Finalement, l’animateur veut bien la recevoir, mais par l’entrée de service
Samuel Étienne anime depuis des années Questions pour un Champion. Il doit sa notoriété au succès de cette émission. Comme c’est un cumulard il officie aussi sur Twitch, un truc qui cible les jeunes[tooltips content= »Twitch est une plate-forme collaborative américaine qui permet de regarder des vidéos, essentiellement de gens appréciant les jeux vidéo NDLR »](1)[/tooltips].
Pas de witch sur Twitch!
Là il reçoit tout le monde. C’est-à-dire n’importe qui : François Hollande, Jean Castex… Et pas Marine Le Pen. Pas de witch sur Twitch! Car, a dit Samuel Etienne, la présidente du Rassemblement national a un problème avec la République. La République, on le sait, est bonne fille.
On peut faire avec elle ce qu’on veut. Et surtout lui faire dire ce qu’on veut. Ainsi la République a appris avec effroi que Marine Le Pen obtiendrait, selon les sondages, 48% des voix au second tour des présidentielles 2022.
Bouleversée et émue, elle tremble, vacille. Heureusement que Samuel Étienne est là pour l’aider à surmonter cette terrible épreuve. Donc pas de Marine Le Pen sur Twitch ? Pas si simple.
Un tollé
Face au tollé soulevé par son refus, Samuel Étienne s’est gratté la tête. Et surmontant ses délicates pudeurs, il a fait savoir qu’il était prêt à accueillir Marine Le Pen. Mais à ses conditions. Les voici.
L’émission de Samuel Étienne a habituellement lieu à son domicile. Pas question que la présidente du Rassemblement national y mette les pieds. « Ici c’est chez moi, c’est mon foyer » a-t-il dit. Et dans son foyer douillet n’entre pas qui veut.
Imaginons Marine Le Pen au domicile de Samuel Étienne. Elle pourrait renverser un guéridon, casser la porcelaine et salir le plancher. C’est pourquoi si émission avec Marine Le Pen il y a, elle se fera ailleurs que chez Samuel Étienne.
À l’heure qu’il est nous ignorons la réponse de Marine Le Pen à l’invitation très condescendante et méprisante de l’animateur de France 3. La dignité voudrait qu’elle refuse…
Avec la fermeture prochaine de quatre librairies Gibert Jeune de la place Saint-Michel, le quartier latin perd tout son suc.
Soyons lucides ! Ce n’est pas une nouvelle étonnante, plutôt la conséquence logique d’une déconstruction en marche. Ne faisons pas comme si le livre soutenait encore Saint-Germain-des-Prés et les écrivains guidaient les peuples opprimés. Il y a bien longtemps que le folklore d’Après-guerre a tiré son rideau de fer. Les zazous n’ont plus les moyens de vivre ici-bas, même les caves s’échangent à prix d’or. L’Odéon est occupé et les quais de Seine sont aujourd’hui surveillés. La liberté se vend à tempérament durant les crises sanitaires. Sartre s’affiche en magnets sur les frigos des étudiants et Simone sur les tee-shirts des mères de famille divorcées. Le deuxième sexe s’habille en « No Bra ». La bohème se recycle désormais dans les boutiques de luxe. Le prêt-à-porter a raflé les meilleurs emplacements de la rive gauche. Le quartier latin ne recueille plus comme autrefois les auteurs fauchés, les dissidents pourchassés et les lecteurs du soir.
Thomas Morales
Disparition du papier imprimé
Cioran et Cossery se sont exilés dans les bibliothèques du Morvan et du Berry. La campagne française est le dernier refuge des réfractaires. Elle traite les moralistes avec plus d’égard et moins de démagogie. La disparition du papier imprimé au cœur des villes est un processus qui ne date pas d’hier. Flambées immobilières, tourisme mortifère et marchandisation à outrance du trottoir ont « assaini » le pavé parisien. Les affairistes n’ont que faire du désespoir des petits ou gros bouquinistes. Ce coin de Paris devenu l’eldorado des fripiers ne supporte plus la vision des livres d’occasion. Les boîtes sont une verrue du passé qu’il faut brûler. J’ai passé ma jeunesse la tête enfouie dans les caisses (à l’air libre), de Saint-Michel jusqu’au quai de la Tournelle. Cette fermeture prochaine allonge la liste de nos doléances urbaines. Où allons-nous donc pouvoir errer dorénavant ? Vous nous enlevez progressivement nos derniers lieux de promenade, quasi-gratuits et nostalgiques, capharnaüm de notre mémoire. Les déclassés de notre espèce pouvaient encore y chercher un substrat d’humanité.
Cette sociabilité et mixité dont vous nous abreuvez les oreilles s’exprimaient dans ces magasins culturels bon marché. Après les zincs fermés, vous vous attaquez à ce qui constituait notre patrimoine vivant. Il était fragile, mal en point, désordonné mais incarnait la dignité des beaux arrondissements. Les restes d’un monde qui ne plient pas totalement sous la mitraille financière. Vous allez détruire nos souvenirs et nos escapades pour quoi en fait ? Des objets éphémères, babioles et vêtements fabriqués dans la misère des terres lointaines, expressions de notre propre déclin. Car pour les citadins désœuvrés, point de chemins de halage à l’horizon ou de falaises de craie ou de futaies à découvrir en famille le week-end, nos promenades nous emmenaient seulement dans les rayonnages de Gibert et leurs « rabicoins » comme l’on dit dans ma province rurale. Chaque excursion dans ces librairies nous apportait son lot de surprises à prix réduit. Hier encore, j’arpentais le vaisseau amiral Gibert Joseph du boulevard, ma gymnastique sportive et intellectuelle de la semaine qui n’est pas encore interdite. Chez Gibert, je l’ai déjà écrit dans Causeur, c’est le livre qui choisit son lecteur. On furète sans idées préconçues, sans schémas bien établis, tout le contraire de notre société du prêt-à-penser, du kit prêt-à-l’emploi. Depuis vingt-cinq ans, je n’ai jamais été déçu. J’ai toujours ramené de ces expéditions livresques, des drôleries qui permettent de repousser la mort. Le livre n’a pas d’autre objectif que reculer le temps et mettre à distance les cons.
Pascal Sevran, Mario Soldati, Roger Martin du Gard…
Pour une poignée d’euros, je suis reparti, ce jour-là, le sac rempli de bizarreries. J’ai fait la razzia de tous les Pascal Sevran au format poche, son journal en plusieurs exemplaires et son Passé supplémentaire, Prix Nimier 1979. Me rappelant la formule du critique esthète Bernard Morlino dans Lire : « Sevran était écrivain avant d’être célèbre. Son style a l’éclat d’un pur-sang ». Après le rayon français, je me suis aventuré chez les « Italiens » et n’ai pu résister à un Mario Soldati qui manquait à ma collection, surtout pour la belle couverture illustrée du regretté Pierre Le-Tan. J’ai terminé mon errance dans la pièce réservée aux « vieux livres », emportant avec moi, la Correspondance Jacques Copeau et Roger Martin du Gard en deux tomes non massicotés couvrant la période 1913-1949. Entre nous, dans quel autre lieu à Paris, pouvons-nous effectuer un tel voyage ?
Dans le récit que Florence Porcel fait de son viol par PPDA, on pourrait presque voir du consentement. Elle s’en explique en évoquant un cocktail qui est la recette de toutes les relations sentimentales. La formule aurait peut-être inspiré une fable à La Fontaine.
C’est par la radio qu’un matin, à la table du petit déjeuner, j’ai appris que PPDA était accusé de viol. Je ne sais plus par quelle station, je change souvent, pour fuir les publicités sur les chaînes commerciales, et pour ne pas entendre Askolovitch essayer de nous apitoyer sur le sort des minorités musulmanes opprimées ou Charline Vanhoenacker brailler sur le service public. Je n’ai pas été plus surpris que ça. Je ne connaissais rien de ses manières, mais je me suis fait à la tendance de l’époque et je me suis dit, en pensant à la loi des séries : « Tiens, encore une vedette violeuse ! »
J’ai tendu l’oreille pour ne louper aucun détail croustillant de cette nouvelle affaire, mais ce n’était pas une bonne idée. La main de PPDA dans la culotte de Porcel (c’est le nom de la plaignante) m’aurait sûrement excité en fin de soirée mais de bon matin, bof. Lorsque j’entendis parler de « fellation non protégée », je ne fus pas plus émoustillé que ça non plus et pour tout dire un peu surpris. « Non protégée » ? Il y a donc des gens qui pratiquent des fellations protégées ? Qui sucent du caoutchouc ? Berk ! Et quand ils se branlent, ils mettent un gant Mappa ?
Des sentiments amoureux créés artificiellement par « l’emprise »
Voici donc ce qui me traversait l’esprit tandis que je priais ma femme de me passer le beurre et que je haussais le ton pour que mon fils revienne finir son « Candy’Up » et son « Pick Up ! » ! Je venais déjà de le lui demander, mais comme j’avais dit « chocolat au lait » et « biscuit », il n’avait pas compris. Voilà où j’en étais donc, redoublant d’imagination pour voir un peu d’érotisme dans le drame que cette innocente vierge avait vécu avec Patrick Poivre « prédateur » d’Arvor lorsque je fus stoppé net dans mes fantasmes par une formule du journaliste qui résumait les sentiments de la fille dans son aventure, requalifiée en viol, avec la bête médiatique : « Un mélange de déni, de colère et de sentiment amoureux. »
J’en restai perplexe. Pour en savoir plus, je suis descendu chercher Le Parisien dans lequel j’ai trouvé ce récit de leur première rencontre (en 2004) selon la version de la jeune femme : « Tout à coup, il ferme la porte, lui propose un verre d’alcool avant de l’agresser sexuellement en l’embrassant puis en introduisant sa main dans sa culotte. Les faits se seraient déroulés rapidement, sans signe annonciateur. La jeune étudiante, tétanisée par la tournure de la situation, se met alors à exécuter mécaniquement ses demandes, comme se déshabiller… Florence Porcel affirme n’être pas parvenue à s’enfuir sous l’effet de la surprise et de la sidération, mais soutient que sa panique était parfaitement perceptible et qu’elle a émis des cris de douleur. »
J’ai marqué le passage sur le journal pour le retrouver le soir et j’ai continué à chercher les trois mots qui excitaient ma curiosité : « le déni », « la colère » et « le sentiment amoureux ». J’ai fini par les trouver. « Elle décrit un mécanisme d’emprise psychologique, […] un système de déni né de l’admiration qu’elle avait pour l’homme célèbre, puissant et bien plus âgé, et son désir de percer dans le monde littéraire. L’aura de cet homme et son inexpérience sentimentale auraient même déclenché chez elle des sentiments amoureux qu’elle juge aujourd’hui créés artificiellement par cette emprise. Partagée entre la colère et la passion, elle admet avoir continué à lui écrire après l’agression présumée, y compris pour des échanges à caractère érotique. »
Un fait divers qui aurait inspiré La Fontaine
Le déni, la colère et le sentiment amoureux. La formule était là, éparpillée dans le texte. Elle sonnait bien. Elle aurait sûrement inspiré une fable à La Fontaine. J’en inventai une et j’imaginai mon fils, debout dans le salon, se dandinant et se tenant les mains, déclamer avec sa voix de garçon de cinq ans : « Le Déni, la colère et le sentiment amoureux », de Jean de La Fontaine.
Une pauvre biquette, vingt et un ans passés,
Qu’Apollon et Vénus n’avaient pas visitée,
Adulait un vieil étalon :
Un cheval de retour, beau parleur, bien en vue,
Mais de lourde réputation.
Elle vient à lui, sans souci du qu’en-dira-t-on.
Il lui parle de sa croupe, elle croit qu’elle est aimée.
À ses côtés, de gloire elle est auréolée.
Il la prend sans détour, lui dit : « c’est ça l’amour. »
Le temps passe, les temps changent,
L’ingénue dessalée veut se faire dépoivrer,
Elle trouve une vieille recette :
La chèvre écrit sur tous les toits qu’elle a été violée.
À son procès la meute interroge l’accusé :
« Mais quand elle disait “oui”, que n’entendiez-vous “non” !
À l’abattoir ! Et aux enfers ! »
Le coureur déconfit fut changé en démon.
Mon fils ne nous a jamais récité La Fontaine. À l’école, en dernière année de maternelle, il a appris de quoi nous donner des leçons sur les gestes barrières, les accidents domestiques, le tri des déchets, le réchauffement de la planète et même les stéréotypes sexistes, mais il n’a rapporté ni corbeau, ni renard, ni cyclope, ni cheval ailé, ni Achille, ni Esther, ni Roland, ni Bayard, ni Sophie, ni Robinson, ni Bécassine, ni Fantômette, ni Delphine, ni Marinette. Sans les livres que sa mère lui lit, il penserait que nous sommes tombés de la dernière pluie et que nous avons de la chance de vivre à l’époque du récupérateur d’eau.
Mais mon imagination s’essouffla vite à essayer de suivre les pas du maître et les trois mots m’inspirèrent une autre idée. En repensant à ma vie sentimentalo-sexuelle, je ne trouvais aucune romance qui ne fût faite de déni, de colère et de sentiment amoureux. Les femmes dans ma vie ont toujours vécu le début de nos histoires dans le déni de toute réalité contrariante, puis ont connu la colère d’avoir été aveuglées par leurs sentiments amoureux. Et j’apprenais à la radio que ces trois berceaux de mes amours d’antan étaient devenus les nouveaux cadres d’un viol rétroactif. Je me réjouis alors de n’être pas célèbre et de n’avoir jamais vraiment fâché personne.
Une tribune du sociologue Tarik Yildiz, auteur notamment de De la fatigue d’être soi au prêt-à-croire. Lutter contre la délinquance pour combattre le radicalisme islamiste, Editions du Puits de Roulle, 2020.
Le 24 février dernier, un sondage[tooltips content= »Odoxa-Backbone Consulting pour France Info et Le Figaro« ](1)[/tooltips] révélait que près de sept Français sur 10 estiment qu’il existe un problème « d’islamo-gauchisme » en France. La définition retenue du concept controversé évoque une complaisance avec l’islamisme radical de personnalités ou de partis politiques de gauche, voire leur refus de prendre des positions fermes contre, par souci de ne pas « stigmatiser les musulmans ».
La nation doit réaffirmer une vision politique partagée pour dépasser les assignations identitaires
Si des réserves méthodologiques s’imposent à l’analyse de ces résultats, ils traduisent manifestement une crainte d’une partie non négligeable de notre société quant à l’influence de « l’islamisme radical ». Ce sondage illustre que les polémiques autour de ce débat ne sont pas de simples phénomènes médiatiques: certains courants idéologiques sont perçus comme menaçant l’intégrité et la cohésion du pays.
Le développement d’une contre-société
Au-delà du caractère imprécis de l’expression – souvent pointé du doigt par des individus usant eux-mêmes de concepts tout aussi imprécis durant de nombreuses années (« ultra-conservateurs, « néo réactionnaires », « souveraino-populistes »…)- l’exécutif est légitime à tenter de répondre aux peurs de ses citoyens. Les inquiétudes sont liées non seulement à la nature de l’idéologie, mais aussi à ce qu’elle suscite dans une partie de la population, qui perçoit le développement d’une contre-société. L’islamisme radical ne représente pas uniquement une manière de pratiquer la religion ou de concevoir le monde, il est le symbole de la puissance du dépassement de l’individualisme par un idéal plus large. Comme l’exprimait Karl Marx il y a près de deux siècles, « la religion est le soupir de la créature opprimée, l’âme d’un monde sans cœur, comme elle est l’esprit de conditions sociales d’où l’esprit est exclu ». Avant d’indiquer que la religion est l’opium du peuple, Marx décrit la puissance d’une certaine forme du religieux, expérience collective qui a longtemps régressé dans les pays les plus développés où l’on observe une individualisation des croyances.
Les trajectoires d’individus qui se radicalisent sont significatives: cette forme de religion globalisante leur permet de rompre avec une société de la liberté individuelle. Elle constitue un prêt-à-croire répondant à l’ensemble des questions qu’un individu peut se poser, y compris les plus anecdotiques (est-il licite de consommer du fromage « Caprice des Dieux » étant donné le pluriel au mot Dieu ?) tout en fixant un horizon dépassant l’individualisme des sociétés de consommation.
La nation pour dépasser les assignations identitaires
Certains courants politiques ont voulu voir, chez les musulmans, les nouveaux damnés de la terre. Ils ont eu l’heur d’observer, avec une forme de fascination, le sacrifice de soi des éléments les plus radicaux, allant jusqu’à le confondre avec l’héroïsme révolutionnaire sublimé par certains mouvements d’extrême-gauche. Et l’objet de cette attirance semble avoir toujours su se renouveler, depuis plus de 40 ans et l’enthousiasme fondateur suscité par l’exilé de Neauphle-le-Château[tooltips content= »L’ayatollah Khomeini se réfugie dans cette commune des Yvelines en 1978 NDLR »](2)[/tooltips].
Du droit à la différence, ils sont passés à l’exaltation de cette dernière, se sentant valorisés par cette posture si bien décrite par Jean-Paul Sartre dans Les Mots, lorsqu’il évoquait l’amour de son grand-père: « Il adorait en moi sa générosité ». Ils adorent, chez les musulmans, leur propre défense des opprimés supposés.
Cette assignation des musulmans à un rôle de victimes perpétuelles menace le socle de la vision politique de notre nation à laquelle une grande partie de la société est attachée comme démontré dans l’étude La France des valeurs (sous la direction de P. Bréchon, PUG, 2019).
Au-delà des débats autour du monde de la recherche auquel il convient de garantir une totale liberté, le rôle de l’exécutif pourrait être de réaffirmer la vision politique de la Nation partagée par un grand nombre de citoyens : combattre les idéologies imposant des identités et juger chacun par rapport à ses actes.
Sous la plume du journaliste Christopher Caldwell, le New York Times vient d’offrir une fine analyse du déclin du monde intellectuel français, longtemps dominé par la gauche.
Un récent article du New York Times sur les intellectuels français, espèce en voie de disparition, m’a donné à réfléchir sur la cause de cette raréfaction des pandas des têtes pensantes.
Je suis assez vieux pour avoir connu, et parfois personnellement, des « intellectuels de gauche » à l’époque où ces mots semblaient quasi pléonastiques. Sartre, Beauvoir, Camus, puis Deleuze, Foucault (Michel, pas Jean-Pierre), Barthes, Bourdieu et Jean Oublie — célèbre intellectuel auquel on doit l’invention de l’eau tiède et du prêt-à-penser à l’usage de BFM et C9.
À noter qu’il n’y avait pas qu’en France que l’heure était aux intellectuels. Umberto Eco ou Noam Chomsky sont deux beaux exemples de cette vague née dans les années 1900-1930 qui domina le monde intelligent à partir de 1950.
Que l’on soit d’accord (surtout a posteriori) avec l’un ou l’autre ne change rien au fait que c’étaient, les uns et les autres, de brillantes intelligences.
L’heure est grave. Christopher Caldwell, auteur de l’article part de l’arrêt programmé de la revue Le Débat, annoncé au début de l’automne. Pierre Nora, son animateur, a reconnu avoir perdu la bataille contre ce qui se présente aujourd’hui comme la vitrine de la France qui pense, la gauche « intersectionnelle » où l’appartenance à une « communauté », la couleur de peau, le sexe, surtout s’il est indécis ou multiple, l’origine ethnique, sont gages d’une pensée originale. Ou, si l’on préfère, la Bêtise a gagné.
Une preuve ? Une polémique avait été lancée par deux « intellectuels » nouvelle mouture, Edouard Louis et Geoffroy de Lagasnerie, contestant la présence de Marcel Gauchet (Trop vieux ! Trop intelligent ! Trop à droite !) aux Rendez-vous de l’Histoire de Blois en 2014. Gauchet depuis cette date se cantonne à produire des articles lumineux dans des médias qui ne sont pas Têtu ou Causette — pas même Télérama, cet Annapurna de l’intellect contemporain. Et Nora a fermé le Débat.
Les intellos ont abandonné le peuple pour les minorités
« Intellectuel » existe depuis lurette, mais le terme s’est imposé dans l’espace français avec l’Affaire Dreyfus. Et en mauvaise part : il s’agissait pour les anti-dreyfusards de stigmatiser les amis de Zola, bande de scientistes et d’écrivains probablement enjuivés — d’autant qu’il existait une pensée intellectuelle juive (mais non religieuse) depuis au moins le milieu du XIXe siècle.
Les voyous qui aujourd’hui crânent dans les salles de classe, et qui par parenthèse font de l’antisémitisme l’un de leurs chevaux de bataille, ont retrouvé cette valeur péjorative en taxant d’« intellos » ceux de leurs camarades qui lisent, ne communient pas dans l’amour désespéré de l’OM ou, tout simplement, font leurs devoirs. Les réseaux sociaux permettent à la racaille de harceler ces cibles faciles : l’« intello », comme jadis « l’intellectuel », manque de muscles, et, pire, il est souvent aimé des filles.
À partir de 1918 et jusque dans les années 1980, les intellectuels eurent beau jeu d’« être contre » : contre la guerre, contre les bourgeois, contre Franco, contre les nazis, contre les Américains, contre la peine de mort, etc. Communisme, maoïsme, gauchisme, tiers-mondisme, il y a bien peu d’-ismes que nos intellectuels français n’ont pas essayé. C’étaient autant de prêts-à-porter interchangeables. Selon le mot de Raymond Aron, l’un des rares « intellectuels », avec Mauriac, à se situer plutôt à droite, ils étaient des « spectateurs engagés » : l’engagement avait été théorisé par Sartre et Camus, et le « spectacle » sera théorisé par Guy Debord. Car l’aspect « spectateur » est essentiel pour comprendre l’intellectuel, dont la dénomination a été construite par opposition à « manuel ». L’intellectuel ne se salit pas trop les mains — sauf à porter les valises du FLN.
L’arrivée de la gauche mitterrandienne (ça aussi, c’est un oxymore, comme « obscure clarté ») a malheureusement sonné le glas des intellectuels. Comment être contre Jack Lang, Christiane Taubira ou Najat Valaud-Belkacem, tous phares de la pensée de gauche ? Les gauchistes prétendaient jadis être le fer de lance de la Révolution, l’avant-garde éclairée montrant la voie aux prolétaires qui voudraient bien se faire casser la figure pour qu’ils puissent encore fumer des havanes, comme Serge July. Mais du prolétariat plus de nouvelles, la désindustrialisation l’a jeté dans les bras du chômage de masse et de l’extrême-droite. Alors nos intellos nouveaux, comme le Beaujolais du même nom, se sont ralliés aux damnés de la terre encore disponibles : descendants d’esclaves (esclaves d’Occidentaux, la traite transsaharienne est un tabou majeur), descendants de colonisés (colonisés par des Occidentaux : la colonisation turque, par exemple, dont la France a libéré les tribus du Maghreb, est, elle aussi, tabou), homosexuels assez peu satisfaits d’avoir les mêmes droits que les autres, chiennes de garde et autres minorités affligées.
Ce que l’on mesure tout juste, c’est l’arrivée conjointe d’Internet et des réseaux sociaux. En donnant la parole à tout le monde, l’informatique a transmué en intellectuels tout ce qui s’agite sur Tweeter, Facebook, TikTok et Instagram — et les autres. Sous prétexte que la parole lui était offerte, le premier crétin venu s’estime en droit de donner son avis. On écoutait jadis ce que disaient Bernanos, Sartre ou Camus ; on s’écoute désormais soi-même.
L’Ego a remplacé les idées
Seconde mutation d’importance, c’est finalement à droite (ou ce que l’on se plaît à désigner sous ce terme) que l’on retrouve désormais des intellectuels. Bruckner ou Finkielkraut, Onfray ou Badinter, Debray ou Polony passent pour des penseurs de droite — nouveau pléonasme.
C’est logique : l’intellectuel pense contre ; les gens que je viens de citer, auxquels je n’aurai pas l’outrecuidance de me mêler, pensent contre la doxa imposée par les malandrins qui ont usurpé la pensée. Cela en fait des intellectuels par définition — sauf qu’ils pensent contre les malfaiteurs qui prétendent penser pour les autres.
Il serait trop facile de dresser la liste de ces petits marquis faiseurs d’opinion qui prétendent tous penser, ce qui leur évite d’avoir une idée. On ne pense pas parce qu’on s’appelle Bellegueule, Despentes ou Caroline de Haas. On ne pense pas par ses mœurs, ni par sa capacité à s’enfiler des bières, ni par le nombre de ses invitations dans des médias qui ne pensent pas davantage.
Et je le dis à tous ceux qui s’aventurent à poser leur crotte sur les réseaux sociaux : on ne pense pas non plus par sa dextérité à manier une souris. Nous étions très humbles, dans les années 1960, très fiers de ramasser les miettes que nous laissaient quelques grandes pointures — il y en avait assez pour que chacun pût faire son marché. Aujourd’hui que l’Ego a remplacé le cerveau, il faudrait de temps en temps reconnaître qu’il y a des gens plus savants, plus cultivés, qui pensent plus vite et de façon stimulante.
A lire aussi, Christophe Bourseiller: «Morale et puritanisme ne cessent de gagner du terrain»
Le modèle informatique nous fait croire que le quantitatif vaut le qualitatif, et que cent mille bêtises font une vérité. Les ordinateurs ont mis du temps à battre les grands maîtres, aux échecs, parce qu’ils étaient (et sont toujours) incapables de lire les intentions de l’adversaire. Ils n’y sont arrivés que par une débauche quantitative d’hypothèses, qui ne vaudront jamais le vrai raisonnement, fait de raccourcis et de fulgurances. Les discussions qui s’arrêtaient à la porte du bistro et avaient l’excuse de l’apéro toujours recommencé, virevoltent désormais sur la Toile — sans autre excuse que le désir d’exister. L’éructation poussée jusqu’au vertige ! Mais un rot ou un pet n’ont jamais constitué une idée.
L’intellectuel est celui qui raisonne au-dessus de la mêlée — quitte à s’y plonger de temps à autre. Il a en général la parole rare, parce qu’il en connaît le prix et le danger : il ne pense pas que le dégueulis verbal soit une manifestation de l’intellect.
Le malheur présent vient du vomi conceptuel qui se présente comme une pensée organisée. Qu’un bon journaliste comme Zemmour finisse par passer pour un intellectuel est la preuve par l’absurde que notre hiérarchie des valeurs est cul par-dessus tête : Eric est un ami, il sera le premier à reconnaître qu’il pense, certes, mais qu’il n’est pas un intellectuel. Parce qu’il en est de l’intellect comme des autres arts. On n’invente pas tous les jours l’Impressionnisme. On n’a pas une idée toutes les deux minutes. C’est déjà beau si l’on en a deux ou trois dans sa vie.
C’est du moins ce qu’affirme Maxime Renahy, responsable démissionnaire du pôle investigation au sein du média en ligne lancé par Denis Robert.
« Nous allons bientôt peser aussi lourd que les médias mainstream. Ceux des milliardaires et de la propagande d’État ». Voilà comment l’écrivain-journaliste Denis Robert présentait son projet de télévision et de journal en ligne Blast, sur Twitter, le 4 février 2021. En accord avec les convictions anti-capitalistes de Denis Robert, Blast repose sur un financement participatif, qui a viré au plébiscite. En moins de trois mois, Blast a engrangé plus de 800 000€ de dons. La somme exacte est de 802 367€, apportés par 8542 donateurs, le 11 mars 2021 à la mi-journée.
C’est le moment qu’a choisi le journaliste Maxime Renahy pour rendre public sur Facebook les raisons qui l’ont poussé à démissionner de son poste de responsable de l’investigation chez Blast, début février. Selon lui, un seul donateur a apporté à lui seul « 100 000 euros à la création du média », avec un engagement pour « 20 000 euros par mois pendant un an, sous forme de dons. Soit 340 000 euros pour commencer ». La mise initiale a été « tronçonnée en plusieurs dons » versés sur Kiss Kiss Bank Bank, plutôt que sous forme de parts sociales, « afin de garantir l’anonymat du donateur ». Maxime Renahy a rencontré ce dernier. Il s’agit du « principal donateur anonyme d’Anticor », l’association anticorruption présidée par « Élise Van Beneden, qui est également l’une des fondatrices de Blast ». Il a été « présenté à Denis Robert par Elise Van Beneden afin d’aider Blast ».
L’anonymat de ce donateur ne se justifie plus: il s’agit d’Hervé Vinciguerra, un Français ayant fait fortune en revendant sa société d’édition de logiciels financiers Sophis pour 435 millions d’euros en 2010. Pour l’anecdote, Sophis travaillait pour tout ce que Denis Robert dit combattre, et en particulier… les fonds d’investissement. Son dernier livre, Larry et Moi (Ed Massot) est une charge contre l’un d’entre eux, BlackRock.
Soutien d’Arnaud Montebourg?
Maxime Renahy apporte un autre élément, lourd de sens. « Au cours d’une rencontre », Hervé Vinciguerra a indiqué « être un soutien d’Arnaud Montebourg pour l’élection présidentielle », formulant le vœu que Blast enquête « sur Anne Hidalgo, rivale d’Arnaud Montebourg ». Ce dernier a lancé le 10 janvier son parti, dans la perspective de la présidentielle de 2022, L’Engagement. Maxime Renahy ne parle à aucun moment de don d’argent de M. Vinciguerra à Arnaud Montebourg.
« Dès que j’ai pu vérifier le pedigree et les motivations de ce donateur, je me suis fermement opposé à toute implication financière de sa part », poursuit Maxime Renahy. « Le soutien d’un tel financier, quel qu’en soit le montant et les modalités, a toujours des effets délétères sur le fonctionnement d’un média (…) J’ai aussitôt fait part des informations dont je disposais à son sujet à l’ensemble de l’équipe de Blast, en présence de Denis Robert. Tous les membres de l’équipe, à l’exception de Denis, ont partagé mon avis, estimant à raison que ce mode de financement était totalement incompatible avec un appel aux dons citoyens ».
Contacté, Maxime Renahy maintient l’intégralité de ses propos. Denis Robert n’a pas donné suite dans l’immédiat. Si le témoignage de Renahy est bien confirmé, Blast va peut-être devoir préciser sa définition de l’indépendance. Et quid d’Anticor ? Causeur a écrit dans un article publié le 6 février que Hervé Vinciguerra n’avait « pas d’accointance politique connue ». Cette accointance est désormais publique, Blast étant ouvertement en campagne pour faire tomber Emmanuel Macron. Suite à cet article, Anticor a fait usage de son droit de réponse pour nier tout lien avec Blast, faisant valoir qu’Elise Van Beneden était devenue administratrice fondatrice à titre personnel. Ce serait donc aussi à titre personnel qu’elle aurait présenté à Blast le mécène d’Anticor? Le gouvernement doit dire le 2 avril s’il renouvelle ou non l’agrément qui permet à l’association anti-corruption d’agir en justice.
La semaine passée, jugée trop blanche, une Hollandaise renonçait à traduire l’œuvre d’Amanda Gorman, la poétesse noire ayant prononcé un texte lors de l’investiture de Joe Biden. Nouvelle polémique cette semaine au pays de Dave, l’écrivaine turco-néerlandaise Lale Gül renonce à écrire, après les intimidations de la communauté turque dont elle peine à s’extirper. Récit.
Amsterdam. L’écrivaine turco-néerlandaise Lale Gül n’écrira plus sur sa jeunesse dans le milieu musulman d’Amsterdam, cédant aux torrents de haine dans son quartier et au chantage au suicide de sa propre mère.
Sa mère approuve l’assassinat de Samuel Paty
Dans son livre Ik ga Leven (trad: “Je vais vivre”), Gül, 23 ans, ne mâche pas ses mots. Elle y décrit, dans un langage parfois cru, parfois poétique, les contraintes imposées par ses parents pour qu’elle vive comme une musulmane pieuse. Sa mère, illettrée, a approuvé l’assassinat du professeur Samuel Paty. C’est une des nombreuses occasions qui ont conforté Lale dans sa décision d’abjurer l’islam, ce qu’elle raconte dans le livre paru en février et qui est un grand succès de librairie aux Pays-Bas.
Özcan Akyol la supplie dans sa chronique au journal Algemeen Dagblad de changer d’avis “pour éviter que ne gagnent les barbares”. Réponse de l’intéressée: “Pour lui, c’est facile à dire. Il n’est pas une femme et n’habite pas dans mon quartier.”
Ses parents et les dirigeants religieux de la communauté turque ne l’ont pas lu et ne l’auraient sans doute pas fait sans la présence de Lale Gül dans des émissions de télévision aux heures de grande écoute. Depuis lors, on la reconnait et elle est conspuée dans son quartier, les rares fois où elle ose encore s’y aventurer. Elle reçoit également des tombereaux d’injures sur Twitter et autres réseaux sociaux, est menacée de corrections et doit confronter la haine de sa mère, qui lui aurait dit comprendre ceux qui menacent de l’étrangler. “Je l’aurais dit moi-même, si tu n’avais pas été mon enfant” lui aurait assené celle que l’écrivaine qualifie dans son livre de “despote islamo-fasciste”.
Accusée de salir la Turquie
Pourtant, elle vit toujours dans l’appartement familial, où elle a dû emménager dans la chambre de sa petite sœur de 10 ans. “Je suis majeure, je pourrais quitter le foyer, mais alors je me retrouverai toute seule, je n’aurais plus de famille” constate-t-elle dans une interview au journal Het Parool d’Amsterdam.
L’atmosphère dans la maison familiale doit être exécrable, et en plus Lale Gül se voit donc contrainte d’en sortir le moins possible de peur d’exciter la racaille et autres habitants qui l’accusent d’avoir sali leur religion, leur quartier et leur pays – entendez la Turquie. Lale ne s’aventure jamais dehors sans son frère aîné qui, quoiqu’il désapprouve lui-aussi le contenu du livre, est là pour protéger sa petite sœur. “La police m’a demandé avec insistance d’être prudente, mais ça, je l’avais déjà bien compris” affirme celle qui a porté plainte pour menaces et injures contre plusieurs assaillants. La police l’a assurée que sa rue fait l’objet d’une vigilance renforcée, la maire de gauche d’Amsterdam et des écrivains néerlandais de renom lui ont témoigné leur soutien.
L’assimilation en panne
Les parents de Lale émigrèrent aux Pays-Bas dans les années 90 et s’établirent dans un quartier de l’ouest de la capitale, où environ 60% de la population est issue de l’immigration turque, marocaine, surinamoise ou antillaise. Estimation qui peut sembler modeste à un promeneur de passage.
“Dans leur tête, ils n’ont jamais quitté leur village en Turquie” écrit Lale. Sa mère ne parle toujours pas un traître mot de néerlandais, son père se débrouille, contraint par son travail de facteur. Il a désormais peur de faire sa tournée dans le quartier où tout un chacun lui somme de s’expliquer sur la conduite jugée scandaleuse de sa fille. Celle-ci en ressent un certain remords: “J’ai gâché leurs vies.”
Paradoxalement, la conversion de notre écrivaine hollandaise à la civilisation occidentale a commencé à l’école coranique où ses parents l’envoyèrent chaque samedi. “A l’école néerlandaise, on m’encourageait à poser des questions, à l’école coranique à obéir” écrit-elle. Son professeur n’y apprécia guère une question sur le voile: pourquoi les filles devaient se couvrir la tête, contrairement aux garçons ? “Sûrement le diable t’a soufflé cette question!” reçut-elle en guise de réponse.
Depuis l’âge de 18 ans, elle se considère comme islamophobe. “Croyez-moi, je ne connais aucun pays islamique où il fait bon vivre comme non-musulmane, homosexuelle ou féministe” écrit celle qui étudie à présent le néerlandais dans l’une des universités d’Amsterdam. Prétexte, également, à rencontrer un petit ami qui, étant Hollandais pur jus, est bien sûr considéré comme une union inacceptable dans le foyer familial. Mais pendant ses études, Lela a aussi découvert qu’il y avait aussi des Turcs et Turques cultivés, laïcs, de droite et de gauche, parfaitement néerlandophones. Elle en dévora les articles dans la presse et les apparitions à la télévision.
À droite, Geert Wilders lui fait les yeux doux
Politiquement, elle penche plutôt vers la droite de la droite, dont elle refuse cependant les avances dans un climat politique tendu sur le sujet de l’immigration. Dans les sondages pour les élections législatives du 17 mars, le Parti de la Liberté de M. Geert Wilders, qui prône l’immigration zéro pour les musulmans, est placé second, derrière les libéraux du premier ministre M. Mark Rutte mais loin devant les autres partis. Selon Lela Gül, la gauche néerlandaise, en encourageant le communautarisme, rend un bien mauvais service à l’intégration des minorités. Et commettrait surtout la grossière erreur, mêlée de lâcheté, de ne pas reconnaitre la difficulté que pose l’islam à ne pas considérer la femme comme l’égale de l’homme.
Sur ce point, elle se trouve sur la même ligne qu’Ayaan Hirsi Ali, la Néerlandaise d’origine somalienne et collaboratrice du cinéaste Theo van Gogh, assassiné en 2004 par un islamiste marocain d’un autre quartier d’Amsterdam. “Ayaan, c’est une héroïne pour moi” dit-elle dans la presse. Elle craint cependant de subir le même sort que sa courageuse consœur qui a dû s’exiler aux États-Unis pour sa sécurité.
Lale Gül avait entamé son deuxième livre, quand sa petite sœur la met en garde: leur mère ne manquera pas de se suicider dès sa parution. Lale céda aux pressions, en informa son éditeur Prometheus et reprit le chemin de l’université. Au grand dam de l’écrivain turco-néerlandais Özcan Akyol la suppliant dans sa chronique au journal Algemeen Dagblad de changer d’avis “pour éviter que ne gagnent les barbares”. Réponse de l’intéressée: “Pour lui, c’est facile à dire. Il n’est pas une femme et n’habite pas dans mon quartier.”
Son visage et sa voix font partie de la mémoire collective grâce à ses apparitions au cinéma. Son travail d’historien défriche les marges et les extrêmes avec précision. Christophe Bourseiller publie aujourd’hui un livre consacré à Jean Parvulesco, écrivain mystérieux classé à droite, ainsi qu’une passionnante synthèse intitulée Nouvelle histoire de l’ultra gauche. Un grand écart qui pourrait résumer son parcours. Rencontre avec un homme qui fuit les clichés, mais pas le débat.
Causeur. Pourquoi revenir sur la figure de Jean Parvulesco ?
Christophe Bourseiller. Je me suis toujours intéressé aux marginaux, aux inclassables. Son mélange de poésie, de conspirationnisme, d’idées politiques très à droite et à l’opposé des miennes m’a toujours intrigué. J’ai pu le rencontrer au début des années 2000, dans son minuscule appartement du 16e arrondissement. Il m’a reçu avec une grande politesse. À la fin de la conversation, il s’est éclipsé et est revenu avec une pile de 40 livres. Son intégrale ou presque. À partir de là, je me suis plongé dans cette œuvre étrange, hallucinée, dans ces phrases interminables, décrivant des complots et des mondes invisibles. C’est une expérience !
Jean Parvulesco est à la fois très actuel – notamment pour son goût des complots – et hors du temps, un pied dans une autre dimension. Où le situez-vous ?
Difficile à dire…Politiquement, il lui est arrivé de se proclamer d’extrême droite, puis de se déclarer gaulliste, plus précisément un adepte du « gaullisme des profondeurs » concept assez obscur. Socialement, il vivait dans le plus grand dénuement matériel. Il m’a confié n’avoir jamais gagné un centime avec ses livres. Je me suis toujours demandé de quoi il vivait, sans trouver de réponse. Mais il n’était pas isolé. Il a été ami avec Jean-Luc Godard, Éric Rohmer, Paul Gégauff, Dominique de Roux… N’importe qui aurait profité de ces contacts pour devenir scénariste, pour faire produire un film. Lui, non.
Cette proximité avec le monde du cinéma est l’un de vos points communs. Est-ce pour cette raison que votre livre comporte aussi une large part d’autobiographie ?
Il s’est passé quelque chose d’étrange en écrivant sur Parvulesco : des souvenirs personnels, des moments que j’avais occultés, ont littéralement resurgi. Beaucoup étaient liés au monde du cinéma, à mes expériences d’acteur chez Godard quand j’étais enfant [dans Une femme mariée, Week-end, etc., NDLR], puis dans les films d’Yves Robert notamment [Un éléphant ça trompe énormément, Nous irons tous au paradis, etc.]. Parvulesco et moi avons été approchés par le cinéma, puis rejetés. C’est une impression très étrange. Une vallée de possibles s’ouvre et, soudain, se referme.
Pourtant vous êtes un enfant du sérail, fils de comédien et de dramaturge. Vous tracez d’ailleurs un portrait subtil et un rien glaçant de ce milieu d’intellectuels de gauche.
Je suis un pur produit de la gauche caviar. Un étrange mélange de culture, de réflexion, mais aussi de cruauté et d’hypocrisie. Très jeune, j’ai vu des gens disserter sur l’injustice et la dictature du prolétariat dans de luxueux appartements parisiens. C’est assez formateur et l’on perd quelques illusions au passage. Mais je n’ai pas rejeté mon milieu en mettant le cap à droite. J’ai choisi la critique de la gauche par la gauche, avec les mouvements libertaires. En tant que militant d’abord et, plus tard, dans mes livres.
Christophe Bourseiller
Cette gauche caviar issue de 1968 est aujourd’hui à terre. Question à l’historien des idées : Mai 68, c’est officiellement fini ?
Effectivement, cette gauche a totalement disparu du débat, effacée par le xxie siècle. D’ailleurs, je me demande si les principaux acteurs de cette époque n’avaient pas déjà conscience de leur fin programmée : ils ont parlé assez vite de « parenthèse enchantée ». Enchantée, je ne sais pas, mais parenthèse certainement, et elle est en train de se fermer. Tout a basculé avec l’épidémie de sida et l’élection de Reagan aux États-Unis, au début des années 1980. En France, nous ne l’avons pas vraiment vu venir, la gauche arrivait au pouvoir, il y avait un décalage. Pourtant, tout changeait.
Les manifestations dégénèrent, les black blocs font les gros titres… l’ultra gauche semble, en revanche, avoir gagné en vigueur.
Disons plutôt qu’elle bouge encore. Nous avons l’impression aujourd’hui d’un déferlement de haine, mais la société des années 1970 était autrement plus violente. En 1971, par exemple, les mouvements d’ultra gauche et les communistes libertaires ont organisé un pillage du Quartier latin pour mettre à terre le capitalisme, lutter contre le règne de la marchandise. Les black blocs n’ont rien inventé. Et la protestation contre les bavures policières, la haine de l’autorité ne sont pas des nouveautés non plus.
Nous semblons désormais pris entre deux courants : d’une part, la violence en actes des ultras souhaitant que tout explose et, d’autre part, la terreur au nom de la tolérance, prônée par la « cancel culture ». En résumé, le chaos et le silence imposé. Au milieu, le débat se recroqueville, terrorisé. Comment en est-on arrivé là ?
J’identifie deux racines, essentielles à gauche. L’une est ancienne et profondément ancrée, il s’agit de la gauche décoloniale et tiers-mondiste pour laquelle la repentance est le cœur de la politique. L’autre, plus récente, s’est affirmée au cours des années 1990 : l’altermondialisme. Elle voulait réguler l’économie et les échanges financiers. Et pour cela, elle ne croyait pas à l’État, mais à l’éthique. Dès lors, la morale a repris le dessus. La voie était libre, car le politique ne signifiait plus rien. Devant des politiciens impuissants, n’incarnant plus aucun combat, le citoyen se replie sur son identité, sur ce qu’il est, sur sa vision morale du monde.
La jonction des deux racines est redoutable. Quand la gauche tiers-mondiste veut défendre les peuples opprimés, elle se met à défendre l’islam et, ce faisant, elle adopte peu à peu la morale puritaine de l’islam. Morale et puritanisme ne cessent de progresser. Je parie, par exemple, sur une revitalisation du mariage dans les années à venir. Les revendications des homosexuels sur le sujet l’annonçaient. Mais rien ne dit que nous n’assistons pas non plus à une « parenthèse puritaine », limitée dans le temps. Il faut toujours observer l’extrême gauche, car elle est souvent l’antichambre de la doxa des années à venir.
Justement, qu’est-ce qui agite la gauche de la gauche aujourd’hui ?
L’écologie radicale, notamment avec les ZAD, qui est une sorte de nouveau jansénisme. J’ai récemment lu un texte où l’auteur parlait de « vie minimale ». Le chemin parcouru de « Jouissons sans entraves » à la « vie minimale » est passionnant et très révélateur.
Il traduit aussi un clivage générationnel. Ce dernier pourrait-il remplacer la bonne vieille lutte des classes ?
C’est un nouvel antagonisme. La génération des 20-30 ans est animée par un sens du collectif. Alors que les 30-45 ans, par exemple, sont encore, dans le sillage des baby-boomers, très individualistes, centrés sur un « moi, je… » s’exprimant sur les réseaux sociaux. Regardez les Gilets jaunes. Ils mettaient en avant des revendications individuelles, refusaient toute idée de représentation, de collectif… et il ne s’agissait pas de gens jeunes. C’est pourquoi les réseaux sociaux se sont imposés comme leur principal outil. De toute façon, les réseaux sociaux sont déjà finis, morts, bientôt enterrés…
Pardon ? On a plutôt l’impression qu’ils triomphent, s’imposent comme l’alpha et l’oméga du débat public.
En observant l’extrême gauche, j’ai vu s’imposer le thème de la déconnexion. C’est un premier signal fort. En parallèle, les géants du web se transforment en censeurs et prennent ainsi le contrepied de tous les idéaux libertaires à l’origine d’internet. Il y a eu le cas Trump, bien sûr, mais pas seulement. En Espagne, par exemple, les comptes Twitter de mouvements comme Podemos ou Vox ont été fermés. Facebook et Twitter ont déjà compris que la censure serait inévitable, ils vont donc laisser mourir ces marques lentement pour se concentrer sur des réseaux entièrement ludiques, moins problématiques à gérer et très rentables, comme TikTok.
Terminons avec Jean Parvulesco qui n’aurait pas dédaigné nos digressions politiques. Son œuvre est tentaculaire. Par où conseillez-vous de commencer ?
Par Un retour en Colchide. Il y parle de ses promenades dans Paris, de ses expériences mystiques, toujours avec ce sens si particulier de l’énigme, comme si la réalité n’était qu’un leurre. Un ouvrage plus accessible, mais tout aussi mystérieux.
Christophe Bourseiller, Nouvelle histoire de l’ultra-gauche, Le Cerf, 2021, 392 p.
Parvulesco, l’insaisissable
« Le vrai est un moment du faux », disait Guy Debord, penseur que connaît parfaitement Christophe Bourseiller. La citation aurait pu devenir la devise de Jean Parvulesco (1929-2010), tant l’écrivain roumain n’a cessé de conjuguer la réalité et la légende, le visible et l’occulte. Dans ce livre, Bourseiller contourne l’écueil de l’enquête journalistique, vouée à l’échec avec un tel homme. Le point de départ sera Godard. Il a connu Parvulesco, l’a fait « interpréter » par Jean-Pierre Melville dans À bout de souffle et était un intime de la famille Bourseiller.
À partir du réalisateur, l’auteur avance comme l’un de ces protagonistes amnésiques croisés chez Modiano, à tâtons. Chaque nom, chaque détail provoque ou non son lot de réminiscence et, peu à peu, les deux portraits – l’auteur et son sujet – s’affinent. Christophe Bourseiller se souvient de son enfance où il jouait au « singe savant » débitant théories et jugements pour impressionner les amis gauchistes de ses parents. Le cinéma dessine une voie de sortie. « Tu es un personnage, pas un acteur », tranche alors Yves Robert. « Quelle chance ! » semble répondre en écho Parvulesco, lui qui a justement construit un personnage avec application, sculptant sa vie comme tous ceux que la réalité déçoit, indiffère ou effraie. Comment vit-il ? Est-il vraiment roumain ? Quid de cet axe « Paris-Rome-New Delhi-Moscou » dans la « métapolitique internationale et cosmologique » ? Aucune de ces questions ne trouve de réponses. Le livre ne perce pas le mystère Parvulesco. Et, en cela, lui rend un hommage paradoxal, à la fois distant et bienveillant.
Christophe Bourseiller, En cherchant Parvulesco, La Table ronde, 128 pages, 2021.
Oubliez les livres de souvenirs, les rétrospectives, les témoignages d’époque. Pour saisir l’atmosphère du début des années 1980 dans la province française, rien ne rivalise avec Clara et les Chics Types (1981). Normal : le grand Jean-Loup Dabadie est à la manœuvre. Il écrit le scénario, les dialogues et aurait même dû aller plus loin. « Le film devait être sa première réalisation, explique Christophe Bourseiller, mais la Gaumont a reculé et imposé un homme qui les rassurait, Jacques Monnet. » Le casting réunit Isabelle Adjani, Thierry Lhermitte, Daniel Auteuil, Josiane Balasko, Christian Clavier (parfait, comme toujours à cette époque) et Bourseiller, en léger décalage : « Il y avait une différence générationnelle entre eux et moi, notamment sur le plan musical. J’étais plongé dans la new wave et, eux, plutôt dans Stevie Wonder, Michel Jonasz [qui a écrit les chansons du film, NDLR]. » Le film trouve un faux rythme unique, la jonction entre des dialogues subtils et des comédiens doués se fait naturellement. Sur le thème vu et revu du « passage à l’âge adulte », Dabadie écrit des scènes qui semblent à la fois nouvelles et de toute éternité. Quatre mois après la sortie en salles, Mitterrand est élu. On croit cette génération triomphante. Elle est, en fait, déjà paumée. Clara et les Chics Types le montre avec une finesse qui a déserté la comédie française.
Pour la seconde année consécutive, ce 11 mars marque en Europe la journée d’hommage aux victimes du terrorisme. Emmanuel Macron présidera une cérémonie aux Invalides ce matin, puis rencontrera l’imprimeur de Dammartin-en-Goële qui fut otage des frères Kouachi après le massacre de Charlie Hebdo. Le terrorisme n’étant qu’un moyen d’action, Aurélien Marq rappelle dans ce texte les autres modes d’action de l’islamisme, ce péril mortel qui attaque la civilisation française.
Depuis l’année dernière, le 11 mars est désormais la journée nationale d’hommage aux victimes du terrorisme. Mais pour nécessaire qu’il soit, cet hommage n’effacera pas notre culpabilité collective.
Bien sûr, les vrais coupables sont les terroristes, et les idéologues et militants qui les inspirent, les encouragent, les excusent. Eux tous ont le sang des victimes sur les mains. Pourtant, collectivement, nous n’en sommes pas tout à fait innocents non plus.
Il y a ceux qui ne veulent pas nommer l’ennemi. Le terrorisme n’est pas un ennemi, c’est un mode d’action de l’ennemi. Et celui qui aujourd’hui tente de s’imposer par la terreur, c’est l’islamisme. La volonté de faire de l’islam la norme collective, au double sens de normal et de normatif. Et il reste un ennemi même lorsqu’il emploie d’autres armes.
L’ouverture, ça va deux minutes…
Il y a tous ces musulmans qui malgré quatorze siècles d’évidence refusent d’admettre que leur religion charrie un poison mortel, et un poison pour l’âme.
Il y a la République, qui a oublié qu’elle est un mode de gouvernement et un idéal politique, et que ça ne suffit pas à faire un pays, et encore moins une civilisation.
Il y a la France, qui en renonçant à être la France et à se faire respecter a abandonné tous ceux qui comptaient sur elle.
Il y a les religieux qui ont oublié que les dieux dignes de ce nom veulent l’homme libre à leurs côtés et non enchaîné à leurs pieds.
Il y a ceux qui choisissent le déni pour préserver leur médiocre confort moral égoïste, pour « ne pas stigmatiser », au nom de la « tolérance », au nom du « dialogue », au nom de « l’ouverture ».
Il y a ceux qui font l’éloge « des religions » sans jamais se donner la peine de distinguer ce qu’il y a de bon de ce qu’il y a de profondément vicié.
Djihad judiciaire, multiculturalisme, déni…
Il y a ceux qui utilisent le droit pour paralyser l’action de l’état, au mépris du bien commun.
Il y a ceux qui veulent faire de la France un simple territoire ouvert à tous les vents, au mépris de sa culture, de ses idéaux et de son peuple.
Il y a ceux qui choisissent de défendre des intérêts économiques, des intérêts de classe, des intérêts de clan, des intérêts de carrière, plutôt que de permettre l’union sacrée au nom de la dignité humaine contre le totalitarisme théocratique.
Il y a ceux qui descendent dans la rue pour des futilités, alors qu’il faudrait le faire pour exiger l’interdiction de toutes les idéologies opposées à la liberté de conscience.
Il y a ceux qui savent mais ne font rien, ou pas assez.
Il y a moi, qui ai mis trop longtemps à comprendre, et trop longtemps à oser dire clairement ce que j’avais compris.
Tous, il n’y a qu’un seul hommage que nous puissions rendre aux victimes en nous tenant la tête haute devant leurs tombes : terrasser l’ennemi. D’ici là, nous ne pouvons que redire leurs noms pour qu’ils ne soient jamais oubliés, et espérer leur pardon.
…et nous promet de belles parties de rigolade au milieu du désastre.
Dimanche 7 mars, après une « balade urbaine » au Parc Suzanne Lenglen, l’adjointe à la maire de Paris chargée de l’égalité femmes-hommes Hélène Bidard (Parti Communiste) a twitté vouloir établir un « diagnostic genré de ce vaste espace vert et sportif ». Certains internautes parisiens, morts de rire, demandent ironiquement des précisions. Histoire de continuer à se gondoler, nous proposons de porter à la connaissance de ces internautes et des lecteurs de Causeur les meilleurs passages du livre de chevet de Mme Bidard, le Guide référentiel Genre et espace de la Mairie de Paris.
Balade urbaine ce matin au parc Suzanne Lenglen en vue d’établir un diagnostic genré de ce vaste espace vert & sportif en bordure de périphérique, Aquaboulevard et Héliport de @Paris. Un travail passionnant qui s’engage avec Corinne Luxembourg & le collectif les Urbain.e.s #8marspic.twitter.com/tqk3UA45jV
Ce guide est écrit dans la novlangue politique chère à son édile et en écriture dite inclusive. Anne Hidalgo y affirme d’abord que « l’espace public est une construction masculine. Conçu et mis en œuvre par et pour des hommes »; puis que « l’urbanisme, l’aménagement urbain et les services publics doivent permettre d’y mettre fin (aux violences sexistes) ». Nous imaginons que c’est à la lecture de ce diagnostic d’experte que Caroline de Haas a réclamé l’élargissement des trottoirs de la Porte de la Chapelle, trottoirs sur lesquels des femmes avaient été agressées par des migrants pas bêtes du tout et ayant immédiatement compris la fonction et l’intérêt d’un aménagement urbain élaboré par un « groupe dominant masculin hégémonique » pour assouvir ses vices.
Toute une bouillie sociologique autour du « genre » est utilisée dans ce guide. Résumant à gros traits la “philosophie” de Judith Butler et d’Éric Fassin, les auteurs rappellent que « ce qu’on appelle “genre” est le système de normes ou la construction sociale qui assigne des rôles et places différentes et hiérarchisées aux femmes et aux hommes ». Il convient par conséquent de « développer une “approche intégrée de l’égalité femmes-hommes” (ou une approche intégrée du genre) pour en faire une stratégie transversale pour toute la municipalité. » Comme c’est transversal, tout y passe: les lieux, les pratiques sportives, le vocabulaire, l’éclairage, les toilettes, les immeubles et le moindre recoin de la plus petite rue. En soi, certaines préconisations ne sont pas dénuées de bon sens, MAIS… pourquoi verser systématiquement dans une miteuse “philosophie féministe” et une sociologie de si bas-étage ? Pourquoi accoler systématiquement les théories les plus bêtes à un plan d’urbanisme qui pourrait aisément s’en passer ? Et pourquoi écrire dans cette langue infecte ?
Le techno-monde a des ressources infinies de déréalisation du réel et de destruction de la langue. Il ne suffit plus de prévoir un budget, il faut que ce dernier soit « un budget genré » (ou « gender budgeting », en anglais ça fait plus sérieux). Il ne suffit plus d’améliorer l’éclairage urbain, il faut « repenser la géographie sociale de la lumière ». Il faut réaliser des « statistiques sexuées ». Il est nécessaire de « valoriser l’image des piétons ». Évidemment, « le Plan Vélo de la ville devra intégrer la problématique du genre ». Il est également prévu une «reconquête de l’espace à travers des expérimentations sensorielles (?!) qui rétablissent nos liens aux lieux et nous sortent d’une vision fonctionnelle souvent “virile” de la ville. » On s’appliquera à « bannir le langage sexiste et féminiser le langage à l’écrit comme à l’oral » dans le sport. Nous l’ignorions mais « les femmes sont les premières expertes de l’usage de la ville », il conviendra donc de leur donner la parole: « c’est une question “d’empowerment” des femmes ».
Lavons-nous les oreilles en relisant Orwell: « Le langage politique a pour fonction de rendre le mensonge crédible et le meurtre respectable, et de donner à ce qui n’est que du vent une apparence de consistance. »
Des passages piétons arc-en-ciel pour signaler le ghetto homosexuel
D’autres capitales européennes ne jurent plus, elles aussi, que par la théorie du genre et le féminisme le plus crétin. Vienne est citée en exemple pour son « gender mainstreaming ». La ville de Genève a décidé de remplacer la moitié des panneaux signalant un passage piéton. Avec un objectif progressiste et inclusif affiché, ces nouveaux panneaux représenteront des « femmes actives, âgées, enceintes ou encore en couple lesbien. » La cité helvétique espère ainsi « augmenter la visibilité des femmes dans la ville ». Sandrine Salerno, maire socialiste encore plus “dégenrée” que notre maire de Paris, est prête à répondre à toutes les réclamations des groupes qui auront le désir de se voir représenter sur les panneaux de signalisation: les transgenres, les « personnes en surpoids », etc. Paris a encore des progrès à faire… elle qui n’a pour le moment repeint que quelques passages piétons aux couleurs arc-en-ciel des mouvements LGBT.
Conclusion: l’impression générale est quand même que tout ce petit monde d’élus parisiens hidalgo-progressistes, à force de vouloir racler les fonds de tiroirs électoralistes, semble totalement paumé, pour ne pas dire plus. On se souviendra qu’au deuxième tour des dernières élections municipales, Anne Hidalgo a été réélue avec moins de 20% des voix du corps électoral parisien, du fait d’une abstention massive. On peut donc penser qu’une très grande majorité de Parisiens se demandent sur quelle Nef des fous ils sont embarqués. Fluctuat nec mergitur est la devise de Paris. Vu le naufrage en cours, peut-être faudra-t-il envisager de la changer d’ici peu.
Finalement, l’animateur veut bien la recevoir, mais par l’entrée de service
Samuel Étienne anime depuis des années Questions pour un Champion. Il doit sa notoriété au succès de cette émission. Comme c’est un cumulard il officie aussi sur Twitch, un truc qui cible les jeunes[tooltips content= »Twitch est une plate-forme collaborative américaine qui permet de regarder des vidéos, essentiellement de gens appréciant les jeux vidéo NDLR »](1)[/tooltips].
Pas de witch sur Twitch!
Là il reçoit tout le monde. C’est-à-dire n’importe qui : François Hollande, Jean Castex… Et pas Marine Le Pen. Pas de witch sur Twitch! Car, a dit Samuel Etienne, la présidente du Rassemblement national a un problème avec la République. La République, on le sait, est bonne fille.
On peut faire avec elle ce qu’on veut. Et surtout lui faire dire ce qu’on veut. Ainsi la République a appris avec effroi que Marine Le Pen obtiendrait, selon les sondages, 48% des voix au second tour des présidentielles 2022.
Bouleversée et émue, elle tremble, vacille. Heureusement que Samuel Étienne est là pour l’aider à surmonter cette terrible épreuve. Donc pas de Marine Le Pen sur Twitch ? Pas si simple.
Un tollé
Face au tollé soulevé par son refus, Samuel Étienne s’est gratté la tête. Et surmontant ses délicates pudeurs, il a fait savoir qu’il était prêt à accueillir Marine Le Pen. Mais à ses conditions. Les voici.
L’émission de Samuel Étienne a habituellement lieu à son domicile. Pas question que la présidente du Rassemblement national y mette les pieds. « Ici c’est chez moi, c’est mon foyer » a-t-il dit. Et dans son foyer douillet n’entre pas qui veut.
Imaginons Marine Le Pen au domicile de Samuel Étienne. Elle pourrait renverser un guéridon, casser la porcelaine et salir le plancher. C’est pourquoi si émission avec Marine Le Pen il y a, elle se fera ailleurs que chez Samuel Étienne.
À l’heure qu’il est nous ignorons la réponse de Marine Le Pen à l’invitation très condescendante et méprisante de l’animateur de France 3. La dignité voudrait qu’elle refuse…
Avec la fermeture prochaine de quatre librairies Gibert Jeune de la place Saint-Michel, le quartier latin perd tout son suc.
Soyons lucides ! Ce n’est pas une nouvelle étonnante, plutôt la conséquence logique d’une déconstruction en marche. Ne faisons pas comme si le livre soutenait encore Saint-Germain-des-Prés et les écrivains guidaient les peuples opprimés. Il y a bien longtemps que le folklore d’Après-guerre a tiré son rideau de fer. Les zazous n’ont plus les moyens de vivre ici-bas, même les caves s’échangent à prix d’or. L’Odéon est occupé et les quais de Seine sont aujourd’hui surveillés. La liberté se vend à tempérament durant les crises sanitaires. Sartre s’affiche en magnets sur les frigos des étudiants et Simone sur les tee-shirts des mères de famille divorcées. Le deuxième sexe s’habille en « No Bra ». La bohème se recycle désormais dans les boutiques de luxe. Le prêt-à-porter a raflé les meilleurs emplacements de la rive gauche. Le quartier latin ne recueille plus comme autrefois les auteurs fauchés, les dissidents pourchassés et les lecteurs du soir.
Thomas Morales
Disparition du papier imprimé
Cioran et Cossery se sont exilés dans les bibliothèques du Morvan et du Berry. La campagne française est le dernier refuge des réfractaires. Elle traite les moralistes avec plus d’égard et moins de démagogie. La disparition du papier imprimé au cœur des villes est un processus qui ne date pas d’hier. Flambées immobilières, tourisme mortifère et marchandisation à outrance du trottoir ont « assaini » le pavé parisien. Les affairistes n’ont que faire du désespoir des petits ou gros bouquinistes. Ce coin de Paris devenu l’eldorado des fripiers ne supporte plus la vision des livres d’occasion. Les boîtes sont une verrue du passé qu’il faut brûler. J’ai passé ma jeunesse la tête enfouie dans les caisses (à l’air libre), de Saint-Michel jusqu’au quai de la Tournelle. Cette fermeture prochaine allonge la liste de nos doléances urbaines. Où allons-nous donc pouvoir errer dorénavant ? Vous nous enlevez progressivement nos derniers lieux de promenade, quasi-gratuits et nostalgiques, capharnaüm de notre mémoire. Les déclassés de notre espèce pouvaient encore y chercher un substrat d’humanité.
Cette sociabilité et mixité dont vous nous abreuvez les oreilles s’exprimaient dans ces magasins culturels bon marché. Après les zincs fermés, vous vous attaquez à ce qui constituait notre patrimoine vivant. Il était fragile, mal en point, désordonné mais incarnait la dignité des beaux arrondissements. Les restes d’un monde qui ne plient pas totalement sous la mitraille financière. Vous allez détruire nos souvenirs et nos escapades pour quoi en fait ? Des objets éphémères, babioles et vêtements fabriqués dans la misère des terres lointaines, expressions de notre propre déclin. Car pour les citadins désœuvrés, point de chemins de halage à l’horizon ou de falaises de craie ou de futaies à découvrir en famille le week-end, nos promenades nous emmenaient seulement dans les rayonnages de Gibert et leurs « rabicoins » comme l’on dit dans ma province rurale. Chaque excursion dans ces librairies nous apportait son lot de surprises à prix réduit. Hier encore, j’arpentais le vaisseau amiral Gibert Joseph du boulevard, ma gymnastique sportive et intellectuelle de la semaine qui n’est pas encore interdite. Chez Gibert, je l’ai déjà écrit dans Causeur, c’est le livre qui choisit son lecteur. On furète sans idées préconçues, sans schémas bien établis, tout le contraire de notre société du prêt-à-penser, du kit prêt-à-l’emploi. Depuis vingt-cinq ans, je n’ai jamais été déçu. J’ai toujours ramené de ces expéditions livresques, des drôleries qui permettent de repousser la mort. Le livre n’a pas d’autre objectif que reculer le temps et mettre à distance les cons.
Pascal Sevran, Mario Soldati, Roger Martin du Gard…
Pour une poignée d’euros, je suis reparti, ce jour-là, le sac rempli de bizarreries. J’ai fait la razzia de tous les Pascal Sevran au format poche, son journal en plusieurs exemplaires et son Passé supplémentaire, Prix Nimier 1979. Me rappelant la formule du critique esthète Bernard Morlino dans Lire : « Sevran était écrivain avant d’être célèbre. Son style a l’éclat d’un pur-sang ». Après le rayon français, je me suis aventuré chez les « Italiens » et n’ai pu résister à un Mario Soldati qui manquait à ma collection, surtout pour la belle couverture illustrée du regretté Pierre Le-Tan. J’ai terminé mon errance dans la pièce réservée aux « vieux livres », emportant avec moi, la Correspondance Jacques Copeau et Roger Martin du Gard en deux tomes non massicotés couvrant la période 1913-1949. Entre nous, dans quel autre lieu à Paris, pouvons-nous effectuer un tel voyage ?
Dans le récit que Florence Porcel fait de son viol par PPDA, on pourrait presque voir du consentement. Elle s’en explique en évoquant un cocktail qui est la recette de toutes les relations sentimentales. La formule aurait peut-être inspiré une fable à La Fontaine.
C’est par la radio qu’un matin, à la table du petit déjeuner, j’ai appris que PPDA était accusé de viol. Je ne sais plus par quelle station, je change souvent, pour fuir les publicités sur les chaînes commerciales, et pour ne pas entendre Askolovitch essayer de nous apitoyer sur le sort des minorités musulmanes opprimées ou Charline Vanhoenacker brailler sur le service public. Je n’ai pas été plus surpris que ça. Je ne connaissais rien de ses manières, mais je me suis fait à la tendance de l’époque et je me suis dit, en pensant à la loi des séries : « Tiens, encore une vedette violeuse ! »
J’ai tendu l’oreille pour ne louper aucun détail croustillant de cette nouvelle affaire, mais ce n’était pas une bonne idée. La main de PPDA dans la culotte de Porcel (c’est le nom de la plaignante) m’aurait sûrement excité en fin de soirée mais de bon matin, bof. Lorsque j’entendis parler de « fellation non protégée », je ne fus pas plus émoustillé que ça non plus et pour tout dire un peu surpris. « Non protégée » ? Il y a donc des gens qui pratiquent des fellations protégées ? Qui sucent du caoutchouc ? Berk ! Et quand ils se branlent, ils mettent un gant Mappa ?
Des sentiments amoureux créés artificiellement par « l’emprise »
Voici donc ce qui me traversait l’esprit tandis que je priais ma femme de me passer le beurre et que je haussais le ton pour que mon fils revienne finir son « Candy’Up » et son « Pick Up ! » ! Je venais déjà de le lui demander, mais comme j’avais dit « chocolat au lait » et « biscuit », il n’avait pas compris. Voilà où j’en étais donc, redoublant d’imagination pour voir un peu d’érotisme dans le drame que cette innocente vierge avait vécu avec Patrick Poivre « prédateur » d’Arvor lorsque je fus stoppé net dans mes fantasmes par une formule du journaliste qui résumait les sentiments de la fille dans son aventure, requalifiée en viol, avec la bête médiatique : « Un mélange de déni, de colère et de sentiment amoureux. »
J’en restai perplexe. Pour en savoir plus, je suis descendu chercher Le Parisien dans lequel j’ai trouvé ce récit de leur première rencontre (en 2004) selon la version de la jeune femme : « Tout à coup, il ferme la porte, lui propose un verre d’alcool avant de l’agresser sexuellement en l’embrassant puis en introduisant sa main dans sa culotte. Les faits se seraient déroulés rapidement, sans signe annonciateur. La jeune étudiante, tétanisée par la tournure de la situation, se met alors à exécuter mécaniquement ses demandes, comme se déshabiller… Florence Porcel affirme n’être pas parvenue à s’enfuir sous l’effet de la surprise et de la sidération, mais soutient que sa panique était parfaitement perceptible et qu’elle a émis des cris de douleur. »
J’ai marqué le passage sur le journal pour le retrouver le soir et j’ai continué à chercher les trois mots qui excitaient ma curiosité : « le déni », « la colère » et « le sentiment amoureux ». J’ai fini par les trouver. « Elle décrit un mécanisme d’emprise psychologique, […] un système de déni né de l’admiration qu’elle avait pour l’homme célèbre, puissant et bien plus âgé, et son désir de percer dans le monde littéraire. L’aura de cet homme et son inexpérience sentimentale auraient même déclenché chez elle des sentiments amoureux qu’elle juge aujourd’hui créés artificiellement par cette emprise. Partagée entre la colère et la passion, elle admet avoir continué à lui écrire après l’agression présumée, y compris pour des échanges à caractère érotique. »
Un fait divers qui aurait inspiré La Fontaine
Le déni, la colère et le sentiment amoureux. La formule était là, éparpillée dans le texte. Elle sonnait bien. Elle aurait sûrement inspiré une fable à La Fontaine. J’en inventai une et j’imaginai mon fils, debout dans le salon, se dandinant et se tenant les mains, déclamer avec sa voix de garçon de cinq ans : « Le Déni, la colère et le sentiment amoureux », de Jean de La Fontaine.
Une pauvre biquette, vingt et un ans passés,
Qu’Apollon et Vénus n’avaient pas visitée,
Adulait un vieil étalon :
Un cheval de retour, beau parleur, bien en vue,
Mais de lourde réputation.
Elle vient à lui, sans souci du qu’en-dira-t-on.
Il lui parle de sa croupe, elle croit qu’elle est aimée.
À ses côtés, de gloire elle est auréolée.
Il la prend sans détour, lui dit : « c’est ça l’amour. »
Le temps passe, les temps changent,
L’ingénue dessalée veut se faire dépoivrer,
Elle trouve une vieille recette :
La chèvre écrit sur tous les toits qu’elle a été violée.
À son procès la meute interroge l’accusé :
« Mais quand elle disait “oui”, que n’entendiez-vous “non” !
À l’abattoir ! Et aux enfers ! »
Le coureur déconfit fut changé en démon.
Mon fils ne nous a jamais récité La Fontaine. À l’école, en dernière année de maternelle, il a appris de quoi nous donner des leçons sur les gestes barrières, les accidents domestiques, le tri des déchets, le réchauffement de la planète et même les stéréotypes sexistes, mais il n’a rapporté ni corbeau, ni renard, ni cyclope, ni cheval ailé, ni Achille, ni Esther, ni Roland, ni Bayard, ni Sophie, ni Robinson, ni Bécassine, ni Fantômette, ni Delphine, ni Marinette. Sans les livres que sa mère lui lit, il penserait que nous sommes tombés de la dernière pluie et que nous avons de la chance de vivre à l’époque du récupérateur d’eau.
Mais mon imagination s’essouffla vite à essayer de suivre les pas du maître et les trois mots m’inspirèrent une autre idée. En repensant à ma vie sentimentalo-sexuelle, je ne trouvais aucune romance qui ne fût faite de déni, de colère et de sentiment amoureux. Les femmes dans ma vie ont toujours vécu le début de nos histoires dans le déni de toute réalité contrariante, puis ont connu la colère d’avoir été aveuglées par leurs sentiments amoureux. Et j’apprenais à la radio que ces trois berceaux de mes amours d’antan étaient devenus les nouveaux cadres d’un viol rétroactif. Je me réjouis alors de n’être pas célèbre et de n’avoir jamais vraiment fâché personne.
Une tribune du sociologue Tarik Yildiz, auteur notamment de De la fatigue d’être soi au prêt-à-croire. Lutter contre la délinquance pour combattre le radicalisme islamiste, Editions du Puits de Roulle, 2020.
Le 24 février dernier, un sondage[tooltips content= »Odoxa-Backbone Consulting pour France Info et Le Figaro« ](1)[/tooltips] révélait que près de sept Français sur 10 estiment qu’il existe un problème « d’islamo-gauchisme » en France. La définition retenue du concept controversé évoque une complaisance avec l’islamisme radical de personnalités ou de partis politiques de gauche, voire leur refus de prendre des positions fermes contre, par souci de ne pas « stigmatiser les musulmans ».
La nation doit réaffirmer une vision politique partagée pour dépasser les assignations identitaires
Si des réserves méthodologiques s’imposent à l’analyse de ces résultats, ils traduisent manifestement une crainte d’une partie non négligeable de notre société quant à l’influence de « l’islamisme radical ». Ce sondage illustre que les polémiques autour de ce débat ne sont pas de simples phénomènes médiatiques: certains courants idéologiques sont perçus comme menaçant l’intégrité et la cohésion du pays.
Le développement d’une contre-société
Au-delà du caractère imprécis de l’expression – souvent pointé du doigt par des individus usant eux-mêmes de concepts tout aussi imprécis durant de nombreuses années (« ultra-conservateurs, « néo réactionnaires », « souveraino-populistes »…)- l’exécutif est légitime à tenter de répondre aux peurs de ses citoyens. Les inquiétudes sont liées non seulement à la nature de l’idéologie, mais aussi à ce qu’elle suscite dans une partie de la population, qui perçoit le développement d’une contre-société. L’islamisme radical ne représente pas uniquement une manière de pratiquer la religion ou de concevoir le monde, il est le symbole de la puissance du dépassement de l’individualisme par un idéal plus large. Comme l’exprimait Karl Marx il y a près de deux siècles, « la religion est le soupir de la créature opprimée, l’âme d’un monde sans cœur, comme elle est l’esprit de conditions sociales d’où l’esprit est exclu ». Avant d’indiquer que la religion est l’opium du peuple, Marx décrit la puissance d’une certaine forme du religieux, expérience collective qui a longtemps régressé dans les pays les plus développés où l’on observe une individualisation des croyances.
Les trajectoires d’individus qui se radicalisent sont significatives: cette forme de religion globalisante leur permet de rompre avec une société de la liberté individuelle. Elle constitue un prêt-à-croire répondant à l’ensemble des questions qu’un individu peut se poser, y compris les plus anecdotiques (est-il licite de consommer du fromage « Caprice des Dieux » étant donné le pluriel au mot Dieu ?) tout en fixant un horizon dépassant l’individualisme des sociétés de consommation.
La nation pour dépasser les assignations identitaires
Certains courants politiques ont voulu voir, chez les musulmans, les nouveaux damnés de la terre. Ils ont eu l’heur d’observer, avec une forme de fascination, le sacrifice de soi des éléments les plus radicaux, allant jusqu’à le confondre avec l’héroïsme révolutionnaire sublimé par certains mouvements d’extrême-gauche. Et l’objet de cette attirance semble avoir toujours su se renouveler, depuis plus de 40 ans et l’enthousiasme fondateur suscité par l’exilé de Neauphle-le-Château[tooltips content= »L’ayatollah Khomeini se réfugie dans cette commune des Yvelines en 1978 NDLR »](2)[/tooltips].
Du droit à la différence, ils sont passés à l’exaltation de cette dernière, se sentant valorisés par cette posture si bien décrite par Jean-Paul Sartre dans Les Mots, lorsqu’il évoquait l’amour de son grand-père: « Il adorait en moi sa générosité ». Ils adorent, chez les musulmans, leur propre défense des opprimés supposés.
Cette assignation des musulmans à un rôle de victimes perpétuelles menace le socle de la vision politique de notre nation à laquelle une grande partie de la société est attachée comme démontré dans l’étude La France des valeurs (sous la direction de P. Bréchon, PUG, 2019).
Au-delà des débats autour du monde de la recherche auquel il convient de garantir une totale liberté, le rôle de l’exécutif pourrait être de réaffirmer la vision politique de la Nation partagée par un grand nombre de citoyens : combattre les idéologies imposant des identités et juger chacun par rapport à ses actes.
Pierre Nora (photo) a fondé la revue Le Débat (Gallimard) en 1980. La revue s'est arrêtée en septembre 2020. Photo: Hannah Assouline.
Sous la plume du journaliste Christopher Caldwell, le New York Times vient d’offrir une fine analyse du déclin du monde intellectuel français, longtemps dominé par la gauche.
Un récent article du New York Times sur les intellectuels français, espèce en voie de disparition, m’a donné à réfléchir sur la cause de cette raréfaction des pandas des têtes pensantes.
Je suis assez vieux pour avoir connu, et parfois personnellement, des « intellectuels de gauche » à l’époque où ces mots semblaient quasi pléonastiques. Sartre, Beauvoir, Camus, puis Deleuze, Foucault (Michel, pas Jean-Pierre), Barthes, Bourdieu et Jean Oublie — célèbre intellectuel auquel on doit l’invention de l’eau tiède et du prêt-à-penser à l’usage de BFM et C9.
À noter qu’il n’y avait pas qu’en France que l’heure était aux intellectuels. Umberto Eco ou Noam Chomsky sont deux beaux exemples de cette vague née dans les années 1900-1930 qui domina le monde intelligent à partir de 1950.
Que l’on soit d’accord (surtout a posteriori) avec l’un ou l’autre ne change rien au fait que c’étaient, les uns et les autres, de brillantes intelligences.
L’heure est grave. Christopher Caldwell, auteur de l’article part de l’arrêt programmé de la revue Le Débat, annoncé au début de l’automne. Pierre Nora, son animateur, a reconnu avoir perdu la bataille contre ce qui se présente aujourd’hui comme la vitrine de la France qui pense, la gauche « intersectionnelle » où l’appartenance à une « communauté », la couleur de peau, le sexe, surtout s’il est indécis ou multiple, l’origine ethnique, sont gages d’une pensée originale. Ou, si l’on préfère, la Bêtise a gagné.
Une preuve ? Une polémique avait été lancée par deux « intellectuels » nouvelle mouture, Edouard Louis et Geoffroy de Lagasnerie, contestant la présence de Marcel Gauchet (Trop vieux ! Trop intelligent ! Trop à droite !) aux Rendez-vous de l’Histoire de Blois en 2014. Gauchet depuis cette date se cantonne à produire des articles lumineux dans des médias qui ne sont pas Têtu ou Causette — pas même Télérama, cet Annapurna de l’intellect contemporain. Et Nora a fermé le Débat.
Les intellos ont abandonné le peuple pour les minorités
« Intellectuel » existe depuis lurette, mais le terme s’est imposé dans l’espace français avec l’Affaire Dreyfus. Et en mauvaise part : il s’agissait pour les anti-dreyfusards de stigmatiser les amis de Zola, bande de scientistes et d’écrivains probablement enjuivés — d’autant qu’il existait une pensée intellectuelle juive (mais non religieuse) depuis au moins le milieu du XIXe siècle.
Les voyous qui aujourd’hui crânent dans les salles de classe, et qui par parenthèse font de l’antisémitisme l’un de leurs chevaux de bataille, ont retrouvé cette valeur péjorative en taxant d’« intellos » ceux de leurs camarades qui lisent, ne communient pas dans l’amour désespéré de l’OM ou, tout simplement, font leurs devoirs. Les réseaux sociaux permettent à la racaille de harceler ces cibles faciles : l’« intello », comme jadis « l’intellectuel », manque de muscles, et, pire, il est souvent aimé des filles.
À partir de 1918 et jusque dans les années 1980, les intellectuels eurent beau jeu d’« être contre » : contre la guerre, contre les bourgeois, contre Franco, contre les nazis, contre les Américains, contre la peine de mort, etc. Communisme, maoïsme, gauchisme, tiers-mondisme, il y a bien peu d’-ismes que nos intellectuels français n’ont pas essayé. C’étaient autant de prêts-à-porter interchangeables. Selon le mot de Raymond Aron, l’un des rares « intellectuels », avec Mauriac, à se situer plutôt à droite, ils étaient des « spectateurs engagés » : l’engagement avait été théorisé par Sartre et Camus, et le « spectacle » sera théorisé par Guy Debord. Car l’aspect « spectateur » est essentiel pour comprendre l’intellectuel, dont la dénomination a été construite par opposition à « manuel ». L’intellectuel ne se salit pas trop les mains — sauf à porter les valises du FLN.
L’arrivée de la gauche mitterrandienne (ça aussi, c’est un oxymore, comme « obscure clarté ») a malheureusement sonné le glas des intellectuels. Comment être contre Jack Lang, Christiane Taubira ou Najat Valaud-Belkacem, tous phares de la pensée de gauche ? Les gauchistes prétendaient jadis être le fer de lance de la Révolution, l’avant-garde éclairée montrant la voie aux prolétaires qui voudraient bien se faire casser la figure pour qu’ils puissent encore fumer des havanes, comme Serge July. Mais du prolétariat plus de nouvelles, la désindustrialisation l’a jeté dans les bras du chômage de masse et de l’extrême-droite. Alors nos intellos nouveaux, comme le Beaujolais du même nom, se sont ralliés aux damnés de la terre encore disponibles : descendants d’esclaves (esclaves d’Occidentaux, la traite transsaharienne est un tabou majeur), descendants de colonisés (colonisés par des Occidentaux : la colonisation turque, par exemple, dont la France a libéré les tribus du Maghreb, est, elle aussi, tabou), homosexuels assez peu satisfaits d’avoir les mêmes droits que les autres, chiennes de garde et autres minorités affligées.
Ce que l’on mesure tout juste, c’est l’arrivée conjointe d’Internet et des réseaux sociaux. En donnant la parole à tout le monde, l’informatique a transmué en intellectuels tout ce qui s’agite sur Tweeter, Facebook, TikTok et Instagram — et les autres. Sous prétexte que la parole lui était offerte, le premier crétin venu s’estime en droit de donner son avis. On écoutait jadis ce que disaient Bernanos, Sartre ou Camus ; on s’écoute désormais soi-même.
L’Ego a remplacé les idées
Seconde mutation d’importance, c’est finalement à droite (ou ce que l’on se plaît à désigner sous ce terme) que l’on retrouve désormais des intellectuels. Bruckner ou Finkielkraut, Onfray ou Badinter, Debray ou Polony passent pour des penseurs de droite — nouveau pléonasme.
C’est logique : l’intellectuel pense contre ; les gens que je viens de citer, auxquels je n’aurai pas l’outrecuidance de me mêler, pensent contre la doxa imposée par les malandrins qui ont usurpé la pensée. Cela en fait des intellectuels par définition — sauf qu’ils pensent contre les malfaiteurs qui prétendent penser pour les autres.
Il serait trop facile de dresser la liste de ces petits marquis faiseurs d’opinion qui prétendent tous penser, ce qui leur évite d’avoir une idée. On ne pense pas parce qu’on s’appelle Bellegueule, Despentes ou Caroline de Haas. On ne pense pas par ses mœurs, ni par sa capacité à s’enfiler des bières, ni par le nombre de ses invitations dans des médias qui ne pensent pas davantage.
Et je le dis à tous ceux qui s’aventurent à poser leur crotte sur les réseaux sociaux : on ne pense pas non plus par sa dextérité à manier une souris. Nous étions très humbles, dans les années 1960, très fiers de ramasser les miettes que nous laissaient quelques grandes pointures — il y en avait assez pour que chacun pût faire son marché. Aujourd’hui que l’Ego a remplacé le cerveau, il faudrait de temps en temps reconnaître qu’il y a des gens plus savants, plus cultivés, qui pensent plus vite et de façon stimulante.
A lire aussi, Christophe Bourseiller: «Morale et puritanisme ne cessent de gagner du terrain»
Le modèle informatique nous fait croire que le quantitatif vaut le qualitatif, et que cent mille bêtises font une vérité. Les ordinateurs ont mis du temps à battre les grands maîtres, aux échecs, parce qu’ils étaient (et sont toujours) incapables de lire les intentions de l’adversaire. Ils n’y sont arrivés que par une débauche quantitative d’hypothèses, qui ne vaudront jamais le vrai raisonnement, fait de raccourcis et de fulgurances. Les discussions qui s’arrêtaient à la porte du bistro et avaient l’excuse de l’apéro toujours recommencé, virevoltent désormais sur la Toile — sans autre excuse que le désir d’exister. L’éructation poussée jusqu’au vertige ! Mais un rot ou un pet n’ont jamais constitué une idée.
L’intellectuel est celui qui raisonne au-dessus de la mêlée — quitte à s’y plonger de temps à autre. Il a en général la parole rare, parce qu’il en connaît le prix et le danger : il ne pense pas que le dégueulis verbal soit une manifestation de l’intellect.
Le malheur présent vient du vomi conceptuel qui se présente comme une pensée organisée. Qu’un bon journaliste comme Zemmour finisse par passer pour un intellectuel est la preuve par l’absurde que notre hiérarchie des valeurs est cul par-dessus tête : Eric est un ami, il sera le premier à reconnaître qu’il pense, certes, mais qu’il n’est pas un intellectuel. Parce qu’il en est de l’intellect comme des autres arts. On n’invente pas tous les jours l’Impressionnisme. On n’a pas une idée toutes les deux minutes. C’est déjà beau si l’on en a deux ou trois dans sa vie.
Denis Robert annonce le lancement du média Blast. Image: capture d'écran YouTube.
C’est du moins ce qu’affirme Maxime Renahy, responsable démissionnaire du pôle investigation au sein du média en ligne lancé par Denis Robert.
« Nous allons bientôt peser aussi lourd que les médias mainstream. Ceux des milliardaires et de la propagande d’État ». Voilà comment l’écrivain-journaliste Denis Robert présentait son projet de télévision et de journal en ligne Blast, sur Twitter, le 4 février 2021. En accord avec les convictions anti-capitalistes de Denis Robert, Blast repose sur un financement participatif, qui a viré au plébiscite. En moins de trois mois, Blast a engrangé plus de 800 000€ de dons. La somme exacte est de 802 367€, apportés par 8542 donateurs, le 11 mars 2021 à la mi-journée.
C’est le moment qu’a choisi le journaliste Maxime Renahy pour rendre public sur Facebook les raisons qui l’ont poussé à démissionner de son poste de responsable de l’investigation chez Blast, début février. Selon lui, un seul donateur a apporté à lui seul « 100 000 euros à la création du média », avec un engagement pour « 20 000 euros par mois pendant un an, sous forme de dons. Soit 340 000 euros pour commencer ». La mise initiale a été « tronçonnée en plusieurs dons » versés sur Kiss Kiss Bank Bank, plutôt que sous forme de parts sociales, « afin de garantir l’anonymat du donateur ». Maxime Renahy a rencontré ce dernier. Il s’agit du « principal donateur anonyme d’Anticor », l’association anticorruption présidée par « Élise Van Beneden, qui est également l’une des fondatrices de Blast ». Il a été « présenté à Denis Robert par Elise Van Beneden afin d’aider Blast ».
L’anonymat de ce donateur ne se justifie plus: il s’agit d’Hervé Vinciguerra, un Français ayant fait fortune en revendant sa société d’édition de logiciels financiers Sophis pour 435 millions d’euros en 2010. Pour l’anecdote, Sophis travaillait pour tout ce que Denis Robert dit combattre, et en particulier… les fonds d’investissement. Son dernier livre, Larry et Moi (Ed Massot) est une charge contre l’un d’entre eux, BlackRock.
Soutien d’Arnaud Montebourg?
Maxime Renahy apporte un autre élément, lourd de sens. « Au cours d’une rencontre », Hervé Vinciguerra a indiqué « être un soutien d’Arnaud Montebourg pour l’élection présidentielle », formulant le vœu que Blast enquête « sur Anne Hidalgo, rivale d’Arnaud Montebourg ». Ce dernier a lancé le 10 janvier son parti, dans la perspective de la présidentielle de 2022, L’Engagement. Maxime Renahy ne parle à aucun moment de don d’argent de M. Vinciguerra à Arnaud Montebourg.
« Dès que j’ai pu vérifier le pedigree et les motivations de ce donateur, je me suis fermement opposé à toute implication financière de sa part », poursuit Maxime Renahy. « Le soutien d’un tel financier, quel qu’en soit le montant et les modalités, a toujours des effets délétères sur le fonctionnement d’un média (…) J’ai aussitôt fait part des informations dont je disposais à son sujet à l’ensemble de l’équipe de Blast, en présence de Denis Robert. Tous les membres de l’équipe, à l’exception de Denis, ont partagé mon avis, estimant à raison que ce mode de financement était totalement incompatible avec un appel aux dons citoyens ».
Contacté, Maxime Renahy maintient l’intégralité de ses propos. Denis Robert n’a pas donné suite dans l’immédiat. Si le témoignage de Renahy est bien confirmé, Blast va peut-être devoir préciser sa définition de l’indépendance. Et quid d’Anticor ? Causeur a écrit dans un article publié le 6 février que Hervé Vinciguerra n’avait « pas d’accointance politique connue ». Cette accointance est désormais publique, Blast étant ouvertement en campagne pour faire tomber Emmanuel Macron. Suite à cet article, Anticor a fait usage de son droit de réponse pour nier tout lien avec Blast, faisant valoir qu’Elise Van Beneden était devenue administratrice fondatrice à titre personnel. Ce serait donc aussi à titre personnel qu’elle aurait présenté à Blast le mécène d’Anticor? Le gouvernement doit dire le 2 avril s’il renouvelle ou non l’agrément qui permet à l’association anti-corruption d’agir en justice.
La semaine passée, jugée trop blanche, une Hollandaise renonçait à traduire l’œuvre d’Amanda Gorman, la poétesse noire ayant prononcé un texte lors de l’investiture de Joe Biden. Nouvelle polémique cette semaine au pays de Dave, l’écrivaine turco-néerlandaise Lale Gül renonce à écrire, après les intimidations de la communauté turque dont elle peine à s’extirper. Récit.
Amsterdam. L’écrivaine turco-néerlandaise Lale Gül n’écrira plus sur sa jeunesse dans le milieu musulman d’Amsterdam, cédant aux torrents de haine dans son quartier et au chantage au suicide de sa propre mère.
Sa mère approuve l’assassinat de Samuel Paty
Dans son livre Ik ga Leven (trad: “Je vais vivre”), Gül, 23 ans, ne mâche pas ses mots. Elle y décrit, dans un langage parfois cru, parfois poétique, les contraintes imposées par ses parents pour qu’elle vive comme une musulmane pieuse. Sa mère, illettrée, a approuvé l’assassinat du professeur Samuel Paty. C’est une des nombreuses occasions qui ont conforté Lale dans sa décision d’abjurer l’islam, ce qu’elle raconte dans le livre paru en février et qui est un grand succès de librairie aux Pays-Bas.
Özcan Akyol la supplie dans sa chronique au journal Algemeen Dagblad de changer d’avis “pour éviter que ne gagnent les barbares”. Réponse de l’intéressée: “Pour lui, c’est facile à dire. Il n’est pas une femme et n’habite pas dans mon quartier.”
Ses parents et les dirigeants religieux de la communauté turque ne l’ont pas lu et ne l’auraient sans doute pas fait sans la présence de Lale Gül dans des émissions de télévision aux heures de grande écoute. Depuis lors, on la reconnait et elle est conspuée dans son quartier, les rares fois où elle ose encore s’y aventurer. Elle reçoit également des tombereaux d’injures sur Twitter et autres réseaux sociaux, est menacée de corrections et doit confronter la haine de sa mère, qui lui aurait dit comprendre ceux qui menacent de l’étrangler. “Je l’aurais dit moi-même, si tu n’avais pas été mon enfant” lui aurait assené celle que l’écrivaine qualifie dans son livre de “despote islamo-fasciste”.
Accusée de salir la Turquie
Pourtant, elle vit toujours dans l’appartement familial, où elle a dû emménager dans la chambre de sa petite sœur de 10 ans. “Je suis majeure, je pourrais quitter le foyer, mais alors je me retrouverai toute seule, je n’aurais plus de famille” constate-t-elle dans une interview au journal Het Parool d’Amsterdam.
L’atmosphère dans la maison familiale doit être exécrable, et en plus Lale Gül se voit donc contrainte d’en sortir le moins possible de peur d’exciter la racaille et autres habitants qui l’accusent d’avoir sali leur religion, leur quartier et leur pays – entendez la Turquie. Lale ne s’aventure jamais dehors sans son frère aîné qui, quoiqu’il désapprouve lui-aussi le contenu du livre, est là pour protéger sa petite sœur. “La police m’a demandé avec insistance d’être prudente, mais ça, je l’avais déjà bien compris” affirme celle qui a porté plainte pour menaces et injures contre plusieurs assaillants. La police l’a assurée que sa rue fait l’objet d’une vigilance renforcée, la maire de gauche d’Amsterdam et des écrivains néerlandais de renom lui ont témoigné leur soutien.
L’assimilation en panne
Les parents de Lale émigrèrent aux Pays-Bas dans les années 90 et s’établirent dans un quartier de l’ouest de la capitale, où environ 60% de la population est issue de l’immigration turque, marocaine, surinamoise ou antillaise. Estimation qui peut sembler modeste à un promeneur de passage.
“Dans leur tête, ils n’ont jamais quitté leur village en Turquie” écrit Lale. Sa mère ne parle toujours pas un traître mot de néerlandais, son père se débrouille, contraint par son travail de facteur. Il a désormais peur de faire sa tournée dans le quartier où tout un chacun lui somme de s’expliquer sur la conduite jugée scandaleuse de sa fille. Celle-ci en ressent un certain remords: “J’ai gâché leurs vies.”
Paradoxalement, la conversion de notre écrivaine hollandaise à la civilisation occidentale a commencé à l’école coranique où ses parents l’envoyèrent chaque samedi. “A l’école néerlandaise, on m’encourageait à poser des questions, à l’école coranique à obéir” écrit-elle. Son professeur n’y apprécia guère une question sur le voile: pourquoi les filles devaient se couvrir la tête, contrairement aux garçons ? “Sûrement le diable t’a soufflé cette question!” reçut-elle en guise de réponse.
Depuis l’âge de 18 ans, elle se considère comme islamophobe. “Croyez-moi, je ne connais aucun pays islamique où il fait bon vivre comme non-musulmane, homosexuelle ou féministe” écrit celle qui étudie à présent le néerlandais dans l’une des universités d’Amsterdam. Prétexte, également, à rencontrer un petit ami qui, étant Hollandais pur jus, est bien sûr considéré comme une union inacceptable dans le foyer familial. Mais pendant ses études, Lela a aussi découvert qu’il y avait aussi des Turcs et Turques cultivés, laïcs, de droite et de gauche, parfaitement néerlandophones. Elle en dévora les articles dans la presse et les apparitions à la télévision.
À droite, Geert Wilders lui fait les yeux doux
Politiquement, elle penche plutôt vers la droite de la droite, dont elle refuse cependant les avances dans un climat politique tendu sur le sujet de l’immigration. Dans les sondages pour les élections législatives du 17 mars, le Parti de la Liberté de M. Geert Wilders, qui prône l’immigration zéro pour les musulmans, est placé second, derrière les libéraux du premier ministre M. Mark Rutte mais loin devant les autres partis. Selon Lela Gül, la gauche néerlandaise, en encourageant le communautarisme, rend un bien mauvais service à l’intégration des minorités. Et commettrait surtout la grossière erreur, mêlée de lâcheté, de ne pas reconnaitre la difficulté que pose l’islam à ne pas considérer la femme comme l’égale de l’homme.
Sur ce point, elle se trouve sur la même ligne qu’Ayaan Hirsi Ali, la Néerlandaise d’origine somalienne et collaboratrice du cinéaste Theo van Gogh, assassiné en 2004 par un islamiste marocain d’un autre quartier d’Amsterdam. “Ayaan, c’est une héroïne pour moi” dit-elle dans la presse. Elle craint cependant de subir le même sort que sa courageuse consœur qui a dû s’exiler aux États-Unis pour sa sécurité.
Lale Gül avait entamé son deuxième livre, quand sa petite sœur la met en garde: leur mère ne manquera pas de se suicider dès sa parution. Lale céda aux pressions, en informa son éditeur Prometheus et reprit le chemin de l’université. Au grand dam de l’écrivain turco-néerlandais Özcan Akyol la suppliant dans sa chronique au journal Algemeen Dagblad de changer d’avis “pour éviter que ne gagnent les barbares”. Réponse de l’intéressée: “Pour lui, c’est facile à dire. Il n’est pas une femme et n’habite pas dans mon quartier.”
Son visage et sa voix font partie de la mémoire collective grâce à ses apparitions au cinéma. Son travail d’historien défriche les marges et les extrêmes avec précision. Christophe Bourseiller publie aujourd’hui un livre consacré à Jean Parvulesco, écrivain mystérieux classé à droite, ainsi qu’une passionnante synthèse intitulée Nouvelle histoire de l’ultra gauche. Un grand écart qui pourrait résumer son parcours. Rencontre avec un homme qui fuit les clichés, mais pas le débat.
Causeur. Pourquoi revenir sur la figure de Jean Parvulesco ?
Christophe Bourseiller. Je me suis toujours intéressé aux marginaux, aux inclassables. Son mélange de poésie, de conspirationnisme, d’idées politiques très à droite et à l’opposé des miennes m’a toujours intrigué. J’ai pu le rencontrer au début des années 2000, dans son minuscule appartement du 16e arrondissement. Il m’a reçu avec une grande politesse. À la fin de la conversation, il s’est éclipsé et est revenu avec une pile de 40 livres. Son intégrale ou presque. À partir de là, je me suis plongé dans cette œuvre étrange, hallucinée, dans ces phrases interminables, décrivant des complots et des mondes invisibles. C’est une expérience !
Jean Parvulesco est à la fois très actuel – notamment pour son goût des complots – et hors du temps, un pied dans une autre dimension. Où le situez-vous ?
Difficile à dire…Politiquement, il lui est arrivé de se proclamer d’extrême droite, puis de se déclarer gaulliste, plus précisément un adepte du « gaullisme des profondeurs » concept assez obscur. Socialement, il vivait dans le plus grand dénuement matériel. Il m’a confié n’avoir jamais gagné un centime avec ses livres. Je me suis toujours demandé de quoi il vivait, sans trouver de réponse. Mais il n’était pas isolé. Il a été ami avec Jean-Luc Godard, Éric Rohmer, Paul Gégauff, Dominique de Roux… N’importe qui aurait profité de ces contacts pour devenir scénariste, pour faire produire un film. Lui, non.
Cette proximité avec le monde du cinéma est l’un de vos points communs. Est-ce pour cette raison que votre livre comporte aussi une large part d’autobiographie ?
Il s’est passé quelque chose d’étrange en écrivant sur Parvulesco : des souvenirs personnels, des moments que j’avais occultés, ont littéralement resurgi. Beaucoup étaient liés au monde du cinéma, à mes expériences d’acteur chez Godard quand j’étais enfant [dans Une femme mariée, Week-end, etc., NDLR], puis dans les films d’Yves Robert notamment [Un éléphant ça trompe énormément, Nous irons tous au paradis, etc.]. Parvulesco et moi avons été approchés par le cinéma, puis rejetés. C’est une impression très étrange. Une vallée de possibles s’ouvre et, soudain, se referme.
Pourtant vous êtes un enfant du sérail, fils de comédien et de dramaturge. Vous tracez d’ailleurs un portrait subtil et un rien glaçant de ce milieu d’intellectuels de gauche.
Je suis un pur produit de la gauche caviar. Un étrange mélange de culture, de réflexion, mais aussi de cruauté et d’hypocrisie. Très jeune, j’ai vu des gens disserter sur l’injustice et la dictature du prolétariat dans de luxueux appartements parisiens. C’est assez formateur et l’on perd quelques illusions au passage. Mais je n’ai pas rejeté mon milieu en mettant le cap à droite. J’ai choisi la critique de la gauche par la gauche, avec les mouvements libertaires. En tant que militant d’abord et, plus tard, dans mes livres.
Christophe Bourseiller
Cette gauche caviar issue de 1968 est aujourd’hui à terre. Question à l’historien des idées : Mai 68, c’est officiellement fini ?
Effectivement, cette gauche a totalement disparu du débat, effacée par le xxie siècle. D’ailleurs, je me demande si les principaux acteurs de cette époque n’avaient pas déjà conscience de leur fin programmée : ils ont parlé assez vite de « parenthèse enchantée ». Enchantée, je ne sais pas, mais parenthèse certainement, et elle est en train de se fermer. Tout a basculé avec l’épidémie de sida et l’élection de Reagan aux États-Unis, au début des années 1980. En France, nous ne l’avons pas vraiment vu venir, la gauche arrivait au pouvoir, il y avait un décalage. Pourtant, tout changeait.
Les manifestations dégénèrent, les black blocs font les gros titres… l’ultra gauche semble, en revanche, avoir gagné en vigueur.
Disons plutôt qu’elle bouge encore. Nous avons l’impression aujourd’hui d’un déferlement de haine, mais la société des années 1970 était autrement plus violente. En 1971, par exemple, les mouvements d’ultra gauche et les communistes libertaires ont organisé un pillage du Quartier latin pour mettre à terre le capitalisme, lutter contre le règne de la marchandise. Les black blocs n’ont rien inventé. Et la protestation contre les bavures policières, la haine de l’autorité ne sont pas des nouveautés non plus.
Nous semblons désormais pris entre deux courants : d’une part, la violence en actes des ultras souhaitant que tout explose et, d’autre part, la terreur au nom de la tolérance, prônée par la « cancel culture ». En résumé, le chaos et le silence imposé. Au milieu, le débat se recroqueville, terrorisé. Comment en est-on arrivé là ?
J’identifie deux racines, essentielles à gauche. L’une est ancienne et profondément ancrée, il s’agit de la gauche décoloniale et tiers-mondiste pour laquelle la repentance est le cœur de la politique. L’autre, plus récente, s’est affirmée au cours des années 1990 : l’altermondialisme. Elle voulait réguler l’économie et les échanges financiers. Et pour cela, elle ne croyait pas à l’État, mais à l’éthique. Dès lors, la morale a repris le dessus. La voie était libre, car le politique ne signifiait plus rien. Devant des politiciens impuissants, n’incarnant plus aucun combat, le citoyen se replie sur son identité, sur ce qu’il est, sur sa vision morale du monde.
La jonction des deux racines est redoutable. Quand la gauche tiers-mondiste veut défendre les peuples opprimés, elle se met à défendre l’islam et, ce faisant, elle adopte peu à peu la morale puritaine de l’islam. Morale et puritanisme ne cessent de progresser. Je parie, par exemple, sur une revitalisation du mariage dans les années à venir. Les revendications des homosexuels sur le sujet l’annonçaient. Mais rien ne dit que nous n’assistons pas non plus à une « parenthèse puritaine », limitée dans le temps. Il faut toujours observer l’extrême gauche, car elle est souvent l’antichambre de la doxa des années à venir.
Justement, qu’est-ce qui agite la gauche de la gauche aujourd’hui ?
L’écologie radicale, notamment avec les ZAD, qui est une sorte de nouveau jansénisme. J’ai récemment lu un texte où l’auteur parlait de « vie minimale ». Le chemin parcouru de « Jouissons sans entraves » à la « vie minimale » est passionnant et très révélateur.
Il traduit aussi un clivage générationnel. Ce dernier pourrait-il remplacer la bonne vieille lutte des classes ?
C’est un nouvel antagonisme. La génération des 20-30 ans est animée par un sens du collectif. Alors que les 30-45 ans, par exemple, sont encore, dans le sillage des baby-boomers, très individualistes, centrés sur un « moi, je… » s’exprimant sur les réseaux sociaux. Regardez les Gilets jaunes. Ils mettaient en avant des revendications individuelles, refusaient toute idée de représentation, de collectif… et il ne s’agissait pas de gens jeunes. C’est pourquoi les réseaux sociaux se sont imposés comme leur principal outil. De toute façon, les réseaux sociaux sont déjà finis, morts, bientôt enterrés…
Pardon ? On a plutôt l’impression qu’ils triomphent, s’imposent comme l’alpha et l’oméga du débat public.
En observant l’extrême gauche, j’ai vu s’imposer le thème de la déconnexion. C’est un premier signal fort. En parallèle, les géants du web se transforment en censeurs et prennent ainsi le contrepied de tous les idéaux libertaires à l’origine d’internet. Il y a eu le cas Trump, bien sûr, mais pas seulement. En Espagne, par exemple, les comptes Twitter de mouvements comme Podemos ou Vox ont été fermés. Facebook et Twitter ont déjà compris que la censure serait inévitable, ils vont donc laisser mourir ces marques lentement pour se concentrer sur des réseaux entièrement ludiques, moins problématiques à gérer et très rentables, comme TikTok.
Terminons avec Jean Parvulesco qui n’aurait pas dédaigné nos digressions politiques. Son œuvre est tentaculaire. Par où conseillez-vous de commencer ?
Par Un retour en Colchide. Il y parle de ses promenades dans Paris, de ses expériences mystiques, toujours avec ce sens si particulier de l’énigme, comme si la réalité n’était qu’un leurre. Un ouvrage plus accessible, mais tout aussi mystérieux.
Christophe Bourseiller, Nouvelle histoire de l’ultra-gauche, Le Cerf, 2021, 392 p.
« Le vrai est un moment du faux », disait Guy Debord, penseur que connaît parfaitement Christophe Bourseiller. La citation aurait pu devenir la devise de Jean Parvulesco (1929-2010), tant l’écrivain roumain n’a cessé de conjuguer la réalité et la légende, le visible et l’occulte. Dans ce livre, Bourseiller contourne l’écueil de l’enquête journalistique, vouée à l’échec avec un tel homme. Le point de départ sera Godard. Il a connu Parvulesco, l’a fait « interpréter » par Jean-Pierre Melville dans À bout de souffle et était un intime de la famille Bourseiller.
À partir du réalisateur, l’auteur avance comme l’un de ces protagonistes amnésiques croisés chez Modiano, à tâtons. Chaque nom, chaque détail provoque ou non son lot de réminiscence et, peu à peu, les deux portraits – l’auteur et son sujet – s’affinent. Christophe Bourseiller se souvient de son enfance où il jouait au « singe savant » débitant théories et jugements pour impressionner les amis gauchistes de ses parents. Le cinéma dessine une voie de sortie. « Tu es un personnage, pas un acteur », tranche alors Yves Robert. « Quelle chance ! » semble répondre en écho Parvulesco, lui qui a justement construit un personnage avec application, sculptant sa vie comme tous ceux que la réalité déçoit, indiffère ou effraie. Comment vit-il ? Est-il vraiment roumain ? Quid de cet axe « Paris-Rome-New Delhi-Moscou » dans la « métapolitique internationale et cosmologique » ? Aucune de ces questions ne trouve de réponses. Le livre ne perce pas le mystère Parvulesco. Et, en cela, lui rend un hommage paradoxal, à la fois distant et bienveillant.
Christophe Bourseiller, En cherchant Parvulesco, La Table ronde, 128 pages, 2021.
Oubliez les livres de souvenirs, les rétrospectives, les témoignages d’époque. Pour saisir l’atmosphère du début des années 1980 dans la province française, rien ne rivalise avec Clara et les Chics Types (1981). Normal : le grand Jean-Loup Dabadie est à la manœuvre. Il écrit le scénario, les dialogues et aurait même dû aller plus loin. « Le film devait être sa première réalisation, explique Christophe Bourseiller, mais la Gaumont a reculé et imposé un homme qui les rassurait, Jacques Monnet. » Le casting réunit Isabelle Adjani, Thierry Lhermitte, Daniel Auteuil, Josiane Balasko, Christian Clavier (parfait, comme toujours à cette époque) et Bourseiller, en léger décalage : « Il y avait une différence générationnelle entre eux et moi, notamment sur le plan musical. J’étais plongé dans la new wave et, eux, plutôt dans Stevie Wonder, Michel Jonasz [qui a écrit les chansons du film, NDLR]. » Le film trouve un faux rythme unique, la jonction entre des dialogues subtils et des comédiens doués se fait naturellement. Sur le thème vu et revu du « passage à l’âge adulte », Dabadie écrit des scènes qui semblent à la fois nouvelles et de toute éternité. Quatre mois après la sortie en salles, Mitterrand est élu. On croit cette génération triomphante. Elle est, en fait, déjà paumée. Clara et les Chics Types le montre avec une finesse qui a déserté la comédie française.
Pour la seconde année consécutive, ce 11 mars marque en Europe la journée d’hommage aux victimes du terrorisme. Emmanuel Macron présidera une cérémonie aux Invalides ce matin, puis rencontrera l’imprimeur de Dammartin-en-Goële qui fut otage des frères Kouachi après le massacre de Charlie Hebdo. Le terrorisme n’étant qu’un moyen d’action, Aurélien Marq rappelle dans ce texte les autres modes d’action de l’islamisme, ce péril mortel qui attaque la civilisation française.
Depuis l’année dernière, le 11 mars est désormais la journée nationale d’hommage aux victimes du terrorisme. Mais pour nécessaire qu’il soit, cet hommage n’effacera pas notre culpabilité collective.
Bien sûr, les vrais coupables sont les terroristes, et les idéologues et militants qui les inspirent, les encouragent, les excusent. Eux tous ont le sang des victimes sur les mains. Pourtant, collectivement, nous n’en sommes pas tout à fait innocents non plus.
Il y a ceux qui ne veulent pas nommer l’ennemi. Le terrorisme n’est pas un ennemi, c’est un mode d’action de l’ennemi. Et celui qui aujourd’hui tente de s’imposer par la terreur, c’est l’islamisme. La volonté de faire de l’islam la norme collective, au double sens de normal et de normatif. Et il reste un ennemi même lorsqu’il emploie d’autres armes.
L’ouverture, ça va deux minutes…
Il y a tous ces musulmans qui malgré quatorze siècles d’évidence refusent d’admettre que leur religion charrie un poison mortel, et un poison pour l’âme.
Il y a la République, qui a oublié qu’elle est un mode de gouvernement et un idéal politique, et que ça ne suffit pas à faire un pays, et encore moins une civilisation.
Il y a la France, qui en renonçant à être la France et à se faire respecter a abandonné tous ceux qui comptaient sur elle.
Il y a les religieux qui ont oublié que les dieux dignes de ce nom veulent l’homme libre à leurs côtés et non enchaîné à leurs pieds.
Il y a ceux qui choisissent le déni pour préserver leur médiocre confort moral égoïste, pour « ne pas stigmatiser », au nom de la « tolérance », au nom du « dialogue », au nom de « l’ouverture ».
Il y a ceux qui font l’éloge « des religions » sans jamais se donner la peine de distinguer ce qu’il y a de bon de ce qu’il y a de profondément vicié.
Djihad judiciaire, multiculturalisme, déni…
Il y a ceux qui utilisent le droit pour paralyser l’action de l’état, au mépris du bien commun.
Il y a ceux qui veulent faire de la France un simple territoire ouvert à tous les vents, au mépris de sa culture, de ses idéaux et de son peuple.
Il y a ceux qui choisissent de défendre des intérêts économiques, des intérêts de classe, des intérêts de clan, des intérêts de carrière, plutôt que de permettre l’union sacrée au nom de la dignité humaine contre le totalitarisme théocratique.
Il y a ceux qui descendent dans la rue pour des futilités, alors qu’il faudrait le faire pour exiger l’interdiction de toutes les idéologies opposées à la liberté de conscience.
Il y a ceux qui savent mais ne font rien, ou pas assez.
Il y a moi, qui ai mis trop longtemps à comprendre, et trop longtemps à oser dire clairement ce que j’avais compris.
Tous, il n’y a qu’un seul hommage que nous puissions rendre aux victimes en nous tenant la tête haute devant leurs tombes : terrasser l’ennemi. D’ici là, nous ne pouvons que redire leurs noms pour qu’ils ne soient jamais oubliés, et espérer leur pardon.
…et nous promet de belles parties de rigolade au milieu du désastre.
Dimanche 7 mars, après une « balade urbaine » au Parc Suzanne Lenglen, l’adjointe à la maire de Paris chargée de l’égalité femmes-hommes Hélène Bidard (Parti Communiste) a twitté vouloir établir un « diagnostic genré de ce vaste espace vert et sportif ». Certains internautes parisiens, morts de rire, demandent ironiquement des précisions. Histoire de continuer à se gondoler, nous proposons de porter à la connaissance de ces internautes et des lecteurs de Causeur les meilleurs passages du livre de chevet de Mme Bidard, le Guide référentiel Genre et espace de la Mairie de Paris.
Balade urbaine ce matin au parc Suzanne Lenglen en vue d’établir un diagnostic genré de ce vaste espace vert & sportif en bordure de périphérique, Aquaboulevard et Héliport de @Paris. Un travail passionnant qui s’engage avec Corinne Luxembourg & le collectif les Urbain.e.s #8marspic.twitter.com/tqk3UA45jV
Ce guide est écrit dans la novlangue politique chère à son édile et en écriture dite inclusive. Anne Hidalgo y affirme d’abord que « l’espace public est une construction masculine. Conçu et mis en œuvre par et pour des hommes »; puis que « l’urbanisme, l’aménagement urbain et les services publics doivent permettre d’y mettre fin (aux violences sexistes) ». Nous imaginons que c’est à la lecture de ce diagnostic d’experte que Caroline de Haas a réclamé l’élargissement des trottoirs de la Porte de la Chapelle, trottoirs sur lesquels des femmes avaient été agressées par des migrants pas bêtes du tout et ayant immédiatement compris la fonction et l’intérêt d’un aménagement urbain élaboré par un « groupe dominant masculin hégémonique » pour assouvir ses vices.
Toute une bouillie sociologique autour du « genre » est utilisée dans ce guide. Résumant à gros traits la “philosophie” de Judith Butler et d’Éric Fassin, les auteurs rappellent que « ce qu’on appelle “genre” est le système de normes ou la construction sociale qui assigne des rôles et places différentes et hiérarchisées aux femmes et aux hommes ». Il convient par conséquent de « développer une “approche intégrée de l’égalité femmes-hommes” (ou une approche intégrée du genre) pour en faire une stratégie transversale pour toute la municipalité. » Comme c’est transversal, tout y passe: les lieux, les pratiques sportives, le vocabulaire, l’éclairage, les toilettes, les immeubles et le moindre recoin de la plus petite rue. En soi, certaines préconisations ne sont pas dénuées de bon sens, MAIS… pourquoi verser systématiquement dans une miteuse “philosophie féministe” et une sociologie de si bas-étage ? Pourquoi accoler systématiquement les théories les plus bêtes à un plan d’urbanisme qui pourrait aisément s’en passer ? Et pourquoi écrire dans cette langue infecte ?
Le techno-monde a des ressources infinies de déréalisation du réel et de destruction de la langue. Il ne suffit plus de prévoir un budget, il faut que ce dernier soit « un budget genré » (ou « gender budgeting », en anglais ça fait plus sérieux). Il ne suffit plus d’améliorer l’éclairage urbain, il faut « repenser la géographie sociale de la lumière ». Il faut réaliser des « statistiques sexuées ». Il est nécessaire de « valoriser l’image des piétons ». Évidemment, « le Plan Vélo de la ville devra intégrer la problématique du genre ». Il est également prévu une «reconquête de l’espace à travers des expérimentations sensorielles (?!) qui rétablissent nos liens aux lieux et nous sortent d’une vision fonctionnelle souvent “virile” de la ville. » On s’appliquera à « bannir le langage sexiste et féminiser le langage à l’écrit comme à l’oral » dans le sport. Nous l’ignorions mais « les femmes sont les premières expertes de l’usage de la ville », il conviendra donc de leur donner la parole: « c’est une question “d’empowerment” des femmes ».
Lavons-nous les oreilles en relisant Orwell: « Le langage politique a pour fonction de rendre le mensonge crédible et le meurtre respectable, et de donner à ce qui n’est que du vent une apparence de consistance. »
Des passages piétons arc-en-ciel pour signaler le ghetto homosexuel
D’autres capitales européennes ne jurent plus, elles aussi, que par la théorie du genre et le féminisme le plus crétin. Vienne est citée en exemple pour son « gender mainstreaming ». La ville de Genève a décidé de remplacer la moitié des panneaux signalant un passage piéton. Avec un objectif progressiste et inclusif affiché, ces nouveaux panneaux représenteront des « femmes actives, âgées, enceintes ou encore en couple lesbien. » La cité helvétique espère ainsi « augmenter la visibilité des femmes dans la ville ». Sandrine Salerno, maire socialiste encore plus “dégenrée” que notre maire de Paris, est prête à répondre à toutes les réclamations des groupes qui auront le désir de se voir représenter sur les panneaux de signalisation: les transgenres, les « personnes en surpoids », etc. Paris a encore des progrès à faire… elle qui n’a pour le moment repeint que quelques passages piétons aux couleurs arc-en-ciel des mouvements LGBT.
Conclusion: l’impression générale est quand même que tout ce petit monde d’élus parisiens hidalgo-progressistes, à force de vouloir racler les fonds de tiroirs électoralistes, semble totalement paumé, pour ne pas dire plus. On se souviendra qu’au deuxième tour des dernières élections municipales, Anne Hidalgo a été réélue avec moins de 20% des voix du corps électoral parisien, du fait d’une abstention massive. On peut donc penser qu’une très grande majorité de Parisiens se demandent sur quelle Nef des fous ils sont embarqués. Fluctuat nec mergitur est la devise de Paris. Vu le naufrage en cours, peut-être faudra-t-il envisager de la changer d’ici peu.