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Une triste nouvelle

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Notre chroniqueuse salue un héraut des temps modernes…


M. Le Floch-Prigent avait régulièrement abordé les problématiques liées à l’industrie dans les colonnes de Causeur. On peut retrouver ses textes et interventions ici • NDLR

Loïk Le Floch-Prigent nous a quittés. C’était un très grand chef d’entreprise, un passionné d’industrie, un personnage. Il a tout risqué et il a payé. Son courage, jusqu’à son dernier souffle, est exemplaire : « Ce sont les derniers instants d’une vie qui scellent un destin. » (Chateaubriand). Son intelligence et son jugement transcendaient les partis politiques. Il a conseillé aussi bien François Mitterrand que Jacques Chirac, et son pouvoir de conviction, y compris avec les salariés et les syndicats, n’avait pas de limites.

Né à Brest le 21 septembre 1943, Loïk Le Floch-Prigent était ingénieur diplômé de l’Institut polytechnique de Grenoble. Passionné par l’industrie, il s’illustre d’abord dans le service public avant de diriger plusieurs grands groupes français.

Il a été président de Rhône-Poulenc, PDG d’Elf Aquitaine, puis président de Gaz de France et de la SNCF, où il a défendu avec force la modernisation industrielle et énergétique du pays.

Homme de caractère, il affronte avec dignité les épreuves judiciaires liées à l’affaire Elf, assumant seul ses responsabilités.

Devenu ensuite consultant international, notamment en Afrique, il n’a jamais cessé de défendre la place de l’industrie dans l’économie française. Auteur engagé, conférencier respecté, vice-président d’ETHIC, il laisse l’image d’un homme brillant, fidèle à ses convictions, passionné et visionnaire.

Avant qu’il rejoigne le Mouvement ETHIC, je lui avais demandé : « Mais pourquoi avez-vous fait de la prison ? » Il m’a répondu : « Parce que j’ai donné de l’argent partout et à tout le monde. » Ce que j’ai appris ensuite, c’est que, contrairement aux patrons qui laissent punir les intermédiaires à leurs ordres, Loïk Le Floch-Prigent a fait de la prison parce qu’il a toujours refusé de donner un seul nom, dans quelque pays que ce soit. Il a ajouté : « Je suis le chef, c’est moi qui suis responsable et qui dois payer. » Être éthique, c’est ça. L’éthique est dans le juste comportement d’un homme face à sa conscience, quelles que soient les circonstances. Ce fut le cas. Le Conseil d’administration d’ETHIC l’avait accepté en son sein justement pour ses qualités morales. C’est de tempéraments comme cela dont nous avons besoin, dans le monde de l’entreprise et dans le monde politique.

Certaines de ses décisions ont été contestables : il en a assumé très largement les conséquences. Il a tout rattrapé par son dévouement au développement économique du pays. Nous sommes fiers qu’il se soit impliqué, y compris en tant que président de la branche industrie à ETHIC avec l’engagement et la sagesse de ses conseils. Revenir sur son parcours professionnel brillant n’est pas nécessaire face à la qualité de l’homme, qui dépassait tout. Jusqu’au bout, il nous a fait honneur. Je dirais comme Aragon : «Que, malgré tout, cette vie fut belle.»

Ardisson, ce fils de pub

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Le publicitaire Pierre Berville a fait ses premières armes avec Thierry Ardisson dans la même agence il y a cinquante ans. Il salue la mémoire d’un ami fidèle, bourré de talent et de paradoxes.


Depuis que je le connais, Thierry Ardisson a toujours illustré un réjouissant mélange de travail, de culot et d’une certaine inconscience. Quand nous avions vingt ans, il y a un demi-siècle, nous débutions ensemble dans la même agence de publicité. Dans J’enlève le haut, mon livre de souvenirs de ces années, j’écrivais : « Il balade déjà son sourire éclatant et son bagout dans tous les couloirs. Sa famille est des Alpes-Maritimes et il a le verbe sonore. Étymologiquement, c’est d’ailleurs le sens de son patronyme. Déjà totalement accaparé par l’ambition, mais avec une sorte de naïveté attachante, c’est un personnage. Comme beaucoup de provinciaux, Thierry ne veut rien rater de la vie parisienne. Il est de toutes les tendances, de tous les événements. On sent qu’il n’est pas monté à la capitale pour rien. Il lui faut des choses à raconter quand il retourne à la maison. Qu’est-ce qu’ils vont être épatés dans son pays niçois ! Il en veut. Il passe ses nuits dans les boîtes où il faut être et ses journées à l’agence. Il est toujours entre deux rendez-vous. Un jeune homme bourré d’énergie, entre autres… »

Par la suite, poussé par ce besoin de reconnaissance, Thierry osera tout. La réclame, la création d’entreprise, l’édition, le business, le lancement de magazines, la production de longs métrages et bien sûr la télé : il en poussera toutes les portes, et la dernière avec des succès innovants qui marquèrent l’histoire du media.

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Il m’avait fait porter L’homme en noir, son dernier livre au titre prémonitoire dont je n’avais pas totalement saisi le sens (j’ignorais sa maladie). Il y raconte une discussion avec Daniel Filipacchi, playboy et grand homme de médias qu’il admirait beaucoup. À sa question de midinette « Comment avez-vous fait pour réussir ? », le multimillionnaire avait fait cette réponse parfaite : « J’ai fait tout ce que je pouvais ! » C’aurait pu être la devise de Thierry.

Le nombre de ses paradoxes frôlait l’infini. Il se revendiquait royaliste et guillotinait l’aristocratie de la hype à coups d’interviews féroces ; et il décéda un 14 juillet ! Il se fichait d’humilier ses invités en promo mais se proclamait à juste titre – je l’ai constaté souvent – aussi gentil que méchant. Après avoir éreinté sans nuance le youtubeur Squeezie, il monta sa propre chaîne sur YouTube. Sincère amoureux du cinéma, il ne produisit que des nanars. Lui qui semblait n’aimer que lui et affectionner le libertinage révérait Audrey, sa femme adorée, et pleurait en public aux déclarations affectueuses de ses enfants. Il ne supportait pas d’être dans l’ombre mais révéla bien des talents.

Depuis toujours, en sale gosse attachant que rien n’arrêtait dans son désir de faire l’intéressant, il excellait à sortir des sentiers battus du paf. Son amour des coups d’éclat lui donnait du courage. Il n’hésita pas à dénoncer nommément David Hamilton, le photographe violeur de Flavie Flament, ni à partir en guerre contre Bolloré, son ex-employeur. Cette volonté de briller à tout prix était aussi sa faiblesse. Ses détracteurs retiennent ses manips vis-à-vis de ses invités (ses invitées surtout), son manque de scrupule à plagier idées et concepts (même pour en faire de grands succès), ses dérapages malheureux (il regretta rapidement son dernier Gaza = Auschwitz qui ne lui ressemblait pas).

Cinquante ans après nos débuts, il nous arrivait encore de déjeuner ensemble. Sans doute fatigué d’avoir beaucoup fait parler les autres, il parlait beaucoup de lui, toujours avec un nouveau projet sur le feu. C’était tout sauf ennuyeux. Je l’aimais beaucoup.

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Bayrou en père la rigueur

Une « année blanche » en matière de fiscalité, deux jours fériés sucrés, les retraités et les classes aisées mis à contribution: le Premier ministre a détaillé hier son plan de choc pour trouver 43.8 milliards pour le budget. Les Français-Gaulois réfractaires, qu’on ne voit pas tous à l’église à Pâques ou devant le monument aux morts le 8-Mai, accepteront-ils de boire cette potion magique?


Le bon sens populaire le dit et le répète depuis que le monde est monde : toujours se méfier de l’ours (pyrénéen ou autre) à son réveil, émergeant tout juste de ses longs mois d’hibernation. Rien de plus imprévisibles que ses premières réactions. Capable de tout, ou presque pour se procurer le précieux miel dont il est si cruellement en manque. De tout, à commencer par du brutal, comme on dit chez Audiard. Je n’irais pas jusqu’à affirmer que c’est ce à quoi nous avons assisté ce mardi 15 juillet, mais la tentation est grande.

Feu d’artifices de mesures économiques

La veille nous avions la Fête nationale, défilés cadencés, lampions, feux d’artifices, tagada-tsoin-tsoin place du village, bref du « vivre ensemble » à en pleurer de joie, tous potes, tous unis, embrassons-nous Folleville ! Et patatras, le lendemain, à l’heure de la sieste réparatrice après tant de félicités tardives, notre fête, à nous, Français. Sur un tout autre ton, un tout autre mode, cela va sans dire.

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Du brutal, disais-je. Deux jours fériés sucrés, le 8 mai et le lundi de Pâques. Rien que cela. Les pensions et les prestations sociales gelées pour toute l’année 2026, et maintes autres délicatesses allant dans le même sens. Avec un humour probablement accessible aux seuls grands comiques de Bercy et de Matignon, le premier d’entre eux appelle cela une « année blanche ». Nous autres, on y verrait plutôt une année noire, comme quoi, même sur le choix des mots, il y a quand même un sacré fossé entre ce qui est censé nous servir d’élite et nous, citoyens d’en bas et du milieu, cochons taillables à merci, cochons de bosseurs-payeurs, moutons si aisés à tondre. Sauf que, cette fois, le mouton pourrait bien se cabrer, se rebeller, se muer en féroce taureau vu qu’il ne lui reste sur le râble guère plus à tondre qu’on en trouve sur la coquille de l’œuf du jour.

Et puisqu’on est dans la basse-cour, restons-y. Le veau gras, qu’en fait-on ? À quelle sauce le mitonne-t-on, lui ? L’obèse par excellence, l’État, avec ses mangeoires tous azimuts, ses fuites d’oseille en veux-tu en voilà ? Ses grandes et bonnes œuvres à un pognon de dingue comme la sacrosainte immigration hors contrôle, son incurable maladie endémique, la subventionnite aigüe à fonds pas perdus pour tout le monde?

Mozart de la finance !

Pas entendu grand-chose là-dessus dans la bouche de notre ours du Béarn. Son miel, comme de juste, comme toujours, c’est plutôt dans nos poches à nous qu’il va aller le chercher. Quelle formidable imagination ne faut-il pas déployer pour ne réussir à inventer, à sortir du chapeau que des trouvailles aussi éculées, aussi usées que celles-ci: faire bosser le monde toujours un peu plus et lui serrer toujours un peu davantage la ceinture ! À quels formidables génies avons-nous affaire ? À quel ébouriffant Mozart de la finance avons-nous confié la baguette de chef et la plume d’oie pour pondre la partition?

Mais après tout, peut-être bien que les citoyens que nous sommes, attachés au pays, l’aimant de cette rude manière qui est la nôtre, consentirions à faire les efforts, non pas qu’on nous demande, mais que, en réalité, on nous impose. Oui, on ne peut exclure que nous pourrions accepter le sacrifice, cette rigueur qu’on n’ose même pas nommer. À deux conditions : la première que ce ne soit pas, comme d’habitude, en pure perte.

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La seconde, de mon humble point de vue, au moins aussi importante que la première : qu’on ne puisse déceler derrière tout cela un écœurant foutage de gueule. Un de plus. Pardon pour l’expression, mais elle me semble s’imposer.

Monsieur Bayrou a livré de fortes paroles, propres à marquer les esprits, lors de la présentation de son merveilleux plan. « Notre dette augmente de 5000 euros chaque seconde » a-t-il révélé. Édifiant. Et c’est bien en partant de cette violente, de cette terrifiante vérité que je me permets de parler de foutage de gueule.

La veille même de cette déclaration, le 14 juillet donc, le jour de la Fête nationale, l’un des plus grands artisans de ce flamboyant résultat, si ce n’est le plus grand, s’est vu promu au grade d’officier dans l’Ordre de la Légion d’Honneur, décoration instituée, rappelons-le tout de même, par le premier consul Napoléon Bonaparte pour récompenser et honorer les militaires comme les civils ayant rendu des « services éminents » à la nation. Ce serait donc pour l’éminent service rendu à la nation que représenterait cette dette à cinq mille boules la seconde que Monsieur Bruno Le Maire – puisqu’il s’agit de lui – aurait été ainsi honoré. Ah oui, décidément, foutage de gueule, j’assume !

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Danemark: la croisade laïque de Mette Frederiksen

La Première ministre danoise, Mette Frederiksen, vient de raviver un débat explosif au Danemark : celui de la place de l’islam et de ses symboles dans l’espace public, et plus particulièrement dans les écoles et les universités.


Début juin 2025, Mette Frederiksen, 47 ans, chef de file des sociaux-démocrates, a plaidé pour un durcissement de l’interdiction du voile intégral — burqa et niqab — déjà proscrits dans les lieux publics depuis sept ans, mais jusque-là tolérés dans les établissements d’enseignement. Pour la Première ministre du royaume du Danemark, il est temps de refermer une « brèche » dans la loi, qu’elle juge être le terreau du « contrôle social » et de « l’oppression » des femmes musulmanes au Danemark.

Contrôle des corps « avéré »

Au-delà du symbole vestimentaire, la Première ministre cible aussi l’existence même de salles de prière dans certaines universités et collèges. Elle y voit un outil d’isolement plus qu’un espace de liberté religieuse : « Nous ne les voulons pas, car elles sont utilisées comme des mécanismes d’oppression envers les filles et, potentiellement, envers les garçons », a martelé la dame de fer danoise. Pour le gouvernement danois, la neutralité de l’école est non négociable : « Vous pouvez avoir votre religion, mais à l’école, vous êtes là pour être à l’école », résume Mette Frederiksen qui dénonce un « contrôle social musulman avéré».

Cette nouvelle offensive s’inscrit dans un contexte européen où le débat de certaines pratiques musulmanes avec les valeurs démocratiques ne cesse d’augmenter. Au Danemark, pays de près de 5,9 millions d’habitants, les musulmans représentent environ 5 % de la population (majoritairement issus de Turquie). Une minorité démographique, mais dont le poids symbolique et politique reste disproportionné aux yeux de nombre de Danois, notamment à la suite de plusieurs attaques terroristes islamistes ces dernières années — à l’instar de la fusillade de Copenhague en 2015 qui visait un débat sur la liberté d’expression et une synagogue.

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Face à cela, la société danoise, longtemps vantée pour sa tolérance, se montre de plus en plus perméable aux discours sécuritaires et identitaires. Au nom de la lutte contre le « séparatisme islamiste », les gouvernements successifs ont multiplié les restrictions : limitation du regroupement familial, contrôles renforcés dans les quartiers dits « ghettos », durcissement du droit d’asile. « Dieu doit céder le passage. On a le droit d’être croyant et de pratiquer sa religion, mais la démocratie a la priorité », a rappelé la social-démocrate à l’agence de presse danoise Ritzau.

Amnesty International pas content

Mais la question du voile reste particulièrement inflammable. Pour ses défenseurs, continuer à interdire la burqa ou le hijab au sein même des écoles revient à piétiner la liberté individuelle, à commencer par celle des femmes qu’on prétend émanciper. Au grand désespoir d’Amnesty International qui a rappelé que : « Toutes les femmes devraient être libres de s’habiller comme elles le souhaitent et de porter des vêtements qui expriment leur identité ou leurs convictions. ». 

Pour ses partisans, à l’inverse, cette loi serait un rempart indispensable face à un islam rigoriste qui instrumentalise le religieux pour asseoir un contrôle communautaire. Les salles de prière, tout comme le voile intégral, deviennent ainsi le credo d’une bataille plus large : celle pour préserver la laïcité (le nombre de mosquées dans le pays a augmenté entre 2006 et 2017 de 50%) et l’égalité entre les sexes, valeurs que le Danemark place au cœur de son identité nationale. 

Selon un sondage réalisé par l’institut Wilke, près de 40 % des musulmans sont d’accord pour dire que la loi danoise devrait être basée sur le Coran, dont 11,3 % qui réclament que la loi danoise soit basée exclusivement sur le Coran et les 26,5 % restants favorables à un mélange du Coran et de la Constitution du Danemark…

Alors que la société danoise oscille entre défense des libertés individuelles et protection de la cohésion nationale, la manœuvre de Mette Frederiksen est aussi éminemment politique : rassurer une opinion publique inquiète, tout en coupant l’herbe sous le pied d’une extrême droite qui prospère sur le rejet de l’islam et du multiculturalisme, récemment confortée par un document… gouvernemental. Selon le Centre national danois de recherche sociale qui a publié un rapport commandé par le ministère de l’Enfance, de l’Intégration et des Affaires sociales, pas moins de 15 groupes extrémistes musulmans opèrent sur cette terre de Vikings. Un terreau propice pour les milieux nationalistes puisque d’après un sondage de 2017, 55% des Danois pratiquants de confession chrétienne et 50% des non pratiquants assurent que l’islam reste incompatible avec leur culture nordique. Reste à savoir si cette surenchère législative ne risque pas de produire l’effet inverse : stigmatiser davantage une minorité déjà sous pression et alimenter le ressentiment dont se nourrit, précisément, l’extrémisme que Mette Frederiksen prétend combattre.

Tour: le spectre du contre-la-montre pyrénéen

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La très attendue 13e étape, entre Loudenvielle et Peyragudes, vendredi prochain, pourrait départager irrémédiablement les deux favoris, explique notre chroniqueur.


Depuis 2004, le Tour de France était sevré de contre-la-montre en montagne. Et pour cause… La 16ème étape de cette année-là, une montée sèche de 15,5 km, menant de Bourg d’Oisans au sommet de l’Alpe d’Huez, avait été gagnée par Lance Amstrong, à une moyenne de 23,435 k/h. On connaît quel postérieur funeste sort a été le sien. Il a été déchu de tous ses titres dans la Grande boucle, dont ses sept insolentes victoires consécutives, pour dopage.

Le sinistre souvenir qu’il avait laissé s’étant estompé avec le temps, les organisateurs ont donc décidé de renouer avec cet exercice rare, programmé seulement sept fois depuis 1947, mais qui a toujours donné lieu à d’homériques duels comme celui de 1959 qui opposa l’Espagnol Federico Bahamontés, dit L’Aigle de Tolède, et le Luxembourgeois, Charly Gaul, lui dit L’Ange des cimes, sur la pente conduisant de Clermont-Ferrand au Puy de Dôme.

Pas de gestion de l’effort possible

Intervenant après une première semaine « fantastique, intense, et très dure », comme l’a reconnu Mauro Gianetti, le manager de l’équipe (UAE) de Tadej Pogacar, qui a marqué tous les organismes, le contre-la-montre de cette 112ème édition fait figure de spectre. Il a dû assurément hanter la journée de repos des deux favoris, Pogacar (qui a cédé le 14 juillet sa tunique jaune qu’il a portée par intermittence, à un intrus sympathique et intrépide, l’Irlandais Ben Healy), et Jonas Vingegaard, surtout à cause de la grosse déconvenue qu’il a connue à Caen dans le même exercice mais en plat.

Ce chrono pyrénéen de 10,9 km, entre Loudenvielle et l’héliport de Peyragudes (1580 m), présente une pente moyenne de 8%, mais avec un final à 16%. « Pas de gestion de l’effort possible », comme l’a écrit Vélo-magazine dans son numéro de présentation du Tour, c’est du « à bloc » de la rampe de lancement à la ligne d’arrivée. Le rouleur pur (Evenepoel, Thomas) ne sombre pas, mais ne peut que limiter la casse face au grimpeur authentique. 

Cette 13ème étape, vendredi, le directeur du Tour, Christian Prudhomme l’a déjà estimée « mythique ». Elle sera un test sur les réelles potentialités du Français Lenny Martinez, qui a le profil type pour l’inscrire à son encore maigre palmarès. Il a revêtu la tunique à Pois au Mont-Dore, le jour de la fête nationale, mais il se doit de confirmer. Mais, surtout, sur le papier, cette étape apparaît comme appelée à mettre les pendules à l’heure entre les deux grands favoris, Pogacar et Vingegaard, qui ont guerroyé dès l’entame du Tour sans que l’un prenne un irréversible avantage sur l’autre.

Engagés

Ce qui a fait dire à Bernard Thévenet, dit Nanard, deux fois maillot jaune à Paris, et surtout vainqueur d’Eddy Merckx en 1975, « j’ai rarement vu un Tour où il y avait autant d’engagements des favoris dès le début. »

Avec ses deux victoires d’étape au sprint mais avec à chaque fois le Danois dans sa roue qui ne le lâchait pas d’un boyau, ses trois jours en jaune, le Slovène n’a pas pris, semble-t-il, un ascendant psychologique sur son rival, ce qui paradoxalement pourrait dans son for intérieur le faire douter. D’autant que Vingegaard ne s’est pas laissé abattre par son déconcertant échec à Caen.

Dès le lendemain, il relevait le gant en faisant rouler à fond son épique Wisma-Lease a bike en fin de l’étape Bayeux-Vire pour faire échec au projet de Pogacar de refiler le maillot jaune à Mathieu Van der Poel, son ami, afin de s’épargner de la sorte l’heure consacrée au protocole, une heure prise sur le temps de récupération. Un Tour ne se gagne pas que sur la route. « Les Wisma voulaient que je reste en jaune », avait-il convenu à l’arrivée avec un sourire malicieux. Pour une seconde, il venait de se faire déposséder de la première place au général et avait donc réussi son coup qui n’allait s’avérer être qu’éphémère puisque le lendemain il renfilait le maillot jaune en s’imposant à Mûr-de-Bretagne juste devant Vingegaard, qui lui collait à la roue comme son ombre portée.

Le temps des escarmouches entre les deux est révolu. Peut-être la mère des batailles les attend au pied des Pyrénées.  Bien qu’ayant 1’17’’ d’avance sur Vingegaard, Pogacar arrive avec un handicap pas négligeable. Il a perdu son lieutenant N°1 dans la montagne, le jeune et brillant Portugais Joao Almeida, vainqueur du dernier Tour de Suisse, qualifié souvent de meilleur équipier du monde par la presse sportive. Un autre de ses équipiers, Pavel Sivakov, semble aussi très affaibli et au destin très incertain.

En revanche, Vingegaard se présente avec une équipe au complet dont un de ses membres, Simon Yates, s’est même offert le luxe de s’imposer lundi au sommet du Mont Dore. Et surtout, elle occupe la première place au général par équipe avec un peu plus de huit minutes d’avance sur… l’équipe de Pogacar, l’UAE…

Mais, le plus ennuyeux pour Pogacar, c’est qu’il va avoir à mener un combat d’un contre deux, contre Vingegaard, mais aussi contre Matteo Jorgenson, lui aussi de l’équipe Wisma, 5ème au général à seulement 1’37 du Slovène. Ainsi, ils pourront l’attaquer chacun à son tour surtout s’il se retrouve esseulé dans les montées. C’est sans doute ce à quoi Vingegaard et sa solide garde rapprochée vont s’employer dès la première étape de montagne jeudi en Auch et Hautacam. Elle comporte deux cols un de première catégorie, le Soulor, un de seconde, des Bordères, et une arrivée au sommet hors catégorie de Hautacam.

L’art du cyclisme sur les grands tours s’apparente à l’art de la guerre, et plus exactement au fameux art opératif soviétique[1] qui consiste en une synthèse de la tactique et de la stratégie. À savoir, en l’occurrence, à coordonner plusieurs opérations de manière à user l’adversaire avant de lui porter le coup fatal.

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[1] Le théoricien de l’art opératif : Alexandre Svetchine (1878-1938), ouvrage Strategiia (1927)

À Bogota, un sommet mondial contre Israël

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La capitale colombienne est, depuis ce matin et jusqu’à demain soir, le théâtre d’une nouvelle offensive politique et économique contre l’État hébreu. Parmi les stars du colloque: Rima Hassan, Jeremy Corbyn et Francesca Albanese


Le président colombien Gustavo Petro a invité une vingtaine de gouvernements du Moyen-Orient et d’Amérique latine à discuter aujourd’hui et demain à Bogota de « nouvelles mesures » à prendre contre Israël. Coprésidé par la Colombie et l’Afrique du Sud, le colloque a en d’autres termes pour objet de réfléchir aux moyens de déstabiliser la seule démocratie du Moyen-Orient, qui lutte pour son existence face aux attaques d’organisations terroristes telles que le Hamas et le Hezbollah. Les participants se réuniront au Musée national de Bogotá, le plus ancien de Colombie et l’un des plus importants des Amériques, sous le slogan : « Action collective pour la défense de la Palestine ».

Le gratin antisioniste mondial se donne rendez-vous

Bogota a indiqué que des délégations venant de Chine, de Turquie, d’Algérie, du Qatar, d’Oman, du Bangladesh, du Sénégal, d’Indonésie, du Liban, ainsi que d’Espagne, de Cuba, du Nicaragua, du Venezuela, du Brésil, du Chili, du Honduras, d’Uruguay, de Saint-Vincent-et-les Grenadines et de Cisjordanie assisteront à l’événement. La rapporteuse spéciale des Nations Unies Francesca Albanese, qui accuse Israël de « génocide », d’« apartheid » et de « nettoyage ethnique », figure également parmi les hôtes. Le député britannique Jeremy Corbyn, exclu du Parti travailliste pour son antisémitisme virulent et ses positions identitaires et anti-occidentales radicales, a aussi fait savoir qu’il serait présent.

A lire ensuite, Renée Fregosi: L’Amérique latine du «Sud global» contre Israël

Sans surprise, Rima Hassan, qui a souscrit au terme « action légitime » pour qualifier la stratégie du Hamas, est également annoncée. Rappelons que la députée européenne a des ennuis judiciaires en France pour avoir tenté d’intimider des adversaires politiques et qu’elle a, en mars, inscrit sur le réseau social X l’adresse d’une entreprise marseillaise qui vend des pièces d’armes légères à Israël, ce qui pourrait déclencher des violences contre ses employés.

La Colombie en pointe sur l’antisionisme et le narcotrafic

Ce n’est pas la première fois que le régime de Gustavo Petro manifeste sa haine envers Israël. Pour mémoire, Bogota s’est toujours refusé à condamner les atrocités du 7 octobre 2023. Son vice-ministre des Affaires étrangères, Mauricio Jaramillo Jassir, a carrément qualifié l’attaque meurtrière du Hamas de « printemps palestinien » que « l’humanité doit soutenir ». Le 8 juin 2024, la Colombie est même allée au-delà des déclarations de principe en rompant ses relations diplomatiques avec Israël et en suspendant ses exportations de charbon vers l’Etat hébreu, en demandant que celui-ci « mette fin au génocide à Gaza ». Pourtant, les deux pays avaient signé un accord de libre-échange en 2020 interdisant la suspension ou la restriction des importations ou des exportations de marchandises.

A lire aussi, Elisabeth Lévy et Jean-Baptiste Roques: Champions, mes frères!

Dans une tribune publiée le 8 juillet dans The Guardian, M. Petro a précisé ses ambitions pour le sommet de Bogota : « Sans action décisive pour mettre fin à la destruction de Gaza par Israël, nous risquons de priver l’ordre juridique mondial des protections qu’il offre encore aux nations les moins privilégiées. » Dans le même texte, le président colombien nie les manœuvres du Hamas de saboter un accord de cessez-le-feu stable avec Israël. Selon lui, la conférence de Bogotá « réaffirmera la résistance au génocide palestinien » et permettra des mesures pour « passer des paroles à l’action collective ». En d’autres termes, son gouvernement pourra être tenu comptable des décisions qui seront prises lors du sommet et des conséquences que celles-ci pourraient avoir pour Israël et la population juive à travers le monde.

La politique de M. Petro s’inscrit dans un cadre plus large, qui consiste à saper la diplomatie traditionnelle pro-occidentale de la Colombie, à couper les vivres à l’armée et à éloigner le pays de ses alliés historiques, parmi lesquels les États-Unis et Israël. Le but est d’aligner Bogota sur le groupe des BRICS, où l’on retrouve les régimes autoritaires de Pékin et Moscou, mais aussi l’Afrique de Sud, très en pointe dans le combat antisioniste.

Notons enfin que selon des universitaires colombiens, le Hezbollah entretient des relations commerciales avec la Colombie depuis plus de dix ans, liées au trafic de drogue, au blanchiment d’argent et au trafic d’armes[1].

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[1] The denying threat to national security and defense: Hezbollah’s presence in Colombia, by David Andres Londoño-Bedoya, Maritza Padilla-Bueno, Jose Andres Areiza-Padilla & Ivan Veas-González

Champions, mes frères!

Depuis qu’Israël et les États-Unis ont bombardé les installations militaires et nucléaires de l’Iran, le chœur des belles âmes joue le grand air de la « désescalade », avec en arrière-fond une petite musique trouillarde et capitularde – surtout n’énervons pas les mollahs. Pourtant, grâce à Trump et Netanyahou, la République islamique est plus faible et le monde, plus sûr.


Si Netanyahou inventait un traitement contre le cancer, ils trouveraient cela suspect. On aurait été surpris que France Inter, Le Monde et tous les bataillons médiatico-mélenchonistes de l’anti-israélisme obsessionnel s’enthousiasment pour le Lion dressé. À partir du 14 juin, tout ce petit monde brode sur le même narratif, fort cocasse au demeurant : Israël a détruit, à coups de bombes et de missiles, la belle et grande détente régionale qui s’ébauchait sous la houlette de Donald Trump. « Israël est un danger pour le monde », ose Clémentine Autain dont l’aplomb est inversement proportionnel à sa connaissance du dossier. Certes, les dirigeants iraniens disent beaucoup de bêtises, mais ce sont en réalité des enfants turbulents qui ne veulent que la paix. Un pseudo-spécialiste affirme même que ce sont les frappes israéliennes qui vont pousser les mollahs à se doter de l’arme atomique. Jusque-là, ils enrichissaient de l’uranium au vingt-deuxième sous-sol pour préparer de la pâte à crêpes.

Gauche mollah et capitulards

Ces savantes analyses sont assaisonnées d’incantations sur le droit international bafoué. Ce que fait l’État hébreu est tout à fait illégal, déclare-t-on sévèrement sur Inter. Dommage que ce souci juridique soit si tardif. Ou peut-être les confrères pensent-ils que l’Iran est dans son bon droit quand il menace d’anéantissement un voisin qui ne lui a rien fait – sinon exister –, couve une meute de proxys enragés et se dote d’un arsenal meurtrier pour mener à bien ce projet. Les précautions oratoires de Mélenchon sur sa détestation du régime n’y peuvent mais. Très vite, la jeunesse qui constitue sa piétaille arbore, à côté des drapeaux palestiniens, ceux de la République islamique, pauvre petit État sans défense injustement agressé par la soldatesque sioniste. La gauche mollah est née. Face à Israël, même un régime qui pend les homosexuels et tue les filles rebelles a quelques vertus.

Cependant, ce n’est pas la haine de l’État juif qui frappe, c’est la tonalité paniquarde et capitularde des commentaires, bien au-delà de cette gauche déshonorée. Ouh, ça fait peur ! Ouh, ils vont énerver les mollahs ! La déflagration régionale, voire mondiale qu’on promet tous les quatre matins est de nouveau à l’ordre du jour. Bruno Retailleau a beau dire que « Trump a eu raison de frapper », dans le peuple de droite, on sent le trouillomètre monter, particulièrement après l’entrée dans la danse de l’aviation US. Quant au RN, si Marine Le Pen salue l’exploit israélien, Marion Maréchal fait la fine bouche. Une bonne partie des Français, fatigués de ces histoires de juifs et d’Arabes (en l’occurrence de Perses), redoute surtout de voir monter le prix du baril. Puisque le régime n’est pas tombé tel un fruit mûr, comme certains le pronostiquaient imprudemment, il faut sauver la face des mollahs, entend-on très vite. Dans les milieux néogaullistes on a la politique arabe de la France qui démange. Surtout, ne rien céder à l’impérialisme yankee. Alors que pas un soldat n’a posé le pied sur le sol iranien, certains annoncent un enlisement façon Vietnam. Mais comment une campagne aérienne dirigée contre des cibles précises pourrait-elle s’enliser ? On invoque à l’envi l’Irak et le fiasco de l’après-Saddam. Sauf que les deux situations s’opposent quasiment trait pour trait. Il n’y avait pas d’arme de destruction massive en Irak, il n’y avait pas non plus d’État et encore moins de sentiment national, ni de mouvement de protestation populaire. De plus, les Américains et leurs alliés prétendaient installer la démocratie en occupant le pays. Alors que la France vivait son quart d’heure de célébrité en refusant de se joindre à l’aventure, Jacques Chirac avait lâché cette phrase : « La guerre c’est toujours la pire des solutions. » C’est ce qu’on se disait en 1938. En 1939, c’était moins clair. 

A lire aussi, Gil Mihaely: Iran: le déclin de l’empire des Mollahs

C’est ainsi qu’après quelques jours de bombardements israéliens, nombre de ceux qui dénonçaient bruyamment le régime iranien après la mort de Mahsa Amini et la répression féroce du mouvement Femme-Vie-Liberté se demandent si finalement les mollahs ne sont pas un moindre mal. Après tout, ceux-là, on les connaît.

Le même pacifisme paré dans les atours du gaullisme imprègne sans surprise la position officielle française. Tout en reconnaissant le droit d’Israël à se défendre, Emmanuel Macron précise que la France n’a en rien aidé les Israéliens, ne compte nullement le faire, et appelle à la reprise des discussions, comme si cela avait un sens de discuter avec les Iraniens qui, depuis au moins 2002 (et les révélations de l’opposant iranien Alireza Jafarzadeh sur l’existence du site secret de Fordo) roulent les Occidentaux dans la farine nucléaire. Mais pour nos diplomates et pour Emmanuel Macron, un mauvais accord vaut toujours mieux qu’une bonne guerre. Il ne s’agit plus d’équilibre ou de non-alignement, mais du refus de choisir son camp. Tant qu’à sortir de l’Histoire, essayons d’éviter les balles perdues.

Peur d’attentats

En Iran, en revanche, le vent de l’Histoire souffle en bourrasques. Les opérations « Rising Lion » et « Midnight Hammer » ont a minima retardé le programme nucléaire iranien. Nombre de hauts gradés des pasdaran, la garde prétorienne du régime, ont été abattus, tandis que la moitié des rampes de lancement et une proportion inconnue des missiles seraient détruites, affaiblissant significativement la capacité de nuisance des mollahs.

Certes, on ne connaît pas précisément l’étendue des dommages infligés à l’Iran et à son programme nucléaire. Et rien n’indique que le régime vacille. Reste que les mollahs sont plus faibles aujourd’hui qu’hier. Qui s’en plaindra à part leurs protégés ? Ils pourraient, nous dit-on, se venger de l’opération américano-israélienne en menant des attentats en Europe. Aussi légitime soit le souci des dirigeants européens de détourner la foudre de leur pays, on voit mal une démocratie respectable céder à ce chantage au terrorisme et se mettre ainsi dans la main de Téhéran. Ou alors on voit trop bien.

Trump et Netanyahou ne sont pas exactement notre genre de beauté. Un peu trop roublards, un peu trop ramenards. Et ne parlons pas de leur désinvolture avec leur Constitution respective. Mais la guerre n’est pas un concours de beauté. Face à la menace iranienne, ces deux-là ont fait preuve d’une salutaire intelligence et d’un rare courage. Reconnaissons-le. Pas pour gagner leur affection, pour ne pas perdre nos repères.

Le fascisme: ce centrisme qui s’ignore

L’historien Fabrice Bouthillon développe des analyses inédites sur le fascisme dans son nouveau livre. Si tout n’est pas forcément convaincant, cette lecture rafraichissante donne à réfléchir.


On croyait avoir tout lu, tout dit, tout écrit et tout entendu sur le fascisme… Des pavés de spécialistes répondant à d’épiques « débats historiographiques », des bréviaires militants jusqu’à la martyrologie des antifascistes… Et voilà qu’un historien trublion, connu pour ses ouvrages iconoclastes, renverse la table des catégories intellectuelles. Situer le fascisme : l’addition des extrêmes, paru en 2025 aux éditions du Cerf, est moins une nouvelle thèse sur Mussolini qu’un exercice d’archéologie spirituelle, théologique et politique. Ici Mussolini n’est pas seulement le junior partner d’Hitler au menton narquois : c’est le fruit amer d’un long processus de macération théologico-politique… 

Le fascisme : un centrisme en bottes de cuir mais sans chapeau melon 

Le fascisme, qu’est-ce que c’est ? C’est d’abord une injure assez courante au XXIe siècle… « Fasciste » ou facho dit la gauche quand elle accuse la droite de passion identitaire ou de dérive autoritaire ; « fasciste » dit la droite quand elle rappelle (à bon droit) le passé socialiste de Mussolini ou dénonce son terrorisme intellectuel. La thèse de Bouthillon est simple, assez brillante, provocante et presque choquante : le fascisme, ce n’est pas l’extrême droite. En tout cas, ce n’est pas seulement l’extrême droite. Et ce n’est pas non plus la gauche dévoyée. Le fascisme c’est… le centre. Ou plutôt un centre. Mais attention : pas le centre mou, radical-socialiste, louis-philippard, de concentration républicaine, macrono-bayrouiste, giscardo-rocardien, gliotto-weimarien… Pas le centre de cabinet, de compromis, de complaisance qui négocie des amendements dans les couloirs de l’Assemblée. Non : le centre lourd, épais, vorace, attrape-tout. Un centrisme, précise l’auteur, « par addition des extrêmes » et non par exclusion. Soit le contraire de l’eau tiède :  plutôt une fusion nucléaire, aux accidents nombreux, terribles et prévisibles. 

Bouthillon revient à l’origine : 1789 fut un big bang politique mais aussi une fracture métaphysique. En 1790, les partisans du véto royal se tassent à droite des gradins de la Salle du Manège, les adversaires à gauche. La suite est un roman feuilleton type XIXe : la gauche vote la mort du roi, le centre fait la moue et la droite tente de recoller la tête couronnée sur les épaules de la nation. Le pays tangue entre tous les régimes – Empire, Restauration, monarchie de Juillet, République, empire encore, république ensuite – et finit par avoir la nausée. Paris gueule. La campagne soupire. L’élite vacille. Les préfets tremblent et attendent les ordres. C’est alors que le centrisme entre en scène. Avec le calme du notaire, le ton du rentier en goguette et le discours de monsieur Homais dans Madame Bovary, il répète qu’il faut pacifier, recoudre, réconcilier… Un peu de droite pour l’ordre et les pompes cirées, un peu de gauche pour ne pas désespérer les faubourgs. Savant mélange qui, à l’expérience, se révèle surtout instable. Ce centrisme-là, pour Bouthillon, peut séduire mais ne tient pas longtemps. Il n’est qu’un accommodement de circonstances. D’ailleurs le Directoire a laissé l’image d’un régime impuissant et corrompu renversé par le 18 brumaire et Bonaparte. 

Théologie politique pour temps de disette intellectuelle 

La vraie tentation moderne est ailleurs… dans l’addition des passions politiques contraires. Ce « centrisme par addition des extrêmes » dont parle Bouthillon – et qu’il oppose à l’autre centrisme, modéré « par exclusion des extrêmes » – emprunte à la gauche sa passion égalitaire et à la droite son culte du chef de l’autorité. Mussolini avant d’être le Duce fut d’abord le numéro trois du parti socialiste italien. Ses premiers élans furent socialistes et il finit comme allié du roi et soutien de l’Église. Pourtant, il pique à la gauche ses méthodes et ses symboles (le faisceau aux révolutionnaires, la mobilisation des masses aux socialistes, la violence révolutionnaire aux syndicalistes révolutionnaires, la déstabilisation de l’État aux anarchistes, l’organisation en parti aux communistes) et à la droite son programme (défense de l’ordre et de la nation). Il tutoie les paysans depuis la tribune, monte sur les tables comme dans une fête populaire, s’efforce de faire peuple, rappelle qu’il est fils d’une institutrice socialiste… 

L’analyse de Bouthillon passe aussi aux choses sérieuses : les péchés capitaux version politique. Il remonte à Saint Augustin, aux conflits entre sacerdoce et empire et tutti quanti… Pour lui, le fascisme n’est pas seulement une dérive autoritaire : c’est aussi une hérésie. Ou une religion de substitution, prométhéenne, tragique, en quête de « sublime », qui rêve de réinventer l’homme en copiant Dieu. Ainsi le totalitarisme ne promet pas le salut dans le ciel mais l’ordre nouveau. Chacun son idole pour remplacer Dieu : l’État et la nation pour Mussolini, la classe sociale et la révolution pour Staline, la race pour Hitler. Mais tous selon Bouthillon commettent le même pêché : diviser l’homme en retenant l’un de ses caractères (social, ethnique ou politique). Et Bouthillon de trancher, d’un ton de confesseur excédé : « « il n’est évidemment pas au pouvoir de l’humanité de fonder l’humanité. »

« Hitler et Mussolini en thérapie » 

Droite, gauche ? L’ouvrage – mais aussi l’œuvre générale de Bouthillon – offre une définition théorique de ce clivage qui oppose le primat du local (à droite) au primat du global (à gauche). 

La gauche dans son impulsion naturelle pense d’abord en termes d’idées, d’abstractions, cherche à élaborer des lois universelles, sacre l’Homme avec un grand H, promet des révolutions mondiales, s’enthousiasme pour les traités planétaires… Elle pense « universel ». La droite, elle, ne jure que par son pays, son clocher, ses moutons, ses haies de buis, ses morts, des grands-mères… Elle pense d’abord « local ». Jean-Marie Le Pen avait brutalement résumé l’opposition : «Je préfère mes filles à mes nièces, mes nièces à mes cousines, mes cousines à mes voisines, mes voisines à des inconnus et des inconnus à mes ennemis.» 

Dans le chapitre « Hitler et Mussolini en thérapie », Bouthillon ose tout, y compris l’humour – toujours délicat à magner sur ces sujets. Hitler ? Un Œdipe en uniforme : « son père était douanier, et lui-même aura passé l’essentiel de sa vie à renverser des postes frontières »… Finalement, les livres de Bouthillon rafraichissent, choquent et donnent à penser plus qu’ils n’instruisent. Le contraire d’un pavé universitaire illisible noyé dans l’anecdote. L’auteur est aussi connu pour son ouvrage L’impossible Université » où il dénonçait l’enrégimentement par les concours et la paresse intellectuelle des professeurs. L’héritage, selon lui, du premier « centriste par addition des extrêmes » : un certain Bonaparte… 

280 pages.

Situer le fascisme: L'addition italienne des extrêmes (1914-1945)

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Macron menace la liberté qu’il dit défendre

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La liberté, selon Emmanuel Macron, n’a jamais été aussi menacée depuis 1945, face à un contexte géopolitique en pleine dégradation, justifiant une nouvelle hausse du budget des armées. Pendant ce temps, la décision d’accorder l’asile en France à une Gazaouie par la Cour nationale du droit d’asile fait jurisprudence, et la nouvelle « coalition » contre la haine d’Aurore Bergé pourrait bien interdire toute critique du progressisme.


« Défendons notre liberté », a déclaré Emmanuel Macron, dimanche soir dans son discours aux Armées, en pointant la menace russe. En réalité, le chef de l’Etat rêve d’imposer, dans une France apeurée par ses soins, une société de surveillance soviétoïde. Ainsi, sous prétexte de ne pas discriminer les uns, le gouvernement invite à diaboliser les autres. Cette absurdité intellectuelle illustre le vide macronien, qui veut faire taire les observateurs du désastre.

A lire aussi, du même auteur: Pourquoi Emmanuel Macron doit partir

Le bureau des dénonciations d’Aurore Bergé

Un exemple : faire un lien, sur les réseaux sociaux, entre l’immigration maghrébine et africaine et les violences rituelles commises cette nuit à l’occasion de la Fête nationale (176 interpellations à Paris et alentour) devient susceptible de censures et de rappels à l’ordre. En effet, tel est l’esprit de la mise en place, le 9 juillet par la ministre Aurore Bergé, d’une coalition d’associations militantes ayant pour mission de dénoncer, en accéléré auprès de l’Arcom, des propos jugés haineux. Parmi ces inquisiteurs : le Crif, la Fédération des centres LGBT+, la Licra, SOS Homophobie, SOS Racisme, Osez le féminisme, le planning familial, etc. Au total, des associations affiliées à la gauche mondaine, liberticide, woke. Elles seront financées par l’Etat impécunieux pour mettre sous étroite surveillance le trop libre internet. Le but : y imposer le politiquement correct et ses propagandes. Mediapart a été oublié parmi les sycophantes. Pourtant, en juillet 2023, le site invitait déjà ses lecteurs, « témoins de propos racistes et déplacés au travail », à l’en informer pour « un article à venir ». Le 17 mars[1], je prévenais : « Tant que les Français laisseront faire, l’étau totalitaire se refermera ». Or l’annonce de Bergé, qui s’inscrit dans l’obsession initiale de Macron de traquer la « haine » sans s’interroger sur la sienne quand il dénigre le peuple populiste, n’a suscité que peu d’indignations politiques et médiatiques[2].

A ne pas manquer, notre nouveau magazine: Causeur #136 : Merci qui ?

La décision estivale de la CNDA

L’indolence estivale est propice aux coups de force du pouvoir ou de ses juges justiciers. Le 11 juillet, la Cour nationale du droit d’asile a ainsi ouvert la voie à l’asile des habitants de Gaza victimes, selon cette juridiction, de la « persécution » de l’armée israélienne. Jean-Luc Mélenchon et les mollahs iraniens n’auraient pas mieux dit. Non seulement l’immigration de conquête et son infiltration islamiste restent des sujets officiellement inabordables, mais des magistrats irresponsables sont prêts, appuyés par l’église diversitaire qui monopolise le récit labellisé, à accélérer ces processus mortifères pour la nation et sa fragile cohésion. S’il est bien vu, par ces « humanistes » adeptes d’une nouvelle Loi des suspects (1793), de soutenir la résistance palestinienne à la colonisation israélienne, il est interdit de soutenir la résistance française à la colonisation islamique.

Faute de penser la réalité, le pouvoir symbolise l’intolérance telle que Voltaire la dénonçait : « Cette sombre superstition qui porte les âmes faibles à imputer des crimes à quiconque ne pense pas comme elles ». « Jamais depuis 1945 la liberté n’avait été si menacée » a dramatisé Macron. Mais il est la menace intérieure. La classe politique s’étant endormie, c’est aux Français libres qu’il revient de dénoncer la macrocrature en marche.


[1] https://www.causeur.fr/l-infantilisation-des-francais-s-aggrave-macron-covid-extreme-droite-305699

[2] Sur ce sujet, retrouvez notre analyse dans le dernier épisode du podcast « Causons »

Le droit d’asile automatique: la France s’ouvre à Gaza

L’État de droit, c’est plus fort que toi, nouvel épisode ! Sur décision de la Cour nationale du droit d’asile, tous les Palestiniens de Gaza sont désormais éligibles au droit d’asile. Oui, tous. Potentiellement des milliers de musulmans, donc, dont même l’Égypte, le Liban ou la Jordanie ne veulent pas…


Le 11 juillet 2025, la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) a jugé, à l’occasion du cas d’une mère gazaouie et de son fils, que les méthodes de guerre israéliennes contre Gaza constituaient une persécution en vertu de la Convention de Genève de 1951, fondée sur la nationalité. Et, surtout, elle a estimé que tous les Palestiniens originaires de Gaza, même les apatrides non couverts par l’UNRWA, peuvent désormais prétendre au statut de réfugié. Ils ont décidé. En silence.

Une décision qui intervient alors que les Français sont à la plage

Une simple décision – passée inaperçue. Aucune couverture médiatique. Aucune réaction officielle. Et pourtant, un basculement. Désormais, tout individu se déclarant originaire de Gaza est automatiquement reconnu comme réfugié. Plus besoin de prouver une persécution. Il suffit de venir. D’entrer. D’invoquer le territoire. Et c’est fait. Protection immédiate. Droit au séjour. Aide sociale. Logement. Soins.

Le juge a estimé que la situation « générale » dans la bande de Gaza rendait tout retour impossible. Que tout Gazaoui, par principe, devait être considéré comme persécuté. Résultat : un flot. Des milliers d’arrivées. Des dizaines de milliers attendues. Des ONG qui s’activent. Des réseaux qui s’organisent. Un appel d’air. Un précédent.

Personne n’a voté cela. Aucune loi. Aucune consultation. Une simple extension du droit. Une brèche ouverte, une de plus, dans les digues déjà minées d’une souveraineté fantôme.

Le droit contre le réel

C’est une logique : plus un territoire est instable, plus ses ressortissants ont vocation à venir ici. Sans condition. Sans contrôle. Ce n’est plus une immigration. C’est une transmission de population. Et tout cela se passe sans débat. Par le droit, contre le réel. Par les juges, contre la nation.

Et avec cela, plus d’islamisme, plus d’antisémitisme, et des fractures qui vont continuer à s’aggraver au sein de la population de ce pays.

Car cette décision, en apparence juridique, produit en réalité un effet politique majeur : elle modifie la composition démographique du territoire sans en assumer les conséquences sociales, culturelles ou sécuritaires.

Plus d’islamisme, parce qu’en accueillant sans filtre des individus issus de zones sous l’influence de groupes fondamentalistes, on accroît mécaniquement le risque d’importation d’idéologies hostiles aux valeurs démocratiques. Les services de renseignement eux-mêmes le savent : Gaza est un terreau d’embrigadement, de haine, de conditionnement. La France, déjà fragilisée par des vagues successives d’attaques terroristes, ouvre ainsi une nouvelle brèche dans sa sécurité intérieure.

Les tensions ne s’arrêtent pas aux frontières

Plus d’antisémitisme, parce que les tensions du Proche-Orient ne s’arrêtent pas aux frontières. Elles s’invitent sur notre sol, dans nos écoles, nos universités, nos rues. Le conflit israélo-palestinien devient un prétexte, un levier. Les juifs de France, citoyens à part entière, sont à nouveau pris pour cibles au nom d’une guerre à laquelle ils ne participent pas. Le pays, qui n’a jamais réussi à endiguer la montée de la haine antijuive, risque de franchir un point de non-retour.

Et les fractures s’aggravent, inévitablement. Fractures sociales, car les dispositifs d’accueil alimentent un sentiment d’injustice chez les plus modestes, déjà confrontés à la pénurie de logements, de soins, d’aides. Fractures identitaires, car l’extension illimitée du droit d’asile provoque un sentiment d’abandon chez une partie croissante de la population, qui n’a plus confiance ni dans l’État, ni dans la justice. Fractures politiques enfin, car l’absence de débat, le contournement de la souveraineté populaire, renforcent les extrêmes et creusent le fossé entre le pays légal et le pays réel. C’est un engrenage. Prévisible. Irréversible. Et désormais enclenché.

Une triste nouvelle

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Loïk Le Floch-Prigent photographié en 1997 dans son bureau © DELESSARD/NECO/SIPA

Notre chroniqueuse salue un héraut des temps modernes…


M. Le Floch-Prigent avait régulièrement abordé les problématiques liées à l’industrie dans les colonnes de Causeur. On peut retrouver ses textes et interventions ici • NDLR

Loïk Le Floch-Prigent nous a quittés. C’était un très grand chef d’entreprise, un passionné d’industrie, un personnage. Il a tout risqué et il a payé. Son courage, jusqu’à son dernier souffle, est exemplaire : « Ce sont les derniers instants d’une vie qui scellent un destin. » (Chateaubriand). Son intelligence et son jugement transcendaient les partis politiques. Il a conseillé aussi bien François Mitterrand que Jacques Chirac, et son pouvoir de conviction, y compris avec les salariés et les syndicats, n’avait pas de limites.

Né à Brest le 21 septembre 1943, Loïk Le Floch-Prigent était ingénieur diplômé de l’Institut polytechnique de Grenoble. Passionné par l’industrie, il s’illustre d’abord dans le service public avant de diriger plusieurs grands groupes français.

Il a été président de Rhône-Poulenc, PDG d’Elf Aquitaine, puis président de Gaz de France et de la SNCF, où il a défendu avec force la modernisation industrielle et énergétique du pays.

Homme de caractère, il affronte avec dignité les épreuves judiciaires liées à l’affaire Elf, assumant seul ses responsabilités.

Devenu ensuite consultant international, notamment en Afrique, il n’a jamais cessé de défendre la place de l’industrie dans l’économie française. Auteur engagé, conférencier respecté, vice-président d’ETHIC, il laisse l’image d’un homme brillant, fidèle à ses convictions, passionné et visionnaire.

Avant qu’il rejoigne le Mouvement ETHIC, je lui avais demandé : « Mais pourquoi avez-vous fait de la prison ? » Il m’a répondu : « Parce que j’ai donné de l’argent partout et à tout le monde. » Ce que j’ai appris ensuite, c’est que, contrairement aux patrons qui laissent punir les intermédiaires à leurs ordres, Loïk Le Floch-Prigent a fait de la prison parce qu’il a toujours refusé de donner un seul nom, dans quelque pays que ce soit. Il a ajouté : « Je suis le chef, c’est moi qui suis responsable et qui dois payer. » Être éthique, c’est ça. L’éthique est dans le juste comportement d’un homme face à sa conscience, quelles que soient les circonstances. Ce fut le cas. Le Conseil d’administration d’ETHIC l’avait accepté en son sein justement pour ses qualités morales. C’est de tempéraments comme cela dont nous avons besoin, dans le monde de l’entreprise et dans le monde politique.

Certaines de ses décisions ont été contestables : il en a assumé très largement les conséquences. Il a tout rattrapé par son dévouement au développement économique du pays. Nous sommes fiers qu’il se soit impliqué, y compris en tant que président de la branche industrie à ETHIC avec l’engagement et la sagesse de ses conseils. Revenir sur son parcours professionnel brillant n’est pas nécessaire face à la qualité de l’homme, qui dépassait tout. Jusqu’au bout, il nous a fait honneur. Je dirais comme Aragon : «Que, malgré tout, cette vie fut belle.»

Ardisson, ce fils de pub

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Thierry Ardisson photographié en 1992 © COLIN MAX/SIPA

Le publicitaire Pierre Berville a fait ses premières armes avec Thierry Ardisson dans la même agence il y a cinquante ans. Il salue la mémoire d’un ami fidèle, bourré de talent et de paradoxes.


Depuis que je le connais, Thierry Ardisson a toujours illustré un réjouissant mélange de travail, de culot et d’une certaine inconscience. Quand nous avions vingt ans, il y a un demi-siècle, nous débutions ensemble dans la même agence de publicité. Dans J’enlève le haut, mon livre de souvenirs de ces années, j’écrivais : « Il balade déjà son sourire éclatant et son bagout dans tous les couloirs. Sa famille est des Alpes-Maritimes et il a le verbe sonore. Étymologiquement, c’est d’ailleurs le sens de son patronyme. Déjà totalement accaparé par l’ambition, mais avec une sorte de naïveté attachante, c’est un personnage. Comme beaucoup de provinciaux, Thierry ne veut rien rater de la vie parisienne. Il est de toutes les tendances, de tous les événements. On sent qu’il n’est pas monté à la capitale pour rien. Il lui faut des choses à raconter quand il retourne à la maison. Qu’est-ce qu’ils vont être épatés dans son pays niçois ! Il en veut. Il passe ses nuits dans les boîtes où il faut être et ses journées à l’agence. Il est toujours entre deux rendez-vous. Un jeune homme bourré d’énergie, entre autres… »

Par la suite, poussé par ce besoin de reconnaissance, Thierry osera tout. La réclame, la création d’entreprise, l’édition, le business, le lancement de magazines, la production de longs métrages et bien sûr la télé : il en poussera toutes les portes, et la dernière avec des succès innovants qui marquèrent l’histoire du media.

A lire aussi: Pour avoir ton brevet, révise en écoutant France inter!

Il m’avait fait porter L’homme en noir, son dernier livre au titre prémonitoire dont je n’avais pas totalement saisi le sens (j’ignorais sa maladie). Il y raconte une discussion avec Daniel Filipacchi, playboy et grand homme de médias qu’il admirait beaucoup. À sa question de midinette « Comment avez-vous fait pour réussir ? », le multimillionnaire avait fait cette réponse parfaite : « J’ai fait tout ce que je pouvais ! » C’aurait pu être la devise de Thierry.

Le nombre de ses paradoxes frôlait l’infini. Il se revendiquait royaliste et guillotinait l’aristocratie de la hype à coups d’interviews féroces ; et il décéda un 14 juillet ! Il se fichait d’humilier ses invités en promo mais se proclamait à juste titre – je l’ai constaté souvent – aussi gentil que méchant. Après avoir éreinté sans nuance le youtubeur Squeezie, il monta sa propre chaîne sur YouTube. Sincère amoureux du cinéma, il ne produisit que des nanars. Lui qui semblait n’aimer que lui et affectionner le libertinage révérait Audrey, sa femme adorée, et pleurait en public aux déclarations affectueuses de ses enfants. Il ne supportait pas d’être dans l’ombre mais révéla bien des talents.

Depuis toujours, en sale gosse attachant que rien n’arrêtait dans son désir de faire l’intéressant, il excellait à sortir des sentiers battus du paf. Son amour des coups d’éclat lui donnait du courage. Il n’hésita pas à dénoncer nommément David Hamilton, le photographe violeur de Flavie Flament, ni à partir en guerre contre Bolloré, son ex-employeur. Cette volonté de briller à tout prix était aussi sa faiblesse. Ses détracteurs retiennent ses manips vis-à-vis de ses invités (ses invitées surtout), son manque de scrupule à plagier idées et concepts (même pour en faire de grands succès), ses dérapages malheureux (il regretta rapidement son dernier Gaza = Auschwitz qui ne lui ressemblait pas).

Cinquante ans après nos débuts, il nous arrivait encore de déjeuner ensemble. Sans doute fatigué d’avoir beaucoup fait parler les autres, il parlait beaucoup de lui, toujours avec un nouveau projet sur le feu. C’était tout sauf ennuyeux. Je l’aimais beaucoup.

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Bayrou en père la rigueur

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Le Premier ministre Bayrou a présenté le 15 juillet 2025 les grandes lignes du budget 2026 lors d’une conférence de presse, exposant un plan visant à réduire les dépenses publiques de 44 milliards d’euros afin de ramener le déficit national à 2,8 % du PIB d’ici 2029. Bayrou a confirmé que 2026 serait une année de « croissance zéro » des dépenses publiques, ce qui signifie qu’aucune hausse des prestations sociales n’est prévue, malgré l’inflation. La défense fait figure d’exception: le président Emmanuel Macron a annoncé 3,5 milliards d’euros supplémentaires pour 2026 et 3 milliards de plus pour 2027 © Stefano Lorusso/ZUMA/SIPA

Une « année blanche » en matière de fiscalité, deux jours fériés sucrés, les retraités et les classes aisées mis à contribution: le Premier ministre a détaillé hier son plan de choc pour trouver 43.8 milliards pour le budget. Les Français-Gaulois réfractaires, qu’on ne voit pas tous à l’église à Pâques ou devant le monument aux morts le 8-Mai, accepteront-ils de boire cette potion magique?


Le bon sens populaire le dit et le répète depuis que le monde est monde : toujours se méfier de l’ours (pyrénéen ou autre) à son réveil, émergeant tout juste de ses longs mois d’hibernation. Rien de plus imprévisibles que ses premières réactions. Capable de tout, ou presque pour se procurer le précieux miel dont il est si cruellement en manque. De tout, à commencer par du brutal, comme on dit chez Audiard. Je n’irais pas jusqu’à affirmer que c’est ce à quoi nous avons assisté ce mardi 15 juillet, mais la tentation est grande.

Feu d’artifices de mesures économiques

La veille nous avions la Fête nationale, défilés cadencés, lampions, feux d’artifices, tagada-tsoin-tsoin place du village, bref du « vivre ensemble » à en pleurer de joie, tous potes, tous unis, embrassons-nous Folleville ! Et patatras, le lendemain, à l’heure de la sieste réparatrice après tant de félicités tardives, notre fête, à nous, Français. Sur un tout autre ton, un tout autre mode, cela va sans dire.

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Du brutal, disais-je. Deux jours fériés sucrés, le 8 mai et le lundi de Pâques. Rien que cela. Les pensions et les prestations sociales gelées pour toute l’année 2026, et maintes autres délicatesses allant dans le même sens. Avec un humour probablement accessible aux seuls grands comiques de Bercy et de Matignon, le premier d’entre eux appelle cela une « année blanche ». Nous autres, on y verrait plutôt une année noire, comme quoi, même sur le choix des mots, il y a quand même un sacré fossé entre ce qui est censé nous servir d’élite et nous, citoyens d’en bas et du milieu, cochons taillables à merci, cochons de bosseurs-payeurs, moutons si aisés à tondre. Sauf que, cette fois, le mouton pourrait bien se cabrer, se rebeller, se muer en féroce taureau vu qu’il ne lui reste sur le râble guère plus à tondre qu’on en trouve sur la coquille de l’œuf du jour.

Et puisqu’on est dans la basse-cour, restons-y. Le veau gras, qu’en fait-on ? À quelle sauce le mitonne-t-on, lui ? L’obèse par excellence, l’État, avec ses mangeoires tous azimuts, ses fuites d’oseille en veux-tu en voilà ? Ses grandes et bonnes œuvres à un pognon de dingue comme la sacrosainte immigration hors contrôle, son incurable maladie endémique, la subventionnite aigüe à fonds pas perdus pour tout le monde?

Mozart de la finance !

Pas entendu grand-chose là-dessus dans la bouche de notre ours du Béarn. Son miel, comme de juste, comme toujours, c’est plutôt dans nos poches à nous qu’il va aller le chercher. Quelle formidable imagination ne faut-il pas déployer pour ne réussir à inventer, à sortir du chapeau que des trouvailles aussi éculées, aussi usées que celles-ci: faire bosser le monde toujours un peu plus et lui serrer toujours un peu davantage la ceinture ! À quels formidables génies avons-nous affaire ? À quel ébouriffant Mozart de la finance avons-nous confié la baguette de chef et la plume d’oie pour pondre la partition?

Mais après tout, peut-être bien que les citoyens que nous sommes, attachés au pays, l’aimant de cette rude manière qui est la nôtre, consentirions à faire les efforts, non pas qu’on nous demande, mais que, en réalité, on nous impose. Oui, on ne peut exclure que nous pourrions accepter le sacrifice, cette rigueur qu’on n’ose même pas nommer. À deux conditions : la première que ce ne soit pas, comme d’habitude, en pure perte.

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La seconde, de mon humble point de vue, au moins aussi importante que la première : qu’on ne puisse déceler derrière tout cela un écœurant foutage de gueule. Un de plus. Pardon pour l’expression, mais elle me semble s’imposer.

Monsieur Bayrou a livré de fortes paroles, propres à marquer les esprits, lors de la présentation de son merveilleux plan. « Notre dette augmente de 5000 euros chaque seconde » a-t-il révélé. Édifiant. Et c’est bien en partant de cette violente, de cette terrifiante vérité que je me permets de parler de foutage de gueule.

La veille même de cette déclaration, le 14 juillet donc, le jour de la Fête nationale, l’un des plus grands artisans de ce flamboyant résultat, si ce n’est le plus grand, s’est vu promu au grade d’officier dans l’Ordre de la Légion d’Honneur, décoration instituée, rappelons-le tout de même, par le premier consul Napoléon Bonaparte pour récompenser et honorer les militaires comme les civils ayant rendu des « services éminents » à la nation. Ce serait donc pour l’éminent service rendu à la nation que représenterait cette dette à cinq mille boules la seconde que Monsieur Bruno Le Maire – puisqu’il s’agit de lui – aurait été ainsi honoré. Ah oui, décidément, foutage de gueule, j’assume !

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Danemark: la croisade laïque de Mette Frederiksen

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Le Premier ministre du Danemark photographié à Aarhus, 3 mars 2025 © Bo Amstrup/AP/SIPA

La Première ministre danoise, Mette Frederiksen, vient de raviver un débat explosif au Danemark : celui de la place de l’islam et de ses symboles dans l’espace public, et plus particulièrement dans les écoles et les universités.


Début juin 2025, Mette Frederiksen, 47 ans, chef de file des sociaux-démocrates, a plaidé pour un durcissement de l’interdiction du voile intégral — burqa et niqab — déjà proscrits dans les lieux publics depuis sept ans, mais jusque-là tolérés dans les établissements d’enseignement. Pour la Première ministre du royaume du Danemark, il est temps de refermer une « brèche » dans la loi, qu’elle juge être le terreau du « contrôle social » et de « l’oppression » des femmes musulmanes au Danemark.

Contrôle des corps « avéré »

Au-delà du symbole vestimentaire, la Première ministre cible aussi l’existence même de salles de prière dans certaines universités et collèges. Elle y voit un outil d’isolement plus qu’un espace de liberté religieuse : « Nous ne les voulons pas, car elles sont utilisées comme des mécanismes d’oppression envers les filles et, potentiellement, envers les garçons », a martelé la dame de fer danoise. Pour le gouvernement danois, la neutralité de l’école est non négociable : « Vous pouvez avoir votre religion, mais à l’école, vous êtes là pour être à l’école », résume Mette Frederiksen qui dénonce un « contrôle social musulman avéré».

Cette nouvelle offensive s’inscrit dans un contexte européen où le débat de certaines pratiques musulmanes avec les valeurs démocratiques ne cesse d’augmenter. Au Danemark, pays de près de 5,9 millions d’habitants, les musulmans représentent environ 5 % de la population (majoritairement issus de Turquie). Une minorité démographique, mais dont le poids symbolique et politique reste disproportionné aux yeux de nombre de Danois, notamment à la suite de plusieurs attaques terroristes islamistes ces dernières années — à l’instar de la fusillade de Copenhague en 2015 qui visait un débat sur la liberté d’expression et une synagogue.

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Face à cela, la société danoise, longtemps vantée pour sa tolérance, se montre de plus en plus perméable aux discours sécuritaires et identitaires. Au nom de la lutte contre le « séparatisme islamiste », les gouvernements successifs ont multiplié les restrictions : limitation du regroupement familial, contrôles renforcés dans les quartiers dits « ghettos », durcissement du droit d’asile. « Dieu doit céder le passage. On a le droit d’être croyant et de pratiquer sa religion, mais la démocratie a la priorité », a rappelé la social-démocrate à l’agence de presse danoise Ritzau.

Amnesty International pas content

Mais la question du voile reste particulièrement inflammable. Pour ses défenseurs, continuer à interdire la burqa ou le hijab au sein même des écoles revient à piétiner la liberté individuelle, à commencer par celle des femmes qu’on prétend émanciper. Au grand désespoir d’Amnesty International qui a rappelé que : « Toutes les femmes devraient être libres de s’habiller comme elles le souhaitent et de porter des vêtements qui expriment leur identité ou leurs convictions. ». 

Pour ses partisans, à l’inverse, cette loi serait un rempart indispensable face à un islam rigoriste qui instrumentalise le religieux pour asseoir un contrôle communautaire. Les salles de prière, tout comme le voile intégral, deviennent ainsi le credo d’une bataille plus large : celle pour préserver la laïcité (le nombre de mosquées dans le pays a augmenté entre 2006 et 2017 de 50%) et l’égalité entre les sexes, valeurs que le Danemark place au cœur de son identité nationale. 

Selon un sondage réalisé par l’institut Wilke, près de 40 % des musulmans sont d’accord pour dire que la loi danoise devrait être basée sur le Coran, dont 11,3 % qui réclament que la loi danoise soit basée exclusivement sur le Coran et les 26,5 % restants favorables à un mélange du Coran et de la Constitution du Danemark…

Alors que la société danoise oscille entre défense des libertés individuelles et protection de la cohésion nationale, la manœuvre de Mette Frederiksen est aussi éminemment politique : rassurer une opinion publique inquiète, tout en coupant l’herbe sous le pied d’une extrême droite qui prospère sur le rejet de l’islam et du multiculturalisme, récemment confortée par un document… gouvernemental. Selon le Centre national danois de recherche sociale qui a publié un rapport commandé par le ministère de l’Enfance, de l’Intégration et des Affaires sociales, pas moins de 15 groupes extrémistes musulmans opèrent sur cette terre de Vikings. Un terreau propice pour les milieux nationalistes puisque d’après un sondage de 2017, 55% des Danois pratiquants de confession chrétienne et 50% des non pratiquants assurent que l’islam reste incompatible avec leur culture nordique. Reste à savoir si cette surenchère législative ne risque pas de produire l’effet inverse : stigmatiser davantage une minorité déjà sous pression et alimenter le ressentiment dont se nourrit, précisément, l’extrémisme que Mette Frederiksen prétend combattre.

Tour: le spectre du contre-la-montre pyrénéen

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Le Slovène Tadej Pogačar, portant le maillot jaune de leader du classement général, roule dans le peloton lors de la dixième étape du Tour de France cycliste, entre Ennezat et le Mont-Dore, le lundi 14 juillet 2025 © Thibault Camus/AP/SIPA

La très attendue 13e étape, entre Loudenvielle et Peyragudes, vendredi prochain, pourrait départager irrémédiablement les deux favoris, explique notre chroniqueur.


Depuis 2004, le Tour de France était sevré de contre-la-montre en montagne. Et pour cause… La 16ème étape de cette année-là, une montée sèche de 15,5 km, menant de Bourg d’Oisans au sommet de l’Alpe d’Huez, avait été gagnée par Lance Amstrong, à une moyenne de 23,435 k/h. On connaît quel postérieur funeste sort a été le sien. Il a été déchu de tous ses titres dans la Grande boucle, dont ses sept insolentes victoires consécutives, pour dopage.

Le sinistre souvenir qu’il avait laissé s’étant estompé avec le temps, les organisateurs ont donc décidé de renouer avec cet exercice rare, programmé seulement sept fois depuis 1947, mais qui a toujours donné lieu à d’homériques duels comme celui de 1959 qui opposa l’Espagnol Federico Bahamontés, dit L’Aigle de Tolède, et le Luxembourgeois, Charly Gaul, lui dit L’Ange des cimes, sur la pente conduisant de Clermont-Ferrand au Puy de Dôme.

Pas de gestion de l’effort possible

Intervenant après une première semaine « fantastique, intense, et très dure », comme l’a reconnu Mauro Gianetti, le manager de l’équipe (UAE) de Tadej Pogacar, qui a marqué tous les organismes, le contre-la-montre de cette 112ème édition fait figure de spectre. Il a dû assurément hanter la journée de repos des deux favoris, Pogacar (qui a cédé le 14 juillet sa tunique jaune qu’il a portée par intermittence, à un intrus sympathique et intrépide, l’Irlandais Ben Healy), et Jonas Vingegaard, surtout à cause de la grosse déconvenue qu’il a connue à Caen dans le même exercice mais en plat.

Ce chrono pyrénéen de 10,9 km, entre Loudenvielle et l’héliport de Peyragudes (1580 m), présente une pente moyenne de 8%, mais avec un final à 16%. « Pas de gestion de l’effort possible », comme l’a écrit Vélo-magazine dans son numéro de présentation du Tour, c’est du « à bloc » de la rampe de lancement à la ligne d’arrivée. Le rouleur pur (Evenepoel, Thomas) ne sombre pas, mais ne peut que limiter la casse face au grimpeur authentique. 

Cette 13ème étape, vendredi, le directeur du Tour, Christian Prudhomme l’a déjà estimée « mythique ». Elle sera un test sur les réelles potentialités du Français Lenny Martinez, qui a le profil type pour l’inscrire à son encore maigre palmarès. Il a revêtu la tunique à Pois au Mont-Dore, le jour de la fête nationale, mais il se doit de confirmer. Mais, surtout, sur le papier, cette étape apparaît comme appelée à mettre les pendules à l’heure entre les deux grands favoris, Pogacar et Vingegaard, qui ont guerroyé dès l’entame du Tour sans que l’un prenne un irréversible avantage sur l’autre.

Engagés

Ce qui a fait dire à Bernard Thévenet, dit Nanard, deux fois maillot jaune à Paris, et surtout vainqueur d’Eddy Merckx en 1975, « j’ai rarement vu un Tour où il y avait autant d’engagements des favoris dès le début. »

Avec ses deux victoires d’étape au sprint mais avec à chaque fois le Danois dans sa roue qui ne le lâchait pas d’un boyau, ses trois jours en jaune, le Slovène n’a pas pris, semble-t-il, un ascendant psychologique sur son rival, ce qui paradoxalement pourrait dans son for intérieur le faire douter. D’autant que Vingegaard ne s’est pas laissé abattre par son déconcertant échec à Caen.

Dès le lendemain, il relevait le gant en faisant rouler à fond son épique Wisma-Lease a bike en fin de l’étape Bayeux-Vire pour faire échec au projet de Pogacar de refiler le maillot jaune à Mathieu Van der Poel, son ami, afin de s’épargner de la sorte l’heure consacrée au protocole, une heure prise sur le temps de récupération. Un Tour ne se gagne pas que sur la route. « Les Wisma voulaient que je reste en jaune », avait-il convenu à l’arrivée avec un sourire malicieux. Pour une seconde, il venait de se faire déposséder de la première place au général et avait donc réussi son coup qui n’allait s’avérer être qu’éphémère puisque le lendemain il renfilait le maillot jaune en s’imposant à Mûr-de-Bretagne juste devant Vingegaard, qui lui collait à la roue comme son ombre portée.

Le temps des escarmouches entre les deux est révolu. Peut-être la mère des batailles les attend au pied des Pyrénées.  Bien qu’ayant 1’17’’ d’avance sur Vingegaard, Pogacar arrive avec un handicap pas négligeable. Il a perdu son lieutenant N°1 dans la montagne, le jeune et brillant Portugais Joao Almeida, vainqueur du dernier Tour de Suisse, qualifié souvent de meilleur équipier du monde par la presse sportive. Un autre de ses équipiers, Pavel Sivakov, semble aussi très affaibli et au destin très incertain.

En revanche, Vingegaard se présente avec une équipe au complet dont un de ses membres, Simon Yates, s’est même offert le luxe de s’imposer lundi au sommet du Mont Dore. Et surtout, elle occupe la première place au général par équipe avec un peu plus de huit minutes d’avance sur… l’équipe de Pogacar, l’UAE…

Mais, le plus ennuyeux pour Pogacar, c’est qu’il va avoir à mener un combat d’un contre deux, contre Vingegaard, mais aussi contre Matteo Jorgenson, lui aussi de l’équipe Wisma, 5ème au général à seulement 1’37 du Slovène. Ainsi, ils pourront l’attaquer chacun à son tour surtout s’il se retrouve esseulé dans les montées. C’est sans doute ce à quoi Vingegaard et sa solide garde rapprochée vont s’employer dès la première étape de montagne jeudi en Auch et Hautacam. Elle comporte deux cols un de première catégorie, le Soulor, un de seconde, des Bordères, et une arrivée au sommet hors catégorie de Hautacam.

L’art du cyclisme sur les grands tours s’apparente à l’art de la guerre, et plus exactement au fameux art opératif soviétique[1] qui consiste en une synthèse de la tactique et de la stratégie. À savoir, en l’occurrence, à coordonner plusieurs opérations de manière à user l’adversaire avant de lui porter le coup fatal.

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[1] Le théoricien de l’art opératif : Alexandre Svetchine (1878-1938), ouvrage Strategiia (1927)

À Bogota, un sommet mondial contre Israël

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Rima Hassan à Bogota, 15 juillet 2025. RS.

La capitale colombienne est, depuis ce matin et jusqu’à demain soir, le théâtre d’une nouvelle offensive politique et économique contre l’État hébreu. Parmi les stars du colloque: Rima Hassan, Jeremy Corbyn et Francesca Albanese


Le président colombien Gustavo Petro a invité une vingtaine de gouvernements du Moyen-Orient et d’Amérique latine à discuter aujourd’hui et demain à Bogota de « nouvelles mesures » à prendre contre Israël. Coprésidé par la Colombie et l’Afrique du Sud, le colloque a en d’autres termes pour objet de réfléchir aux moyens de déstabiliser la seule démocratie du Moyen-Orient, qui lutte pour son existence face aux attaques d’organisations terroristes telles que le Hamas et le Hezbollah. Les participants se réuniront au Musée national de Bogotá, le plus ancien de Colombie et l’un des plus importants des Amériques, sous le slogan : « Action collective pour la défense de la Palestine ».

Le gratin antisioniste mondial se donne rendez-vous

Bogota a indiqué que des délégations venant de Chine, de Turquie, d’Algérie, du Qatar, d’Oman, du Bangladesh, du Sénégal, d’Indonésie, du Liban, ainsi que d’Espagne, de Cuba, du Nicaragua, du Venezuela, du Brésil, du Chili, du Honduras, d’Uruguay, de Saint-Vincent-et-les Grenadines et de Cisjordanie assisteront à l’événement. La rapporteuse spéciale des Nations Unies Francesca Albanese, qui accuse Israël de « génocide », d’« apartheid » et de « nettoyage ethnique », figure également parmi les hôtes. Le député britannique Jeremy Corbyn, exclu du Parti travailliste pour son antisémitisme virulent et ses positions identitaires et anti-occidentales radicales, a aussi fait savoir qu’il serait présent.

A lire ensuite, Renée Fregosi: L’Amérique latine du «Sud global» contre Israël

Sans surprise, Rima Hassan, qui a souscrit au terme « action légitime » pour qualifier la stratégie du Hamas, est également annoncée. Rappelons que la députée européenne a des ennuis judiciaires en France pour avoir tenté d’intimider des adversaires politiques et qu’elle a, en mars, inscrit sur le réseau social X l’adresse d’une entreprise marseillaise qui vend des pièces d’armes légères à Israël, ce qui pourrait déclencher des violences contre ses employés.

La Colombie en pointe sur l’antisionisme et le narcotrafic

Ce n’est pas la première fois que le régime de Gustavo Petro manifeste sa haine envers Israël. Pour mémoire, Bogota s’est toujours refusé à condamner les atrocités du 7 octobre 2023. Son vice-ministre des Affaires étrangères, Mauricio Jaramillo Jassir, a carrément qualifié l’attaque meurtrière du Hamas de « printemps palestinien » que « l’humanité doit soutenir ». Le 8 juin 2024, la Colombie est même allée au-delà des déclarations de principe en rompant ses relations diplomatiques avec Israël et en suspendant ses exportations de charbon vers l’Etat hébreu, en demandant que celui-ci « mette fin au génocide à Gaza ». Pourtant, les deux pays avaient signé un accord de libre-échange en 2020 interdisant la suspension ou la restriction des importations ou des exportations de marchandises.

A lire aussi, Elisabeth Lévy et Jean-Baptiste Roques: Champions, mes frères!

Dans une tribune publiée le 8 juillet dans The Guardian, M. Petro a précisé ses ambitions pour le sommet de Bogota : « Sans action décisive pour mettre fin à la destruction de Gaza par Israël, nous risquons de priver l’ordre juridique mondial des protections qu’il offre encore aux nations les moins privilégiées. » Dans le même texte, le président colombien nie les manœuvres du Hamas de saboter un accord de cessez-le-feu stable avec Israël. Selon lui, la conférence de Bogotá « réaffirmera la résistance au génocide palestinien » et permettra des mesures pour « passer des paroles à l’action collective ». En d’autres termes, son gouvernement pourra être tenu comptable des décisions qui seront prises lors du sommet et des conséquences que celles-ci pourraient avoir pour Israël et la population juive à travers le monde.

La politique de M. Petro s’inscrit dans un cadre plus large, qui consiste à saper la diplomatie traditionnelle pro-occidentale de la Colombie, à couper les vivres à l’armée et à éloigner le pays de ses alliés historiques, parmi lesquels les États-Unis et Israël. Le but est d’aligner Bogota sur le groupe des BRICS, où l’on retrouve les régimes autoritaires de Pékin et Moscou, mais aussi l’Afrique de Sud, très en pointe dans le combat antisioniste.

Notons enfin que selon des universitaires colombiens, le Hezbollah entretient des relations commerciales avec la Colombie depuis plus de dix ans, liées au trafic de drogue, au blanchiment d’argent et au trafic d’armes[1].

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[1] The denying threat to national security and defense: Hezbollah’s presence in Colombia, by David Andres Londoño-Bedoya, Maritza Padilla-Bueno, Jose Andres Areiza-Padilla & Ivan Veas-González

Champions, mes frères!

Donald Trump reçoit Benyamin Netanyahou dans le bureau Ovale de la Maison-Blanche, Washington, 7 avril 2025 © Gripas / Pool / Sipa

Depuis qu’Israël et les États-Unis ont bombardé les installations militaires et nucléaires de l’Iran, le chœur des belles âmes joue le grand air de la « désescalade », avec en arrière-fond une petite musique trouillarde et capitularde – surtout n’énervons pas les mollahs. Pourtant, grâce à Trump et Netanyahou, la République islamique est plus faible et le monde, plus sûr.


Si Netanyahou inventait un traitement contre le cancer, ils trouveraient cela suspect. On aurait été surpris que France Inter, Le Monde et tous les bataillons médiatico-mélenchonistes de l’anti-israélisme obsessionnel s’enthousiasment pour le Lion dressé. À partir du 14 juin, tout ce petit monde brode sur le même narratif, fort cocasse au demeurant : Israël a détruit, à coups de bombes et de missiles, la belle et grande détente régionale qui s’ébauchait sous la houlette de Donald Trump. « Israël est un danger pour le monde », ose Clémentine Autain dont l’aplomb est inversement proportionnel à sa connaissance du dossier. Certes, les dirigeants iraniens disent beaucoup de bêtises, mais ce sont en réalité des enfants turbulents qui ne veulent que la paix. Un pseudo-spécialiste affirme même que ce sont les frappes israéliennes qui vont pousser les mollahs à se doter de l’arme atomique. Jusque-là, ils enrichissaient de l’uranium au vingt-deuxième sous-sol pour préparer de la pâte à crêpes.

Gauche mollah et capitulards

Ces savantes analyses sont assaisonnées d’incantations sur le droit international bafoué. Ce que fait l’État hébreu est tout à fait illégal, déclare-t-on sévèrement sur Inter. Dommage que ce souci juridique soit si tardif. Ou peut-être les confrères pensent-ils que l’Iran est dans son bon droit quand il menace d’anéantissement un voisin qui ne lui a rien fait – sinon exister –, couve une meute de proxys enragés et se dote d’un arsenal meurtrier pour mener à bien ce projet. Les précautions oratoires de Mélenchon sur sa détestation du régime n’y peuvent mais. Très vite, la jeunesse qui constitue sa piétaille arbore, à côté des drapeaux palestiniens, ceux de la République islamique, pauvre petit État sans défense injustement agressé par la soldatesque sioniste. La gauche mollah est née. Face à Israël, même un régime qui pend les homosexuels et tue les filles rebelles a quelques vertus.

Cependant, ce n’est pas la haine de l’État juif qui frappe, c’est la tonalité paniquarde et capitularde des commentaires, bien au-delà de cette gauche déshonorée. Ouh, ça fait peur ! Ouh, ils vont énerver les mollahs ! La déflagration régionale, voire mondiale qu’on promet tous les quatre matins est de nouveau à l’ordre du jour. Bruno Retailleau a beau dire que « Trump a eu raison de frapper », dans le peuple de droite, on sent le trouillomètre monter, particulièrement après l’entrée dans la danse de l’aviation US. Quant au RN, si Marine Le Pen salue l’exploit israélien, Marion Maréchal fait la fine bouche. Une bonne partie des Français, fatigués de ces histoires de juifs et d’Arabes (en l’occurrence de Perses), redoute surtout de voir monter le prix du baril. Puisque le régime n’est pas tombé tel un fruit mûr, comme certains le pronostiquaient imprudemment, il faut sauver la face des mollahs, entend-on très vite. Dans les milieux néogaullistes on a la politique arabe de la France qui démange. Surtout, ne rien céder à l’impérialisme yankee. Alors que pas un soldat n’a posé le pied sur le sol iranien, certains annoncent un enlisement façon Vietnam. Mais comment une campagne aérienne dirigée contre des cibles précises pourrait-elle s’enliser ? On invoque à l’envi l’Irak et le fiasco de l’après-Saddam. Sauf que les deux situations s’opposent quasiment trait pour trait. Il n’y avait pas d’arme de destruction massive en Irak, il n’y avait pas non plus d’État et encore moins de sentiment national, ni de mouvement de protestation populaire. De plus, les Américains et leurs alliés prétendaient installer la démocratie en occupant le pays. Alors que la France vivait son quart d’heure de célébrité en refusant de se joindre à l’aventure, Jacques Chirac avait lâché cette phrase : « La guerre c’est toujours la pire des solutions. » C’est ce qu’on se disait en 1938. En 1939, c’était moins clair. 

A lire aussi, Gil Mihaely: Iran: le déclin de l’empire des Mollahs

C’est ainsi qu’après quelques jours de bombardements israéliens, nombre de ceux qui dénonçaient bruyamment le régime iranien après la mort de Mahsa Amini et la répression féroce du mouvement Femme-Vie-Liberté se demandent si finalement les mollahs ne sont pas un moindre mal. Après tout, ceux-là, on les connaît.

Le même pacifisme paré dans les atours du gaullisme imprègne sans surprise la position officielle française. Tout en reconnaissant le droit d’Israël à se défendre, Emmanuel Macron précise que la France n’a en rien aidé les Israéliens, ne compte nullement le faire, et appelle à la reprise des discussions, comme si cela avait un sens de discuter avec les Iraniens qui, depuis au moins 2002 (et les révélations de l’opposant iranien Alireza Jafarzadeh sur l’existence du site secret de Fordo) roulent les Occidentaux dans la farine nucléaire. Mais pour nos diplomates et pour Emmanuel Macron, un mauvais accord vaut toujours mieux qu’une bonne guerre. Il ne s’agit plus d’équilibre ou de non-alignement, mais du refus de choisir son camp. Tant qu’à sortir de l’Histoire, essayons d’éviter les balles perdues.

Peur d’attentats

En Iran, en revanche, le vent de l’Histoire souffle en bourrasques. Les opérations « Rising Lion » et « Midnight Hammer » ont a minima retardé le programme nucléaire iranien. Nombre de hauts gradés des pasdaran, la garde prétorienne du régime, ont été abattus, tandis que la moitié des rampes de lancement et une proportion inconnue des missiles seraient détruites, affaiblissant significativement la capacité de nuisance des mollahs.

Certes, on ne connaît pas précisément l’étendue des dommages infligés à l’Iran et à son programme nucléaire. Et rien n’indique que le régime vacille. Reste que les mollahs sont plus faibles aujourd’hui qu’hier. Qui s’en plaindra à part leurs protégés ? Ils pourraient, nous dit-on, se venger de l’opération américano-israélienne en menant des attentats en Europe. Aussi légitime soit le souci des dirigeants européens de détourner la foudre de leur pays, on voit mal une démocratie respectable céder à ce chantage au terrorisme et se mettre ainsi dans la main de Téhéran. Ou alors on voit trop bien.

Trump et Netanyahou ne sont pas exactement notre genre de beauté. Un peu trop roublards, un peu trop ramenards. Et ne parlons pas de leur désinvolture avec leur Constitution respective. Mais la guerre n’est pas un concours de beauté. Face à la menace iranienne, ces deux-là ont fait preuve d’une salutaire intelligence et d’un rare courage. Reconnaissons-le. Pas pour gagner leur affection, pour ne pas perdre nos repères.

Le fascisme: ce centrisme qui s’ignore

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Mussolini discute avec un soldat italien, 1944 DR.

L’historien Fabrice Bouthillon développe des analyses inédites sur le fascisme dans son nouveau livre. Si tout n’est pas forcément convaincant, cette lecture rafraichissante donne à réfléchir.


On croyait avoir tout lu, tout dit, tout écrit et tout entendu sur le fascisme… Des pavés de spécialistes répondant à d’épiques « débats historiographiques », des bréviaires militants jusqu’à la martyrologie des antifascistes… Et voilà qu’un historien trublion, connu pour ses ouvrages iconoclastes, renverse la table des catégories intellectuelles. Situer le fascisme : l’addition des extrêmes, paru en 2025 aux éditions du Cerf, est moins une nouvelle thèse sur Mussolini qu’un exercice d’archéologie spirituelle, théologique et politique. Ici Mussolini n’est pas seulement le junior partner d’Hitler au menton narquois : c’est le fruit amer d’un long processus de macération théologico-politique… 

Le fascisme : un centrisme en bottes de cuir mais sans chapeau melon 

Le fascisme, qu’est-ce que c’est ? C’est d’abord une injure assez courante au XXIe siècle… « Fasciste » ou facho dit la gauche quand elle accuse la droite de passion identitaire ou de dérive autoritaire ; « fasciste » dit la droite quand elle rappelle (à bon droit) le passé socialiste de Mussolini ou dénonce son terrorisme intellectuel. La thèse de Bouthillon est simple, assez brillante, provocante et presque choquante : le fascisme, ce n’est pas l’extrême droite. En tout cas, ce n’est pas seulement l’extrême droite. Et ce n’est pas non plus la gauche dévoyée. Le fascisme c’est… le centre. Ou plutôt un centre. Mais attention : pas le centre mou, radical-socialiste, louis-philippard, de concentration républicaine, macrono-bayrouiste, giscardo-rocardien, gliotto-weimarien… Pas le centre de cabinet, de compromis, de complaisance qui négocie des amendements dans les couloirs de l’Assemblée. Non : le centre lourd, épais, vorace, attrape-tout. Un centrisme, précise l’auteur, « par addition des extrêmes » et non par exclusion. Soit le contraire de l’eau tiède :  plutôt une fusion nucléaire, aux accidents nombreux, terribles et prévisibles. 

Bouthillon revient à l’origine : 1789 fut un big bang politique mais aussi une fracture métaphysique. En 1790, les partisans du véto royal se tassent à droite des gradins de la Salle du Manège, les adversaires à gauche. La suite est un roman feuilleton type XIXe : la gauche vote la mort du roi, le centre fait la moue et la droite tente de recoller la tête couronnée sur les épaules de la nation. Le pays tangue entre tous les régimes – Empire, Restauration, monarchie de Juillet, République, empire encore, république ensuite – et finit par avoir la nausée. Paris gueule. La campagne soupire. L’élite vacille. Les préfets tremblent et attendent les ordres. C’est alors que le centrisme entre en scène. Avec le calme du notaire, le ton du rentier en goguette et le discours de monsieur Homais dans Madame Bovary, il répète qu’il faut pacifier, recoudre, réconcilier… Un peu de droite pour l’ordre et les pompes cirées, un peu de gauche pour ne pas désespérer les faubourgs. Savant mélange qui, à l’expérience, se révèle surtout instable. Ce centrisme-là, pour Bouthillon, peut séduire mais ne tient pas longtemps. Il n’est qu’un accommodement de circonstances. D’ailleurs le Directoire a laissé l’image d’un régime impuissant et corrompu renversé par le 18 brumaire et Bonaparte. 

Théologie politique pour temps de disette intellectuelle 

La vraie tentation moderne est ailleurs… dans l’addition des passions politiques contraires. Ce « centrisme par addition des extrêmes » dont parle Bouthillon – et qu’il oppose à l’autre centrisme, modéré « par exclusion des extrêmes » – emprunte à la gauche sa passion égalitaire et à la droite son culte du chef de l’autorité. Mussolini avant d’être le Duce fut d’abord le numéro trois du parti socialiste italien. Ses premiers élans furent socialistes et il finit comme allié du roi et soutien de l’Église. Pourtant, il pique à la gauche ses méthodes et ses symboles (le faisceau aux révolutionnaires, la mobilisation des masses aux socialistes, la violence révolutionnaire aux syndicalistes révolutionnaires, la déstabilisation de l’État aux anarchistes, l’organisation en parti aux communistes) et à la droite son programme (défense de l’ordre et de la nation). Il tutoie les paysans depuis la tribune, monte sur les tables comme dans une fête populaire, s’efforce de faire peuple, rappelle qu’il est fils d’une institutrice socialiste… 

L’analyse de Bouthillon passe aussi aux choses sérieuses : les péchés capitaux version politique. Il remonte à Saint Augustin, aux conflits entre sacerdoce et empire et tutti quanti… Pour lui, le fascisme n’est pas seulement une dérive autoritaire : c’est aussi une hérésie. Ou une religion de substitution, prométhéenne, tragique, en quête de « sublime », qui rêve de réinventer l’homme en copiant Dieu. Ainsi le totalitarisme ne promet pas le salut dans le ciel mais l’ordre nouveau. Chacun son idole pour remplacer Dieu : l’État et la nation pour Mussolini, la classe sociale et la révolution pour Staline, la race pour Hitler. Mais tous selon Bouthillon commettent le même pêché : diviser l’homme en retenant l’un de ses caractères (social, ethnique ou politique). Et Bouthillon de trancher, d’un ton de confesseur excédé : « « il n’est évidemment pas au pouvoir de l’humanité de fonder l’humanité. »

« Hitler et Mussolini en thérapie » 

Droite, gauche ? L’ouvrage – mais aussi l’œuvre générale de Bouthillon – offre une définition théorique de ce clivage qui oppose le primat du local (à droite) au primat du global (à gauche). 

La gauche dans son impulsion naturelle pense d’abord en termes d’idées, d’abstractions, cherche à élaborer des lois universelles, sacre l’Homme avec un grand H, promet des révolutions mondiales, s’enthousiasme pour les traités planétaires… Elle pense « universel ». La droite, elle, ne jure que par son pays, son clocher, ses moutons, ses haies de buis, ses morts, des grands-mères… Elle pense d’abord « local ». Jean-Marie Le Pen avait brutalement résumé l’opposition : «Je préfère mes filles à mes nièces, mes nièces à mes cousines, mes cousines à mes voisines, mes voisines à des inconnus et des inconnus à mes ennemis.» 

Dans le chapitre « Hitler et Mussolini en thérapie », Bouthillon ose tout, y compris l’humour – toujours délicat à magner sur ces sujets. Hitler ? Un Œdipe en uniforme : « son père était douanier, et lui-même aura passé l’essentiel de sa vie à renverser des postes frontières »… Finalement, les livres de Bouthillon rafraichissent, choquent et donnent à penser plus qu’ils n’instruisent. Le contraire d’un pavé universitaire illisible noyé dans l’anecdote. L’auteur est aussi connu pour son ouvrage L’impossible Université » où il dénonçait l’enrégimentement par les concours et la paresse intellectuelle des professeurs. L’héritage, selon lui, du premier « centriste par addition des extrêmes » : un certain Bonaparte… 

280 pages.

Situer le fascisme: L'addition italienne des extrêmes (1914-1945)

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Macron menace la liberté qu’il dit défendre

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Paris, 13 juillet 2025 © Stephane Lemouton/SIPA

La liberté, selon Emmanuel Macron, n’a jamais été aussi menacée depuis 1945, face à un contexte géopolitique en pleine dégradation, justifiant une nouvelle hausse du budget des armées. Pendant ce temps, la décision d’accorder l’asile en France à une Gazaouie par la Cour nationale du droit d’asile fait jurisprudence, et la nouvelle « coalition » contre la haine d’Aurore Bergé pourrait bien interdire toute critique du progressisme.


« Défendons notre liberté », a déclaré Emmanuel Macron, dimanche soir dans son discours aux Armées, en pointant la menace russe. En réalité, le chef de l’Etat rêve d’imposer, dans une France apeurée par ses soins, une société de surveillance soviétoïde. Ainsi, sous prétexte de ne pas discriminer les uns, le gouvernement invite à diaboliser les autres. Cette absurdité intellectuelle illustre le vide macronien, qui veut faire taire les observateurs du désastre.

A lire aussi, du même auteur: Pourquoi Emmanuel Macron doit partir

Le bureau des dénonciations d’Aurore Bergé

Un exemple : faire un lien, sur les réseaux sociaux, entre l’immigration maghrébine et africaine et les violences rituelles commises cette nuit à l’occasion de la Fête nationale (176 interpellations à Paris et alentour) devient susceptible de censures et de rappels à l’ordre. En effet, tel est l’esprit de la mise en place, le 9 juillet par la ministre Aurore Bergé, d’une coalition d’associations militantes ayant pour mission de dénoncer, en accéléré auprès de l’Arcom, des propos jugés haineux. Parmi ces inquisiteurs : le Crif, la Fédération des centres LGBT+, la Licra, SOS Homophobie, SOS Racisme, Osez le féminisme, le planning familial, etc. Au total, des associations affiliées à la gauche mondaine, liberticide, woke. Elles seront financées par l’Etat impécunieux pour mettre sous étroite surveillance le trop libre internet. Le but : y imposer le politiquement correct et ses propagandes. Mediapart a été oublié parmi les sycophantes. Pourtant, en juillet 2023, le site invitait déjà ses lecteurs, « témoins de propos racistes et déplacés au travail », à l’en informer pour « un article à venir ». Le 17 mars[1], je prévenais : « Tant que les Français laisseront faire, l’étau totalitaire se refermera ». Or l’annonce de Bergé, qui s’inscrit dans l’obsession initiale de Macron de traquer la « haine » sans s’interroger sur la sienne quand il dénigre le peuple populiste, n’a suscité que peu d’indignations politiques et médiatiques[2].

A ne pas manquer, notre nouveau magazine: Causeur #136 : Merci qui ?

La décision estivale de la CNDA

L’indolence estivale est propice aux coups de force du pouvoir ou de ses juges justiciers. Le 11 juillet, la Cour nationale du droit d’asile a ainsi ouvert la voie à l’asile des habitants de Gaza victimes, selon cette juridiction, de la « persécution » de l’armée israélienne. Jean-Luc Mélenchon et les mollahs iraniens n’auraient pas mieux dit. Non seulement l’immigration de conquête et son infiltration islamiste restent des sujets officiellement inabordables, mais des magistrats irresponsables sont prêts, appuyés par l’église diversitaire qui monopolise le récit labellisé, à accélérer ces processus mortifères pour la nation et sa fragile cohésion. S’il est bien vu, par ces « humanistes » adeptes d’une nouvelle Loi des suspects (1793), de soutenir la résistance palestinienne à la colonisation israélienne, il est interdit de soutenir la résistance française à la colonisation islamique.

Faute de penser la réalité, le pouvoir symbolise l’intolérance telle que Voltaire la dénonçait : « Cette sombre superstition qui porte les âmes faibles à imputer des crimes à quiconque ne pense pas comme elles ». « Jamais depuis 1945 la liberté n’avait été si menacée » a dramatisé Macron. Mais il est la menace intérieure. La classe politique s’étant endormie, c’est aux Français libres qu’il revient de dénoncer la macrocrature en marche.


[1] https://www.causeur.fr/l-infantilisation-des-francais-s-aggrave-macron-covid-extreme-droite-305699

[2] Sur ce sujet, retrouvez notre analyse dans le dernier épisode du podcast « Causons »

Le droit d’asile automatique: la France s’ouvre à Gaza

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Bande de Gaza, 27 janvier 2025 © UPI/Newscom/SIPA

L’État de droit, c’est plus fort que toi, nouvel épisode ! Sur décision de la Cour nationale du droit d’asile, tous les Palestiniens de Gaza sont désormais éligibles au droit d’asile. Oui, tous. Potentiellement des milliers de musulmans, donc, dont même l’Égypte, le Liban ou la Jordanie ne veulent pas…


Le 11 juillet 2025, la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) a jugé, à l’occasion du cas d’une mère gazaouie et de son fils, que les méthodes de guerre israéliennes contre Gaza constituaient une persécution en vertu de la Convention de Genève de 1951, fondée sur la nationalité. Et, surtout, elle a estimé que tous les Palestiniens originaires de Gaza, même les apatrides non couverts par l’UNRWA, peuvent désormais prétendre au statut de réfugié. Ils ont décidé. En silence.

Une décision qui intervient alors que les Français sont à la plage

Une simple décision – passée inaperçue. Aucune couverture médiatique. Aucune réaction officielle. Et pourtant, un basculement. Désormais, tout individu se déclarant originaire de Gaza est automatiquement reconnu comme réfugié. Plus besoin de prouver une persécution. Il suffit de venir. D’entrer. D’invoquer le territoire. Et c’est fait. Protection immédiate. Droit au séjour. Aide sociale. Logement. Soins.

Le juge a estimé que la situation « générale » dans la bande de Gaza rendait tout retour impossible. Que tout Gazaoui, par principe, devait être considéré comme persécuté. Résultat : un flot. Des milliers d’arrivées. Des dizaines de milliers attendues. Des ONG qui s’activent. Des réseaux qui s’organisent. Un appel d’air. Un précédent.

Personne n’a voté cela. Aucune loi. Aucune consultation. Une simple extension du droit. Une brèche ouverte, une de plus, dans les digues déjà minées d’une souveraineté fantôme.

Le droit contre le réel

C’est une logique : plus un territoire est instable, plus ses ressortissants ont vocation à venir ici. Sans condition. Sans contrôle. Ce n’est plus une immigration. C’est une transmission de population. Et tout cela se passe sans débat. Par le droit, contre le réel. Par les juges, contre la nation.

Et avec cela, plus d’islamisme, plus d’antisémitisme, et des fractures qui vont continuer à s’aggraver au sein de la population de ce pays.

Car cette décision, en apparence juridique, produit en réalité un effet politique majeur : elle modifie la composition démographique du territoire sans en assumer les conséquences sociales, culturelles ou sécuritaires.

Plus d’islamisme, parce qu’en accueillant sans filtre des individus issus de zones sous l’influence de groupes fondamentalistes, on accroît mécaniquement le risque d’importation d’idéologies hostiles aux valeurs démocratiques. Les services de renseignement eux-mêmes le savent : Gaza est un terreau d’embrigadement, de haine, de conditionnement. La France, déjà fragilisée par des vagues successives d’attaques terroristes, ouvre ainsi une nouvelle brèche dans sa sécurité intérieure.

Les tensions ne s’arrêtent pas aux frontières

Plus d’antisémitisme, parce que les tensions du Proche-Orient ne s’arrêtent pas aux frontières. Elles s’invitent sur notre sol, dans nos écoles, nos universités, nos rues. Le conflit israélo-palestinien devient un prétexte, un levier. Les juifs de France, citoyens à part entière, sont à nouveau pris pour cibles au nom d’une guerre à laquelle ils ne participent pas. Le pays, qui n’a jamais réussi à endiguer la montée de la haine antijuive, risque de franchir un point de non-retour.

Et les fractures s’aggravent, inévitablement. Fractures sociales, car les dispositifs d’accueil alimentent un sentiment d’injustice chez les plus modestes, déjà confrontés à la pénurie de logements, de soins, d’aides. Fractures identitaires, car l’extension illimitée du droit d’asile provoque un sentiment d’abandon chez une partie croissante de la population, qui n’a plus confiance ni dans l’État, ni dans la justice. Fractures politiques enfin, car l’absence de débat, le contournement de la souveraineté populaire, renforcent les extrêmes et creusent le fossé entre le pays légal et le pays réel. C’est un engrenage. Prévisible. Irréversible. Et désormais enclenché.