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Champions, mes frères!

Retour sur les opérations "Rising Lion" et "Midnight Hammer" en Iran


Champions, mes frères!
Donald Trump reçoit Benyamin Netanyahou dans le bureau Ovale de la Maison-Blanche, Washington, 7 avril 2025 © Gripas / Pool / Sipa

Depuis qu’Israël et les États-Unis ont bombardé les installations militaires et nucléaires de l’Iran, le chœur des belles âmes joue le grand air de la « désescalade », avec en arrière-fond une petite musique trouillarde et capitularde – surtout n’énervons pas les mollahs. Pourtant, grâce à Trump et Netanyahou, la République islamique est plus faible et le monde, plus sûr.


Si Netanyahou inventait un traitement contre le cancer, ils trouveraient cela suspect. On aurait été surpris que France Inter, Le Monde et tous les bataillons médiatico-mélenchonistes de l’anti-israélisme obsessionnel s’enthousiasment pour le Lion dressé. À partir du 14 juin, tout ce petit monde brode sur le même narratif, fort cocasse au demeurant : Israël a détruit, à coups de bombes et de missiles, la belle et grande détente régionale qui s’ébauchait sous la houlette de Donald Trump. « Israël est un danger pour le monde », ose Clémentine Autain dont l’aplomb est inversement proportionnel à sa connaissance du dossier. Certes, les dirigeants iraniens disent beaucoup de bêtises, mais ce sont en réalité des enfants turbulents qui ne veulent que la paix. Un pseudo-spécialiste affirme même que ce sont les frappes israéliennes qui vont pousser les mollahs à se doter de l’arme atomique. Jusque-là, ils enrichissaient de l’uranium au vingt-deuxième sous-sol pour préparer de la pâte à crêpes.

Gauche mollah et capitulards

Ces savantes analyses sont assaisonnées d’incantations sur le droit international bafoué. Ce que fait l’État hébreu est tout à fait illégal, déclare-t-on sévèrement sur Inter. Dommage que ce souci juridique soit si tardif. Ou peut-être les confrères pensent-ils que l’Iran est dans son bon droit quand il menace d’anéantissement un voisin qui ne lui a rien fait – sinon exister –, couve une meute de proxys enragés et se dote d’un arsenal meurtrier pour mener à bien ce projet. Les précautions oratoires de Mélenchon sur sa détestation du régime n’y peuvent mais. Très vite, la jeunesse qui constitue sa piétaille arbore, à côté des drapeaux palestiniens, ceux de la République islamique, pauvre petit État sans défense injustement agressé par la soldatesque sioniste. La gauche mollah est née. Face à Israël, même un régime qui pend les homosexuels et tue les filles rebelles a quelques vertus.

Cependant, ce n’est pas la haine de l’État juif qui frappe, c’est la tonalité paniquarde et capitularde des commentaires, bien au-delà de cette gauche déshonorée. Ouh, ça fait peur ! Ouh, ils vont énerver les mollahs ! La déflagration régionale, voire mondiale qu’on promet tous les quatre matins est de nouveau à l’ordre du jour. Bruno Retailleau a beau dire que « Trump a eu raison de frapper », dans le peuple de droite, on sent le trouillomètre monter, particulièrement après l’entrée dans la danse de l’aviation US. Quant au RN, si Marine Le Pen salue l’exploit israélien, Marion Maréchal fait la fine bouche. Une bonne partie des Français, fatigués de ces histoires de juifs et d’Arabes (en l’occurrence de Perses), redoute surtout de voir monter le prix du baril. Puisque le régime n’est pas tombé tel un fruit mûr, comme certains le pronostiquaient imprudemment, il faut sauver la face des mollahs, entend-on très vite. Dans les milieux néogaullistes on a la politique arabe de la France qui démange. Surtout, ne rien céder à l’impérialisme yankee. Alors que pas un soldat n’a posé le pied sur le sol iranien, certains annoncent un enlisement façon Vietnam. Mais comment une campagne aérienne dirigée contre des cibles précises pourrait-elle s’enliser ? On invoque à l’envi l’Irak et le fiasco de l’après-Saddam. Sauf que les deux situations s’opposent quasiment trait pour trait. Il n’y avait pas d’arme de destruction massive en Irak, il n’y avait pas non plus d’État et encore moins de sentiment national, ni de mouvement de protestation populaire. De plus, les Américains et leurs alliés prétendaient installer la démocratie en occupant le pays. Alors que la France vivait son quart d’heure de célébrité en refusant de se joindre à l’aventure, Jacques Chirac avait lâché cette phrase : « La guerre c’est toujours la pire des solutions. » C’est ce qu’on se disait en 1938. En 1939, c’était moins clair. 

A lire aussi, Gil Mihaely: Iran: le déclin de l’empire des Mollahs

C’est ainsi qu’après quelques jours de bombardements israéliens, nombre de ceux qui dénonçaient bruyamment le régime iranien après la mort de Mahsa Amini et la répression féroce du mouvement Femme-Vie-Liberté se demandent si finalement les mollahs ne sont pas un moindre mal. Après tout, ceux-là, on les connaît.

Le même pacifisme paré dans les atours du gaullisme imprègne sans surprise la position officielle française. Tout en reconnaissant le droit d’Israël à se défendre, Emmanuel Macron précise que la France n’a en rien aidé les Israéliens, ne compte nullement le faire, et appelle à la reprise des discussions, comme si cela avait un sens de discuter avec les Iraniens qui, depuis au moins 2002 (et les révélations de l’opposant iranien Alireza Jafarzadeh sur l’existence du site secret de Fordo) roulent les Occidentaux dans la farine nucléaire. Mais pour nos diplomates et pour Emmanuel Macron, un mauvais accord vaut toujours mieux qu’une bonne guerre. Il ne s’agit plus d’équilibre ou de non-alignement, mais du refus de choisir son camp. Tant qu’à sortir de l’Histoire, essayons d’éviter les balles perdues.

Peur d’attentats

En Iran, en revanche, le vent de l’Histoire souffle en bourrasques. Les opérations « Rising Lion » et « Midnight Hammer » ont a minima retardé le programme nucléaire iranien. Nombre de hauts gradés des pasdaran, la garde prétorienne du régime, ont été abattus, tandis que la moitié des rampes de lancement et une proportion inconnue des missiles seraient détruites, affaiblissant significativement la capacité de nuisance des mollahs.

Certes, on ne connaît pas précisément l’étendue des dommages infligés à l’Iran et à son programme nucléaire. Et rien n’indique que le régime vacille. Reste que les mollahs sont plus faibles aujourd’hui qu’hier. Qui s’en plaindra à part leurs protégés ? Ils pourraient, nous dit-on, se venger de l’opération américano-israélienne en menant des attentats en Europe. Aussi légitime soit le souci des dirigeants européens de détourner la foudre de leur pays, on voit mal une démocratie respectable céder à ce chantage au terrorisme et se mettre ainsi dans la main de Téhéran. Ou alors on voit trop bien.

Trump et Netanyahou ne sont pas exactement notre genre de beauté. Un peu trop roublards, un peu trop ramenards. Et ne parlons pas de leur désinvolture avec leur Constitution respective. Mais la guerre n’est pas un concours de beauté. Face à la menace iranienne, ces deux-là ont fait preuve d’une salutaire intelligence et d’un rare courage. Reconnaissons-le. Pas pour gagner leur affection, pour ne pas perdre nos repères.

Été 2025 – #136

Article extrait du Magazine Causeur




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Elisabeth Lévy est directrice de la rédaction de Causeur. Jean-Baptiste Roques est directeur adjoint de la rédaction.

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