de notre numéro de janvier


« Assimilez-vous ! » Tel est l’appel lancé aux jeunes de l’immigration dans notre premier numéro de 2021. Cet appel s’incarne dans la personne d’Albert Batihe, entrepreneur fils d’immigrés camerounais, qui figure sur la couverture. Présentant notre dossier sur l’assimilation, Elisabeth Lévy déplore son état actuel : « Grippée depuis plusieurs décennies, la machine à fabriquer des Français (…) finit de rouiller dans un coin. » Qui l’a envoyée définitivement à la casse ? Personne d’autre que le président lui-même qui, dans son interview accordée à l’Express le 22 décembre, qualifie l’assimilation de notion « problématique. » La notion de « diversité » qui la remplace aujourd’hui ne demande plus à la minorité de s’adapter à la majorité, mais – toujours selon notre directrice de rédaction – « traite la majorité comme une minorité parmi d’autres, un peu moins égale que les autres puisqu’elle doit payer ses privilèges passés. » Albert Batihe raconte à Gil Mihaely son parcours de fils d’immigrés qui a su non seulement s’adapter à la société française mais y réussir. Selon lui, l’obstacle principal à l’assimilation vient de la culture familiale et communautaire.  L’historien Pierre Vermeren m’explique que la machine à assimiler avait été conçue à l’origine pour transformer les paysans français en citoyens mais qu’elle a été démantelée par les élites qui avaient la charge de l’entretenir. Frédéric Ferney reste plus optimiste : pour lui, un immigré est « un Français en puissance – ce n’est qu’une question de temps. » Le haut fonctionnaire, Michel Aubouin et l’anthropologue Philippe d’Iribarne soulignent le rôle crucial joué dans l’assimilation par la langue française et les codes non écrits.

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Côté actu, Stéphane Germain aborde une facette particulière de la liberté d’expression qui est le droit à l’humour. La volonté de tenir celui-ci sous surveillance réunit deux groupes que tout devrait opposer : les néoféministes et les salafistes. Sauf qu’ils partagent une même détestation pour le rire et la pensée libre. Moins drôle, Guy Daniel identifie une des causes des difficultés actuelles de la Police nationale aujourd’hui : sa hiérarchie est dominée par les commissaires qui sont des hauts fonctionnaires rarement issus du rang et connaissant mal le terrain. Frédéric Rouvillois, en conversation avec Elisabeth Lévy, porte son regard d’historien sur le phénomène du macronisme qu’il identifie comme une forme d’utopie dans la lignée du saint-simonisme : le président, derrière une façade démocratique, met en place une oligarchie d’experts. À l’international, un autre expert éminent, Jean-François Colosimo, explique à Gil Mihaely combien l’histoire de la Turquie moderne, derrière les revirements apparents, est marquée par une profonde continuité, le pays restant prisonnier des traumatismes de sa naissance.

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Il est toujours bien de prendre de la distance par rapport aux contingences du quotidien.

Bérénice Levet nous permet d’entrer dans le regard désabusé que pose Régis Debray sur son passé et le nôtre dans son dernier livre, D’un siècle l’autre. Elle trouve dans la lecture de son œuvre « l’une des plus exaltantes écoles de conservatisme politique qui soient. » Renaud Camus est poursuivi pour injure raciale par des associatifs qui n’ont jamais lu ses livres. L’auteur du Grand remplacement confie à Elisabeth Lévy et Martin Pimentel qu’« une vérité n’est plus tout à fait une vérité s’il est interdit de la contester. » Pour Jérôme Leroy, rendant compte de publications récentes d’ouvrages d’Octave Mirbeau et de l’Anglais Chesterton, une des armes les plus puissantes pour dénoncer la dangereuse folie d’une époque c’est le rire à la fois inquiet et salvateur. Si tout cela donne faim, Emmanuel Tresmontant nous révèle les secrets de la gastronomie italienne, sans oublier des adresses où l’on peut en profiter à Paris.

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«C’est la pression à la normalisation qui est affreuse, pas nos visages»

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Image d'illustration Unsplash

France 2 diffuse ce soir le film « La Disgrâce ». Entre les murs du mythique studio Harcourt, le réalisateur Didier Cros donne la parole à ceux dont le visage a été meurtri.


Dans la délicatesse d’un arpège de piano, des voix émergent. Leurs silhouettes se joignent à l’atmosphère si particulière du studio, où depuis 1934, tant de grands noms sont venus se faire tirer le portrait. Aujourd’hui, trois femmes, et deux hommes, prennent place pour le maquillage. Un profil, un regard, une main, nous sont distillés ; les traits se dessinent peu à peu. À travers de longs cheveux commencent à émerger les stigmates, puis c’est avec une gravité sensuelle, cash et sans artifice que nous sont dévoilés les acteurs.

Mort sociale

Patrica n’a pas besoin de sa crinière blonde pour briller sous la caméra. L’œil de verre qu’elle porte est à peine moins étincelant que celui qui a été épargné par le jet d’acide lancé par son ex-compagnon : « Je suis morte socialement. Trois mois de coma. ». Cette mère de famille raconte comment est survenue la rencontre avec ce nouveau visage. Alors que les miroirs sont bannis dans les centres pour grands brûlés, c’est en ouvrant un placard d’hôpital que son reflet lui est apparu – nez à nez avec ce nouveau « moi », cette image qu’elle renverra désormais à tous ceux qui croiseront sa route, et qu’elle-même ne pourra plus jamais éviter. Pourtant, son affliction semble diluée dans une incroyable capacité de résilience : « Mon visage a été touché gravement à l’acide, et je suis debout ; et je vis. »

Au fil des mots, des sourires remplis de grâce et des larmes, nous faisons la connaissance de Ghuilem. Au-delà de la maladie génétique qui a déformé sa figure, il nous confie ses « blessures psychologiques et narcissiques ». Lui, que l’on vouait pendant ses études à travailler derrière un ordinateur pour y dissimuler sa « disgrâce », a ignoré le regard de ses camarades et professeurs. Dans leurs réprobations, il a surtout puisé la motivation pour décrocher un doctorat – sa « revanche ».

Défiguré ça veut dire sans figure, mais c’est faux

Il y a aussi Gaëlle, blessée au Bataclan, la mâchoire et le bras déchirés par les balles. Avec la douleur d’avoir perdu celui qui partageait sa vie, et après les incessantes séances au bloc-opératoire, elle appréhende l’existence de manière « désinhibée », avec une fougue remplie d’humour : « Ça me relaxe de remettre les gens à leur place », quand les passants la dévisagent.

A lire aussi: Médine, un islamiste au Bataclan ?

Puis Jenny, gravement blessée durant ses premiers mois, et qui n’a toujours eu face à elle qu’un visage modelé par les dizaines d’opérations. Avec le chant comme exutoire, la jeune femme à la vivacité et au sourire inébranlables clame que « défigurée ça veut dire sans figure, mais c’est faux ! ».

Image: capture d'écran France 2
Image: capture d’écran France 2

Enfin, il y a cet homme d’1m90, aux épaules massives et à la chevelure interminable. Stéphane a subi une reconstruction faciale suite à un cancer. Sa nouvelle mâchoire provient de son péroné. Sa langue a été prélevée sur un muscle pectoral. Pour réapprendre à parler, les médecins lui prescrivaient vingt à trente minutes de « grimaces » quotidiennes – exercice qu’il effectuait avec sa petite nièce, et qui lui apportait la légèreté nécessaire pour avancer. Le regard des autres, il l’évoque également, parlant d’une « obligation de paraître, de critères très stricts, qui excluent ce qui n’y correspond pas », avant d’aiguiser son propos : « C’est la pression à la normalisation qui est affreuse, pas nos visages. ».

Un ostracisme autorisé

Je connaissais Stéphane avant sa participation au film, et j’ai pu, sur une chaise de bar ou dans une rame de métro, sonder cette pression à laquelle chacun des protagonistes fait allusion. L’insistance, l’indécence des regards qui s’abattent sur eux à chaque foulée. Alors que de nos jours le racisme et le droit à la différence sont mis à toutes les sauces possibles et imaginables, l’ostracisme qu’ils subissent devrait être dénoncée comme la plus grande des discriminations. Mais elle reste pourtant sourde – ce à quoi Didier Cros tente de remédier.

À travers les témoignages qu’il recueille, il agite sous notre face de gens « normaux » de quoi nous inciter à rompre avec la tyrannie de l’apparence. Il nous invite à prendre du recul sur ce monde d’images, la futilité qui le caractérise, et la soumission qu’il exerce sur nous. La Disgrâce est l’anti-Instagram. C’est un reflet inversé de la société actuelle, une fenêtre ouvrant sur l’humain – sans filtres ni oreilles de lapin –, avec pour seuls propos la réalité du cœur.

Diffusion ce mardi 5 janvier à 23h10, sur France 2.

Lieuron et Aulnay-sous-Bois: notre laxisme sur le banc des accusés

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Du vendredi 31 décembre 2020 au 3 janvier 2021, la bêtise et la violence ont frappé encore plus gravement que d’habitude. À la rave party de Lieuron, et à Aulnay-sous-Bois dans la cité des 3 000.


Ici une free party dispersée seulement au bout de 36 heures. Un énorme matériel. Une organisation programmée, structurée. Des gendarmes blessés, de la drogue, au moins 2 500 personnes se moquant des précautions sanitaires et de diffuser le virus, l’arrogance de l’un des organisateurs se disant prêt à recommencer, un seul individu déféré au parquet de Rennes contre lequel, paraît-il, une instruction étant ouverte, la détention sera requise. Bref, un scandale de laxisme et d’impuissance.

Le Coran, ça part en couille! Nique-le sa race!

Là, deux motards de la CSI 93, effectuant un contrôle routier, sont gravement agressés par une bande d’une quinzaine de voyous. Les policiers sont hospitalisés. Leur hiérarchie a exprimé son soutien – quel baume pour eux ! – et les agresseurs, dont l’un a déjà été interpellé, sont recherchés.

Ces deux épisodes sont caractéristiques d’une France dévoyée. La sécurité et le civisme sont au rancart, relégués, abandonnés. Il est impossible de demeurer indifférent face à ces scènes de la vie que j’ose qualifier d’ordinaire. 

Sans doute, magistrat, ai-je trop plaidé en faveur de l’état de droit quand la société le permettait encore. Aujourd’hui, le monde le rend vain, presque ridicule. C’est une abstraction sur des réalités épouvantables. Le débat ne peut se contenter de se situer au niveau de la lutte contre le terrorisme puisqu’en amont, la France n’est même pas capable d’assurer la sécurité ordinaire de ses citoyens et de ceux qui sont chargés d’y veiller, de faire respecter ses lois partout et tout le temps.

Il est insupportable que les délinquants gagnent à tout coup!

Qu’on me pardonne mais je devine par avance ce qu’on va me répliquer et qui ne doit plus avoir cours. Non, la société n’est pas coupable, non, la jeunesse n’est pas une catégorie d’âge qu’on doit mépriser à force de complaisance aveugle, non, les cités ne doivent pas être traitées à part, non, cela ne change rien qu’ils soient Français ou étrangers, en situation régulière ou illégale, non, Mediapart n’aura pas raison en affirmant que la police était coupable et les jeunes de Leurion des révoltés, non, il n’y a pas une fatalité de l’air du temps qui rendrait inefficace toute action, non, l’autorité de l’Etat n’est pas impossible à instaurer ou à restaurer, non, la France ne devrait pas être impuissante face à sa part dévoyée, non, l’humanisme n’est pas forcément une bénédiction octroyée à ceux qui le foulent aux pieds. 

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Ce qui a suscité mon exaspération est d’une part la honte que chacun de nous doit éprouver face à la lenteur faiblarde et vaudevillesque ayant tant bien que mal mis fin à la free party et d’autre part la certitude, si on demeure dans nos chemins usuels, d’un hiatus déprimant, infiniment long, mollement répressif (dans le meilleur des cas) entre ces réalités insupportables et leur traitement judiciaire. Mes mauvaises pensées se rapportent surtout à ce dernier point. Monte en moi une aspiration à l’ordre, une volonté de gestion expéditive, un désir de manu militari qui, pour Lieuron par exemple, n’auraient même pas nécessité cette multitude bureaucratique d’amendes mais l’expulsion immédiate de tous ces transgresseurs irresponsables et contents d’eux. J’entends bien que d’une certaine manière la France devrait s’inventer moins précautionneuse, plus ferme, plus assurée de son bon droit et de ses devoirs, plus réactive face à ce qui la trouble ou qu’elle attend (les vaccins), moins soucieuse des formes et des garanties qui au fond donnent bonne conscience à son impuissance.

La démocratie ne doit pas avoir peur de sa force

Il est insupportable que les délinquants gagnent à tout coup. Parce que nos réponses sont trop douces et limitées pour des malfaisances ne s’assignant aucune limite. Quand on aura appréhendé, si on y parvient, la plupart (tous, ce serait inconcevable !) des voyous d’Aulnay-sous-Bois, il y aura les dénégations, la mauvaise foi, les dissimulations à cause des difficultés de la preuve individuelle (au lieu de revenir au bon sens d’un collectif solidairement fautif), la lenteur des investigations, la phase judiciaire, le temps qui passera, un ou deux mis en cause, en définitive et au mieux, renvoyés devant le tribunal correctionnel, de faibles sanctions parce que l’effervescence indignée d’Aulnay en date du 3 janvier sera devenue une tiède et molle dénonciation, presque un oubli. Alors que ces délinquants, dans tous les cas, méritent autant d’énergie pour leur appréhension qu’on en met dans des affaires médiatiquement et politiquement signalées, un traitement urgent, non bureaucratique, des évidences de leur implication, un jugement à la hauteur de la gravité intrinsèque de ce qu’ils auront perpétré en bande et une exécution de leur peine jusqu’au terme avec moins de pleurs sur la prison que d’obsession de sauvegarder, grâce à elle, policiers, citoyens, honnêtes gens.

Rien n’est encore perdu. On peut toujours arracher l’humanisme des mains de ceux qu’il protège injustement, abusivement, pour en faire don à une démocratie métamorphosée qui n’aura plus peur de sa force puisqu’elle la saura légitime.

La trompette et le violon

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Ibrahim Maalouf en 2017 © DAVID NIVIERE/SIPA Numéro de reportage: 00792863_000003

« Je pense que Zhang Zhang oublie un peu trop vite d’où elle vient », a bassement asséné le trompettiste Ibrahim Maalouf à la violoniste Zhang Zhang, qui lui reprochait ses propos racialistes. Cette dernière n’apprécie pas les vues du Franco-libanais sur la composition ethnique des orchestres. Nous non plus. Analyse


Le trompettiste Ibrahim Maalouf n’a rien trouvé de mieux à faire que de reprocher à l’orchestre philharmonique de Vienne son « manque de diversité ethnique » tout en soulignant, délicieuse ironie, l’excellence de sa musique. On en conclut, bien sûr, que les Blancs n’ont pas besoin de la « diversité » pour atteindre l’excellence !

Et je ne le dis pas simplement pour tourner en dérision les propos d’Ibrahim Maalouf et les retourner contre lui. C’est probablement vraiment le cœur du problème à ses yeux, cet impensable qu’il ne supporte pas et que la réalité l’oblige à penser.

Je ne reviendrai pas sur le passé d’Ibrahim Maalouf, notamment judiciaire : ce n’est pas le sujet ici. Je veux rappeler, en revanche, ses propos odieux au sujet de Mila, lorsqu’il s’était permis de mettre un coup de gueule légitime contre l’homophobie d’une religion sur le même plan « immoral mais légal » (sic) que les pratiques sexuelles de Gabriel Matzneff ou l’exil fiscal. Relativisme sans vergogne et réécriture militante du réel (voir notre capture ci-dessous).

maalouf-milaL’idéologie diversitaire ne s’en prend qu’aux pays occidentaux

Voici donc Ibrahim Maalouf qui sur le réseau social Twitter réclame plus de « diversité » dans les orchestres classiques, à Vienne et en France bien sûr. N’espérez pas qu’il déplore le manque de Blancs ou d’Asiatiques dans les orchestres d’Afrique sub-saharienne ! Ceux qui célèbrent à longueur de temps la « diversité » ont beau dire qu’elle est une chance, on attend toujours qu’ils œuvrent aussi à faire bénéficier de cette chance les pays des peuples « racisés ».

Répondant aux critiques ayant suivi ce tweet, notre trompettiste pro-diversité mais anti-blasphème prétend simplement rêver « d’un orchestre classique avec des Français issus de toutes les origines » (sic). Mensonge, et mensonge révélateur !

Le message initial d’Ibrahim Maalouf n’était pas de souhaiter qu’il y ait un orchestre classique rassemblant des Français de toutes origines, mais de reprocher à un orchestre en particulier et aux orchestres classiques en général de ne pas tous se conformer à ce modèle de la « diversité ». Comme si ce modèle était obligatoire, ou devait le devenir.

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Et on le verra, il ne s’agit pas d’intégrer dans l’orchestre des musiciens quelles que soient leurs origines, pour ne pas se priver de leurs talents. 

La violoniste Zhang Zhang ne joue pas la même partition

Ibrahim Maalouf veut la « diversité » comme une fin en soi. Pourquoi ?

C’est ma foi fort simple. De même que le « progressisme » woke ne supporte pas le génie d’Homère parce qu’il lui renvoie en miroir sa propre médiocrité, il ne supporte pas de devoir constater que les Blancs n’ont pas besoin de la « diversité » pour exceller.

Contrairement à ce qu’affirme à longueur de temps l’idéologie décoloniale, les peuples occidentaux ne sont pas des êtres ontologiquement inférieurs qui ne pourraient trouver leur salut que dans l’Autre ou le Racisé. À ces militants qui font de leur couleur de peau l’alpha et l’oméga de leur être, le philharmonique de Vienne, tout comme Homère, tout comme les cathédrales gothiques, rappelle que ce à quoi ils s’identifient n’est nullement indispensable à la grandeur, et qu’il existe dans le monde bien des choses belles et bonnes qui se sont faites sans eux.

Alors Ibrahim Maalouf se plaint d’être attaqué par la « fachosphère ». Mais voilà un grain de sable dans son scénario. Sublime grain de sable : Zhang Zhang, premier violon à l’orchestre philharmonique de Monte-Carlo, très engagée dans des actions humanitaires à travers le monde, de l’Afghanistan aux Philippines en passant par le Congo et… Nice ! D’origine chinoise, comme son nom le laisse deviner, mais ce serait ne rien comprendre à ce qu’elle crée, à ce qu’elle défend ni à ce qu’elle est que de vouloir faire de ses origines une case qui l’enfermerait. Elle est intervenue dans le débat avec tact, expliquant simplement que le recrutement dans les orchestres symphoniques se fait par concours, et qu’un paravent sépare les candidats du jury, qui ne les voit donc pas et se contente de les écouter : seule la qualité de la musique détermine le choix des artistes, pas leur couleur de peau, leur sexe/genre, ni leurs origines ethniques. Magnifique exemple balayant toutes les discriminations !

Et Zhang Zhang poursuit en faisant l’éloge de ce langage d’harmonies capable de toucher et de rassembler les humains quelles que soient leurs origines. « Laissez l’art en dehors de vos manœuvres politiques sordides ! » s’exclame-t-elle. Elle dont la famille a souffert de la dictature communiste sait bien, hélas, la réalité des « révolutions culturelles » : « cancel culture » qui appauvrit l’écriture des idéogrammes pour rendre un peuple entier incapable de comprendre la magnificence de son passé, et on repense à cette école du Massachusetts qui censure Homère, ou aux gardes rouges voulant abattre la tombe de Confucius comme d’autres détruisent les statues de Colbert ou les vestiges de Palmyre…

L’Occident n’a pas à s’excuser des merveilles qu’il a offertes au monde

À court d’arguments, Ibrahim Maalouf s’en est finalement pris à Zhang Zhang de la même manière qu’il s’en était pris à Mila : bassement. Illustration parfaite, encore, du fait que les adeptes de la tyrannie des minorités ne supportent pas ce qui dépasse les étroites limites des groupes dans lesquelles ils se reconnaissent : l’universelle dignité humaine et l’élan vers la grandeur. Tout être humain les porte en lui, en deçà et au-delà de ses appartenances propres, dans ce qui lui est le plus intimement personnel, et qui simultanément le relie à tous ses semblables.

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En affirmant que les Blancs seraient ontologiquement inférieurs, les militants « woke » font ce qu’ont toujours fait les racistes, sexistes et autres abrutis du même ordre : ils rejettent ce qui fait l’universelle potentialité de splendeur et d’humanité de l’Homme, et se vautrent dans la fange.

N’en déplaise à ces fanatiques, une violoniste de talent qui a la sagesse d’affirmer que « les musiciens devraient servir la musique, tout en ne devenant jamais plus importants que la musique » n’a pas à s’excuser d’avoir eu le courage de faire de son expérience du déracinement une porte sur l’universel plutôt qu’un prétexte à l’égoïsme tribal. Et l’Occident n’a pas à s’excuser des beautés auxquelles il a donné et continue à donner naissance. Ses peuples n’ont pas à s’excuser des merveilles qu’ils ont offertes au monde, ils n’ont pas à feindre d’être devenus incapables d’exceller par eux-mêmes, ils n’ont pas à renoncer à leur pleine appartenance à l’humanité.

Un affreux «Bojo»

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© Soleil

Quel sera le rôle de Boris Johnson, le fougueux Premier ministre de Sa Majesté, à l’heure du Brexit? Petite mythologie du Royaume séparé mais pas encore désuni.


La scène se passe au sein de l’Union européenne, c’est-à-dire nulle part.
Dans la nuit du 31 décembre 2020, le Brexit est tombé sur le Royaume-Uni comme une hache. Et alors ?… Les Anglais sont plus forts quand ils se battent seuls. Contre le pape, Hitler ou Gandhi – ce « fakir », disait Chuchill. À Azincourt, Dunkerque ou Twickenham ! Contre toute l’Europe, si nécessaire. Against the odds, contre vents et marées.
C’est leur histoire.
L’Angleterre est une contrée humide et sauvage qu’habitent des guerriers, des commerçants, des jardiniers – splendides dans l’adversité, impassibles dans la défaite, féroces dans la rébellion. La bière y est plus noire et plus amère, l’herbe plus verte, les dimanches plus tristes, mais leurs cimetières de campagne (et leurs pubs) sont les plus gais du monde.
L’Angleterre est une île – la possibilité d’une île ! Car une nation, les Anglais le savent, c’est d’abord un espace mental – une idée avant d’être un peuple. De Gaulle le savait, le maréchal Göring et Jacques Delors l’ont appris à leurs dépens : l’Angleterre s’oppose, l’Angleterre résiste.
God save the Queen… Grrr !
L’Angleterre est une fiction, l’Europe aussi ; la seule différence, c’est que les Anglais croient à leur destin. Sans preuves, malgré les preuves, contre les preuves. On les soupçonne d’entendre une aberrante chanson douce dans les grelots d’un no deal que « les 27 » agitent avec effroi et de caresser encore leur vieux rêve impérial. Ne sont-ils pas les inventeurs du parapluie, du chemin de fer et de l’Habeas corpus ?
Quand les Français disent oui, les Anglais disent non.
Une si longue histoire depuis les hordes de Pictes, férus de guérilla sylvestre et collectionneurs de crânes, qui repoussèrent les légions romaines en l’an 43. Depuis Robin des Bois et Ivanhoé qui n’ont jamais existé. Depuis Cromwell, plus fou que Lénine, et Wellington qui ne quittait pas son châle et son ombrelle à cheval. Jusqu’à Churchill, un bouledogue, et Mme Thatcher, un oursin. Deux belles figures d’obstinés. Les gens de Bruxelles n’ont-ils pas lu cela dans les livres ?
Car les Anglais sont à la fois romantiques et matter-of-fact. Et ils ont toujours su comment transformer une île déserte en île au trésor, quoique privés de leur tasse de thé (et de la lecture du Times), en se souvenant de Long John Silver le pirate ou de Robinson Crusoé, avec un éventail et un perroquet sur l’épaule.
Au fond, c’est toujours le même refrain : « We shall defend our island whatever the cost may be. » Vraiment ? « Never give in, never, never, never ! » martelait Churchill sous les bombes. Comme ses prestigieux devanciers qu’il croit pouvoir imiter, « Bojo », le Premier ministre du gouvernement de Sa Majesté, se sent passionnément relié à ce grand récit national qui allie la hache et la rose, lions et licornes, conspiration des Poudres et prodiges d’archers, Blitz et tempêtes providentielles, princes noirs et reines vierges. Sa conviction : England can take it. Sa devise : Business as usual. Son mantra : Get Brexit done !
Aïe ! Le réel, c’est ça l’écueil. On a beau sauter sur sa chaise comme un cabri en répétant « Brexit ! Brexit ! Brexit ! », personne ne sait exactement ce que cela veut dire. Est-ce une saignée salutaire – un désastre ou une aubaine ? Est-ce « l’enfant monstrueux du thatchérisme et du mécontentement populaire », comme le dit Andrew Adonis, un ancien ministre de Tony Blair ? Non, pour « Bojo », c’est un acte de souveraineté reconquise. Il veut le croire, et il le croit, lui qui n’y croyait pas parce qu’il ne croit à rien.
Cela permet par exemple de vacciner la population contre le Covid avant tout le monde en Europe. Well done ! Et tant pis pour les embouteillages de poids lourds à la frontière de Calais, la fin de la libre circulation des personnes et des biens, les querelles entre Irlandais et tous les petits désagréments subsidiaires qui s’ensuivent.
« Bojo » a décidé que grâce à lui, ce serait une « chance » pour l’Angleterre. Après sa première entrevue avec la reine, à Buckingham Palace, celle-ci aurait murmuré : « I don’t see why anyone would want the job. » Façon de dire : « Vous ne seriez pas un peu opportuniste, jeune homme ? »
L’est-il ? Oui, il s’en cache à peine, il n’a rien d’un visionnaire. Mais que veut-il ? Ambitieux et fantasque, provocant et blagueur, parfaitement sincère dans ses préjugés de caste (hérités d’Eton et Bailliol College) et tout aussi désinvolte dans ses revirements, Boris est celui qu’on préfère haïr ou adorer ; il fait de son mieux pour cela, il se croit tout permis, et il s’en amuse.
Un dangereux optimiste ou un démagogue ? Il s’engage d’instinct, sans précaution, par une poussée de tout son être plutôt que par fidélité à un idéal. Il a ce don – même Macron le reconnaît – de susciter autour de sa personne une sorte de chaleur spontanée et comique. Il pète le feu, il parade, il brille mais est-il sérieux ? Aux yeux de ses adversaires, c’est un funambule, un plaisantin, mais ses amis, hélas, pensent la même chose !
Jusqu’ici, sa carrière ressemblait à une préface un peu illisible et bâclée, mais préface à quoi ? On devine déjà un peu de mélancolie sous son air las – et une candeur brutale qui sous sa mauvaise foi le retient d’être entièrement cynique. Avec sa tête de mauvais ange et son crâne de poussin ébouriffé, Bojo est devenu une sorte de joker, mais qui sera-t-il devant la postérité : un nouveau William Pitt, le Patriote qui résista au blocus de Napoléon, ou bien l’affreux « Bojo » qui se croyait le fils d’Ivanhoé et ne fut que le fou mal-aimé d’une vieille reine ? Un protecteur ou un cascadeur ? Un sauveur ou un entrepreneur de pompes funèbres ?
Son rêve, ce serait de s’entendre dire devant une foule en liesse : « Britain is great again ! » comme « Maggie » après la victoire des Malouines. Son programme ? C’est plus flou. Il y a juste une chose que « Bojo » doit apprendre : les Anglais sont le seul peuple de la terre auquel il ne faut pas mentir. Well, good luck Mr Punch !

Covid: et si le recours aux militaires était la solution aux cafouillages technocratiques?

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Armée italienne à Rome, décembre 2020 © Luigi Mistrulli/IPA/SIPA Numéro de reportage : 00997551_000010

La campagne de vaccination peine à démarrer dans l’hexagone


Depuis un an, on ne cesse de s’interroger, de se lamenter, de s’insurger, de se désespérer face à l’incurie, l’impéritie, l’imprévision ou l’irresponsabilité de l’exécutif dans la crise sanitaire. Après le scandale des masques et l’échec de la stratégie des tests, voilà que menace le fiasco des vaccins. On a critiqué à juste titre l’approche technocratique, la morgue et le mépris du pouvoir à l’égard des citoyens et de la représentation nationale. Mais, malgré les rodomontades présidentielles sur « la guerre contre le virus » et la mise en place d’un « conseil de défense sanitaire », on semble avoir oublié un acteur essentiel en temps de crise majeure et surtout en situation de guerre : nos forces armées. Car en matière de logistique notamment, les militaires sont entraînés à réagir en urgence sur divers terrains d’intervention. 

Le fiasco de la vaccination par étapes

Car il y a bien urgence sur tous les fronts de la pandémie. Il y a toujours urgence à prescrire précocement antibiotiques et stimulateurs des défenses naturelles pour tenter de minimiser les effets de la maladie à ses débuts et éviter ainsi l’hospitalisation. Pourtant, même si cela ne fait plus polémique, les autorités sanitaires persistent à refuser ces types de traitements empiriques alors qu’en milieux hospitaliers des progrès ont été faits grâce aux acquis de l’expérience tâtonnante. Et désormais il y a urgence à vacciner le plus grand nombre possible de personnes pour tendre le plus tôt possible à un certain niveau d’immunité collective permettant de freiner à la fois la propagation du virus et la multiplication de ses mutations. Pourtant, le gouvernement a préféré imaginer une programmation de la vaccination par étapes et en faisant abstraction du facteur temps, plutôt que de mettre en œuvre une logistique de campagne permettant de donner rapidement accès au vaccin à la partie de la population désireuse d’en bénéficier.

Plutôt que d’agir de façon chaotique et calamiteuse en naviguant à vue, pourquoi ne pas confier aux Forces armées des missions qu’elles sont en mesure de mener à bien?

Mais tout au long de cette période épidémique, le gouvernement a multiplié les nouvelles instances et conçu des plans d’action à partir de modélisations abstraites.  Cette stratégie s’est révélée systématiquement erronée. Les organismes créés se sont avérés soit tyranniques, exacerbant colères et états dépressifs dans la population, soit inefficaces ou mort-nés, augmentant le trouble et le scepticisme et partant alimentant la tendance complotiste. Avec le Comité scientifique en premier lieu, érigé en père fouettard, le gouvernement a oscillé entre retranchement derrière l’autorité médicale pour imposer des mesures parfois excessives, et refus par démagogie, de certaines autres mesures préconisées, en prenant de graves risques. Puis le « CARE », Comité Analyse Recherche et Expertise, plus spécifiquement consacré « aux diagnostics et aux traitements », instauré quelques temps après le Conseil scientifique pour venir « en appui » de celui-ci, a pour sa part, disparu semble-t-il, sans laisser de trace. 

L’ANRS et de REACTing fusionnent

Aucune instance n’a donc donné d’éclaircissements satisfaisants ni à propos des évaluations de médicaments existants sur le marché, ni eu égard à l’efficacité comparée des différents tests et de leurs usages potentiels. Silence sur l’arrêt de l’essai européen « Discovery » et pas davantage d’information sur l’essai Solidarity évaluant quatre traitements dont le remdésivir et l’hydroxychloroquine, selon des protocoles d’administration discutables. Encore moins de commentaires sur la panique conduisant à interdire l’hydroxychloroquine et l’erreur symétrique de l’achat massif précipité de remdésivir. Quant aux tests salivaires, ils sont totalement ignorés alors qu’ils auraient à peu près le même niveau de fiabilité que les tests par écouvillonnage rhinopharyngé (relativement douloureux et nécessitant du personnel spécialisé pour le prélèvement). Cela est d’autant plus incompréhensible que différents tests salivaires sont déjà utilisés avec succès dans une vingtaine de pays (dont la Belgique, le Canada et les États-Unis) et que « EasyCov » conçu avec des chercheurs du CNRS de Montpellier, est un test salivaire français éprouvé. 

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Enfin, quant aux organismes censés réagir aux urgences sanitaires, la logique bureaucratique a encore sévi. La « task force » de l’INSERM, REACTting (REsearch and ACTion targeting emerging infectious diseases) « rassemblant des équipes et laboratoires d’excellence, afin de préparer et coordonner la recherche pour faire face aux crises sanitaires liées aux maladies infectieuses émergentes » n’a guère brillé ces derniers mois. Au demeurant, sa fusion hâtive et brutale le 1er janvier avec une agence qui elle, a pendant une trentaine d’années fait ses preuves dans son domaine, n’est guère rassurante. En effet, tandis que l’ANRS (Agence nationale de recherche sur le Sida, les hépatites et les IST) a été performante et novatrice tant du point de vue de l’articulation avec les associations de patients qu’au niveau de la coopération internationale, la nouvelle structure qui l’a absorbée (en écartant d’ailleurs absurdement du nouvel organigramme l’ancien directeur) devra désormais partager avec l’ensemble des recherches sur toutes les autres maladies infectieuses émergentes, un budget globalement réduit et dont la pérennité n’est pas assurée.

La compétence militaire écartée

Cette « fusion-réduction » pourrait-on dire, laisse donc présager hélas, d’aussi mauvais résultats que la fusion de même type réalisée en 2015 entre l’Institut de veille sanitaire et l’EPRUS.  L’agence « Santé Publique France », née de cette fusion, n’a pas été depuis lors des plus compétentes en effet, dans la gestion des stocks de matériel médical (en particulier des masques…) ou des dispositifs de testing, et maintenant de la vaccination. Or une des causes de cette perte de compétence et d’efficacité se trouve sans doute dans le renoncement à la ressource des forces armées nationales. L’EPRUS (Etablissement de Préparation et de Réponse aux Urgences sanitaires) créé en 2007 et qui assura jusqu’en 2014 « la gestion des moyens de lutte contre les menaces sanitaires graves tant du point de vue humain (réserve sanitaire) que du point de vue matériel (produits de service) », en France et à l’étranger, tout en étant sous la tutelle du ministère de la Santé, était articulé étroitement au ministère de la Défense. Lors de missions menées en Afrique notamment, la collaboration civils/militaires s’était d’ailleurs montrée très efficace à plusieurs reprises.

Alors, dans la crise sanitaire actuelle de la covid, pourquoi ne pas avoir fait appel au personnel et à l’expérience logistique de nos militaires ? Nos voisins en Allemagne, n’utilisent-ils pas l’Armée pour organiser la vaccination de masse ? Plutôt que d’agir de façon chaotique et calamiteuse en naviguant à vue en fonction de l’opinion publique, pourquoi ne pas confier aux Forces armées des missions qu’elles sont en mesure de mener à bien ? Mais sans doute notre gouvernement d’experts qui refuse d’entendre notamment les élus locaux, se considère-t-il supérieur à tous dans tous les domaines, y compris aux militaires dans leur champ de compétence…