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Génération Covid: la jeunesse sacrifiée

Une tribune libre de Jordan Bardella


Génération Covid: la jeunesse sacrifiée
Jordan Bardella, Paris, La Palmeraie, mai 2019 Photo: Thibault Camus / SIPA AP22340015_000071

Une tribune libre de Jordan Bardella, vice-président du Rassemblement national et député français au Parlement européen.


Lorsqu’Emmanuel Macron a déclaré en octobre qu’il était « dur d’avoir vingt ans » en 2020, les réactions n’ont pas manqué, souvent moqueuses, répondant qu’avoir vingt ans en 1914 était une autre paire de manches. À l’évidence, la jeunesse française n’est pas sommée de monter au front, mais cette comparaison est malvenue et interdit de saisir toutes les formes de détresse qui s’accumulent gravement au sein de cette « génération Covid ».

C’est certes le lot de toute la population que d’être soumise aux mesures et aux contraintes motivées par le contexte sanitaire et que l’accoutumance nous ferait presque considérer comme « normales » si l’on n’y prenait garde. Pourtant, la jeunesse mérite une attention toute particulière. Elle que l’on sait être très largement protégée des formes graves du virus prend de plein fouet les dommages collatéraux économiques, sociaux, psychologiques et, disons-le, anthropologiques de l’épidémie.

Quelles perspectives pour l’apprenti en filière professionnelle qui espérait décrocher rapidement son premier CDI, mais qui voit les entreprises plus frileuses que jamais à l’idée d’embaucher ? Alors que les bars et restaurants ne rouvriront finalement pas fin janvier, que devient l’étudiante qui ne parvenait à financer ses études et payer son loyer qu’à l’aide de son emploi dans la restauration, et désormais obligée de demander l’aide des Restos du Cœur ? Quelles possibilités de rebond pour ce jeune indépendant qui venait fièrement de « se lancer » et qui restera des années durant dépendant d’aides de l’État ?

Il y a ces tristes réalités matérielles, qui viennent d’ailleurs se superposer à un phénomène déjà installé de chômage de masse et de précarité tous azimuts. Il y a aussi une détresse psychologique qui s’est aggravée et dont on ne mesure certainement pas encore le caractère inédit. L’étudiant du supérieur, à peine diplômé du Baccalauréat, censé vivre « les plus belles années de la vie », est bien souvent claquemuré dans ses neufs mètres carrés, obligé de vivre sa « vie étudiante » par procuration et n’aura siégé dans les amphithéâtres que le temps d’un examen.

Les chiffres sont là, inquiétants : selon un sondage Odoxa-Dentsu, c’est pour les 15-30 que le second confinement et les mesures qui l’accompagnent ont été le plus dur à vivre. L’enquête nationale réalisée par l’Observatoire de la vie étudiante montre que la moitié des étudiants ont déjà souffert de solitude ou d’isolement au cours du premier confinement. Si l’état psychologique des Français dans leur ensemble s’est considérablement aggravé, la situation de cette jeunesse qui sera la France de demain doit nous préoccuper au plus haut point.

Car au-delà des réalités matérielles, c’est une vie sociale minimale qui est imposée, régulée, administrée, et qu’a si bien incarné l’attestation. C’est la « vie nue », la vie réduite aux seuls besoins élémentaires – et encore. Une jeunesse qu’on dévitalise, privée d’accès au sport et dépouillée de toute sociabilité nocturne si indispensable quoique l’on puisse parfois penser de certaines dérives « festivistes ».

Comme si ce n’était pas suffisant, on n’en finit plus d’assommer de culpabilité la jeunesse française, elle qui est déjà partout sommée de « sauver la planète ». Au nom d’un détournement du principe de précaution appliqué à la santé, on affirme que chacun de ses faits et gestes décidera de la survie ou de la mort des plus fragiles. Une pression insupportable pour des jeunes générations qui ont le sentiment de sacrifier leurs belles années tandis que les générations plus âgées ont fait de « jouissez jeunesse » le credo de leur vie.

Cette crise multiple vient renforcer une leçon philosophique dont l’évidence nous avait peut-être échappé avant ces confinements et couvre-feu successifs : l’homme est et reste un animal social, qui peut bien supporter quelques « distanciations » lorsqu’elles sont temporaires et qu’il peut les anticiper, mais qui est incapable de vivre durablement à distance et en « télé-réalité ».

Nous aurons des obligations à l’endroit de la jeunesse française. La sortie de crise sanitaire actée, et même dès aujourd’hui, c’est une politique sur le qui-vive social qu’elle sera en droit d’exiger. Il faudra se libérer des injonctions supranationales à la rigueur qui ne manqueront pas de tomber et qui conditionneront d’ailleurs peut-être le si vanté plan de relance européen. Aussi, faire renouer cette jeunesse avec la confiance en l’avenir passera par la proposition d’une vision de long terme : projeter la France dans les grands défis technologiques et industriels de demain, qui seront les pourvoyeurs des emplois dont elle aura besoin. Tout devra par ailleurs être mis en œuvre pour que la jeunesse française ne se retrouve plus en proie à une insécurité physique et culturelle grandissante qui assombrit d’autant plus son horizon. Sortons de cette épreuve en étant persuadés que l’on juge l’avenir d’une nation au sort que l’on réserve à ses forces vives.



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