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«Gérald Darmanin n’entend pas lutter contre l’immigration illégale, il veut la régulariser»

Entretien avec la députée (RN) Edwige Diaz


«Gérald Darmanin n’entend pas lutter contre l’immigration illégale, il veut la régulariser»
Edwige Diaz, ici photographiée à Paris en juin 2022, est députée de la 11e circonscription de Gironde © ISA HARSIN/SIPA

Qui a dit que le Rassemblement national ne parlait plus d’immigration ?


Causeur. Pourquoi ne pas avoir profité de votre niche parlementaire, cette semaine, pour proposer des textes sur l’immigration à l’Assemblée nationale ?

Edwige Diaz. Je vous rassure tout de suite, le RN n’a pas abandonné le sujet immigration. Il y a un projet de loi immigration qui arrive à l’Assemblée, nous aurons tout le loisir de débattre de ce sujet majeur pour l’avenir de notre pays. Nous avons préféré consacrer notre niche aux préoccupations quotidiennes des Français, à cette France qui travaille, qui se lève tôt, qui ne parvient pas à vivre décemment de son salaire. Notre proposition de loi sur la suppression des ZFE l’illustre très bien.

Gérald Darmanin présentera son projet de loi sur l’immigration en conseil des ministres la semaine prochaine, avec la contribution d’Olivier Dussopt concernant le travail des immigrés, semble-t-il. Alors que nous connaissons une délinquance endémique dans ce que la presse de gauche continue de qualifier de « quartiers populaires », que nous prenons chaque jour connaissance de l’interminable chronique des violences à Mayotte et sortons à peine du pathétique épisode de l’ « Océan Viking », devoir une nouvelle fois légiférer sur l’immigration, n’est-ce pas un aveu de faiblesse du ministre de l’Intérieur ?

Absolument ! Et ce projet de loi ne changera rien. Nous avons été reçus au ministère de l’Intérieur, le 21 novembre, avec mon collègue député Yohann Gilet. Nous avons pu poser des questions au ministre sur son projet, et ses réponses sont inquiétantes. « Allez-vous revenir sur le droit du sol ? » lui ai-je d’abord demandé. A cette question, majeure lorsque l’on aborde le sujet de l’immigration, il m’a répondu : « – Non, on ne touche pas au droit du sol ! » J’ai ensuite poursuivi : « Allez-vous revenir sur le regroupement familial, et les élargissements que vous aviez accordés en 2018 ? » « – On ne touche pas au regroupement familial », a-t-il riposté. Notre troisième question concernait le délit d’aide à l’entrée et au maintien de manière illégale sur le territoire national. Allons-nous par exemple, sanctionner Cédric Herrou, connu pour ses actions envers les migrants ? Je ne posais pas innocemment cette question, car une semaine avant l’entrevue avec le ministre, Monsieur Herrou faisait carrément du prosélytisme dans un établissement scolaire de Vendée. Autre douche froide : non seulement le gouvernement n’entend pas sanctionner ceux qui aident les migrants à rentrer et se maintenir en France de manière clandestine, mais surtout, on autorise donc le prosélytisme et l’idéologie dans les établissements scolaires ! Bref, sur tous ces points que nous avons abordés, il n’y a aucune amélioration prévue dans les projets du ministre. Gérald Darmanin n’envisage pas non plus d’interdire les subventions aux associations potentiellement complices avec les passeurs. Je pense à SOS Méditerranée, dont les liens avec les passeurs manquent singulièrement de clarté…

Tout le volet sur les métiers en tension est un point majeur de la loi immigration. Il s’agit du plus grand danger identifié

J’ai aussi eu des échanges avec notre ministre du Travail. Monsieur Dussopt se félicite d’une grande avancée : pour prétendre à une autorisation du droit d’asile, vous savez qu’il faut passer un examen visant à certifier le niveau de français du candidat. En plus des 600 heures de cours payés par l’argent public, Monsieur Dussopt – imbu de cette remarquable réforme – s’est réjoui que le candidat valide son entrée grâce à l’obtention du niveau… A1, soit le niveau le plus bas. Soyons sérieux, c’est dérisoire! A l’Assemblée, nous allons tenter d’aller le plus loin possible dans tous les ajustements techniques du projet du gouvernement, pour lutter contre l’immigration. Nous demanderons, par exemple, que le candidat à l’asile valide a minima un niveau A2, idéalement un B1…

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Enfin, tout le volet sur les métiers en tension est un point majeur de la loi immigration. Il s’agit du plus grand danger que nous ayons identifié. Le projet dit qu’il faudra régulariser les clandestins travaillant dans des métiers en tension. Lorsque l’on a déjà cinq millions de chômeurs et quelques centaines de milliers d’offres d’emplois disponibles non pourvues, je considère qu’il faut d’abord proposer ces métiers aux Français inscrits à Pôle emploi, ou les former à ces métiers vacants.

… Et si les citoyens français ne veulent pas prendre ces postes, comment fait-on ?

Je pense que c’est un mythe. Il y a 300 000 à 400 000 emplois disponibles, certes, mais il y a plus de cinq millions de chômeurs. On ne me fera pas croire que ces offres d’emploi ne peuvent pas être pourvues ! Jeudi, dans notre niche parlementaire, notre groupe a proposé un texte visant une revalorisation de 10% sur les bas salaires. Un deal gagnant-gagnant, puisque les patrons seraient exonérés de charges patronales. Mais sur l’autel du sectarisme idéologique, les autres partis politiques ont préféré sacrifier cette mesure qui allait vers plus de justice sociale.

« La France a toujours accueilli des immigrés et des réfugiés et nous devons continuer à le faire » avançait Gérald Darmanin dans les colonnes du Monde, en novembre. Ne partagez-vous pas son avis ?

Je compléterais sa phrase : La France a toujours accueilli des immigrés et des réfugiés et nous devons continuer à le faire dès lors qu’il n’y a pas de dévoiement de ces filières d’immigration.

Au Rassemblement national, nous ne souhaitons pas fermer les frontières, nous voulons simplement qu’elles soient de nouveau un véritable filtre.

Nous voulons choisir qui vient chez nous, qui a le droit ou non de s’y maintenir, et qui mérite qu’on lui accorde un droit d’asile ou non, éventuellement une naturalisation. Messieurs Darmanin et Dussopt, de leur côté, et à travers eux bien évidemment Emmanuel Macron, entendent lutter contre l’immigration clandestine non pas en luttant contre les clandestins, mais en les régularisant !

Amélioration de l’exécution des OQTF et de l’intégration, retour de la double peine, éloignement des bateaux de clandestins. Ces quatre préoccupations majeures que l’on retrouvera dans le projet du ministre de l’Intérieur devraient pourtant vous satisfaire ! Quelles positions le RN défendra-t-il sur ces points précis ?

Le retour de la double peine nous satisfait. Le problème des OQTF, ce sont évidemment les exécutions (5.6% seulement en 2021) ! Mais, je vous le redis, Monsieur Darmanin n’entend pas lutter contre la clandestinité en empêchant les clandestins d’arriver en France, il entend les régulariser. Mécaniquement, avec moins de clandestins, il y aura forcément moins d’OQTF à exécuter…

Si nous arrivons aux responsabilités, nous devrons expliquer clairement que les bateaux ne seront plus accueillis dans nos ports. Et pour commencer, nous arrêtons de les subventionner. Le Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine avait décidé d’accorder une subvention de 50 000€ à SOS Méditerranée, il y a quelques années, parce que le bateau avait dépensé plus de fioul que prévu après avoir erré en Méditerranée, avant de finir par accoster à Valence en Espagne… C’est du délire ! Secourir les migrants, oui évidemment, mais il faut les reconduire dans les ports sécurisés les plus proches, au Maroc, en Algérie… Nos électeurs attendent de nous que l’on n’accueille plus ces bateaux, nous respecterons cet engagement.

Darmanin dit que « les clés de la réussite de l’immigration, c’est l’intégration ». Balayez-vous cette thématique ? Certains hommes politiques ou intellectuels, attachés à l’idéal républicain, préfèrent parler d’assimilation que d’intégration.

Monsieur Darmanin parle d’ « intégration », c’est un leurre. Je vous ai déjà parlé du niveau A1 en langue française… Nous proposons au RN un cheminement plus sérieux. Pour venir habiter en France, il faudra faire une demande d’abord dans l’ambassade de son pays, ou d’un pays voisin en cas de guerre. Et en aucun cas, nous n’accepterons les arrivées de manière clandestine. On ne conçoit pas qu’un clandestin qui a violé les lois de notre pays en entrant illégalement puisse s’assimiler ou s’intégrer correctement par la suite. Et si la France octroie l’asile, il faut travailler en retour, respecter la loi et subvenir à ses besoins. 

Il est justement question d’expulser les immigrés qui ne respectent pas les « valeurs de la République ». Cette dernière terminologie, si elle se retrouve dans le projet de loi gouvernemental, semble un peu floue. N’est-ce pas une façon de ne pas parler d’islamisme, finalement ?

Si, absolument. Je ne fais absolument pas confiance au gouvernement. Il y a quelques années, le gouvernement n’avait-il pas déjà demandé à des associations religieuses de signer une charte, pour s’engager à respecter ces fameuses « valeurs de la République » ? Certaines sont toujours en activité, sans avoir signé la charte en question de Monsieur Darmanin, me semble-t-il… Nous avons pourtant des compatriotes musulmans qui pratiquent leur foi de manière personnelle, qui n’ont pas de revendications exacerbées, qui ne font pas du prosélytisme, et ces personnes ne posent aucun problème. Un aspect qui permet de voir si les « valeurs de la République » sont respectées, c’est l’attitude envers les femmes. Notre mouvement politique entend toujours interdire le hijab, le niqab, la burqa et toute autre tenue ostentatoire dans la rue et l’abaya dans les écoles. La liberté des femmes est essentielle.

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Mais, je vous le répète, le point prioritaire sur lequel nous serons les plus vigilants lors des débats à venir à l’Assemblée, c’est la question des métiers en tension. On annonce que la liste des métiers en tension est ré-évaluable… Le risque est là : sous la pression des immigrationnistes de gauche, on peut avoir un allongement XXL de cette liste de professions… et donc des immigrés qui pourraient être régularisés. Il faut interpeller l’opinion publique à ce sujet. Monsieur Darmanin est assez grand, pourquoi a-t-il eu ce besoin bizarre de Monsieur Dussopt, dans sa loi immigration ? Ils font clairement le lien entre immigration et travail. Gare à l’appel d’air que cela provoquera…

Pensez-vous, en dernier ressort, voter le projet de Monsieur Darmanin si vous obtenez quelques ajustements qui vont dans votre sens ?

Nous pourrons, tout au plus, voter en faveur de quelques articles et quelques amendements. Notre opposition au gouvernement est constructive et si les amendements proposés vont dans le bon sens c’est-à-dire dans l’intérêt général du pays, donc pour une maîtrise efficace et effective de l’immigration, alors on pourra être amené à les voter.

Une question plus personnelle. Comment expliquez-vous l’essor des idées nationales dans le Sud-Ouest et votre succès personnel dans la 11e circonscription de Gironde ?

Il y a eu une hégémonie socialiste dans notre région pendant très longtemps. Mais, François Hollande a terriblement déçu. D’une part, la casse sociale et industrielle des années Hollande, et les attaques à l’encontre du pouvoir d’achat ont été très mal perçues par les habitants. Elles ont été amplifiées par les politiques d’Emmanuel Macron, ce qui a exacerbé les déceptions. Nos deux derniers présidents n’ont pas su protéger les habitants des territoires périurbains. D’autre part, il y a eu un travail méticuleux de Marine Le Pen, qui s’est intéressée de près aux classes moyennes et populaires. Son message a commencé à être entendu, il y a dix ans.  Dans ma circonscription, Marine Le Pen a ainsi quasiment doublé son score en dix ans.

En 2007, j’avais comme beaucoup d’électeurs voté pour Nicolas Sarkozy. Je croyais au « travailler plus pour gagner plus », ainsi qu’au Karcher. Cinq ans plus tard, déçue, je me suis retrouvée dans le programme de Marine Le Pen : sécurité, considération pour les travailleurs, patriotisme économique et localisme. J’ai pris ma carte du RN et me suis investie dans le parti à partir de 2014. De 2016 à 2022, j’ai dirigé la fédération de Gironde. Dans le RN de Jordan Bardella, je suis vice-présidente chargée de l’implantation locale, en étroite collaboration avec Gilles Pennelle (directeur général) et Julien Sanchez (vice-président aux élus). Notre objectif est de réussir notre implantation locale. Cela commence dès cette année avec les élections sénatoriales !

Les groupes Indochine et Louise attaque ont refusé de se rendre à un festival de musique à Perpignan. Qu’est-ce que cela vous fait d’être affiliée à un parti politique encore diabolisé par le monde de la culture ?

Je déplore qu’Indochine se soit égaré dans « la vallée infernale » de l’anti-fascisme primaire ! Le boycott de ces artistes montre non seulement leur sectarisme, mais également leur mépris pour leurs fans qui ont peut-être dû économiser pour acheter leurs billets. Avec la crise, on le sait, peu de Français sont capables de mettre de l’argent de côté. Indochine et Louise Attaque, ces pseudo rebelles de la scène musicale, n’ont certainement jamais eu besoin d’épargner pour se faire plaisir. Plus de 13 millions de Français ont voté pour Marine Le Pen au second tour, je suis prête à parier que parmi nos électeurs on peut compter de nombreux fans de ces deux groupes de rock. Après je distingue les artistes des hommes et je continuerai à danser sur l’Aventurier



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Rédacteur en chef du site Causeur.fr

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