Accueil Édition Abonné Trop de tentations pour les avocats?

Trop de tentations pour les avocats?

Le billet justice de Philippe Bilger


Trop de tentations pour les avocats?
DR.

Alors que l’avocat parisien Xavier Cazottes est impliqué dans le procès lié à une vaste tentative d’escroquerie visant Total à Nanterre, il fait aussi l’objet d’accusations d’emprunts d’argent répétés dans la capitale. Escroquerie, abus de faiblesse, abus de confiance voire harcèlement: notre chroniqueur s’étonne de l’inaction de l’ordre des avocats et souligne que, malgré ses possibles erreurs, la magistrature demeure globalement à l’abri des corruptions ordinaires des avocats


Il n’y a pas lieu de s’en réjouir, et le magistrat honoraire que je suis le déplore plus que tout autre : depuis quelques années, la morale professionnelle des avocats est mise à mal et leur éthique personnelle fragilisée. Un certain nombre d’affaires, allant de transgressions minimes à des infractions graves, défrayent la chronique, même si je prends soin de préciser qu’elles ne sont pas encore définitivement jugées et que les mis en cause bénéficient, en pareil cas, de la présomption d’innocence.

Ce qui m’intéresse, ce sont les raisons de ces dérives, qui ne concernent évidemment pas l’ensemble du barreau.

Je me revois projeté des années en arrière lorsque, ayant un temps caressé l’idée de devenir avocat, je l’écartai aussitôt pour un double motif : je craignais d’être soumis à trop de tentations de toutes sortes et je sentais que ma personnalité, bien que désireuse de liberté, aurait besoin d’une structure, d’un cadre que la magistrature m’offrirait.

La rigueur qui doit être celle, tout particulièrement, des avocats pénalistes – tant les occasions de fauter sont nombreuses dans ce domaine, compte tenu de la nature de la clientèle et des liens troubles qu’elle peut engendrer – est fondamentale. S’abandonner à la moindre entorse ouvre une brèche susceptible, à force, de conduire à un délitement et à un laxisme progressifs.

A lire aussi: Mont-de-Marsan: peine maximale pour la mère empoisonneuse

Me Pascal Garbarini, que j’ai soumis à la question, avait pointé, pour expliquer cette multiplication d’incidents professionnels, la suppression des cinq puis des trois années de stage obligatoire chez un avocat après la prestation de serment, avant de pouvoir s’installer, lesquelles permettaient auparavant à de nombreux jeunes avocats de se former et d’être attentifs aux mille risques susceptibles de résulter d’une pratique insuffisamment exigeante.

Pour avoir certains exemples dans la tête, je suis persuadé que le corporatisme du barreau est trop souvent un bouclier infranchissable et que les Conseils de l’Ordre n’ont que trop tendance à minimiser les problèmes qui leur sont soumis.

Cette accumulation, ces derniers temps, de griefs, de soupçons ou de scandales liés au comportement d’avocats de plus en plus nombreux n’est pas anodine. Je considère qu’on ne peut guère attendre d’un Conseil qui n’est pas irréprochable sur ce plan une rectitude intellectuelle et judiciaire dans le traitement du fond des débats et dans l’argumentation qu’il lui revient de développer.

Face à ces ombres qui ne cessent de s’amplifier, et sans pour autant encenser la magistrature en tout, j’ai tout de même envie de défendre celle-ci. Si elle peut connaître des dérèglements d’analyse et parfois rendre des jugements ou des arrêts discutables, elle semble toutefois à l’abri des corruptions vulgaires et des dépendances honteuses. Sa responsabilité pourrait être davantage engagée lorsque, de toute évidence, certains de ses actes ou décisions sont si aberrants qu’ils échappent au champ des voies de recours mais son éthique collective ou personnelle est quasiment irréprochable.

Pour schématiser, si le barreau doit résister aux tentations provenant principalement de l’extérieur, les magistrats ont pour devoir de battre en brèche celles qui, en eux-mêmes, pourraient miner leur indépendance et leur liberté.

MeTooMuch ? (Essai)

Price: 6,99 €

1 used & new available from 6,99 €




Article précédent Gays for Jordan?
Article suivant Le bon sens sous les radars
Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

RÉAGISSEZ À CET ARTICLE

Pour laisser un commentaire sur un article, nous vous invitons à créer un compte Disqus ci-dessous (bouton S'identifier) ou à vous connecter avec votre compte existant.
Une tenue correcte est exigée. Soyez courtois et évitez le hors sujet.
Notre charte de modération