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Drieu la Rochelle, des archives pour la littérature… et pour l’histoire

Une vente exceptionnelle des archives Drieu la Rochelle est prévue à l’Hôtel Drouot, à la fin de l’année.


Après le splendide Drieu la Rochelle. Une histoire de désamours de Julien Hervier, le Pléiade Drieu la Rochelle, Romans, récits, nouvelles, et le Bouquins (six romans avec leur présentation, le tout couronné par un passionnant dictionnaire), voilà que l’écrivain maudit nous revient encore et toujours avec le catalogue – 374 lots – de la vente qui se tiendra le 15 décembre 2023 à l’Hôtel Drouot.

La préface en est rédigée par Julien Hervier, qui nous explique qu’il s’agit là de la dispersion de la totalité des archives en possession de la belle-sœur de l’écrivain, feu Brigitte Drieu la Rochelle, la veuve de Jean, frère de Pierre. Une partie des archives, aujourd’hui perdue, avait brûlé dans un incendie. Comme le dit bien le professeur Hervier : « L’ampleur de cette vente suffit déjà à établir l’importance de la place occupée par Drieu dans la vie littéraire française de l’Entre-deux-guerres et de l’Occupation ».

La variété des livres avec envoi, lettres et cartes montre bien que Drieu fut reconnu comme un écrivain important dès ses débuts littéraires, dès 1920, comme en attestent les belles dédicaces de Marcel Proust, Maurice Barrès ou Max Jacob. Cette variété d’ouvrages dédicacés bien avant que le futur directeur de la NRF ne dispose du moindre pouvoir, par Desnos, Radiguet, Aragon bien sûr, Cocteau, Audiberti, Éluard et bien d’autres, démontre que Drieu fut mêlé à tous les courants littéraires, à tous les grands débats de l’Interbellum. En 1938, le jeune Sartre lui envoie ainsi La Nausée

Le catalogue illustré de clichés uniques présente des manuscrits, des lettres, mais aussi la Croix de Guerre de l’écrivain (avec les citations pour trois blessures sur le front) ou encore son attestation de réforme définitive (septembre 1939) et même un tract de condamnation à mort par la Résistance. Y figurent un carnet des Dardanelles de 1915, des manuscrits autographes et des tapuscrits corrigés, dont ceux de grands romans, de Blèche à Gilles, du Feu Follet (20.000 – 25.000 €) aux Mémoires de Dirk Raspe, sans oublier L’Homme à cheval, l’un de ses chefs-d’œuvre, ou Les Chiens de paille. Des pièces de musée, qui, à mon sens, devraient rester accessibles aux chercheurs. Brouillons, notes, étapes d’une même œuvre sont en effet du plus haut intérêt ; il serait désolant que ces documents disparaissent à jamais.

La partie la plus passionnante de ce catalogue est constituée des multiples envois à Drieu tant elle présente des surprises, surtout après 1940, quand Drieu, d’une certaine manière, tient « le haut du pavé » littéraire et germanopratin. Maurice Blanchot, futur hiérarque de la French Theory, met non sans élégance les points sur les i à propos de sa participation à la NRF de guerre : « Je crois vraiment que ma présence à la NRF n’avait de sens que dans une solution de conciliation qui me semble devenue impossible. Et puis peut-on faire une revue si on écarte le passé et le présent ? J’en doute. Il vaut donc mieux que je rentre dans ma retraite où j’espère que votre amitié me suivra. » De même Albert Camus, dans une carte envoyée d’Oran, décline l’offre de participer à la NRF : « Je regrette de la décliner, je suis trop loin de Paris pour pouvoir prendre une décision. Les éléments d’appréciation me manquent ici et je n’aime pas faire sans voir clair. Je vous le dis tout droit. Ce que je sais de vous me permet de croire que vous comprendrez cette franchise. »

Éluard, en 1943, marque sa séparation : « Dans le temps, j’ai eu pour vous de l’estime et une réelle affection. Il y a deux ans, j’ai même cru que, grâce aux circonstances, j’allais vous retrouver. Vous vous étonnez de mon attitude. Mettons-la… sur le compte d’un certain avis qui rend responsable de n’importe quel crime (sic) des hommes, des femmes et des enfants qui en sont innocents. J’ai trop de cousins ! »

Mauriac fait l’éloge de Gilles, « un livre important, essentiel, vraiment chargé d’un terrible poids de souffrance et d’erreur… »

On y trouve aussi des brouillons d’articles parus ou non, comme ce tapuscrit d’un article interdit par la censure allemande (octobre 1940) : « Qu’est-ce que les Allemands dans Paris ? Ce n’est que nous-mêmes, notre crime, notre paresse, notre lâcheté. Les Allemands dans Paris, ce sont tous les enfants que nous n’avons pas faits. (…) Si les Allemands sont là, c’est que nous n’y sommes pas. »

Outre deux lettres de Gerhard Heller, trois livres de Jünger avec envoi, la correspondance avec Jean Paulhan (une soixantaine de lettres), citons l’émouvante lettre de Josette Malraux, qui lui demande, en 1943, d’être le parrain de son deuxième fils : « S’il y a des choses dont vous considérez qu’il est bon qu’elles soient enseignées à un homme, j’aimerais qu’il les apprenne de vous… André et moi, qui sommes sans frères, voudrions bien donner aux enfants des sortes d’oncles parfaits. »

Et aussi la lettre du 10 août 1944 adressée à son frère, considérée comme son testament : « Je n’étais nullement germanophile, mais il s’est trouvé que l’Allemagne a représenté tant bien que mal une partie des choses auxquelles je tiens et que représentait autrefois une certaine France nordique, normande, gauloise ou franque ». Il termine en s’affirmant communiste et précise : « j’ai trop combattu le communisme en Europe pour souhaiter même s’y rallier à la dernière heure ».

Une vente historique et qui concerne un écrivain incarnant à lui seul la profonde crise morale, esthétique et spirituelle du siècle vingtième. 


Vente Tessier-Sardou. Expert : Eric Fosse.

Exposition publique, jeudi 14 décembre à l’Hôtel Drouot.

Drieu la Rochelle: Une histoire de désamours

Price: 21,00 €

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Romans, récits, nouvelles

Price: 77,50 €

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Drôle de voyage et autres romans

Price: 32,00 €

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Ubu en Roumanie

Comme tous les dictateurs, Ceausescu a eu une vie rocambolesque. Dans la biographie qu’il lui consacre, Traian Sandu retrace l’ascension et le règne de cet apprenti cordonnier devenu le « génie des Carpates ». L’histoire d’une prise d’otage d’un pays et de son peuple.


Les images ont fait le tour du monde. Le 25 décembre 1989, un couple comparaît devant un tribunal populaire, quelque part en Roumanie. Un homme à cheveux blancs et sa femme, manteaux sur le dos, opposent à leurs juges une superbe arrogance. Cette parodie de procès, retransmise en quasi-direct à la télévision, est suivie de l’exécution des condamnés à mort. Les mains liées, ils sont fusillés côte à côte par un peloton ivre de rage. Ainsi finissent les Ceausescu. Avant cet emballement de l’histoire, qui mit fin à la dictature atroce de Nicolae, cet Ubu roumain galvanisé par le vampire Elena, il y a eu le fameux discours du conducator, quelques jours plus tôt, à la tribune du Comité central, interrompu par les huées de la foule. On y voit le satrape à la voix chevrotante, incrédule, tétanisé, esquisser un geste de la main.

Un régime longtemps fréquentable

Ces images célèbres éclipsent une réalité : maître de la Roumanie dès 1965, le « Génie des Carpates »resta populaire jusqu’au mitan des années 1970. Puis l’homme est demeuré longtemps encore, tant dans l’Occident capitaliste que dans les satellites en délicatesse avec l’URSS, ou même en Israël, une figure respectée. En plein Mai 68, de Gaulle ne se rend-il pas à Bucarest pour célébrer l’amitié franco- roumaine ? Un an plus tard, c’est au tour de Richard Nixon. En 1977, Nicolae Ceausescu se pose en médiateur dans le conflit israélo-palestinien. En 1984, la Roumanie participe, seule du « bloc de l’Est », aux Jeux olympiques d’été de Los Angeles. Bref, vu du dehors, ce régime de terreur a été durablement tenu pour fréquentable. À un degré d’aveuglement sidérant.

Remises en perspective, les étapes de cette extraordinaire prise d’otage d’un pays et de son peuple dans un projet de société dément sont détaillées dans Ceausescu, le dictateur ambigu, volumineuse biographie signée Traian Santu, historien français d’origine roumaine. Résistant aux douceurs de l’anecdote, l’ouvrage retrace le destin pathétique du « Danube de la pensée » dans le contexte économique, sociétal et géopolitique auquel celui-ci doit son essor, sa résilience, sa chute.

Pourquoi « ambigu » ? L’apprenti cordonnier natif, en 1918, de l’archaïque Olténie, au sud d’une Roumanie alors largement analphabète, se convertit de bonne heure au communisme. Un activisme juvénile qui lui vaut pas mal d’incarcérations. Il n’a pas 21 ans lorsqu’en 1939 il rencontre Elena, fille de paysans qu’il épouse en 1947. Embastillé pendant quasiment toute la guerre, Ceausescu fut, selon l’auteur, « relativement ignorant des événements, notamment du pacte germano-soviétique […] et jusqu’au retournement d’alliances de la Roumanie avec les Soviétiques ante portas le 23 août 1944. » Réclusion qui « le préserva des dangers de mort sur le front de l’Est et des actions terribles, notamment antisémites, auxquelles l’armée roumaine, aux côtés de son allié allemand, s’y livra. » La chute du maréchal Antonescu est l’acte de baptême de Ceausescu : comme représentant des Jeunesses communistes, il accueille les Soviétiques à Bucarest. Le culte stalinien lui servira de modèle. L’infirmité de son bégaiement ne nuit guère à son ascension au sein de l’appareil du Parti. Dès 1948, le voilà sous-secrétaire d’État à l’Agriculture – et père de son premier-né, Valentin. La collectivisation des terres fait son affaire. Deux ans plus tard, il est ministre adjoint des Forces armées. Entrisme plus épuration, voilà le secret. Poussé par son mentor, le stalinien Gheorghiu-Dej, Ceausescu sera « le grand gagnant d’une déstalinisation en trompe-l’œil ». De fait, « la consolidation de son pouvoir sur le parti combina émancipation très progressive de l’emprise soviétique, fidélité à Dej et promotion du nationalisme comme nouveau principe de légitimation ». Dans son escarcelle, l’Armée, l’Intérieur, la Justice, la Santé, la Croix-Rouge et… les Cultes !

Personnalisation délirante du pouvoir

Pas encore diabétique, l’homme a une vie réglée : sieste à midi, produits frais, pas de tabac. « Cette image de modestie intransigeante correspondait bien à son ethos de paysan parvenu, s’accrochant à l’idéologie “scientifique” du marxisme censée le légitimer. » Rigueur qui n’interdit pas au couple de bidonner ses diplômes (elle, propulsée docteur en chimie macromoléculaire ; lui, se faisant donner le bac en cadeau) tandis que le foyer s’élargit : Zoiaen 1949, Nicu en 1951. Le petit ménage fécond entame en parallèle « la construction de son aura charismatique ». La Roumanie ayant su s’épargner l’invasion soviétique, « Ceausescu put engranger à moindres frais les bénéfices de son immense popularité, intérieure et extérieure ». Dérussification culturelle, reprise du tourisme avec la RFA, yeux doux au dragon chinois, défi à Moscou, soutien des Occidentaux : l’« âge d’or » du régime sous la férule de cet « arriviste aux mœurs austères » culmine avec la critique de l’invasion de la Tchécoslovaquie, en août 1968.

Implacables, les deux dernières parties du livre décrivent le délitement de la dynamique du « national-communisme » autochtone sur fond de personnalisation délirante du pouvoir, l’emprise de la Securitate sur une population bientôt réduite à la famine pour satisfaire à l’orthodoxie du marxisme scientifique (productivisme, remboursement accéléré de la dette extérieure, mobilisation endogène et embrigadement, remodelage urbain – avec la construction pharaonique du fameux palais du Parlement, etc.). Spirale infernale que la plume un peu raide, parfois ardue (avec des mots tels « palingénésie », « encomiastique », « discrépance ») de Traian Sandu épouse au millimètre.

On ne lit pas sans quelque gourmandise perverse le chapitre consacré au clan Ceausescu – parties de chasse, frasques du fils Nicu, rituels privés, régime alimentaire, économie familiale… Le cauchemar roumain connut un réveil difficile. Au point qu’aujourd’hui, certains, en Roumanie, ont la nostalgie de l’ère Ceausescu : la mémoire historique est oublieuse.

À lire

Traian Sandu, Ceausescu, le dictateur ambigu, Perrin. En librairie à partir du 14 septembre 2023. (Du même auteur, également chez Perrin : Histoire de la Roumanie et Un fascisme roumain.)

Nicolae Ceausescu, architecte comique

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Visite du Palatul Parlamentului de Bucarest, héritage du timbré Nicolae Ceausescu et de sa féroce épouse Elena, sorte de Versailles du plouc…


C’est par la petite porte que le touriste est convié à la visite : on entre par la face arrière du Palais du Parlement. Inachevé, ceinturé d’un glacis de mauvaises friches ouvrant sur l’immensité agora-phobique de hideuses avenues rectilignes bordées de prétentieux immeubles post-modernes (manière Ricardo Bofill, en pire), l’édifice cyclopéen (12 étages, 350 000m2, plus d’un millier de pièces) érigé par le « Danube de la pensée » au milieu des années 80 du siècle dernier s’appelait, sans rire, la « Maison du Peuple » – Casa Poporului en roumain. Pour bâtir ce mastodonte, ledit peuple, comme l’on sait, avait dû céder la place manu militari : 40 000 maisons détruites, un vieux quartier entièrement arasé, des églises plusieurs fois séculaires abattues par dizaines, ou déplacées… Rebaptisée Palais du Parlement, la fameuse « Maison » où le « Peuple » ne pénètrerait jamais abrite à présent la Chambre des Députés, le Sénat… Sans compter, au diable vauvert, perdu dans une aile difficile d’accès en bordure insolite de ce Versailles-du-plouc, le modeste Musée national d’art contemporain, MNAC – pas un chat à l’intérieur !

Visite guidée obligatoire

Hors de question d’improviser sa visite : il faut acheter son billet 24 heures à l’avance sur un site dédié, où l’on prend rendez-vous sur un créneau horaire déterminé : personne n’échappe à la visite guidée, par groupes de 10 à 20 péquins, en anglais. Pas d’audioguide. Au reste, les Roumains ne gardant pas précisément le meilleur souvenir du « Conducator » timbré et de sa féroce épouse Elena, les autochtones, globalement, boycottent cet endroit qui les dégoûte. D’autant que le Palatul Parlamentului n’y va pas du dos de la cuiller question tarif : 20€, payable sur réservation en ligne. Le tour du propriétaire se fera en une heure. Encore ne voit-on, parait-il, que 1% de ce dédale vacant.

A lire aussi, du même auteur: Ubu en Roumanie

Au jour dit et peu avant l’heure fixée, un type vous appelle sur votre smartphone, dans un anglais à couper au canif, pour s’assurer que vous ne vous êtes pas perdu(e) en chemin. Le local de départ de la visite n’a rien de palatial : donnant sur un parterre de cinquante voitures garées en épis, ce rez-de chaussée peu engageant (faux-plafond bas, éclairage de néons blancs, mobilier et guichet genre commissariat de police, boutique-cadeaux souffreteuse) se voit flanqué d’un improbable espace d’exposition de croûtes contemporaines. Surgit là tout à coup un type fagoté comme un punk, sac à dos, croix en sautoir, boucles aux oreilles, qui vérifie votre passeport (document original, pas de photocopie, surtout !) et vous prépare, avec un humour très particulier, à un franchissement d’arceaux de sécurité aussi scrupuleux que s’il s’agissait de passer la frontière : « no guns, no knifes so that we’ll not feel that you are a terrorist » (sic) : il est vrai qu’on pénètre dans l’enceinte du « Palais Bourbon » roumain. Relayant l’aimable gus, c’est une guid(esse) qui prendra en charge la petite troupe allègre. Sur notre passage, on croise le défilé continu des groupes calés sur des créneaux adjacents.  

Interminable bouffissure pâtissière 

Le plus étonnant, dans ce parcours express effectué sous bonne garde, c’est que l’intérêt qu’on s’apprêtait à y prendre est vite douché par le prodigieux ennui de ce pompiérisme hyperbolique et pas même délirant qui, de salle en salle, se répète sans surprise, comme une interminable bouffissure pâtissière : du marbre à satiété, des lustres, des appliques, du stuc guilloché, de la marqueterie, d’immenses tapis ornementés, comme à la chaîne, selon l’exigence tentaculaire d’une esthétique hantée par l’hubris impériale d’un XIXème siècle sommairement plagié. Fallait-il que la jeune architecte Anca Petrescu et ses équipes de décorateurs soient à ce point dépourvus d’imagination, ou terrorisés par le couple Ceausescu, pour concevoir une telle débauche de hideur ? N’est pas Louis II de Bavière qui veut.  

Bizarrement, aucun mobilier « d’époque » ne colore ces énormes superficies. Il semblerait, tout simplement, que le dictateur n’ait pas eu assez de temps pour se meubler, avant sa chute et son exécution, en décembre 1989. Dommage : cela aurait ajouté à la dérision.

Une franche hilarité vous saisit tout de même, au spectacle de ces chromos religieux dont le satrape communiste a affublé quelques cimaises, dans des cadres chantournés, lui qui n’hésitait pas à sacrifier les plus purs joyaux d’architecture cultuelle de Bucarest sur l’autel du marxisme athée.

Ultime ironie de l’histoire : le principe de sa construction voté en 2004 par le Parlement démocratique roumain, en chantier depuis… 2011 (!), objet d’incessantes polémiques en vertu de son coût exorbitant, la plus grande église orthodoxe de la planète, baptisée sans rire « Cathédrale du Salut de la Nation roumaine » (monstre architectural appelé à se voir flanqué d’un hôtel de luxe, d’une bibliothèque et de l’inévitable petit commerce de bigoterie), érige désormais, expression arrogante d’une revanche prise à froid, le volume rival, flamboyant  et vertigineux de sa silhouette en majesté – pile en face. Le fanatisme religieux, en réponse au meurtre idéologique ?

Préparer sa visite du Palais du Parlement : site www. cic.cdep.ro

A lire: Roumanie Bulgarie. Lonely Planet (en français).

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Pourraient-ils soutenir Gaza sans prêter allégeance au Hamas?

Place de la République, jeudi, entre 3000 et 4000 manifestants ont exulté quand ils ont appris que la manifestation était finalement autorisée, avant d’ensuite scander des slogans révoltants, à l’initiative d’Europalestine, du NPA et d’autres organisations pro-Palestine. L’indécence d’une foule reprenant le cri du ralliement du Hamas au nom de la solidarité avec la Palestine ne peut qu’inquiéter. « L’ordre public a été troublé à deux titres : par les heurts qui ont eu lieu en cours et en fin de manifestation ; par l’apologie du terrorisme que constituait à lui seul, dans le contexte des pogroms du 7 octobre, le soutien publiquement apporté aux « combattants » du Hamas et qu’explicitaient pancartes, tags et slogans » déplore dans Marianne, Jean-Éric Schoettl, ancien secrétaire général du Conseil constitutionnel.


Une foule entière hurlant Allah Akbar. Voilà l’image marquante de la manifestation pro-palestinienne qui s’est déroulée, place de la République, ce jeudi 19 octobre. Pourquoi ces cris, au-delà de leur indécence manifeste, ont de quoi faire peur ?

Allah Akbar, cri de ralliement et de jouissance des tueurs

D’abord parce que c’est au cri d’Allah Akbar que les islamistes ont commis des crimes contre l’humanité, c’est toujours en vociférant cela qu’on les voit sur les vidéos qu’ils diffusent complaisamment assassiner des personnes désarmées, tuer des enfants, violer des femmes. Ce cri est devenu un signe de ralliement et un appel à la galvanisation. Aujourd’hui, dans un contexte d’attentats islamistes et de pogrome antisémite, « Allah Akbar » est devenu un cri de guerre qui annonce la mort. Il dit à qui est destiné le sacrifice humain et le sang versé. Personne ne l’ignore. Le but de ce cri est d’engendrer la peur et d’annoncer la mort. Le voir repris en chœur en signe d’allégeance est une menace implicite et explicite et a été ressenti comme telle.

Un cri révélateur de l’emprise islamiste

Ensuite parce que ce cri, dans ces circonstances, alors que les horreurs commises par les commandos du Hamas nous renvoient à la barbarie hitlérienne, a quelque chose de profondément déshumanisant. Pendant qu’en Israël on cherche encore à reconstituer les corps démembrés par les commandos terroristes du Hamas, ici la foule hurle « Israël assassin » et « Allah Akbar » avec délectation et jouissance. Mais cela indique surtout à quel point le normatif islamiste a pénétré dans les esprits. Toutes les personnes rassemblées Place de la République, en reprenant le cri des terroristes du Hamas, leur rendaient hommage et dans le fond le savent très bien. C’est le grand public et les journalistes qu’ils prennent pour des imbéciles. Et ils auraient tort de s’en priver vu que cela marche.

C’est ainsi que la cause palestinienne est devenue un viatique qui permet d’exprimer librement son antisémitisme et de cultiver le ressentiment arabo-musulman en l’inscrivant dans une guerre de civilisation. Et les Allah Akbar hurlés montrent que la plupart de ces gens ont choisi leur camp, refusent explicitement la République, et ne sont pas choqués par la barbarie car elle s’abat sur un peuple qu’ils haïssent. Il y a de quoi ne pas être rassuré.

Le déni face aux horreurs commise par le Hamas

Le beuglement de cette foule (en partie) antisémite, le jour même des obsèques du professeur de français est d’autant plus douloureux que l’on ne cesse de découvrir l’ampleur des horreurs commises par le Hamas. Une tribune de psychanalystes israéliens témoigne du choc traumatique vécu par ces thérapeutes.

Ils racontent la cruauté, le sadisme dirigées contre des bébés, des enfants et de jeunes adolescents : beaucoup d’entre eux ont été mutilés à vif, violés et torturés après avoir été forcés d’assister à l’assassinat de leurs parents, et parfois de leur famille toute entière. « Ceci ne relève pas de la seule et implacable haine des Juifs (que le Hamas propage de manière tout à fait ouverte et claire dans ses réseaux officiels), ni d’un conflit de nature territoriale ou religieuse, mais d’un crime contre l’humanité. »

Les atrocités vécues par les enfants enlevés

Ils évoquent aussi le sort des enfants enlevés et ramenés à Gaza : « Certains de ces enfants sont devenus brutalement et sans aucune pitié, orphelins d’un instant à l’autre, alors que les terroristes violaient leurs parents , pour les tuer ensuite, sous les yeux de leurs enfants obligés d’assister à ces scènes effroyables. Les terroristes tiraient sur le corps des parents, les brûlant ensuite, tout ceci devant les yeux des enfants. En même temps les terroristes fêtaient le massacre, tout en le filmant et le diffusant tous azimuts sur leurs réseaux, via leurs téléphones portables. Une de leurs vidéos qui montre un jeune enfant errant dans les rues de Gaza, brutalisé par les enfants palestiniens a envahi la toile, des images qui nous hantent et qui ne peuvent être métabolisées par un cerveau qui se dit humain. Le fait de cibler de manière délibérée et sadique des bébés et des enfants pour les violer, les torturer et les assassiner est une manière de faire voler en éclats ce qu’il y a de plus fondamentalement humain en l’humain. »

Un antisémitisme assumé

Les témoignages se multiplient non seulement sur les faits, mais aussi sur la façon dont la haine et la violence sont inculquées aux jeunes gazaouis. Le Hamas se sert de sa population comme chair à canon et bouclier humain, il n’a donc cure de l’éduquer ; en revanche il tient à l’aliéner, à en faire des personnalités violentes, haineuses, déshumanisées. La haine du Juif leur est inculquée dès le berceau et ce que les militants ont fait en Israël prouve que ce conditionnement fonctionne et qu’il crée des monstres. C’est pour cela que les pays arabes ne veulent pas accueillir les Palestiniens. Ils les voient comme dangereux et facteurs de déstabilisation.

Pourtant, grâce au soutien de LFI et à la bêtise d’une certaine presse qui reprend les communiqués du Hamas, mouvement terroriste, comme s’ils émanaient de l’AFP, des milliers de personnes se sentent parfaitement à l’aise quand il s’agit de soutenir un pogrome et d’aller hurler Israël assassin. En revanche, cette même presse qui aime à donner des leçons, évite soigneusement d’expliquer la différence entre un crime contre l’humanité et un dommage collatéral. La guerre tue et une bombe ne fait pas de détails, surtout quand la population, comme à Gaza, est utilisée par le Hamas comme bouclier humain. Mais les civils ne sont pas une cible, les objectifs sont militaires. Le Hamas, lui, n’avait pas d’objectifs militaires. Les civils étaient sa cible et les torturer autant que les tuer, son objectif. En cela le Hamas est semblable aux nazis, comme il l’est aussi par l’atrocité des méthodes employées.

L’impossible réplique aux crimes contre l’humanité 

Il est donc à souhaiter que la réponse d’Israël ne soit pas proportionnelle aux crimes des dirigeants de Gaza car il n’y a rien de pire que le crime contre l’humanité. Répliquer à la même hauteur est impossible. Alors Tsahal va faire ce qu’elle a toujours fait : répliquer tout en essayant d’épargner la vie des Palestiniens autant que faire se peut. Mais cela reste une guerre et les morts sont inévitables. Ce qui s’est passé en Israël nous concerne tous, car aux yeux des islamistes, tout ce qui n’est pas eux doit être soumis ou détruit et ce qui a été fait là-bas illustre leur méthode d’action. « C’est une culture infiltrée par la mort, la haine et la destruction. Ceci n’a rien à voir avec toute forme de revendication territoriale ou de conflit quel qu’il soit, mais a tout à voir avec une idéalisation perverse de la mort et de la torture. » Or, ceux qui tuent là-bas partagent la même idéologie que ceux qui ont déjà tué ici et que celui qui vient d’égorger un professeur de français.

Je ne sais si les morts en Israël reposeront en paix un jour, mais je sais que pour tous les vivants, il est temps de se réveiller. L’islamisme ne vaut pas mieux que le nazisme. Il vient de le prouver et pourtant une partie de la gauche lui tient la porte et organise des manifestations pour le soutenir. Au terme de ce processus, la cause palestinienne a été transformée en soutien aux islamistes et en déni de crime contre l’humanité. Ne reste que l’horreur et la barbarie qu’Israël a subies et qui n’épargneront pas l’Europe si nous continuons à être aussi lâches.

A chaque nouvelle attaque islamiste, je me rappelle ce que mon père m’a dit le lendemain du 11 Septembre

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Des jardins d’Isphahan aux rives de la Seine… Djahanguir Riahi, mon père, est né en 1914 à Natanz (Iran). Parti en France poursuivre des études d’ingénieur grâce à une bourse d’études, il se met au lendemain de la Seconde guerre mondiale au service des relations économiques Franco-iraniennes. Installé en Europe depuis la révolution islamique, son intuition artistique hors du commun lui a permis de réunir l’une des plus importantes collections d’œuvres d’art du XVIIIème siècle français. Il est mort dans sa centième année, le 28 avril 2014, après avoir été élevé au grade de Commandeur de La Légion d’Honneur ainsi que des Arts et des Lettres. Grand donateur des Musées Nationaux, une salle du Musée du Louvre porte son nom.

Il m’avait demandé d’écrire ce texte au lendemain des attentats du World Trade Center, le 11 septembre 2001, et de l’inclure dans ses mémoires, que je rédigeais alors pour lui.


« Nous n’avons pas le même rapport à la barbarie et à la mort. L’attraction publique la plus appréciée de la population, à Mashhad comme dans toutes les villes où s’est déroulée mon enfance, consistait à s’attrouper sur la grand’place pour y assister aux pendaisons. La cruauté des exécutions était inouïe.

J’avais été horrifié, un jour, d’apprendre la condamnation d’un homme et de ses six fils. Le bourreau avait reçu du tribunal islamique l’ordre monstrueux de ne pendre le père qu’après qu’il eut assisté à la mort de tous ses enfants. Agha Djoun[1] se disait convaincu de l’innocence de ce pauvre homme. Et moi, je me disais, du haut de mes douze ou treize ans, en voyant leurs vêtements souillés par l’urine et la merde : pourquoi font-ils ça, sinon pour anéantir par la terreur toute forme de dignité humaine, toute forme de respect de la mort et donc de la vie ?

La mort, on s’y familiarise comme on prend l’habitude de tout. Lorsqu’en suivant le chemin de l’école au petit jour on longe la place des pendus, quand on assiste à des exécutions sommaires et barbares, on finit par apprivoiser la mort. Mais cette insensibilisation, ou plus exactement cette désacralisation, vous semble inconcevable en occident. Parce que vous êtes élevés dans le respect de la vie sans penser que la mort en est l’inéluctable corollaire.

Comme si la vie pouvait « être » sans la mort. Cette naïveté, à laquelle s’ajoute la pédagogie de l’émotion, est le fondement de la culture occidentale contemporaine. L’émotion priorisée, l’émotion magnifiée. On vit sur ce registre depuis la seconde moité du XXème siècle, sans doute par imprégnation des tendances éducatives à la mode aux Etats-Unis au lendemain de la guerre. L’enfant est devenu le barycentre de la civilisation occidentale. Héritière de la philosophie de Jean-Jacques Rousseau, la pédagogie contemporaine pose le principe que l’Homme naît bon et que c’est la société qui le pervertit. De même, dans le souci maniaque de préserver la planète, les mouvements écologistes ont entamé une régression qui efface inexorablement les progrès de la civilisation. On n’élève plus les enfants pour en faire des adultes ; on fait des enfants pour retomber soi-même en enfance, pour retrouver la puérilité sublimée de l’enfance.

Les islamistes jouent de cette émotivité occidentale. Si la religion dont ils se servent est primitive, leur stratégie de conquête est extrêmement sophistiquée. Ils vous observent et vous analysent depuis la fin des années 1970. Ils ont fréquenté les mêmes écoles, les mêmes universités que les élites occidentales. Ils ont vu les mêmes spectacles, les mêmes films ; lu les mêmes articles dans les mêmes revues. Ils savent que votre sensibilité au respect de la vie, votre peur de la mort, votre fragilité mentale et votre compulsion à la culpabilité sur un terrain compassionnel constituent votre talon d’Achille. Vous êtes tombés dans un triple piège :

  • Le piège de l’anxiété collective « individualisée ». Certes, les guerres ont toujours fait des victimes civiles ; mais au World Trade Center ou dans les avions, il n’y avait « que » des victimes civiles. Chacun pouvait se dire : j’aurais pu me trouver parmi elles. Cette angoisse est le principe même du terrorisme, que les techniques de communication actuelles permettent d’individualiser simultanément à des milliards de témoins de la scène.
  • Le piège de la « victimisation » des assassins. Pendant une centaine d’années, l’Europe a plus ou moins colonisé le monde ; en particulier les terres d’Islam que sont le Moyen-Orient, le Maghreb et l’Afrique. L’Amérique a toujours été solidaire des puissances européennes, sans parler de son soutien constant à l’Etat d’Israël. Pendant toute la durée de ces conflits, les victimes se sont comptées par centaines de milliers du côté des indigènes, sans que cela n’émeuve grand monde. Aujourd’hui, les victimes sont dans l’autre camp et toute une partie de la planète n’éprouve nullement l’envie de pleurer sur leur sort, considérant que c’est un juste retour des choses.
  • Le piège enfin du « chahid », le martyr, celui qui meurt pour témoigner, alors que vous, pauvres larves invertébrées, vous pleurnichez de trouille en chiant dans votre froc, tant la mort vous effraie. Et cet exhibition du « héros » a le double avantage d’impressionner les musulmans, qui respectent le courage par principe, et de faire peur aux incroyants comme aux non pratiquants.

Les motivations fondamentales d’Al Qaida, celles des Islamistes en général, sont politiques et ne sont pas religieuses. Parce que la religion musulmane est intrinsèquement et historiquement politique. Il n’y a pas d’équivalent. Ni les juifs, ni les bouddhistes ou les hindouistes, ni les chrétiens n’ont eu pour vocation première de guerroyer et de conquérir. Bien sûr qu’ils ont tous été amenés à prendre les armes à divers moments de leur histoire. Mais ce n’était pas l’amorce ni la genèse de leur projet. Il faut en être conscient.

Mohammed – ou Mahomet comme vous l’appelez en France – n’a pas cherché à « spiritualiser » ses contemporains ni à leur apporter des réponses philosophiques. Son objectif était très prosaïque : il a voulu les rendre plus efficaces au travail et au combat !
Avant de « faire prophète » il était caravanier et commerçant. Issu de la tribu des Quraych et de tradition hanifiste, c’est-à-dire monothéiste, le jeune homme était intelligent, ambitieux et séduisant. Il sut se rendre indispensable à sa patronne, Khadija, une riche veuve de 15 ans son aînée, qu’il épousa et à laquelle il fit six enfants. Ses contacts sur la route avec des juifs et des chrétiens lui permirent de constater les avantages de la morale judéo-chrétienne et l’efficacité, par 45° à l’ombre, des prescritions hygiéniques et alimentaires de la kashrout.

On connaît la suite : Gibril dans le rôle de l’Ange Gabriel transforma ces préceptes en révélation divine et donna à l’accomplissement de ces pratiques un caractère religieux. Mais très objectivement, la plupart des Hadiths du Coran concernent l’organisation familiale et sociale, les pratiques et les règles juridiques à observer dans ces domaines, ce qui en fait un code civil plus qu’une somme théologique. L’islam a bénéficié de l’antériorité du Judaïsme et du Christianisme ; ses messages ont donc été parfaitement ajustés à leur objectif : discipliner et contrôler l’être humain. Le pouvoir politique l’a utilisé sans vergogne pour manipuler les peuples, tant il est vrai que la religion s’est toujours avérée l’arme la plus efficace pour anéantir toute aspiration à la démocratie et à la liberté.

Un simple constat: les monarchies héréditaires musulmanes se sont systématiquement trouvé une filiation directe avec le Prophète ou l’un de ses descendants ! Pour leurs chefs, pour les meneurs, la religion a toujours été un moyen, jamais une fin. Ben Laden, comme ceux qui l’ont précédé et ceux qui prendront sa suite, n’en a strictement rien à faire (et je suis poli…) du projet spirituel du Djihad et de l’accomplissement des hadiths du Coran. L’Islamisme sert juste un dessein politique. La religion n’est que l’instrument de la conquête, ou plutôt de la reconquête. Qu’importe le temps que cela mettra : dix ans, vingt ans, plus de trente ans peut-être…Ce que l’Islam a programmé, c’est la chute de l’Occident et de la civilisation judéo-chrétienne. Pas pour le takbîr, mais pour conquérir le monde et ses richesses, asservir ses populations. Allahou Akbar, proclamé et calligraphié sur les emblèmes et les drapeaux, n’est qu’un cri de guerre destiné à galvaniser les pauvres idiots crédules qui se prennent pour des soldats d’Allah et ne sont que la chair à canon de ceux qui rêvent de pouvoir absolu et universel depuis 1422 ans !

Le terrorisme est une tactique, que les islamistes utilisent ponctuellement ; pour entretenir la terreur, bien sûr, mais aussi parce qu’ils ont compris tout le bénéfice qu’il pouvaient tirer de la dichotomie que vous avez créée entre la religion musulmane et l’Islam « radical ». En triant vous-mêmes les « bons musulmans » des mauvais, vous vous êtes tiré une balle dans le pied et vous leur avez rendu un fieffé service ! En focalisant l’attention sur le terrorisme, vous réduisez la cible contre laquelle vous devriez combattre. Grâce à la très ancienne tactique du leurre, les Islamistes vous montrent du doigt les djihadistes et détournent votre attention du cheval de Troie qu’ils ont construit et mis en marche pour vous soumettre.

Et que l’on ne vienne pas me parler de «musulmans modérés»! Ils sont, évidemment, très largement majoritaires aujourd’hui. Mais où et comment les voit-on condamner les agissement des fondamentalistes? Combien sont-ils à être descendus dans la rue pour manifester massivement contre Al Qaïda au lendemain du 11 septembre 2001 ? Pour hurler à la face du monde, dans tous les médias et dans toutes les langues qu’ils se désolidarisent du salafisme, du wahhabisme, du frérisme et autres branches radicales de l’Islam ? Pour affirmer qu’ils vont faire le ménage dans leurs pratiques, actualiser drastiquement la charia et définir une ligne exclusivement métaphysique à leur religion ?
La religion musulmane n’est pas monolithique et exclusivement constituée de conquérants assoiffés de pouvoir et de vengeance, c’est clair. Mais la conquête est consubstantielle de la religion musulmane. L’Islam, sa culture politique, sa doctrine, son prosélytisme, son histoire et sa finalité sont intrinsèquement d’inspiration guerrière. De même que la vie ne peut se concevoir sans la mort, il n’y a pas de soumission sans victoire, ni de victoire sans combat. Or, la soumission à Allah est l’essence même du message de l’Islam.

C’est pourquoi les musulmans se soumettent implicitement aujourd’hui au fondamentalisme que leur impose l’Islam radical. Ils s’y soumettront explicitement demain et vous ne résisterez pas, un jour, à la tentation de vous y soumettre à votre tour. Parce que la peur est l’arme absolue, l’arme que l’Islam politique utilise avec talent pour anéantir toute forme de résistance à leur domination. Ils l’utiliseront jusqu’au bout, contre vous, mais aussi contre ceux que vous appelez « les musulmans modérés » pour anéantir votre civilisation.

Bien sûr qu’il existe des courants plus ou moins progressistes comme le malikisme, dont le logiciel est régulièrement mis à jour par le Roi du Maroc. Bien sûr que l’on peut interpréter le Coran de dizaines, de centaines de manières. Bien sûr que l’on peut intellectualiser le concept du Djihad et en faire un idéal moral (…) Néanmoins le syllogisme est évident et les faits sont têtus : tous les musulmans ne sont pas des fondamentalistes islamiques ni des djihadistes ; mais tous les fondamentalistes islamiques et tous les djihadistes sont musulmans. Trop facile d’établir une distinction morale et sémantique entre les prescriptions religieuses supposées acceptables, que vous qualifiez d’ « islamiques » et celles, intolérables, cataloguées « islamistes ». Quand on tue au nom de l’Islam, on n’accomplit pas un acte de dément, pas plus qu’un crime de sang ordinaire. Quand on tue au nom de l’Islam, c’est qu’on vous a mis dans la tête qu’il est de votre devoir de croyant d’exterminer les incroyants, lesquels auraient soit disant « déclaré la guerre » aux soldats de la vraie foi !

La motivation du donneur d’ordre est politique, pas religieuse. Ils arriveront à leurs fins, parce que la dialectique de l’Islam est redoutable. Les stratégies et les techniques de communication qu’ils mettent en œuvre sont très subtiles et pertinentes, car ils savent parfaitement comment vous fonctionnez. Ils achètent depuis des années les réseaux de communication qui influencent l’opinion publique, en Europe comme aux USA. Vous êtes des enfants dans leurs mains. Ils vous connaissent très bien, alors que vous ne les connaissez pas. Vous êtes manipulés et vous ne le savez pas.

Ils ont compris voila longtemps que votre talon d’Achille, c’est la mauvaise conscience et la compassion. Les Français en sont rongés depuis qu’on leur a mis dans la tête que la colonisation de l’Afrique et du Maghreb avait été un crime contre l’Humanité commis par leurs aïeux. Les uns après les autres, tous les gouvernants français ont baissé leur froc et fait acte de «repentance» vis-à-vis de ces peuples que leurs pères avaient «exploités» ; mais a-t-on songé à demander aux Arabes de se repentir, eux qui ont réduit en esclavage pendant des siècles, des générations d’Africains ?

Je suis athée, mais je ne pourrais pas le dire si j’étais resté dans mon pays. Pas plus hier qu’aujourd’hui. Ce n’est pas un problème de liberté d’expression, c’est juste un problème de liberté d’être. On n’a pas le droit d’être athée en Islam : juif, chrétien, oui. Athée, non. Mon appréhension, au vu de tout ce qui s’est produit depuis une dizaine d’années, c’est que je ne puisse pas le dire demain ; ici, dans ce beau pays libre qu’est la France. Je ne le crains pas pour moi, bien sûr, je suis vieux. Mais je crains que mes enfants et mes petits enfants se trouvent confrontés à la main-mise de l’Islam, à laquelle j’ai eu la chance de me soustraire voila près d’un siècle.

En 25 ans, j’ai vu évoluer la société française d’un modèle républicain et comme vous dites « laïc » vers un modèle communautaire à l’anglo-américaine. Il a fallu dix-neuf siècles de conflits et de guerres pour que la France, « Fille aînée de l’Eglise » sépare sa « mère » de son Etat, en 1905. Et encore, nous sommes très loin du compte aujourd’hui, pour les raisons économiques et électoralistes que tu connais mieux que moi. Il n’y a qu’à regarder tes hommes politiques se trémousser dans les églises, les mosquées et les synagogues pour en être convaincu.

La religion est un leurre contre la peur de la mort ; un leurre pour assujettir ceux qui ont vocation à être dominés. Depuis toujours, la religion est l’auxiliaire du pouvoir. Dans toutes les religions. Pourquoi l’être humain a-t-il tellement besoin de se raccrocher à un Dieu et à un au-delà pour tenter d’évacuer la peur de la mort ? Je ne sais pas. Moi, vois-tu, je n’ai jamais eu peur. Jamais eu peur de la mort, en tous cas. Sauf (rires) que j’ai toujours craint d’être enterré vivant. Je fais très souvent un affreux cauchemar. On ferme mon cercueil alors que je suis assoupi. Je me réveille et je frappe désespérément sur le couvercle en hurlant : bande d’idiots, espèces d’imbéciles… Vous ne voyez donc pas que je ne suis pas mort ? »


Mon père est mort le 28 avril 2014 dans sa centième année. Il a arrêté de se nourrir, estimant qu’il avait suffisamment vécu.

Il n’a pas connu les attentats de Charlie Hebdo, du Bataclan, de la Promenade des Anglais à Nice, ni l’égorgement du Père Jacques Hamel à St. Etienne-du-Rouvray.

A chacune de ces attaques terroristes et plus encore aujourd’hui, après le carnage barbare du Hamas perpétré le samedi 7 octobre 2023, j’ai repensé à ce qu’il m’avait dit au lendemain du 11 septembre 2001.


[1] Agha Djoun est mon grand-père, le père de mon père. C’est l’appellation donnée dans les familles, qui peut s’interpréter : « Votre Éminence chérie » et qui traduit tout à la fois la déférence et l’affection. En l’occurrence, mon grand-père était haut fonctionnaire territorial, c’est à dire Trésorier général dans plusieurs provinces, d’où les déménagements successifs vécus par ma famille.

Lost in trans-nation

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Nous publions ici les bonnes feuilles du dernier livre de la journaliste Sylvie Perez, En finir avec le wokisme. Récit d’une contre-offensive anglo-saxonne, publié aux éditions du Cerf.


Retrouvez également Sylvie Perez en discussion avec Jeremy Stubbs dans le dernier épisode de notre podcast

Le monde à l’endroit

Le néo-progressisme anglo-saxon a un coup d’avance. Ses inventions arrivent chez nous avec un temps de retard. Ce qui se joue ici, le plus souvent, s’est joué là-bas un peu plus tôt. En sorte qu’observer l’évolution de cette mouvance dans l’anglosphère est un moyen de lire l’avenir. Or, là où il a été conçu et mis en œuvre, le wokisme est aujourd’hui la cible d’esprits critiques qui démasquent ses slogans et documentent ses impasses. Les avancées du laboratoire anti-woke sont ourdies par des esprits contrariants de tous horizons philosophiques, politiques, religieux ou ethniques. Ils se préoccupent de contenir cette idéologie brouillonne qui ébranle et fragilise jusqu’au socle des institutions ; ils n’ont en commun que le refus catégorique de la post-vérité et s’affairent à déjouer l’avènement d’un monde orwellien. La question transcende les familles politiques et mobilise une nouvelle catégorie de bretteurs, politiquement non-binaires. Le wokisme, instigateur de fluidité et de trans-identité, aura aussi engendré la trans-politique !

Depuis Londres, point d’étape du wokisme entre l’Amérique et la France, j’ai pu observer l’élaboration des stratégies de réponse et le sursaut en cours. Si le wokisme est un mouvement sismique initié dès les années 1980, ses effets les plus extravagants apparurent ces dix dernières années. Comme l’écrivait Simon Leys[1] : « L’histoire a déjà montré à plusieurs reprises qu’il ne faut pas grand-chose pour faire basculer des millions d’hommes dans l’enfer de 1984 : il suffit pour cela d’une poignée de voyous organisés et déterminés. Ceux-ci tirent l’essentiel de leur force du silence et de l’aveuglement des honnêtes gens. »

A lire aussi : My name is Woke… James Woke !

Optimistes et déterminés, les dissidents du wokisme ont élaboré les outils de la résistance. Parmi eux, quelques génies de la tech exaspérés par la bien-pensance de la Silicon Valley, quelques féministes qui aiment les hommes, quelques humoristes casse-cou qui se rient de tout, quelques juristes attachés aux principes fondamentaux du droit, quelques artistes qui se détournent du réalisme progressiste et s’occupent de créer plutôt que d’éduquer le peuple, quelques doctorants qui veulent sauver l’université, quelques acharnés qui décodent la novlangue politiquement correcte, quelques absolutistes de la liberté d’expression qui ne sont pas dupes des sermons contre les ‘discours de haine’, quelques représentants de la communauté noire peu disposés à servir de marionnettes aux associations antiracistes, quelques transgenres qui n’ont nul besoin de nier la biologie pour exister, tout un monde qui préfère rester vivant plutôt que gaspiller ses efforts à s’autocensurer et dénoncer le mal-pensant.

Déjà, d’excellents ouvrages sont parus en France, qui documentent les effets du wokisme. Celui-ci en chronique la riposte, mise au point par les promoteurs d’une société qui réhabilite l’ironie et le mauvais esprit, valorise le génie humain, la diversité d’opinions, l’invention, la recherche, le savoir, le mérite, une société où l’on respire à nouveau. Une société, quoi.

(…)

Le passé n’est plus ce qu’il était

L’association History Reclaimed (L’histoire réhabilitée), se constitue en août 2021 pour contrebalancer l’instrumentalisation woke de l’histoire, qui réduit le passé occidental à trois sacrilèges : le colonialisme, l’impérialisme, le racisme. Constatant que cette vision manichéenne se mue en doxa, les historiens s’impliquent dans les guerres culturelles. Le site History Reclaimed leur est ouvert pour rétablir les vérités complexes, instaurer de la nuance, apporter une perspective historique au débat… historique.

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Le wokisme s’est focalisé sur l’histoire du commerce triangulaire et de l’épisode effroyable de la traite des Noirs. On voudrait réparer le passé sous la forme de compensations financières pour les descendants d’esclaves. Robert Tombs, professeur d’histoire à Cambridge et fondateur d’History Reclaimed, doute du bien-fondé de cette démarche. Selon lui, le projet de recherche financé par l’université de Cambridge quant à ses liens avec l’esclavage et la nécessité d’envisager des réparations, est une opération de relations publiques plutôt qu’un projet académique : « Si la question est : « l’université a-t-elle bénéficié de l’esclavage ? », la réponse est évidemment oui. Toutes les institutions européennes ont bénéficié, directement ou indirectement, des revenus d’industries esclavagistes (sucre, coton, tabac), me dit-il. Ce qui caractérise Cambridge ce sont ses actions contre l’esclavage. En 1785, le vice-chancellier de l’université a lancé ce sujet d’étude : « Peut-on réduire des hommes en esclavage contre leur volonté ? » L’étudiant Thomas Clarkson (1760-1846) a reçu un prix pour son essai, après quoi il n’a cessé de militer pour l’abolition de l’esclavage. En 1789, un jeune député Tory, William Wilberforce, également diplômé de Cambridge, a mené aux Communes une campagne contre la traite négrière qui a conduit à l’abolition. Donc, si l’université a reçu de l’argent d’industriels ayant bâti leur fortune sur le commerce des esclaves, elle a aussi été très active pour bannir l’esclavage. Seulement, ce programme de recherche étant diligenté dans le cadre « d’initiatives sur l’égalité des races », l’objectif est de s’auto-flageller pour pouvoir clamer : « regardez comme nous sommes vertueux ». Ce serait une bonne idée de proposer des bourses pour les étudiants africains, non par souci de réparations, mais parce que nous n’avons plus d’étudiants africains. C’est dommage.»

Comprendre le présent à la lumière du passé plutôt que juger le passé à la lumière du présent. (…) L’association de Robert Tombs entreprend de désamorcer les mines woke sur le champ de bataille qu’est devenue l’histoire. Le site se présente comme un journal savant numérique, publie les contributions d’historiens, propose un podcast, l’accès à des sources historiques fiables, des listes de lectures, un prix du livre d’histoire et des débats sur les sujets qui font le buzz.

(…)

Scandale sanitaire

Qu’allaient pouvoir faire deux modestes psychothérapeutes face à un mouvement de société aussi puissant ? J’ai rencontré Marcus et Sue Evans le 3 février 2020 pour parler des affaires qui les ont propulsés à la une de la presse britannique. Le couple Evans se trouve alors embarqué dans une audacieuse tourmente juridique. Marcus Evans a démissionné l’an dernier du directoire du Tavistock & Portman NHS Trust, à Londres, qui abrite le GIDS (Gender Identity Development Service), la plus grande clinique du genre pour mineurs au monde. Sue Evans, quant à elle, intente une action en justice contre le même Tavistock auquel elle reproche d’infliger aux enfants des traitements hormonaux expérimentaux. (…)

Comme aux Usa, la dysphorie de genre s’est propagée au Royaume-Uni. Le nombre d’enfants consultant au GIDS est passé de 77 en 2009 à 5000 en 2021, soit une augmentation de 6400%. Et le chiffre a doublé en deux ans seulement, entre 2019 (2500) et 2021 (5000). « La contagion sociale est préoccupante, parmi les filles notamment, qui représentent aujourd’hui 76% des patients, me dit Marcus Evans. Cette situation est inédite. Or aucune recherche sérieuse n’est entreprise sur ce sujet. » (…)

Sue Evans a travaillé au GIDS entre 2003 et 2014. S’apercevant que les enfants sont orientés hâtivement vers des traitements hormonaux, elle s’en inquiète auprès de la direction. Malgré une enquête interne, rien ne change. « On voyait des jeunes à qui on prescrivait des hormones, après seulement trois ou quatre sessions de psychothérapie, me dit Sue Evans. Il m’était arrivé de suivre des patients pendant deux ans, pour des problèmes de désordres alimentaires. Jamais je n’aurais pu les guérir au bout de quatre consultations ! Le transgenrisme est comparable. Le patient est très déterminé dans son récit. Il a cerné le problème (je ne suis pas né dans le bon corps) et la solution (il faut que je change de sexe). Un patient souffrant d’anorexie est persuadé qu’il est trop gros. Abonder dans son sens ne l’aidera pas. L’approche affirmative préconisée par les associations transgenres consiste à souscrire d’emblée au récit du patient et l’envoyer chez l’endocrinologue. Ça n’a pas de sens. La psychothérapie aspire à adapter l’esprit au corps, et non à modifier le corps pour qu’il corresponde à l’idée que le patient s’en fait. Les militants transgenres veulent soustraire la dysphorie de genre du champ psychologique.»

A ne pas manquer, Débat entre Véra Nikolski et Antoine Buéno: Comment habiller les écolo-féministes pour l’hiver?

Pour soigner la dysphorie de genre, le couple Evans préconise une thérapie exploratoire, plutôt qu’affirmative. « On écoute le patient, on l’interroge sur son problème d’identification de genre, mais aussi sur son environnement familial, scolaire, on essaie de comprendre ensemble sa souffrance. Dans 90% des cas, sans traitement hormonal, le patient finit par se réconcilier avec son corps, m’explique Marcus Evans. La puberté est une étape complexe, anxiogène. Toute une palette de problèmes sont en jeu à l’adolescence, moment de métamorphose sociologique, psychologique, physiologique. Il faut laisser les jeunes traverser cette phase de la façon la plus naturelle possible au moins jusqu’à 25 ans, âge auquel ils deviennent plus apaisés, ils assument leur corps, leur sexualité. Les activistes disent que les bloqueurs de puberté sont « juste une pause ». Mais il n’y a pas de bouton « pause » dans le développement d’un enfant ! En interrompant son évolution, vous le soustrayez à son groupe d’âge. Pendant que ses camarades se transforment, l’enfant sous inhibiteurs d’hormones garde son allure enfantine. Vous le privez d’une vie sociale normale. Ça n’est en aucun cas un acte neutre. »

Les inhibiteurs de puberté ne sont pas homologués pour soigner la dysphorie de genre, ni aux États-Unis dans le classement de la Food and Drug Administration, ni au Royaume-Uni où le National Institute for Care and Health Excellence (NICE), en 2020, après examen des études parues sur le sujet, concluait qu’il n’existait pas de preuves suffisantes en faveur d’un traitement hormonal de la dysphorie de genre. On manque de recul pour juger des bénéfices/risques de cet usage détourné[2] des inhibiteurs de puberté sur des enfants transgenres. Et les effets secondaires observés jusqu’à présent sont alarmants : altération du développement cérébral et du quotient intellectuel, ostéoporose, chute de la libido, stérilité lorsque le traitement est initié très jeune.

(…)

Lost in trans-nation

Il n’est pas jusqu’aux médecins du genre, parmi les plus renommés, qui ne s’inquiètent de l’intégrisme trans-affirmatif. Parmi eux, le Dr Marci Bowers, elle-même transfemme, gynécologue obstétricienne spécialiste de la vaginoplastie (elle en a pratiqué plus de deux-mille) et mondialement réputée. C’est elle qui opéra la célèbre Jazz Jennings (le petit garçon américain qui se sentait fille et dont la transition a été feuilletonnée en temps réel à la télévision). Le docteur Bowers n’a pas caché les complications auxquelles elle s’est trouvée confrontée lors de la construction du vagin de Jazz Jennings, du fait que sa patiente, mise sous bloqueurs de puberté à un jeune âge, était équipée d’organes génitaux succints offrant peu de tissus. Le Dr Bowers recommande la prudence dans l’administration de bloqueurs de puberté du fait qu’ils hypothèquent plaisir sexuel et fertilité à l’âge adulte.

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Erica Anderson, elle aussi transfemme, est une célèbre psychologue californienne pro-affirmation de genre, et Laura Edwards-Leeper est la co-fondatrice de la première clinique du genre américaine à Boston (USA). Fin novembre 2021, Anderson et Edwards-Leeper cosignaient un article dans le Washington Post. Elles exprimaient leur inquiétude devant le nombre exponentiel de jeunes filles orientées vers l’hormonothérapie avant même d’avoir eu accès à une prise en charge psychologique correcte. « L’afflux de patients auprès des psychologues et des cliniques du genre, combiné à un climat politique qui envisage les soins de chaque individu comme un test de la tolérance de la société, emmène les praticiens sur une pente glissante et dangereuse. (…) La pression des activistes au sein du personnel médical et des départements de psychologie qui, de conserve avec certaines organisations LGBT, réduisent au silence les détransitionneurs et sabotent toute discussion sur ce qui se joue dans ce domaine, est inadmissible. (…) cela sème le doute quant à l’honnêteté de notre profession et notre dévouement à aider les trans. »[3]

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[1] Orwell ou l’horreur de la politique, Simon Leys, p32

[2] Les bloqueurs de puberté sont indiqués dans les cas rares de puberté précoce, mais ne sont en aucun cas destinés aux jeunes dont le développement physiologique est normal. La prescription de bloqueurs de puberté aux enfants transgenres est un usage détourné et expérimental des hormones synthétiques.

[3] The Washington Post, « The mental health establishment is failing trans kids. Gender exploratory therapy is a key step. Why aren’t therapists providing it ?”, Laura Edwards-Leeper, Erica Anderson, 24 novembre 2021

Karim Benzema, meilleur buteur de l’équipe de (l’anti) France?

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Le grand benêt de Villeurbanne, expatrié en Arabie Saoudite, est accusé de répandre un frérisme d’atmosphère dans la jeunesse française… Gérald Darmanin affirme qu’il retirera ses accusations envers le joueur, s’il écrit un message pour notre professeur tué à Arras. L’avocat du footballeur dénonce un « odieux chantage », et explique qu’il lui aurait confié que « ce sont [ses] gamins qui souffrent parce qu’on accuse leur père d’être un terroriste »


Malgré son départ pour l’Arabie Saoudite l’été dernier, et sa retraite internationale prise l’hiver dernier au lendemain d’un Mondial qu’il n’a pas joué, Karim Benzema est revenu en force dans l’actualité nationale. Pas forcément par la bonne porte. Le « Ballon d’or du peuple » (c’est ainsi qu’il s’est présenté quand il s’est vu remettre le prestigieux trophée décerné par France Football à l’automne 2023), est suspecté, depuis le retour du tragique au Proche-Orient, à Arras et à Bruxelles, de faire preuve de beaucoup d’empathie pour les victimes gazaouies des bombardements israéliens, « qui n’épargnent ni femmes ni enfants », et pas du tout pour les victimes du terrorisme islamiste, que ce soit durant les années 2015-2016 ou plus récemment après le drame d’Arras.

Notre ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, le suspecte d’être en lien « notoire avec les frères musulmans », fameuse organisation née en 1922 en Égypte dont les branches sont multiples et complexes à travers le monde, du Hamas jusqu’à l’ex-UOIF (Union des organisations islamiques en France) devenue « Musulmans de France »[1] en 2017.

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On peine à croire que le locataire de la place Beauvau sorte cela sans un minimum d’informations… Depuis, c’est un peu le concours entre le ministre de l’Intérieur, « Reconquête » et ce qu’il reste des Républicains pour taper le plus fort sur l’ancien attaquant du Real Madrid. Valérie Boyer, sénatrice LR de Marseille, a même demandé la déchéance de sa nationalité française… et le retrait de son Ballon d’Or.

Giroud-Benzema : la France tartiflette contre la France des kebabs

Entre Karim Benzema et le public français, ça a toujours été une longue histoire de « Je t’aime moi non plus ». Même lors de ses longs moments de disette devant le but avec l’équipe de France, personne n’a jamais contesté les qualités footballistiques du prodige formé à Lyon. L’attaquant, de son côté, n’a jamais fait tellement mystère que s’il avait revêtu le maillot bleu plutôt que celui des Fennecs algériens, c’était par pur opportunisme professionnel : il est plus facile de négocier un juteux contrat avec le Real Madrid, quand, à vingt-deux ans, on a déjà une vingtaine d’apparitions avec l’équipe de France. Il n’a que dix-neuf ans, quand il confie à RMC que les Bleus, « c’est plus pour le côté sportif, parce que l’Algérie c’est mon pays, voilà, mes parents ils viennent de là-bas. Après, la France… C’est plus sportif, voilà ». Quand retentit La Marseillaise, les lèvres de Benzema ne bougent jamais. En novembre 2015, lors d’un Real Madrid-FC Barcelone, quand le public espagnol fredonne l’hymne national français en hommage aux victimes des attentats, les caméras attrapent Benzema en train de cracher au sol. Nadine Morano, eurodéputée LR, y voit le signe de son dédain pour la France. « C’est nul d’inventer des histoires comme ça, de dire des choses graves. Pendant la Marseillaise, je suis concentré, je pense aux victimes, aux familles, à ma famille, aux gens qui m’aiment, au football. Je suis sincère et sérieux dans mon regard. Je crache à la fin, comme à tous les matchs, comme tous les joueurs », se défendait-il.

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A partir de son éviction des Bleus, en 2016, à la suite de l’affaire Valbuena, le public français va se couper en deux. Comme il y a eu les fans des Beatles d’un côté et ceux des Rolling Stones dans les années 60, les fans de Blur contre les fans d’Oasis dans les années 90, il y a dans la France des années 2010 deux camps : les pro-Giroud et les pro-Benzema. Avec un assez net clivage ethnique parmi les partisans. A regarder les réactions sur le net, se dessine une cassure entre la France tartiflette et la France des kebabs. Pourtant, au printemps 2021, c’est presque le grand rabibochage : Didier Deschamps rappelle l’enfant prodigue. L’union sacrée est en marche. Benzema et l’équipe de France, c’est l’histoire de l’ex que l’on croise un beau jour dans la rue. On se dit : « mais pourquoi on s’est séparés, au fait ? ». On se remet ensemble et après quelques minutes de vie commune, on se souvient pourquoi.

Un formidable exemple malgré tout

L’été dernier, Karim Benzema a fait partie de l’impressionnante transhumance de stars mondiales du football vers l’Arabie Saoudite. Pour les autres, les Neymar, les Cristiano Ronaldo, les salaires alléchants ont été l’unique motivation. Pour Benzema, il y avait un petit quelque chose en plus, un supplément d’âme. Il déclarait : « C’est un pays musulman et j’ai envie de vivre là-bas ». À l’instar de Diam’s, qui a arrêté le rap, a pris le voile et s’est réfugiée en Arabie après sa conversion… On l’a découvert le 23 septembre habillé à la Saoudienne pour la fête nationale : shemagh sur la tête, à damiers rouge et blanc? et bisht beige sur les épaules. Non loin, le drapeau saoudien repose. Il y a des nations d’adoption dont on adopte les codes plus rapidement que d’autres.

Karim est aujourd’hui au cœur de toutes les critiques de la droite nationale. Et pourtant, n’est-il pas un formidable exemple pour la jeunesse désœuvrée et déracinée d’ici, de retour aux sources spirituelles, au beau milieu du Dar al-Islam ? Gaspard Proust disait sur Europe 1, face à Philippe de Villiers : « Karim Benzema, moi je l’envie. Lui en Arabie Saoudite, contrairement aux Européens qui vivent sur le sol européen, s’il vit en harmonie avec les valeurs locales, il sait qu’il est parfaitement en sécurité dans la rue ».


[1] Le président des « Musulmans de France » à l’époque, Amar Lasfar, avait déclaré au moment où l’organisation changeait de nom : « Nous ne faisons pas partie des Frères musulmans. En revanche, nous nous inscrivons dans leur courant de pensée ».

Islamisme: des fichés S sur les bancs de l’école de votre enfant

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La liberté éducative des parents étant restreinte, depuis 2021, vous ne pouvez plus soustraire vos enfants à ces camarades de classe dangereux. Une tribune libre de Laurence Trochu, la présidente du Mouvement Conservateur.


Le sujet de l’éducation est décidément le fil rouge du présent quinquennat. Voici que désormais, après la terrible attaque d’Arras qui a mis fin aux jours de Dominique Bernard, professeur apprécié qui jamais n’aurait mérité un tel crime, les alertes se multiplient dans les écoles, au point de plonger, en de nombreux endroits, des enfants dans l’anxiété, au péril de leur équilibre psychologique et mental. C’est la révélation d’une nouvelle faille dans l’Éducation nationale, qui n’avait certes pas besoin de cet avatar de plus : nous découvrons qu’il y a au sein même des établissements publics, des adolescents islamistes en puissance qui peuvent, sur un coup de tête, se livrer aux pires exactions. Gérald Darmanin a évoqué, sur BFMTV, « plus de 1 000 mineurs avec des fiches actives pour islamisme ». Terrible découverte, qui met bien des parents dans l’angoisse. 

Responsabilités

Comment lutter contre la violence, et contre le terrorisme islamique ? Lors des émeutes de l’été dernier, Emmanuel Macron en appelait à la responsabilité éducative des parents. Ce n’est pas le Mouvement conservateur qui dira le contraire. Mais venant d’Emmanuel Macron, la belle affaire ! Il ne peut s’en prendre qu’à… lui-même. Car c’est bien le président de la République qui, en 2021, supprimait d’un trait de plume la liberté éducative des parents.

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Souvenons-nous : pour enrayer l’islamisation dès l’enfance, une loi contre le « séparatisme », renommée selon la novlangue orwellienne de rigueur « loi confortant la laïcité et les principes républicains », a marqué une étape de plus dans la longue marche d’uniformisation de l’éducation en France. Sous l’apparence d’un objectif louable, il s’agissait de mettre fin à l’instruction en famille (IEF) pour faire de l’enseignement un quasi-monopole étatique. Avec les insuffisances que l’on sait : classement PISA en chute libre, idéologie égalitaire et multiculturaliste, méthodes pédagogistes ringardes. 

Laurence Trochu © D.R.

La dramatique actualité de ces derniers jours ajoute un inacceptable parfum de rancœur, elle attise la colère légitime des parents qui se méfiaient des prétentions du léviathan éducatif. Si personne n’a encore prouvé l’existence d’islamistes dans les familles ayant recours à l’instruction en Famille, leur présence est en tout cas avérée au sein même de nos écoles publiques où sont pourtant dispensés des cours d’empathie et de vivre-ensemble. C’est bien le cas de Mohammed Mogouchkov, le terroriste de l’attentat islamiste d’Arras; c’était le cas de Mohammed Merah et d’Adel Kermiche, le meurtrier du Père Hamel. 

Impossible d’échapper à l’Éducation nationale désormais…

Jusqu’en 2021, et depuis plus d’un siècle, en France, c’est l’instruction qui était obligatoire. La liberté fondamentale de l’enseignement laissait aux parents le droit de choisir le mode d’instruction qu’ils souhaitaient donner à leurs enfants. L’instruction en famille était soumise à un régime simple de déclaration auprès des autorités compétentes avec contrôle annuel des enfants instruits à la maison. Dans son article 21, la loi de 2021 a restreint la possibilité d’y recourir en imposant un régime d’autorisation, soumis à l’éligibilité de seulement quatre motifs : l’état de santé de l’enfant ou un handicap, la pratique d’activités sportives ou artistiques intensives, l’itinérance ou l’éloignement géographique d’une école, et enfin la situation propre à l’enfant. 

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Dans ce contexte, le Mouvement Conservateur salue la pertinente proposition de loi déposée mardi 17 octobre 2023 par le député Xavier Breton. Elle s’appuie sur les témoignages, nombreux, que nous recevons de ceux qui sont et doivent rester les premiers éducateurs de leurs enfants, à savoir les parents ! Parce que Le Mouvement Conservateur soutient les familles dans leur volonté de s’adapter aux différentes situations de la vie quotidienne pour le bien de leurs enfants, il ne peut que soutenir la démarche de ces parlementaires.

Dans un premier temps, nous espérons que le travail législatif permettra d’obtenir enfin les chiffres sur les autorisations, refus, recours par académie, chiffres qui sont aujourd’hui d’une rare opacité. Car la mise en œuvre des nouveaux critères s’avère plus compliquée qu’il n’y paraît. Ainsi, recourir à l’IEF en raison d’une situation propre à l’enfant exige de déposer la demande entre le 1er mars et le 31 mai précédant la rentrée scolaire, alors même que le besoin peut se révéler plus tard. Et des académies entières refusent systématiquement toutes les demandes. Quand, à l’entrée en sixième, un élève sur deux n’a pas le niveau de fluidité requis en lecture, il est grand temps de mettre fin à cette hypocrisie qui, sous couvert de bonnes intentions, sert surtout à mettre les derniers clous sur le cercueil de la liberté de l’enseignement. Après l’instruction en famille, qui sera la prochaine victime de l’uniformisation de l’éducation ? Les cours par correspondance, les écoles libres, les écoles privées sous contrat ? Comme nos parents en 1984 – année ô combien symbolique – , nous continuerons de nous battre pour la pleine liberté de l’enseignement.

Hélène Grimaud, rock star


La pianiste Hélène Grimaud, connue dans le monde entier, ne passe jamais inaperçue. Quand elle entre dans un restaurant, tout le monde la regarde et s’extasie devant sa beauté. C’est une femme charismatique, comme il en existe peu. Tantôt blonde, tantôt brune, pour casser son image, ses yeux bleu-gris envoûtent. Elle est toujours dans un avion, dort dans des chambres d’hôtel, remplit les salles de concert du monde entier. Elle est une force qui va, difficile à saisir. Elle se ressource sur la côte Ouest des États-Unis, chez elle, recluse, pour échapper au bruit et à la fureur, et protéger les chevaux mustangs, massacrés par l’appât du gain. Ce n’était donc pas évident de la saisir de « l’intérieur ». C’est la prouesse qu’a réussie Stéphane Barsacq avec le livre Renaître.

Se remettre au monde

Dès les premières pages, on comprend qu’on ne lit pas un ouvrage de commande, rédigé en trois mois, relu sur un coin de nappe. Il s’agit d’un livre de longue haleine, patiemment mûri, travaillé et retravaillé. C’est un livre qui a su donner du temps au temps. Il n’en est que plus rare. Hélène Grimaud apparaît à la fois forte et fragile, intelligente, surdouée, audacieuse, exaltée, parfois « désaxée » par le tourbillon de l’existence, mystique, amoureuse de la nature, des loups, des chevaux, des grands espaces, de la musique, bien sûr, en un mot : oxymorique. Stéphane Barsacq pose les (bonnes) questions et Hélène Grimaud répond sans fard. Il faut reconnaître que ses confessions tombent à pic. L’actualité internationale fait désespérer de l’homme. La barbarie gagne du terrain comme jamais, la nuit nucléaire nous guette, et les mots d’Hélène Grimaud nous redonnent l’espoir, et nous rappellent que la grâce existe et qu’elle peut, et doit, sauver l’humanité. « C’est une petite fille, à la sortie d’un concert, écrit la pianiste virtuose, qui m’a donné l’élan qui me manquait. Elle m’a demandé simplement : La musique, ça sert à quoi ? » La réponse se trouve dans son livre, résumée par son titre : Renaître. « Ce n’est pas assez d’être né : il importe de se remettre au monde, et de l’aimer ».  

Le loup est l’avenir de l’homme

Hélène Grimaud est reçue première à l’unanimité, à l’âge de treize ans, au Conservatoire de Paris. Autant dire que le piano est plus qu’une passion, c’est une véritable vocation, au sens religieux du terme. Mais cette femme de cœur à l’incroyable énergie a d’autres préoccupations. Elle a fondé un centre de préservation des loups aux États-Unis. Dans le loup, elle retrouve l’enfant sauvage qu’elle a été, cette difficulté à se sociabiliser, cette inaptitude à trouver sa place dans un monde matérialiste. Le défendre, c’est également préserver l’équilibre de l’écosystème de la planète. Son combat n’est pas idéologique, il est dicté par l’observation et le bon sens. « Aujourd’hui, écrit Hélène Grimaud, sur cette terre où l’homme pratique le grand génocide de la vie – chaque jour des dizaines d’espèces animales et végétales disparaissent –, où 16 125 nouvelles espèces sont menacées d’extinction, au rang desquelles, nouvellement désigné après l’ours polaire, l’hippopotame, il faut affirmer haut et fort que le loup est l’avenir de l’homme. » La musique est longuement évoquée dans l’ouvrage – comment pourrait-il en être autrement. C’est elle, après sa mère, d’origine corse, qui l’a éduquée. Mieux même : elle l’a élevée. Elle cite ses amis, qui ne la quittent jamais : Bach, Mozart, Haydn, Rachmaninov, Brahms, Chopin, et beaucoup d’autres. Hélène Grimaud n’élude aucune question. Elle parle également de la littérature, du féminisme, du piano, de son approche charnelle et sensuelle de l’instrument, du besoin de solitude, de nature pour retrouver l’équilibre perdu, de la foi si peu éloignée de la musique, de sa beauté que voulait filmer Ingmar Bergman. Hélène Grimaud est particulièrement touchante quand elle évoque son corps, ce corps qu’il convient de « dérider ». Au milieu des loups, dans la forêt, en compagnie de ses deux chiens, elle danse. Oui, elle danse avec les loups. Et là, elle fait « l’expérience physique de la joie. » Elle danse, comme dansait Bardot, la femme qui a tout sacrifié pour sauver les animaux de la souffrance infligée par l’Homme. Grimaud se souvient : « J’ai dansé ainsi pour la première fois enfant, en Camargue, dans les roseaux, après l’envol des chevaux dans celui des flamants roses. J’ai eu le désir soudain et irrépressible de virevolter, les bras tendus au ciel, les jambes ailées de gouttelettes qui volaient au soleil de son éclat. » Lisez ce livre. Vous verrez comme il fait du bien.

Hélène Grimaud, avec Stéphane Barsacq, Renaître, Albin Michel

Renaître

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Parking

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Pierre-Louis vieillissait. Mal, à l’en croire – si tant est qu’existât une façon de bien vieillir. De manière imperceptible parfois, mais toujours irréversible, chaque jour qui passait ajoutait au fardeau de sa décrépitude. Sa vue baissait. Son ouïe déclinait. Au matin, avant que la machine se soit remise en route, il avait peine à se mouvoir. Sa mémoire, elle aussi, s’engourdissait. Il avait de plus en plus de mal à retrouver les noms et, plus encore, les prénoms qui lui étaient naguère familiers. Ainsi avait-il cherché en vain, une journée durant, le nom du bassiste qui accompagnait Dave Brubeck dans Take Five. C’est dire l’état de délabrement de ses neurones. Il en était atterré. Une brusque illumination vint soudain percer l’opacité morose dans laquelle il se mouvait. En compagnie de son épouse, il parcourait les allées interminables d’un parking souterrain, en quête d’une place où garer leur voiture. Quête vaine. Le rendez-vous fixé par l’opthtalmologiste en était compromis. Chaque minute écoulée le rendait plus improbable. Soudain, une trouée : quatre ou cinq places vides se profilaient à l’horizon et Rosalie qui, depuis plus d’un an, avait remplacé son mari aux commandes de leur véhicule, accéléra.
« Tu vois, Pierre-Louis, il ne faut jamais désespérer de la Providence.
Avec un peu de chance, nous arriverons à l’heure. ».
Déception. Sur le sol du parking, le dessin d’un fauteuil roulant, sur fond bleu, assorti d’une inscription : « réservé aux personnes handicapées ».
« Qu’importe !, s’exclama Pierre-Louis. Garons-nous quand même. Après tout, ne suis-je pas, moi aussi, handicapé ? »
Le déclic. L’idée avait germé dans son inconscient. Il ne restait plus qu’à officialiser une situation subie en silence depuis de trop longs mois. Il s’en ouvrit à l’ophtalmologiste.
« Nous allons, lui dit le praticien, procéder à une évaluation de votre champ visuel. Le rétrécissement de celui-ci sera, si j’ose dire, un atout pour la reconnaissance de votre handicap. Il faudra toutefois que votre médecin généraliste procède à un examen approfondi de vos autres déficiences ».
L’affaire était enclenchée. Le docteur Bonnemaison, praticien de sa famille, connaissait bien Jean-Louis et ses handicaps. En outre, manifestement coutumier de ce genre de démarche, il extirpa sans hésiter, du tiroir de son bureau, un formulaire.

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« Je dois, prévint-il, me livrer à un interrogatoire minutieux pour juger, notamment, de votre état mental. Quel est votre nom ? »
Pierre-Louis retint avec peine le fou-rire qui le gagnait.
« Mais enfin, docteur, vous le connaissez ! De surcroît, il figure sur ma carte Vitale !
– Bien sûr, je le connais. Mais vous ? Pouvez-vous me donner la date d’aujourd’hui ?
– 25 septembre 2023.
– Parfait. Voyons voir… Donnez-moi le second prénom de votre grand’mère maternelle.
– Elise. Ma grand’mère s’appelait Marthe Elise.
– Bien. Votre mémoire a l’air en bon état. Je remplirai le reste du formulaire. Il concerne votre état physique et votre dossier sur mon ordinateur me fournira tous les éléments nécessaires. A priori, votre dossier devrait vous valoir une réponse favorable. »
Il brandissait une épaisse liasse.
– « Il ne vous restera plus qu’à envoyer ceci au service compétent du Conseil départemental ».
Exécution immédiate. La réponse arriva au bout d’une quinzaine. Elle émanait du service social du département : « Monsieur, nous accusons réception de votre demande Elle sera examinée quand le dossier ci-joint, dûment rempli, sera venu la compléter. »
Ledit dossier était impressionnant. Il comportait la liste de pièces officielles dont les photocopies certifiées conforme par l’autorité municipale: extrait de naissance, carte d’identité, carte Vitale, carte bleue, carte d’électeur, carte de fidélité au supermarché, relevés d’imposition des dix dernières années, certificat de domicile, dernières quittances d’eau et d’électricité, photographies diverses permettant d’authentifier le tout. Au total, un colis de deux kilos, renvoyé recommandé, par la poste, une semaine plus tard. L’attente commença. Pierre-Louis dépérissait, soutenu seulement par le suspense entretenu. Celui-ci fut interrompu au bout de six mois. Une lettre recommandée émanant du Conseil départemental lui signifiait qu’après un examen détaillé, son dossier faisait apparaître des inexactitudes :
« Ainsi, le second prénom de votre grand’mère était Elisabeth, et non Elise. Quant à votre chien Basile, dont la race, à vous en croire, est celle d’un patou des Pyrénées, la photo jointe laisse clairement apparaître qu’il s’agit d’un labrit, chien de berger. En outre, la couleur de votre voiture n’est pas blanche, mais plutôt grisâtre. En conséquence de quoi nous vous renvoyons votre dossier que vous voudrez bien relire attentivement et rectifier avant de nous le retourner. »
Stupéfaction. Découragement. Ecœurement. Cette fois, la coupe était pleine. Pierre-Louis se plia de mauvaise grâce à ces nouvelles exigences, mais sans la moindre illusion. Et il se laissa doucement glisser. Jusqu’au matin où Rosalie le trouva inerte dans son lit. Aux lèvres, un étrange rictus qui pouvait ressembler à un sourire.
Une heure après, le facteur sonnait à la porte. Il brandissait une lettre recommandée. Rosalie eut un pressentiment. Lorsqu’elle l’ouvrit, elle découvrit le précieux carton et se dirigea sans hésiter vers la chambre funéraire. Pierre-Louis gisait, les mains jointes sur sa poitrine. Son épouse glissa entre ses doigts le sésame tant attendu et murmura à son oreille :
« Tu en auras sans doute besoin. Là-haut, il doit y avoir de sacrés embouteillages ! ».

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Drieu la Rochelle, des archives pour la littérature… et pour l’histoire

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Pierre Drieu La Rochelle. © D.R.

Une vente exceptionnelle des archives Drieu la Rochelle est prévue à l’Hôtel Drouot, à la fin de l’année.


Après le splendide Drieu la Rochelle. Une histoire de désamours de Julien Hervier, le Pléiade Drieu la Rochelle, Romans, récits, nouvelles, et le Bouquins (six romans avec leur présentation, le tout couronné par un passionnant dictionnaire), voilà que l’écrivain maudit nous revient encore et toujours avec le catalogue – 374 lots – de la vente qui se tiendra le 15 décembre 2023 à l’Hôtel Drouot.

La préface en est rédigée par Julien Hervier, qui nous explique qu’il s’agit là de la dispersion de la totalité des archives en possession de la belle-sœur de l’écrivain, feu Brigitte Drieu la Rochelle, la veuve de Jean, frère de Pierre. Une partie des archives, aujourd’hui perdue, avait brûlé dans un incendie. Comme le dit bien le professeur Hervier : « L’ampleur de cette vente suffit déjà à établir l’importance de la place occupée par Drieu dans la vie littéraire française de l’Entre-deux-guerres et de l’Occupation ».

La variété des livres avec envoi, lettres et cartes montre bien que Drieu fut reconnu comme un écrivain important dès ses débuts littéraires, dès 1920, comme en attestent les belles dédicaces de Marcel Proust, Maurice Barrès ou Max Jacob. Cette variété d’ouvrages dédicacés bien avant que le futur directeur de la NRF ne dispose du moindre pouvoir, par Desnos, Radiguet, Aragon bien sûr, Cocteau, Audiberti, Éluard et bien d’autres, démontre que Drieu fut mêlé à tous les courants littéraires, à tous les grands débats de l’Interbellum. En 1938, le jeune Sartre lui envoie ainsi La Nausée

Le catalogue illustré de clichés uniques présente des manuscrits, des lettres, mais aussi la Croix de Guerre de l’écrivain (avec les citations pour trois blessures sur le front) ou encore son attestation de réforme définitive (septembre 1939) et même un tract de condamnation à mort par la Résistance. Y figurent un carnet des Dardanelles de 1915, des manuscrits autographes et des tapuscrits corrigés, dont ceux de grands romans, de Blèche à Gilles, du Feu Follet (20.000 – 25.000 €) aux Mémoires de Dirk Raspe, sans oublier L’Homme à cheval, l’un de ses chefs-d’œuvre, ou Les Chiens de paille. Des pièces de musée, qui, à mon sens, devraient rester accessibles aux chercheurs. Brouillons, notes, étapes d’une même œuvre sont en effet du plus haut intérêt ; il serait désolant que ces documents disparaissent à jamais.

La partie la plus passionnante de ce catalogue est constituée des multiples envois à Drieu tant elle présente des surprises, surtout après 1940, quand Drieu, d’une certaine manière, tient « le haut du pavé » littéraire et germanopratin. Maurice Blanchot, futur hiérarque de la French Theory, met non sans élégance les points sur les i à propos de sa participation à la NRF de guerre : « Je crois vraiment que ma présence à la NRF n’avait de sens que dans une solution de conciliation qui me semble devenue impossible. Et puis peut-on faire une revue si on écarte le passé et le présent ? J’en doute. Il vaut donc mieux que je rentre dans ma retraite où j’espère que votre amitié me suivra. » De même Albert Camus, dans une carte envoyée d’Oran, décline l’offre de participer à la NRF : « Je regrette de la décliner, je suis trop loin de Paris pour pouvoir prendre une décision. Les éléments d’appréciation me manquent ici et je n’aime pas faire sans voir clair. Je vous le dis tout droit. Ce que je sais de vous me permet de croire que vous comprendrez cette franchise. »

Éluard, en 1943, marque sa séparation : « Dans le temps, j’ai eu pour vous de l’estime et une réelle affection. Il y a deux ans, j’ai même cru que, grâce aux circonstances, j’allais vous retrouver. Vous vous étonnez de mon attitude. Mettons-la… sur le compte d’un certain avis qui rend responsable de n’importe quel crime (sic) des hommes, des femmes et des enfants qui en sont innocents. J’ai trop de cousins ! »

Mauriac fait l’éloge de Gilles, « un livre important, essentiel, vraiment chargé d’un terrible poids de souffrance et d’erreur… »

On y trouve aussi des brouillons d’articles parus ou non, comme ce tapuscrit d’un article interdit par la censure allemande (octobre 1940) : « Qu’est-ce que les Allemands dans Paris ? Ce n’est que nous-mêmes, notre crime, notre paresse, notre lâcheté. Les Allemands dans Paris, ce sont tous les enfants que nous n’avons pas faits. (…) Si les Allemands sont là, c’est que nous n’y sommes pas. »

Outre deux lettres de Gerhard Heller, trois livres de Jünger avec envoi, la correspondance avec Jean Paulhan (une soixantaine de lettres), citons l’émouvante lettre de Josette Malraux, qui lui demande, en 1943, d’être le parrain de son deuxième fils : « S’il y a des choses dont vous considérez qu’il est bon qu’elles soient enseignées à un homme, j’aimerais qu’il les apprenne de vous… André et moi, qui sommes sans frères, voudrions bien donner aux enfants des sortes d’oncles parfaits. »

Et aussi la lettre du 10 août 1944 adressée à son frère, considérée comme son testament : « Je n’étais nullement germanophile, mais il s’est trouvé que l’Allemagne a représenté tant bien que mal une partie des choses auxquelles je tiens et que représentait autrefois une certaine France nordique, normande, gauloise ou franque ». Il termine en s’affirmant communiste et précise : « j’ai trop combattu le communisme en Europe pour souhaiter même s’y rallier à la dernière heure ».

Une vente historique et qui concerne un écrivain incarnant à lui seul la profonde crise morale, esthétique et spirituelle du siècle vingtième. 


Vente Tessier-Sardou. Expert : Eric Fosse.

Exposition publique, jeudi 14 décembre à l’Hôtel Drouot.

Drieu la Rochelle: Une histoire de désamours

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Ubu en Roumanie

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Nicolae et Elena Ceausescu, 1974 © Sipa

Comme tous les dictateurs, Ceausescu a eu une vie rocambolesque. Dans la biographie qu’il lui consacre, Traian Sandu retrace l’ascension et le règne de cet apprenti cordonnier devenu le « génie des Carpates ». L’histoire d’une prise d’otage d’un pays et de son peuple.


Les images ont fait le tour du monde. Le 25 décembre 1989, un couple comparaît devant un tribunal populaire, quelque part en Roumanie. Un homme à cheveux blancs et sa femme, manteaux sur le dos, opposent à leurs juges une superbe arrogance. Cette parodie de procès, retransmise en quasi-direct à la télévision, est suivie de l’exécution des condamnés à mort. Les mains liées, ils sont fusillés côte à côte par un peloton ivre de rage. Ainsi finissent les Ceausescu. Avant cet emballement de l’histoire, qui mit fin à la dictature atroce de Nicolae, cet Ubu roumain galvanisé par le vampire Elena, il y a eu le fameux discours du conducator, quelques jours plus tôt, à la tribune du Comité central, interrompu par les huées de la foule. On y voit le satrape à la voix chevrotante, incrédule, tétanisé, esquisser un geste de la main.

Un régime longtemps fréquentable

Ces images célèbres éclipsent une réalité : maître de la Roumanie dès 1965, le « Génie des Carpates »resta populaire jusqu’au mitan des années 1970. Puis l’homme est demeuré longtemps encore, tant dans l’Occident capitaliste que dans les satellites en délicatesse avec l’URSS, ou même en Israël, une figure respectée. En plein Mai 68, de Gaulle ne se rend-il pas à Bucarest pour célébrer l’amitié franco- roumaine ? Un an plus tard, c’est au tour de Richard Nixon. En 1977, Nicolae Ceausescu se pose en médiateur dans le conflit israélo-palestinien. En 1984, la Roumanie participe, seule du « bloc de l’Est », aux Jeux olympiques d’été de Los Angeles. Bref, vu du dehors, ce régime de terreur a été durablement tenu pour fréquentable. À un degré d’aveuglement sidérant.

Remises en perspective, les étapes de cette extraordinaire prise d’otage d’un pays et de son peuple dans un projet de société dément sont détaillées dans Ceausescu, le dictateur ambigu, volumineuse biographie signée Traian Santu, historien français d’origine roumaine. Résistant aux douceurs de l’anecdote, l’ouvrage retrace le destin pathétique du « Danube de la pensée » dans le contexte économique, sociétal et géopolitique auquel celui-ci doit son essor, sa résilience, sa chute.

Pourquoi « ambigu » ? L’apprenti cordonnier natif, en 1918, de l’archaïque Olténie, au sud d’une Roumanie alors largement analphabète, se convertit de bonne heure au communisme. Un activisme juvénile qui lui vaut pas mal d’incarcérations. Il n’a pas 21 ans lorsqu’en 1939 il rencontre Elena, fille de paysans qu’il épouse en 1947. Embastillé pendant quasiment toute la guerre, Ceausescu fut, selon l’auteur, « relativement ignorant des événements, notamment du pacte germano-soviétique […] et jusqu’au retournement d’alliances de la Roumanie avec les Soviétiques ante portas le 23 août 1944. » Réclusion qui « le préserva des dangers de mort sur le front de l’Est et des actions terribles, notamment antisémites, auxquelles l’armée roumaine, aux côtés de son allié allemand, s’y livra. » La chute du maréchal Antonescu est l’acte de baptême de Ceausescu : comme représentant des Jeunesses communistes, il accueille les Soviétiques à Bucarest. Le culte stalinien lui servira de modèle. L’infirmité de son bégaiement ne nuit guère à son ascension au sein de l’appareil du Parti. Dès 1948, le voilà sous-secrétaire d’État à l’Agriculture – et père de son premier-né, Valentin. La collectivisation des terres fait son affaire. Deux ans plus tard, il est ministre adjoint des Forces armées. Entrisme plus épuration, voilà le secret. Poussé par son mentor, le stalinien Gheorghiu-Dej, Ceausescu sera « le grand gagnant d’une déstalinisation en trompe-l’œil ». De fait, « la consolidation de son pouvoir sur le parti combina émancipation très progressive de l’emprise soviétique, fidélité à Dej et promotion du nationalisme comme nouveau principe de légitimation ». Dans son escarcelle, l’Armée, l’Intérieur, la Justice, la Santé, la Croix-Rouge et… les Cultes !

Personnalisation délirante du pouvoir

Pas encore diabétique, l’homme a une vie réglée : sieste à midi, produits frais, pas de tabac. « Cette image de modestie intransigeante correspondait bien à son ethos de paysan parvenu, s’accrochant à l’idéologie “scientifique” du marxisme censée le légitimer. » Rigueur qui n’interdit pas au couple de bidonner ses diplômes (elle, propulsée docteur en chimie macromoléculaire ; lui, se faisant donner le bac en cadeau) tandis que le foyer s’élargit : Zoiaen 1949, Nicu en 1951. Le petit ménage fécond entame en parallèle « la construction de son aura charismatique ». La Roumanie ayant su s’épargner l’invasion soviétique, « Ceausescu put engranger à moindres frais les bénéfices de son immense popularité, intérieure et extérieure ». Dérussification culturelle, reprise du tourisme avec la RFA, yeux doux au dragon chinois, défi à Moscou, soutien des Occidentaux : l’« âge d’or » du régime sous la férule de cet « arriviste aux mœurs austères » culmine avec la critique de l’invasion de la Tchécoslovaquie, en août 1968.

Implacables, les deux dernières parties du livre décrivent le délitement de la dynamique du « national-communisme » autochtone sur fond de personnalisation délirante du pouvoir, l’emprise de la Securitate sur une population bientôt réduite à la famine pour satisfaire à l’orthodoxie du marxisme scientifique (productivisme, remboursement accéléré de la dette extérieure, mobilisation endogène et embrigadement, remodelage urbain – avec la construction pharaonique du fameux palais du Parlement, etc.). Spirale infernale que la plume un peu raide, parfois ardue (avec des mots tels « palingénésie », « encomiastique », « discrépance ») de Traian Sandu épouse au millimètre.

On ne lit pas sans quelque gourmandise perverse le chapitre consacré au clan Ceausescu – parties de chasse, frasques du fils Nicu, rituels privés, régime alimentaire, économie familiale… Le cauchemar roumain connut un réveil difficile. Au point qu’aujourd’hui, certains, en Roumanie, ont la nostalgie de l’ère Ceausescu : la mémoire historique est oublieuse.

À lire

Traian Sandu, Ceausescu, le dictateur ambigu, Perrin. En librairie à partir du 14 septembre 2023. (Du même auteur, également chez Perrin : Histoire de la Roumanie et Un fascisme roumain.)

Ceausescu: Le dictateur ambigu

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Nicolae Ceausescu, architecte comique

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Photos: Julien San Frax

Visite du Palatul Parlamentului de Bucarest, héritage du timbré Nicolae Ceausescu et de sa féroce épouse Elena, sorte de Versailles du plouc…


C’est par la petite porte que le touriste est convié à la visite : on entre par la face arrière du Palais du Parlement. Inachevé, ceinturé d’un glacis de mauvaises friches ouvrant sur l’immensité agora-phobique de hideuses avenues rectilignes bordées de prétentieux immeubles post-modernes (manière Ricardo Bofill, en pire), l’édifice cyclopéen (12 étages, 350 000m2, plus d’un millier de pièces) érigé par le « Danube de la pensée » au milieu des années 80 du siècle dernier s’appelait, sans rire, la « Maison du Peuple » – Casa Poporului en roumain. Pour bâtir ce mastodonte, ledit peuple, comme l’on sait, avait dû céder la place manu militari : 40 000 maisons détruites, un vieux quartier entièrement arasé, des églises plusieurs fois séculaires abattues par dizaines, ou déplacées… Rebaptisée Palais du Parlement, la fameuse « Maison » où le « Peuple » ne pénètrerait jamais abrite à présent la Chambre des Députés, le Sénat… Sans compter, au diable vauvert, perdu dans une aile difficile d’accès en bordure insolite de ce Versailles-du-plouc, le modeste Musée national d’art contemporain, MNAC – pas un chat à l’intérieur !

Visite guidée obligatoire

Hors de question d’improviser sa visite : il faut acheter son billet 24 heures à l’avance sur un site dédié, où l’on prend rendez-vous sur un créneau horaire déterminé : personne n’échappe à la visite guidée, par groupes de 10 à 20 péquins, en anglais. Pas d’audioguide. Au reste, les Roumains ne gardant pas précisément le meilleur souvenir du « Conducator » timbré et de sa féroce épouse Elena, les autochtones, globalement, boycottent cet endroit qui les dégoûte. D’autant que le Palatul Parlamentului n’y va pas du dos de la cuiller question tarif : 20€, payable sur réservation en ligne. Le tour du propriétaire se fera en une heure. Encore ne voit-on, parait-il, que 1% de ce dédale vacant.

A lire aussi, du même auteur: Ubu en Roumanie

Au jour dit et peu avant l’heure fixée, un type vous appelle sur votre smartphone, dans un anglais à couper au canif, pour s’assurer que vous ne vous êtes pas perdu(e) en chemin. Le local de départ de la visite n’a rien de palatial : donnant sur un parterre de cinquante voitures garées en épis, ce rez-de chaussée peu engageant (faux-plafond bas, éclairage de néons blancs, mobilier et guichet genre commissariat de police, boutique-cadeaux souffreteuse) se voit flanqué d’un improbable espace d’exposition de croûtes contemporaines. Surgit là tout à coup un type fagoté comme un punk, sac à dos, croix en sautoir, boucles aux oreilles, qui vérifie votre passeport (document original, pas de photocopie, surtout !) et vous prépare, avec un humour très particulier, à un franchissement d’arceaux de sécurité aussi scrupuleux que s’il s’agissait de passer la frontière : « no guns, no knifes so that we’ll not feel that you are a terrorist » (sic) : il est vrai qu’on pénètre dans l’enceinte du « Palais Bourbon » roumain. Relayant l’aimable gus, c’est une guid(esse) qui prendra en charge la petite troupe allègre. Sur notre passage, on croise le défilé continu des groupes calés sur des créneaux adjacents.  

Interminable bouffissure pâtissière 

Le plus étonnant, dans ce parcours express effectué sous bonne garde, c’est que l’intérêt qu’on s’apprêtait à y prendre est vite douché par le prodigieux ennui de ce pompiérisme hyperbolique et pas même délirant qui, de salle en salle, se répète sans surprise, comme une interminable bouffissure pâtissière : du marbre à satiété, des lustres, des appliques, du stuc guilloché, de la marqueterie, d’immenses tapis ornementés, comme à la chaîne, selon l’exigence tentaculaire d’une esthétique hantée par l’hubris impériale d’un XIXème siècle sommairement plagié. Fallait-il que la jeune architecte Anca Petrescu et ses équipes de décorateurs soient à ce point dépourvus d’imagination, ou terrorisés par le couple Ceausescu, pour concevoir une telle débauche de hideur ? N’est pas Louis II de Bavière qui veut.  

Bizarrement, aucun mobilier « d’époque » ne colore ces énormes superficies. Il semblerait, tout simplement, que le dictateur n’ait pas eu assez de temps pour se meubler, avant sa chute et son exécution, en décembre 1989. Dommage : cela aurait ajouté à la dérision.

Une franche hilarité vous saisit tout de même, au spectacle de ces chromos religieux dont le satrape communiste a affublé quelques cimaises, dans des cadres chantournés, lui qui n’hésitait pas à sacrifier les plus purs joyaux d’architecture cultuelle de Bucarest sur l’autel du marxisme athée.

Ultime ironie de l’histoire : le principe de sa construction voté en 2004 par le Parlement démocratique roumain, en chantier depuis… 2011 (!), objet d’incessantes polémiques en vertu de son coût exorbitant, la plus grande église orthodoxe de la planète, baptisée sans rire « Cathédrale du Salut de la Nation roumaine » (monstre architectural appelé à se voir flanqué d’un hôtel de luxe, d’une bibliothèque et de l’inévitable petit commerce de bigoterie), érige désormais, expression arrogante d’une revanche prise à froid, le volume rival, flamboyant  et vertigineux de sa silhouette en majesté – pile en face. Le fanatisme religieux, en réponse au meurtre idéologique ?

Préparer sa visite du Palais du Parlement : site www. cic.cdep.ro

A lire: Roumanie Bulgarie. Lonely Planet (en français).

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Pourraient-ils soutenir Gaza sans prêter allégeance au Hamas?

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Paris, 19 octobre 2023 © Fiora Garenzi/SIPA

Place de la République, jeudi, entre 3000 et 4000 manifestants ont exulté quand ils ont appris que la manifestation était finalement autorisée, avant d’ensuite scander des slogans révoltants, à l’initiative d’Europalestine, du NPA et d’autres organisations pro-Palestine. L’indécence d’une foule reprenant le cri du ralliement du Hamas au nom de la solidarité avec la Palestine ne peut qu’inquiéter. « L’ordre public a été troublé à deux titres : par les heurts qui ont eu lieu en cours et en fin de manifestation ; par l’apologie du terrorisme que constituait à lui seul, dans le contexte des pogroms du 7 octobre, le soutien publiquement apporté aux « combattants » du Hamas et qu’explicitaient pancartes, tags et slogans » déplore dans Marianne, Jean-Éric Schoettl, ancien secrétaire général du Conseil constitutionnel.


Une foule entière hurlant Allah Akbar. Voilà l’image marquante de la manifestation pro-palestinienne qui s’est déroulée, place de la République, ce jeudi 19 octobre. Pourquoi ces cris, au-delà de leur indécence manifeste, ont de quoi faire peur ?

Allah Akbar, cri de ralliement et de jouissance des tueurs

D’abord parce que c’est au cri d’Allah Akbar que les islamistes ont commis des crimes contre l’humanité, c’est toujours en vociférant cela qu’on les voit sur les vidéos qu’ils diffusent complaisamment assassiner des personnes désarmées, tuer des enfants, violer des femmes. Ce cri est devenu un signe de ralliement et un appel à la galvanisation. Aujourd’hui, dans un contexte d’attentats islamistes et de pogrome antisémite, « Allah Akbar » est devenu un cri de guerre qui annonce la mort. Il dit à qui est destiné le sacrifice humain et le sang versé. Personne ne l’ignore. Le but de ce cri est d’engendrer la peur et d’annoncer la mort. Le voir repris en chœur en signe d’allégeance est une menace implicite et explicite et a été ressenti comme telle.

Un cri révélateur de l’emprise islamiste

Ensuite parce que ce cri, dans ces circonstances, alors que les horreurs commises par les commandos du Hamas nous renvoient à la barbarie hitlérienne, a quelque chose de profondément déshumanisant. Pendant qu’en Israël on cherche encore à reconstituer les corps démembrés par les commandos terroristes du Hamas, ici la foule hurle « Israël assassin » et « Allah Akbar » avec délectation et jouissance. Mais cela indique surtout à quel point le normatif islamiste a pénétré dans les esprits. Toutes les personnes rassemblées Place de la République, en reprenant le cri des terroristes du Hamas, leur rendaient hommage et dans le fond le savent très bien. C’est le grand public et les journalistes qu’ils prennent pour des imbéciles. Et ils auraient tort de s’en priver vu que cela marche.

C’est ainsi que la cause palestinienne est devenue un viatique qui permet d’exprimer librement son antisémitisme et de cultiver le ressentiment arabo-musulman en l’inscrivant dans une guerre de civilisation. Et les Allah Akbar hurlés montrent que la plupart de ces gens ont choisi leur camp, refusent explicitement la République, et ne sont pas choqués par la barbarie car elle s’abat sur un peuple qu’ils haïssent. Il y a de quoi ne pas être rassuré.

Le déni face aux horreurs commise par le Hamas

Le beuglement de cette foule (en partie) antisémite, le jour même des obsèques du professeur de français est d’autant plus douloureux que l’on ne cesse de découvrir l’ampleur des horreurs commises par le Hamas. Une tribune de psychanalystes israéliens témoigne du choc traumatique vécu par ces thérapeutes.

Ils racontent la cruauté, le sadisme dirigées contre des bébés, des enfants et de jeunes adolescents : beaucoup d’entre eux ont été mutilés à vif, violés et torturés après avoir été forcés d’assister à l’assassinat de leurs parents, et parfois de leur famille toute entière. « Ceci ne relève pas de la seule et implacable haine des Juifs (que le Hamas propage de manière tout à fait ouverte et claire dans ses réseaux officiels), ni d’un conflit de nature territoriale ou religieuse, mais d’un crime contre l’humanité. »

Les atrocités vécues par les enfants enlevés

Ils évoquent aussi le sort des enfants enlevés et ramenés à Gaza : « Certains de ces enfants sont devenus brutalement et sans aucune pitié, orphelins d’un instant à l’autre, alors que les terroristes violaient leurs parents , pour les tuer ensuite, sous les yeux de leurs enfants obligés d’assister à ces scènes effroyables. Les terroristes tiraient sur le corps des parents, les brûlant ensuite, tout ceci devant les yeux des enfants. En même temps les terroristes fêtaient le massacre, tout en le filmant et le diffusant tous azimuts sur leurs réseaux, via leurs téléphones portables. Une de leurs vidéos qui montre un jeune enfant errant dans les rues de Gaza, brutalisé par les enfants palestiniens a envahi la toile, des images qui nous hantent et qui ne peuvent être métabolisées par un cerveau qui se dit humain. Le fait de cibler de manière délibérée et sadique des bébés et des enfants pour les violer, les torturer et les assassiner est une manière de faire voler en éclats ce qu’il y a de plus fondamentalement humain en l’humain. »

Un antisémitisme assumé

Les témoignages se multiplient non seulement sur les faits, mais aussi sur la façon dont la haine et la violence sont inculquées aux jeunes gazaouis. Le Hamas se sert de sa population comme chair à canon et bouclier humain, il n’a donc cure de l’éduquer ; en revanche il tient à l’aliéner, à en faire des personnalités violentes, haineuses, déshumanisées. La haine du Juif leur est inculquée dès le berceau et ce que les militants ont fait en Israël prouve que ce conditionnement fonctionne et qu’il crée des monstres. C’est pour cela que les pays arabes ne veulent pas accueillir les Palestiniens. Ils les voient comme dangereux et facteurs de déstabilisation.

Pourtant, grâce au soutien de LFI et à la bêtise d’une certaine presse qui reprend les communiqués du Hamas, mouvement terroriste, comme s’ils émanaient de l’AFP, des milliers de personnes se sentent parfaitement à l’aise quand il s’agit de soutenir un pogrome et d’aller hurler Israël assassin. En revanche, cette même presse qui aime à donner des leçons, évite soigneusement d’expliquer la différence entre un crime contre l’humanité et un dommage collatéral. La guerre tue et une bombe ne fait pas de détails, surtout quand la population, comme à Gaza, est utilisée par le Hamas comme bouclier humain. Mais les civils ne sont pas une cible, les objectifs sont militaires. Le Hamas, lui, n’avait pas d’objectifs militaires. Les civils étaient sa cible et les torturer autant que les tuer, son objectif. En cela le Hamas est semblable aux nazis, comme il l’est aussi par l’atrocité des méthodes employées.

L’impossible réplique aux crimes contre l’humanité 

Il est donc à souhaiter que la réponse d’Israël ne soit pas proportionnelle aux crimes des dirigeants de Gaza car il n’y a rien de pire que le crime contre l’humanité. Répliquer à la même hauteur est impossible. Alors Tsahal va faire ce qu’elle a toujours fait : répliquer tout en essayant d’épargner la vie des Palestiniens autant que faire se peut. Mais cela reste une guerre et les morts sont inévitables. Ce qui s’est passé en Israël nous concerne tous, car aux yeux des islamistes, tout ce qui n’est pas eux doit être soumis ou détruit et ce qui a été fait là-bas illustre leur méthode d’action. « C’est une culture infiltrée par la mort, la haine et la destruction. Ceci n’a rien à voir avec toute forme de revendication territoriale ou de conflit quel qu’il soit, mais a tout à voir avec une idéalisation perverse de la mort et de la torture. » Or, ceux qui tuent là-bas partagent la même idéologie que ceux qui ont déjà tué ici et que celui qui vient d’égorger un professeur de français.

Je ne sais si les morts en Israël reposeront en paix un jour, mais je sais que pour tous les vivants, il est temps de se réveiller. L’islamisme ne vaut pas mieux que le nazisme. Il vient de le prouver et pourtant une partie de la gauche lui tient la porte et organise des manifestations pour le soutenir. Au terme de ce processus, la cause palestinienne a été transformée en soutien aux islamistes et en déni de crime contre l’humanité. Ne reste que l’horreur et la barbarie qu’Israël a subies et qui n’épargneront pas l’Europe si nous continuons à être aussi lâches.

A chaque nouvelle attaque islamiste, je me rappelle ce que mon père m’a dit le lendemain du 11 Septembre

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Téhéran, 18 octobre 2023 © Sobhan Farajvan/Pacific Press/Sh/SIPA

Des jardins d’Isphahan aux rives de la Seine… Djahanguir Riahi, mon père, est né en 1914 à Natanz (Iran). Parti en France poursuivre des études d’ingénieur grâce à une bourse d’études, il se met au lendemain de la Seconde guerre mondiale au service des relations économiques Franco-iraniennes. Installé en Europe depuis la révolution islamique, son intuition artistique hors du commun lui a permis de réunir l’une des plus importantes collections d’œuvres d’art du XVIIIème siècle français. Il est mort dans sa centième année, le 28 avril 2014, après avoir été élevé au grade de Commandeur de La Légion d’Honneur ainsi que des Arts et des Lettres. Grand donateur des Musées Nationaux, une salle du Musée du Louvre porte son nom.

Il m’avait demandé d’écrire ce texte au lendemain des attentats du World Trade Center, le 11 septembre 2001, et de l’inclure dans ses mémoires, que je rédigeais alors pour lui.


« Nous n’avons pas le même rapport à la barbarie et à la mort. L’attraction publique la plus appréciée de la population, à Mashhad comme dans toutes les villes où s’est déroulée mon enfance, consistait à s’attrouper sur la grand’place pour y assister aux pendaisons. La cruauté des exécutions était inouïe.

J’avais été horrifié, un jour, d’apprendre la condamnation d’un homme et de ses six fils. Le bourreau avait reçu du tribunal islamique l’ordre monstrueux de ne pendre le père qu’après qu’il eut assisté à la mort de tous ses enfants. Agha Djoun[1] se disait convaincu de l’innocence de ce pauvre homme. Et moi, je me disais, du haut de mes douze ou treize ans, en voyant leurs vêtements souillés par l’urine et la merde : pourquoi font-ils ça, sinon pour anéantir par la terreur toute forme de dignité humaine, toute forme de respect de la mort et donc de la vie ?

La mort, on s’y familiarise comme on prend l’habitude de tout. Lorsqu’en suivant le chemin de l’école au petit jour on longe la place des pendus, quand on assiste à des exécutions sommaires et barbares, on finit par apprivoiser la mort. Mais cette insensibilisation, ou plus exactement cette désacralisation, vous semble inconcevable en occident. Parce que vous êtes élevés dans le respect de la vie sans penser que la mort en est l’inéluctable corollaire.

Comme si la vie pouvait « être » sans la mort. Cette naïveté, à laquelle s’ajoute la pédagogie de l’émotion, est le fondement de la culture occidentale contemporaine. L’émotion priorisée, l’émotion magnifiée. On vit sur ce registre depuis la seconde moité du XXème siècle, sans doute par imprégnation des tendances éducatives à la mode aux Etats-Unis au lendemain de la guerre. L’enfant est devenu le barycentre de la civilisation occidentale. Héritière de la philosophie de Jean-Jacques Rousseau, la pédagogie contemporaine pose le principe que l’Homme naît bon et que c’est la société qui le pervertit. De même, dans le souci maniaque de préserver la planète, les mouvements écologistes ont entamé une régression qui efface inexorablement les progrès de la civilisation. On n’élève plus les enfants pour en faire des adultes ; on fait des enfants pour retomber soi-même en enfance, pour retrouver la puérilité sublimée de l’enfance.

Les islamistes jouent de cette émotivité occidentale. Si la religion dont ils se servent est primitive, leur stratégie de conquête est extrêmement sophistiquée. Ils vous observent et vous analysent depuis la fin des années 1970. Ils ont fréquenté les mêmes écoles, les mêmes universités que les élites occidentales. Ils ont vu les mêmes spectacles, les mêmes films ; lu les mêmes articles dans les mêmes revues. Ils savent que votre sensibilité au respect de la vie, votre peur de la mort, votre fragilité mentale et votre compulsion à la culpabilité sur un terrain compassionnel constituent votre talon d’Achille. Vous êtes tombés dans un triple piège :

  • Le piège de l’anxiété collective « individualisée ». Certes, les guerres ont toujours fait des victimes civiles ; mais au World Trade Center ou dans les avions, il n’y avait « que » des victimes civiles. Chacun pouvait se dire : j’aurais pu me trouver parmi elles. Cette angoisse est le principe même du terrorisme, que les techniques de communication actuelles permettent d’individualiser simultanément à des milliards de témoins de la scène.
  • Le piège de la « victimisation » des assassins. Pendant une centaine d’années, l’Europe a plus ou moins colonisé le monde ; en particulier les terres d’Islam que sont le Moyen-Orient, le Maghreb et l’Afrique. L’Amérique a toujours été solidaire des puissances européennes, sans parler de son soutien constant à l’Etat d’Israël. Pendant toute la durée de ces conflits, les victimes se sont comptées par centaines de milliers du côté des indigènes, sans que cela n’émeuve grand monde. Aujourd’hui, les victimes sont dans l’autre camp et toute une partie de la planète n’éprouve nullement l’envie de pleurer sur leur sort, considérant que c’est un juste retour des choses.
  • Le piège enfin du « chahid », le martyr, celui qui meurt pour témoigner, alors que vous, pauvres larves invertébrées, vous pleurnichez de trouille en chiant dans votre froc, tant la mort vous effraie. Et cet exhibition du « héros » a le double avantage d’impressionner les musulmans, qui respectent le courage par principe, et de faire peur aux incroyants comme aux non pratiquants.

Les motivations fondamentales d’Al Qaida, celles des Islamistes en général, sont politiques et ne sont pas religieuses. Parce que la religion musulmane est intrinsèquement et historiquement politique. Il n’y a pas d’équivalent. Ni les juifs, ni les bouddhistes ou les hindouistes, ni les chrétiens n’ont eu pour vocation première de guerroyer et de conquérir. Bien sûr qu’ils ont tous été amenés à prendre les armes à divers moments de leur histoire. Mais ce n’était pas l’amorce ni la genèse de leur projet. Il faut en être conscient.

Mohammed – ou Mahomet comme vous l’appelez en France – n’a pas cherché à « spiritualiser » ses contemporains ni à leur apporter des réponses philosophiques. Son objectif était très prosaïque : il a voulu les rendre plus efficaces au travail et au combat !
Avant de « faire prophète » il était caravanier et commerçant. Issu de la tribu des Quraych et de tradition hanifiste, c’est-à-dire monothéiste, le jeune homme était intelligent, ambitieux et séduisant. Il sut se rendre indispensable à sa patronne, Khadija, une riche veuve de 15 ans son aînée, qu’il épousa et à laquelle il fit six enfants. Ses contacts sur la route avec des juifs et des chrétiens lui permirent de constater les avantages de la morale judéo-chrétienne et l’efficacité, par 45° à l’ombre, des prescritions hygiéniques et alimentaires de la kashrout.

On connaît la suite : Gibril dans le rôle de l’Ange Gabriel transforma ces préceptes en révélation divine et donna à l’accomplissement de ces pratiques un caractère religieux. Mais très objectivement, la plupart des Hadiths du Coran concernent l’organisation familiale et sociale, les pratiques et les règles juridiques à observer dans ces domaines, ce qui en fait un code civil plus qu’une somme théologique. L’islam a bénéficié de l’antériorité du Judaïsme et du Christianisme ; ses messages ont donc été parfaitement ajustés à leur objectif : discipliner et contrôler l’être humain. Le pouvoir politique l’a utilisé sans vergogne pour manipuler les peuples, tant il est vrai que la religion s’est toujours avérée l’arme la plus efficace pour anéantir toute aspiration à la démocratie et à la liberté.

Un simple constat: les monarchies héréditaires musulmanes se sont systématiquement trouvé une filiation directe avec le Prophète ou l’un de ses descendants ! Pour leurs chefs, pour les meneurs, la religion a toujours été un moyen, jamais une fin. Ben Laden, comme ceux qui l’ont précédé et ceux qui prendront sa suite, n’en a strictement rien à faire (et je suis poli…) du projet spirituel du Djihad et de l’accomplissement des hadiths du Coran. L’Islamisme sert juste un dessein politique. La religion n’est que l’instrument de la conquête, ou plutôt de la reconquête. Qu’importe le temps que cela mettra : dix ans, vingt ans, plus de trente ans peut-être…Ce que l’Islam a programmé, c’est la chute de l’Occident et de la civilisation judéo-chrétienne. Pas pour le takbîr, mais pour conquérir le monde et ses richesses, asservir ses populations. Allahou Akbar, proclamé et calligraphié sur les emblèmes et les drapeaux, n’est qu’un cri de guerre destiné à galvaniser les pauvres idiots crédules qui se prennent pour des soldats d’Allah et ne sont que la chair à canon de ceux qui rêvent de pouvoir absolu et universel depuis 1422 ans !

Le terrorisme est une tactique, que les islamistes utilisent ponctuellement ; pour entretenir la terreur, bien sûr, mais aussi parce qu’ils ont compris tout le bénéfice qu’il pouvaient tirer de la dichotomie que vous avez créée entre la religion musulmane et l’Islam « radical ». En triant vous-mêmes les « bons musulmans » des mauvais, vous vous êtes tiré une balle dans le pied et vous leur avez rendu un fieffé service ! En focalisant l’attention sur le terrorisme, vous réduisez la cible contre laquelle vous devriez combattre. Grâce à la très ancienne tactique du leurre, les Islamistes vous montrent du doigt les djihadistes et détournent votre attention du cheval de Troie qu’ils ont construit et mis en marche pour vous soumettre.

Et que l’on ne vienne pas me parler de «musulmans modérés»! Ils sont, évidemment, très largement majoritaires aujourd’hui. Mais où et comment les voit-on condamner les agissement des fondamentalistes? Combien sont-ils à être descendus dans la rue pour manifester massivement contre Al Qaïda au lendemain du 11 septembre 2001 ? Pour hurler à la face du monde, dans tous les médias et dans toutes les langues qu’ils se désolidarisent du salafisme, du wahhabisme, du frérisme et autres branches radicales de l’Islam ? Pour affirmer qu’ils vont faire le ménage dans leurs pratiques, actualiser drastiquement la charia et définir une ligne exclusivement métaphysique à leur religion ?
La religion musulmane n’est pas monolithique et exclusivement constituée de conquérants assoiffés de pouvoir et de vengeance, c’est clair. Mais la conquête est consubstantielle de la religion musulmane. L’Islam, sa culture politique, sa doctrine, son prosélytisme, son histoire et sa finalité sont intrinsèquement d’inspiration guerrière. De même que la vie ne peut se concevoir sans la mort, il n’y a pas de soumission sans victoire, ni de victoire sans combat. Or, la soumission à Allah est l’essence même du message de l’Islam.

C’est pourquoi les musulmans se soumettent implicitement aujourd’hui au fondamentalisme que leur impose l’Islam radical. Ils s’y soumettront explicitement demain et vous ne résisterez pas, un jour, à la tentation de vous y soumettre à votre tour. Parce que la peur est l’arme absolue, l’arme que l’Islam politique utilise avec talent pour anéantir toute forme de résistance à leur domination. Ils l’utiliseront jusqu’au bout, contre vous, mais aussi contre ceux que vous appelez « les musulmans modérés » pour anéantir votre civilisation.

Bien sûr qu’il existe des courants plus ou moins progressistes comme le malikisme, dont le logiciel est régulièrement mis à jour par le Roi du Maroc. Bien sûr que l’on peut interpréter le Coran de dizaines, de centaines de manières. Bien sûr que l’on peut intellectualiser le concept du Djihad et en faire un idéal moral (…) Néanmoins le syllogisme est évident et les faits sont têtus : tous les musulmans ne sont pas des fondamentalistes islamiques ni des djihadistes ; mais tous les fondamentalistes islamiques et tous les djihadistes sont musulmans. Trop facile d’établir une distinction morale et sémantique entre les prescriptions religieuses supposées acceptables, que vous qualifiez d’ « islamiques » et celles, intolérables, cataloguées « islamistes ». Quand on tue au nom de l’Islam, on n’accomplit pas un acte de dément, pas plus qu’un crime de sang ordinaire. Quand on tue au nom de l’Islam, c’est qu’on vous a mis dans la tête qu’il est de votre devoir de croyant d’exterminer les incroyants, lesquels auraient soit disant « déclaré la guerre » aux soldats de la vraie foi !

La motivation du donneur d’ordre est politique, pas religieuse. Ils arriveront à leurs fins, parce que la dialectique de l’Islam est redoutable. Les stratégies et les techniques de communication qu’ils mettent en œuvre sont très subtiles et pertinentes, car ils savent parfaitement comment vous fonctionnez. Ils achètent depuis des années les réseaux de communication qui influencent l’opinion publique, en Europe comme aux USA. Vous êtes des enfants dans leurs mains. Ils vous connaissent très bien, alors que vous ne les connaissez pas. Vous êtes manipulés et vous ne le savez pas.

Ils ont compris voila longtemps que votre talon d’Achille, c’est la mauvaise conscience et la compassion. Les Français en sont rongés depuis qu’on leur a mis dans la tête que la colonisation de l’Afrique et du Maghreb avait été un crime contre l’Humanité commis par leurs aïeux. Les uns après les autres, tous les gouvernants français ont baissé leur froc et fait acte de «repentance» vis-à-vis de ces peuples que leurs pères avaient «exploités» ; mais a-t-on songé à demander aux Arabes de se repentir, eux qui ont réduit en esclavage pendant des siècles, des générations d’Africains ?

Je suis athée, mais je ne pourrais pas le dire si j’étais resté dans mon pays. Pas plus hier qu’aujourd’hui. Ce n’est pas un problème de liberté d’expression, c’est juste un problème de liberté d’être. On n’a pas le droit d’être athée en Islam : juif, chrétien, oui. Athée, non. Mon appréhension, au vu de tout ce qui s’est produit depuis une dizaine d’années, c’est que je ne puisse pas le dire demain ; ici, dans ce beau pays libre qu’est la France. Je ne le crains pas pour moi, bien sûr, je suis vieux. Mais je crains que mes enfants et mes petits enfants se trouvent confrontés à la main-mise de l’Islam, à laquelle j’ai eu la chance de me soustraire voila près d’un siècle.

En 25 ans, j’ai vu évoluer la société française d’un modèle républicain et comme vous dites « laïc » vers un modèle communautaire à l’anglo-américaine. Il a fallu dix-neuf siècles de conflits et de guerres pour que la France, « Fille aînée de l’Eglise » sépare sa « mère » de son Etat, en 1905. Et encore, nous sommes très loin du compte aujourd’hui, pour les raisons économiques et électoralistes que tu connais mieux que moi. Il n’y a qu’à regarder tes hommes politiques se trémousser dans les églises, les mosquées et les synagogues pour en être convaincu.

La religion est un leurre contre la peur de la mort ; un leurre pour assujettir ceux qui ont vocation à être dominés. Depuis toujours, la religion est l’auxiliaire du pouvoir. Dans toutes les religions. Pourquoi l’être humain a-t-il tellement besoin de se raccrocher à un Dieu et à un au-delà pour tenter d’évacuer la peur de la mort ? Je ne sais pas. Moi, vois-tu, je n’ai jamais eu peur. Jamais eu peur de la mort, en tous cas. Sauf (rires) que j’ai toujours craint d’être enterré vivant. Je fais très souvent un affreux cauchemar. On ferme mon cercueil alors que je suis assoupi. Je me réveille et je frappe désespérément sur le couvercle en hurlant : bande d’idiots, espèces d’imbéciles… Vous ne voyez donc pas que je ne suis pas mort ? »


Mon père est mort le 28 avril 2014 dans sa centième année. Il a arrêté de se nourrir, estimant qu’il avait suffisamment vécu.

Il n’a pas connu les attentats de Charlie Hebdo, du Bataclan, de la Promenade des Anglais à Nice, ni l’égorgement du Père Jacques Hamel à St. Etienne-du-Rouvray.

A chacune de ces attaques terroristes et plus encore aujourd’hui, après le carnage barbare du Hamas perpétré le samedi 7 octobre 2023, j’ai repensé à ce qu’il m’avait dit au lendemain du 11 septembre 2001.


[1] Agha Djoun est mon grand-père, le père de mon père. C’est l’appellation donnée dans les familles, qui peut s’interpréter : « Votre Éminence chérie » et qui traduit tout à la fois la déférence et l’affection. En l’occurrence, mon grand-père était haut fonctionnaire territorial, c’est à dire Trésorier général dans plusieurs provinces, d’où les déménagements successifs vécus par ma famille.

Lost in trans-nation

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La journaliste et essayiste Sylvie Perez publie "En finir avec le wokisme. Récit d’une contre-offensive anglo-saxonne." © Sonia Fitoussi

Nous publions ici les bonnes feuilles du dernier livre de la journaliste Sylvie Perez, En finir avec le wokisme. Récit d’une contre-offensive anglo-saxonne, publié aux éditions du Cerf.


Retrouvez également Sylvie Perez en discussion avec Jeremy Stubbs dans le dernier épisode de notre podcast

Le monde à l’endroit

Le néo-progressisme anglo-saxon a un coup d’avance. Ses inventions arrivent chez nous avec un temps de retard. Ce qui se joue ici, le plus souvent, s’est joué là-bas un peu plus tôt. En sorte qu’observer l’évolution de cette mouvance dans l’anglosphère est un moyen de lire l’avenir. Or, là où il a été conçu et mis en œuvre, le wokisme est aujourd’hui la cible d’esprits critiques qui démasquent ses slogans et documentent ses impasses. Les avancées du laboratoire anti-woke sont ourdies par des esprits contrariants de tous horizons philosophiques, politiques, religieux ou ethniques. Ils se préoccupent de contenir cette idéologie brouillonne qui ébranle et fragilise jusqu’au socle des institutions ; ils n’ont en commun que le refus catégorique de la post-vérité et s’affairent à déjouer l’avènement d’un monde orwellien. La question transcende les familles politiques et mobilise une nouvelle catégorie de bretteurs, politiquement non-binaires. Le wokisme, instigateur de fluidité et de trans-identité, aura aussi engendré la trans-politique !

Depuis Londres, point d’étape du wokisme entre l’Amérique et la France, j’ai pu observer l’élaboration des stratégies de réponse et le sursaut en cours. Si le wokisme est un mouvement sismique initié dès les années 1980, ses effets les plus extravagants apparurent ces dix dernières années. Comme l’écrivait Simon Leys[1] : « L’histoire a déjà montré à plusieurs reprises qu’il ne faut pas grand-chose pour faire basculer des millions d’hommes dans l’enfer de 1984 : il suffit pour cela d’une poignée de voyous organisés et déterminés. Ceux-ci tirent l’essentiel de leur force du silence et de l’aveuglement des honnêtes gens. »

A lire aussi : My name is Woke… James Woke !

Optimistes et déterminés, les dissidents du wokisme ont élaboré les outils de la résistance. Parmi eux, quelques génies de la tech exaspérés par la bien-pensance de la Silicon Valley, quelques féministes qui aiment les hommes, quelques humoristes casse-cou qui se rient de tout, quelques juristes attachés aux principes fondamentaux du droit, quelques artistes qui se détournent du réalisme progressiste et s’occupent de créer plutôt que d’éduquer le peuple, quelques doctorants qui veulent sauver l’université, quelques acharnés qui décodent la novlangue politiquement correcte, quelques absolutistes de la liberté d’expression qui ne sont pas dupes des sermons contre les ‘discours de haine’, quelques représentants de la communauté noire peu disposés à servir de marionnettes aux associations antiracistes, quelques transgenres qui n’ont nul besoin de nier la biologie pour exister, tout un monde qui préfère rester vivant plutôt que gaspiller ses efforts à s’autocensurer et dénoncer le mal-pensant.

Déjà, d’excellents ouvrages sont parus en France, qui documentent les effets du wokisme. Celui-ci en chronique la riposte, mise au point par les promoteurs d’une société qui réhabilite l’ironie et le mauvais esprit, valorise le génie humain, la diversité d’opinions, l’invention, la recherche, le savoir, le mérite, une société où l’on respire à nouveau. Une société, quoi.

(…)

Le passé n’est plus ce qu’il était

L’association History Reclaimed (L’histoire réhabilitée), se constitue en août 2021 pour contrebalancer l’instrumentalisation woke de l’histoire, qui réduit le passé occidental à trois sacrilèges : le colonialisme, l’impérialisme, le racisme. Constatant que cette vision manichéenne se mue en doxa, les historiens s’impliquent dans les guerres culturelles. Le site History Reclaimed leur est ouvert pour rétablir les vérités complexes, instaurer de la nuance, apporter une perspective historique au débat… historique.

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Le wokisme s’est focalisé sur l’histoire du commerce triangulaire et de l’épisode effroyable de la traite des Noirs. On voudrait réparer le passé sous la forme de compensations financières pour les descendants d’esclaves. Robert Tombs, professeur d’histoire à Cambridge et fondateur d’History Reclaimed, doute du bien-fondé de cette démarche. Selon lui, le projet de recherche financé par l’université de Cambridge quant à ses liens avec l’esclavage et la nécessité d’envisager des réparations, est une opération de relations publiques plutôt qu’un projet académique : « Si la question est : « l’université a-t-elle bénéficié de l’esclavage ? », la réponse est évidemment oui. Toutes les institutions européennes ont bénéficié, directement ou indirectement, des revenus d’industries esclavagistes (sucre, coton, tabac), me dit-il. Ce qui caractérise Cambridge ce sont ses actions contre l’esclavage. En 1785, le vice-chancellier de l’université a lancé ce sujet d’étude : « Peut-on réduire des hommes en esclavage contre leur volonté ? » L’étudiant Thomas Clarkson (1760-1846) a reçu un prix pour son essai, après quoi il n’a cessé de militer pour l’abolition de l’esclavage. En 1789, un jeune député Tory, William Wilberforce, également diplômé de Cambridge, a mené aux Communes une campagne contre la traite négrière qui a conduit à l’abolition. Donc, si l’université a reçu de l’argent d’industriels ayant bâti leur fortune sur le commerce des esclaves, elle a aussi été très active pour bannir l’esclavage. Seulement, ce programme de recherche étant diligenté dans le cadre « d’initiatives sur l’égalité des races », l’objectif est de s’auto-flageller pour pouvoir clamer : « regardez comme nous sommes vertueux ». Ce serait une bonne idée de proposer des bourses pour les étudiants africains, non par souci de réparations, mais parce que nous n’avons plus d’étudiants africains. C’est dommage.»

Comprendre le présent à la lumière du passé plutôt que juger le passé à la lumière du présent. (…) L’association de Robert Tombs entreprend de désamorcer les mines woke sur le champ de bataille qu’est devenue l’histoire. Le site se présente comme un journal savant numérique, publie les contributions d’historiens, propose un podcast, l’accès à des sources historiques fiables, des listes de lectures, un prix du livre d’histoire et des débats sur les sujets qui font le buzz.

(…)

Scandale sanitaire

Qu’allaient pouvoir faire deux modestes psychothérapeutes face à un mouvement de société aussi puissant ? J’ai rencontré Marcus et Sue Evans le 3 février 2020 pour parler des affaires qui les ont propulsés à la une de la presse britannique. Le couple Evans se trouve alors embarqué dans une audacieuse tourmente juridique. Marcus Evans a démissionné l’an dernier du directoire du Tavistock & Portman NHS Trust, à Londres, qui abrite le GIDS (Gender Identity Development Service), la plus grande clinique du genre pour mineurs au monde. Sue Evans, quant à elle, intente une action en justice contre le même Tavistock auquel elle reproche d’infliger aux enfants des traitements hormonaux expérimentaux. (…)

Comme aux Usa, la dysphorie de genre s’est propagée au Royaume-Uni. Le nombre d’enfants consultant au GIDS est passé de 77 en 2009 à 5000 en 2021, soit une augmentation de 6400%. Et le chiffre a doublé en deux ans seulement, entre 2019 (2500) et 2021 (5000). « La contagion sociale est préoccupante, parmi les filles notamment, qui représentent aujourd’hui 76% des patients, me dit Marcus Evans. Cette situation est inédite. Or aucune recherche sérieuse n’est entreprise sur ce sujet. » (…)

Sue Evans a travaillé au GIDS entre 2003 et 2014. S’apercevant que les enfants sont orientés hâtivement vers des traitements hormonaux, elle s’en inquiète auprès de la direction. Malgré une enquête interne, rien ne change. « On voyait des jeunes à qui on prescrivait des hormones, après seulement trois ou quatre sessions de psychothérapie, me dit Sue Evans. Il m’était arrivé de suivre des patients pendant deux ans, pour des problèmes de désordres alimentaires. Jamais je n’aurais pu les guérir au bout de quatre consultations ! Le transgenrisme est comparable. Le patient est très déterminé dans son récit. Il a cerné le problème (je ne suis pas né dans le bon corps) et la solution (il faut que je change de sexe). Un patient souffrant d’anorexie est persuadé qu’il est trop gros. Abonder dans son sens ne l’aidera pas. L’approche affirmative préconisée par les associations transgenres consiste à souscrire d’emblée au récit du patient et l’envoyer chez l’endocrinologue. Ça n’a pas de sens. La psychothérapie aspire à adapter l’esprit au corps, et non à modifier le corps pour qu’il corresponde à l’idée que le patient s’en fait. Les militants transgenres veulent soustraire la dysphorie de genre du champ psychologique.»

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Pour soigner la dysphorie de genre, le couple Evans préconise une thérapie exploratoire, plutôt qu’affirmative. « On écoute le patient, on l’interroge sur son problème d’identification de genre, mais aussi sur son environnement familial, scolaire, on essaie de comprendre ensemble sa souffrance. Dans 90% des cas, sans traitement hormonal, le patient finit par se réconcilier avec son corps, m’explique Marcus Evans. La puberté est une étape complexe, anxiogène. Toute une palette de problèmes sont en jeu à l’adolescence, moment de métamorphose sociologique, psychologique, physiologique. Il faut laisser les jeunes traverser cette phase de la façon la plus naturelle possible au moins jusqu’à 25 ans, âge auquel ils deviennent plus apaisés, ils assument leur corps, leur sexualité. Les activistes disent que les bloqueurs de puberté sont « juste une pause ». Mais il n’y a pas de bouton « pause » dans le développement d’un enfant ! En interrompant son évolution, vous le soustrayez à son groupe d’âge. Pendant que ses camarades se transforment, l’enfant sous inhibiteurs d’hormones garde son allure enfantine. Vous le privez d’une vie sociale normale. Ça n’est en aucun cas un acte neutre. »

Les inhibiteurs de puberté ne sont pas homologués pour soigner la dysphorie de genre, ni aux États-Unis dans le classement de la Food and Drug Administration, ni au Royaume-Uni où le National Institute for Care and Health Excellence (NICE), en 2020, après examen des études parues sur le sujet, concluait qu’il n’existait pas de preuves suffisantes en faveur d’un traitement hormonal de la dysphorie de genre. On manque de recul pour juger des bénéfices/risques de cet usage détourné[2] des inhibiteurs de puberté sur des enfants transgenres. Et les effets secondaires observés jusqu’à présent sont alarmants : altération du développement cérébral et du quotient intellectuel, ostéoporose, chute de la libido, stérilité lorsque le traitement est initié très jeune.

(…)

Lost in trans-nation

Il n’est pas jusqu’aux médecins du genre, parmi les plus renommés, qui ne s’inquiètent de l’intégrisme trans-affirmatif. Parmi eux, le Dr Marci Bowers, elle-même transfemme, gynécologue obstétricienne spécialiste de la vaginoplastie (elle en a pratiqué plus de deux-mille) et mondialement réputée. C’est elle qui opéra la célèbre Jazz Jennings (le petit garçon américain qui se sentait fille et dont la transition a été feuilletonnée en temps réel à la télévision). Le docteur Bowers n’a pas caché les complications auxquelles elle s’est trouvée confrontée lors de la construction du vagin de Jazz Jennings, du fait que sa patiente, mise sous bloqueurs de puberté à un jeune âge, était équipée d’organes génitaux succints offrant peu de tissus. Le Dr Bowers recommande la prudence dans l’administration de bloqueurs de puberté du fait qu’ils hypothèquent plaisir sexuel et fertilité à l’âge adulte.

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Erica Anderson, elle aussi transfemme, est une célèbre psychologue californienne pro-affirmation de genre, et Laura Edwards-Leeper est la co-fondatrice de la première clinique du genre américaine à Boston (USA). Fin novembre 2021, Anderson et Edwards-Leeper cosignaient un article dans le Washington Post. Elles exprimaient leur inquiétude devant le nombre exponentiel de jeunes filles orientées vers l’hormonothérapie avant même d’avoir eu accès à une prise en charge psychologique correcte. « L’afflux de patients auprès des psychologues et des cliniques du genre, combiné à un climat politique qui envisage les soins de chaque individu comme un test de la tolérance de la société, emmène les praticiens sur une pente glissante et dangereuse. (…) La pression des activistes au sein du personnel médical et des départements de psychologie qui, de conserve avec certaines organisations LGBT, réduisent au silence les détransitionneurs et sabotent toute discussion sur ce qui se joue dans ce domaine, est inadmissible. (…) cela sème le doute quant à l’honnêteté de notre profession et notre dévouement à aider les trans. »[3]

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[1] Orwell ou l’horreur de la politique, Simon Leys, p32

[2] Les bloqueurs de puberté sont indiqués dans les cas rares de puberté précoce, mais ne sont en aucun cas destinés aux jeunes dont le développement physiologique est normal. La prescription de bloqueurs de puberté aux enfants transgenres est un usage détourné et expérimental des hormones synthétiques.

[3] The Washington Post, « The mental health establishment is failing trans kids. Gender exploratory therapy is a key step. Why aren’t therapists providing it ?”, Laura Edwards-Leeper, Erica Anderson, 24 novembre 2021

Karim Benzema, meilleur buteur de l’équipe de (l’anti) France?

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L'international français Karim Benzema, Madrid, 24 août 2010 © Back Page Images / Rex /REX/SIPA

Le grand benêt de Villeurbanne, expatrié en Arabie Saoudite, est accusé de répandre un frérisme d’atmosphère dans la jeunesse française… Gérald Darmanin affirme qu’il retirera ses accusations envers le joueur, s’il écrit un message pour notre professeur tué à Arras. L’avocat du footballeur dénonce un « odieux chantage », et explique qu’il lui aurait confié que « ce sont [ses] gamins qui souffrent parce qu’on accuse leur père d’être un terroriste »


Malgré son départ pour l’Arabie Saoudite l’été dernier, et sa retraite internationale prise l’hiver dernier au lendemain d’un Mondial qu’il n’a pas joué, Karim Benzema est revenu en force dans l’actualité nationale. Pas forcément par la bonne porte. Le « Ballon d’or du peuple » (c’est ainsi qu’il s’est présenté quand il s’est vu remettre le prestigieux trophée décerné par France Football à l’automne 2023), est suspecté, depuis le retour du tragique au Proche-Orient, à Arras et à Bruxelles, de faire preuve de beaucoup d’empathie pour les victimes gazaouies des bombardements israéliens, « qui n’épargnent ni femmes ni enfants », et pas du tout pour les victimes du terrorisme islamiste, que ce soit durant les années 2015-2016 ou plus récemment après le drame d’Arras.

Notre ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, le suspecte d’être en lien « notoire avec les frères musulmans », fameuse organisation née en 1922 en Égypte dont les branches sont multiples et complexes à travers le monde, du Hamas jusqu’à l’ex-UOIF (Union des organisations islamiques en France) devenue « Musulmans de France »[1] en 2017.

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On peine à croire que le locataire de la place Beauvau sorte cela sans un minimum d’informations… Depuis, c’est un peu le concours entre le ministre de l’Intérieur, « Reconquête » et ce qu’il reste des Républicains pour taper le plus fort sur l’ancien attaquant du Real Madrid. Valérie Boyer, sénatrice LR de Marseille, a même demandé la déchéance de sa nationalité française… et le retrait de son Ballon d’Or.

Giroud-Benzema : la France tartiflette contre la France des kebabs

Entre Karim Benzema et le public français, ça a toujours été une longue histoire de « Je t’aime moi non plus ». Même lors de ses longs moments de disette devant le but avec l’équipe de France, personne n’a jamais contesté les qualités footballistiques du prodige formé à Lyon. L’attaquant, de son côté, n’a jamais fait tellement mystère que s’il avait revêtu le maillot bleu plutôt que celui des Fennecs algériens, c’était par pur opportunisme professionnel : il est plus facile de négocier un juteux contrat avec le Real Madrid, quand, à vingt-deux ans, on a déjà une vingtaine d’apparitions avec l’équipe de France. Il n’a que dix-neuf ans, quand il confie à RMC que les Bleus, « c’est plus pour le côté sportif, parce que l’Algérie c’est mon pays, voilà, mes parents ils viennent de là-bas. Après, la France… C’est plus sportif, voilà ». Quand retentit La Marseillaise, les lèvres de Benzema ne bougent jamais. En novembre 2015, lors d’un Real Madrid-FC Barcelone, quand le public espagnol fredonne l’hymne national français en hommage aux victimes des attentats, les caméras attrapent Benzema en train de cracher au sol. Nadine Morano, eurodéputée LR, y voit le signe de son dédain pour la France. « C’est nul d’inventer des histoires comme ça, de dire des choses graves. Pendant la Marseillaise, je suis concentré, je pense aux victimes, aux familles, à ma famille, aux gens qui m’aiment, au football. Je suis sincère et sérieux dans mon regard. Je crache à la fin, comme à tous les matchs, comme tous les joueurs », se défendait-il.

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A partir de son éviction des Bleus, en 2016, à la suite de l’affaire Valbuena, le public français va se couper en deux. Comme il y a eu les fans des Beatles d’un côté et ceux des Rolling Stones dans les années 60, les fans de Blur contre les fans d’Oasis dans les années 90, il y a dans la France des années 2010 deux camps : les pro-Giroud et les pro-Benzema. Avec un assez net clivage ethnique parmi les partisans. A regarder les réactions sur le net, se dessine une cassure entre la France tartiflette et la France des kebabs. Pourtant, au printemps 2021, c’est presque le grand rabibochage : Didier Deschamps rappelle l’enfant prodigue. L’union sacrée est en marche. Benzema et l’équipe de France, c’est l’histoire de l’ex que l’on croise un beau jour dans la rue. On se dit : « mais pourquoi on s’est séparés, au fait ? ». On se remet ensemble et après quelques minutes de vie commune, on se souvient pourquoi.

Un formidable exemple malgré tout

L’été dernier, Karim Benzema a fait partie de l’impressionnante transhumance de stars mondiales du football vers l’Arabie Saoudite. Pour les autres, les Neymar, les Cristiano Ronaldo, les salaires alléchants ont été l’unique motivation. Pour Benzema, il y avait un petit quelque chose en plus, un supplément d’âme. Il déclarait : « C’est un pays musulman et j’ai envie de vivre là-bas ». À l’instar de Diam’s, qui a arrêté le rap, a pris le voile et s’est réfugiée en Arabie après sa conversion… On l’a découvert le 23 septembre habillé à la Saoudienne pour la fête nationale : shemagh sur la tête, à damiers rouge et blanc? et bisht beige sur les épaules. Non loin, le drapeau saoudien repose. Il y a des nations d’adoption dont on adopte les codes plus rapidement que d’autres.

Karim est aujourd’hui au cœur de toutes les critiques de la droite nationale. Et pourtant, n’est-il pas un formidable exemple pour la jeunesse désœuvrée et déracinée d’ici, de retour aux sources spirituelles, au beau milieu du Dar al-Islam ? Gaspard Proust disait sur Europe 1, face à Philippe de Villiers : « Karim Benzema, moi je l’envie. Lui en Arabie Saoudite, contrairement aux Européens qui vivent sur le sol européen, s’il vit en harmonie avec les valeurs locales, il sait qu’il est parfaitement en sécurité dans la rue ».


[1] Le président des « Musulmans de France » à l’époque, Amar Lasfar, avait déclaré au moment où l’organisation changeait de nom : « Nous ne faisons pas partie des Frères musulmans. En revanche, nous nous inscrivons dans leur courant de pensée ».

Islamisme: des fichés S sur les bancs de l’école de votre enfant

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Le ministre de l'Education Gabriel Attal, Paris, 14 octobre 2023 © JEANNE ACCORSINI/SIPA

La liberté éducative des parents étant restreinte, depuis 2021, vous ne pouvez plus soustraire vos enfants à ces camarades de classe dangereux. Une tribune libre de Laurence Trochu, la présidente du Mouvement Conservateur.


Le sujet de l’éducation est décidément le fil rouge du présent quinquennat. Voici que désormais, après la terrible attaque d’Arras qui a mis fin aux jours de Dominique Bernard, professeur apprécié qui jamais n’aurait mérité un tel crime, les alertes se multiplient dans les écoles, au point de plonger, en de nombreux endroits, des enfants dans l’anxiété, au péril de leur équilibre psychologique et mental. C’est la révélation d’une nouvelle faille dans l’Éducation nationale, qui n’avait certes pas besoin de cet avatar de plus : nous découvrons qu’il y a au sein même des établissements publics, des adolescents islamistes en puissance qui peuvent, sur un coup de tête, se livrer aux pires exactions. Gérald Darmanin a évoqué, sur BFMTV, « plus de 1 000 mineurs avec des fiches actives pour islamisme ». Terrible découverte, qui met bien des parents dans l’angoisse. 

Responsabilités

Comment lutter contre la violence, et contre le terrorisme islamique ? Lors des émeutes de l’été dernier, Emmanuel Macron en appelait à la responsabilité éducative des parents. Ce n’est pas le Mouvement conservateur qui dira le contraire. Mais venant d’Emmanuel Macron, la belle affaire ! Il ne peut s’en prendre qu’à… lui-même. Car c’est bien le président de la République qui, en 2021, supprimait d’un trait de plume la liberté éducative des parents.

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Souvenons-nous : pour enrayer l’islamisation dès l’enfance, une loi contre le « séparatisme », renommée selon la novlangue orwellienne de rigueur « loi confortant la laïcité et les principes républicains », a marqué une étape de plus dans la longue marche d’uniformisation de l’éducation en France. Sous l’apparence d’un objectif louable, il s’agissait de mettre fin à l’instruction en famille (IEF) pour faire de l’enseignement un quasi-monopole étatique. Avec les insuffisances que l’on sait : classement PISA en chute libre, idéologie égalitaire et multiculturaliste, méthodes pédagogistes ringardes. 

Laurence Trochu © D.R.

La dramatique actualité de ces derniers jours ajoute un inacceptable parfum de rancœur, elle attise la colère légitime des parents qui se méfiaient des prétentions du léviathan éducatif. Si personne n’a encore prouvé l’existence d’islamistes dans les familles ayant recours à l’instruction en Famille, leur présence est en tout cas avérée au sein même de nos écoles publiques où sont pourtant dispensés des cours d’empathie et de vivre-ensemble. C’est bien le cas de Mohammed Mogouchkov, le terroriste de l’attentat islamiste d’Arras; c’était le cas de Mohammed Merah et d’Adel Kermiche, le meurtrier du Père Hamel. 

Impossible d’échapper à l’Éducation nationale désormais…

Jusqu’en 2021, et depuis plus d’un siècle, en France, c’est l’instruction qui était obligatoire. La liberté fondamentale de l’enseignement laissait aux parents le droit de choisir le mode d’instruction qu’ils souhaitaient donner à leurs enfants. L’instruction en famille était soumise à un régime simple de déclaration auprès des autorités compétentes avec contrôle annuel des enfants instruits à la maison. Dans son article 21, la loi de 2021 a restreint la possibilité d’y recourir en imposant un régime d’autorisation, soumis à l’éligibilité de seulement quatre motifs : l’état de santé de l’enfant ou un handicap, la pratique d’activités sportives ou artistiques intensives, l’itinérance ou l’éloignement géographique d’une école, et enfin la situation propre à l’enfant. 

A lire aussi, Nicolas Bourez: Faire briller la France dans les yeux des enfants

Dans ce contexte, le Mouvement Conservateur salue la pertinente proposition de loi déposée mardi 17 octobre 2023 par le député Xavier Breton. Elle s’appuie sur les témoignages, nombreux, que nous recevons de ceux qui sont et doivent rester les premiers éducateurs de leurs enfants, à savoir les parents ! Parce que Le Mouvement Conservateur soutient les familles dans leur volonté de s’adapter aux différentes situations de la vie quotidienne pour le bien de leurs enfants, il ne peut que soutenir la démarche de ces parlementaires.

Dans un premier temps, nous espérons que le travail législatif permettra d’obtenir enfin les chiffres sur les autorisations, refus, recours par académie, chiffres qui sont aujourd’hui d’une rare opacité. Car la mise en œuvre des nouveaux critères s’avère plus compliquée qu’il n’y paraît. Ainsi, recourir à l’IEF en raison d’une situation propre à l’enfant exige de déposer la demande entre le 1er mars et le 31 mai précédant la rentrée scolaire, alors même que le besoin peut se révéler plus tard. Et des académies entières refusent systématiquement toutes les demandes. Quand, à l’entrée en sixième, un élève sur deux n’a pas le niveau de fluidité requis en lecture, il est grand temps de mettre fin à cette hypocrisie qui, sous couvert de bonnes intentions, sert surtout à mettre les derniers clous sur le cercueil de la liberté de l’enseignement. Après l’instruction en famille, qui sera la prochaine victime de l’uniformisation de l’éducation ? Les cours par correspondance, les écoles libres, les écoles privées sous contrat ? Comme nos parents en 1984 – année ô combien symbolique – , nous continuerons de nous battre pour la pleine liberté de l’enseignement.

Hélène Grimaud, rock star

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La pianiste française Hélène Grimaud © Daniel Stupar / Albin Michel

La pianiste Hélène Grimaud, connue dans le monde entier, ne passe jamais inaperçue. Quand elle entre dans un restaurant, tout le monde la regarde et s’extasie devant sa beauté. C’est une femme charismatique, comme il en existe peu. Tantôt blonde, tantôt brune, pour casser son image, ses yeux bleu-gris envoûtent. Elle est toujours dans un avion, dort dans des chambres d’hôtel, remplit les salles de concert du monde entier. Elle est une force qui va, difficile à saisir. Elle se ressource sur la côte Ouest des États-Unis, chez elle, recluse, pour échapper au bruit et à la fureur, et protéger les chevaux mustangs, massacrés par l’appât du gain. Ce n’était donc pas évident de la saisir de « l’intérieur ». C’est la prouesse qu’a réussie Stéphane Barsacq avec le livre Renaître.

Se remettre au monde

Dès les premières pages, on comprend qu’on ne lit pas un ouvrage de commande, rédigé en trois mois, relu sur un coin de nappe. Il s’agit d’un livre de longue haleine, patiemment mûri, travaillé et retravaillé. C’est un livre qui a su donner du temps au temps. Il n’en est que plus rare. Hélène Grimaud apparaît à la fois forte et fragile, intelligente, surdouée, audacieuse, exaltée, parfois « désaxée » par le tourbillon de l’existence, mystique, amoureuse de la nature, des loups, des chevaux, des grands espaces, de la musique, bien sûr, en un mot : oxymorique. Stéphane Barsacq pose les (bonnes) questions et Hélène Grimaud répond sans fard. Il faut reconnaître que ses confessions tombent à pic. L’actualité internationale fait désespérer de l’homme. La barbarie gagne du terrain comme jamais, la nuit nucléaire nous guette, et les mots d’Hélène Grimaud nous redonnent l’espoir, et nous rappellent que la grâce existe et qu’elle peut, et doit, sauver l’humanité. « C’est une petite fille, à la sortie d’un concert, écrit la pianiste virtuose, qui m’a donné l’élan qui me manquait. Elle m’a demandé simplement : La musique, ça sert à quoi ? » La réponse se trouve dans son livre, résumée par son titre : Renaître. « Ce n’est pas assez d’être né : il importe de se remettre au monde, et de l’aimer ».  

Le loup est l’avenir de l’homme

Hélène Grimaud est reçue première à l’unanimité, à l’âge de treize ans, au Conservatoire de Paris. Autant dire que le piano est plus qu’une passion, c’est une véritable vocation, au sens religieux du terme. Mais cette femme de cœur à l’incroyable énergie a d’autres préoccupations. Elle a fondé un centre de préservation des loups aux États-Unis. Dans le loup, elle retrouve l’enfant sauvage qu’elle a été, cette difficulté à se sociabiliser, cette inaptitude à trouver sa place dans un monde matérialiste. Le défendre, c’est également préserver l’équilibre de l’écosystème de la planète. Son combat n’est pas idéologique, il est dicté par l’observation et le bon sens. « Aujourd’hui, écrit Hélène Grimaud, sur cette terre où l’homme pratique le grand génocide de la vie – chaque jour des dizaines d’espèces animales et végétales disparaissent –, où 16 125 nouvelles espèces sont menacées d’extinction, au rang desquelles, nouvellement désigné après l’ours polaire, l’hippopotame, il faut affirmer haut et fort que le loup est l’avenir de l’homme. » La musique est longuement évoquée dans l’ouvrage – comment pourrait-il en être autrement. C’est elle, après sa mère, d’origine corse, qui l’a éduquée. Mieux même : elle l’a élevée. Elle cite ses amis, qui ne la quittent jamais : Bach, Mozart, Haydn, Rachmaninov, Brahms, Chopin, et beaucoup d’autres. Hélène Grimaud n’élude aucune question. Elle parle également de la littérature, du féminisme, du piano, de son approche charnelle et sensuelle de l’instrument, du besoin de solitude, de nature pour retrouver l’équilibre perdu, de la foi si peu éloignée de la musique, de sa beauté que voulait filmer Ingmar Bergman. Hélène Grimaud est particulièrement touchante quand elle évoque son corps, ce corps qu’il convient de « dérider ». Au milieu des loups, dans la forêt, en compagnie de ses deux chiens, elle danse. Oui, elle danse avec les loups. Et là, elle fait « l’expérience physique de la joie. » Elle danse, comme dansait Bardot, la femme qui a tout sacrifié pour sauver les animaux de la souffrance infligée par l’Homme. Grimaud se souvient : « J’ai dansé ainsi pour la première fois enfant, en Camargue, dans les roseaux, après l’envol des chevaux dans celui des flamants roses. J’ai eu le désir soudain et irrépressible de virevolter, les bras tendus au ciel, les jambes ailées de gouttelettes qui volaient au soleil de son éclat. » Lisez ce livre. Vous verrez comme il fait du bien.

Hélène Grimaud, avec Stéphane Barsacq, Renaître, Albin Michel

Renaître

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Parking

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D.R.

Pierre-Louis vieillissait. Mal, à l’en croire – si tant est qu’existât une façon de bien vieillir. De manière imperceptible parfois, mais toujours irréversible, chaque jour qui passait ajoutait au fardeau de sa décrépitude. Sa vue baissait. Son ouïe déclinait. Au matin, avant que la machine se soit remise en route, il avait peine à se mouvoir. Sa mémoire, elle aussi, s’engourdissait. Il avait de plus en plus de mal à retrouver les noms et, plus encore, les prénoms qui lui étaient naguère familiers. Ainsi avait-il cherché en vain, une journée durant, le nom du bassiste qui accompagnait Dave Brubeck dans Take Five. C’est dire l’état de délabrement de ses neurones. Il en était atterré. Une brusque illumination vint soudain percer l’opacité morose dans laquelle il se mouvait. En compagnie de son épouse, il parcourait les allées interminables d’un parking souterrain, en quête d’une place où garer leur voiture. Quête vaine. Le rendez-vous fixé par l’opthtalmologiste en était compromis. Chaque minute écoulée le rendait plus improbable. Soudain, une trouée : quatre ou cinq places vides se profilaient à l’horizon et Rosalie qui, depuis plus d’un an, avait remplacé son mari aux commandes de leur véhicule, accéléra.
« Tu vois, Pierre-Louis, il ne faut jamais désespérer de la Providence.
Avec un peu de chance, nous arriverons à l’heure. ».
Déception. Sur le sol du parking, le dessin d’un fauteuil roulant, sur fond bleu, assorti d’une inscription : « réservé aux personnes handicapées ».
« Qu’importe !, s’exclama Pierre-Louis. Garons-nous quand même. Après tout, ne suis-je pas, moi aussi, handicapé ? »
Le déclic. L’idée avait germé dans son inconscient. Il ne restait plus qu’à officialiser une situation subie en silence depuis de trop longs mois. Il s’en ouvrit à l’ophtalmologiste.
« Nous allons, lui dit le praticien, procéder à une évaluation de votre champ visuel. Le rétrécissement de celui-ci sera, si j’ose dire, un atout pour la reconnaissance de votre handicap. Il faudra toutefois que votre médecin généraliste procède à un examen approfondi de vos autres déficiences ».
L’affaire était enclenchée. Le docteur Bonnemaison, praticien de sa famille, connaissait bien Jean-Louis et ses handicaps. En outre, manifestement coutumier de ce genre de démarche, il extirpa sans hésiter, du tiroir de son bureau, un formulaire.

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« Je dois, prévint-il, me livrer à un interrogatoire minutieux pour juger, notamment, de votre état mental. Quel est votre nom ? »
Pierre-Louis retint avec peine le fou-rire qui le gagnait.
« Mais enfin, docteur, vous le connaissez ! De surcroît, il figure sur ma carte Vitale !
– Bien sûr, je le connais. Mais vous ? Pouvez-vous me donner la date d’aujourd’hui ?
– 25 septembre 2023.
– Parfait. Voyons voir… Donnez-moi le second prénom de votre grand’mère maternelle.
– Elise. Ma grand’mère s’appelait Marthe Elise.
– Bien. Votre mémoire a l’air en bon état. Je remplirai le reste du formulaire. Il concerne votre état physique et votre dossier sur mon ordinateur me fournira tous les éléments nécessaires. A priori, votre dossier devrait vous valoir une réponse favorable. »
Il brandissait une épaisse liasse.
– « Il ne vous restera plus qu’à envoyer ceci au service compétent du Conseil départemental ».
Exécution immédiate. La réponse arriva au bout d’une quinzaine. Elle émanait du service social du département : « Monsieur, nous accusons réception de votre demande Elle sera examinée quand le dossier ci-joint, dûment rempli, sera venu la compléter. »
Ledit dossier était impressionnant. Il comportait la liste de pièces officielles dont les photocopies certifiées conforme par l’autorité municipale: extrait de naissance, carte d’identité, carte Vitale, carte bleue, carte d’électeur, carte de fidélité au supermarché, relevés d’imposition des dix dernières années, certificat de domicile, dernières quittances d’eau et d’électricité, photographies diverses permettant d’authentifier le tout. Au total, un colis de deux kilos, renvoyé recommandé, par la poste, une semaine plus tard. L’attente commença. Pierre-Louis dépérissait, soutenu seulement par le suspense entretenu. Celui-ci fut interrompu au bout de six mois. Une lettre recommandée émanant du Conseil départemental lui signifiait qu’après un examen détaillé, son dossier faisait apparaître des inexactitudes :
« Ainsi, le second prénom de votre grand’mère était Elisabeth, et non Elise. Quant à votre chien Basile, dont la race, à vous en croire, est celle d’un patou des Pyrénées, la photo jointe laisse clairement apparaître qu’il s’agit d’un labrit, chien de berger. En outre, la couleur de votre voiture n’est pas blanche, mais plutôt grisâtre. En conséquence de quoi nous vous renvoyons votre dossier que vous voudrez bien relire attentivement et rectifier avant de nous le retourner. »
Stupéfaction. Découragement. Ecœurement. Cette fois, la coupe était pleine. Pierre-Louis se plia de mauvaise grâce à ces nouvelles exigences, mais sans la moindre illusion. Et il se laissa doucement glisser. Jusqu’au matin où Rosalie le trouva inerte dans son lit. Aux lèvres, un étrange rictus qui pouvait ressembler à un sourire.
Une heure après, le facteur sonnait à la porte. Il brandissait une lettre recommandée. Rosalie eut un pressentiment. Lorsqu’elle l’ouvrit, elle découvrit le précieux carton et se dirigea sans hésiter vers la chambre funéraire. Pierre-Louis gisait, les mains jointes sur sa poitrine. Son épouse glissa entre ses doigts le sésame tant attendu et murmura à son oreille :
« Tu en auras sans doute besoin. Là-haut, il doit y avoir de sacrés embouteillages ! ».

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