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L’après-soi

Après un été plein de salles vides, comment le cinéma va-t-il rebondir ? Évitez soigneusement la « titanesque » et désolante Palme d’or de l’année. Le dernier Ozon, en revanche, est une bonne raison de retrouver sans tarder le chemin des salles obscures.


Que les films de François Ozon s’avèrent tour à tour réussis ou ratés n’a rien de très étonnant eu égard à la frénésie de tournage dudit cinéaste. On passe ainsi du jubilatoire Potiche au navrant Ricky en se frottant les yeux tout en se demandant si c’est bien le même homme qui en est l’auteur… Avec Tout s’est bien passé, on est incontestablement du bon côté d’Ozon. 

© Carole BETHUEL Mandarin Production

En adaptant le récit d’Emmanuèle Bernheim sur la mort volontaire de son père, il prenait le risque d’un film au bord de la crise de larmes. Or, passées les insupportables dix premières minutes dans lesquelles Dussollier et Marceau cabotinent allègrement, le film prend la seule vitesse de croisière possible pour un tel sujet : un savant mélange de trivialité assumée et d’émotion maîtrisée. 

Tout est donc sur le fil du rasoir mais, titre oblige en quelque sorte, tout se passe bien. Comme si le sujet même du film (réussir sa mort) contaminait au bon sens du terme le film lui-même (réussir sa sortie). Ozon tient la note jusqu’au bout, aidé par un casting d’où émergent plus particulièrement les impeccables Géraldine Pailhas et Charlotte Rampling qui rendent plus complexe encore ce rendez-vous avec la mort voulue.

« Tout s’est bien passé », de François Ozon, Sortie le 22 septembre

Natalité: le basculement en cartes et en chiffres

Seine-Saint-Denis, Paris intra-muros… mais aussi Rennes, Limoges ou Poitiers (!) : les cartes de 55 villes mises à disposition des citoyens par France Stratégie démontrent que la proportion des 0-18 ans nés de parents extra-européens explose dans de nombreuses aires urbaines. Un changement démographique historique.


Depuis de nombreuses années, la question des statistiques ethniques constitue un sujet brûlant au sein d’un débat explosif : celui sur le fait migratoire, son approche scientifique et ses répercussions dans la société française. En effet, la constitution de bases de données fondées sur la « race » ou « l’origine ethnique » auto-déclarée (telles qu’elles existent notamment aux États-Unis ou en Grande-Bretagne) demeure formellement interdite par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, lequel y voit une atteinte aux principes d’égalité et de non-discrimination proclamés dans l’article 1er de la Constitution.

Il n’en va pas de même quant à l’origine nationale des individus. En se fondant sur les données du recensement, l’Insee entretient tout un appareil statistique relatif au nombre d’immigrés vivant en France, au nombre d’enfants nés de parents immigrés et aux pays d’origine de ceux-ci. C’est en partie sur cette base que France Stratégie, organisme de prospective rattaché au Premier ministre, a rendu publique en juillet 2020 une vaste étude consacrée à « la ségrégation résidentielle en France ». 

A lire aussi, Elisabeth Lévy: Appelez ça comme vous voulez…

Se concentrant sur les 55 « unités urbaines » françaises comptant plus de 100 000 habitants, les équipes de France Stratégie ont cherché à comprendre « l’inégale répartition dans l’espace urbain des différentes catégories de population » au regard de plusieurs critères : la tranche d’âge, la catégorie socioprofessionnelle, le statut d’occupation du logement… Mais aussi l’origine migratoire directe : les immigrés et leurs enfants. Le site public créé pour l’occasion permet de visualiser, pour chaque commune et chaque « zone IRIS » (quartier de 2 000 habitants environ), le pourcentage d’immigrés européens et extra-européens parmi les 25-54 ans, ainsi que la part d’enfants nés de parents immigrés parmi les 0-18 ans. Ces données sont accessibles pour différentes années entre 1968 et 2017.

Le constat : un bouleversement sans précédent

Si tel n’était certainement pas la volonté de France Stratégie, l’analyse que nous avons menée sur la base de ces données permet néanmoins de constater que les mutations démographiques générées par l’immigration sont spectaculaires dans l’ensemble des métropoles. En particulier, la part des mineurs nés directement de parents immigrés non européens a augmenté de manière forte et rapide dans toutes les grandes et moyennes villes de France depuis 1990.

Si cette part atteint des records en Île-de-France (les enfants d’immigrés extra-européens représentent 37,4 % des 0-18 ans dans l’agglomération parisienne et jusqu’au double dans certaines communes de Seine-Saint-Denis) la hausse est aussi exponentielle dans des zones urbaines longtemps peu concernées. En moins de trente ans, on observe par exemple une multiplication par trois de la part des mineurs nés de parents extra-européens dans les principales villes de l’Ouest (entre 21 et 23 % à Rennes, Angers, Le Mans, Poitiers…), mais aussi dans des régions enclavées (comme à Limoges : 27,5 %).

Examinons ici quelques situations significatives – en nous focalisant sur ce même indicateur.

La Seine-Saint-Denis

Le criblage des données Insee/France Stratégie nous apprend que les enfants immigrés ou nés de parents immigrés extra-européens sont majoritaires parmi les 0-18 dans plus de la moitié des communes de Seine-Saint-Denis en 2017.

Ce basculement est particulièrement marqué dans certaines communes :

  • La Courneuve : 75 % des 0-18 ans sont nés de parents immigrés extra-européens (moins d’un quart des mineurs résidant sur la commune est donc d’origine française ou européenne)
  • Villetaneuse : 73 %
  • Clichy-sous-Bois : 72 %
  • Aubervilliers : 70 %.
  • Pierrefitte-sur-Seine : 69 %

L’analyse par zone IRIS démontre que les pourcentages sont encore plus élevés dans certains quartiers de ces villes – jusqu’à 84 % dans plusieurs zones de Clichy-sous-Bois.

En 1990, si ces taux étaient déjà nettement plus élevés en Seine-Saint-Denis que la moyenne nationale, ils étaient néanmoins beaucoup plus faibles qu’aujourd’hui :

  • À La Courneuve, la proportion d’enfants d’immigrés extra-européens a augmenté de 60 % entre 1990 et 2017.
  • À Pierrefitte-sur-Seine, la proportion d’enfants d’immigrés extra-européens a augmenté de 102 % : elle a donc plus que doublé.

Orléans

La capitale de la région Centre-Val-de-Loire, située à une heure de train de Paris, connaît elle aussi une dynamique démographique largement perfusée par l’immigration. À tel point que les statistiques locales y sont désormais presque semblables à celles de l’Île-de-France.

En effet, les enfants de parents immigrés extra-européens représentent désormais un tiers (33,1 %) des 0-18 ans vivant dans l’unité urbaine d’Orléans – contre 37,4 % en moyenne pour Paris et sa petite couronne. En 1990, ils n’étaient que 15,1 % dans l’agglomération orléanaise ; leur part relative a donc augmenté de 119 % en moins de trente ans.

Si cette hausse est générale, certains quartiers sont cependant en pointe. Les jeunes d’origine non européenne y sont même nettement majoritaires :

  • L’Argonne : 69 % des 0-18 sont des enfants d’immigrés extra-européens
  • La Source : 66 %

Outre l’augmentation globale, l’aspect le plus remarquable de la situation orléanaise réside dans le basculement spectaculaire de communes périphériques qui étaient encore peu concernées par l’immigration extra-européenne voici vingt-sept ans. Citons parmi d’autres :

  • Saran : 30 % des 0-18 sont des enfants d’immigrés extra-européens en 2017, contre 4 % en 1990 – soit une multiplication par huit
  • Fleury-les-Aubrais : 38 % contre 9 % en 1990 – soit une multiplication par quatre

Poitiers

À l’instar de tout le Grand Ouest, la région poitevine est longtemps demeurée à l’écart des différentes vagues d’immigration reçues par la France depuis le xixe siècle. Cela était resté le cas pour les flux extra-européens… jusqu’à ces dernières années.

La part des enfants de parents immigrés extra-européens parmi les mineurs vivant dans l’agglomération de Poitiers a été multipliée par trois entre 1990 et 2017 : ils représentent désormais 21,7 % des 0-18 ans, contre 7,6 % il y a moins de trente ans.

Si certaines communes périphériques sont encore peu touchées par cette mutation, celle-ci a été spectaculaire dans plusieurs quartiers de Poitiers – où les jeunes d’origine extra-européenne sont en passe de devenir majoritaires :

  • Le Breuil-Mingot : 45 % des 0-18 ans sont des enfants d’immigrés extra-européens en 2017, soit quatre fois plus qu’en 1990 (12 %)
  • Les Couronneries : 45 %, soit trois fois plus qu’en 1990 (15 %)
  • Les Trois Cités / Les Sables : 40 %, soit quatre fois plus qu’en 1990 (10%)

A lire ensuite: Le grand remplacement, c’est maintenant!

Nîmes

Contrairement au Poitou, le Gard est concerné par l’immigration extra-européenne depuis les années 1970. Si le phénomène n’y est donc pas radicalement nouveau, il n’en demeure pas moins que son amplification a été particulièrement notable à Nîmes durant les trois dernières décennies.

En moyenne sur l’agglomération nîmoise de 2017, 31,4 % des 0-18 ans sont nés de parents immigrés extra-européens – contre 15,2 % en 1990. La part relative de ces mineurs a donc augmenté de 107 % sur cette période, et ils sont désormais nettement majoritaires dans plusieurs quartiers. Par exemple :

  • Chemin-bas d’Avignon : 63 % des 0-18 ans sont des enfants d’immigrés extra-européens
  • Pissevin : 59 %
  • Valdegour : 54 %

Une autre nouveauté consiste dans la diffusion rapide de cette démographie vers des quartiers nîmois dont la part de natalité non européenne était très en dessous de la moyenne locale il y a une trentaine d’années. Citons entre autres :

  • Beausoleil : 26 % des 0-18 sont des enfants d’immigrés extra-européens en 2017, soit cinq fois plus qu’en 1990 (5 %)
  • Costières / Capouchiné : 29 %, soit cinq fois plus qu’en 1990 (6 %)
  • Puech-du-Teil : 32 %, soit quatre fois plus qu’en 1990 (7 %)

Les angles morts de cette étude

Il apparaît utile de préciser que les données Insee mobilisées par France Stratégie seraient sous-évaluées si l’on cherchait à les utiliser pour estimer la part complète de telle ou telle origine « ethnique » au sein d’une population – et ce pour deux raisons principales : 

1) Ce calcul n’inclut pas la « troisième génération », celle des enfants nés de grands-parents immigrés extra-européens ;

2) Il n’intègre probablement que très partiellement la présence de mineurs immigrés clandestins (sachant que la population totale des immigrés illégaux dans la seule Seine-Saint-Denis est estimée entre 150 000 et 450 000 individus d’après un rapport parlementaire de 2018).

Les données ici présentées ne remplacent donc pas les « statistiques ethniques », objets récurrents de polémiques et d’obstacles juridiques, dont la démographe Michèle Tribalat considère pourtant qu’elles sont « indispensables à la connaissance ».

Par ailleurs, la double dynamique induite par la surnatalité des populations immigrées et l’accélération de l’immigration au cours des dernières années conduisent à penser que les données ici compilées en 2017 sont déjà significativement dépassées.

Enfin, l’approche englobante de la catégorie des « 0-18 ans » ne donne pas une idée aussi précise que possible des dynamiques en cours. Au vu de la tendance dessinée par ces cartes, on peut imaginer que la proportion d’enfants d’immigrés extra-européens est plus forte chez les 0-5 ans ou les 0-10 ans que chez les 10-18 ans. Une telle segmentation statistique aurait permis de percevoir de façon plus précise l’accélération des transformations démographiques en cours, ainsi que leur impact à venir sur l’ensemble des catégories d’âge. 

Conclusion

L’analyse à laquelle nous venons de nous livrer démontre que les effets cumulés de l’immigration et des différentiels de fécondité ont d’ores et déjà modifié significativement la population française dans les grandes et moyennes agglomérations – et qu’ils continuent de le faire. 

Une fois posé ce diagnostic incontestable, il est permis à chacun de s’interroger sur les conséquences d’un tel basculement à court, moyen et long terme, étant entendu qu’il ne pourra cesser de s’amplifier « naturellement » sans la mise en œuvre d’une volonté politique contraire.


[1] Décision n° 2007-557 DC du 15 novembre 2007, « Loi relative à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile » (site du Conseil constitutionnel).

[2] « Rapport d’information sur l’évaluation de l’action de l’État dans l’exercice de ses missions régaliennes en Seine-Saint-Denis », enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 31 mai 2018 (rapport Cornut-Gentille-Kokouendo)

[3] Entretien au Figaro, 26 février 2016


L’Observatoire de l’immigration et de la démographie est une structure d’étude indépendante, animée par des bénévoles, relative aux évolutions migratoires et démographiques de la France. Face à la défiance démocratique grandissante sur ces sujets, l’OID souhaite
contribuer à permettre un débat serein et éclairé en proposant des analyses inédites, solidement étayées et compréhensibles par chacun.
https://observatoire-immigration.fr
https://twitter.com/ObservatoireID

Chalandon: le père faussaire

Dans Enfant de salaud, Sorj Chalandon revient sur le personnage ambigu de son père collabo et mythomane.


L’humanité entre dans une ère nouvelle et les écrivains tournent en rond. Après Christine Angot, qui reprend son histoire personnelle avec l’inceste comme fil noir, Sorj Chalandon revient sur celle de son père, un homme méprisable qui résume à lui seul la phrase d’Oscar Wilde : « Aucun homme n’est assez riche pour racheter son propre passé ». L’auteur, en effet, avait déjà ouvert le dossier familial avec Profession du père en 2015. Il racontait tout sur son géniteur mythomane, arrogant et violent. Tout ? Il faut croire que non puisque Chalandon lui consacre un nouveau livre Enfant de salaud. C’est une enquête à la fois policière et psychologique à laquelle le narrateur, double de l’auteur, convie le lecteur. Ce père a failli. Durant la Seconde Guerre mondiale, il fut « collabo » et alla jusqu’à porter l’uniforme allemand. 

A lire aussi, du même auteur: Christine Angot: mon père, ce salaud

Cette confidence est faite par le grand-père du narrateur, qui ajoute : « Tu es un enfant de salaud. » C’est le point de départ de l’engrenage pour connaître la vérité. Engrenage, car rien n’est vraiment simple avec ce père coupable qui prend un malin plaisir à brouiller les pistes. Quand le fils interroge le père, ce dernier sort une pièce du puzzle puis une autre, puis encore une autre. La reconstitution laisse des espaces vides. Quand le fils s’approche de la vérité, le père s’emporte. Il a non seulement été « collabo », confirme-t-il, mais il prétend qu’il a défendu Hitler face aux Russes, à Berlin en 1945, avec le dernier carré du bataillon Charlemagne. 

On doit tout dire à l’être qu’on aime. C’est, au-delà des monstruosités nazies rappelées, la bouleversante leçon du livre

En réalité, ce n’est pas vrai puisque le père se trouvait en prison. Le puzzle a soudain trop de pièces. Le lecteur est un peu perdu au milieu de toutes ces contradictions. Une chose est sûre : le père ment. C’est un artiste de l’ambiguïté. On se prend même à le trouver intéressant. L’époque ne cessant de nous vendre de la soupe aux bons sentiments, sans sel ni poivre. 

Rebondissement : on découvre qu’il a fait partie de la Résistance. Ayant eu accès au dossier judiciaire du père, le fils découvre la complexité du parcours de son géniteur. Il contient notamment une incroyable photo officielle. « Il y a quelques semaines, tu portais la croix gammée et maintenant, les couleurs nationales », écrit Chalandon. Cet homme est « un égaré », conclut-il. Sa trajectoire offre une épopée de la noirceur et fait de lui un personnage de roman crédible. Du reste, il le savait, ce père cabotin. Face au juge de la prison de Loos, où il fut incarcéré, le 21 juin 1945, pour « atteinte à la Sûreté extérieure de l’État et Collaboration », il répondit : « Excusez Monsieur le juge mon pauvre style, mais je suis un soldat et non un romancier. »

Interminables dialogues

L’histoire familiale rejoint l’Histoire avec un « H » majuscule. Chalandon, journaliste à Libération, a suivi le procès Klaus Barbie en 1987. Il nous décrit les grands moments de ce procès, rappelant les atrocités ordonnées par l’officier SS ainsi que les témoignages de ses victimes. Il évoque les provocations théâtrales de son avocat, Jacques Vergès, engagé dans la Résistance à 17 ans et demi. Grâce à son fils, le père finit par assister aux audiences. À la fin du procès, il lâche : « On dirait le festival de Cannes, non ? » 

A lire aussi, Jonathan Siksou: Les emmerdes de Bruno Léandri à l’étranger

Lors de leurs interminables dialogues, où le narrateur boit beaucoup de bière, le père n’hésite pas à déstabiliser le fils. Il se moque des convictions du fiston : « C’est pas toujours facile d’être de gauche, bonhomme. » Dans les temps troublés, rien n’est  tout blanc ou tout noir. Il y a une zone grise où chacun tente d’agir avec plus ou moins de courage, de dignité. L’important étant de ne pas être « un pêcheur à la ligne ». Après Sartre, Chalandon souligne la difficulté du choix, et les angoisses qui en découlent. Mais l’enjeu de ce livre est ailleurs. Chalandon : « Le salaud, c’est l’homme qui a jeté son fils dans la vie comme dans la boue. Sans trace, sans repère, sans lumière, sans la moindre vérité. » Il ajoute, phrase uppercut : « Le salaud, c’est le père qui m’a trahi. » L’essence même de la douleur du fils est ici exprimée. L’amour ne supporte pas le mensonge. 

On doit tout dire à l’être qu’on aime. C’est, au-delà des monstruosités nazies rappelées dans ce livre, la bouleversante leçon du livre. On ne pardonne pas à un faussaire. Surtout si on l’a cru.

Sorj Chalandon, Enfant de salaud, Grasset.

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[Vidéo] Lisbonne, « grand remplacement », Michel Onfray, Eric Zemmour: la semaine de Causeur

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La semaine de Causeur revient sur les quatre articles les plus consultés sur le site Causeur.fr durant la semaine écoulée. Notre Directeur adjoint de la rédaction Jeremy Stubbs commente et analyse.


Quels sont les articles qui ont le plus suscité l’intérêt des lecteurs de Causeur.fr cette semaine ?

Qu’avez-vous fait pendant les vacances ?
Vous avez joué au badminton dans un camping ? Ringard !
Fait du jet surfing ou du vol en flyboard en Méditerranée ? Ringard !
Parcouru la Galerie des Offices à Florence ? Ringard !
Traversé les paysages montagnards sublimes du Queyras ? Ringard !

Les Portugais n’avaient rien demandé…

La dernière mode, c’est le tourisme décolonial. Vous vous rendez dans un pays étranger où vous êtes accueilli en visiteur. Vous repérez quelque monument national qui représente une histoire dont vous ignorez tout et des luttes héroïques qui vous dépassent. Et vous dégradez ledit monument. C’est aussi simple que cela ! C’est ce qu’a fait une étudiante des beaux-arts française en vacances à Lisbonne en y taguant le monument consacré aux grands navigateurs portugais – et dans un anglais agrammatical. Alexis Brunet nous raconte cette histoire.

Menacée de prison, la touriste s’est hâtée de rentrer à la maison. Car un voyage décolonial est forcément un aller-retour.

Si l’expression « grand remplacement » vous donne de l’urticaire, parlez de « basculement démographique »

La vérité vous intéresse-t-elle ? Soit par curiosité, soit parce que votre destin en dépend ?
Eh bien, une grande transformation de la population est en cours dans les grandes et moyennes villes de France. Les chiffres et les cartes officiels de France Stratégie, analysés par l’Observatoire de l’immigration et de la démographie, mis en avant dans le dernier numéro du magazine Causeur, le démontrent.

Comme le dit Elisabeth Lévy, vous pouvez appeler ça comme vous voulez, on peut parler de « grand remplacement » ou de « grand basculement », peu importe. Ce qui compte c’est d’avoir un débat public sur ce sujet. Mais le clergé médiatique, ainsi que les rangs serrés des politicards, des béni-oui-oui de la diversité et des culs non moins bénis de l’inclusivité nient l’existence même du phénomène. La vérité vous intéresse-t-elle ? Il faut lire Causeur.

Décidément, c’est une semaine très livresque.

Autodafés, le dernier essai d’Onfray

Avez-vous lu le dernier livre de Michel Onfray ? Dider Desrimais l’a déjà lu pour nous.
Autodafés raconte tous les cas historiques récents – du maoïsme à la doxa psychanalytique ou la controverse sur le choc des civilisations – où l’intelligentsia de gauche s’est mobilisée pour discréditer les livres démasquant les idéologies totalitaires ou les dogmes établis. Parmi tant d’exemples de myopie idéologique, retenons celui du voyage en Chine de Roland Barthes en 1974. Le sémioticien célèbre remarque qu’en Chine « le champ sémantique est désorganisé » et que « les signifiants sont rares. » Mais il ne fait jamais le lien entre ce vide et l’extermination massive des intellectuels et des artistes par le régime communiste.

C’était déjà le tourisme décolonial en quelque sorte, le voyage au cours de laquelle le nombrilisme du touriste cache la réalité qui l’entoure.

Zemmour, le bouquin évènement de la rentrée, que Laurent Ruquier n’apprécie pas

En parlant de lectures, avez-vous lu le dernier livre d’Éric Zemmour, La France n’a pas dit son dernier mot ?
Le problème, c’est que les mafiosi du multiculturalisme voudraient qu’Éric Zemmour ait dit son dernier mot.

Pour lui imposer le silence, les petits malins, ils l’invitent à parler. C’est ce qui s’est passé samedi dernier lors de son passage dans On est en direct avec Laurent Ruquier et Léa Salamé. Radu Portocola a regardé l’émission pour nous. Incapable de mettre Eric Zemmour en difficulté au sujet de ses idées et propositions, Laurent Ruquier a procédé à un règlement de comptes personnels. Au plus fort de l’échange, les deux hommes ont comparé leurs audiences respectives, comme ils auraient pu comparer d’autres signes de virilité. Pauvre Ruquier ! tandis que son ex-chroniqueur a gonflé remarquablement le nombre des fidèles de CNews, son propre score est aujourd’hui en état de détumescence relative. Le livre de Zemmour est en voie de devenir un bestseller – encore un ! – et personne ne se demande si Ruquier sera candidat aux présidentielles.

Comme c’est si souvent le cas, l’autodafé se transforme en autodérision… involontaire.


Le silence éloquent de Salah Abdeslam

Une tribune de Jean-Frédéric Poisson, président de VIA, la voie du peuple


Depuis le 8 septembre se tient le procès des attentats terroristes du 13 novembre 2015. Un événement douloureux pour les familles de victimes dont la douleur est cruellement ravivée. Si certains n’attendent rien de particulier de cet événement médiatique, d’autres au contraire souhaitent obtenir justice pour leurs disparus. D’autres encore déclarent qu’ils ne souhaitent pas de récupération politique autour de ce procès. Pourtant, et malgré tout le respect que nous devons à ces victimes, il n’est pas question d’éviter ce sujet. En effet, l’enjeu de cet événement va bien au-delà d’un simple procès. Il met en lumière la lutte qui s’est amorcée entre deux civilisations incompatibles. Une lutte dont beaucoup de Français semblent ne pas avoir conscience, sans doute par méconnaissance de nos adversaires.

Nous ne pourrons pas combattre l’Islam conquérant tant que nous ne comprendrons pas l’état d’esprit de ceux qui ont frappé le Bataclan, l’Hyper Cacher, mais aussi Nice, le marché de Strasbourg et qui ont assassiné le Père Hamel, Arnaud Beltrame et tant d’autres. À cet égard, le silence de Salah Abdeslam depuis son incarcération nous en apprend davantage que les propos qui peuvent émerger de différents interrogatoires de terroristes : Salah Abdeslam se tait. Il ne dialogue qu’avec ses codétenus qu’il influence. Il se tait, car le dialogue ne l’intéresse pas ; notre point de vue n’a pas la moindre valeur pour lui. Il n’attend pas davantage de notre part que nous le comprenions. Il se tait jusqu’à son procès, occasion pour lui de déclarer : « je tiens à témoigner qu’il n’y a point de divinité à part Allah et que Mohamed est son messager » [1]; ce qui constitue, mot pour mot, la profession de foi à l’Islam. Beaucoup semblent étonnés par cette sortie, mais l’explication de son attitude est pourtant limpide : Abdeslam appartient à une autre civilisation au sein de laquelle existe un état d’esprit particulier, façonné par le Coran. Le terroriste n’est pas disposé à la repentance parce que ce qu’il défend se trouve dans une dimension religieuse qui transcende de loin la laïcité, la liberté, l’égalité et la fraternité, valeurs apparemment indépassables de nos sociétés modernes. Pour les musulmans, il s’agit de défendre un véritable droit soufflé par Dieu à son prophète et qui structure toutes les sociétés appartenant à l’Oumma, la communauté des croyants. De là découle le modèle immuable d’une religion qui interdit depuis le Xe siècle et la réforme du calife al-Mutawakil, toute actualisation ou interprétation du Coran. C’est le fond du problème. Et c’est d’ailleurs pour cette raison que j’avais développé ce sujet dans mon ouvrage L’Islam à la Conquête de l’Occident en 2018. Tout dialogue est impossible tant que les adeptes du Coran se refusent à l’autocritique.

Nous devons comprendre que ces hommes n’ont pas peur de notre justice, qu’ils n’ont pas honte de ce qu’ils ont fait, qu’ils appliquent les conseils du prophète : « Je ne veux rien ni de vous ni du juge. Il n’y a que la justice d’Allah qui compte ! » déclarait Abdeslam en décembre 2020 [2]. Au contraire, ils se réjouissent de pouvoir confirmer leur allégeance à Daech, d’avoir une tribune pour montrer leur bravoure face aux mécréants. Si de notre point de vue, ce sont des criminels, du point de vue de nombreux musulmans, ce sont des héros qui sont allés jusqu’au bout de leurs convictions. Le procès peut avoir du sens pour les victimes, il n’en aura jamais aucun du point de vue des bourreaux.

L’enjeu dépasse l’action de quelques islamistes radicaux, puisqu’une véritable stratégie de conquête de l’Occident est mise en place depuis une vingtaine d’année par les États musulmans qui n’ont jamais caché leurs ambitions pour notre continent. L’idée pour eux consiste à faire avancer la cause de l’Islam dans le monde, quelle qu’en soit la manière. C’est d’ailleurs en substance ce qu’affirme un document stratégique adopté à l’unanimité par ces États réunis au sein de l’Organisation islamique pour l’éducation, la science et la culture en 2000. Il y a chez eux une négation de notre identité et une volonté de conquête qui pardonne aux terroristes tous leurs excès au nom de la sainte cause du Djihad. Voilà pourquoi, indépendamment du rôle que la justice doit poursuivre dans cette affaire, la question de fond de ce procès est bien celle de l’incompatibilité idéologique de l’Islam conquérant avec notre société européenne. Au-delà de la connaissance de ceux qui nient ce que nous sommes, nous devons également retrouver l’esprit de nos pères, un esprit de service et d’héroïsme, cultiver les vertus qui nous permettront d’opposer notre force à leurs forces, notre civilisation à leur civilisation.

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[1] « Attentats du 13 Novembre : fin d’une première audience mouvementée, reprise du procès jeudi à 12h30 »,Le Parisien, le 08/09/2021

[2] « L’administration pénitentiaire rapporte le prosélytisme de Salah Abdeslam en prison », Mediapart, le 08/09/2021

Vertes et pas mûres

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Chez les Verts, on ne dit pas « femme » mais personne en capacité de porter un enfant. 


Que ma chère Eugénie Bastié soit remerciée pour avoir déniché cette perle dans le programme d’EELV. Le parti des écolos-dingos promet en effet un égal accès à la PMA « à toutes les personnes en capacité de porter un enfant ». L’homme enceint n’ayant pas encore vu le jour, on suppose que cette longue périphrase désigne les femmes. 

A lire aussi, Didier Desrimais: Tomber de Charybde-Piolle en Scylla-Rousseau

Notez qu’il ne s’agit pas du programme de Sandrine Rousseau, mais de celui de tout le parti, y compris Yannick Jadot. Ce qui laisse augurer le fait que celui-ci, s’il remporte la primaire comme le pensent tous les commentateurs, devra sacrifier aux lubies wokistes de ses camarades. Lubies qui, comme toujours, n’ont pas grand-chose à voir avec l’environnement. Le regretté Philippe Cohen observait déjà le tournant sociétal en plaisantant sur la gauche des trois P – Pacs, Parité, Pétard. 

Yannick Jadot à Lille, 23 juin 2020 © Denis ALLARD/Leextra via Leemage.

Remodeler le réel

La disparition du mot « femme » du dictionnaire écolo révèle en vérité un projet proprement totalitaire tel que le décrivait Orwell. Le but de la « novlangue » de 1984 est bien de changer le langage par la force pour remodeler le réel. C’est aussi, d’une certaine façon, le projet du « politiquement correct » : interdisez le mot salope et vous ferez disparaître le sexisme (si tant est que « salope » soit une injure sexiste et pas une injure tout court ou un petit nom tendre, mais on m’aura comprise). En l’occurrence, il s’agit bien de réinventer l’espèce humaine en faisant disparaître la différence des sexes. Il n’y a plus ni homme ni femme mais, comme le disait Muray, une « créolisation terminale, infinie et exterminatrice » de l’espèce. « De cette façon, la vieille fable de la bisexualité universelle se trouve-t-elle dépassée par un cliché encore supérieur, un stéréotype encore mieux congelé et mieux calibré, celui de l’indifférenciation définitive envisagée comme souhaitable, ou plutôt de la macédoine des caractéristiques sexuelles considérée comme fin indispensable de l’âcre cuisine séculaire des sexes. » [1]

A lire aussi: Vannes enfin déclarée “Zone de liberté LGBT”

On me dira que j’exagère et que cet effacement du mot « femmes » est peut-être délirant mais pas totalitaire. Eh bien, chers amis, élisez Sandrine Rousseau à l’Élysée et vous verrez si j’exagère. 

Un pilier de l’anthropologie qui tombe

Le partage de l’humanité en deux sexes est l’un des piliers de la réalité, de l’anthropologie, donc de l’histoire humaine. C’est la première chose que l’on repère chez l’autre – est-il homme ou femme ? 

Une partie du féminisme rejoint le militantisme transgenre pour décréter que cette différence fondatrice n’existe pas et criminaliser ceux qui la voient (« Qu’est-ce qui vous permet de dire que je suis un homme ? », déclarait un invité à un Daniel Schneiderman ébahi malgré sa bonne volonté progressiste).

Sous ce règne de « l’indifférentialocratie » (toujours Muray), on ne dit plus femmes mais « personne qui a ses règles » (ça, c’est en anglais) ou, donc, « qui peut porter un enfant ». (Et pour homme, on dit quoi, personne qui porte des testicules ?) Pour avoir ironisé sur ces définitions, J.K. Rowling a essuyé un torrent de boue numérique. 

Derrière cet arraisonnement du langage par l’idéologie, la réalité sensible devient hors-la-loi. 

Certes, ces cinglé.e.s ne sont pas au pouvoir, heureusement. En attendant, on devrait méditer sur ce féminisme qui interdit de prononcer le mot femme.


[1]  « Le monde sans femmes est à vous », février 1999 Après l’Histoire, II, Les Belles Lettres

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Bilal Hassani: Danse avec le buzz

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Notre collaboratrice Sophie Bachat souhaite que le jeune Bilal Hassani obtienne une pluie de 10 dans l’émission Danse avec les Stars de TF1. Ne serait-ce que pour déplaire à ceux qui lui vouent une haine effrayante…


Souvenez-vous de l’Eurovision 2019, où la France a été représentée par Bilal Hassani avec la chanson Mon roi, dans laquelle il disait vouloir « casser les codes ». La chanson est une invraisemblable soupe, au texte indigent, mais elle se hissa quand même à la 16ème place du concours. Le jeune chanteur fit le buzz, et c’est le plus important aujourd’hui.

Emoi et moi et moi…

Danse avec les stars, ce concours de danse télévisé, qui se situe à mi-chemin entre On achève bien les chevaux et le thé dansant, diffusé sur TF1, semble également être en mal de buzz, car Bilal Hassani y dansera avec un homme dans la nouvelle saison qui débutera ce soir. La sphère télévisuelle et médiatique est en émoi, et il ne se passe pas un jour sans que Purepeople (média people en ligne) n’en fasse ses choux gras. En effet, les derniers articles évoquent le petit ami de Bilal, lequel serait jaloux de son futur partenaire de tango ou de rock acrobatique… Mais le vrai problème est la haine en ligne dont est victime, et cela depuis sa participation à l’Eurovision, cet « Arabe à perruque » comme il se qualifie lui-même. Nous allons y revenir.

Bilal Hassani, représentant de la France à l’Eurovision, 26 janvier 2019. ©GILLES SCARELLA / FRANCE TELEVISIONS / AFP

Tout le monde parle de Bilal. Son cas fut bien sûr évoqué chez Cyril Hanouna. Le chroniqueur Mathieu Delormeau, lui même homosexuel, s’est mis en colère, car selon lui, Bilal, trop caricatural, ne représenterait pas les gays dans leur ensemble. « J’ai rien contre Bilal Hassani, mais pardon, un mec qui met une perruque, des faux cils, je ne me reconnais pas dans ce style de gay ». Hanouna s’offusque, Bilal répond à Delormeau sur les réseaux « Je suis une personne humaine et normale et je lui souhaite d’apaiser son cœur » (sic). Delormeau n’a apparemment pas « apaisé son cœur », d’autant plus qu’il dit avoir été victime de menaces de mort. Diantre ! Voilà un buzz réussi. En la matière, nous pouvons toujours compter sur Hanouna. 

Repéré par les rapaces de la télé-réalité

Mais qui est Bilal Hassani ? D’abord, que l’on ne compte pas sur moi pour l’accabler, car ce garçon, malgré sa nullité artistique, est touchant. Il est né en 1999, c’est un enfant d’internet qui commença sa carrière d’influenceur sur YouTube où il prodiguait des conseils beauté. Et puis, il fut vite repéré par les rapaces de la téléréalité : son potentiel scandale est énorme. Il a toujours voulu chanter, et s’est toujours senti homosexuel. Pour le protéger des moqueries, sa mère le plaça donc dans un pensionnat catholique, où il fit scandale en s’adonnant à des galipettes dans le dortoir avec… le petit copain de sa meilleure amie. Déjà, il était « la poupée qu’on habille et qu’on déshabille » comme le chante Sardou dans Le privilège. 

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Lors de sa participation à l’Eurovision, il fut bien évidemment la cible d’un tombereau de haine chimiquement pure. Qui ne venait pas de ses anciens camarades du pensionnat catho… Les racailles, pour utiliser cet euphémisme, s’en donnèrent à cœur joie, à tel point que les associations LGBT+ ont déposé une plainte. Sans bien sûr nommer les coupables. Business as usual. Les réacs ne sont pas non plus de grands fans de Bilal, lequel personnifie selon eux la décadence de la France. 

Pas un LGBT militant

S’il est si touchant à mon sens, c’est justement parce qu’il ne revendique rien à part de vivre son homosexualité en s’affublant de perruques et de vêtements de femmes. Il n’est pas devenu une icône LGBT+ car il n’est pas militant. C’est un travesti dans la tradition française (n’en déplaise aux réacs), entre la Cage aux folles, le transformiste de chez Michou et le Chouchou de Gad Elmaleh. Mais justement, de tradition il n’y a plus. Ne reste que l’impitoyable mécanique de la marchandise spectaculaire dont Bilal est la victime consentante. Son compte Instagram est l’un des plus suivis, il y fait du placement de produits et y expose sa vie amoureuse. Celui qui se rêvait chanteur n’est finalement qu’une influenceuse. Mais il continue surtout à s’exposer à la violence de certains, et en cela il fait preuve d’un certain courage. « Leave Bilal alone ! »

L’Arc de Triomphe est en pyjama. Les Français n’ont plus qu’à se coucher!

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Pour l’année du bicentenaire de la mort de Napoléon, cet Arc de Triomphe en pyjama propose très clairement aux Français de rejoindre leurs élus couchés depuis plus quarante ans devant la débilité de l’art contemporain et de s’enfoncer avec eux dans la nuit sans étoiles d’une nation sans repères. Tribune.


« Moins d’argent, plus de liberté ! » C’est avec ce slogan que, directeur du Fonds Régional d’Art Contemporain d’Ile-de-France, j’obtins en 1985 de Michel Giraud, Président RPR de la Région, qu’il rompe avec le ministère Jack Lang et en refuse les crédits. Les financements croisés Etat/Région permettaient à l’administration de la rue de Valois de contraindre les régions à faire leurs courses dans les galeries à la mode. C’est d’ailleurs à cette condition que celles-ci avaient accepté de soutenir la politique du ministre. Aucune autre région ne suivit l’exemple de l’Ile-de-France.

La soumission à l’hégémonie culturelle de la gauche 

Lors de la première cohabitation, le directeur de cabinet du ministre de la culture et de la communication me demanda une note pour réformer les FRAC dont les critiques dans l’électorat de droite allaient bon train. Très intéressé par les propositions que j’y faisais, le ministre la fit passer dans les services de son administration. Elle n’en revint bien sûr jamais. Le ministre n’en signa pas moins une tribune que son directeur de cabinet m’avait demandé pour répondre à Jack Lang.  « Vous savez, on n’y connaît rien », m’avait-il dit. Je découvris à cette occasion que l’ignorance et la lâcheté sont attelées au même joug. La soumission à l’hégémonie culturelle de gauche fut un des moyens de Jacques Chirac pour conquérir le pouvoir. Le délégué national à la culture du RPR l’avait bien compris qui ne ménageait ni sa peine ni sa plume pour surenchérir sur la démagogie du ministre de François Mitterrand. Je finis par jeter l’éponge quelques années plus tard, après avoir admis qu’une politique d’achat sérieuse, soucieuse du public et des contribuables, était impossible. L’Etat n’était pas seul en cause. Le pays n’avait pas attendu le lobbying de l’industrie pharmaceutique pour connaître les effets désastreux d’une corruption systémique. 

Toujours en 1985, je décidai d’organiser à Paris une exposition intitulée Roland Barthes, le texte et l’image qui présentait des textes de l’écrivain en regard d’œuvres d’artistes ancien et modernes sur lesquels il avait écrit : Arcimboldo, Gentileschi, les peintres du siècle d’or hollandais, Erté et son alphabet art déco, Savignac, des affichistes anglais de la fin du 19ème siècle, des peintres américains, de grands photographes comme Richard Avedon, le célèbre studio Harcourt, le dessinateur Crepax, l’inclassable Steinberg. Y figuraient également des volumes de planches de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert ainsi que le texte magistral consacré à la Tour Eiffel.

L’aveu de Roland Barthes lassé par la modernité

Je souhaitais avec une telle exposition faire découvrir à un large public des écrits trop ignorés qui, dans l’approche de l’image picturale, publicitaire et photographique, alliaient de manière unique une intelligence éblouissante à l’élégance d’une sensibilité peu commune. J’espérais ainsi que devant leur beauté et leur pertinence le public se rendrait compte de la cuistrerie et du ridicule des papiers de nos gazettes. J’obtins également du service de la communication de la Ville que soit affiché un peu partout sur des panneaux 4 par 3 le fameux portrait de l’écrivain s’allumant une cigarette avec la citation suivante : « Tout d’un coup il m’est devenu indifférent de ne pas être moderne ». Cette citation, qui surprit tout le monde, provoqua une telle ruée au Pavillon des arts où se tenait l’exposition que le catalogue fit l’objet d’un retirage et que Pierre Dumayet décida d’enregistrer son émission littéraire sur les lieux. Seul Bernard-Henri Lévy voulut faire croire qu’il en connaissait la provenance. Non, Barthes ne l’avait nullement prononcée lors d’un de ses cours au Collège de France. Alain Finkielkraut, lui, en fera un commentaire dix ans plus tard. 

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L’éditeur de Barthes avait si peu imaginé la possibilité d’un tel succès qu’il laissa libres de droits la reproduction et l’utilisation de ses textes. Nous étions bientôt à la fin de la première législature socialiste et personne n’avait songé à commémorer le cinquième anniversaire de la mort de l’écrivain. C’est cet argument qui emporta la conviction de l’adjointe RPR à la culture de la Ville de Paris et permit qu’un budget fût débloqué en urgence. Je ne suis pas sûr que celle-ci, en découvrant trois mois plus tard les chiffres de la fréquentation de l’exposition, ait compris combien la lassitude de Barthes devant l’injonction d’être moderne avait redonné espoir aux visiteurs. L’aveu de la citation avait comme répondu à une attente. Sur le boulevard Saint-Germain-des-Prés, la librairie La Hune, aujourd’hui remplacée par une boutique Louis Vuitton, avait consacré toute sa vitrine à l’exposition et au catalogue dont elle vendait cinquante exemplaires par jour, à la barbe et au nez des éditions du Seuil qui regrettèrent la bévue de l’abandon de leurs droits et pour finir se brouillèrent avec la Ville. Cette brouille est édifiante par le peu de cas qu’il fut fait des demandes émanant de nombre de Maisons de la culture souhaitant pouvoir présenter une version en fac-similé de l’exposition et d’éditeurs étrangers désireux de publier une traduction du catalogue.

Des élus terrorisés par les couleurs de notre drapeau

Devant le succès de cette exposition qui avait rapporté plus d’argent à la Ville qu’elle ne lui en avait coûté, Jean-Jacques Aillagon, adjoint au Directeur des affaires culturelles de la Ville, m’invita quelque temps plus tard à déjeuner. Avais-je d’autres projets dans mes cartons ? A l’approche des manifestations du bicentenaire de la révolution française, je lui parlai d’une exposition sur Les couleurs de la France dans la peinture française. Notre emblème national, lui expliquai-je, est le seul au monde à avoir été peint par les plus grands noms de la peinture de Delacroix à Picasso : Boudin, Monet, Manet, Renoir, Pissarro, Cézanne, Caillebotte, Seurat, Signac, Van Gogh, Maurice Denis, Le Douanier Rousseau, Derain, Dufy, Marquet, Léger, Braque, Utrillo, La Fresnaye, Chagall, Gromaire, Bissière, Poliakoff, d’autres encore. Aussi notre drapeau pouvait-il être considéré comme l’emblème de deux révolutions, l’une politique, l’autre picturale. J’expliquai également à Jean-Jacques Aillagon que si notre drapeau avait fait « le tour du monde avec le nom, la gloire et la liberté de la patrie » comme l’avait déclaré Lamartine, il l’avait fait ensuite avec les plus grands noms de la peinture. Je lui précisai qu’à ce titre il était également le symbole d’une étonnante renaissance, celle des arts qui n’avaient pas été gouvernés, comme en Grèce, par le souci de l’imitation des formes du monde. C’est à notre art moderne, né sur notre sol, que l’on doit l’immense résurrection des arts du passé sur tous les continents. Flairant l’intérêt politique du projet, il en parla à son élue qui prit la décision de sa programmation avec la même rapidité que pour Roland Barthes : l’exposition serait présentée tout d’abord au Japon dans le cadre de l’année « Paris-Tokyo » puis l’année suivante à Paris dans le cadre des manifestations du bicentenaire. 

J’allais découvrir, hélas ! que nos couleurs étaient devenues si peu fréquentables que nos représentants politiques employaient sournoisement leur industrie à revenir sur un projet d’exposition susceptible de renforcer chez nos compatriotes une fierté nationale peu compatible avec le projet européen. Je ne reviendrai pas ici sur le détail des raisons qui empêchèrent à plusieurs reprises ce projet d’aboutir aussi bien sous le mandat de Jacques Chirac, Maire de Paris, que sous celui de Nicolas Sarkozy, Président de la République. Ni sur les réticences des maisons d’éditions dont l’une d’elles verra sa directrice s’installer sous les ors de la République, rue de Valois, au lendemain de l’élection d’Emmanuel Macron. 

Il faudra attendre les attentats sanglants de 2015 et les éclairages tricolores des bâtiments emblématiques des grandes capitales occidentales pour que le livre, auquel Michel Pastoureau et Pascal Ory participèrent, puisse voir le jour. Quant à l’exposition qui devait en accompagner la sortie, que les médias interrogent donc le président du Sénat sur son revirement et sa frilosité toute européiste. N’est-ce pas donner raison à Lilian Thuram lorsque celui-ci déclare : « On exige des joueurs d’origine étrangère de montrer qu’ils aiment la France, qu’ils chantent La Marseillaise – comme si on avait un doute les concernant – alors même que la société nous a tous éduqués à avoir peur du drapeau, sauf à être taxé de FN ! » 

Manifestation contre le sabotage du plug anal de Paul McCarthy, octobre 2014, Paris. Sipa. Numéro de reportage : 00696325_000009.

Saccager la nation pour complaire à l’Union européenne

Les élus sont très ennuyés par nos couleurs. Se surveillant mutuellement pour complaire à la technocratie de l’Union européenne, ils ne savent sur quel pied danser.  En revanche, ils n’ont aucun état d’âme lorsqu’il s’agit de saccager la nation, son histoire et sa culture en soutenant l’installation d’un « Plug anal » place Vendôme, d’un « Vagin de la Reine » dans les jardins du Château de Versailles, d’un chaos de dalles funéraires au pied des Rubens du Louvre, de vidéos d’enfants se masturbant au CAPC de Bordeaux, d’un crucifix plongé dans l’urine à Avignon, de pneus de tracteur d’un plasticien poursuivi pour pédophilie à l’Opéra, d’une scène géante de zoophilie devant le Centre Pompidou, d’un Mickey en érection sous les verrières du Grand Palais. Aussi, la disparition des États-nations leur semblant la nouvelle finalité de l’histoire, soutiennent-ils avec conviction l’empaquetage de l’Arc de Triomphe. Être dans l’air du temps, en partager la lâcheté, la puérilité, l’inculture est leur commune feuille de route depuis quarante ans ! Défigurer le patrimoine, le parasiter, le tourner en dérision, l’amputer de sa vocation, déboulonner les grands hommes, les taguer, en ôter les noms au coin de nos rues, emmailloter un monument emblématique de notre histoire avec 25 000 m² de tissus et 3000 mètres de cordes pour un coût de 14 millions d’euros, cela leur dit. D’autant plus que l’opération est autofinancée par la vente des dessins préparatoires et demain par les droits de reproduction en tous genres. Etant habitués depuis tant d’années à ne voir que l’aspect comptable des choses, ils sont incapables de comprendre qu’une nation ne peut pas plus se réduire à son économie, qu’une politique de santé publique à l’équilibre budgétaire de l’hôpital.

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Les artistes contemporains ça ose tout 

Quelle raison y aurait-il de s’opposer au projet de Christo ? L’individu est devenu une star de l’art contemporain à laquelle le Centre Georges-Pompidou vient de consacrer une grande exposition. Ses dessins préparatoires se vendent à prix d’or. Il est le premier et le seul à faire ce qu’il fait. Il donne à voir ce qu’il cache, paraît-il. Et puis, il l’a dit, « ce sera comme un objet vivant qui va s’animer dans le vent et refléter la lumière. Les plis vont bouger, la surface du monument devenir sensuelle ». Il en rêvait depuis longtemps, mais ne s’est pas contenté d’en rêver. Il l’a fait. Les artistes contemporains ça ose tout ! Les empaquetages de Christo n’ont bien sûr rien voir avec les bâches publicitaires tendues sur les façades d’immeubles en réfection. L’ancien réfugié bulgare ne fait de la publicité que pour lui-même, et son coup de génie, c’est de n’avoir pas besoin de mettre son nom sur ses bâches comme Yves Saint-Laurent sur celles du Lutétia ou Samsung sur celles de l’hôtel de la Marine. Et puis quand on y songe, une équipe de 95 cordistes qui descendent en rappel avec casques et baudriers, c’est une prouesse autrement plus folle que l’escalade à mains nues des 187 mètres de la tour Total de la Défense par Alain Robert, cet homme de 59 ans qui, accompagné de trois jeunes grimpeurs, voulut avec eux, le 7 septembre, marquer son opposition au passe sanitaire et rendre hommage à Jean-Paul Belmondo. Cela étant dit, ce que fait Christo n’est ni vulgaire, ni laid, ni beau ; c’est uniquement sans intérêt. On aimerait dire « ce n’est rien » comme pour les meubles qu’il empaquetait et ficelait autrefois, mais le côté spectaculaire de ce qu’il fait nous en empêche. A vrai dire, pas très longtemps parce que, la surprise et le spectacle s’usant vite, l’absence d’intérêt reprend tout de suite le dessus. « Le premier qui compara la femme à une rose, c’est un poète, le second fut un imbécile » a dit Gérard de Nerval. Le premier qui empaqueta un monument… Mais il n’y a jamais eu de premier. Toute sa vie, Christo n’a fait que se succéder à lui-même. Même la toute première fois !

Dessin du projet de l’artiste Christo ©André Grossmann / Christo and Jeanne-Claude – 2019 CHRISTO / AFP

Barthes disait de la Tour Effel, que Maupassant détestait au point d’y dîner pour ne pas l’avoir sous les yeux, qu’elle était la première porte de Paris. Les touristes y montent jusqu’au troisième étage, admirent « la moire historique » de la ville à leur pied et en redescendent. Ils sont enfin à Paris. Maupassant détesterait sans doute encore plus cet Arc de Triomphe empaqueté. Aucun écrivain toutefois ne pourrait en rédimer la détestation par une observation intelligente. Les badauds viendront tourner autour, lever la tête, toucher la toile, tripoter une corde, prendre des photos, faire des selfies, seuls ou en familles. Ils verront non pas qu’il n’y a rien à voir, mais rien à dire parce que l’on peut tout dire et que, quoi qu’on dise, ce ne peut être que sans intérêt.

Un sale coup d’Emmanuel Macron

L’Arc de Triomphe est le haut lieu des grandes manifestations nationales. Le Soldat inconnu y a été inhumé sur le terre-plein en 1921 et on y ravive chaque soir la flamme du souvenir. Souhaité par Napoléon en 1806, il fut inauguré en 1836 par Louis-Philippe qui le dédia aux armées de la Révolution et de l’Empire. Après les Invalides sous le dôme duquel pend misérablement au-dessus du tombeau de l’Empereur une copie en plastique du squelette de son prétendu cheval Marengo, c’est place Charles-de-Gaulle qu’Emmanuel Macron lance une nouvelle offensive contre une histoire de France dont il a appelé de ses vœux, le 18 avril dernier, la « déconstruction ». Pour l’année du bicentenaire de la mort de Napoléon, cet Arc de Triomphe en pyjama propose très clairement aux Français de rejoindre leurs élus couchés depuis plus de quarante ans devant la débilité de l’art contemporain et de s’enfoncer avec eux dans la nuit sans étoiles d’une nation sans repères.

Élections canadiennes: Justin et son nombril

Les résultats des élections législatives du lundi 20 septembre sont très incertains. Le scrutin apparait de plus en plus comme un référendum sur la personnalité et la fiabilité du Premier ministre.


Lorsque le premier ministre libéral, Justin Trudeau, a annoncé des élections générales anticipées au Canada, il a fixé le jour du scrutin au 20 septembre. Le timing était de l’opportunisme politique pur. Alors confortablement en tête dans les sondages avec une avance de 7,5 point, et après un déploiement réussi du vaccin (bien qu’après un démarrage très lent de la campagne de vaccination dans le pays), Trudeau a l’espoir de retrouver le gouvernement majoritaire qu’il a perdu en 2019, afin d’augmenter les impôts pour payer les coûts de la pandémie et de nouveaux programmes soi-disant « progressistes ». 

Trudeau a superbement ignoré les critiques généralisées qui l’accusent d’avoir déclenché des élections pendant la pandémie, d’autant que le Canada connaît actuellement une quatrième vague d’infections. Le problème pour les Libéraux, c’est qu’à part un chef fanfaron, ils manquent de politiques accrocheuses, à part taxer les banques. Et bon nombre des grandes initiatives promises en 2015, comme celles concernant le changement climatique et l’économie, sont tombées à plat et avec elles leur crédibilité. Les partis d’opposition, pour leur part, veulent faire de l’élection un référendum sur la personnalité et la fiabilité du Premier ministre.

Un vol Air Trudeau

Les partis d’opposition ont raison. En fin de compte, tout tourne autour du nombril de Justin. 

Le nom « Trudeau » est d’ailleurs collé sur le fuselage de l’avion de campagne, et non « Parti libéral ». Quant à la campagne, elle est menée dans le style d’une élection présidentielle américaine, ce qui est à bien des égards tout à fait approprié. Trudeau est comme un Bill Clinton dans la fleur de l’âge, un jeune politicien libéral photogénique : beaucoup d’électeurs veulent le voir réussir et par conséquent lui donnent sans cesse le bénéfice du doute. Comme dans le cas de Clinton, on pardonne à Trudeau ses erreurs passées (comme s’habiller à plusieurs reprises en black-face, maintenant qualifié d’acte raciste), les écarts entre sa promotion du féminisme et son traitement parfois brutal des collègues féminines du gouvernement, ou le scandale des paiements financiers fait aux membres de sa famille par un entrepreneur du gouvernement. La liste est longue. Les électeurs libéraux semblent aimer l’idée qu’ils se font de Justin Trudeau plus que l’homme lui-même. 

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Bien qu’il se qualifie lui-même de progressiste, il serait difficile de trouver un politicien ayant bénéficié plus que Justin Trudeau du fameux “privilège blanc” !  Fils aîné du premier ministre qui a dominé la politique canadienne de 1968 à 1984, Pierre Elliott Trudeau, Justin a hérité du charisme de son père et, malgré peu de qualifications en dehors de son nom, a fait une ascension apparemment sans effort jusqu’à la direction du Parti libéral en 2015 à l’âge de 41 ans. À son crédit, Trudeau a revitalisé le Parti libéral après une série de défaites et l’a mené de la troisième place avec seulement 36 sièges en 2011 à un gouvernement majoritaire avec 184 sièges en 2015.

Une gauche hypocrite

Tout cela n’aurait qu’une importance très limitée si Justin Trudeau n’était qu’un simple politicien opportuniste comme tant d’autres. Au cours de ses 154 ans d’histoire, le Canada a oscillé entre des gouvernements de centre-gauche et de centre-droit sans que cela n’ébranle durablement la solidité de son organisation politique. Cependant, l’accent mis par Trudeau sur la politique identitaire et d’autres thèmes sociaux destructeurs importés des États-Unis, tels que la campagne Black Lives Matter (BLM), la théorie critique de la race et le désir que le gouvernement impose « l’équité » (plutôt que l’égalité) en toutes choses, a polarisé les Canadiens en les divisant en factions belligérantes.

Une statue sans tête de la reine Victoria est renversée et vandalisée devant l’assemblée législative provinciale de Winnipeg, le vendredi 2 juillet 2021. Les manifestations faisaient suite à la découverte de corps d’enfants autochtones retrouvés à l’Ouest du pays. © Kelly Geraldine Malone/AP/SIPA Numéro de reportage : AP22582537_000014

Le Canada, l’un des pays les plus accueillants et les plus généreux au monde, a été dépeint par Trudeau comme intrinsèquement raciste, sexiste, transgenre-phobique et même « génocidaire » à l’égard de ses peuples autochtones. Les statues de personnalités éminentes de l’histoire du Canada ont été renversées à la manière des opérations BLM ; des professeurs ont été chassés des universités pour des opinions « incorrectes » ; des églises catholiques romaines ont été incendiées pour protester contre le traitement passé des enfants autochtones dans les écoles religieuses ; et des lois fédérales ont été promulguées pour forcer les gens à utiliser les pronoms préférés des personnes transgenres. L’autoflagellation et l’imposition par le gouvernement de mesures correctives et contraignantes s’étendent de toutes parts. Comme l’a fait remarquer Gad Saad, un éminent écrivain et universitaire canadien : « Justin Trudeau représente vraiment toutes les idées pathogènes cancéreuses et parasitaires qui sapent les fondements des sociétés laïques libérales. Les sociétés éclairées ne soutiendraient jamais quelqu’un qui épouse les absurdités promues par ce bouffon. » 

Gad Saad, professeur de sciences comportementales évolutives à l’université Concordia, à Montréal. © D.R.

Comme beaucoup de ceux qui appartiennent à la gauche moralisatrice hypocrite, Trudeau est plus fort pour attaquer les maux imaginaires que les maux réels. Il était absent, comme la plupart de son cabinet, lorsque la Chambre des communes a voté à l’unanimité en faveur d’une motion qualifiant de génocide les actions de la Chine contre sa communauté ouïghour. En octobre 2020, après la décapitation de l’instituteur Samuel Paty par un djihadiste près de Paris pour avoir prétendument diffamé l’islam, Trudeau a condamné le meurtre mais a ajouté: « Dans une société respectueuse… nous devons tous être conscients de l’impact sur les autres de nos paroles et de nos actions… Nous défendrons toujours la liberté d’expression, mais chacun doit agir avec respect envers les autres et ne pas essayer de blesser inutilement ou arbitrairement quelqu’un avec qui nous partageons cette planète et cette société. » Comme l’a déclaré un journal canadien : « Trudeau défend la liberté d’expression tant qu’elle n’est pas offensante. » 

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Après la chute de Kaboul, alors que des inquiétudes ont été soulevées quant au sort des Canadiens toujours en Afghanistan après la tentative bâclée de Trudeau pour organiser leur retrait, Maryam Mousef, ministre des Femmes et de l’Égalité des genres, demandant au nouveau gouvernement afghan de garantir le passage sûr pour ceux qui voulaient quitter le pays, a publiquement qualifié les Talibans de « nos frères ». Une semaine plus tôt, Amnesty International avait condamné les Talibans pour la torture brutale et le massacre de neuf hommes de l’ethnie des Hazâras après avoir pris le contrôle de la province de Ghazni en juillet. Je doute que le citoyen canadien lambda considère les Talibans comme des frères.

Le Canada à l’avant-garde ?

Ce sera la première fois que le Parti conservateur mène une compagne d’élection générale sous la direction de son nouveau chef, Erin O’Toole, un avocat de 48 ans et ancien officier de l’armée, dépeint comme un leader raisonnable et fiable à l’opposé du fantasque Trudeau. Bien que chef du Parti conservateur depuis seulement un an, O’Toole a démarré sa campagne en trombe et, en l’espace de quelques jours, a effacé l’avance des libéraux, déclenchant des sonnettes d’alarme dans le parti au pouvoir. À la mi-septembre, la course s’est installée dans une lutte au coude à coude et pourrait bien aboutir à un autre gouvernement minoritaire.

Parmi les principaux champs de bataille de la soirée électorale se trouvent les trois villes les plus importantes du Canada. Trudeau mène à Toronto, où 47 % de la population est composée d’immigrants récents de tendance libérale, dans une course à trois avec les Conservateurs et le Nouveau Parti démocratique (NPD) socialiste. À Montréal, le Bloc québécois, nationaliste et francophone, se rapproche des Libéraux, tandis qu’à Vancouver, qui compte également une importante population immigrante (44 %), le NPD est devant les Conservateurs et les Libéraux. 

Le résultat des élections pourrait bien être décidé par un vote tactique. Le chef du NPD, Jagmeet Singh, est le premier membre d’une minorité visible à diriger un grand parti politique canadien. Actuellement en troisième position avec 19% du vote national, le NPD centre-gauche ne sera jamais en mesure de former le prochain gouvernement, mais l’objectif de Singh est de remporter suffisamment de sièges pour être un partenaire de coalition potentiel pour Trudeau si les Libéraux échouent. Son défi est double : il doit empêcher les partisans du NPD de voter pour les Libéraux afin d’arrêter les Conservateurs, et il doit convaincre les électeurs libéraux de l’appuyer dans les circonscriptions où le NPD a une chance de battre les Conservateurs. Dans ce scrutin, les engrenages sont fort compliqués.

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Un aspect récent à retenir également des précédentes élections nationales canadiennes a été la montée d’une poignée de petits partis, tels que les Verts ou le Parti populaire du Canada (PPC), une version plus à droite (selon les normes canadiennes) des Conservateurs, qui s’oppose à bon nombre des restrictions imposées pendant la pandémie. Avec 7% des suffrages au niveau national, le PPC pourrait s’avérer problématique pour les Conservateurs dans une course aussi serrée. Son chef, Maxime Bernier, était ministre dans le gouvernement conservateur de Stephen Harper ; il n’est donc pas surprenant qu’environ 60 % des électeurs du PCC aient voté pour les Conservateurs aux élections générales de 2019. Selon certaines projections, cela pourrait coûter six sièges aux Conservateurs, dont cinq au profit des Libéraux. En 2019, il ne manquait à Justin Trudeau que 14 sièges pour avoir une majorité sur les 338 sièges de la Chambre des communes.

C’est une tradition au Canada que de s’installer avec quelques verres pour regarder les résultats des élections se dérouler lentement au cours de la soirée sur six fuseaux horaires et 9 300 kilomètres. Compte tenu de l’étroitesse de la course, il se peut bien que le verdict final ne soit connu que très tard dans la soirée, heure du Pacifique. Le résultat ne sera pas important pour les seuls Canadiens : il pourrait aussi être le signe d’un changement politique plus large. Le 13 septembre, lors de la première élection (presque) post-Covid en Europe, les Conservateurs au pouvoir en Norvège ont été battus par le Parti travailliste. En Allemagne, le SPD semble prêt à supplanter la CDU à la tête d’un gouvernement minoritaire le 26 septembre. Un virage à gauche est-il le résultat inévitable des conditions provoquées par la pandémie ou s’agit-il de punir les responsables, indépendamment de leur affiliation politique ? Compte tenu du calendrier électoral de 2022, Washington et Paris devraient garder un œil attentif sur le Canada cette semaine.

L’hypocrisie de Soso Maness

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Le rappeur qui a fait scander « Tout le monde déteste la police » à la fête de l’Humanité fustige aussi le film « Bac Nord ». Pense-t-il que cette histoire ne peut être racontée que par les voyous?


Les cités, notamment marseillaises, sont devenues des citadelles du deal n’ayant rien à envier aux favelas brésiliennes ou aux barrios d’Amérique centrale. Ce ne sont pas les responsables politiques, les éditorialistes, ou les policiers qui en parlent le mieux. Ce sont les rappeurs eux-mêmes, griots – ou bardes, pour apporter une touche gauloise – des nouveaux seigneurs du crime.

Voir Fabien Roussel (PCF) s’offusquer de l’appel de Soso Maness lors de son concert à la Fête de l’Huma montre précisément que les responsables politiques classiques ne maîtrisent plus rien. Il était prévisible que le spectacle finirait ainsi 

A lire ensuite: Marseille, grande ville maghrébine?

Marseille, pour la musique, c’est pas trop ça

« Le clip il est mieux qu’un 90 minutes enquête », commente un internaute sous la vidéo du clip officiel du titre « TP » de Soso Maness. Entre les paroles réalistes, narrant la journée du patron d’un point de deal d’une cité marseillaise en temps réel, et les images floutées des « ienclis » aux profils variés, le vidéo-clip de Soso Maness est effectivement un excellent complément au film Bac Nord.

Peu connu du public ne s’intéressant pas au rap français avant son coup d’éclat de la Fête de l’Humanité, durant laquelle il a fait scander à des dizaines de milliers de spectateurs « Tout le monde déteste la police », Soso Maness appartient à la nouvelle génération du hip-hop de la cité phocéenne, aux côtés du parrain Jul spécialiste des titres « d’ambiance » – soit les morceaux pour parader en grosse cylindrée équipée d’une sono de salle de concert –, ou du plus sombre SCH lui aussi fasciné par le milieu international, dont les paroles font souvent référence à la Camorra, aux cartels mexicains ou à la pègre française traditionnelle. Leurs héros se nomment Francis « Le Belge » Vanverberghe, ce fils d’un Légionnaire et d’une pied-noir d’origine espagnole assassiné à Paris au début des années 2000, Jacky le Mat, Rédoine Faïd, ou Antonio Ferrara.

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Dans un duo intitulé « Les Derniers Marioles », Soso Maness et SCH utilisent un sample du fameux « Tais-toi, Marseille » de Colette Renard, s’inscrivant ainsi dans la mythologie criminelle de la ville dont ils seraient les héritiers putatifs. Un rappeur ayant eu une expérience derrière les barreaux sera ainsi plus crédible pour raconter la vie des petits et gros voyous, comme on le voit aussi avec le genre ranchero des narcocorridos au Mexique, sorte de country hispanophone romantique et cruelle consacrée aux affaires criminelles des cartels.

Street reporters à deux sous

Sur le titre « So Maness », fort d’un beat entrainant calibré pour plaire aux plus jeunes, Soso Maness ne fait pas mystère du programme : « Des armes, de la drogue, des gadjis, frère, y en a à la pelle / L’OPJ, l’OCTRIS, la BAC, tous savent comment je m’appelle / Des armes, de la drogue, des gadjis, frère, y en a à la pelle / Le proc’, la juge, le parquet, tous savent comment je m’appelle ». Soso Maness est-il hypocrite quand il fustige le film Bac Nord qui décrit exactement ce qu’il chante ? Croit-il que cette histoire ne puisse être racontée que par les voyous ou les habitants de ces quartiers criminalisés ?

Les premiers rappeurs étaient les continuateurs de l’esprit du rock alternatif de gauche des années 1980, à l’image d’Assassin ou du Suprême NTM. Aujourd’hui, ils sont nombreux à s’épanouir dans un genre nouveau, street reporters gonzos des transformations anthropologiques majeures qui font de la France un pays différent de ce qu’il était autrefois. Le trafic de drogues occupe une place centrale dans cet imaginaire collectif alternatif. Parfois, quelques concessions à la morale sont données, dans un genre toujours viriliste. La « maman » est ainsi convoquée comme figure nourricière et pure ; le deal, le rap et le foot consistant en autant de moyens pour lui offrir la vie de luxe à laquelle ils aspirent.

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Le rap, un univers replié sur lui-même

Les références au football, aux sports de combat, à la junk food, aux émissions de télévision, aux mangas shonen et à l’islam sont aussi très nombreuses. Se dessine un univers clos et très spécifique, rassurant pour les auditeurs habitués et exotique pour les autres issus d’autres milieux. Notre société n’offrant plus guère d’expérience collective, ou de bandes – skins, mods, rockabillys ou punks ne sont plus que l’ombre de ce qu’ils furent naguère -, cette chaleur du groupe fermé et ces références partagées ont un pouvoir de séduction certain, un appel sulfureux irrésistible pour quelques-uns.

Voir Fabien Roussel s’offusquer de l’appel de Soso Maness lors de son concert à la Fête de l’Huma montre précisément que les responsables politiques classiques ne maîtrisent plus rien. Il était prévisible que le spectacle finirait ainsi ! C’est le monde qu’ils ont créé qui leur explose au visage, un monde sur lequel ils n’ont plus de prise. Les rappeurs doivent être écoutés, ils sont aujourd’hui les plus crédibles pour parler de la réalité des enclaves islamiques et du narcotrafic !

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L’après-soi

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© Carole BETHUEL Mandarin Production

Après un été plein de salles vides, comment le cinéma va-t-il rebondir ? Évitez soigneusement la « titanesque » et désolante Palme d’or de l’année. Le dernier Ozon, en revanche, est une bonne raison de retrouver sans tarder le chemin des salles obscures.


Que les films de François Ozon s’avèrent tour à tour réussis ou ratés n’a rien de très étonnant eu égard à la frénésie de tournage dudit cinéaste. On passe ainsi du jubilatoire Potiche au navrant Ricky en se frottant les yeux tout en se demandant si c’est bien le même homme qui en est l’auteur… Avec Tout s’est bien passé, on est incontestablement du bon côté d’Ozon. 

© Carole BETHUEL Mandarin Production

En adaptant le récit d’Emmanuèle Bernheim sur la mort volontaire de son père, il prenait le risque d’un film au bord de la crise de larmes. Or, passées les insupportables dix premières minutes dans lesquelles Dussollier et Marceau cabotinent allègrement, le film prend la seule vitesse de croisière possible pour un tel sujet : un savant mélange de trivialité assumée et d’émotion maîtrisée. 

Tout est donc sur le fil du rasoir mais, titre oblige en quelque sorte, tout se passe bien. Comme si le sujet même du film (réussir sa mort) contaminait au bon sens du terme le film lui-même (réussir sa sortie). Ozon tient la note jusqu’au bout, aidé par un casting d’où émergent plus particulièrement les impeccables Géraldine Pailhas et Charlotte Rampling qui rendent plus complexe encore ce rendez-vous avec la mort voulue.

« Tout s’est bien passé », de François Ozon, Sortie le 22 septembre

Natalité: le basculement en cartes et en chiffres

Département de la Seine Saint-Denis. A gauche 1990, à droite 2017. Sources: INSEE - France Stratégie

Seine-Saint-Denis, Paris intra-muros… mais aussi Rennes, Limoges ou Poitiers (!) : les cartes de 55 villes mises à disposition des citoyens par France Stratégie démontrent que la proportion des 0-18 ans nés de parents extra-européens explose dans de nombreuses aires urbaines. Un changement démographique historique.


Depuis de nombreuses années, la question des statistiques ethniques constitue un sujet brûlant au sein d’un débat explosif : celui sur le fait migratoire, son approche scientifique et ses répercussions dans la société française. En effet, la constitution de bases de données fondées sur la « race » ou « l’origine ethnique » auto-déclarée (telles qu’elles existent notamment aux États-Unis ou en Grande-Bretagne) demeure formellement interdite par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, lequel y voit une atteinte aux principes d’égalité et de non-discrimination proclamés dans l’article 1er de la Constitution.

Il n’en va pas de même quant à l’origine nationale des individus. En se fondant sur les données du recensement, l’Insee entretient tout un appareil statistique relatif au nombre d’immigrés vivant en France, au nombre d’enfants nés de parents immigrés et aux pays d’origine de ceux-ci. C’est en partie sur cette base que France Stratégie, organisme de prospective rattaché au Premier ministre, a rendu publique en juillet 2020 une vaste étude consacrée à « la ségrégation résidentielle en France ». 

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Se concentrant sur les 55 « unités urbaines » françaises comptant plus de 100 000 habitants, les équipes de France Stratégie ont cherché à comprendre « l’inégale répartition dans l’espace urbain des différentes catégories de population » au regard de plusieurs critères : la tranche d’âge, la catégorie socioprofessionnelle, le statut d’occupation du logement… Mais aussi l’origine migratoire directe : les immigrés et leurs enfants. Le site public créé pour l’occasion permet de visualiser, pour chaque commune et chaque « zone IRIS » (quartier de 2 000 habitants environ), le pourcentage d’immigrés européens et extra-européens parmi les 25-54 ans, ainsi que la part d’enfants nés de parents immigrés parmi les 0-18 ans. Ces données sont accessibles pour différentes années entre 1968 et 2017.

Le constat : un bouleversement sans précédent

Si tel n’était certainement pas la volonté de France Stratégie, l’analyse que nous avons menée sur la base de ces données permet néanmoins de constater que les mutations démographiques générées par l’immigration sont spectaculaires dans l’ensemble des métropoles. En particulier, la part des mineurs nés directement de parents immigrés non européens a augmenté de manière forte et rapide dans toutes les grandes et moyennes villes de France depuis 1990.

Si cette part atteint des records en Île-de-France (les enfants d’immigrés extra-européens représentent 37,4 % des 0-18 ans dans l’agglomération parisienne et jusqu’au double dans certaines communes de Seine-Saint-Denis) la hausse est aussi exponentielle dans des zones urbaines longtemps peu concernées. En moins de trente ans, on observe par exemple une multiplication par trois de la part des mineurs nés de parents extra-européens dans les principales villes de l’Ouest (entre 21 et 23 % à Rennes, Angers, Le Mans, Poitiers…), mais aussi dans des régions enclavées (comme à Limoges : 27,5 %).

Examinons ici quelques situations significatives – en nous focalisant sur ce même indicateur.

La Seine-Saint-Denis

Le criblage des données Insee/France Stratégie nous apprend que les enfants immigrés ou nés de parents immigrés extra-européens sont majoritaires parmi les 0-18 dans plus de la moitié des communes de Seine-Saint-Denis en 2017.

Ce basculement est particulièrement marqué dans certaines communes :

  • La Courneuve : 75 % des 0-18 ans sont nés de parents immigrés extra-européens (moins d’un quart des mineurs résidant sur la commune est donc d’origine française ou européenne)
  • Villetaneuse : 73 %
  • Clichy-sous-Bois : 72 %
  • Aubervilliers : 70 %.
  • Pierrefitte-sur-Seine : 69 %

L’analyse par zone IRIS démontre que les pourcentages sont encore plus élevés dans certains quartiers de ces villes – jusqu’à 84 % dans plusieurs zones de Clichy-sous-Bois.

En 1990, si ces taux étaient déjà nettement plus élevés en Seine-Saint-Denis que la moyenne nationale, ils étaient néanmoins beaucoup plus faibles qu’aujourd’hui :

  • À La Courneuve, la proportion d’enfants d’immigrés extra-européens a augmenté de 60 % entre 1990 et 2017.
  • À Pierrefitte-sur-Seine, la proportion d’enfants d’immigrés extra-européens a augmenté de 102 % : elle a donc plus que doublé.

Orléans

La capitale de la région Centre-Val-de-Loire, située à une heure de train de Paris, connaît elle aussi une dynamique démographique largement perfusée par l’immigration. À tel point que les statistiques locales y sont désormais presque semblables à celles de l’Île-de-France.

En effet, les enfants de parents immigrés extra-européens représentent désormais un tiers (33,1 %) des 0-18 ans vivant dans l’unité urbaine d’Orléans – contre 37,4 % en moyenne pour Paris et sa petite couronne. En 1990, ils n’étaient que 15,1 % dans l’agglomération orléanaise ; leur part relative a donc augmenté de 119 % en moins de trente ans.

Si cette hausse est générale, certains quartiers sont cependant en pointe. Les jeunes d’origine non européenne y sont même nettement majoritaires :

  • L’Argonne : 69 % des 0-18 sont des enfants d’immigrés extra-européens
  • La Source : 66 %

Outre l’augmentation globale, l’aspect le plus remarquable de la situation orléanaise réside dans le basculement spectaculaire de communes périphériques qui étaient encore peu concernées par l’immigration extra-européenne voici vingt-sept ans. Citons parmi d’autres :

  • Saran : 30 % des 0-18 sont des enfants d’immigrés extra-européens en 2017, contre 4 % en 1990 – soit une multiplication par huit
  • Fleury-les-Aubrais : 38 % contre 9 % en 1990 – soit une multiplication par quatre

Poitiers

À l’instar de tout le Grand Ouest, la région poitevine est longtemps demeurée à l’écart des différentes vagues d’immigration reçues par la France depuis le xixe siècle. Cela était resté le cas pour les flux extra-européens… jusqu’à ces dernières années.

La part des enfants de parents immigrés extra-européens parmi les mineurs vivant dans l’agglomération de Poitiers a été multipliée par trois entre 1990 et 2017 : ils représentent désormais 21,7 % des 0-18 ans, contre 7,6 % il y a moins de trente ans.

Si certaines communes périphériques sont encore peu touchées par cette mutation, celle-ci a été spectaculaire dans plusieurs quartiers de Poitiers – où les jeunes d’origine extra-européenne sont en passe de devenir majoritaires :

  • Le Breuil-Mingot : 45 % des 0-18 ans sont des enfants d’immigrés extra-européens en 2017, soit quatre fois plus qu’en 1990 (12 %)
  • Les Couronneries : 45 %, soit trois fois plus qu’en 1990 (15 %)
  • Les Trois Cités / Les Sables : 40 %, soit quatre fois plus qu’en 1990 (10%)

A lire ensuite: Le grand remplacement, c’est maintenant!

Nîmes

Contrairement au Poitou, le Gard est concerné par l’immigration extra-européenne depuis les années 1970. Si le phénomène n’y est donc pas radicalement nouveau, il n’en demeure pas moins que son amplification a été particulièrement notable à Nîmes durant les trois dernières décennies.

En moyenne sur l’agglomération nîmoise de 2017, 31,4 % des 0-18 ans sont nés de parents immigrés extra-européens – contre 15,2 % en 1990. La part relative de ces mineurs a donc augmenté de 107 % sur cette période, et ils sont désormais nettement majoritaires dans plusieurs quartiers. Par exemple :

  • Chemin-bas d’Avignon : 63 % des 0-18 ans sont des enfants d’immigrés extra-européens
  • Pissevin : 59 %
  • Valdegour : 54 %

Une autre nouveauté consiste dans la diffusion rapide de cette démographie vers des quartiers nîmois dont la part de natalité non européenne était très en dessous de la moyenne locale il y a une trentaine d’années. Citons entre autres :

  • Beausoleil : 26 % des 0-18 sont des enfants d’immigrés extra-européens en 2017, soit cinq fois plus qu’en 1990 (5 %)
  • Costières / Capouchiné : 29 %, soit cinq fois plus qu’en 1990 (6 %)
  • Puech-du-Teil : 32 %, soit quatre fois plus qu’en 1990 (7 %)

Les angles morts de cette étude

Il apparaît utile de préciser que les données Insee mobilisées par France Stratégie seraient sous-évaluées si l’on cherchait à les utiliser pour estimer la part complète de telle ou telle origine « ethnique » au sein d’une population – et ce pour deux raisons principales : 

1) Ce calcul n’inclut pas la « troisième génération », celle des enfants nés de grands-parents immigrés extra-européens ;

2) Il n’intègre probablement que très partiellement la présence de mineurs immigrés clandestins (sachant que la population totale des immigrés illégaux dans la seule Seine-Saint-Denis est estimée entre 150 000 et 450 000 individus d’après un rapport parlementaire de 2018).

Les données ici présentées ne remplacent donc pas les « statistiques ethniques », objets récurrents de polémiques et d’obstacles juridiques, dont la démographe Michèle Tribalat considère pourtant qu’elles sont « indispensables à la connaissance ».

Par ailleurs, la double dynamique induite par la surnatalité des populations immigrées et l’accélération de l’immigration au cours des dernières années conduisent à penser que les données ici compilées en 2017 sont déjà significativement dépassées.

Enfin, l’approche englobante de la catégorie des « 0-18 ans » ne donne pas une idée aussi précise que possible des dynamiques en cours. Au vu de la tendance dessinée par ces cartes, on peut imaginer que la proportion d’enfants d’immigrés extra-européens est plus forte chez les 0-5 ans ou les 0-10 ans que chez les 10-18 ans. Une telle segmentation statistique aurait permis de percevoir de façon plus précise l’accélération des transformations démographiques en cours, ainsi que leur impact à venir sur l’ensemble des catégories d’âge. 

Conclusion

L’analyse à laquelle nous venons de nous livrer démontre que les effets cumulés de l’immigration et des différentiels de fécondité ont d’ores et déjà modifié significativement la population française dans les grandes et moyennes agglomérations – et qu’ils continuent de le faire. 

Une fois posé ce diagnostic incontestable, il est permis à chacun de s’interroger sur les conséquences d’un tel basculement à court, moyen et long terme, étant entendu qu’il ne pourra cesser de s’amplifier « naturellement » sans la mise en œuvre d’une volonté politique contraire.


[1] Décision n° 2007-557 DC du 15 novembre 2007, « Loi relative à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile » (site du Conseil constitutionnel).

[2] « Rapport d’information sur l’évaluation de l’action de l’État dans l’exercice de ses missions régaliennes en Seine-Saint-Denis », enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 31 mai 2018 (rapport Cornut-Gentille-Kokouendo)

[3] Entretien au Figaro, 26 février 2016


L’Observatoire de l’immigration et de la démographie est une structure d’étude indépendante, animée par des bénévoles, relative aux évolutions migratoires et démographiques de la France. Face à la défiance démocratique grandissante sur ces sujets, l’OID souhaite
contribuer à permettre un débat serein et éclairé en proposant des analyses inédites, solidement étayées et compréhensibles par chacun.
https://observatoire-immigration.fr
https://twitter.com/ObservatoireID

Chalandon: le père faussaire

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Le journaliste et écrivain français Sorj Chalandon © JF Paga.

Dans Enfant de salaud, Sorj Chalandon revient sur le personnage ambigu de son père collabo et mythomane.


L’humanité entre dans une ère nouvelle et les écrivains tournent en rond. Après Christine Angot, qui reprend son histoire personnelle avec l’inceste comme fil noir, Sorj Chalandon revient sur celle de son père, un homme méprisable qui résume à lui seul la phrase d’Oscar Wilde : « Aucun homme n’est assez riche pour racheter son propre passé ». L’auteur, en effet, avait déjà ouvert le dossier familial avec Profession du père en 2015. Il racontait tout sur son géniteur mythomane, arrogant et violent. Tout ? Il faut croire que non puisque Chalandon lui consacre un nouveau livre Enfant de salaud. C’est une enquête à la fois policière et psychologique à laquelle le narrateur, double de l’auteur, convie le lecteur. Ce père a failli. Durant la Seconde Guerre mondiale, il fut « collabo » et alla jusqu’à porter l’uniforme allemand. 

A lire aussi, du même auteur: Christine Angot: mon père, ce salaud

Cette confidence est faite par le grand-père du narrateur, qui ajoute : « Tu es un enfant de salaud. » C’est le point de départ de l’engrenage pour connaître la vérité. Engrenage, car rien n’est vraiment simple avec ce père coupable qui prend un malin plaisir à brouiller les pistes. Quand le fils interroge le père, ce dernier sort une pièce du puzzle puis une autre, puis encore une autre. La reconstitution laisse des espaces vides. Quand le fils s’approche de la vérité, le père s’emporte. Il a non seulement été « collabo », confirme-t-il, mais il prétend qu’il a défendu Hitler face aux Russes, à Berlin en 1945, avec le dernier carré du bataillon Charlemagne. 

On doit tout dire à l’être qu’on aime. C’est, au-delà des monstruosités nazies rappelées, la bouleversante leçon du livre

En réalité, ce n’est pas vrai puisque le père se trouvait en prison. Le puzzle a soudain trop de pièces. Le lecteur est un peu perdu au milieu de toutes ces contradictions. Une chose est sûre : le père ment. C’est un artiste de l’ambiguïté. On se prend même à le trouver intéressant. L’époque ne cessant de nous vendre de la soupe aux bons sentiments, sans sel ni poivre. 

Rebondissement : on découvre qu’il a fait partie de la Résistance. Ayant eu accès au dossier judiciaire du père, le fils découvre la complexité du parcours de son géniteur. Il contient notamment une incroyable photo officielle. « Il y a quelques semaines, tu portais la croix gammée et maintenant, les couleurs nationales », écrit Chalandon. Cet homme est « un égaré », conclut-il. Sa trajectoire offre une épopée de la noirceur et fait de lui un personnage de roman crédible. Du reste, il le savait, ce père cabotin. Face au juge de la prison de Loos, où il fut incarcéré, le 21 juin 1945, pour « atteinte à la Sûreté extérieure de l’État et Collaboration », il répondit : « Excusez Monsieur le juge mon pauvre style, mais je suis un soldat et non un romancier. »

Interminables dialogues

L’histoire familiale rejoint l’Histoire avec un « H » majuscule. Chalandon, journaliste à Libération, a suivi le procès Klaus Barbie en 1987. Il nous décrit les grands moments de ce procès, rappelant les atrocités ordonnées par l’officier SS ainsi que les témoignages de ses victimes. Il évoque les provocations théâtrales de son avocat, Jacques Vergès, engagé dans la Résistance à 17 ans et demi. Grâce à son fils, le père finit par assister aux audiences. À la fin du procès, il lâche : « On dirait le festival de Cannes, non ? » 

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Lors de leurs interminables dialogues, où le narrateur boit beaucoup de bière, le père n’hésite pas à déstabiliser le fils. Il se moque des convictions du fiston : « C’est pas toujours facile d’être de gauche, bonhomme. » Dans les temps troublés, rien n’est  tout blanc ou tout noir. Il y a une zone grise où chacun tente d’agir avec plus ou moins de courage, de dignité. L’important étant de ne pas être « un pêcheur à la ligne ». Après Sartre, Chalandon souligne la difficulté du choix, et les angoisses qui en découlent. Mais l’enjeu de ce livre est ailleurs. Chalandon : « Le salaud, c’est l’homme qui a jeté son fils dans la vie comme dans la boue. Sans trace, sans repère, sans lumière, sans la moindre vérité. » Il ajoute, phrase uppercut : « Le salaud, c’est le père qui m’a trahi. » L’essence même de la douleur du fils est ici exprimée. L’amour ne supporte pas le mensonge. 

On doit tout dire à l’être qu’on aime. C’est, au-delà des monstruosités nazies rappelées dans ce livre, la bouleversante leçon du livre. On ne pardonne pas à un faussaire. Surtout si on l’a cru.

Sorj Chalandon, Enfant de salaud, Grasset.

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[Vidéo] Lisbonne, « grand remplacement », Michel Onfray, Eric Zemmour: la semaine de Causeur

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La semaine de Causeur revient sur les quatre articles les plus consultés sur le site Causeur.fr durant la semaine écoulée. Notre Directeur adjoint de la rédaction Jeremy Stubbs commente et analyse.


Quels sont les articles qui ont le plus suscité l’intérêt des lecteurs de Causeur.fr cette semaine ?

Qu’avez-vous fait pendant les vacances ?
Vous avez joué au badminton dans un camping ? Ringard !
Fait du jet surfing ou du vol en flyboard en Méditerranée ? Ringard !
Parcouru la Galerie des Offices à Florence ? Ringard !
Traversé les paysages montagnards sublimes du Queyras ? Ringard !

Les Portugais n’avaient rien demandé…

La dernière mode, c’est le tourisme décolonial. Vous vous rendez dans un pays étranger où vous êtes accueilli en visiteur. Vous repérez quelque monument national qui représente une histoire dont vous ignorez tout et des luttes héroïques qui vous dépassent. Et vous dégradez ledit monument. C’est aussi simple que cela ! C’est ce qu’a fait une étudiante des beaux-arts française en vacances à Lisbonne en y taguant le monument consacré aux grands navigateurs portugais – et dans un anglais agrammatical. Alexis Brunet nous raconte cette histoire.

Menacée de prison, la touriste s’est hâtée de rentrer à la maison. Car un voyage décolonial est forcément un aller-retour.

Si l’expression « grand remplacement » vous donne de l’urticaire, parlez de « basculement démographique »

La vérité vous intéresse-t-elle ? Soit par curiosité, soit parce que votre destin en dépend ?
Eh bien, une grande transformation de la population est en cours dans les grandes et moyennes villes de France. Les chiffres et les cartes officiels de France Stratégie, analysés par l’Observatoire de l’immigration et de la démographie, mis en avant dans le dernier numéro du magazine Causeur, le démontrent.

Comme le dit Elisabeth Lévy, vous pouvez appeler ça comme vous voulez, on peut parler de « grand remplacement » ou de « grand basculement », peu importe. Ce qui compte c’est d’avoir un débat public sur ce sujet. Mais le clergé médiatique, ainsi que les rangs serrés des politicards, des béni-oui-oui de la diversité et des culs non moins bénis de l’inclusivité nient l’existence même du phénomène. La vérité vous intéresse-t-elle ? Il faut lire Causeur.

Décidément, c’est une semaine très livresque.

Autodafés, le dernier essai d’Onfray

Avez-vous lu le dernier livre de Michel Onfray ? Dider Desrimais l’a déjà lu pour nous.
Autodafés raconte tous les cas historiques récents – du maoïsme à la doxa psychanalytique ou la controverse sur le choc des civilisations – où l’intelligentsia de gauche s’est mobilisée pour discréditer les livres démasquant les idéologies totalitaires ou les dogmes établis. Parmi tant d’exemples de myopie idéologique, retenons celui du voyage en Chine de Roland Barthes en 1974. Le sémioticien célèbre remarque qu’en Chine « le champ sémantique est désorganisé » et que « les signifiants sont rares. » Mais il ne fait jamais le lien entre ce vide et l’extermination massive des intellectuels et des artistes par le régime communiste.

C’était déjà le tourisme décolonial en quelque sorte, le voyage au cours de laquelle le nombrilisme du touriste cache la réalité qui l’entoure.

Zemmour, le bouquin évènement de la rentrée, que Laurent Ruquier n’apprécie pas

En parlant de lectures, avez-vous lu le dernier livre d’Éric Zemmour, La France n’a pas dit son dernier mot ?
Le problème, c’est que les mafiosi du multiculturalisme voudraient qu’Éric Zemmour ait dit son dernier mot.

Pour lui imposer le silence, les petits malins, ils l’invitent à parler. C’est ce qui s’est passé samedi dernier lors de son passage dans On est en direct avec Laurent Ruquier et Léa Salamé. Radu Portocola a regardé l’émission pour nous. Incapable de mettre Eric Zemmour en difficulté au sujet de ses idées et propositions, Laurent Ruquier a procédé à un règlement de comptes personnels. Au plus fort de l’échange, les deux hommes ont comparé leurs audiences respectives, comme ils auraient pu comparer d’autres signes de virilité. Pauvre Ruquier ! tandis que son ex-chroniqueur a gonflé remarquablement le nombre des fidèles de CNews, son propre score est aujourd’hui en état de détumescence relative. Le livre de Zemmour est en voie de devenir un bestseller – encore un ! – et personne ne se demande si Ruquier sera candidat aux présidentielles.

Comme c’est si souvent le cas, l’autodafé se transforme en autodérision… involontaire.


Le silence éloquent de Salah Abdeslam

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Le président Hollande prend la parole dans la nuit du 13 au 14 novembre 2015. Il décide la fermeture des frontières et déclare l'état d'urgence © Stephane de Sakutin/AP/SIPA Numéro de reportage : AP21821965_000031

Une tribune de Jean-Frédéric Poisson, président de VIA, la voie du peuple


Depuis le 8 septembre se tient le procès des attentats terroristes du 13 novembre 2015. Un événement douloureux pour les familles de victimes dont la douleur est cruellement ravivée. Si certains n’attendent rien de particulier de cet événement médiatique, d’autres au contraire souhaitent obtenir justice pour leurs disparus. D’autres encore déclarent qu’ils ne souhaitent pas de récupération politique autour de ce procès. Pourtant, et malgré tout le respect que nous devons à ces victimes, il n’est pas question d’éviter ce sujet. En effet, l’enjeu de cet événement va bien au-delà d’un simple procès. Il met en lumière la lutte qui s’est amorcée entre deux civilisations incompatibles. Une lutte dont beaucoup de Français semblent ne pas avoir conscience, sans doute par méconnaissance de nos adversaires.

Nous ne pourrons pas combattre l’Islam conquérant tant que nous ne comprendrons pas l’état d’esprit de ceux qui ont frappé le Bataclan, l’Hyper Cacher, mais aussi Nice, le marché de Strasbourg et qui ont assassiné le Père Hamel, Arnaud Beltrame et tant d’autres. À cet égard, le silence de Salah Abdeslam depuis son incarcération nous en apprend davantage que les propos qui peuvent émerger de différents interrogatoires de terroristes : Salah Abdeslam se tait. Il ne dialogue qu’avec ses codétenus qu’il influence. Il se tait, car le dialogue ne l’intéresse pas ; notre point de vue n’a pas la moindre valeur pour lui. Il n’attend pas davantage de notre part que nous le comprenions. Il se tait jusqu’à son procès, occasion pour lui de déclarer : « je tiens à témoigner qu’il n’y a point de divinité à part Allah et que Mohamed est son messager » [1]; ce qui constitue, mot pour mot, la profession de foi à l’Islam. Beaucoup semblent étonnés par cette sortie, mais l’explication de son attitude est pourtant limpide : Abdeslam appartient à une autre civilisation au sein de laquelle existe un état d’esprit particulier, façonné par le Coran. Le terroriste n’est pas disposé à la repentance parce que ce qu’il défend se trouve dans une dimension religieuse qui transcende de loin la laïcité, la liberté, l’égalité et la fraternité, valeurs apparemment indépassables de nos sociétés modernes. Pour les musulmans, il s’agit de défendre un véritable droit soufflé par Dieu à son prophète et qui structure toutes les sociétés appartenant à l’Oumma, la communauté des croyants. De là découle le modèle immuable d’une religion qui interdit depuis le Xe siècle et la réforme du calife al-Mutawakil, toute actualisation ou interprétation du Coran. C’est le fond du problème. Et c’est d’ailleurs pour cette raison que j’avais développé ce sujet dans mon ouvrage L’Islam à la Conquête de l’Occident en 2018. Tout dialogue est impossible tant que les adeptes du Coran se refusent à l’autocritique.

Nous devons comprendre que ces hommes n’ont pas peur de notre justice, qu’ils n’ont pas honte de ce qu’ils ont fait, qu’ils appliquent les conseils du prophète : « Je ne veux rien ni de vous ni du juge. Il n’y a que la justice d’Allah qui compte ! » déclarait Abdeslam en décembre 2020 [2]. Au contraire, ils se réjouissent de pouvoir confirmer leur allégeance à Daech, d’avoir une tribune pour montrer leur bravoure face aux mécréants. Si de notre point de vue, ce sont des criminels, du point de vue de nombreux musulmans, ce sont des héros qui sont allés jusqu’au bout de leurs convictions. Le procès peut avoir du sens pour les victimes, il n’en aura jamais aucun du point de vue des bourreaux.

L’enjeu dépasse l’action de quelques islamistes radicaux, puisqu’une véritable stratégie de conquête de l’Occident est mise en place depuis une vingtaine d’année par les États musulmans qui n’ont jamais caché leurs ambitions pour notre continent. L’idée pour eux consiste à faire avancer la cause de l’Islam dans le monde, quelle qu’en soit la manière. C’est d’ailleurs en substance ce qu’affirme un document stratégique adopté à l’unanimité par ces États réunis au sein de l’Organisation islamique pour l’éducation, la science et la culture en 2000. Il y a chez eux une négation de notre identité et une volonté de conquête qui pardonne aux terroristes tous leurs excès au nom de la sainte cause du Djihad. Voilà pourquoi, indépendamment du rôle que la justice doit poursuivre dans cette affaire, la question de fond de ce procès est bien celle de l’incompatibilité idéologique de l’Islam conquérant avec notre société européenne. Au-delà de la connaissance de ceux qui nient ce que nous sommes, nous devons également retrouver l’esprit de nos pères, un esprit de service et d’héroïsme, cultiver les vertus qui nous permettront d’opposer notre force à leurs forces, notre civilisation à leur civilisation.

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[1] « Attentats du 13 Novembre : fin d’une première audience mouvementée, reprise du procès jeudi à 12h30 »,Le Parisien, le 08/09/2021

[2] « L’administration pénitentiaire rapporte le prosélytisme de Salah Abdeslam en prison », Mediapart, le 08/09/2021

Vertes et pas mûres

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Sandrine Rousseau, candidate Europe Ecologie Les Verts, Asnières, © ISA HARSIN/SIPA Numéro de reportage : 01037274_000032

Chez les Verts, on ne dit pas « femme » mais personne en capacité de porter un enfant. 


Que ma chère Eugénie Bastié soit remerciée pour avoir déniché cette perle dans le programme d’EELV. Le parti des écolos-dingos promet en effet un égal accès à la PMA « à toutes les personnes en capacité de porter un enfant ». L’homme enceint n’ayant pas encore vu le jour, on suppose que cette longue périphrase désigne les femmes. 

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Notez qu’il ne s’agit pas du programme de Sandrine Rousseau, mais de celui de tout le parti, y compris Yannick Jadot. Ce qui laisse augurer le fait que celui-ci, s’il remporte la primaire comme le pensent tous les commentateurs, devra sacrifier aux lubies wokistes de ses camarades. Lubies qui, comme toujours, n’ont pas grand-chose à voir avec l’environnement. Le regretté Philippe Cohen observait déjà le tournant sociétal en plaisantant sur la gauche des trois P – Pacs, Parité, Pétard. 

Yannick Jadot à Lille, 23 juin 2020 © Denis ALLARD/Leextra via Leemage.

Remodeler le réel

La disparition du mot « femme » du dictionnaire écolo révèle en vérité un projet proprement totalitaire tel que le décrivait Orwell. Le but de la « novlangue » de 1984 est bien de changer le langage par la force pour remodeler le réel. C’est aussi, d’une certaine façon, le projet du « politiquement correct » : interdisez le mot salope et vous ferez disparaître le sexisme (si tant est que « salope » soit une injure sexiste et pas une injure tout court ou un petit nom tendre, mais on m’aura comprise). En l’occurrence, il s’agit bien de réinventer l’espèce humaine en faisant disparaître la différence des sexes. Il n’y a plus ni homme ni femme mais, comme le disait Muray, une « créolisation terminale, infinie et exterminatrice » de l’espèce. « De cette façon, la vieille fable de la bisexualité universelle se trouve-t-elle dépassée par un cliché encore supérieur, un stéréotype encore mieux congelé et mieux calibré, celui de l’indifférenciation définitive envisagée comme souhaitable, ou plutôt de la macédoine des caractéristiques sexuelles considérée comme fin indispensable de l’âcre cuisine séculaire des sexes. » [1]

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On me dira que j’exagère et que cet effacement du mot « femmes » est peut-être délirant mais pas totalitaire. Eh bien, chers amis, élisez Sandrine Rousseau à l’Élysée et vous verrez si j’exagère. 

Un pilier de l’anthropologie qui tombe

Le partage de l’humanité en deux sexes est l’un des piliers de la réalité, de l’anthropologie, donc de l’histoire humaine. C’est la première chose que l’on repère chez l’autre – est-il homme ou femme ? 

Une partie du féminisme rejoint le militantisme transgenre pour décréter que cette différence fondatrice n’existe pas et criminaliser ceux qui la voient (« Qu’est-ce qui vous permet de dire que je suis un homme ? », déclarait un invité à un Daniel Schneiderman ébahi malgré sa bonne volonté progressiste).

Sous ce règne de « l’indifférentialocratie » (toujours Muray), on ne dit plus femmes mais « personne qui a ses règles » (ça, c’est en anglais) ou, donc, « qui peut porter un enfant ». (Et pour homme, on dit quoi, personne qui porte des testicules ?) Pour avoir ironisé sur ces définitions, J.K. Rowling a essuyé un torrent de boue numérique. 

Derrière cet arraisonnement du langage par l’idéologie, la réalité sensible devient hors-la-loi. 

Certes, ces cinglé.e.s ne sont pas au pouvoir, heureusement. En attendant, on devrait méditer sur ce féminisme qui interdit de prononcer le mot femme.


[1]  « Le monde sans femmes est à vous », février 1999 Après l’Histoire, II, Les Belles Lettres

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Bilal Hassani: Danse avec le buzz

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Logo de l'émission Danse avec les stars. Image : capture d'écran YouTube.

Notre collaboratrice Sophie Bachat souhaite que le jeune Bilal Hassani obtienne une pluie de 10 dans l’émission Danse avec les Stars de TF1. Ne serait-ce que pour déplaire à ceux qui lui vouent une haine effrayante…


Souvenez-vous de l’Eurovision 2019, où la France a été représentée par Bilal Hassani avec la chanson Mon roi, dans laquelle il disait vouloir « casser les codes ». La chanson est une invraisemblable soupe, au texte indigent, mais elle se hissa quand même à la 16ème place du concours. Le jeune chanteur fit le buzz, et c’est le plus important aujourd’hui.

Emoi et moi et moi…

Danse avec les stars, ce concours de danse télévisé, qui se situe à mi-chemin entre On achève bien les chevaux et le thé dansant, diffusé sur TF1, semble également être en mal de buzz, car Bilal Hassani y dansera avec un homme dans la nouvelle saison qui débutera ce soir. La sphère télévisuelle et médiatique est en émoi, et il ne se passe pas un jour sans que Purepeople (média people en ligne) n’en fasse ses choux gras. En effet, les derniers articles évoquent le petit ami de Bilal, lequel serait jaloux de son futur partenaire de tango ou de rock acrobatique… Mais le vrai problème est la haine en ligne dont est victime, et cela depuis sa participation à l’Eurovision, cet « Arabe à perruque » comme il se qualifie lui-même. Nous allons y revenir.

Bilal Hassani, représentant de la France à l’Eurovision, 26 janvier 2019. ©GILLES SCARELLA / FRANCE TELEVISIONS / AFP

Tout le monde parle de Bilal. Son cas fut bien sûr évoqué chez Cyril Hanouna. Le chroniqueur Mathieu Delormeau, lui même homosexuel, s’est mis en colère, car selon lui, Bilal, trop caricatural, ne représenterait pas les gays dans leur ensemble. « J’ai rien contre Bilal Hassani, mais pardon, un mec qui met une perruque, des faux cils, je ne me reconnais pas dans ce style de gay ». Hanouna s’offusque, Bilal répond à Delormeau sur les réseaux « Je suis une personne humaine et normale et je lui souhaite d’apaiser son cœur » (sic). Delormeau n’a apparemment pas « apaisé son cœur », d’autant plus qu’il dit avoir été victime de menaces de mort. Diantre ! Voilà un buzz réussi. En la matière, nous pouvons toujours compter sur Hanouna. 

Repéré par les rapaces de la télé-réalité

Mais qui est Bilal Hassani ? D’abord, que l’on ne compte pas sur moi pour l’accabler, car ce garçon, malgré sa nullité artistique, est touchant. Il est né en 1999, c’est un enfant d’internet qui commença sa carrière d’influenceur sur YouTube où il prodiguait des conseils beauté. Et puis, il fut vite repéré par les rapaces de la téléréalité : son potentiel scandale est énorme. Il a toujours voulu chanter, et s’est toujours senti homosexuel. Pour le protéger des moqueries, sa mère le plaça donc dans un pensionnat catholique, où il fit scandale en s’adonnant à des galipettes dans le dortoir avec… le petit copain de sa meilleure amie. Déjà, il était « la poupée qu’on habille et qu’on déshabille » comme le chante Sardou dans Le privilège. 

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Lors de sa participation à l’Eurovision, il fut bien évidemment la cible d’un tombereau de haine chimiquement pure. Qui ne venait pas de ses anciens camarades du pensionnat catho… Les racailles, pour utiliser cet euphémisme, s’en donnèrent à cœur joie, à tel point que les associations LGBT+ ont déposé une plainte. Sans bien sûr nommer les coupables. Business as usual. Les réacs ne sont pas non plus de grands fans de Bilal, lequel personnifie selon eux la décadence de la France. 

Pas un LGBT militant

S’il est si touchant à mon sens, c’est justement parce qu’il ne revendique rien à part de vivre son homosexualité en s’affublant de perruques et de vêtements de femmes. Il n’est pas devenu une icône LGBT+ car il n’est pas militant. C’est un travesti dans la tradition française (n’en déplaise aux réacs), entre la Cage aux folles, le transformiste de chez Michou et le Chouchou de Gad Elmaleh. Mais justement, de tradition il n’y a plus. Ne reste que l’impitoyable mécanique de la marchandise spectaculaire dont Bilal est la victime consentante. Son compte Instagram est l’un des plus suivis, il y fait du placement de produits et y expose sa vie amoureuse. Celui qui se rêvait chanteur n’est finalement qu’une influenceuse. Mais il continue surtout à s’exposer à la violence de certains, et en cela il fait preuve d’un certain courage. « Leave Bilal alone ! »

L’Arc de Triomphe est en pyjama. Les Français n’ont plus qu’à se coucher!

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L'Arc de Triomphe recouvert d'une toile à Paris, 14 septembre 2021 © CELINE BREGAND/SIPA Numéro de reportage : 01038358_000005

Pour l’année du bicentenaire de la mort de Napoléon, cet Arc de Triomphe en pyjama propose très clairement aux Français de rejoindre leurs élus couchés depuis plus quarante ans devant la débilité de l’art contemporain et de s’enfoncer avec eux dans la nuit sans étoiles d’une nation sans repères. Tribune.


« Moins d’argent, plus de liberté ! » C’est avec ce slogan que, directeur du Fonds Régional d’Art Contemporain d’Ile-de-France, j’obtins en 1985 de Michel Giraud, Président RPR de la Région, qu’il rompe avec le ministère Jack Lang et en refuse les crédits. Les financements croisés Etat/Région permettaient à l’administration de la rue de Valois de contraindre les régions à faire leurs courses dans les galeries à la mode. C’est d’ailleurs à cette condition que celles-ci avaient accepté de soutenir la politique du ministre. Aucune autre région ne suivit l’exemple de l’Ile-de-France.

La soumission à l’hégémonie culturelle de la gauche 

Lors de la première cohabitation, le directeur de cabinet du ministre de la culture et de la communication me demanda une note pour réformer les FRAC dont les critiques dans l’électorat de droite allaient bon train. Très intéressé par les propositions que j’y faisais, le ministre la fit passer dans les services de son administration. Elle n’en revint bien sûr jamais. Le ministre n’en signa pas moins une tribune que son directeur de cabinet m’avait demandé pour répondre à Jack Lang.  « Vous savez, on n’y connaît rien », m’avait-il dit. Je découvris à cette occasion que l’ignorance et la lâcheté sont attelées au même joug. La soumission à l’hégémonie culturelle de gauche fut un des moyens de Jacques Chirac pour conquérir le pouvoir. Le délégué national à la culture du RPR l’avait bien compris qui ne ménageait ni sa peine ni sa plume pour surenchérir sur la démagogie du ministre de François Mitterrand. Je finis par jeter l’éponge quelques années plus tard, après avoir admis qu’une politique d’achat sérieuse, soucieuse du public et des contribuables, était impossible. L’Etat n’était pas seul en cause. Le pays n’avait pas attendu le lobbying de l’industrie pharmaceutique pour connaître les effets désastreux d’une corruption systémique. 

Toujours en 1985, je décidai d’organiser à Paris une exposition intitulée Roland Barthes, le texte et l’image qui présentait des textes de l’écrivain en regard d’œuvres d’artistes ancien et modernes sur lesquels il avait écrit : Arcimboldo, Gentileschi, les peintres du siècle d’or hollandais, Erté et son alphabet art déco, Savignac, des affichistes anglais de la fin du 19ème siècle, des peintres américains, de grands photographes comme Richard Avedon, le célèbre studio Harcourt, le dessinateur Crepax, l’inclassable Steinberg. Y figuraient également des volumes de planches de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert ainsi que le texte magistral consacré à la Tour Eiffel.

L’aveu de Roland Barthes lassé par la modernité

Je souhaitais avec une telle exposition faire découvrir à un large public des écrits trop ignorés qui, dans l’approche de l’image picturale, publicitaire et photographique, alliaient de manière unique une intelligence éblouissante à l’élégance d’une sensibilité peu commune. J’espérais ainsi que devant leur beauté et leur pertinence le public se rendrait compte de la cuistrerie et du ridicule des papiers de nos gazettes. J’obtins également du service de la communication de la Ville que soit affiché un peu partout sur des panneaux 4 par 3 le fameux portrait de l’écrivain s’allumant une cigarette avec la citation suivante : « Tout d’un coup il m’est devenu indifférent de ne pas être moderne ». Cette citation, qui surprit tout le monde, provoqua une telle ruée au Pavillon des arts où se tenait l’exposition que le catalogue fit l’objet d’un retirage et que Pierre Dumayet décida d’enregistrer son émission littéraire sur les lieux. Seul Bernard-Henri Lévy voulut faire croire qu’il en connaissait la provenance. Non, Barthes ne l’avait nullement prononcée lors d’un de ses cours au Collège de France. Alain Finkielkraut, lui, en fera un commentaire dix ans plus tard. 

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L’éditeur de Barthes avait si peu imaginé la possibilité d’un tel succès qu’il laissa libres de droits la reproduction et l’utilisation de ses textes. Nous étions bientôt à la fin de la première législature socialiste et personne n’avait songé à commémorer le cinquième anniversaire de la mort de l’écrivain. C’est cet argument qui emporta la conviction de l’adjointe RPR à la culture de la Ville de Paris et permit qu’un budget fût débloqué en urgence. Je ne suis pas sûr que celle-ci, en découvrant trois mois plus tard les chiffres de la fréquentation de l’exposition, ait compris combien la lassitude de Barthes devant l’injonction d’être moderne avait redonné espoir aux visiteurs. L’aveu de la citation avait comme répondu à une attente. Sur le boulevard Saint-Germain-des-Prés, la librairie La Hune, aujourd’hui remplacée par une boutique Louis Vuitton, avait consacré toute sa vitrine à l’exposition et au catalogue dont elle vendait cinquante exemplaires par jour, à la barbe et au nez des éditions du Seuil qui regrettèrent la bévue de l’abandon de leurs droits et pour finir se brouillèrent avec la Ville. Cette brouille est édifiante par le peu de cas qu’il fut fait des demandes émanant de nombre de Maisons de la culture souhaitant pouvoir présenter une version en fac-similé de l’exposition et d’éditeurs étrangers désireux de publier une traduction du catalogue.

Des élus terrorisés par les couleurs de notre drapeau

Devant le succès de cette exposition qui avait rapporté plus d’argent à la Ville qu’elle ne lui en avait coûté, Jean-Jacques Aillagon, adjoint au Directeur des affaires culturelles de la Ville, m’invita quelque temps plus tard à déjeuner. Avais-je d’autres projets dans mes cartons ? A l’approche des manifestations du bicentenaire de la révolution française, je lui parlai d’une exposition sur Les couleurs de la France dans la peinture française. Notre emblème national, lui expliquai-je, est le seul au monde à avoir été peint par les plus grands noms de la peinture de Delacroix à Picasso : Boudin, Monet, Manet, Renoir, Pissarro, Cézanne, Caillebotte, Seurat, Signac, Van Gogh, Maurice Denis, Le Douanier Rousseau, Derain, Dufy, Marquet, Léger, Braque, Utrillo, La Fresnaye, Chagall, Gromaire, Bissière, Poliakoff, d’autres encore. Aussi notre drapeau pouvait-il être considéré comme l’emblème de deux révolutions, l’une politique, l’autre picturale. J’expliquai également à Jean-Jacques Aillagon que si notre drapeau avait fait « le tour du monde avec le nom, la gloire et la liberté de la patrie » comme l’avait déclaré Lamartine, il l’avait fait ensuite avec les plus grands noms de la peinture. Je lui précisai qu’à ce titre il était également le symbole d’une étonnante renaissance, celle des arts qui n’avaient pas été gouvernés, comme en Grèce, par le souci de l’imitation des formes du monde. C’est à notre art moderne, né sur notre sol, que l’on doit l’immense résurrection des arts du passé sur tous les continents. Flairant l’intérêt politique du projet, il en parla à son élue qui prit la décision de sa programmation avec la même rapidité que pour Roland Barthes : l’exposition serait présentée tout d’abord au Japon dans le cadre de l’année « Paris-Tokyo » puis l’année suivante à Paris dans le cadre des manifestations du bicentenaire. 

J’allais découvrir, hélas ! que nos couleurs étaient devenues si peu fréquentables que nos représentants politiques employaient sournoisement leur industrie à revenir sur un projet d’exposition susceptible de renforcer chez nos compatriotes une fierté nationale peu compatible avec le projet européen. Je ne reviendrai pas ici sur le détail des raisons qui empêchèrent à plusieurs reprises ce projet d’aboutir aussi bien sous le mandat de Jacques Chirac, Maire de Paris, que sous celui de Nicolas Sarkozy, Président de la République. Ni sur les réticences des maisons d’éditions dont l’une d’elles verra sa directrice s’installer sous les ors de la République, rue de Valois, au lendemain de l’élection d’Emmanuel Macron. 

Il faudra attendre les attentats sanglants de 2015 et les éclairages tricolores des bâtiments emblématiques des grandes capitales occidentales pour que le livre, auquel Michel Pastoureau et Pascal Ory participèrent, puisse voir le jour. Quant à l’exposition qui devait en accompagner la sortie, que les médias interrogent donc le président du Sénat sur son revirement et sa frilosité toute européiste. N’est-ce pas donner raison à Lilian Thuram lorsque celui-ci déclare : « On exige des joueurs d’origine étrangère de montrer qu’ils aiment la France, qu’ils chantent La Marseillaise – comme si on avait un doute les concernant – alors même que la société nous a tous éduqués à avoir peur du drapeau, sauf à être taxé de FN ! » 

Manifestation contre le sabotage du plug anal de Paul McCarthy, octobre 2014, Paris. Sipa. Numéro de reportage : 00696325_000009.

Saccager la nation pour complaire à l’Union européenne

Les élus sont très ennuyés par nos couleurs. Se surveillant mutuellement pour complaire à la technocratie de l’Union européenne, ils ne savent sur quel pied danser.  En revanche, ils n’ont aucun état d’âme lorsqu’il s’agit de saccager la nation, son histoire et sa culture en soutenant l’installation d’un « Plug anal » place Vendôme, d’un « Vagin de la Reine » dans les jardins du Château de Versailles, d’un chaos de dalles funéraires au pied des Rubens du Louvre, de vidéos d’enfants se masturbant au CAPC de Bordeaux, d’un crucifix plongé dans l’urine à Avignon, de pneus de tracteur d’un plasticien poursuivi pour pédophilie à l’Opéra, d’une scène géante de zoophilie devant le Centre Pompidou, d’un Mickey en érection sous les verrières du Grand Palais. Aussi, la disparition des États-nations leur semblant la nouvelle finalité de l’histoire, soutiennent-ils avec conviction l’empaquetage de l’Arc de Triomphe. Être dans l’air du temps, en partager la lâcheté, la puérilité, l’inculture est leur commune feuille de route depuis quarante ans ! Défigurer le patrimoine, le parasiter, le tourner en dérision, l’amputer de sa vocation, déboulonner les grands hommes, les taguer, en ôter les noms au coin de nos rues, emmailloter un monument emblématique de notre histoire avec 25 000 m² de tissus et 3000 mètres de cordes pour un coût de 14 millions d’euros, cela leur dit. D’autant plus que l’opération est autofinancée par la vente des dessins préparatoires et demain par les droits de reproduction en tous genres. Etant habitués depuis tant d’années à ne voir que l’aspect comptable des choses, ils sont incapables de comprendre qu’une nation ne peut pas plus se réduire à son économie, qu’une politique de santé publique à l’équilibre budgétaire de l’hôpital.

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Les artistes contemporains ça ose tout 

Quelle raison y aurait-il de s’opposer au projet de Christo ? L’individu est devenu une star de l’art contemporain à laquelle le Centre Georges-Pompidou vient de consacrer une grande exposition. Ses dessins préparatoires se vendent à prix d’or. Il est le premier et le seul à faire ce qu’il fait. Il donne à voir ce qu’il cache, paraît-il. Et puis, il l’a dit, « ce sera comme un objet vivant qui va s’animer dans le vent et refléter la lumière. Les plis vont bouger, la surface du monument devenir sensuelle ». Il en rêvait depuis longtemps, mais ne s’est pas contenté d’en rêver. Il l’a fait. Les artistes contemporains ça ose tout ! Les empaquetages de Christo n’ont bien sûr rien voir avec les bâches publicitaires tendues sur les façades d’immeubles en réfection. L’ancien réfugié bulgare ne fait de la publicité que pour lui-même, et son coup de génie, c’est de n’avoir pas besoin de mettre son nom sur ses bâches comme Yves Saint-Laurent sur celles du Lutétia ou Samsung sur celles de l’hôtel de la Marine. Et puis quand on y songe, une équipe de 95 cordistes qui descendent en rappel avec casques et baudriers, c’est une prouesse autrement plus folle que l’escalade à mains nues des 187 mètres de la tour Total de la Défense par Alain Robert, cet homme de 59 ans qui, accompagné de trois jeunes grimpeurs, voulut avec eux, le 7 septembre, marquer son opposition au passe sanitaire et rendre hommage à Jean-Paul Belmondo. Cela étant dit, ce que fait Christo n’est ni vulgaire, ni laid, ni beau ; c’est uniquement sans intérêt. On aimerait dire « ce n’est rien » comme pour les meubles qu’il empaquetait et ficelait autrefois, mais le côté spectaculaire de ce qu’il fait nous en empêche. A vrai dire, pas très longtemps parce que, la surprise et le spectacle s’usant vite, l’absence d’intérêt reprend tout de suite le dessus. « Le premier qui compara la femme à une rose, c’est un poète, le second fut un imbécile » a dit Gérard de Nerval. Le premier qui empaqueta un monument… Mais il n’y a jamais eu de premier. Toute sa vie, Christo n’a fait que se succéder à lui-même. Même la toute première fois !

Dessin du projet de l’artiste Christo ©André Grossmann / Christo and Jeanne-Claude – 2019 CHRISTO / AFP

Barthes disait de la Tour Effel, que Maupassant détestait au point d’y dîner pour ne pas l’avoir sous les yeux, qu’elle était la première porte de Paris. Les touristes y montent jusqu’au troisième étage, admirent « la moire historique » de la ville à leur pied et en redescendent. Ils sont enfin à Paris. Maupassant détesterait sans doute encore plus cet Arc de Triomphe empaqueté. Aucun écrivain toutefois ne pourrait en rédimer la détestation par une observation intelligente. Les badauds viendront tourner autour, lever la tête, toucher la toile, tripoter une corde, prendre des photos, faire des selfies, seuls ou en familles. Ils verront non pas qu’il n’y a rien à voir, mais rien à dire parce que l’on peut tout dire et que, quoi qu’on dise, ce ne peut être que sans intérêt.

Un sale coup d’Emmanuel Macron

L’Arc de Triomphe est le haut lieu des grandes manifestations nationales. Le Soldat inconnu y a été inhumé sur le terre-plein en 1921 et on y ravive chaque soir la flamme du souvenir. Souhaité par Napoléon en 1806, il fut inauguré en 1836 par Louis-Philippe qui le dédia aux armées de la Révolution et de l’Empire. Après les Invalides sous le dôme duquel pend misérablement au-dessus du tombeau de l’Empereur une copie en plastique du squelette de son prétendu cheval Marengo, c’est place Charles-de-Gaulle qu’Emmanuel Macron lance une nouvelle offensive contre une histoire de France dont il a appelé de ses vœux, le 18 avril dernier, la « déconstruction ». Pour l’année du bicentenaire de la mort de Napoléon, cet Arc de Triomphe en pyjama propose très clairement aux Français de rejoindre leurs élus couchés depuis plus de quarante ans devant la débilité de l’art contemporain et de s’enfoncer avec eux dans la nuit sans étoiles d’une nation sans repères.

Élections canadiennes: Justin et son nombril

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Débat politique télévisé le 9 septembre 2021, Gatineau, Canada. De gauche à droite, Justin Trudeau (Parti libéral), Annamie Paul (Verts) et Jagmeet Singh (Nouveau Parti démocratique) © Sean Kilpatrick/AP/SIPA Numéro de reportage : AP22603733_000024

Les résultats des élections législatives du lundi 20 septembre sont très incertains. Le scrutin apparait de plus en plus comme un référendum sur la personnalité et la fiabilité du Premier ministre.


Lorsque le premier ministre libéral, Justin Trudeau, a annoncé des élections générales anticipées au Canada, il a fixé le jour du scrutin au 20 septembre. Le timing était de l’opportunisme politique pur. Alors confortablement en tête dans les sondages avec une avance de 7,5 point, et après un déploiement réussi du vaccin (bien qu’après un démarrage très lent de la campagne de vaccination dans le pays), Trudeau a l’espoir de retrouver le gouvernement majoritaire qu’il a perdu en 2019, afin d’augmenter les impôts pour payer les coûts de la pandémie et de nouveaux programmes soi-disant « progressistes ». 

Trudeau a superbement ignoré les critiques généralisées qui l’accusent d’avoir déclenché des élections pendant la pandémie, d’autant que le Canada connaît actuellement une quatrième vague d’infections. Le problème pour les Libéraux, c’est qu’à part un chef fanfaron, ils manquent de politiques accrocheuses, à part taxer les banques. Et bon nombre des grandes initiatives promises en 2015, comme celles concernant le changement climatique et l’économie, sont tombées à plat et avec elles leur crédibilité. Les partis d’opposition, pour leur part, veulent faire de l’élection un référendum sur la personnalité et la fiabilité du Premier ministre.

Un vol Air Trudeau

Les partis d’opposition ont raison. En fin de compte, tout tourne autour du nombril de Justin. 

Le nom « Trudeau » est d’ailleurs collé sur le fuselage de l’avion de campagne, et non « Parti libéral ». Quant à la campagne, elle est menée dans le style d’une élection présidentielle américaine, ce qui est à bien des égards tout à fait approprié. Trudeau est comme un Bill Clinton dans la fleur de l’âge, un jeune politicien libéral photogénique : beaucoup d’électeurs veulent le voir réussir et par conséquent lui donnent sans cesse le bénéfice du doute. Comme dans le cas de Clinton, on pardonne à Trudeau ses erreurs passées (comme s’habiller à plusieurs reprises en black-face, maintenant qualifié d’acte raciste), les écarts entre sa promotion du féminisme et son traitement parfois brutal des collègues féminines du gouvernement, ou le scandale des paiements financiers fait aux membres de sa famille par un entrepreneur du gouvernement. La liste est longue. Les électeurs libéraux semblent aimer l’idée qu’ils se font de Justin Trudeau plus que l’homme lui-même. 

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Bien qu’il se qualifie lui-même de progressiste, il serait difficile de trouver un politicien ayant bénéficié plus que Justin Trudeau du fameux “privilège blanc” !  Fils aîné du premier ministre qui a dominé la politique canadienne de 1968 à 1984, Pierre Elliott Trudeau, Justin a hérité du charisme de son père et, malgré peu de qualifications en dehors de son nom, a fait une ascension apparemment sans effort jusqu’à la direction du Parti libéral en 2015 à l’âge de 41 ans. À son crédit, Trudeau a revitalisé le Parti libéral après une série de défaites et l’a mené de la troisième place avec seulement 36 sièges en 2011 à un gouvernement majoritaire avec 184 sièges en 2015.

Une gauche hypocrite

Tout cela n’aurait qu’une importance très limitée si Justin Trudeau n’était qu’un simple politicien opportuniste comme tant d’autres. Au cours de ses 154 ans d’histoire, le Canada a oscillé entre des gouvernements de centre-gauche et de centre-droit sans que cela n’ébranle durablement la solidité de son organisation politique. Cependant, l’accent mis par Trudeau sur la politique identitaire et d’autres thèmes sociaux destructeurs importés des États-Unis, tels que la campagne Black Lives Matter (BLM), la théorie critique de la race et le désir que le gouvernement impose « l’équité » (plutôt que l’égalité) en toutes choses, a polarisé les Canadiens en les divisant en factions belligérantes.

Une statue sans tête de la reine Victoria est renversée et vandalisée devant l’assemblée législative provinciale de Winnipeg, le vendredi 2 juillet 2021. Les manifestations faisaient suite à la découverte de corps d’enfants autochtones retrouvés à l’Ouest du pays. © Kelly Geraldine Malone/AP/SIPA Numéro de reportage : AP22582537_000014

Le Canada, l’un des pays les plus accueillants et les plus généreux au monde, a été dépeint par Trudeau comme intrinsèquement raciste, sexiste, transgenre-phobique et même « génocidaire » à l’égard de ses peuples autochtones. Les statues de personnalités éminentes de l’histoire du Canada ont été renversées à la manière des opérations BLM ; des professeurs ont été chassés des universités pour des opinions « incorrectes » ; des églises catholiques romaines ont été incendiées pour protester contre le traitement passé des enfants autochtones dans les écoles religieuses ; et des lois fédérales ont été promulguées pour forcer les gens à utiliser les pronoms préférés des personnes transgenres. L’autoflagellation et l’imposition par le gouvernement de mesures correctives et contraignantes s’étendent de toutes parts. Comme l’a fait remarquer Gad Saad, un éminent écrivain et universitaire canadien : « Justin Trudeau représente vraiment toutes les idées pathogènes cancéreuses et parasitaires qui sapent les fondements des sociétés laïques libérales. Les sociétés éclairées ne soutiendraient jamais quelqu’un qui épouse les absurdités promues par ce bouffon. » 

Gad Saad, professeur de sciences comportementales évolutives à l’université Concordia, à Montréal. © D.R.

Comme beaucoup de ceux qui appartiennent à la gauche moralisatrice hypocrite, Trudeau est plus fort pour attaquer les maux imaginaires que les maux réels. Il était absent, comme la plupart de son cabinet, lorsque la Chambre des communes a voté à l’unanimité en faveur d’une motion qualifiant de génocide les actions de la Chine contre sa communauté ouïghour. En octobre 2020, après la décapitation de l’instituteur Samuel Paty par un djihadiste près de Paris pour avoir prétendument diffamé l’islam, Trudeau a condamné le meurtre mais a ajouté: « Dans une société respectueuse… nous devons tous être conscients de l’impact sur les autres de nos paroles et de nos actions… Nous défendrons toujours la liberté d’expression, mais chacun doit agir avec respect envers les autres et ne pas essayer de blesser inutilement ou arbitrairement quelqu’un avec qui nous partageons cette planète et cette société. » Comme l’a déclaré un journal canadien : « Trudeau défend la liberté d’expression tant qu’elle n’est pas offensante. » 

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Après la chute de Kaboul, alors que des inquiétudes ont été soulevées quant au sort des Canadiens toujours en Afghanistan après la tentative bâclée de Trudeau pour organiser leur retrait, Maryam Mousef, ministre des Femmes et de l’Égalité des genres, demandant au nouveau gouvernement afghan de garantir le passage sûr pour ceux qui voulaient quitter le pays, a publiquement qualifié les Talibans de « nos frères ». Une semaine plus tôt, Amnesty International avait condamné les Talibans pour la torture brutale et le massacre de neuf hommes de l’ethnie des Hazâras après avoir pris le contrôle de la province de Ghazni en juillet. Je doute que le citoyen canadien lambda considère les Talibans comme des frères.

Le Canada à l’avant-garde ?

Ce sera la première fois que le Parti conservateur mène une compagne d’élection générale sous la direction de son nouveau chef, Erin O’Toole, un avocat de 48 ans et ancien officier de l’armée, dépeint comme un leader raisonnable et fiable à l’opposé du fantasque Trudeau. Bien que chef du Parti conservateur depuis seulement un an, O’Toole a démarré sa campagne en trombe et, en l’espace de quelques jours, a effacé l’avance des libéraux, déclenchant des sonnettes d’alarme dans le parti au pouvoir. À la mi-septembre, la course s’est installée dans une lutte au coude à coude et pourrait bien aboutir à un autre gouvernement minoritaire.

Parmi les principaux champs de bataille de la soirée électorale se trouvent les trois villes les plus importantes du Canada. Trudeau mène à Toronto, où 47 % de la population est composée d’immigrants récents de tendance libérale, dans une course à trois avec les Conservateurs et le Nouveau Parti démocratique (NPD) socialiste. À Montréal, le Bloc québécois, nationaliste et francophone, se rapproche des Libéraux, tandis qu’à Vancouver, qui compte également une importante population immigrante (44 %), le NPD est devant les Conservateurs et les Libéraux. 

Le résultat des élections pourrait bien être décidé par un vote tactique. Le chef du NPD, Jagmeet Singh, est le premier membre d’une minorité visible à diriger un grand parti politique canadien. Actuellement en troisième position avec 19% du vote national, le NPD centre-gauche ne sera jamais en mesure de former le prochain gouvernement, mais l’objectif de Singh est de remporter suffisamment de sièges pour être un partenaire de coalition potentiel pour Trudeau si les Libéraux échouent. Son défi est double : il doit empêcher les partisans du NPD de voter pour les Libéraux afin d’arrêter les Conservateurs, et il doit convaincre les électeurs libéraux de l’appuyer dans les circonscriptions où le NPD a une chance de battre les Conservateurs. Dans ce scrutin, les engrenages sont fort compliqués.

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Un aspect récent à retenir également des précédentes élections nationales canadiennes a été la montée d’une poignée de petits partis, tels que les Verts ou le Parti populaire du Canada (PPC), une version plus à droite (selon les normes canadiennes) des Conservateurs, qui s’oppose à bon nombre des restrictions imposées pendant la pandémie. Avec 7% des suffrages au niveau national, le PPC pourrait s’avérer problématique pour les Conservateurs dans une course aussi serrée. Son chef, Maxime Bernier, était ministre dans le gouvernement conservateur de Stephen Harper ; il n’est donc pas surprenant qu’environ 60 % des électeurs du PCC aient voté pour les Conservateurs aux élections générales de 2019. Selon certaines projections, cela pourrait coûter six sièges aux Conservateurs, dont cinq au profit des Libéraux. En 2019, il ne manquait à Justin Trudeau que 14 sièges pour avoir une majorité sur les 338 sièges de la Chambre des communes.

C’est une tradition au Canada que de s’installer avec quelques verres pour regarder les résultats des élections se dérouler lentement au cours de la soirée sur six fuseaux horaires et 9 300 kilomètres. Compte tenu de l’étroitesse de la course, il se peut bien que le verdict final ne soit connu que très tard dans la soirée, heure du Pacifique. Le résultat ne sera pas important pour les seuls Canadiens : il pourrait aussi être le signe d’un changement politique plus large. Le 13 septembre, lors de la première élection (presque) post-Covid en Europe, les Conservateurs au pouvoir en Norvège ont été battus par le Parti travailliste. En Allemagne, le SPD semble prêt à supplanter la CDU à la tête d’un gouvernement minoritaire le 26 septembre. Un virage à gauche est-il le résultat inévitable des conditions provoquées par la pandémie ou s’agit-il de punir les responsables, indépendamment de leur affiliation politique ? Compte tenu du calendrier électoral de 2022, Washington et Paris devraient garder un œil attentif sur le Canada cette semaine.

L’hypocrisie de Soso Maness

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Le chanteur Soso Maness à Charleville Mézieres en août 2021 © Carl Hocquart/SIPA Numéro de reportage : 01035865_000031

Le rappeur qui a fait scander « Tout le monde déteste la police » à la fête de l’Humanité fustige aussi le film « Bac Nord ». Pense-t-il que cette histoire ne peut être racontée que par les voyous?


Les cités, notamment marseillaises, sont devenues des citadelles du deal n’ayant rien à envier aux favelas brésiliennes ou aux barrios d’Amérique centrale. Ce ne sont pas les responsables politiques, les éditorialistes, ou les policiers qui en parlent le mieux. Ce sont les rappeurs eux-mêmes, griots – ou bardes, pour apporter une touche gauloise – des nouveaux seigneurs du crime.

Voir Fabien Roussel (PCF) s’offusquer de l’appel de Soso Maness lors de son concert à la Fête de l’Huma montre précisément que les responsables politiques classiques ne maîtrisent plus rien. Il était prévisible que le spectacle finirait ainsi 

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Marseille, pour la musique, c’est pas trop ça

« Le clip il est mieux qu’un 90 minutes enquête », commente un internaute sous la vidéo du clip officiel du titre « TP » de Soso Maness. Entre les paroles réalistes, narrant la journée du patron d’un point de deal d’une cité marseillaise en temps réel, et les images floutées des « ienclis » aux profils variés, le vidéo-clip de Soso Maness est effectivement un excellent complément au film Bac Nord.

Peu connu du public ne s’intéressant pas au rap français avant son coup d’éclat de la Fête de l’Humanité, durant laquelle il a fait scander à des dizaines de milliers de spectateurs « Tout le monde déteste la police », Soso Maness appartient à la nouvelle génération du hip-hop de la cité phocéenne, aux côtés du parrain Jul spécialiste des titres « d’ambiance » – soit les morceaux pour parader en grosse cylindrée équipée d’une sono de salle de concert –, ou du plus sombre SCH lui aussi fasciné par le milieu international, dont les paroles font souvent référence à la Camorra, aux cartels mexicains ou à la pègre française traditionnelle. Leurs héros se nomment Francis « Le Belge » Vanverberghe, ce fils d’un Légionnaire et d’une pied-noir d’origine espagnole assassiné à Paris au début des années 2000, Jacky le Mat, Rédoine Faïd, ou Antonio Ferrara.

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Dans un duo intitulé « Les Derniers Marioles », Soso Maness et SCH utilisent un sample du fameux « Tais-toi, Marseille » de Colette Renard, s’inscrivant ainsi dans la mythologie criminelle de la ville dont ils seraient les héritiers putatifs. Un rappeur ayant eu une expérience derrière les barreaux sera ainsi plus crédible pour raconter la vie des petits et gros voyous, comme on le voit aussi avec le genre ranchero des narcocorridos au Mexique, sorte de country hispanophone romantique et cruelle consacrée aux affaires criminelles des cartels.

Street reporters à deux sous

Sur le titre « So Maness », fort d’un beat entrainant calibré pour plaire aux plus jeunes, Soso Maness ne fait pas mystère du programme : « Des armes, de la drogue, des gadjis, frère, y en a à la pelle / L’OPJ, l’OCTRIS, la BAC, tous savent comment je m’appelle / Des armes, de la drogue, des gadjis, frère, y en a à la pelle / Le proc’, la juge, le parquet, tous savent comment je m’appelle ». Soso Maness est-il hypocrite quand il fustige le film Bac Nord qui décrit exactement ce qu’il chante ? Croit-il que cette histoire ne puisse être racontée que par les voyous ou les habitants de ces quartiers criminalisés ?

Les premiers rappeurs étaient les continuateurs de l’esprit du rock alternatif de gauche des années 1980, à l’image d’Assassin ou du Suprême NTM. Aujourd’hui, ils sont nombreux à s’épanouir dans un genre nouveau, street reporters gonzos des transformations anthropologiques majeures qui font de la France un pays différent de ce qu’il était autrefois. Le trafic de drogues occupe une place centrale dans cet imaginaire collectif alternatif. Parfois, quelques concessions à la morale sont données, dans un genre toujours viriliste. La « maman » est ainsi convoquée comme figure nourricière et pure ; le deal, le rap et le foot consistant en autant de moyens pour lui offrir la vie de luxe à laquelle ils aspirent.

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Le rap, un univers replié sur lui-même

Les références au football, aux sports de combat, à la junk food, aux émissions de télévision, aux mangas shonen et à l’islam sont aussi très nombreuses. Se dessine un univers clos et très spécifique, rassurant pour les auditeurs habitués et exotique pour les autres issus d’autres milieux. Notre société n’offrant plus guère d’expérience collective, ou de bandes – skins, mods, rockabillys ou punks ne sont plus que l’ombre de ce qu’ils furent naguère -, cette chaleur du groupe fermé et ces références partagées ont un pouvoir de séduction certain, un appel sulfureux irrésistible pour quelques-uns.

Voir Fabien Roussel s’offusquer de l’appel de Soso Maness lors de son concert à la Fête de l’Huma montre précisément que les responsables politiques classiques ne maîtrisent plus rien. Il était prévisible que le spectacle finirait ainsi ! C’est le monde qu’ils ont créé qui leur explose au visage, un monde sur lequel ils n’ont plus de prise. Les rappeurs doivent être écoutés, ils sont aujourd’hui les plus crédibles pour parler de la réalité des enclaves islamiques et du narcotrafic !

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